La recherche sur la presse : nouveaux bilans nationaux et internationaux

Lorsque la presse féminine s’internationalise : le cas ELLE

Table des matières

KARINE TAVEAUX-GRANDPIERRE

La presse féminine naît en France au XVIIIe siècle avec les journaux Le Courrier de la nouveauté (1758) et Le Journal des dames (1759-1778). Elle est créée à l’initiative d’hommes qui en font d’abord un outil commercial – Le Cabinet des modes (1785) – ou de femmes qui ont besoin d’un instrument de propagande pour des idées émancipatrices – Les Annales de l’éducation et du sexe (1790). La dureté des différents régimes législatifs durant la première partie du XIXe siècle ne parvient pas à museler cette presse dont le nombre de titre augmente. En outre, l’internationalisation de la presse s’effectue rapidement et la recherche de nouveaux lectorats provoque l’apparition de versions traduites de certains périodiques féminins. Ainsi, Le Petit Courrier des dames ou Nouveau Journal des modes, des théâtres, de la littérature et des arts (1821-1855) devient, outre-Manche, Fashion as it Flies or the Ladies’ Little Messenger of Parisian Fashions (1823). Le Follet (1829-1882) est également traduit en anglais et en italien, tandis que Le Moniteur de la mode (1843-1919)connaît une version anglo-saxonne. Les périodiques féminins s’adressent, dans un premier temps, à « quelques milliers de femmes aisées, oisives, qui ont accès à la culture, autant dire qu’ils disposent d’un public ultra-minoritaire1 ». Or, la Troisième République (1870-1940) voit la popularisation de la presse magazine féminine, suivant en cela les avancées de l’ensemble de la presse, à savoir : « généralisation de l’instruction, démocratisation de la vie politique, urbanisation croissante, développement des transports et des moyens de transmission et, en conséquence directe, élargissement du champ d’information des journaux et de la curiosité des lecteurs, mais aussi abaissement du prix de vente2 » et création de réseaux de diffusion grâce à William Henry Smith en Angleterre et à Louis Hachette3 en France, puis à l’international. La loi du 29 juillet 1881 apporte à la presse un régime très libéral qui encourage les créations et les innovations. Profitant de ce contexte, Le Petit Journal lance en 1872 le premier magazine féminin, intitulé La Mode miniature illustrée, magasin bijou. Cette création marque un tournant dans l’histoire de la presse féminine, qui devient une « presse à grand tirage, une véritable entreprise4 » et s’inscrit dans les industries de la culture. Ce magazine et ce nouveau public, avec ses débouchés publicitaires, entraînent l’apparition de nouveaux titres dans les années 1880, tels La Mode de Paris, L’Illustrateur des dames, Le Journal des soirées de familles réunies, La Mode universelle, La Mode pour tous, Le Journal de la famille et des modes pratiques5Du fait de la domination de la mode parisienne à l’époque, ces magazines français seront distribués jusqu’aux États-Unis où ils donneront naissance aux Harper’s Bazaar6 (1867), Cosmopolitan (1886) et Vogue (1892), proposant alors de nouveaux modèles que le vieux continent interprétera à son tour. Ces versions qui ne sont que de simples traductions seront concurrencées, au début du XXe siècle, par la déclinaison de titres américains en Europe, grâce à des rédactions locales qui adaptent le magazine au public. Dans ce domaine, les magazines féminins sont les plus actifs, avec notamment Vogue, qui s’exporte au Royaume-Uni en 1916, puis en France en 1921 et, enfin, en l’Italie en 1965. Ce magazine compte actuellement vingt et une déclinaisons7 internationales. L’Harper’s Bazaar, qui existe aujourd’hui en vingt-huit éditions8, s’implante lui aussi d’abord au Royaume-Uni en 1929. Cosmopolitan connaît une internationalisation plus tardive avec une édition britannique à partir de 1972. Soixante et une éditions9 ont depuis vu le jour, ce qui en fait le titre connaissant le plus grand nombre d’éditions-filles de l’ensemble de la presse magazine. Pour leur part, les magazines féminins français s’insèrent plus tardivement dans une politique d’internationalisation allant au-delà de la simple traduction avec les deux titres haut de gamme que sont Marie-Claire, implanté au Japon en 1982, et ELLE, décliné aux États-Unis en 1983.

Cette presse dédiée aux femmes est le reflet des transformations sociales « de la vie quotidienne, de l’économie domestique, des rapports sociaux, des mentalités, des morales10 ». La progression sensible du statut des femmes à partir de 1880, avec l’acquisition de nouveaux droits civils, encourage le développement de la presse féminine à la fois en termes de tirage et de multiplication des titres. Sa forme se veut de plus particulièrement inventive : depuis les feuilles de mode, périodiques littéraires ou mondains, jusqu’aux magazines et aux journaux féministes, la presse féminine sait s’adapter à l’évolution des mœurs et suivre les tendances, quand elle ne les lance pas.

La presse magazine féminine aujourd’hui

Miroir des évolutions sociales depuis deux siècles, les périodiques destinés aux femmes sont rarement l’objet de recherches. Ainsi, les études portant sur la presse s’intéressent peu à la presse féminine et couvrent parcimonieusement les magazines féminins. Des études féministes ou portant sur certaines journalistes11 proposent quelques éléments quant à la construction de cette presse souvent passée sous silence, alors qu’elle a su à la fois accompagner la femme dans l’évolution de sa place dans la société et l’engager dans un rapport plus égalitaire avec les hommes. La surreprésentation de chercheurs masculins dans ce domaine peut en partie expliquer cette orientation. Un autre facteur tient sans doute aux aspects mercantiles de certains de ces titres. Le plus souvent, les études sur la presse contemporaine ne permettent pas d’appréhender l’évolution de ce secteur du féminin. Par exemple, L’histoire générale de la presse française aborde la presse féminine uniquement en termes de restructuration des entreprises de presse, dans la mesure où des quotidiens ou magazines plus généralistes sont concernés. Les revues féminines sont par ailleurs peu étudiées. Nous pouvons néanmoins citer les travaux d’Évelyne Sullerot, Anne-Marie Dardigna, Samra-Martine Bonvoisin et Michèle Maignien12, lesquels s’arrêtent malheureusement aux années 1980. Plus récemment, les travaux de Vincent Soulier13 proposent une approche des implications socio-culturelles de la presse féminine, sans toutefois s’attacher réellement à ses aspects historiques. Les travaux de Claude Chabrol14 et le colloque « La vie des femmes », la presse féminine aux XIXe et XXe siècles, organisé en 200815, ont, pour leur part, permis d’ouvrir quelques pistes sur le marché français. Enfin, la thèse de Justine Marillonnet16 offre quelques éléments concernant l’internationalisation de la presse magazine féminine. Quant aux quotidiens et magazines généralistes et spécialisés plus masculins – notamment ceux traitant de sport –, ils constituent des corpus plus largement étudiés, mais les auteurs y négligent toute comparaison avec les périodiques féminins, alors même que ce secteur médiatique est l’un des plus dynamiques en termes de croissance, de développement et d’adaptation au numérique.

La bonne santé actuelle de la presse magazine féminine surprend dans le contexte de crises économique, structurelle et technique que connaît le secteur de la presse. En effet, l’arrivée des médias électroniques dans les années 1980 a considérablement modifié les modes d’acquisition des connaissances et le rapport à l’information payée. Depuis, les annonceurs réduisent sensiblement leurs investissements et préfèrent d’autres médias, notamment l’internet où les publicités sont moins onéreuses. Cependant, le secteur de la presse féminine reste particulièrement dynamique puisque, d’une part, de nouveaux titres sont lancés chaque année et que, d’autre part, les investissements publicitaires y décroissent relativement moins que dans d’autres domaines de la presse. De fait, si, entre 2001 et 2010, le lectorat de la presse magazine féminine connaît une baisse régulière cumulée de 2% (et ce, malgré une hausse en 201017), sur la même période, celle de l’ensemble de la presse magazine diminuait de 7%18. Les magazines féminins sont particulièrement dynamiques, à la fois en termes de création et de déclinaison de titres à l’étranger, mais aussi en matière de présence sur les nouveaux médias, comme le smartphone ou la tablette. Parmi eux, un titre français remporte un succès persistant sur le marché international : ELLE. Son évolution semble symptomatique de celle que connaît la presse féminine depuis la fin du XXe siècle sur le plan de la diversification, de l’internationalisation et de la déclinaison. ELLE joue ainsi un rôle de premier ordre dans le secteur de la presse haut de gamme, car il bénéficie d’un lectorat international, mobilise les annonceurs et a su, depuis son lancement en 1945, s’adapter semaine après semaine aux marchés fluctuants de son lectorat et de la publicité.

On peut se demander comment ce modèle s’est construit depuis 1945 et a pu se décliner en quarante-trois éditions, diffusées dans plus de soixante pays. Le magazine ELLE semble littéralement servir de laboratoire d’expérimentation pour le groupe Lagardère19, tant par l’internationalisation du titre que par son entrée dans les médias numériques et sa marchandisation. Son succès permet à la fois de lui assurer le soutien des gros annonceurs, séduits par le rayonnement des campagnes à l’international, et de développer les régies publicitaires comme Lagardère Publicité et Lagardère Advertising. De plus, ELLE participe à la rentabilité des services spécifiques de l’entreprise, notamment en ce qui concerne la distribution par les messageries, les points de vente physiques et les sites de vente en ligne comme relay.fr.

Dans cet article, nous posons plusieurs éléments au sujet de l’internationalisation de la presse magazine, qui trouve ses fondements au XIXe siècle et qui s’attache aux premiers groupes de presse. Il s’agit de comprendre comment ces magazines, et plus particulièrement ELLE, ont su innover pour survivre grâce à des éditions internationales et à leur transposition sur les médias numériques. Nous nous centrerons sur les déclinaisons internationales réussies – spécialement dans un contexte de crise mondiale de la presse – du magazine ELLE depuis son lancement en 1945, tant dans ses versions imprimées que numériques. Notre étude s’articule autour d’une analyse du contexte historique et économique du milieu de la presse, d’un décryptage de la marque éponyme et de l’examen des outils mobilisés pour permettre le succès de cette internationalisation. Il s’agit de comprendre comment ELLE s’est mué en titre-marque à partir des années 1980, en répondant à une logique économique et marketing.

Stratégies d’internationalisation et logique économique

Le secteur de la presse suit, dans les années 1980, la tendance des marques à l’internationalisation pour répondre à la mondialisation des marchés et aux évolutions techniques et numériques. La conjonction de plusieurs éléments favorise ce phénomène. D’une part, la déréglementation croissante du système mondial, le General Agreement on Trade and Tarif et l’Organisation mondiale du commerce accroissent et codifient les échanges internationaux, augurant de la mondialisation du commerce. D’autre part, l’abaissement des barrières tarifaires favorise les échanges commerciaux. Enfin, la saturation des marchés locaux, qui pousse à la recherche de nouveaux débouchés extranationaux20, conduit les annonceurs à expérimenter des marchés moins saturés et en plein essor. La presse magazine va bénéficier de ces éléments pour se développer à l’échelle mondiale. Ainsi, au fur et à mesure que la France perd sa prédominance dans le milieu de la mode, de nouveaux talents apparaissent d’abord en Angleterre, aux États-Unis et en Italie21, avant de se manifester dans des marchés émergents comme l’Inde. Cette internationalisation de la production se construit donc conjointement avec celle de la presse magazine féminine qui en est l’un des principaux diffuseurs.

En France, ELLE représente 2 017 000 lectrices en 2011. La vente au numéro du magazine progresse de 8,7% par rapport à 2008 et de 3,8% depuis 2006. Malgré un contexte difficile, il est l’un des rares magazines à voir son taux d’abonnement progresser et dépasser la barre des 200 000 abonnés en 2010. La même année, sa diffusion payée augmente de 3,8% et sa vente au numéro de 9,1%22. Il convient de rappeler que cette situation est exceptionnelle : en effet, entre 2009 et 2010, les mensuels ont vu décroître leur lectorat de 4,1% et les bimestriels de 5,3%23. Aujourd’hui, ELLE et ses diverses déclinaisons sont lues dans le monde par 21 millions de lecteurs chaque mois, ce qui représente 6,6 millions d'exemplaires, soit 85 000 pages rédactionnelles chaque année, 51 700 pages publicitaires et, sur l’internet, vingt-huit sites avec près de 22 millions de visiteurs uniques et 178 millions de pages vues24.

Intégré au groupe Lagardère, devenu l’un des principaux groupes de médias dans le monde, le magazine a mis en place une politique de diversification thématique et internationale au sein de laquelle il est progressivement devenu une marque à part entière. L’hebdomadaire a également réussi son passage à l’ère numérique et a su développer les interactions entre ses lectrices. Ces différentes stratégies en font l’un des magazines féminins les plus lus dans le monde et l’un des plus anciens. Cependant, la suprématie de ELLE sur le marché de la presse féminine ne trouve pas seulement ses fondements dans des stratégies multimédias, sinon comment serait-il possible d’expliquer que Lagardère puisse dominer le marché malgré la concurrence de structures européennes ou américaines plus importantes ? Bien que, dans les secteurs de la presse haut de gamme (Vogue) et bas de gamme (Femme actuelle, Cosmospolitan), la diffusion des titres s’appuie sur de grands groupes de presse, des entreprises médiatiques déployées à l’international – dont Condé Nast Publications, Hearst et Prisma Presse (Gruner & Jahr) –, la position du magazine français n’en reste pas moins dominante. Le glissement du titre vers un statut de marque, qui monopolise des outils de coordination pour la publicité comme pour le contenu rédactionnel, constitue une réponse possible, comme nous le verrons plus loin.

ELLE, un magazine international dès sa création

À son lancement en novembre 1945, la construction du modèle ELLE ne s’appuie pas sur une transposition d’un modèle américain de magazine féminin, mais sur une construction à partir des expériences de sa fondatrice Hélène Gordon-Lazareff, notamment par ses collaborations avec des quotidiens américains. Notre dépouillement du Vogue US semble permettre d’écarter l’hypothèse de l’adaptation25. En effet, grande référence de la mode aux États-Unis, le Vogue US, dont le Marie-Claire de 1937 était la version française, se présente davantage comme un catalogue où le rédactionnel et l’information constituent somme toute une portion congrue. En revanche, une place dominante est donnée à la publicité qui représente près de 75% de la pagination totale. La mise en page est axée sur la prédominance de l’image qui accompagne chaque page du magazine. Par opposition, ELLE mise sur un contenu rédactionnel important et une grande diversité d’informations. Ce magazine féminin semble plutôt une adaptation de journaux au contenu informationnel plus étoffé comme Paris-Soir et France-Soir26, dont le rédacteur en chef, Pierre Lazareff, est le mari d’Hélène Gordon-Lazareff. Cette dernière marque également son magazine par sa culture transnationale. D’origine russe, elle rapporte de son exil américain27 une autre conception et un regard nouveau sur la presse. Selon Évelyne Sullerot, « elle [y] avait acquis des connaissances techniques précieuses : choix des couvertures, textes des légendes, mode d’illustration, style de présentation, qu’elle brûlait d’utiliser en France28 ». Grâce à ses collaborations à la rubrique « Mode » du Harper’s Bazaar et à la rubrique « Femme » du New York Times, Hélène Gordon-Lazareff offre à ELLE un nouveau ton, axé notamment sur la liberté et les revendications féministes. Elle donne de l’ampleur aux sujets traités en proposant, par exemple, des reportages. Jusque dans la maquette de son magazine, Hélène Gordon-Lazareff innove en aérant les textes et les images, conférant à ELLE un aspect plus luxueux et un rapport nouveau, en France, entre contenu rédactionnel et illustrations photographiques, notamment en couleurs.

En novembre 1945, ELLE paraît d’abord aux éditions Défense de la France29. En 1946, France Éditions et Publications SARL prennent la relève, avant que le magazine ne glisse progressivement dans le giron de la société Hachette, d’abord à hauteur de 50% en 1947 (sous couvert de la création de la société Publi-Presse), puis entièrement deux ans plus tard. Ces acquisitions ne sont pas seulement un investissement financier du groupe Hachette : il s’agit en fait de reprendre la direction des Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP)30, en assurant ainsi sa majorité au sein du Conseil de gérance. Entre-temps, ELLE a acheté un concurrent, Claudine, qui avait inauguré le créneau du féminin haut de gamme dès mai 1945. Entre mai et décembre 1948, le magazine paraît sous le titre ELLE-Claudine. Le premier avantage de ce rachat est la possibilité pour ELLE de bénéficier du quota de papier de son concurrent, lequel est de qualité supérieure. De plus, cette fusion lui permet d’étoffer sa rédaction en s’adjoignant des collaboratrices reconnues – telle Marcelle Auclair – avec lesquelles Hélène Gordon-Lazareff a déjà travaillé au temps de sa collaboration au Marie-Claire d’avant-guerre.

Une internationalisation trop rapide ?

La première tentative de déclinaison du magazine vers l’international est effectuée très rapidement, dès le numéro 12, du 14 février 1946, dont paraît une édition belge. Le succès n’est pas au rendez-vous et l’aventure se solde avec un dernier numéro daté du 8 août 1946. L’analyse des deux éditions a permis d’identifier les causes probables de cet échec : les vingt-six doubles numéros sont une simple transposition du ELLE France. Les contenus sont repris sans adaptation ni traduction en flamand et seules quelques publicités « locales » sont insérées. La seconde incursion à l’international a lieu en 1970 avec le lancement au Japon du premier magazine féminin Anan de l’éditeur Magazine Houseau, auquel ELLE est associé pour l’occasion. Cette coopération facilitera l’implantation du magazine sur le marché nippon.

Ce n’est toutefois qu’à partir du rachat de Hachette par Lagardère en 1981 que les déclinaisons sont mises en place de façon plus systématique. Leur essor, qui bénéficie de la puissance financière du marchand d’armes (EADS), reflète la volonté d’intégration verticale et horizontale31 du groupe plurimédias. Les éditions-filles de ELLE répondent également à l’influence des annonceurs qui doivent diversifier et élargir leurs marchés. L’expansion du magazine s’effectue tout d’abord sur le territoire français, dès la fin des années 1970, pour drainer la publicité provinciale en créant des cahiers dédiés à certaines régions. Ainsi, une édition spéciale est diffusée en Bourgogne Franche-Comté en 1977, une autre en région Centre à partir de 1980. Ces éditions régionales sont cependant supprimées en 1983, alors que le groupe Lagardère souhaite s’internationaliser.

Cette stratégie d’internationalisation passe à la fois par l’Europe et l’Amérique du Nord. Il s’agit dans un premier temps d’étendre le public francophone en adjoignant au numéro français de ELLE quelques pages spécialisées destinées aux Belges et aux Suisses. Cette politique s’effectue à moindre coût puisque le contenu général du magazine est gardé en intégralité et ne nécessite, pour les pages supplémentaires, qu’une petite équipe rédactionnelle et une régie publicitaire. Une version belge de ELLE est ainsi relancée en janvier 1983 : l’équipe rédactionnelle tente – sans succès – d’acclimater le magazine au pays voisin, à travers trente-six numéros hebdomadaires agrémentés d’un fascicule, en noir et blanc oscillant de six à soixante pages, dans lequel la partie rédactionnelle reste congrue32. À la rédaction sont attachées deux à trois journalistes qui proposent des portraits et des informations propres à la Belgique (agenda culturel, lectures, etc.), limités à quatre à huit pages pleines. Le supplément suisse33 naît une semaine plus tard, également en noir et blanc à ses débuts, mais affiche une périodicité différente, soit vingt parutions par année. Sa pagination ne dépasse pas six pages, destinées essentiellement à la publicité, le rédactionnel étant réduit à deux ou trois articles. Ces tirés à part, du fait de leur format et de leur contenu, s’apparentent fortement à des prospectus publicitaires, ce qui est susceptible d’avoir influé négativement sur leur perception par les lectorats belge et suisse et, ainsi, d’expliquer leur échec. Les deux suppléments sont en effet suspendus en septembre 1984.

L’internationalisation par l’adaptation nationale

Pour réussir l’intégration de ELLE sur les marchés internationaux, le groupe mise dès lors sur une politique d’adaptation plus prononcée que celle mise en place sans succès dans les pays limitrophes. De la sorte, il répond directement aux requêtes des annonceurs qui souhaitent acquérir de nouveaux débouchés. C’est ainsi qu’en 1983, la chaîne américaine de magasins Bloomingdale’s  sollicite Daniel Filipacchi, associé à Jean-Luc Lagardère dans la reprise d’Hachette, pour créer un numéro de ELLE en anglais à l’occasion de la « Semaine de France ». Ce numéro est un véritable succès : les 90 000 exemplaires sont épuisés dans les boutiques de la marque et les kiosques à journaux. Cette édition américaine est initiée en co-entreprise avec le New Yorker. Entre 1984 et 1985, trois autres numéros semestriels voient le jour, chacun tiré à 200 000 exemplaires et vendu à 75%. Une rédaction dédiée et une réelle acclimatation de l’ensemble du contenu au public permettent d’expliquer l’engouement du lectorat américain pour cette adaptation. Les annonceurs sont très présents dans ces numéros et semblent avoir motivé la montée en puissance de cette déclinaison. Or, bien que, Lagardère souhaite passer à une périodicité plus courte, des conflits apparaissent avec le New Yorker, provoquant une rupture de contrat. L’éditeur se tourne alors vers Rupert Murdoch, le directeur du groupe News International. Cette nouvelle co-entreprise entre Lagardère et News International donne naissance, en septembre et novembre 1985, à deux déclinaisons mensuelles anglophones : ELLE USA et ELLE UK. La périodicité plus longue que celle de l’édition mère « représente des coûts de lancement moins coûteux. Enfin, comme pour d'autres magazines féminins, son développement s'est inscrit en réponse à la globalisation des grandes marques de cosmétiques, qui sont ses clients publicitaires internationaux34 ». En 1987, Lagardère rachète pour 712 millions de dollars les magazines au groupe américain Diamandis, dont les deux éditions anglophones du magazine ELLE précédemment acquises à grands frais par le groupe News International35. Lagardère reprend dès lors le contrôle total des éditions américaine et britannique. Après avoir testé le marché et s’être appuyé sur le savoir-faire d’un groupe bien positionné sur le marché national, Lagardère décide de fonder deux filiales, Hachette Filipacchi Media US et Hachette Filipacchi UK LTD, pour éditer ces deux déclinaisons. Ces stratégies s’insèrent dans les politiques plurimédias relevées par Jean-Marie Charon36 et offrent, par le biais de quelques marques, principalement ELLE, une dimension internationale et transmédias au groupe Lagardère.

La poursuite de cette stratégie d’internationalisation du magazine s’effectue ensuite en fonction du marché, des acteurs locaux et de l’implantation des filiales du groupe dans divers pays. Lagardère amorce cette mondialisation par partenariat, co-entreprise, licence ou création de filiales. Le groupe s’attaque à des marchés plus vastes, d’abord les plus proches culturellement et les plus actifs dans le domaine de la mode : les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Italie, puis les pays émergents de l’Amérique latine, de l’Europe de l’Est et de l’Asie. Le magazine est ainsi présent sur tous les continents, à l’exception de l’Antarctique. En Europe, il compte désormais vingt-cinq éditions différentes, lancées entre 1985 et 200837. Dans les Amériques, la progression est plus lente avec seulement six déclinaisons38. En Asie, ELLE s’implante régulièrement depuis 1987 avec une dizaine d’éditions39. La diffusion sur le continent africain est plus récente avec ELLE Afrique du Sud (1996) et ELLE Orient décliné en trois versions : francophone, arabe et anglaise (2006). Enfin, en Australie et en Israël est diffusée la version anglaise.

Jean-Luc Lagardère est à l’origine de l’internationalisation de ELLE, politique qui concerne également d’autres titres du groupe, tels Première et Psychologies magazine. Cette volonté de décliner le magazine à l’étranger résulte de plusieurs motifs. Premièrement, les marges de profit sur le support français, notamment dans les années 1980 où seule la version papier génère des bénéfices, sont mises à mal par la concurrence et la crise publicitaire. Deuxièmement, les bénéfices de certaines éditions-filles sont beaucoup plus importants que ceux dégagés sur les marchés européens ou nord-américains, plus saturés. En effet, l’internationalisation de ELLE depuis les années 1980 correspond bien à une période de baisse de la part relative des investissements publicitaires de la presse en France, décélération qui s’est accrue en 198940. Toute la presse magazine est alors touchée et voit son chiffre d’affaires annonceurs décroître en 1991 de 6%, et même de 7% pour les magazines féminins41. Le secteur est concurrencé et doit faire face à une fragmentation croissante des audiences qui se répartissent parmi les autres médias : d’abord la radio et la télévision, puis la télévision numérique terrestre (TNT), le mobile et l’internet. Vis-à-vis des annonceurs qu’il faut séduire, il devient plus que jamais nécessaire de proposer des campagnes internationales, qui seront étendues à l’internet dans les années 1990.

Le développement horizontal du groupe Lagardère, avec une régie publicitaire intégrée, appuie cette stratégie plurimédias et transnationale, qui lui permet de se positionner rapidement et efficacement sur de nouveaux marchés. Le groupe Lagardère, qui a littéralement élaboré un système global, est dès lors en position de force pour proposer aux annonceurs une offre globale dans plus de soixante pays. D’une part, il s’appuie sur une segmentation du marché par zone géographique, par âge ou par intérêt avec les marques-filles42 ELLE Déco, ELLE à table, ELLEgirl. D’autre part, les régies publicitaires sont à même d’élaborer des campagnes publicitaires sur tous les types de supports médiatiques, via Lagardère Publicité et Lagardère Advertising. Sur le territoire français, Lagardère Publicité s’enorgueillit d’être la « 1ère régie presse magazine43 » avec près de quarante titres qui totalisent plus de 12 millions d’exemplaires, soit 19,5% de part de marché. Le groupe propose des insertions traditionnelles dans près de cent quarante médias (presse, radio, télévision, internet, téléphone mobile et tablette), du local à l’international. Il inaugure également des opérations spéciales avec de grands annonceurs et développe les encarts rédactionnels44 où, bien sûr, il assure les publi-reportages. À l’international, Lagardère Global Advertising offre également une forte expertise du marché, proposant des campagnes par titres, catégories de presse, lectorats et pays. Cette branche du groupe gère la publicité du ELLE France, de toutes les déclinaisons internationales, et même de quelques éditions de Marie-Claire. Cela lui permet de renforcer sa position, car développer un titre à l’étranger augmente directement les bénéfices du groupe via la publicité et la distribution. Ce système fonctionne d’autant mieux que le réseau ELLE se vante de détenir 29% du marché publicitaire des magazines haut de gamme45, situation favorisée par le fait que le titre se soit mué en marque.

La construction de la marque ELLE :un produit culturel

ELLE décline un modèle type sur des cultures différentes en tenant compte des caractéristiques de chaque groupe pour proposer une personnalisation.Ce processus se déploie à l’étranger avec les différentes éditions, mais aussi en France, grâce à une segmentation du public avec les marques-filles et les cahiers régionaux. Cette inscription dans les industries de la culture nous permet également de saisir les politiques de diversification touchant aux médias numériques et la part prépondérante du marketing dans les orientations. Il convient donc de définir la marque ELLE, de son élaboration à son maintien. En nous appuyant sur les travaux de Jean-Noël Kapferer46 et de Robert Leduc47, nous pouvons affirmer que la « clef de réussite des organisations à long terme48 » s’appuie sur le choix d’un nom, donc d’une marque, compréhensible par tous et qui véhicule une image forte et valorisante. Ainsi, le choix du titre du magazine par Hélène Gordon-Lazareff et son équipe dénote un parti pris innovant, car les magazines féminins de l’époque se focalisent sur un prénom (Marie-Claire, Claudine, Marie-France)ou sur une thématique ou un programme (Confidences, Le Petit Écho de la mode, Votre Bonheur). Sans doute issu de l’expérience américaine de sa fondatrice, le terme ELLE dépersonnifie l’hebdomadaire, le titre englobant toutes les femmes et leurs centres d’intérêt, tout en se présentant comme l’exemplification des modèles et des connaissances à maîtriser. Il permet le mimétisme tout en étant dégagé de l’éventuel vieillissement d’un prénom. Au sens de Robert Woodruff, on peut déjà entendre la marque ELLE en termes de valeur perçue, par opposition à la valeur d’usage, en tant qu’une évaluation, faite par le client, des attributs du produit (ou de l’expérience), de ses performances et des conséquences de son utilisation (ou de son vécu), facilitant ou bloquant la réalisation des objectifs et des finalités que l’individu désire atteindre dans les situations d’usage49.

La valeur d’usage de la marque est créée à partir du nom du magazine, puis par l’influence du titre sur la mode par-delà les frontières françaises. Dès le départ, la personnalité de sa fondatrice permet la diffusion du titre à l’étranger, notamment en Amérique du Nord où Hélène Gordon-Lazareff a gardé des liens étroits avec les rédactrices en chef des magazines de mode les plus influents : « En juillet 1964, aux États-Unis, CBS consacre une émission de télévision sur le féminin français et sa créatrice : "les femmes porteront du noir pendant la journée cet automne", annonce Hélène. Et toutes suivront50 ». La même année, le Women’s Wear Daily, bible de la mode américaine, lui dédie deux pages où elle donne encore la tendance et cite les couturiers à suivre. En 1966, Hélène Gordon-Lazareff reçoit l’Oscar de la mode des mains du directeur des magasins Nieman Marcus, au Texas, pour avoir fait triompher le style ELLE aux États-Unis. Jusqu’au fond du pays, ELLE a banni les chapeaux à fleurs et les talons aiguilles. À la suite d’un déjeuner très français, mille femmes de Dallas ont applaudi une présentation de mode dictée par Hélène. Stanley Marcus, le directeur du magasin, a salué en elle l’« apôtre de la jeunesse, la personne qui a le plus d’influence sur ce que les femmes portent en Europe et maintenant aux États-Unis51 ».

Dès les années 1950, le titre de presse avait acquis, grâce à sa fondatrice, une notoriété ayant valeur de marque, dont la renommée dépasse la France. ELLE est très tôt connu à l’échelle internationale, préparant le public à ses déclinaisons locales et à sa transformation en marque. Cette transformation est à ce point réussie qu’en Asie et surtout au Japon, les produits dérivés sont commercialisés avant même la création du ELLE nippon. De fait, « certains produits ELLE sont présents dans 20 000 magasins dans le monde entier. 60% de cette activité est réalisé en Asie52 ».

Au sein du groupe Lagardère, la marque, sous l’impulsion de Didier Quillot, venu du groupe Orange, est intégrée à la fois de façons verticale et horizontale53. La réduction des risques et des coûts par des fusions, acquisitions ou créations de services ou de biens nécessaires à la production du bien culturel correspond aux stratégies du groupe Hachette dès l’acquisition du magazine en 1947. Non seulement Hachette reconquiert-il les NMPP, qui diffusent ses magazines, mais il accroît ses marges sur ses propres produits, qui y sont vendus. On peut ainsi parler d’intégration verticale lorsque, dans les années 1950, ELLE se décline dans une collection de livres pratiques intitulée « ELLE encyclopédie », publiée chez l’éditeur Arthème Fayard qui appartient lui aussi à Hachette. L’intégration horizontale y est perceptible lorsque sont introduits des biens sous la marque du magazine féminin et que la production se diversifie par des déclinaisons internationales et des marques-filles (des lunettes de soleil à la voiture).

Ainsi, selon Gloria Awad, « [l]’offre informationnelle globale occupe un marché caractérisé par une internationalisation et une fragmentation des publics, "une glocalisation"54 ». ELLE se démarque de la concurrence américaine en se positionnant grâce à la notoriété de la mode française et, plus spécialement, de la « femme française », conçue comme un modèle marketing exportable dans le monde, au profit des annonceurs. Ce phénomène s’est mis en place à partir de l’image de la « femme française » répandue dans le monde dès le XIXe siècle comme vecteur de la mode et de l’élégance, grâce au grand couturier Charles Frederick Worth et au développement des magazines féminins. Cette diffusion s’effectue par le biais de l’illustration, mais aussi, de façon plus détournée, par la littérature qui dépeint l’élégance et la mode de la Française et, plus particulièrement, de la Parisienne. L’avènement de la presse féminine internationale amène les rédacteurs de ELLE à utiliser cette tendance pour se différencier de la concurrence et bénéficier de l’aura de la Française. Ainsi, l’analyse des premiers numéros des déclinaisons étrangères révèle notamment la surutilisation de l’image de Catherine Deneuve, souvent avec la présence en couverture du même cliché réutilisé sans aucun travail de recadrage. L’actualité internationale de cette actrice permet de promouvoir le magazine, tout en réduisant les coûts avec un seul droit à payer en multidiffusion.

En termes de construction internationale, le groupe Lagardère a écarté, pour son magazine, la revente de contenu55 au profit de la co-entreprise. Cette pratique d’association avec un acteur local qui maîtrise le marché et la diffusion et prend en charge les aspects logistiques de la création de filiales, notamment dans les pays émergents, a été bénéfique dans les années 1980 pour faire face au contexte économique difficile en répartissant les coûts et les risques. En ce début de XXIe siècle, la licence de marque connaît une forte expansion grâce à cette politique qui limite les investissements du groupe mère au profit d’une entreprise autochtone mieux au fait des réalités du marché et des attentes du lectorat local. Cette dernière bénéficie d’une partie du contenu du magazine qui sera traduite : la déclinaison est alors construite à partir d’un cahier des charges de la marque ELLE,en fonction des caractéristiques locales du marché. La licence est une stratégie prudente de diversification à laquelle le groupe fait appel lorsque des marchés deviennent instables, comme au Brésil où, dans un contexte d’inflation galopante, ELLE est devenu une licence, limitant ainsi les risques pour Lagardère. S’adaptant toujours aux contextes délicats et aux difficultés liées à la gestion du groupe, celui-ci a cédé à Hearst, en janvier 2011, les licences de ses magazines ELLE dans quatorze pays (États-Unis, Russie, Ukraine, Italie, Espagne, Royaume-Uni, Chine, Japon, Pays-Bas, Hong Kong, Mexique, Taiwan, Canada et Allemagne)56. Lagardère perçoit une redevance annuelle sur le chiffre d’affaires, dont le montant serait d’environ 8 millions d’euros par an57. Il garde également la maîtrise exclusive du marché publicitaire des déclinaisons de ses magazines par l’intermédiaire de sa régie Lagardère Global Advertising. Cette stratégie permet de décliner le titre dans des versions locales différant d’un pays à l’autre, mais en gardant une mainmise sur la construction de la maquette pour la répartition de la publicité.

Les études sur les transferts culturels datent également de cette période clef que sont les années 1980, avec les travaux de Michel Espagne pour lequel la transnationalisation de la culture cherche à « privilégier les phénomènes de réappropriation et de resémantisation d’un bien culturel importé, en tenant compte de ce que ce processus relève sur le contexte d’accueil58 ». Selon Hans-Jürgen Lüsebrink, les processus de transferts culturels concernent les formes de médiation entre cultures, c’est-à-dire les biens et pratiques culturels qui sont transférés et reçus dans la culture-cible : informations, discours, textes, institutions et modes d’action et, par conséquent également, la dimension culturelle du transfert d’objets, de produits et de biens de consommation59. Ces recherches permettent de mieux cerner la nature des adaptations culturelles suivant les zones géographiques.

Ainsi, avec sa marque, ELLE sait se décliner par une maîtrise fine des marchés. Dans un même pays, le magazine existe parfois en deux versions : par exemple en Belgique, avec ELLE Flamand et ELLE Wallon, ou encore au Canada, avec ELLE Québec et ELLE Canada. Plus récemment, il faut souligner la triple version du ELLE Orient, basé à Beyrouth. L’équipe rédactionnelle est identique, mais propose trois magazines différents, aux normes distinctes. La version française, diffusée au Liban, est moins soumise aux censures rédactionnelle et photographique. Le ELLE Orient,en anglais et arabe, destiné aux Émirats arabes, est assagi, expurgeant nudité, questions politiques ou sexuelles. Enfin, la version arabe, distribuée en Arabie Saoudite, est totalement bridée, les mannequins sont rhabillés à l’aide d’un logiciel de retouche et les questions d’érotisme, de politique, d’alcool, ainsi que toutes les formes d’atteinte aux dogmes religieux sont évacuées60. Ces procédures confirment les propos d’Éric Darras, selon lequel l’ancrage d’un magazine de presse écrit dans la culture du pays ciblé suppose de varier la hiérarchie des rubriques (beauté, mode, célébrités …), le choix des sujets à l’intérieur des rubriques, l’angle et le traitement, mais aussi la maquette (hiérarchie des visuels et des couleurs) et les illustrations61.

Cette politique d’expansion de la marque est facilitée par un phénomène d’uniformisation culturelle et sociologique, ainsi que par une standardisation des modes de consommation. Comme le souligne Gérald de Roquemaurel, président-directeur général de Hachette Filipacchi Médias, « [d]ans le monde entier, les lectrices de ELLE voient les mêmes films, utilisent les mêmes produits de beauté et s'intéressent aux mêmes tendances de mode62 ». A contrario des magazines masculins, les féminins sont plus facilement exportables, car les préoccupations de la gent féminine restent relativement similaires d’un pays à un autre. Les magazines masculins commencent cependant à s’exporter, avec le développement des marques masculines et du marché des cosmétiques dédiés aux hommes. Playboy, Men’s Health, FHM et, plus récemment, GQ ont réussi leur internationalisation, en s’appuyant eux aussi sur des groupes médias internationaux.

 Dans le cas de ELLE, il s’agit d’insuffler un parfum français mais, pour reprendre les propos de Valeria Llopiz, responsable des éditions internationales, « [l]e point de départ n’est pas le même dans tous les pays. ELLE est, d'une manière générale, une marque internationale à saveur locale63 ». ELLE France reste la référence, « la reine mère » dont doivent s’inspirer les déclinaisons. Une direction ELLE international a d’ailleurs été créée à Paris pour la coordination éditoriale et la surveillance de la marque. Il ne s’agit pas de contrôler le contenu des articles, mais les choix rédactionnels, la mise en page et l’adéquation par rapport à la marque. ELLE se déclinant également en produits dérivés, Lagardère veille, par ce biais, à la cohérence globale de la marque et des éditions sous licence. Quel que soit le type d’éditeur – filiale, partenariat, co-entreprise ou licence –, toutes les éditions sont soumises au même droit de regard.

Sur le plan du contenu, ELLE international élabore des sujets « clefs en main » pour toutes les déclinaisons. Les échanges d’informations entre les différentes éditions existent et tendent, pour des raisons financières, à se développer. Certes, une rédaction locale est créée pour chaque édition, mais les contraintes culturelles, la proximité avec certains pays possédant leur ELLE et les restrictions financières – voire, semble-t-il, dans certains cas, la difficulté à trouver des journalistes – encouragent cette pratique64. ELLE international gère ainsi une base de données dont elle produit une partie du contenu. Cet outil est commun à toutes les éditions et alimente principalement les jeunes éditions. Lagardère considère qu’il représente en moyenne 20% du contenu éditorial des éditions imprimées et numériques. Ce sont les rubriques « Mode » et « Beauté » qui bénéficient le plus de ces fonds rédactionnels, photographiques et parfois, pour les sites internet, audio-visuels. Les éditions française, italienne, anglaise et américaine fournissent la grande majorité des contenus : leur ancienneté et la taille des équipes sont des atouts et, surtout, ces quatre pays possèdent une très forte culture de la mode qui peut être diffusée à l’international. Le partage de contenus alimente également les différents sites internet et les déclinaisons. La prédominance de certaines éditions varie cependant en fonction des marques-filles. Ainsi, le ELLEgirl américain représente en moyenne 60% du contenu de ses déclinaisons internationales. On peut y voir, sans doute, une preuve de l’uniformisation de la culture, plus prégnante chez les jeunes, exercée notamment par le biais des séries télévisées.

Cette hégémonie culturelle s’étend par-delà les déclinaisons étrangères de marques-filles, autour de secteurs démographiques et thématiques. En effet, depuis 1987, ELLE se décline également dans d’autres secteurs, d’abord avec le titre ELLE décoration, qui se déploie actuellement en vingt-sept éditions, ce qui représente plus de 8,5 millions de lecteurs par mois dans le monde, soit plus de 20 millions d’exemplaires par an65. La deuxième marque-fille internationalisée en version papier est ELLE à table, avec quatre éditions, soit 1 896 834 exemplaires en 2009. La troisième est ELLE girl, qui vient concurrencer teenVogue à partir de 2001. Cette marque-filletrouve un nouvel avenir financier entre 2006 et 2008 avec ELLEgirl.com, version numérique du magazine éponyme, sur un support qui correspond mieux à son cœur de cible consommateur de nouvelles technologies. Sur quelques marchés sont créées des déclinaisons autour de ELLE Man et ELLE Men,notamment au Mexique et en Roumanie, ou encore sur le marché très ciblé des accessoires avec ELLE Accessories aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Japon. Dans ce dernier pays, la filiale Fujingaho66 de Lagardère édite une spécificité liée aux marchés japonais et italien, ELLE mariage.

Perspectives de recherche

En définitive, ELLE et ses quarante-trois éditions invitent à développer plusieurs champs de recherche, de la stratégie des groupes de presse au renouvellement du secteur publicitaire, en passant par l’exploitation de marque ou de licence. Ce magazine semble être un laboratoire pour le groupe Lagardère qui y teste de nouveaux médias et de nouveaux concepts. Ces quêtes incessantes des nouvelles technologies s’appuient sur les valeurs développées par le groupe : Jean-Luc Lagardère voulait un groupe de presse, son fils le transforme en entreprise plurimédias. Cette politique lui permet de surmonter partiellement la crise du secteur magazine et la baisse des investissements publicitaires par les annonceurs, notamment en 2009. Ainsi, à en croire l’étude menée par Yacast, la publicité y aurait augmenté de 24% entre 2009 et 201067. Au niveau national, ELLE a su conforter sa position dominante sur le marché de la presse féminine haut de gamme en développant ses ventes au numéro par une politique de changement de prix facial et de jour de parution. Mais depuis 2012 il est dépassé par le titre Madame Figaro, marque-fille et supplément du quotidien Le Figaro68. À l’international, ses déclinaisons et éditions internationales sont bien positionnées sur les différents marchés : ELLE Decor aux États-Unis dépasse Architectural Digest, ELLE US devance en volume publicitaire Vogue qu’il domine aussi sur le marché nippon, comme L’Officiel, qui y a disparu après quelques numéros. La marque ELLE a permis à Lagardère de « devenir un leader mondial dans la production et l’agrégation de contenus multisupports69 » et a introduit le futur Lagardère Entertainment (audio-visuel), où commencent à être placés des produits ELLE (ELLE TV, avec une présentation des coulisses des défilés, des séances de prise de photographies…). Autre projet pour le magazine féminin : un magazine électronique qui reproduirait des photos d’art et serait un véritable lieu d’exposition du luxe et de la beauté sur l’internet. La cession à Hearst de quinze déclinaisons internationales du prestigieux ELLE et de « celles du groupe Marie-Claire, détenu à 42% par Lagardère Interactive70 » n’a pas remodelé le marché du magazine mondial. Les titres continuent à prospérer, soutenus par Lagardère Global Advertising et par la politique de direction de marque gérée par Valérie Toranian, responsable de la marque et de l’équipe de ELLE international et directrice de la publication française. Cette manœuvre a recentré le groupe de médias sur la presse française et dégagé les fonds nécessaires pour encourager les nouvelles orientations médiatiques d’Arnaud Lagardère. Le magazine ELLE est un produit sérialisé et décliné en fonction d’une culture construite de la « femme française » dans une démarche marketing. Ainsi, le groupe rationalise la production en intégrant des outils de production et en centralisant les services de ses magazines. Il fait notamment converger des départements pour créer une synergie nouvelle, de la régie publicitaire à la diffusion internationale. Du point de vue horizontal, ELLE connaît un développement de services et de biens autour de sa marque, du livre à l’application numérique. Et d’un point de vue vertical, Lagardère, bénéficiaire de la notoriété du titre antérieure à son internationalisation, procède ainsi à une extension de marque71. Il s’agit alors d’associer la marque ELLE à de nouvelles catégories de produits72 autour du capital du ELLE­ mère,qui reste la seule référence pour les produits dérivés, et des marques-filles dans une acception glocale. Les profits sont de plus en plus liées à la marque et non plus aux ventes du magazine73, mais les tendances sont encore peu précises.

Conclusion

La recherche sur l’histoire des magazines permet de mieux cerner la presse féminine actuelle qui représente, en 2012, en France, 22% de la diffusion payée sur les 43% de la presse magazine en France74 et qui augmente en 2011 de 7% son chiffre d'affaires publicitaires à 1,43 millions d'euros75. Créé au XIXe, le magazine est un des marqueurs de l’industrialisation de la presse. Au début de XXIe siècle, semblent se mettre en place un renouvellement des industries culturelles avec un retour à des bases plus anciennes dans ses modes de diffusion et de rédaction76, ainsi qu’une nouvelle circulation des modèles de titre, non plus par la reprise d’un titre dans un autre pays, mais par une déclinaison du titre-mère.

À partir de ces hypothèses, un groupe international de chercheurs regroupés au sein de l’Observatoire de la Presse Internationale Illustrée Magazine (OPIIM77) tente de contextualiser les notions de représentations sociales, de transmission et de réception des connaissances et des informations, et d’apporter un éclairage nouveau sur les discours concernant la diffusion et la réception des connaissances et des représentations. Le cadre proposé pour ces recherches est donc celui de la comparaison et les axes d’étude sont triple. Dans un premier temps, il semble indispensable de déterminer des modèles nationaux (de contenus78, de techniques, de stratégies), dans le cadre d'une fine chronologie de leur apparition. Dans un second temps, le traitement transnational met en évidence les dynamiques de circulation de ces modèles photo-journalistiques79 ou de presse (magazines illustrés)80. Enfin, dans un dernier temps, une étude croisée de certains thèmes (par exemple la Grande Guerre81, avec un colloque en 201382 qui s’attachera à la culture visuelle de l’avant-guerre, aux discours des presses illustrées face à l’événement et aux héritages) permettra d'allier la circulation des modèles et leur adaptation à un contexte bien précis.

L’OPIIM propose, à travers une approche interdisciplinaire regroupant l'histoire, la socio-économie, le politique, l'information et la communication, une étude des entreprises d’édition et de la presse pour mieux saisir la transformation des industries de la culture sur le temps long, depuis le XIXe siècle jusqu'aux médias plus récents comme l’internet. Les contributions issues de deux colloques – « 1949-2009 : presse et photographie, les mutations du photojournalisme et des magazines illustrés83 » et « Les magazines illustrés (XIXe-XXIe siècles). Une approche transnationale84 » – ont permis d’élargir la connaissance que l’on pouvait avoir de certains magazines illustrés ayant largement participé à la diffusion d’informations souvent liées à l’actualité. L’aspect structurant de cette presse sur les métiers contribuant à son élaboration – des graveurs sur bois aux photo-reporters – a également été démontré. Les travaux ont ainsi mis en évidence le rôle de vecteurs puissants que ces magazines illustrés ont joué dans la construction d’imaginaires collectifs.

Il est en ce sens nécessaire de poursuivre l'analyse comparative et pluridisciplinaire de la presse illustrée en élargissant son cadre international et de continuer à examiner le développement de l'industrie de presse dans divers pays et sur une période de longue durée du XIXe au XXIe siècle, tout en maintenant la France au cœur de cette étude. L’objectif étant de procurer un ensemble exhaustif et bien documenté de connaissances sur la presse qui représentera un apport très précieux pour les chercheurs dans les domaines de la communication et des médias de masse reliés aux champs politique, socio-économique, sociologique, culturel et historique, de même que pour des publics moins spécialisés.

(Université Paris 13, LabSIC et MSH Paris-Nord)

Notes

1  Samra-Martine Bonvoisin et Michèle Maignien, La presse féminine, Paris, Presses universitaires de France, « Que sais-je ? », 1986, p 7.

2  Pierre Albert et Fernand Terrou, Histoire de la presse, Paris, Presses universitaires de France, « Que sais-je », 1970, p. 56.

3  Karine Taveaux-Grandpierre, De la diffusion de la presse parisienne quotidienne en France : Hachette et les quotidiens à grand tirage, 1870-1914, Thèse de doctorat (Sciences de l’information et de la communication), Paris, Université Paris 3, 1999.

4  Évelyne Sullerot, La presse féminine, Paris, Armand Colin, « Kiosque », 1963, p. 32.

5  Samra-Martine Bonvoisin et Michèle Maignien, La presse féminine, op. cit., p. 16.

6  Simone R. Miller, « Why Harper's Bazaar Matters More Than Vogue », NYU Wikis, 23 décembre 2010, [En ligne], consulté le 22 octobre 2012.

7  États-Unis, France, Portugal, Royaume-Uni, Australie, Russie, Chine, Allemagne, Turquie, Inde, Italie, Taïwan, Japon, Espagne, Brésil, Mexique/Amérique latine, Grèce, Corée, Hollande, (Condé Nast International [En ligne] http://www.condenastinternational.com/brand/?b=vogue#vogue, consulté le 22 octobre 2012).

8  Corée du Sud, Malaisie, Mexique, Roumanie, Russie, Singapour, Espagne, Taïwan, Thaïlande, Turquie, Émirats Arabes, Royaume-Uni, Ukraine, Vietnam, Australie, Argentine, Brésil, Bulgarie, Chine, République Tchèque, Grèce, Hong Kong, Inde, Indonésie, Kazakhstan, États-Unis. (Harper’s Bazaar, [En ligne] http://www.harpersbazaarmediakit.com/r5/showkiosk.asp?listing_id=3951438&category_id=27874, consulté le 22 octobre 2012).

9  Ce chiffre tient compte des éditions multilingues dans un même pays et des titres-filles. Cosmopolitan est disponible en Argentine, Arménie, Australie, Azerbaïdjan, Brésil, Bulgarie, Afrique centrale, Chili, Chine, Colombie, Croatie, Chypre, République tchèque, Équateur, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Hong Kong, Hongrie, Inde, Indonésie, Israël, Italie, Kazakhstan, Corée, Lettonie, Lituanie, Malaisie, Mexique, Mongolie, Hollande, Norvège, Pérou, Philippines, Pologne, Portugal, Porto Rico, Roumanie, Russie, Serbie, Singapour, Slovénie, Afrique du Sud, Espagne, Suède, Taïwan, Thaïlande, Turquie, Royaume-Uni, États-Unis, Ukraine, Venezuela, et Vietnam. (Édith Zimmerman, « 99 Ways to Be Naughty in Kazakhstan. How Cosmo Conquered the World », New York Times (3 août 2012), [En ligne] http://www.nytimes.com/2012/08/05/magazine/how-cosmo-conquered-the-world.html?_r=1&pagewanted=all, consulté le 22 octobre 2012).

10  Évelyne Sullerot, op. cit., p. 6.

11  Géraldine Muhlmann, Une histoire politique du journalisme, XIXe-XXe siècle, Paris, Presses universitaires de France, « Partage du savoir », 2004.

12  Évelyne Sullerot, op. cit. ; Anne-Marie Dardigna, La presse « féminine ». Fonction idéologique, Paris, François Maspéro, 1978 et Samra- Martine Bonvoisin et Michèle Maignien, op. cit.

13  Vincent Soulier, La presse féminine : la puissance frivole, Paris, L’Archipel, 2008.

14  Claude Chabrol, « Catégorisation de genre et stéréotypage médiatique : du procès des médias aux processus socio-médiatiques », dans Henri Boyer (dir.), Stéréotypage, stéréotypes : fonctionnements ordinaires et mises en scène, t. 1, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 61-72. Claude Chabrol et Mihaela Oprescu, « La presse féminine : une mythologie efficace. Succès du conservatisme ou nouveau féminisme ? », Travail et genre dans les médias, L’orientation scolaire et professionnelle, vol. 39, n° 3 (2010), [En ligne] http://osp.revues.org/index2866.html, consulté le 22 octobre 2012.

15  Hélène Eck et Claire Blandin (dir.), « La vie des femmes », La presse féminine aux XIXe et XXe siècles, Paris, Éditions Panthéon-Assas, « Colloque », Paris, 2010.

16  Justine Marillonnet, Images de mode et images de femmes : des représentations de la presse féminine magazine aux représentations du public féminin. Étude d’un message médiatique : stéréotypage de genre et mascarade, Thèse de doctorat (Sciences de l’information et de la communication), Lyon, Université Lumière Lyon 2, 2010.

17  Audipresse, « Études APEM. Cumul de juillet 2009 à juin 2010», Données générales sur l’audience de la Presse Magazine (13 septembre 2010), p. 3.

18  Ibid.

19  Le groupe Lagardère est un groupe média co-contrôlant le groupe European Aeronautic Defence and Space company (EADS) à hauteur de 7,5%. Il est présent dans une trentaine de pays et se divise en quatre branches d'activités distinctes et complémentaires : Lagardère Publishing (livres et publications numériques), Lagardère Active (presse, audiovisuel (radio, télévision, production audiovisuelle), numérique et régie publicitaire), Lagardère Services (commerce dans les zones de transports et distribution) et Lagardère Unlimited (sport et divertissement).

20  Charlotte Bruxeille, L’internationalisation des marques, Mémoire de maîtrise (Marketing), Grenoble, ESC WESFORD - École supérieure de commerce et de management de Grenoble, 2005.

21  Marie-Claude Vettraino-Soulard, « L’internationalisation de la mode », Communication et langages, n° 118 (1998), p. 70-84.

22  Audipresse, « Études APEM. Cumul de juillet 2009 à juin 2010», op.cit., p. 3.

23  Ibid.

24  « Did you know? ELLE », Lagardère Advertising, [En ligne] http://www.lagardere-global-advertising.com/%20News/General/DID-YOU-KNOW9, consulté le 25 juillet 2012.

25  Étude portant sur les numéros édités entre 1940 et 1945.

26  Les locaux du quotidien accueilleront l’équipe ELLE, ce qui permettra des échanges d’articles.

27 De confession juive, elle dut s’exiler aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale.

28  Évelyne Sullerot, op. cit., p. 67.

29  Hervé Mille (journaliste et rédacteur en chef de Paris-Match) réunit les investisseurs : un armateur marseillais, le fils de Paul Valéry et un antiquaire parisien.

30  La loi Bichet de 1947 transfère la gestion des NMPP à deux coopératives. Hachette ne détient plus alors que 49% des actions et, pour en reprendre le contrôle, l’entreprise prend la direction de certains journaux détenteurs des parts manquantes au travers des coopératives. Depuis le 1er juillet 2011, les NMMP sont devenues une société par actions simplifiées (SAS), rebaptisée Presstalis, dont le groupe Lagardère s’est désengagé.

31  « L'intégration verticale et l'intégration horizontale font référence à des stratégies mises en œuvre par des entreprises. L'intégration horizontale a pour objectif, pour une entreprise, de mieux contrôler son réseau d’approvisionnement et de distribution alors que l'intégration verticale vise à réaliser des économies d’échelle en intégrant dans sa structure les filières de production. » (« Lexique finance », Trader-finance.fr, [En ligne] http://www.trader-finance.fr/lexique-finance/definition-lettre-I/Integration-verticale-et-horizontale.html, consulté le 22 octobre 2012).

32  Du numéro 1933, daté du 24 janvier 1983, au numéro 2018, daté du 10 septembre 1984.

33  Du numéro 1934, daté du 31 janvier 1983, au numéro 2017, daté 3 septembre 1984, soit vingt-cinq numéros.

34  Martine Esquirou, « La presse magazine est le seul vrai média international » [Interview avec Gérald de Roquemaurel, vice-président-directeur général de Hachette], Libération (6 juillet 1995), [En ligne], http://www.liberation.fr/medias/0101147623-la-presse-magazine-est-le-seul-vrai-media-international-pour-le-vice-pdg-d-hachette-gerald-de-roquemaurel-les-magazines-presentent-l-avantage-industriel-de-se-decliner-en-plusieurs-langues, consulté le 25 juillet 2012.

35  Jean-Marie Charon, « Stratégies pluri-médias des groupes de presse », Les Cahiers du journalisme, no 20 (automne 2009), p. 76.

36  Ibid., p. 64-79.

37  France (1945), Royaume-Uni (1985), Italie (1987), Allemagne, Espagne, Grèce, Portugal, Suède (1988), Hollande, Pologne (1989), République tchèque (1994), Russie (1996), Norvège (1997), Roumanie (1999), Turquie, Hongrie, Ukraine (2001), Croatie (2002), Belgique (2003), Bulgarie, Serbie, Slovénie (2005), Danemark et Finlande (2008), auxquelles il convient d’adjoindre le bi-mensuel suisse (1982), qui est en fait un cahier encarté au début du magazine français tous les quinze jours.

38  États-Unis (1985), Brésil (1988), Québec (version francophone, 1989), Argentine (1994), Mexique et Canada (version anglophone, 2001).

39  Hong Kong (1987), Chine (1988), Japon (1989), Taiwan (1991), Corée (1992), Singapour (1993), Thaïlande (1994), Inde (1996), Indonésie (2008) et Vietnam (Phai Dep-ELLE, 2010).

40  Jean-Pierre Warlop, « L'évolution du marché publicitaire de 1981 à 1991 », Communication et langages, n° 94 (4e trimestre 1992), p. 38.

41  Ibid., p. 39.

42  Le terme de « marque-fille » désigne un produit dérivé du concept original dont il conserve la ligne éditoriale. On préférera cette dénomination à « spin-offs », terme utilisé à l’international par Lagardère Adverstising.

43  « La régie », Lagardère publicité, [En ligne] http://www.lagardere-pub.com/Regie/Lagardere-Publicite, consulté le 25 juillet 2012.

44  Les encarts rédactions sont des fascicules publicitaires insérés dans les magazines et les revues. Leur format, leur qualité supérieure de papier et leur pagination les distinguent du magazine.

45  « Did you know? ELLE », op. cit.

46  Jean-Noël Kapferer, Re-marques. Les marques à l’épreuve de la pratique, Paris, Éditions d’Organisation, 2000.

47  Robert Leduc, La publicité : une force au service de l'entreprise, Paris, Dunod, 1988.

48  Arnaud Rivière, « La valeur perçue d’une offre en marketing : vers une clarification conceptuelle », Cahiers de recherche du CERMAT, vol. 20, n° 07-146 (2007), p. 2.

49  Robert B. Woodruff, « Customer value: the next source for competitive advantage », Journal of the Academy of Marketing Science, vol. 25, no 2 (1997), p. 139-153.

50  Sophie Delassein, Les dimanches à Louveciennes, chez Hélène et Pierre Lazareff, Paris, Grasset, 2009, p. 278.

51  Ibid., p. 279.

52  Franck Espiasse, « Biz-dev : comment diversifier les revenus, quelles conditions de succès, quelle cohérence avec la marque ? » (table-ronde animée par Loïc Guilloux, Franck Espiasse et Jean Weiss, La journée de la presse magazine, Paris, Salon Hoche, 6 avril 2011 [organisée par le Syndicat de la presse magazine]).

53  Michaël E. Porter, Choix stratégiques et concurrence (trad. de Philippe de Lavergne), Paris, Economica, 1982 et Stuart Hall, « The problem of ideology: marxism without garantees », dans David Morley et Chen Kuang-Hsing (dir.), Stuart Hall, Critical Dialogues in Cultural Studies, Londres, Routledge, 1996, p. 262-275.

54  Gloria Awad, « Globalisation et turbulence. Convergence des formats, différence des cultures », Communication et langages, n° 147 (2006), p. 49. La « glocalisation » est l’ajustement de l’offre à un public géographiquement segmenté. Ainsi, sur le marché canadien, il existe deux magazines ELLE : ELLE Canada et ELLE Québec.

55  Ce qui a été par contre retenu pour Côté Sud, qui vend son fonds documentaire à des titres étrangers.

56  Le Monde avec Agence française de presse (AFP), « Lagardère vend ses magazines internationaux à Hearst », Le Monde (31 janvier 2011), [En ligne] http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2011/01/31/lagardere-vend-ses-magazines-internationaux-a-hearst_1473179_3236.html, consulté le 25 juillet 2012.

57  Alix Rijckaert (AFP), « Lagardère conclut la vente à Hearst de ses magazines à l’étranger », 28 mars 2011, [En ligne] http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5jTjWf0GwDbKUc2IcLmIRIf-CDohQ?doc Id=CNG.637560b573351db65361d2f749b5e13f.131, consulté le 25 juillet 2012.

58  Michel Espagne, « Les transferts culturels », H-Soz-u-Kult (19 janvier 2005) [En ligne] http://hsozkult.geschichte.hu-berlin.de/forum/id=576&type=diskussionen, consulté le 25 juillet 2012.

59  Hans-Jürgen Lüsebrink, « Les concepts de "Culture" et d’"Interculturalité". Approches de définitions et enjeux pour la recherche en communication interculturelle », Bulletin de l'Association pour la recherche interculturelle, n° 30 (avril 1998), p. 3 ; Hans-Jürgen Lüsebrink, Ute Fendler et Christoph Vatter (dir.), Francophonie et globalisation culturelle. Politique, médias, littératures, Francfort-sur-le-Main, IKO-Verlag, 2008 ; Hans-Jürgen Lüsebrink, Michèle Garneau et Walter Moser (dir.), Enjeux interculturels des médias. Altérités, transferts et violences, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, « Transferts culturels/Cultural Transfers », 2011.

60  Juliette Debruxelles, « ELLE Orient, les femmes en mouvement », ELLE Belgique, n° 94 (juin 2011), p. 98.

61  Éric Darras, « Les genres de la presse féminine, éléments pour une sociologie politique de la presse féminine », dans Jean-Baptiste Legavre (dir.), La presse écrite : objets délaissés, Paris, L'Harmattan, 2004, p. 274.

62  Bertrand d'Armagnac et Bénédicte Mathieu, « En 3000 numéros, "Elle" est devenu une marque mondiale », Le Monde (30 juin 2003), p. 19.

63  Valeria Llopiz, citée dans Mélissa Reverso, « Elle a conquis la planète », Stratégies Magazine, n° 1600 (9 septembre 2010), [En ligne] http://www.strategies.fr/actualites/medias/138561W/elle-a-conquis-la-planete.html, consulté le 25 juillet 2012.

64  Désirée Sadek est responsable des trois éditions de ELLE Orient. Colette Khalaf (pour L’Orient Le Jour), « Parution en mai 2006 du premier numéro d’"Elle Orient". Pour Désirée Sadek, “"Elle" sera vous et moi” », Libanvision / Byzance. Magazine – Revue de l’Art de Vivre et de la Décoration, [En ligne] http://www.libanvision.com/byzance-magazine.htm, consulté le 22 octobre 2012.

65 « Lagardère Active lance ELLE DECORATION en Indonésie » [communiqué de presse], Lagardère. Centre de Presse (22 février 2010), [En ligne] http://www.lagardere.com/centre-presse/communiques-de-presse/ communiques-de-presse-122.html&idpress=4574, consulté le 25 juillet 2012.

66  Lagardère, « L’ère Fujingaho », La lettre aux actionnaires (rubrique « Hachette Filipachi Médias »), Paris, Centre d’information des actionnaires de Lagardère SCA, avril 2006, p. 4, [En ligne], consulté le 25 juillet 2012.

67  Étude Yacast. « Bilan publicitaire Presse – Année 2010 », 7 janvier 2011.

68  Note de résultats, titre à titre, One Audipresse, 13 novembre 2012, p. 6. http://www.audipresse.fr/media/document/one20112012/one_20112012_note_resultats.pdf

69  « Interview de Didier Quillot - Président du directoire de Lagardère Active Télécoms et Innovation », Télécoms et innovation. Le Portail Télécom et Média de Sia Conseil (mars 2009), [En ligne] http://telecom.sia-conseil.com/index.php/acteurs/interview-de-didier-quillot-president-du-directoire-de-lagardere-active, consulté le 25 juillet 2012.

70  AFP, « Lagardère tourne une page de son histoire », Le Soir (5 janvier 2011), [En ligne] http://archives.lesoir.be/lagardere-tourne-une-page-de-son-histoire_t-20110105-016THL.html, consulté le 16 août 2012.

71  Jean-Noël Kapferer, Les marques. Capital de l’entreprise, Paris, Eyrolles/Éditions d’Organisation, « Références », 2007 [1991], p. 20.

72  Ibid., p. 504.

73  Cet argumentaire a été développé par Bernard Miège pour définir les industries créatives par rapport aux industries culturelles dans lesquelles il inscrit la presse (Bernard Miège, « Pour une recherche des traits communs et des spécificités des industries culturelles et des industries créatives : éléments méthodologiques », journée d’études Les industries créatives, encore, toujours et partout : actualités et enjeux des transformations dans les industries créatives, Paris, Maison des sciences de l’homme-Paris Nord, 7 juin 2011).

74  « Presse Grand Public – Synthèse », Observatoire de la Presse 2012 (mars 2012), [En ligne] http://observatoire.ojd.com/report/visu/obs/22/do/GP_PMAG/, consulté le 18 novembre 2012.

75  AFP, « Les recettes publicitaires de la presse dopées par les magazines » L’Express (7 juillet 2011), [En ligne] http://www.lexpress.fr/actualites/1/economie/les-recettes-publicitaires-de-la-presse-dopees-par-les-magazines_1010293.html, consulté le 18 novembre 2012.

76  Le portage sur les médias numériques entraîne une réduction de la taille des textes et une augmentation de la place de l’image par rapport à l’écrit dans la lignée de la presse populaire du Petit Journal.

77  L’Observatoire a été labellisé en 2008 par la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord. Les membres fondateurs sont Jean-Pierre Bacot, Joëlle Beurrier, Michèle Martin et Karine Taveaux-Grandpierre.

78  Michèle Martin, Images at War, Illustrated Periodicals and Constructed Nations, Toronto, University of Toronto Press, 2006.

79  Sur ce thème à découvrir, voir Jean-Pierre Bacot, et al., Structures et mutations du photojournalisme, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, à paraître en décembre 2012.

80  Jean-Pierre Bacot, La presse illustrée au XIXe siècle. Une histoire oubliée, Limoges, Presses Universitaires de Limoges et du Limousin, 2005 et Michel Durampart et Karine Taveaux-Grandpierre [dir.], Autour de L’Illustration, autour de l’image. Perspectives comparatistes, actes du colloque international 2004, Paris, Université Paris 13, Jouve, 2009.

81  Joëlle Beurier, Images et violence, 1914-1918. Quand Le Miroir racontait la Grande Guerre..., Paris, Nouveau Monde, 2007.

82  Colloque « La Grande Guerre des magazines illustrés », MSH Paris-Nord, 5, 6 et 7 juin 2013.

83  MSH Paris Nord, France, 29 et 30 avril 2009.

84  MSH Paris Nord, France, 9 et 10 décembre 2010.

Pour citer ce document

Karine Taveaux-Grandpierre, « Lorsque la presse féminine s’internationalise : le cas ELLE », La recherche sur la presse : nouveaux bilans nationaux et internationaux, sous la direction de Micheline Cambron et Stéphanie Danaux Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/la-recherche-sur-la-presse-nouveaux-bilans-nationaux-et-internationaux/lorsque-la-presse-feminine-sinternationalise-le-cas-elle