La recherche sur la presse : nouveaux bilans nationaux et internationaux

Émergence et évolution d’une profession artistique : les dessinateurs de presse entre 1880 et 1914 à Montréal

Table des matières

STÉPHANIE DANAUX

Le 18 avril 1908, La Patrie célèbre l’inauguration de ses nouveaux locaux à Montréal en publiant un numéro spécial d’une cinquantaine de pages généreusement illustrées. À travers la lecture de plusieurs articles dont le ton oscille entre pédagogie et autopromotion, le lecteur découvre l’organisation complexe d’un grand quotidien. Sur la réalisation des illustrations, il peut lire :

L’ILLUSTRATION
Un des caractères distinctifs du grand journal moderne est la place de plus en plus large qu’y tient l’illustration. Cette partie importante du journal requiert les services de plusieurs artistes dessinateurs et d’un photographe, qui ont leur salle de travail dans une pièce voisine des bureaux de rédaction. Ces articles [sic : artistes] ont besoin de posséder une habileté spéciale, et de pouvoir exécuter rapidement des croquis de tous genres, et même le portrait, car il se présente quelquefois des cas où le photographe ne peut opérer. Ils doivent aussi être versés dans la caricature et le dessin de composition, employé principalement dans les pages en couleurs1.

Voilà ainsi notifiées aux lecteurs les quatre principales spécialités du métier d’« artiste de presse » à la fin du XIXe et au début du XXe siècles : le croquis ou l’illustration, au sens de dessin d’actualité ou de reportage politique, sportif ou mondain (voir annexes, fig. 1 et 2), le portrait, souvent anonyme et qui connaît un recul progressif avec la généralisation de la photographie (fig. 3 et 4), la caricature, qui peut être élargie au dessin d’humour et inclure les bandes dessinées (fig. 5, 6 et 7) et le dessin de composition, c’est-à-dire les couvertures associant dessin, lettrage et ornement, caractéristiques de La Patrie et de La Presse (fig. 8, 9 et 10). Les illustrations des romans-feuilletons et des publicités peuvent aussi constituer une partie de leurs attributions. D’emblée, la profession paraît difficile à définir, car elle regroupe des productions graphiques variées. Pour en désigner les représentants, nous privilégions l’expression « dessinateurs de presse ». La formule « artistes de presse », en vogue avant 1914, nous paraît en effet trop vaste, tandis que celle d’« illustrateurs de presse » se révèle trop restrictive. Plus opératoire, le terme « dessinateurs de presse » renvoie à un médium (essentiellement le dessin à la plume et à l’encre) et à un support (le journal), sans spécificité quant au motif ou au genre. Pour autant, le champ d’investigation couvert par cet article ne se concentre pas sur la production des dessinateurs dans la presse, mais sur la dimension sociale de leur activité. L’objectif est de poser les premiers jalons d’une recherche sur l’émergence de la profession de dessinateurs de presse, à partir de la question de leur formation, de leurs conditions de travail et de leur statut au Québec entre 1880 et 1914. Alors que le recensement de ces artistes reste à faire, les questions se multiplient. Quels sont leurs origines sociales, leur formation et leur parcours ? Quelles sont leurs aspirations ? Comment évoluent leur rôle et leur statut dans la hiérarchie du champ artistique ? Autant d’interrogations dont les réponses permettraient de préciser les conditions d’émergence de la profession et l’évolution de cette profession artistique. Sans prétendre répondre à toutes ces questions, cet article se propose de dresser un bilan des perspectives qui s’ouvrent au chercheur pour mieux connaître cette riche période de l’histoire de l’art. Pour restreindre son ampleur, nous le limitons à l’examen des parcours de douze artistes parmi les plus actifs : Henri Julien (1852-1908), Joseph Labelle (1857-1939), Albert Samuel Brodeur (1862-1933), Napoléon Savard (1870-1962), Jobson Paradis (1871-1926), Joseph Charlebois (1872-1935), Paul Caron (1874-1941), Ulric Lamarche (1867-1921), Edmond-Joseph Massicotte (1875-1929), Albéric Bourgeois (1876-1962), Georges Latour (1877-1946) et Émile Vézina (1876-1942). Tous sont francophones, même si certains, comme Julien, travaillent pour des journaux anglophones.

État des recherches

Comme pour tout travail de recherche consacré à l’histoire de la presse au Québec avant la Première Guerre mondiale, l’ouvrage de Jean de Bonville, La presse québécoise de 1884 à 1914 (1988), constitue un précieux outil de référence, favorisant la compréhension de l’environnement professionnel des dessinateurs de presse2. La question de l’image y reste cependant secondaire. À cet égard, il faut savoir gré à David Karel d’avoir intégré les dessinateurs de presse à son Dictionnaire des artistes de langue française en Amérique du Nord (1992), offrant de la sorte, au chercheur intéressé par ce sujet, des notices biographiques qui constituent souvent sa première lecture3. De fait, les recherches se développent à ce jour autour d’un axe principal : celui de la caricature. Dans ce domaine, quelques études ont déjà été réalisées, ouvrant des pistes de recherche prometteuses. Pour les dessinateurs francophones de la période étudiée, on retiendra les travaux monographiques consacrés à Albéric Bourgeois par Léon A. Robidoux (1978)4, à Henri Julien par Dominic Hardy (1998, 2005)5 et à Joseph Charlebois par Sarah Richard (2006)6. Karel a aussi consacré une monographie à Edmond-Joseph Massicotte, dans laquelle il met en lumière la polyvalence de l’artiste, qui pratique la caricature, mais aussi le dessin publicitaire et l’illustration (2005)7. Certains journaux, comme La Presse (1984)8 et L’Opinion publique (1984, 1985, 2009), font également l’objet d’études monographiques9. Si ces travaux soulèvent volontiers la question de l’image, celle-ci est abordée le plus souvent comme une source documentaire : elle n’est pas analysée pour ses qualités graphiques ou stylistiques, mais offre l’occasion d’évoquer la carrière des dessinateurs de presse, comme celle de Bourgeois à La Presse.

En ne ciblant ni un artiste ni un journal, le mémoire de maîtrise de Pierre Landry, consacré aux formes d’expression de l’art nouveau dans la presse entre 1898 et 1910, a offert l’une des premières études transversales sur ce corpus10. De même, le deuxième tome de l’ambitieux recueil de textes Histoire du livre et de l’imprimé au Canada (2004), dans lequel plusieurs articles abordent la presse illustrée et satirique entre 1840 et 1918, offre plusieurs pistes de recherche11. Il faut également mentionner les contributions à l’histoire de la caricature et de la satire graphique de Robert Aird et Mira Falardeau (2009), ainsi que celles de Michel Viau (1999) et de Mira Falardeau (2008) sur l’histoire de la bande dessinée québécoise12, autant d’études qui, nonobstant leur intérêt, s’attachent peu aux spécificités de la presse comme support de la création graphique. Enfin, nous avons récemment abordé les questions techniques et iconographiques de la production et de la reproduction du dessin de presse avant 1914 dans une étude qui sert de premier jalon à celle que nous poursuivons actuellement (2010)13.

Malgré l’intérêt de ces contributions, les informations les plus élémentaires font encore défaut pour relater la carrière de la plupart de ces artistes et ainsi tracer le portrait de la profession. Outre le fait que la production de ces dessinateurs est souvent mal identifiée, tant en termes d’ampleur que de diversité, des questions aussi élémentaires que celles de leur formation, de leur progression professionnelle, de la réception de leur œuvre et de leur statut socioculturel restent posées dans la majorité des cas. À cet égard, bien qu’il cible des limites géographiques et chronologiques différentes, l’ouvrage de Philippe Kaenel, Le métier d’illustrateur, constitue pour nous un modèle du genre sur le plan méthodologique14 : l’auteur y interroge la place des illustrateurs de livre dans la hiérarchie sociale du champ artistique français au cours de la période 1830-1880 et examine l’idéologie artistique, notamment le rôle et le statut de l’image, qui résulte de cette situation.

Possibilités de formation

À l’exception des feuilles satiriques ornées de gravures sur bois publiées dès les années 1840, la naissance de la presse illustrée au Québec correspond au lancement du Canadian Illustrated News en 1869 et de son pendant francophone L'Opinion publique en 1870. L’événement fait date, car il inaugure la reproduction photomécanique au Canada. Ces revues ambitieuses fondent leurs politiques éditoriales sur l’omniprésence de l’image, dans la lignée du London Illustrated News de Londres et de L’Illustration de Paris. Le succès de l’entreprise suscite la création à Montréal de plusieurs revues similaires, d’abord destinées aux classes aisées, avant de gagner, dans les années 1890, la presse quotidienne qui touche un lectorat plus populaire. Par ricochet, ce double lancement amorce le déclin de l’ère xylographique dans la presse et la disparition du métier de graveur de reproduction. Le changement n’est pas immédiat – les procédés de reproduction traditionnelle et photomécanique se côtoient dans l’imprimé pendant plusieurs années – mais il devient inéluctable.

Le parcours de Julien reflète cette évolution. Issu du milieu ouvrier, Julien entre en 1869 comme apprenti au sein de la société Leggo & Company dirigée par Desbarats et William A. Leggo15. Formé à la typographie, à la lithographie et à la gravure sur verre, sur métal et sur bois, Julien se fait rapidement remarquer pour ses capacités d’observation, son imagination dans la mise en scène, son intuition dans le détail, son sens de l’humour et sa rapidité d’exécution. Dès 1870, il devient graveur d’interprétation pour plusieurs journaux de Desbarats, dont The Canadian Illustrated News et L’Opinion publique, où il reproduit entre autres les dessins du caricaturiste français Edward Jump et des illustrateurs Charles Kendrick et Bohuslav Kroupa. C’est sans doute après le départ de Jump pour les États-Unis que Julien commence à réaliser ses propres dessins16. À la fin des années 1870, il devint l’un des illustrateurs et des caricaturistes les plus recherchés du Canada17. Pour Peter Desbarats et Terry Mosher, « Julien was the first native-born caricaturist of the first rank to appear in Canada18. » Il ouvre ainsi la voie à ses collègues, parmi lesquels Bourgeois, Brodeur, Caron, Charlebois, Labelle, Lamarche, Latour, Massicotte, Paradis, Savard et Vézina, qui comptent comme lui parmi les dessinateurs francophones les plus actifs de la période à Montréal. Dans ce groupe, deux types de formation se distinguent : l’apprentissage en atelier et la formule académique par la fréquentation d’écoles d’art.

Dans le premier type, l’apprentissage débute à Montréal vers l’âge de seize ou dix-sept ans. Caron, Brodeur, Savard et Labelle ont reçu une formation proche de celle de Julien : le premier comme dessinateur d’ornements chez le manufacturier de vitraux J.-C. Spence & Sons, les deux suivants comme dessinateurs lithographes chez Burland Lithographic Company et le dernier au sein de la Montreal Lithographic Company, avant de rejoindre à son tour la Burland Lithographic Companyà laquelle Desbarats est associé19. Cette formation reflète un clivage générationnel, illustrant des mutations culturelles : les artistes ayant suivi un apprentissage sont nés avant 1875, ce type de formation semblant par la suite disparaître au profit des études de type « beaux-arts ». Il faut souligner le rôle joué par Desbarats dans la formation de cette première génération de dessinateurs de presse professionnels, les sociétés fondées par ce dynamique imprimeur-éditeur faisant littéralement office de pépinières d’artistes. Animés par un souci de perfectionnement doublé sans doute d’une volonté de légitimation artistique, ces jeunes gens suivent aussi des cours de lithographie, de dessin à main levée ou de peinture dans les différentes écoles d’art de Montréal, parallèlement à leur apprentissage ou après leur entrée dans la vie active. Ainsi, Brodeur, Caron, Labelle et Savard ont tous fréquenté les cours du soir de l’école gratuite du Conseil des arts et manufactures (CAM), fondée en 1873 et installée dans les bâtiments du Monument national20. Selon les cas, ils suivent les enseignements de dessin à main levée répartis en deux niveaux, « Commençants » et « Avancés » ou de lithographie. Devenu lui-même professeur de lithographie au sein de l’établissement en novembre 1889, Labelle écrit au directeur Samuel Cottingham Stevenson, dans un rapport daté du 20 mai 1890 : « Je me suis efforcé de cultiver les aptitudes particulières de chaque élève [en] leur donnant à pratiquer des gravures d’ouvrage tels que ouvrages commercials [sic] […] et la lithographie en couleurs, [ainsi que des] dessins à la plume autant que possible en rapport avec ces mêmes aptitudes21. » Cette missive met en lumière l’importance accordée à la pratique du dessin à la plume et à l’encre, une technique privilégiée par les dessinateurs de presse. Cette orientation reste inchangée jusqu’à la fin des années 1890, même après le départ de Labelle22. Tout au long de cette période, l’enseignement de la lithographie reste en effet rattaché à celui du dessin, tel qu’indiqué dans le règlement des classes de dessin du soir du CAM23. Parallèlement ou suite à l’enseignement reçu au CAM, Brodeur et Caron suivent les cours de dessin à l’école de l’Art Association of Montreal (AAM), fondée en 1880, tandis que Savard s’inscrit à l’école de la Société des arts du Canada, fondée en 1893 et parfois surnommée l’École à la Loterie24.

Dans le second type de formation, le cursus suit la formule « beaux-arts », avec la fréquentation de plusieurs écoles d’art montréalaises vers l’âge de dix-huit ou vingt ans : Bourgeois, Charlebois, Lamarche, Latour et Massicotte ont suivi les cours de dessin à main levée et de peinture à l’Institution nationale de l’abbé Joseph Chabert ou dans les écoles de la Société des arts, du CAM ou de l’AAM25. D’autres établissements moins connus, tels que l’École du Plateau et l’Archambault’s School, sont également mentionnés. L’enseignement dispensé dans ces établissements, calqué sur le modèle académique français, repose sur un apprentissage intensif du dessin, hiérarchisé en trois étapes : copie d’œuvres en deux dimensions (estampes, photographies), puis en trois dimensions (objets, reliefs, ronde-bosse) et, pour les élèves les plus avancés, anatomie humaine d’après le modèle vivant (drapé, nu). En raison de leur histoire familiale, Paradis et Vézina ont de plus étudié dans des écoles situées à l’extérieur du Québec : le premier à l’École des arts de l’Université d’Ottawa (Ontario), puis à la University of Notre-Dame de South Bend (Illinois) ; le second au Art Institute de Chicago (Illinois)26. De même, Bourgeois poursuit ses études aux États-Unis auprès de l’illustrateur J. L. France, probablement à Boston entre 1900 et 1903, époque au cours de laquelle il collabore notamment au Boston Post27. Quelques-uns, tels Lamarche et Paradis, issus de milieux aisés, complètent leur formation par un séjour à Paris, où ils fréquentent les académies Julian, Colarossi ou encore l’École des beaux-arts. Paradis est de plus copiste au Louvre entre 1895 et 189828. La formation aux beaux-arts dure généralement entre trois et cinq ans pour celui qui étudie en Amérique du Nord. Elle peut atteindre sept ou huit ans lorsque le jeune aspirant artiste part étudier à Paris. Dans ce groupe, seul Charlebois, fils de peintre décorateur, est issu d’une famille proche des milieux artistiques.

À mesure que les possibilités de formation artistique se développent à Montréal, les études de type « beaux-arts » deviennent la norme. Pour autant, l’examen du parcours de chaque membre de ces deux groupes confirme qu’il n’existe pas, pour la période étudiée, de formation spécifique au métier de dessinateur de presse, quelle que soit la spécialité.

De la vocation aux débouchés

Dans la plupart des cas, le métier de dessinateur de presse, loin de constituer un choix de carrière pour lequel ces jeunes artistes se seraient formés, s’apparente plutôt à un emploi alimentaire. Peintre, caricaturiste et critique, Vézina s’insurge à ce sujet dans un article publié en juin 1910 dans Le Nationaliste, sous le pseudonyme de Jules Gagnon :

Pour le jeune artiste au gousset vide qui n’a encore étudié que l’Antique et la nature sans s’intéresser le moins du monde à la vie, voici quelles sont, en notre pays, les charmantes perspectives dont s’éclaire l’horizon de son rêve : d’abord crever de faim, puis enseigner le dessin aux petits garçons dans les écoles, et enfin chercher un emploi dans les journaux. Crever de faim est facile, enseigner le dessin aux enfants l’est beaucoup moins, travailler dans les journaux est une besogne qui demande d’un artiste ce qu’on exige ordinairement d’un bon forgeron29.

Le texte de Vézina réunit deux idées. Selon la première, les jeunes artistes ne se tournent pas vers la presse par vocation, mais par manque de débouchés. Ainsi, malgré son excellente formation artistique et son activité picturale, Vézina se résigne d’abord à donner « des leçons de dessin et de peinture à de jeunes artistes en herbe30 », avant de travailler comme dessinateur puis critique dans les journaux de son temps. D’autres partagent des pensées similaires, notamment Bourgeois qui déclare au journaliste Albert Laberge : « J’ai gagné ma vie, largement gagné ma vie comme caricaturiste […], mais de cœur, d’esprit et par mes aptitudes, je suis peintre. […] Mais si j’avais suivi ma vocation de peintre, j’aurais crevé de faim.31 » Combien, motivés par l’angoisse de « crever de faim » – une expression que l’on retrouve aussi sous la plume de Vézina – choisissent ce métier pour sa relative stabilité financière et matérielle ? Écartés du champ artistique officiel en raison d’un manque de compétences ou de la saturation du marché, plusieurs jeunes artistes se résignent à cette profession plus qu’ils ne la choisissent. Subie par nécessité financière pendant une période creuse, celle-ci se révèle de plus accaparante, obligeant à renoncer à l’exercice à plein temps du métier de peintre et tendant par le fait même à s’éterniser. De ce point de vue, le métier de dessinateur de presse fait office de lieu de relégation, dont il semble difficile de s’échapper. Si l’opinion de Vézina et celle de Bourgeois sont connues, il serait utile de préciser comment d’autres, tels Lamarche, Latour, Paradis ou Massicotte, qui se destinaient à une carrière de peintre, ont vécu une situation correspondant davantage, du point de vue de leur objectif initial et de la hiérarchie des professions artistiques, à une régression sociale. Pour autant, même quand David Karel déclare à propos de Massicotte que « Sa vocation d’illustrateur l’accapare cependant au point de compromettre sa formation : il ne sera jamais peintre32 », il ne nie pas que l’artiste se soit pleinement épanoui dans cette voie, la vocation détournée du cadet obéissant sans doute aux désirs de son frère aîné, le journaliste et historien Édouard-Zotique Massicotte. De même, peut-être faut-il nuancer ce constat en raison du clivage générationnel relevé plus haut : issus d’une formation principalement technique, loin de toute tradition académique, Julien, Brodeur, Caron, Labelle et Savard, initialement destinés à devenir des ouvriers qualifiés, ont probablement ressenti comme une promotion sociale leur accession au poste de dessinateur de presse, plus créatif.

Selon la seconde idée véhiculée par le texte de Vézina, le métier de dessinateur de presse est difficile. C’est même, selon l’auteur, « une besogne qui demande d’un artiste ce qu’on exige ordinairement d’un bon forgeron33 », soit un travail d’ouvrier ou d’artisan, laborieux, fatiguant et soumis aux exigences d’un supérieur. Le propos de Vézina, virulent et sans doute un peu amer, reflète à n’en pas douter sa propre expérience. La hiérarchie éloquente instaurée entre « Crever de faim […], enseigner le dessin […] [et] travailler dans les journaux34 » traduit sa vision pessimiste du métier de dessinateur de presse. Force est de constater qu’il n’est pas le seul à faire ce constat.

Conditions de travail

Jusque dans les années 1890, les dessinateurs de presse sont rémunérés à la pièce. Leurs revenus varient ainsi en fonction du nombre de commandes, de leur importance, de leur emplacement, mais aussi selon la renommée de chacun. Il s’agit d’une situation relativement précaire, qui incite les dessinateurs à multiplier les contrats, y compris avec des organes concurrents, d’allégeances parfois contradictoires. Les quotidiens d’information comptent parmi les premiers journaux à recruter des dessinateurs de manière permanente. En 1888, Hugh Graham, propriétaire du Montreal Daily Star, engage Julien qui devient sans doute le premier dessinateur à obtenir un poste à temps plein, ouvrant là encore la voie à ses collègues. Le Montreal Daily Star s’attache ses services jusqu’à son décès en 1908. Les autres journaux suivent peu à peu cet exemple. La Patrie travaille avec Bourgeois de 1903 à 1905, avec Paradis de 1904 à 1913 et avec Latour de 1898 à 1911. Celui-ci rejoint ensuite, jusqu’à son décès en 1946, le journal La Presse, qui collabore successivement avec Brodeur de 1891 à 1908, avec Caron de 1897 à 1908, avec Bourgeois de 1905 à 1957 et avec Savard de 1903 à 1932. Massicotte travaille beaucoup pour les revues, notamment Le Monde illustré de 1892 à 1910 (dirigée par son frère, Édouard-Zotique Massicotte et rebaptisée L’Album universel en 1903), Le Passe-Temps de 1896 à 1910 ou encore La Bombe en 190935. Chacun a sa spécialité : Brodeur, Caron et Latour se consacrent au dessin d’actualité et à la réalisation des couvertures du supplément de fin de semaine ; Paradis signe des couvertures dans le style Art nouveau ; Lamarche est caricaturiste ; Charlebois réalise des séries de bandes dessinées humoristiques. Pour sa part, Massicotte développe une production très diversifiée, alternant entre caricatures, illustrations, compositions et publicités. Certaines collaborations s’étendent sur plusieurs dizaines d’années, celle de Bourgeois avec La Presse – plus de cinquante ans – étant de loin la plus pérenne. Au tournant du XXe siècle, le métier polyvalent de dessinateur de presse entre dans sa phase de professionnalisation.

Le premier contrat signé par Julien avec le Montreal Daily Star, qui prend effet le 2 juillet 1888 pour une durée de quatre ans, spécifie que le dessinateur est au service exclusif du journal de 9 à 17 heures, moins une heure pour le repas du midi, six jours sur sept, avec deux semaines de congés par an36. Cet accord lui assure un salaire hebdomadaire de quarante dollars37. Chaque renouvellement ultérieur semble s’être accompagné d’une augmentation et, dans Les artistes de mon temps, le sculpteur Alfred Laliberté rapporte que la rémunération de Julien atteint finalement la somme de soixante-quinze dollars par semaine, ajoutant que « c’était considérable à cette époque38 ». Recruté comme simple dessinateur, Julien devient « artiste en chef » après quelques années de service, soit l’équivalent actuel d’un directeur artistique. Le contrat de Bourgeois avec La Presse, d’abord conclu pour trois ans, mentionne des conditions similaires39. Comme Julien, Bourgeois gagne bien sa vie, comme il le concède à son ami Laberge dans l’extrait cité plus haut40. Leurs contrats comprennent de plus une clause d’exclusivité : ils ne peuvent vendre leurs dessins à d’autres journaux, mais sont autorisés à illustrer des ouvrages littéraires pendant leurs moments de loisir.

Si les premiers contrats de Julien et de Bourgeois sont connus, peu d’informations sont disponibles concernant la situation des autres dessinateurs, moins renommés. L’examen de la presse du temps permet cependant de retracer les grandes lignes de leurs parcours respectifs et confirme que les journaux tendent à s’attacher, dans la longue durée, des dessinateurs qui contribuent à l’identité visuelle du journal. Pourtant, peu semblent soumis à une clause d’exclusivité. Brodeur, Caron, Latour et Savard – pour ne citer qu’eux – publient ponctuellement, malgré leurs attaches à La Patrie ou à La Presse, dans d’autres organes : Brodeur dans L’Opinion publique, Le Monde illustré, L’Album universel et le bimensuel musical Le Passe-Temps ; Caron et Latour, qui suivent des parcours similaires à La Presse et La Patrie, signent aussi des compositions dans d’autres titres ; Brodeur et Savard publient parfois même à La Patrie, concurrent direct de leur employeur principal. Même Bourgeois publie, sous son nom ou sous le pseudonyme « Passepoil », huit caricatures dans le journal satirique La Bombe en 1909, aux côtés de Massicote, Vézina et Charlebois.

Cumul d’activités

Considérant ces chassés-croisés, il n’est pas certain que tous aient bénéficié d’un poste à temps plein ou que la rémunération ait été suffisante, notamment pour entretenir un ménage ou une famille nombreuse. L’enseignement de la lithographie, du dessin, de la peinture, voire de l’histoire de l’art, constitue dès lors une voie particulièrement appréciée des artistes. À l’école du CAM, Julien enseigne la lithographie de 1886 à 1889 ; Labelle lui succède à ce poste de 1889 à 1896, après avoir été son élève ; Paradis y enseigne le dessin de 1903 à 191341. Les horaires des cours offerts par le CAM – de 19h30 à 21h30, deux fois par semaine – se combinent facilement avec un emploi à temps plein dans un journal, au sein duquel la journée d’un dessinateur se termine entre 17h et 18h. Comme Paradis, Lamarche enseigne le dessin aux enfants dans les établissements de la Commission scolaire de Montréal. Dans ce domaine, les professionnels de la presse souffrent cependant de la concurrence des peintres établis, qui monopolisent ces postes convoités : Edmond Dyonnet, Joseph-Charles Franchère, Joseph Saint-Charles, Charles Gill et Georges Delfosse au CAM ; William Brymner et Dyonnet à l’AAM; enfin Saint-Charles, Gill et Dyonnet à l’école de la Société des arts. D’autres optent pour un emploi qui offre davantage de stabilité et une réelle aisance financière : Charlebois comme dessinateur au département de la cartographie de la Ville de Montréal en 189542 et Paradis comme traducteur au ministère des Mines à Ottawa en 1913.

Quelques-uns se tournent vers la publicité : Massicotte développe entre 1903 et 1909 une intense activité de dessinateur commercial indépendant, dont les réclames paraissent entre autres dans La Patrie et La Presse43, tandis que Caron devient dessinateur en chef de la Desbarats Advertising Agency en 1903. Vézina cumule, quant à lui, les fonctions de professeur, critique et caricaturiste. Laberge note à son sujet que : « Ce n’était pas la fortune, mais comme tant d’autres artistes, il vivotait et n’était pas mécontent de son sort44. » L’article de Vézina évoqué plus haut, publié l’année suivante dans Le Nationaliste, contredit la vision romantique de Laberge45. D’autres, enfin, se tournent vers l’illustration littéraire, un secteur d’activité qui entre alors dans une intense phase de développement et dans lequel Julien et Massicotte apparaissent comme particulièrement actifs. L’essor de la presse illustrée précède en effet d’une dizaine d’années celui de l’édition littéraire illustrée et les deux secteurs développent aussitôt des liens étroits. D’une part, de nombreux livres illustrés paraissent d’abord en feuilleton dans la presse. D’autre part, en raison de leurs liens avec les romanciers et poètes du temps – qui travaillent souvent comme journalistes – et de leur maîtrise des contraintes techniques de l’illustration et de sa reproduction, les dessinateurs de presse sont volontiers sollicités pour illustrer des romans, des recueils de poèmes ou des biographies romancées. À cet égard, la rédaction du journal, du magazine et de la revue apparaît comme un espace de sociabilité essentiel à la compréhension des relations nouées entre les auteurs et leurs illustrateurs. À partir de 1900, les peintres, y compris les peintres établis, vont également s’intéresser à l’illustration des livres, domaine dans lequel ils vont intégrer de nouveaux médiums. Leur intérêt pour le livre comme support de la création graphique reflète la hiérarchie existante entre la presse et l’édition littéraire.

Cette tendance au cumul d’activités indique qu’un certain nombre de pigistes continuent d’alimenter les pages des journaux tout au long de la période et que la profession reste, pour la majorité, synonyme de précarité. Ainsi, les portraits et les dessins d’actualité sont souvent anonymes : il s’agit sans doute là d’un type de dessin facile à acheter à un pigiste, alors que les couvertures et les caricatures, généralement signées, reflètent bien souvent une orientation fixée par la rédaction. Si Julien et Bourgeois, véritables vedettes de leur tribune respective, bénéficient de la stabilité de contrats avantageux et de revenus leur permettant de mener un train de vie bourgeois, cette situation ne semble pas avoir été la norme. Peter Desbarats et Terry Mosher remarquent au contraire que « [l]ike the majority of journalists who work in the same newspaper offices, cartoonists […] earned salaries that enabled them to belong, at best, to the middle class46. » L’étude approfondie du parcours de chacun de ces dessinateurs permettrait de préciser les détails de leur vie professionnelle et ses conséquences sur les plans financier et social. Cependant, plus encore que la précarité ou le salaire insuffisant, la difficulté des conditions de travail des dessinateurs de presse réside en deux points principaux : le manque de liberté créatrice et le rythme de travail effréné imposés par les heures de tombée.

Un art dévalué

Le 1er janvier 1903 dans Le Taon, Charlebois signe une caricature dans laquelle il évoque la pression reposant sur les épaules du dessinateur de presse, plus précisément sur celles – comme l’indique le titre du dessin – du « dessinateur humoristique » (fig. 11). La composition se divise en deux parties. À gauche, « Ce que l’on croit » : un jeune homme pimpant, feuille de papier dans une main et plume dans l’autre, riant à pleines dents de sa propre blague et s’esclaffant : « Elle est bien bonne. » À droite, « Ce qui est » : un homme d’âge mûr, à l’allure négligée, à la barbe fournie, au crâne dégarni et aux lunettes épaisses, songe : « Si, seulement, je puis les faire rire, ces c…là.47 » En s’auto-caricaturant et, par le fait même, en exposant ses propres faiblesses (parmi lesquelles le manque d’inspiration et le découragement), Charlebois confronte la vision du public avec la réalité quotidienne du dessinateur48. Il dénonce ainsi, sous une forme humoristique, la réalité d’une profession exigeante, dans laquelle la liberté créatrice de l’artiste est parfois mise à mal par la nécessité d’être drôle sur commande.

Dans ses mémoires, Laliberté revient à plusieurs reprises sur cette facette contraignante du travail de dessinateur de presse, écrivant notamment à propos de Latour :

Au service du journal La Presse comme dessinateur depuis les débuts de sa carrière d’artiste, mais une carrière d’artiste assez ingrate au point de vue de l’art qui, par un tas de choses incompatibles avec l’art lui enlève tout moyen d’en faire, car il faut surtout marcher d’après le mot d’ordre donné pour arriver au but, c’est-à-dire ce que ça rapporte au journal. C’est en somme une institution commerciale où le vrai sens de l’art et du beau est mis de côté pour le sens pratique[,] pour ce qui rapporte le plus et attire le plus de lecteurs et comme le peuple est la majorité, donc, il faut faire pour plaire au peuple49.

Ce thème est récurrent dans les écrits de Laliberté, où les notices consacrées aux dessinateurs de presse sont bien courtes. Le sculpteur montre peu d’indulgence à l’égard de ces artistes souvent prometteurs, mais qui commettent selon lui l’erreur de vendre leur âme à la presse. Il note ainsi, à propos de Bourgeois : « c’est dommage que son œuvre se trouve par le fait même à se placer à un certain niveau plus bas que le grand art. Mais il a bien gagné sa vie. Pourra-t-il espérer davantage pour sa postérité ?50 » Il remarque aussi, concernant Savard :

Je me souviens de ce jeune homme sympathique dans le temps (qui) [sic] commençait à faire partie du groupe de dessinateurs qui ont gagné leur vie au service des journaux, La Patrie, La Presse. Ils ont peut-être oublié leur idéal pour le pain. Lorsqu’un artiste commence jeune à se créer des obligations qui entravent toujours la réalisation d’un idéal, c’est le sort qui est le lot de la plupart des jeunes artistes en herbe qui n’ont pas la volonté de résister aux tentations de mouvements qui les enchaînent jusqu’à la fin de leur vie51.

Bien d’autres font les frais de la plume acerbe du mémorialiste52. L’opinion tranchée de Laliberté, membre de l’Académie royale canadienne (ARC), peut se résumer en deux points. D’une part, le dessin de presse est par nature commercial et populaire, deux raisons pour lesquelles il manque de profondeur artistique, par opposition au grand art, caractérisé par la recherche d’un idéal esthétique et réservé à une élite qui peut seule le comprendre. D’autre part, en se résignant, par crainte de la pauvreté, à une carrière de dessinateur de presse qui limite leurs possibilités créatives, ces jeunes artistes freinent leur carrière de peintre et gâchent leur talent, raison pour laquelle il les tient en piètre estime. En somme, Laliberté reproche aux dessinateurs de presse leur activité professionnelle au croisement de deux champs, celui de l’art et celui de la presse. Il ne reproche d’ailleurs pas aux peintres établis de pratiquer ponctuellement l’illustration littéraire. Armé de telles certitudes, il conclut la notice consacrée à Julien avec son habituelle franchise : « sa carrière d’artiste se résume en une phrase : avec un talent extraordinaire, il a fait une œuvre tout à fait ordinaire53. » Seul Massicotte trouve grâce à ses yeux, mais encore le sculpteur admet-il être trop proche d’Édouard-Zotique, le frère d’Edmond-Joseph Massicotte, pour se permettre de le dévaluer54.

En 1906, l’abbé Camille Roy dénonce également « l'introduction dans le journal de ces images grotesques, de ces scènes plutôt insignifiantes qu'enfante chaque semaine l'imagination vidée d'artistes qui excellent dans le genre burlesque ou bouffon.55 » Fervent opposant des suppléments illustrés de fin de semaine et du dessin d’humour dans la presse, Roy peut donner l’impression d’abonder dans le sens de Laliberté. Mais si son discours dévalue aussi la pratique de ces artistes, il exprime en réalité un sentiment bien différent, celui de l’angoisse d’une américanisation de la culture, partagée par une large partie de l’élite intellectuelle canadienne-française.

Des années plus tard, Barbeau, pourtant admiratif de l’œuvre de Julien, résume sa contribution au Montreal Daily Star à un travail « ingrat en soi, mais bien exécuté et partout populaire56 », qui limite sa créativité par les exigences des heures de tombée et l’asservissement aux propos des journalistes. Il note que « [d]epuis le moment où il devient illustrateur de journal, Julien ne cessa d’être talonné par le service inexorable […]. Il lui fallait toujours remettre ses dessins avant qu’il ait pu les finir à son goût57 ». Dans sa biographie de Julien, Barbeau développe même l’idée que ces conditions de travail ont miné la santé de l’artiste, décédé précocement à l’âge de 56 ans58 :

The sessions of Parliament in Ottawa, every year, were to him a source of renewed comradeship and inspiration. […] In a small room, at the old Russel House, he toiled at his drawing-board while a cheap alarm clock reminded him inexorably of the moment when he must rush to the station with his latest cartoon, which was bound to appear in his paper the next day. After the House had adjourned at eleven or midnight, he rushed to his hotel room and spent the rest of the night toiling over his "copy". […] A journalist’s work under pressure is "miserable", and, in his last year, it decidedly sapped his health59.

Par la suite, cette vision de Julien en dessinateur de presse s’épuisant à la tâche devient récurrente sous la plume de nombreux auteurs, dont Guy Robert qui note en 1978 que Julien, « [a]ccaparé par son brillant métier d’illustrateur et caricaturiste, par ses responsabilités administratives au journal anglophone montréalais […] meurt littéralement à la tâche sans avoir disposé des loisirs nécessaires à l’élaboration d’une œuvre picturale plus vaste et approfondie60. »

Heures supplémentaires récurrentes, manque de liberté créatrice, travail dans l’urgence et pression constante : Bourgeois relate aussi ces conditions pénibles dans la bande dessinée intitulée « Comment on fait un journal » publiée en septembre 1910 dans La Presse61. Il y décrit les étapes de fabrication d’un numéro (fig. 12). Les six premières vignettes montrent comment, à la réception d’une dépêche par la rédaction, le journaliste et l’illustrateur – reconnaissable à son carton à dessin – courent sur les lieux de l’événement pour le reconstituer, tant par la lettre que par l’image. Dans le cas présent, le duo se rend à la morgue, où le dessinateur trace le portrait du défunt. Munis respectivement de leurs notes et de leurs croquis, les deux collègues regagnent le journal pour finaliser leur travail et le soumettre au rédacteur en chef. Celui-ci peut alors engager le processus de fabrication : composition, mise en page, clicherie et impression. Bourgeois cumule deux procédés pour souligner l’urgence et la tension dans lesquelles travaillent tous les employés du journal. D’une part, tous s’agitent nerveusement, courant et suant à grosses gouttes pour tenir les délais de fabrication du numéro. D’autre part, les légendes accompagnant les dessins renforcent l’idée de rapidité : « 2hrs30mn : une nouvelle / 2hrs30mn5s : départ / 2hrs30mn6s : en route / 2hrs30mn6s1/3 : à la morgue / 2hrs30mn7s : retour », etc. Par l’adéquation entre le texte et l’image, Bourgeois illustre, avec un mélange de franchise et d’humour, la célérité avec laquelle tous les employés du journal – dessinateur y compris – doivent œuvrer.

Stratégies de légitimation

En 1903, la création de la Newspaper Artists' Association suggère les efforts de regroupement en société des dessinateurs de presse et reflète, par le fait même, une volonté d’affirmation de leur identité professionnelle, un désir de reconnaissance et peut-être une tentative de défense de leurs intérêts62. Le choix de l’expression « Newspaper’s Artists » ou « artistes de journaux » dans le nom de l’association sonne comme une revendication. En l’état actuel des connaissances, il reste impossible de préciser l’identité du ou des fondateurs, la date exacte de la fondation ou encore le programme de l’association. Le premier – et sans doute le seul – événement organisé par ce regroupement est la First Annual Loan and Sale Exhibition of the Newspaper Artists' Association. L’exposition, inaugurée le 29 juin 1903 par un discours d’ouverture de Vézina, se tient à l’Art Gallery (ou Galerie des arts), dans les locaux de l’AAM au carré Phillips. Elle réunit 532 pièces réalisées par vingt-neuf dessinateurs de presse, dont vingt à l’emploi de journaux montréalais. Les noms de Bourgeois, Brodeur, Caron, Charlebois, Julien, Labelle, Latour, Massicotte, Paradis, Savard et Vézina figurent dans la liste des exposants63, mais le spectateur peut aussi admirer des œuvres d’Arthur G. Racey, R.-G. Mathews, Alonzo Ryan et bien d’autres.

La fondation de la Newspaper Artists' Association doit sans doute être mise en relation avec celle de l’Association des journalistes canadiens-français (AJCF) en mai 1903 à Montréal64. Dès le mois de décembre, l’AJCF tient son premier et unique banquet annuel avant d’organiser, au mois de juin 1904, un Premier Congrès de la presse française d’Amérique65. La fondation très rapprochée de ces associations et l’organisation rapide d’événements publics reflètent une volonté commune de défense et de valorisation de ces deux groupes professionnels issus de la presse montréalaise. L’exposition du carré Phillips s’inspire peut-être aussi de la First Annual Loan and Sale Exhibition of the Newspaper Artists' Association inaugurée l’année précédente à Chicago66. Le titre identique donné à l’événement permet d’émettre l’hypothèse, avec toutes les précautions requises, d’une adaptation d’un modèle américain. Parmi les artistes à l’étude, Julien, Caron, Paradis, Vézina et Bourgeois ont déjà, au moment de la tenue de l’exposition montréalaise, séjourné à New York, Philadelphie, South Bend, Chicago ou encore Boston, pour y étudier ou pour travailler dans un quotidien. Le fait que Vézina, formé à Chicago dans la première moitié des années 1890, prononce le discours d’ouverture de l’exposition suggère que l’artiste a peut-être joué un rôle dans la fondation de l’association ou la tenue de l’exposition, deux événements directement associés. À cet égard, la question des liens noués par les dessinateurs de presse montréalais avec les États-Unis offre un axe de recherche original, dans une province où l’histoire de l’art a longtemps privilégié l’étude des relations avec la France.

Relayée par la presse du temps, l’exposition reçoit un accueil positif. La Patrie annonce son ouverture un mois plus tôt : « Ce sera une magnifique occasion de juger de la réelle valeur de gens qui sont trop souvent obligés de travailler avec une extrême rapidité et dans des conditions désavantageuses67. » L’Album universel consacre, deux jours avant, une grande double-page reproduisant les portraits de dix-huit participants et quelques-unes des œuvres exposées68. Un article, court mais fort élogieux et même un brin pompeux, accompagne cette double-page :

LE SALON CANADIEN. Paris a son salon où, chaque année, les peintres français exhibent leurs chefs-d’œuvre. Montréal inaugurera, lundi prochain, à l’« Art Gallery », square Philipps [sic], son modeste salon, où figureront les meilleurs essais de nombreux artistes canadiens, particulièrement des artistes attachés aux journaux de Montréal et de Toronto69.

De nombreux autres journaux, tant francophones qu’anglophones70, relayent l’événement, comme La Revue canadienne qui publie un compte-rendu enthousiaste de cinq pages : « En applaudissant à l’immense succès de la première exposition […], nous croyons juste de reconnaître qu’elle n’a pas seulement frappé par son originalité, mais qu’elle a encore fait preuve d’une somme de talents qui démontre un dénouement heureux71. » Si la réception critique paraît positive, deux éléments doivent tout de même être soulignés : premièrement, dans une province en quête de reconnaissance sur les plans culturel et artistique, toute tentative d’enrichissement de la vie artistique est immédiatement saluée ; deuxièmement, les journaux illustrés du temps, principaux employeurs de ces artistes, ne peuvent que soutenir l’initiative de leurs collaborateurs, par ailleurs appréciés du lectorat, exprimant du même coup une tendance à l’autocongratulation72. Le critique de La Patrie, dont trois collaborateurs font partie parmi les exposants, en a conscience lorsqu’il déclare : « Nous noterons avec une fierté naturelle et pardonnable, que MM. Savard, Latour et Bourgeois, les sympathiques artistes de "La Patrie", comptent parmi ceux dont les œuvres sont les plus dignes de mention73. »

Plusieurs éléments reflètent la quête de reconnaissance des exposants. Tout d’abord, comme il sied à toute exposition sérieuse, celle-ci s’accompagne de la publication d’un catalogue illustré de vingt-neuf pages74. De plus, le lieu choisi pour l’occasion accueille notamment le Salon du printemps de l’AAM. Enfin, les pièces exposées comprennent des dessins, mais aussi de nombreuses huiles, pastels et aquarelles, mêlant portraits, paysages et scènes de genre. Ce choix de techniques et de motifs variés dénote chez les exposants une volonté d’être reconnus comme des artistes polyvalents, y compris dans le domaine pictural. Dans les faits, peu d’entre eux rencontrent le succès comme peintre. Si Caron, Paradis et Vézina exposent régulièrement dans les salons annuels de l’AAMou de l’ARC, au sein d’expositions collectives ou encore dans des galeries d’art, aucun ne vit de son pinceau. Seuls Bourgeois, Massicotte et Savard semblent n’avoir jamais exposé dans les salons officiels. Leurs autres collègues, souvent formés à l’huile ou à l’aquarelle en autodidacte, y exposent de façon ponctuelle, car leur emploi dans la presse et leur manque de formation ne leur laissent pas le temps de produire des œuvres abouties et acceptables par les membres des jurys.

Conclusion

Dans un contexte où l’image s’affirme comme un argument de vente majeur, l’émergence des dessinateurs de presse reflète les évolutions techniques, sociales et culturelles qui rythment la vie artistique au Québec. Indépendamment de la réussite et des revenus de chacun, ces artistes semblent former une catégorie socioprofessionnelle relativement homogène, bien que des nuances se dessinent en termes d’origine sociale et de formation. Celles-ci tendent cependant à disparaître avec l’essor de la reproduction photomécanique et le développement des possibilités de formation artistique dans la province. Si la profession se spécialise rapidement, les conditions de travail difficiles, le manque de liberté créatrice et l’absence de reconnaissance – voire le mépris – du champ artistique officiel confirment que le milieu de la presse fonctionne comme un lieu de relégation pour des artistes dont la vocation première reste la pratique picturale. La fondation de l’association et l’organisation de l’exposition de 1903 peuvent être perçues comme une tentative d’affirmation de l’identité professionnelle et de valorisation du dessin de presse comme forme d’expression artistique autonome. Pour autant, plusieurs éléments témoignent parallèlement de la quête de légitimation des exposants dans le domaine pictural. L’association, qui ne fait l’objet d’aucune autre mention connue à ce jour, ne semble d’ailleurs pas avoir résisté à sa première exposition, ce qui pose la question de la réception de l’événement auprès du public et interroge la motivation réelle des participants à s’affirmer comme dessinateurs de presse. Malgré le dédain dont cet art a pu faire l’objet par le passé – un passé parfois récent –, l’originalité de ces artistes et la richesse de leur production ouvrent de nombreuses pistes de recherche. Les difficultés évoquées n’empêchent en effet nullement que ces artistes se soient épanouis dans le milieu de la presse, que celui-ci ait malgré tout fonctionné comme un véritable espace de création et qu’il y ait exprimé, voire construit, une part essentielle de leur identité artistique. Au-delà de la question des œuvres, l’étude de l’émergence et de l’évolution de la profession de dessinateurs de presse au Québec entre 1880 et 1914 offre un vaste potentiel d’analyse, dont les résultats contribueraient à l’écriture de l’histoire sociale et culturelle de l’art dans ses relations avec l’histoire de la presse75.

(Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne / Université Paris Sorbonne-Paris IV)

Annexes

Fig. 1 : H. [Henri] Julien, « Les événements de la semaine », L’Opinion publique (9 septembre 1880), p. 439, Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).

Fig. 2 : G. [Georges] Latour et N. [Napoléon] Savard, « La tempête d’hier », La Patrie (27 janvier 1900), p. 24, BAnQ.

Fig. 3 : A. S. [Albert Samuel] Brodeur, « Sur la scène de l’actualité », La Patrie (13 février 1912), p. 5, BAnQ.

Fig. 4 : A. S. [Albert Samuel] Brodeur, « La femme Gobeil coupable d’homicide », La Patrie (23 novembre 1903), p. 1, BAnQ.

Fig. 5 : Edmond J. [Edmond-Joseph] Massicotte, « Le retour à Montréal », La Bombe (15 septembre 1909), p. 1, BAnQ.

Fig. 6 : J. [Joseph] Labelle, « Les Souhaits. Ce qu’on exprime, ce qu’on pense », La Presse (29 décembre 1906), p. 1, BAnQ.

Fig. 7 : A. [Albéric] Bourgeois, « Les fables du parc Lafontaine. Les animaux chez Jupiter », La Presse (11 août 196), p. 4, BAnQ.

Fig. 8 : G. L. [Georges Latour], « Au Concours hippique », La Patrie (13 mai 1905), p. 1, BAnQ.

Fig. 9 : J. [Jobson] Paradis, sans titre, La Patrie (4 février 1905), p. 1, BAnQ.

Fig. 10 : Paul Caron, « Gloria in Excelsis Deo », La Patrie (19 décembre 1908), p. 1, BAnQ.

Fig. 11 : Joseph Charlebois, « Le dessinateur humoristique », Le Taon (1er janvier 1903), p. 10, BAnQ.

Notes

Fig. 12 : A. [Albéric] Bourgeois, « Comment on fait un journal », La Presse (3 septembre 1910), p. 58, BAnQ.

1  « Publication d’un journal », La Patrie (18 avril 1908), p. 6.

2  Jean de Bonville, La presse québécoise de 1884 à 1914. Genèse d’un média de masse, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1988.

3  David Karel, Dictionnaire des artistes de langue française en Amérique du Nord, Québec, Musée du Québec et Presses de l’Université Laval, 1992.

4  Léon A. Robidoux, Albéric Bourgeois, caricaturiste, Montréal, VLB éditeurs et Médiabec, 1978.

5  Dominic Hardy, « Henri Julien, ce diable d’homme », dans Micheline Cambron (dir.), La vie culturelle à Montréal vers 1900, Montréal, Fides et Bibliothèque nationale du Québec, 2005, p. 157-173 ; Drawn to Order: Henri Julien’s Political Cartoons of 1899 and his Career with Hugh Graham’s Montreal Daily Star, 1888-1908, Mémoire de maîtrise (Études canadiennes), Ottawa, Trent University, 1998.

6  Sarah Richard, La production satirique illustrée du caricaturiste montréalais Joseph Charlebois (1872-1935), Mémoire de maîtrise (Lettres et communication), Sherbrooke, Université de Sherbrooke, 2006.

7  David Karel, Edmond-Joseph Massicotte, illustrateur, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec et Presses de l’Université Laval, 2005.

8  Cyrille Felteau, Histoire de La Presse. Le livre du peuple, 1884-1916, t. 1, Montréal, La Presse, 1984.

9  Émilie Tanniou, Les gravures du journal illustré montréalais L’Opinion publique (1870-1883) : une représentation populaire de l’ailleurs, Mémoire de maîtrise (Histoire), Montréal, Université de Montréal, 2009 ; Genevève Samson, L’Opinion publique (1870-1883). Catalogue des illustrations à sujets canadiens, Mémoire de maîtrise (Histoire de l’art), Montréal, Université de Montréal, 1985 et Francine Brousseau, Architecture in Canadian Illustrated News and L'Opinion publique: Inventory of References / L'architecture dans le Canadian Illustrated News et L'Opinion publique : inventaire des références, Ottawa, Parks Canada, 1984.

10  Pierre Landry, L’apport de l’Art nouveau aux arts graphiques, au Québec, de 1898 à 1910, Mémoire de maîtrise (Histoire de l’art), Québec, Université Laval, 1983.

11  Dominic Hardy, « La presse illustrée satirique, 1840-1914 » et Mary F. Williamson, « L’illustration des livres, des périodiques et des imprimés commerciaux », dans Yvan Lamonde, Patricia L. Fleming et Fiona A. Black (dir.), Histoire du livre et de l’imprimé au Canada. De 1840 à 1918, vol. II, Toronto et Montréal, University of Toronto Press et Presses de l’Université de Montréal, 2004, p. 310-314 et 405-415.

12  Robert Aird et Mira Falardeau, Histoire de la caricature au Québec, VLB éditeur, 2009 ; Mira Falardeau, Histoire de la bande dessinée au Québec, VLB éditeur, 2008 et Michel Viau, BDQ : Répertoire des publications de bandes dessinées au Québec des origines à nos jours, Montréal, Les 400 coups, « Mille-Îles », 1999. Voir aussi les articles publiés par Viau sur l’histoire de la bande dessinée au Québec dans la revue MensuHell, n°45 (août 2003) au n°109 (décembre 2008).

13 Stéphanie Danaux, « L’illustration de la presse au Québec, 1841-1915 : aspects techniques et iconographiques », dans Éric Leroux (dir.), 1870. Du journal d’opinion à la presse de masse, la production industrielle de l’information, Montréal, Petit Musée de l’impression et Centre d’histoire de Montréal, 2010, p. 51-83.

14  Philippe Kaenel, Le métier d'illustrateur (1830-1880). Rodolphe Töpffer, J.J. Grandville, Gustave Doré, Genève, Droz, « Titre courant », 2004.

15  Plus tard, Desbarats s’associe à George B. Burland dans la société Burland-Desbarats Lithographic and Publishing Company. Claude Galarneau, « Les Desbarat : une dynastie d’imprimeurs-éditeurs (1794-1893) », Les Cahiers des Dix, n°46 (1991), p. 125-149.

16  David Karel, Dictionnaire […], op. cit., p. 426-427.

17  Sa renommée dépasse même les frontières canadiennes, car il est recruté par un journal newyorkais en 1884, expérience à laquelle il met fin après six mois. Marius Barbeau, Henri Julien, Toronto, Ryerson Press, 1941, p. 38.

18  Peter Desbarats et Terry Mosher, The Hecklers. A History of Canadian Political Cartooning and a Cartoonists’ History of Canada, Toronto, McClelland and Stewart et National Bank Board of Canada, 1979, p. 62.

19  David Karel, Dictionnaire […], op. cit., p. 132, 148, 437 et 738.

20  Au CAM, « Jos. Labelle, 28 [ans] » suit le cours de lithographie de Julien dès 1886 et « Nap. Savard, 19 ans, artiste lithographe » celui de Labelle en 1889. Le fonds du CAM de Montréal est hélas incomplet, spécialement pour la période 1891-1905, et s’arrête en 1906. Pour cette raison, la fréquentation de l’établissement par ces artistes est connue le plus souvent par des mentions dans la presse. Fonds du Conseil des arts et manufactures (école de Montréal), Service des archives et de gestion des documents, Université du Québec à Montréal, cote 32P-520 : A1/3.

21  Lettre de Joseph Albert Labelle à Samuel Cottingham Stevenson datée du 20 mai 1890, ibid.

22  Conseil des arts et manufactures de la province de Québec. Règlements des classes de dessin industriel du soir. École de Montréal, s.l., s.éd., s.d., [En ligne] http://archive.org/details/cihm_10446, consulté le 12 octobre 2012.

23  Ibid.

24  Cet établissement, situé sur la rue Notre-Dame et dirigé par un certain notaire Breault, était entretenu avec les revenus d’une loterie, d’où son surnom.David Karel, Dictionnaire […], op. cit., p. 117, 450 et 690.

25  Sarah Richard, op. cit., p. 14, David Karel, Dictionnaire […], op. cit., p. 117, 456, 468 et 547-548 et Edmond-Joseph Massicotte […], op. cit., p. 23-25.

26  David Karel, Dictionnaire […], op. cit., p. 613 et 813-814 et Richard Foisy, L’Arche. Un atelier d’artistes dans le Vieux-Montréal, Montréal, VLB éditeur, 2009, p. 17-24.

27  The Catalogue of First Annual Loan and Sale Exhibition of the Newspaper Artists' Association, s.l. [Montréal ?], s.éd., s.d. [1903], p. 20. Voir aussi David Karel, Dictionnaire […], op. cit., p. 117-118.

28  David Karel, Dictionnaire […], op. cit., p. 456 et 613. Voir aussi Laurier Lacroix, « Les artistes canadiens copistes au Louvre », Annales d’histoire de l’art canadien, vol. II, n°1 (été 1975), p. 67-68.

29  Jules Gagnon (pseud. d’Émile Vézina), « Motifs II », Le Nationaliste (5 juin 1910), p. 1. Vézina poursuit, dans le numéro suivant, sa dénonciation du manque de débouchés dans le milieu artistique et des conditions de travail difficiles dans la presse. Jules Gagnon (pseud. d’Émile Vézina), « Motifs III », Le Nationaliste (12 juin 1910), p. 1.

30  Richard Foisy, op. cit., p. 19.

31  Albert Laberge, Peintres et écrivains d’hier et d’aujourd’hui, Montréal, s.éd., 1938, p. 64.

32  David Karel, Edmond-Joseph Massicotte […], op. cit., p. 25.

33  Jules Gagnon, « Motifs II », op. cit., p. 1.

34  Jules Gagnon, « Motifs II », op. cit., p. 1.

35  David Karel, Edmond Joseph Massicotte […], op. cit., p. 194-196.

36  Dominic Hardy, Drawn to Order […], op. cit., p. 92-93. Le document est conservé dans le fonds Henri Julien aux Archives nationales du Canada à Ottawa sous la cote MG 29 D l03 (vol. 2).

37  En 1890 à Montréal, le salaire moyen d’un ouvrier typographe syndiqué est de quatorze dollars par semaine de cinquante-quatre heures de travail. S’agissant de techniciens qualifiés, un tel salaire est déjà l’un des plus élevés de la classe ouvrière. Éric Leroux, « De l’atelier à l’industrie : les ouvriers de l’imprimerie aux XVIIIe et XIXe siècles », dans Éric Leroux (dir.), 1870. Du journal d’opinion à la presse de masse, la production industrielle de l’information, Montréal, Petit Musée de l’impression et Centre d’histoire de Montréal, 2010, p. 43.

38  Jean De Bonville, op. cit., p. 223 et Laliberté, op. cit., p. 68.

39  Cyrille Felteau, op. cit., p. 353.

40  Albert Laberge, op. cit., p. 64.

41  Jusqu’en 1922, l’école du CAM de Montréal est l’établissement d’enseignement artistique le plus fréquenté du Québec.

42  Sarah Richard, op. cit., p. 15.

43  David Karel, Edmond-Joseph Massicotte […], op. cit., p. 85-107.

44  Albert Laberge, Journalistes, écrivains et artistes, Montréal, s.éd., 1945, p. 129.

45  Jules Gagnon (pseud. de Vézina), « Motifs II », op. cit., p. 1.

46  Peter Desbarats et Terry Mosher, op. cit., p. 17.

47  Joseph Charlebois, « Le dessinateur humoristique », Le Taon (1er janvier 1903), p. 10.

48  Voir à ce sujet Sara Richard, op. cit., p. 21-23.

49  Alfred Laliberté, Les artistes de mon temps, texte établi, présenté et annoté par Odette Legendre, Montréal, Boréal, 1986, p. 188-189.

50  Ibid., p. 206.

51  Ibid., p. 221.

52 Laliberté ne fait pas explicitement référence aux activités de Paradis, Lamarche, Charlebois et Caron dans le milieu de la presse, mais uniquement à leur pratique picturale ou d’enluminure, qui trouve difficilement grâce à ses yeux. Aux dires de Laliberté, tous sont des fainéants. Ibid., p. 67-69, 116-118, 125, 132, 141, 165, 176 et 172-173.

53  Ibid., p. 68.

54  Ibid., p. 103-104.

55  Camille Roy, « Des progrès du journalisme canadien-français », Essais sur la littérature canadienne, Montréal, Libraire Beauchemin, 1907, p. 209-210.

56  Marius Barbeau, « Le vieux patriote d’Henri Julien », L’Événement Journal, 23 décembre 1945, p. 7.

57  Marius Barbeau, « Julien et son temps », dans Marius Barbeau et Eric Brown, Henri Julien. 1851-1908. Exposition commémorative, Ottawa, Galerie nationale du Canada, 1938, p. 6.

58  Julien meurt des suites d’une attaque d’apoplexie, le terme autrefois employé pour désigner l’accident vasculaire cérébral. Voir « Mort d’un artiste canadien de réelle valeur : Henri Julien », La Patrie (18 septembre 1908), p. 1.

59  Marius Barbeau, Henri Julien, op. cit., p. 13-14.

60  Guy Robert, La peinture au Québec depuis ses origines, Montréal, France-Amérique, 1978, p. 45.

61  Albéric Bourgeois, « Comment on fait un journal », La Presse (3 septembre 1910), p. 58.

62  La Canada Newspaper Cartoonists Association semble avoir été active à la même époque. Outre le fait que nous ignorons là encore la date et le contexte de sa fondation, elle ne concerne que les caricaturistes. Bourgeois en a peut-être été membre, comme le fait penser sa contribution à l’album collectif : Canadians as We See’Em, s.l., s.éd., s.d. [1900 ?]. Voir aussi Sarah Richard, op. cit., p. 95.

63  À l’exception de Lamarche, tous les artistes étudiés dans cet article participent à l’exposition.

64  « L’idée de créer cette association est née en mai 1903, de l’initiative de cinq journalistes montréalais : Omer Héroux (futur rédacteur en chef du Devoir, Amédée Denault (La Minerve), Anne-Marie Gleason (La Patrie), Arthur Côté (La Presse) et Hector Garneau (Le Canada). » Jacques Michon (dir.), Histoire de l’édition littéraire au Québec au XXe siècle, t.1., La naissance de l’éditeur, 1900-1939, Montréal, Fides, 1999, p. 406.

65  Ibid., p. 407.

66  Art Institute of Chicago, « Museum Exhibition History », [En ligne] http://www.artic.edu/research/art-institute-records/exhibition-history, consulté le 10 octobre 2012.

67  « Les artistes de journaux », La Patrie (27 avril 1903), p. 1.

68  « Quelques-uns des tableaux exposés à l’Art Gallery par les artistes des journaux de Montréal et de Toronto », L'Album universel (27 juin 1903), p. 200 et 208-209.

69  Ibid., p. 200.

70  À cet égard, on lira avec intérêt le spicilège d’articles conservé aux archives du Musée des beaux-arts de Montréal, numérisé et mis en ligne dans le cadre de la Canadian Women Artists History Initiative de l’Université Concordia. Nous remercions Laurier Lacroix de nous avoir signalé l’existence de ce document : Canadian Women Artists History Initiative, « Montreal Museum of Fine Arts Scrapbooks – Digitized – 1903 », Montréal, Concordia University, 2007, [En ligne] http://cwahi.concordia.ca/sources/resources/MMFA-scrapbooks.php, consulté le 31 octobre 2012.

71  Albert Jeannotte, « Une nouvelle exposition », La Revue canadienne, vol. 39, t. II (août 1903), p. 396-400.

72  Pour la même raison, certains périodiques illustrés publient parfois des numéros spéciaux, comme Le Monde illustré du 30 juin 1900, consacré aux meilleurs dessinateurs de presse du moment : après une couverture illustrée présentant les portraits des sept contributeurs invités (Labelle, Savard, Massicotte, Julien, Barré, Brodeur et le peintre Georges Delfosse), le lecteur découvre ensuite leurs sept compositions, toutes reproduites en pleine page. Voir Le Monde illustré (30 juin 1900), p. 129, 132-141.

73  « L’exposition des dessinateurs de journaux », La Patrie (30 juin 1903), p. 10.

74  The Catalogue of First Annual Loan and Sale Exhibition […], op. cit.

75  Cette recherche a été rendue possible grâce au soutien financier du programme « Petites subventions » du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH) et à une bourse postdoctorale de l’équipe « Penser l’histoire de la vie culturelle » (PHVC), sur une subvention du Fonds québécois de recherche Société et culture (FQRSC).

Pour citer ce document

Stéphanie Danaux, « Émergence et évolution d’une profession artistique : les dessinateurs de presse entre 1880 et 1914 à Montréal », La recherche sur la presse : nouveaux bilans nationaux et internationaux, sous la direction de Micheline Cambron et Stéphanie Danaux Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/la-recherche-sur-la-presse-nouveaux-bilans-nationaux-et-internationaux/emergence-et-evolution-dune-profession-artistique-les-dessinateurs-de-presse-entre-1880-et-1914-montreal