Presse, prostitution, bas-fonds (1830-1930)

« Desinfectionner la littérature » : la presse contre la pornographie littéraire»

Table des matières

BRIGITTE DIAZ

Aussitôt qu'elle fut reconnue, des chuchotements coururent parmi les femmes honnêtes, et les mots de « prostituée », de « honte publique » furent chuchotés si haut qu'elle leva la tête.
Maupassant, Boule de suif

« Notre siècle est un siècle de putains, et ce qu'il y a de moins prostitué, jusqu'à présent, ce sont les prostituées1 » : avec la rage anti-moderne qui le caractérise Flaubert prend à rebours les clichés contemporains et fait de la prostitution l’apanage paradoxal de l’homo democraticus. Homais en est d’ailleurs l’illustration parfaite, lui dont la réussite finale est le juste prix de sa vénalité : « Il rendit secrètement à M. le préfet de grands services dans les élections. Il se vendit, enfin, il se prostitua ». Le xixe siècle, un « siècle de putains » ? difficile à dire, mais assurément un siècle obsédé par la putain – on dit alors plutôt la fille, qu’elle soit de « joie ou de misère2 ». Si la prostitution n’est pas une invention du siècle, elle est une de ses obsessions majeures, et la prostituée, qui, comme l’écrit Flaubert à propos du personnage de Nana, « tourne au mythe sans cesser d’être réelle3 », s’impose comme une figure incontournable du personnel social tout autant qu’un fantasme collectif où se cristallisent fascination et exécration de la femme. Encartée, comptabilisée, anthropométrisée4, la prostituée devient l’objet de prédilection de nouveaux discours scientifiques sur la criminalité urbaine et le rôle censé y jouer sa sexualité mortifère5. Faisant volontiers concurrence à la science, les romanciers du temps la prennent à leur tour comme objet d’études, dupliquant à l’infini ses avatars romanesques dans d’innombrables et quelque peu ressassantes « histoires de filles ». Plus conniventes qu’on ne le penserait, études scientifiques et fictions littéraires se nourrissent mutuellement et s’accordent sur les paramètres obligés de la « fille » : bêtise6, paresse7, cupidité8 et goût contre-nature de l’abjection : « on dirait que ces femmes se plaisent dans la fange et l’ordure », écrit Parent-Duchâtelet9. C’est dans cette imagerie simplifiée que la société bourgeoise du xixe siècle a voulu voir la prostituée, avec la caution d’une science très complaisante à ses attentes. S’il est important de rappeler en préambule ce « génotype » de la fille, ce n’est pas de la prostituée, en tant que type social, sociotype, ou même personnage fictionnel, qu’il sera question ici, mais de la métaphore de la prostitution, constamment convoquée dans les débats qui prennent place sur l’arène journalistique au cours des années 1880. Journalistes et écrivains se renvoient alors l’accusation de prostitution et de pornographie : procès mutuel sans fin qui en dit long sur les rivalités mais aussi sur les collusions entre presse et littérature en cette fin du XIXe siècle.

« 1880, année pornographique » 

Avant d’être une métaphore, la prostitution est un thème omniprésent dans le discours social de ces années 1880, aussi bien dans les romans et pièces de théâtre, que dans les nosographies, études, débats juridiques et plus encore dans les polémiques qui prennent place dans l’espace du journal. Zola en témoigne dans un article donné dans le Figaro du 21 février 1881 sur l’étiologie de la prostitution : 

On s’est beaucoup occupé des filles dans ces derniers temps. J’ai moi‑même fait un article10, et à ce propos on m’a écrit un grand nombre de lettres. De toutes les questions qu’on m’a posées il est ressorti pour moi que peu de gens savent dans quel fumier spécial pousse la fille à Paris. Je risquerai donc, si l’on veut bien me le permettre, un étude d’observateur et de moraliste sur ce chancre de la prostitution qui nous dévore.

En cette année 1880 on s’occupe tant des filles dans la presse comme en littérature, que Jules Claretie, dans Le Temps, déclare l’année 1880, « année pornographique11 ». Du côté du journal, en effet, beaucoup se font, comme dit Zola, « une spécialité d’histoires grivoises » et de ces « polissonneries qui ont fait autrefois le succès de la Vie parisienne12 ». C’est le cas du Gil Blas, qui régale ses lecteurs avec des chroniques aux titres alléchants comme les « petites chroniques du pavé » de Jean Richepin et autres « histoires de femmes» signées Pedro Garcias. Tout autour, c’est une efflorescence de petites feuilles plus ou moins caduques qui exploitent le filon avec des titres sans ambiguïté quant à la nature du contenu : Le Boudoir. Gazette galante (30 mai - décembre 1880), Le Piron (juillet 1880), Le Boccace. Gazette des mœurs du jour (septembre - octobre 1880), Le Decameron. Histoires et contes d'amour (4 septembre 1880), La Lanterne des cochers de Paris (18 septembre 1880), L'Asticot. Journal des taquins, des rageurs et des pêcheurs à la ligne (18 septembre 1880), Boccaccio (27 novembre 1880)13.

Du côté du livre, ils sont nombreux également à décliner la figure de la prostituée. Le roman avant-coureur de Huysmans, Marthe, histoire d’une fille, en 1876, a ouvert une longue généalogie de récits de filleLa Fille Élisa de Goncourt en 1877 ; Nana, publiée en feuilleton dans le Voltaire (16 octobre 1879 - 5 février 1880), puis en volume chez Charpentier ; La Fin de Lucie Pellegrin, de Paul Alexis ; Les Soirées de Médan avec notamment Boule de suif et l’Affaire du Grand 7 de Léon Hénnique...14 Avec ces fictions relatant invariablement le même parcours de déchéance de la prostituée, on est très loin des splendeurs et misères des courtisanes balzaciennes et des récits libertins du XVIIIe siècle, mais aussi des chroniques salés et salaces de la petite presse. La chair y est définitivement triste15, et la sexualité anatomisée dans un tableau clinique sans concession, comme dans le roman d’Adolphe Tabarantau titre emblématique, Virus d’amour, qui n’épargne à son lecteur aucun détail de la pathologie vénérienne et des ravages qu’elle cause dans le corps de la prostituée Alphonsine16. Certes, comme s’en félicite Zola, on ne trouvera pas dans ces « études noires et austères » la séduction du « vice enguirlandé17 », et la peinture de la sexualité y relève plus de « l’amphithéâtre » que de « l’alcôve galante18 ». Ce n’est pas pour autant un bon point pour la critique moraliste qui voit dans ce tableau à cru des réalités prostitutionnelles les plus physiologiques le symptôme d’une littérature en décomposition : « Ce n’est plus même la courtisane que nos romanciers se plaisent à peindre, ils marquent je ne sais quel goût étrange pour la prostituée », déplore le très pudibond Francisque Sarcey19.

Pour évoquer cette littérature jugée obscène qui donne à voir l’univers et les pratiques de la prostituée c’est le mot de pornographie qui s’impose20. Conformément à l’étymologie du terme, réinventé en quelque sorte par Restif de la Bretonne dans son livre Le Pornographe ou la prostitution réformée21 : le pornographe est celui qui traite de la pornè, la prostituée en grec ancien. Les pornographes, en l’occurrence, ce sont les naturalistes, ceux qu’on appelle aussi les « écrivains de filles » : à la limite pornographie et naturalisme deviennent au regard d’une certaine critique des termes synonymes, comme le suggère parmi bien d’autres une petite brochure intitulée La Flore pornographique, Glossaire de l’École naturaliste22, où l’auteur, Antoine Laporte, dénonce les « pornographes de l’école moderne », et leur vocabulaire ordurier.

Sujet récurrent des violentes polémiques qui opposent romanciers et criti-ques : l’extension supposée du domaine pornographique et les responsabilités qui en incombent à la presse et au livre. C’est en un combat très médiatisé que s’affrontent périodiquement les « censeurs bénévoles » du journal et les « écrivains de filles », tour à tour en posture de juges et d’accusés, autour de l’idée de pornographie, devenue la pierre de touche de leur antagonisme.

« Désinfectionner la littérature ! »

La cible de ces violentes diatribes journalistiques c’est donc « la littérature pornographique », on dit aussi la littérature obscène, putride, ou encore la littérature d’égouts, de fange, de crotte...23 Les attaques qui se déchainent contre elle dans la presse s’en prennent aussi bien au journal qu’au livre, au journaliste qu’à l’écrivain ; mais l’on sait que ce sont souvent les mêmes. Car s’il y a des « artistes en ordure », régulièrement vilipendés par la critique journalistique24, vu d’en face, du côté des écrivains, on dénonce « les pornographes du journalisme », et l’obscénité des « moniteurs spéciaux et des gazettes attitrées », où elle est le « gagne-pain de camelots du journalisme25 ».

Sans rentrer dans le détail de ces campagnes périodiques contre la pornographie, ce « psoriasis moral26 », on peut citer Francisque Sarcey qui se fait dans le journal Le XIXe siècle le grand pourfendeur d’une pornographie qui s’étale dans d’autres journaux, comme le Gil Blas, avant de s’en prendre nommément aux pourvoyeurs de ladite pornographie, c’est-à-dire aux écrivains qui, comme Maupassant, y publient leurs « études de filles et de pochards27 ». Dans une série d’articles intitulés « La littérature pornographique », Sarcey, fustige « les industriels en malpropreté » et autres « bandits de la plume et du crayon », qui « méritent 100 fois de passer en police correctionnelle28 ». Doublement prostitués, ces journaux le sont, dit-il, parce qu’ils se vendent d’autant mieux qu’ils vendent des histoires de « femme en carte et en maison29 », à l’instar du Gil Blas30 qui, affirme-t-il, décuple grâce à cela son tirage. Émanant d’une critique qui porte haut l’étendard de l’ordre social (Francisque Sarcey au xixe siècle ; Albert Wolff au Figaro ; mais aussi Armand de Pontmartin, Ernest Raynaud...) ces attaques s’en prennent à la fois à « l’invasion de la grossière obscénité dans la littérature courante31 », comme dit Wolff, mais aussi à sa prolifération exponentielle induite par le support du journal. Un des points majeurs de leur condamnation est cette activation incontrôlable de la pornographie qui gangrène tout le corps social, comme le virus syphilitique ravage les chairs cariées de la prostituée. Le journal qui circule librement dans l’espace public mais aussi domestique est le vecteur majeur de l’infection, il pollue la rue et le reste, car, comme l’écrit un journaliste dans une chronique du Temps intitulée « Les jouets pornographiques » : « pour que le foyer soit sain il faut que la rue soit propre32 ». Dans un article particulièrement virulent d’aout 1880, Albert Wolff retrace le flux ordurier qui part des lupanars pour arriver dans la rue via le journal et il accuse une certaine presse de favoriser cette « descente sur les boulevards des gros numéros et de leurs mystères » :

Une immonde littérature, répugnante dans sa grossièreté remplaçait tout doucement les nobles jeux de l’esprit parisien ; chaque jour voyait naître un nouvel organe, plus dégradant encore que son aîné pour la capitale du monde ; dans les kiosques, accessibles à tous les collégiens, s’étalait une littérature qui, non contente d’appeler par leurs noms les immondices de basse galanterie était assisté d’illustrateurs chargés de rendre plus palpables encore ces petites saletés contemporaines. Avec chaque nouvel article, avec son nouveau dessin on se disait que l’ordure moderne était arrivée au point culminant33

Il en appelle à la censure et au Parquet pour, dit-il, « désinfectionner la littérature moderne » et mettre fin à cette « épidémie d’obscénité » qui se « répand librement dans Paris, depuis les quartiers élégants jusque dans les faubourgs, où les journaux dit populaires l’introdui[sent] par la voie du feuilleton. » Sur ce point au moins, Wolff est d’accord avec Zola qui dénonçait lui aussi dans un article de 1872 l’abjection du feuilleton, cette « sentine du journal », qui est comme « l’égout où croupit toute la sottise de la rédaction34 ». De fait, plus d’un feuilleton scandaleux tombera sous le coup de la censure, comme ce feuilleton du Petit Républicain au titre racoleur : « Les Passions honteuses, 1re partie Les Grandes noceuses », paru le 12 octobre 1880 et aussitôt suspendu pour cause d’arrestation de son auteur35.

Belle illustration de cette pandémie pornographique que tous dénoncent alors, le dessin de Robida dans La Caricature du 6 mai 1881, qui montre un espace public où la pornographie est devenu l’argument de vente essentiel, depuis la pharmacie qui dispose de « bustes en marbre d’Hippocrate et de Nana », jusqu’à « l’institution libre » où des jeunes « bachelières es pornographie » dispensent des cours pour les jeunes gens à partir de 12 ans ... Si certains considèrent que le journal est coupable de diffuser ce qui devrait resté caché, pour d’autres ce n’est pas tant le support mais l’écrit pornographique et son auteur qu’il faut condamner. L’objet du procès se déplace alors du journal qui publie en feuilleton ces récits à l’auteur qui en est la source. C’est lui le grand coupable, et la justice témoigne de cette hiérarchie dans la criminalité en condamnant plus lourdement le livre et son auteur, passible de la cours d’assises, tandis que le journal et son patron n’encourent que le tribunal correctionnel36. Les années 1880 sont celles des condamnations contre les romanciers naturalistes, parfois très lourdes et avec des conséquences tragiques. Louis Desprez est condamné à un mois de prison en 1885 pour son roman Autour d’un clocher, sous-titré « Mœurs rurales », publié en décembre 1884 chez Kistemaeckers. Tuberculeux, il ne résistera pas à son séjour à Sainte-Pélagie et meurt quelques mois plus tard37.

Le procès de la pornographie a tendance à se confondre avec celui du roman naturaliste. Marie Deraisme diagnostique l’origine de la maladie morale contemporaine dans un ouvrage éloquemment intitulé Épidémie naturaliste. Elle y formule l’équation qui met en équivalence naturalisme, prostitution, pornographie ; c’est pour mieux « se vendre » que les naturalistes se spécialisent dans les récits de filles : 

Pourquoi donc les auteurs, les écrivains, gardent-ils le silence sur cette partie la plus saine de la société et ne nous mettent-ils sous les yeux que la plus tarée et la plus criminelle ? La raison en est simple, c'est qu'ils n'écrivent pas pour moraliser, mais pour gagner de l'argent, et que le vice et le crime offrent des tableaux à sensation qui ont prise sur la masse du public ; et que cette peinture au niveau de toutes les intelligences, voire même les plus incultes, les dispense de style et de talent, et qu'ils l'adoptent comme étant la plus facile et la plus lucrative38.

Un des arguments les plus souvent brandis par les anti-naturalistes dans cette bataille littéraire39, c’est le lien analogique qui existerait entre le texte et son objet : « La littérature naturaliste, écrit Laporte dans son Petit traité de littérature naturaliste d’après les maîtres, me fait l'effet d'une prostituée qui, drapée de soies luxueuses traînées dans la boue des ruisseaux, étale effrontément, dans un argot emphatique, ses réalités sexuelles et ses brutalités naturalistes40 ». De cette analogie fantasmée on passe insidieusement à l’idée d’une causalité, en dénonçant la culpabilité de l’écrivain qui induirait par ses fictions une criminalité réelle : 

Parmi ces crimes, ces vices, ces passions, ces infamies, ces monstruosités parfois invraisemblables qui viennent, comme ces épaves pourries que charrient les fleuves et les égouts, échouer sur les bancs de la cour d'assises, n'y en a-t-il pas une moitié qui sortent de certains livres naturalistes, comme les vers de la charogne. Pourquoi donc l'un est-il puni et l'autre non ?41

D’autres vont plus loin encore établissant par un glissement métonymique l’identité entre « l’écrivain de fille », comme les appelle Ernest Raynaud, et la fille elle-même. La diatribe qu’il lance contre Zola est d’une violence inouïe, faisant du personnage le reflet fidèle de son créateur : 

Zola, c’est Nana ! Il n’est pas jusqu’au nom qui n’offre – en sa sonorité dissyllabique de tam-tam – une frappante analogie. Nana, c’est Zola. C’est le symbole de sa vie publique, à cette courtisane des lettres, qui s’étala pendant dix ans sur les affiches des murs et dans les manifestes des préfaces, et que consacrèrent les fanfares triomphales des centièmes éditions. Pendant 10 ans Zola accapara exclusivement les libraires comme Nana le trottoir, démembrant, pillant, saccageant les réputations des confrères, faisant la retape jusque dans les rédactions exotiques, promenant sur la chaussée le quadrige de sa gloire de mi-carême, de pharmacien de Sainte‑Menehould, de savonnier du Congo.

Aujourd’hui la gloire flambe encore, mais la mèche commence à charbonner. [...] C’est la baisse, le tour de entrepreneurs de démolitions, des gros négociants de Bercy : Zola, ce sera Nana jusqu’au bout, Nana mourant abandonnée dans une chambre d’hôtel, aux premières lueurs d’un incendie d’une révolution ; il mourra, lui, dans la débâcle de son talent, les chairs dissoutes, liquéfiées par la basse prostitution, aux cris de guerre des romanciers symbolistes et des poètes décadents. Est-ce qu’il ne patauge pas déjà dans les ruisseaux marécageux du feuilleton42.

Étonnante assimilation de la fiction et du réel, du corps de la prostituée et de celui de l’auteur ! On sait jusqu’à quels extrêmes iront les détracteurs de Zola, dénonçant, comme les cinq conjurés du Manifeste, son « violent parti pris d’obscénité », dû, insinuent-ils, à une « maladie des bas organes de l’écrivain » et « à des manies de moine solitaire ». On sait aussi combien la science curieuse des rapports entre écriture et morbidité, verra volontiers dans la maladie, et plus particulièrement la maladie vénérienne, un ingrédient important dans l’alchimie du génie. Telles sont les thèses du docteur Voivenel qui consacre dans son ouvrage sur La Folie de Maupassant tout un chapitre intitulé éloquemment « Syphilis et Génie43 ».

« Les écrivains de filles » contre « les filles de lettres »

Comment les écrivains ont-ils répondu à ces accusations émanant du journal ?44 Globalement, en retournant les chefs d’accusation contre les critiques des journaux, tout en se servant paradoxalement de la tribune du journal pour faire son procès. C’est le cas de Zola qui officie durant l’année 1880 dans le même organe qu’un de ses détracteurs, Albert Wolff, le Figaro45.

Accusés d’êtres des « écrivains de filles », voire, des « filles » eux-mêmes, ils contre-attaquent en dénonçant la prostitution du journal et de ses acteurs : ceux que Goncourt appelle les « journaliers des lettres » et que Zola qualifie de « filles de lettres ». Reprenant un topos déjà exploité à l’époque romantique, Zola retrace dans un article de 1872 le parcours emblématique des Lucien de Rubempré de province. Leur histoire, c’est un peu « l’odyssée d’une fille » version masculine : 

L’histoire des filles de lettres est la même. Ils sont venus pour être vertueux ; un journal les a séduits, et ils ont roulé carrosse pendant dix ans, entretenus par tel ou tel parti ; puis, quand la vieillesse est arrivée, ils ont eu la ressource de se faire balayeur ou chiffonnier. 

Les nouvelles conditions du journalisme ont profondément disloqué le monde littéraire. Depuis qu’il y a boutique ouverte d’esprit, les plus intelligents se vendent en menue monnaie. Le livre est trop long à murir ; il effraie. On en arrive à avoir peur d’un article de trois cents lignes. Cent lignes suffisent. C’est tout l’effort dont notre génération est capable46.

L’idée du journal comme lieu de prostitution de la pensée et de l’art n’est pas nouvelle : elle parcourt tout le siècle avec ses champions, comme les Goncourt, ou Flaubert qui s’est toujours refusé à écrire dans ces boutiques parce que les journaux sont « d’infâmes putains qui font les coquettes47 ». Y publier, dit-il, « c’est de la prostitution au plus haut degré », pas moins pire que de « prêter son cul pour dix francs !48 »

Dans les années 1880 le débat n’est pas tant celui de la prostitution que celui de la pornographie dans les lettres, même si les deux sont intimement liées. Accusé d’être le père fondateur de cette « littérature obscène », et de certains journaux qui la propagent, puisqu’on lui attribue nommément la paternité du Gil Blas qui serait né des « crudités de L’Assommoir et de Nana49 », Zola a beaucoup argumenté sur la question et pas seulement « pro doma mea », pour reprendre le titre d’un de ses articles50. Les divers écrits de 1880 autour « de la moralité dans la littérature » et de la « littérature obscène », repris dans Le Roman expérimental, constituent une somme assez complète sur les débats du temps. Sans détailler ici l’argumentaire on rappellera qu’il se fonde sur la dénonciation de l’imposture généralisée du journal qui joue l’indignation morale devant l’obscénité de la littérature mais qui étale par ailleurs l’obscénité plus grande encore du fait divers : 

Comment les journaux si pudibonds à leur rez-de-chaussée, sont[-ils] si malpropres à leur troisième page ? Je n’entre pas dans la discussion littéraire de l’imagination et de la réalité, j’examine seulement un fait, je dis qu’il y a un manque absolu de logique à parler de la dignité du journal, du respect dû aux familles, si après avoir fait la police du roman, on publie sans hésitation toutes les infamies des tribunaux51.

Imposture également des « censeurs bénévoles » de la presse qui se posent en gardien de la vertu quand le journal vit en réalité sur la spéculation du vice. Derrière le paravent du discours moral Zola pointe les réalités économiques du journal, géré comme une entreprise capitaliste dont le cours varie selon les caprices du client, et qui est bien forcé de fournir à l’abonné la marchandise qu’il veut consommer : 

Je voudrais bien voir un journal qui refuse à ses abonnés ce que ceux-ci lui demandent. Par ces temps d’aplatissement aux pieds du public, la presse n’est pas une immense flagornerie à l’adresse des lecteurs ? [...] Quelle est la feuille qui se plante carrément au milieu de la route et qui résiste au grand courant de la sottise ou de l’ordure humaines ?52

Sur le chapitre de la tartufferie du journal les hommes de lettres sont intarissables, comme Feydeau, qui dans la préface de son intéressant ouvrage, « Du luxe, des femmes, des mœurs de la littérature et de la vertu », se déchaine contre le journal La France, qui a appelé dans ses colonnes la presse à « devenir un phare » et à « entrer en campagne pour dire aux mères de famille qu’elles feront bien de bannir de leur foyer tout ce qui ressemble à un écho du demi-monde...53 » Ce qu’ils dénoncent, et Zola un peu plus nettement que tous, c’est le principe de spéculation qui gouverne le journal. À côté des « spéculateurs de l’obscénité moderne54 », il y a des « spéculateurs de vertu », qui « se font des rentes avec leur moralité55 ». Les uns « battent monnaie avec les appétits les moins nobles du public » les autres avec « la fausse pudeur » du bourgeois56. Et derrière l’obscénité pornographique, dont Zola montre somme toute la relativité57, il fait émerger une autre obscénité, non plus celle du sexe, mais celle de la finance. En dépit de généralisations parfois extrêmes, il est sur la question d’une grande clairvoyance, ayant saisi déjà combien les medias, et plus largement toutes les productions culturelles, sont sous la mainmise des financiers, autrement dit que ce que les vertueux appellent la « prostitution » n’est rien d’autre que le règle d’or de l’économie capitaliste :

Personne n’ignore que les journaux qui posent en défenseurs sévères de la morale, sont pour la plupart vendus à des compagnies financières, embusquées à la troisième page ou à la quatrième page, détroussant les lecteurs naïfs qui se hasardent. Ce sont des coupe‑gorge plus ou moins discrets, le vol organisé, des tripotages sans nom, des mensonges imprimés en grosses lettres et en gros numéros, raccrochant publiquement les monde.[...]

Aplatissement partout et en tout devant l’abonné, voilà en somme l’attitude universelle de la presse. On parle de vérité, et il y a certainement des journalistes convaincus ; mais la boutique l’emporte quand même, au milieu du tohu-bohu des opinions contraires58.

En dépit des accusations véhémentes que se renvoient l’un et l’autre camp, il y a incontestablement une proximité, presque une promiscuité, voire une connivence inavouée et inavouable entre presse et littérature en ces années « pornographiques » 1880-1890, et la prostitution est en quelque sorte la figure qui allégorise cette liaison dangereuse les unissant. Un Goncourt a beau dire « le journal est une fille, le livre un honnête homme » : l’un et l’autre sont « filles », en ce sens qu’ils misent leur succès sur une transaction honteuse et secrète par lesquelles ils exploitent ce qu’ils disent dénoncer. C’est ainsi que le journal croît et prospère sur la « bas‑fondmanie » du public, bien servi par la « bas‑fondmanie » des écrivains, qui livrent en feuilleton dans la presse leurs histoires de filles59. Mais l’écrivain de son côté n’est pas vierge de toute compromission puisqu’il répond lui aussi à la sollicitation du public et du journal en utilisant son support, tout en se défendant de participer à la pornographie généralisée qu’il stigmatise par ailleurs. Entre le refus de se compromettre sur les pages du journal que professent certains, comme Flaubert, et la posture polémique de dénonciation adoptée par d’autres, on frôle dans tous les cas la dénégation car finalement les écrivains sont toujours plus ou moins forcés d’en passer par le journal. C’est sans doute pourquoi d’autres adoptent une posture plus pragmatique, comme Maupassant qui se garde de faire tout procès moral à la presse ou à la littérature pornographiques, mais façonne avec la matière première journalistique qui s’étale dans la rubrique des faits divers de nouveaux objets littéraires, entre conte et chronique, apparemment conformes à la demande du consommateur, mais en réalité assez retors. Maupassant module les scénarios prostitutionnels dont les lecteurs sont friands mais pour en donner une vision singulière qui prend à rebours le consensus moral bourgeois ; c’est ce qu’il fait dans Boule de suif. Il faut donc considérer avec une certaine prudence la guerre fratricide entre presse et littérature, journaliste et écrivain, qui se mène avec une violence tout ostentatoire dans ces années 1880 autour de la question de la pornographie. Au delà des oppositions idéologiques un peu simples, reste cette étrange séduction que la prostitution a exercée sur les littérateurs et les artistes de cette fin de siècle, et dont Flaubert parle avec un lyrisme triste. Tout en haïssant la prostitution généralisée de son siècle toujours prêt à se vendre au plus offrant, il se dit à rebours fasciné par la prostitution, la vraie, qui suscite en lui une sorte de vertige existentiel et porte la rêverie poétique bien au delà des bornes de la morale bourgeoise : 

C'est peut-être un 
goût pervers, mais j'aime la prostitution et pour elle-même, indépendamment de ce qu'il y a en dessous. Je n'ai jamais pu voir passer aux feux du gaz une de ces femmes décolletées, sous la pluie,
 sans un battement de cœur, de même que les 
robes des moines avec leur cordelière à nœuds me chatouillent l'âme en je ne sais quels coins 
ascétiques et profonds. Il se trouve, en cette idée de la prostitution, un point d'intersection si complexe, luxure, amertume, néant des rapports humains, frénésie du muscle et sonnement d'or, qu'en y regardant au fond le vertige vient, et on apprend
 là tant de choses ! Et on est si triste ! Et on rêve si 
bien d'amour ! Ah ! faiseurs d'élégies, ce n'est pas sur des ruines qu’il faut aller appuyer votre coude, mais sur le sein de ces femmes gaies60.

(Université de Caen Basse-Normandie Laslar/EA4256)

Notes

1  Lettre de Flaubert à Louise Colet, 29 janvier 1854, Correspondance de Flaubert, édition établie par Jean Bruneau, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1980, p. 518.

2  Selon le titre d’un roman d’Henri Boutet, Filles de joie et de misère (1913).

3  Lettre à Zola du 15 février 1880, Œuvres complètes, Club de l’Honnête homme, t. XVI, n ° 3592, p. 221.

4  Voir cette Étude anthropométrique sur les prostituées et les voleuses, de Pauline Tarnowsky, Paris, 1889.

5  C’est ainsi qu’un Maxime Du Camp dans Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans la seconde moitié du 19e siècle, accorde tout un chapitre à la prostitution dans la rubrique qu’il consacre à la criminalité.

6  « Les filles suent la bêtise », écrit Zola dans un article du Figaro sur les origines de la prostitution éloquemment intitulé « Comment elles poussent ». « Plus elles sont belles, écrit-il, plus elles sont bêtes », à tel point qu’« un loto en famille est plus gai qu’un souper avec des filles dans un restaurant de nuit ». Le Figaro, 21 février 1881.

7  « La paresse, la nonchalance et la lâcheté des prostituées sont devenues pour ainsi dire proverbiales » Alexandre Parent du Châtelet, La Prostitution à Paris au xixe siècle , cité dans Un joli monde, romans de la prostitution, M. Dottin-Orsini, D. Grojnowski éds., Laffont, 2008, p. 999.

8  « La prostituée considère comme monnaie ses clients, et souvent le désigne ainsi : voilà mon écus, mon louis. » La Femme criminelle et la prostituée, 1893, cité dans Un joli monde, romans de la prostitution, op. cit., p. 1079.

9  Cité par Mireille Dottin-Orsini dans Cette femme qu’ils disent fatales, Grasset, 1993, p. 58.

10  « La Fille au théâtre », Le Figaro, 12 janvier 1881.

11  Jules Claretie clôt ainsi son article : « Pour être franc, cependant, cette poussée de feuilles de honte, cette éruption de psoriasis moral, pourrait bien être la caractéristique de l'année qui s'en va. Il y a des baptêmes de promotions, à Saint-Cyr, lorsqu'on jette aux orties le schako de l'École et qu'on revêt enfin l'uniforme du régiment. On pourrait aussi baptiser, à l'heure de leur mort, les années qui s'effondrent et dont les faits et gestes nous font dire, étonnés. Quoi donc ? Ce sera là de l'Histoire ? Et si l'on cherche pour ces douze mois une étiquette louangeuse, je demande qu'on lui cloue, du moins, cet écriteau sur la boîte à joujoux qui lui servira de bière : « Ci-gît 1880 l'Année Pornographique ». Le Temps, 28 décembre 1880.

12  Zola, « De la moralité en littérature », Documents littéraires, Œuvres complètes, édition d’Henri Mitterand, Cercle du Livre précieux, 1969, t. 12, p. 489 ( abrégé en OC).

13 Sur ces journaux éphémères, voir l’article de Jean-Didier Wagneur, « Carle Max : Misère de la pornographie », Curieux curiosa. Onzième Colloque des Invalides, 9 novembre 2007, [Centre culturel canadien, Paris], textes réunis par Jean-Jacques Lefrère et Michel Pierssens.‑Tusson : Du Lérot, impr. 2009.

14  Voir J.-P. Dutel, Bibliographie des ouvrages érotiques publiés clandestinement en français entre 1880 et 1920, Chez l'auteur (16, rue Jacques Callot, 75006 Paris), 2001. Selon Dutel, c’est à partir de 1895 que Paris devient, après la Belgique et la Hollande, le grand centre de production de littérature pornographique.

15  Zola se fait l’écho de cette critique adressée aux romanciers naturalistes : « Nous ne sommes pas grivois, dans le sens aimable et léger du mot. On nous accuse avec raison de manquer de gaieté et d’esprit, car nos études restent noires, austères, trop approfondies, pour garder cette fleur de surface qui est le grand charme du conte. » « De la moralité en littérature », OC, t. 12, p. 501.

16  Adolphe Tabarant, Virus d’amour, Bruxelles, Kistemaeckers, 1886. Repris dans Un joli monde, romans de la prostitution.

17  « De la moralité en littérature », OC, t. 12, p. 498.

18  Ibid., p. 496.

19  Rapporté par Maupassant dans « Chronique », Le Gaulois, 20 juillet 1882.

20  Voir Dominique Maingueneau, La littérature pornographique, Armand Colin, « 128 », 2007, p. 5.

21  Restif de la Bretonne, Le Pornographe ou la prostitution réformée, 1769.

22  Sous le pseudonyme d’Ambroise Macrobe, Paul Lisson, 1883 (Slatkine Reprints Genève, 1968). Dénonçant les « pornographes de l’école moderne », il se propose de faire le glossaire de leur langue elle aussi pornographique : « Nous avons cueilli, dans le jardin pornographique, les fleurs nées de la culture du réalisme et du naturalisme ; nous en avons formé une gerbe, une corbeille que nous présentons au public […]. Quand on voit ce qu'est devenu le latin entre les mains des notaires et des pères de l'Église, n'est-on pas en droit de se demander ce que deviendra le français sous la plume des pornographes de l'école moderne? »

23  Voir Barbey d’Aurevilly sur Zola : « M. Émile Zola, l’auteur de L'Assommoir, cet Hercule souillé qui remue le fumier d'Augias et qui y ajoute !… M. Émile Zola croit qu'on peut être un grand artiste en fange comme on est un grand artiste en marbre. Sa spécialité, à lui, c’est la fange. Il croit qu'il peut y avoir très bien un Michel-Ange de la crotte ... » Jules Barbey d'Aurevilly, Les Œuvres et les Hommes (3e série) – XVIII. Le roman contemporain, Paris, Lemerre, 1902, p. 231, 238 et 239.

24  Dans son article « De la moralité », inséré dans Le Roman expérimental, Zola rappelle cette formule appliquée à Huysmans : « Vous, mon brave Huysmans, vous qu’on a appelé un « artiste en ordures. » OC, t. 10, p. 1330.

25  Formule qu’on trouve dans un article du Temps non signé mais attribué à Jules Claretie, intitulé : « Les Jouets pornographiques. Une Lettre », Le Temps, 30 décembre 1880.

26  Ibid.

27  Cité par Maupassant dans sa chronique « Les bas-fonds », Le Gaulois, 28 juillet 1882.

28  Francisque Sarcey, Le XIXe siècle, « La littérature pornographique », articles des 27 juillet et 8 aout 1880.

29  Francisque Sarcey, Le XIXe siècle, « La loi sur les écrits pornographiques », 3 juillet 1882.

30  « Un journal s’est fondé, il y a quelques mois, qui tirait à quelques centaines d’exemplaires. il mourait d’anémie. [...] Un matin, il publie, sous forme de chronique, une de ces histoires que les jeunes gens se content après boire, quand ils sont entre eux et qu’ils ont lâché la bride à ce fameux cochon que tout homme porte au fond de son cœur. [...] Et voilà que ce journal qui titrait à 300 tire à 3000. » « La littérature pornographique », Le XIXe siècle, 27 juillet 1880.

31  Albert Wolff, Le Figaro, 14 août 1880.

32  « Les Jouets pornographiques. Une Lettre », Le Temps, 30 décembre 1880.

33  Le Figaro, 14 août 1880.

34  « Les articles sont bien faits ; on balaie toutes les ordures au rez-de-chaussée. C’est la sentine du journal, l’égout où croupit toute la sottise de la rédaction. Cela est accepté. Aucun homme bien élevé ne se hasarde dans le feuilleton. On sait que la fosse est là. » Lettres parisiennes, La Cloche 21 aout 1872, OC, t. 10, p. 961.

35  « Un quotidien, Le Petit Républicain, se trouvait un jour en panne de roman-feuilleton. Alexis Bouvier, sollicité, dût renoncer, Émile Blain contacté accepte et, arguant de la précipitation, livre ses feuilletons directement à l’imprimerie. La chose parut dès le 12 octobre 1880 et fut même imprimée à 400.000 exemplaires pour être distribuée comme « numéro réclame » dans tout Paris. Titré « Les Passions honteuses, 1e partie Les Grandes noceuses », il ne tint pas longtemps le rez-de-chaussée littéraire du journal : le 17 octobre paraissait, en page une, un encadré laconique : « L’auteur du feuilleton Les Passions honteuses ayant été arrêté hier matin, la copie n’a pu nous parvenir pour le présent numéro », Jean-Didier Wagneur, article cité.

36  Voir Yvan Leclerc, Crimes écrits, La littérature en procès au 19e siècle, Plon, 1991.

37  Voir le dossier établi par Yvan Leclerc, op. cit., p. 391-394. Après la mort de Louis Desprez, Zola écrit un hommage le 9 décembre 1885 dans le Figaro : « La loi inepte qu’on a votée pour empêcher le trafic malpropre d’une douzaine de polissons ne devait-elle pas égorger d’abord un pauvre enfant qui promettait un écrivain de race ? Toujours l’effroi de la liberté, cet effroi qui, un de ces beaux matins, nous mettra au cou le carcan d’un dictateur. »

38  Marie Deraisme, Épidémie naturaliste, Dentu, 1888, p. 79.

39  Voir Alain Pagès, La Bataille naturaliste, Essai sur la réception du naturalisme à l’époque de Germinal, Librairie Séguier, 1989.

40  Petit traité de littérature naturaliste, (d’après les maîtres), Camille Berriat, Albert Heimann, Vanier, 1880. C’est le même Laporte qui fournit en 1883 La Flore pornographique, Glossaire de l’École naturaliste.

41  Ibid.

42  Raynaud, Ernest, « Les écrivains de fille », Mercure de France, juillet 1890, p. 231-238.

43  Paul Voivenel et Louis Lagriffe, La Folie de Maupassant, La Renaissance du livre, 1929. Cité par Patrick Wald Lasowski, Syphilis, Essai sur la littérature française du 19e siècle, Gallimard, « Les Essais », 1982, p. 16.

44  Elles peuvent aussi émaner d’écrivains, comme c’est le cas avec le Manifeste des cinq, signé par d’anciens naturalistes, dont Bonnetain, l’auteur du fameux Charlot s’amuse, roman de l’onanisme.

45  C’est le cas pour sa collaboration au Figaro, de septembre 1880 à septembre 1881, où il aura une altercation verbale avec Albert Wolff (« Pro doma mea », 18 juillet 1881).

46  Lettres parisiennes, La Cloche, 21 août 1872, OC, t. 10, P. 961

47  À George Sand, 18 février 1876, Correspondance Gustave Flaubert-George Sand, édition établie par Alphonse Jacobs, Flammarion, 1981, p. 523.

48  Comme il l’écrit dans une lettre à Feydeau : « Un 
livre est une chose essentiellement organique, cela 
fait partie de nous-mêmes. Nous nous sommes arrachés 
du ventre un peu de tripes, que nous servons aux 
bourgeois. Les gouttes de notre cœur peuvent se
 voir dans les caractères de notre écriture. Mais une
 fois imprimé, bonsoir. Cela appartient à tout le 
monde ! La foule nous passe sur le corps ! C’est de 
la prostitution au plus haut degré et de la plus 
vile ! Mais il est reçu que c'est très beau, et
 que prêter son cul pour dix francs est une infamie.
 Ainsi soit-il !
 », 11 janvier 1859, Correspondance, édition établie par Jean Bruneau, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 5.

49  « C’est ainsi que des critiques, doués d’une singulière clairvoyance, viennent de m’accuser d’être le père véritable du Gil Blas, qui serait né des crudités de l’Assommoir et de Nana. » De la moralité en littérature, Documents littéraires, OC, t. 12, p. 496.

50  Le Figaro, 18 juillet 1881 : « Attaqué de toutes parts, et presque toujours d’une façon odieuse, je n’ai naturellement que deux partis à prendre : ne pas répondre, ce que je fais neuf fois sur dix, et passé pour un homme écrasé sous des réquisitoires triomphants ; ou répondre, et alors être convaincu d’avoir encombré la presse de ma personnalité vaniteuse. »

51  Et il poursuit : « quand on a décrit avec les raffinements du reportage la pissotière de M. de Germiny, on n’a pas le droit d’empêcher les amoureux de nos romans de s’aimer librement sous le soleil. » « De la moralité », Le Roman expérimental, OC, t. 10, p. 1329.

52  « La littérature obscène », Le Roman expérimental, OC, t. 10, p. 1375.

53  Calmann-Lévy, 1883, p. 6.

54  « De la moralité en littérature, Documents littéraires, OC, t. 12, p. 496.

55  « La littérature obscène », Le Roman expérimental, OC, t. 10, p. 1376.

56  « De la moralité en littérature, Documents littéraires, OC, t. 12, p. 490-491.

57  voir cette remarque « On croirait vraiment que la morale ne réside que dans notre pudendum », « La littérature obscène », Le Roman expérimental, OC, t. 10, p. 1374.

58  « De la moralité en littérature », Documents littéraires, OC, t. 12, p. 490-491.

59 Selon les formules de Maupassant dans la chronique « Les bas-fonds », Le Gaulois, 28 juillet 1882.

60 À Louise Colet, 1er juin 1853, Correspondance, op. cit., t. II, p. 340.

Pour citer ce document

Brigitte Diaz, « « Desinfectionner la littérature » : la presse contre la pornographie littéraire» », Presse, prostitution, bas-fonds (1830-1930), sous la direction de Guillaume Pinson Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/presse-prostitution-bas-fonds-1830-1930/desinfectionner-la-litterature-la-presse-contre-la-pornographie-litteraire