Les Mystères urbains

Les Bas-fonds de Pétersbourg

Table des matières

FRANÇOISE GENEVRAY

Éléments biographiques

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Fils d'un officier, Vsévolod Vladimirovitch Krestovski (1839-1895) passe son enfance en Ukraine et fait ses études secondaires à Saint-Pétersbourg. Dès 1860 il publie des poèmes érotiques (Motifs espagnols) et civiques, puis des récits fictionnels et des comptes rendus critiques. Interrompant ses études de droit en 1861 pour se consacrer à l'écriture, il collabore à la revue animée par les frères F. et M. Dostoïevski (Le Temps) et surtout à La Parole russe, organe des progressistes radicaux. La gestation des Bas-Fonds de Pétersbourg débute à la même époque. Quelques chapitres sont d'abord publiés dans diverses revues (L'Ancre et son supplémentsatirique La Guêpe, L'Époque, Annales de lapatrie) et dans La Feuille de Pétersbourg,quotidien populaire. Quand l'intégralité du roman paraît dans Annales de la patrie, l'unedes plus grandes revues mensuelles de Russie (1839-1884),le nombre des abonnés alors déclinant remonte en flèche. La critique se partage, mais le succès public est indéniable, déclenchant une vague d'imitations. En 1863, Krestovski change de bord idéologique, retourne ses flèches polémiques contre ses amis radicaux et va jusqu'à s'engager dans le corps des uhlans (1868). Il écrit alors des romans antinihilistes, Le Troupeau de Panurge (1869) et Deux forces (1868, publié en 1874). Pendant la guerre russo-turque (1877-1878), il est affecté comme journaliste auprès de l'état-major. De son expérience de la vie militaire et de ses missions (en Extrême-Orient, à Boukhara) il tirera des chroniques et des récits. Sa trilogie romanesque La Ténèbre d'Egypte-Tamara Bendavid-Le Triomphe de Baal (1888-1891) mêle à la fiction historique une propagande nationaliste teintée d'antisémitisme. Devenu en 1882 rédacteur du Quotidien de Varsovie, Krestovski finit ses jours dans cette ville.

Édition et diffusion du roman   

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Les Bas-Fonds de Pétersbourg paraît en livraisons dans Annales de la patrie de septembre 1864 à décembre 18661. Une interruption survient durant l'été 1865, due sans doute à la promulgation d'une nouvelle loi sur la presse (avril 1865) qui prend effet le 1er septembre : dans une lettre de l'auteur à la rédaction (31 juillet) reproduite par la revue, l'auteur fait allusion à « des circonstances que vous-même n'ignorez pas ». La censure exige par ailleurs un certain nombre de coupures pour des motifs politiques (IV, 25-26), religieux (VI, 4 et VI, 7) ou de décence (VI, 24-25)2. Elles sont reconduites dans l'édition en quatre volumes de 18673. Celle-ci adopte le sous-titre « Livre sur les repus et les affamés » et déplace en tête du roman l'adresse au lecteur, qui dans la revue ajoutait un vingt-quatrième et dernier chapitre à la première partie. L'édition de 1886 rétablira certains des passages censurés.

Des traductions paraissent en allemand (1868) et en suédois (1882). Une réécriture française, Les Mystères de Saint-Pétersbourg, présentée d'abord comme une traduction alors qu'elle remanie considérablement l'original, sera publiée à trois reprises : dans Le Petit Parisien (18 décembre 1877-13 juin 1878), dans Le Petit roman-feuilleton (2 juin 1878-30 mars 1879) et dans Le Cri du peuple (16 juillet 1887-19 février 1888). Son auteur, qui signe Ivan Doff, n'a pu encore être identifié. On connaît aussi une adaptation théâtrale, Les Mystères deSaint-Pétersbourg, montée à Bruxelles le 26 novembre 19044.

Le roman occupe les deux premiers tomes des Œuvres en huit volumes de Krestovski parues au tournant du siècle5. L'édition de 1935-1937 ne tire qu'à 5 300 exemplaires et retranche les chapitres 18-22 de la sixième partie, au motif qu'ils sont « les plus faibles », « surajoutés au roman par artifice » et empreints d'un « nationalisme brutal »6. Le texte est devenu une rareté bibliographique lorsqu'il refait surface en 1990, tiré à 300 000 exemplaires dans sa version intégrale, préfacée par M. Otradin et richement annotée par T. Ornatskaïa7. Les republications s'enchaînent en Russie depuis cette date, grâce à l'attrait qu'exercent des genres et des auteurs mis sous le boisseau à l'époque soviétique. En 1994, une série télévisée en soixante épisodes intitulée Les Mystères de Saint-Pétersbourg s'inspire très librement de Krestovski. L'éditeur Eksmo en profite pour publier le roman sous ce nouveau titre8, ce qui provoque un différend juridique (1996-2001).

Résumé

Ce résumé porte sur 240 chapitres d'un texte foisonnant (1450 pages dans l'édition de référence) dont il écarte délibérément les acteurs secondaires. Comme celle des Mystères de Paris,l'histoire imaginée par Krestovski débute en 1838. Séduite par le prince Dimitri Chadourski, Anna Tchetchevinski donne naissance en secret à Marie. Le même jour Tatiana, épouse de Dimitri, accouche d'un garçon, Ivan, dont le père est Ossip Mordenko, l'intendant de la famille.  Natacha, femme de chambre de la mère d'Anna, lui dérobe une petite fortune et fuit à l'étranger avec Casimir Bodlevski, un graveur d'origine polonaise.

La deuxième partie, sur six au total, retrouve les personnages vingt ans après. Déshéritée par sa mère et reniée par son milieu, Anna tombe à la rue où sa déchéance la rend méconnaissable. Natacha, sous le faux nom de baronnesse von Dering, mène une vie d'aventurière. Bodlevski, alias Karosin, s'acoquine avec des malandrins. Lorsque Vladimir Chadourski, fils légitime du couple princier, convoite Julie, épouse vertueuse de l'honnête Beroev, la générale von Spiltze et le docteur Katzel se chargent de la lui livrer, droguée par un aphrodisiaque.

Mordenko, humilié par une gifle de son maître et congédié, s'enrichit maintenant à force d'usure. Il élève Ivan sans l'aimer et ne pense plus qu'à tirer vengeance des Chadourski. Ivan continue d'ignorer qui est sa mère. Marie, d'abord confiée à une famille d'accueil, tombe dans les filets de la générale, qui la jette aux bras de Vladimir. Déçue qu'il la traite en « camélia »  et en « chose qu'on achète », elle rompt leur liaison et s'engage comme domestique. De son côté, Julie demande à Vladimir d'entretenir l'enfant conçu de lui (et qu'il fera disparaître dans les bas-fonds) : comme il refuse et cherche une fois encore à la prendre de force, Julie lui plante une fourchette dans la gorge9, ce qui lui vaut d'être arrêtée. Tandis que le nouvel intendant et homme-lige des Chadourski s'active à corrompre la justice, Beroev tente de sauver sa femme : on l'arrête à son tour sous un prétexte controuvé. Brisée par les épreuves, gravement malade, Julie tombe en catalepsie et passe pour morte. Son corps sera déterré par des violeurs de sépultures10. L'un d'eux, le rusé Foma, qui joue le fol-en-Christ pour couvrir ses activités délictueuses, se met au service d'une bande de trafiquants comprenant Bodlevski, le Dr Katzel, le malandrin Kovrov et le prétendu comte hongrois Kallash.

Mordenko tient sa vengeance, il a mené les Chadourski au bord de la ruine. Totalement endurci, il fait jeter son fils en prison. Une fois innocenté, Ivan erre dans Pétersbourg, tout comme Marie qui a perdu sa place : les deux infortunés s'abritent un soir dans une péniche sur la Néva où ils font connaissance. Devenu riche suite au décès de Mordenko, Ivan ne songera plus qu'à retrouver Marie. Celle-ci croise sa mère dans un asile de nuit : les deux femmes sympathisent, ignorant toujours ce qui les unit. Sans travail, endettée envers sa logeuse, Marie échoue dans une maison de passe et bientôt meurt de phtisie. Anna, qui l'a reconnue in extremis,lui survit telle une âme en peine. Ivan définitivement esseulé se donne la mort. Par contre, Beroev a retrouvé Julie debout dans le cimetière où il cherchait sa tombe...

Dimitri Chadourski, frappé de sénilité précoce, tombe sous la coupe de Natacha qui intrigue pour capter sa fortune. On découvre en Kallash le frère d'Anna, Nicolas Tchetchevinski, qui vit d'escroqueries : ses complices l'éliminent en le noyant dans un canal souterrain. Les trois derniers chapitres règlent le sort de chacun. Vladimir fait un mariage d'intérêt, la générale von Spiltze jouit de ses revenus mal acquis, l'intendant des Chadourski augmente son capital mobilier et immobilier, les aigrefins (Katzel, Bodlevski) continuent de pêcher en eaux troubles : les gredins s'en tirent bien s'ils font partie des puissants ou de leurs affidés. Quant aux « affamés », aux gens sans grade et sans appui, tel Ramzia le moujik redresseur de torts, tel Hermann Tippner meurtrier de la maquerelle qui a prostitué ses filles, ils subissent les rigueurs prévues par la loi : une chaîne de forçats se forme près de la gare, en partance pour la Sibérie. Le livre se clôt sur le couple Beroev qui embarque pour l'Amérique, déchiré entre le « regret terrible de la patrie qu'ils laissent » et « l'espoir lumineux en l'avenir » : le bonheur honnête n'a donc aucune place en Russie ?

Le contexte

La genèse et la publication des Bas-fonds de Pétersbourg correspondent en Russie à une période d'intense activité réformatrice : affranchissement des serfs (1861), réforme des procédures judiciaires, des administrations locales, de l'armée. C'est aussi une ère de libération à l'université et dans la presse, qui voit lever ou assouplir les sévères restrictions en vigueur sous Nicolas Ier. Le régime d'Alexandre II (1855-1881) reste d'essence autocratique, mais il autorise, surtout dans les premiers temps, une expression intellectuelle et politique qui gagne la rue : Pétersbourg voit des étudiants manifester (1861), puis des incendies éclater que certains attribuent aux groupuscules révolutionnaires (1862). La deuxième moitié du roman de Krestovski fait appel à cette actualité récente11 : les troubles se signalent dans les mots « rouge », « incendiaires » (VI, 1), « les désordres étudiants », la « propagande révolutionnaire secrète » (VI, 46), et l'on use d'une publication interdite, La Cloche de Herzen, pour compromettre Beroev (IV, 5). Suite à ces événements et surtout après l'attentat de Karakozov contre Alexandre II (1866), la censure se raidit et le pouvoir sévit contre les publicistes, dont plusieurs sont condamnés à de longues peines de prison.

De profondes mutations se font sentir du haut en bas de la société. Tandis que l'intelligentsia se démocratise, comprenant toujours plus de roturiers, l'afflux d'une main d'œuvre en quête de travail grandit dans la capitale depuis le milieu du siècle. Cet exode rural s'intensifie après l'abolition du servage. Certains déracinés retrouvent en ville un ancrage professionnel, d'autres tombent dans la mendicité ou la délinquance : « le paysan d'hier, aujourd'hui prolétaire à Pétersbourg, voilà le héros collectif du roman de Krestovski »12. Ce dernier témoigne aussi des difficultés qu'ont les femmes à trouver des emplois.

La presse connaît depuis l'avènement d'Alexandre II un essor remarquable. Elle alimente l'effervescence culturelle et sert de tribune à une opinion dépourvue en Russie de relais parlementaire. Rien qu'entre 1856 et 1860, le nombre des périodiques a presque triplé. Les « grosses revues » mensuelles à contenu littéraire, politique et scientifique se développent et multiplient les rubriques13. D'autres se créent, qui reflètent tous les courants d'idées (libérales, radicales, conservatrices, occidentalistes, slavophiles) et entretiennent des relations polémiques. On y agite les questions à l'ordre du jour : destin de la paysannerie libérée, condition féminine, instruction populaire, développement économique, modernisation financière, philosophie matérialiste. Les sujets de société sont abordés dans leurs colonnes avec une ampleur sans précédent. Krestovski en profite pour inscrire son roman dans le droit fil des publications qui divulguent des faits auparavant tenus dans l'ombre (corruption, criminalité) : la réforme judiciaire de 1864, explique son propos liminaire, institue des audiences publiques dont les journaux peuvent rendre compte. Et de fait plusieurs chapitres du livre ont paru d'abord dans La Feuille de Pétersbourg [Peterburgskij listok], quotidien bon marché fondé en 1864 et spécialisé dans les faits divers criminels. Quant aux revues généralistes, elles multiplient les articles, les traductions et les recensions d'ouvrages portant sur les sciences naturelles, les sciences sociales et l'économie politique : on y croise souvent les termes « paupérisme », « classe ouvrière », « prolétariat », les noms de Stuart Mill et de Proudhon. Elles diffusent des enquêtes et des statistiques sur les réalités socio-économiques en Russie, en France, en Angleterre, en Allemagne. Ainsi la revue où paraît Les Bas-fonds de Pétersbourg a publié en 1864 « Mir mochennikov » [Lemonde des coquins], long compte rendu de « Physiologie du monde des coquins, par L.-M. Moreau-Christophe, ancien inspecteur général des prisons de Paris »(Paris, 1863) : l'ouvrage français, signale l'auteur de la recension, répond aux Misérables enréfutant l'idée que c'est la faim qui pousse au délit ou au crime14. Ce thème est également traité dans le roman de Krestovski, lequel illustre une conception du fait littéraire très répandue dans sa génération : la littérature reflète les manifestations objectives de la réalité, approchée selon un modèle d'univers qui doit beaucoup au positivisme scientifique, « un univers de mise en ordre globale, de déterminisme biologique et social, privé de principe mystique et transcendantal »15.

Du mystère urbain au panorama des bas-fonds

Deux lignes narratives constituent la charpente du roman. L'une exploite le parallèle entre les destinées tragiques de Marie et d'Ivan, deux cœurs purs aux prénoms emblématiques du peuple russe. L'autre concerne la famille aristocratique des Chadourski, qui frôle la ruine et un déshonneur mérité. Les deux lignes se recoupent, car l'intrigue tisse divers liens entre le beau monde et le reste de la société. Les Chadourski ne tiennent leur rang que grâce aux menées illicites de leur chargé d'affaires, cependant que Nicolas Tchetchevinski, lui aussi de famille princière, tourne mal et se commet avec des faussaires. Nobles et nantis ont besoin d'auxiliaires inférieurs pour assouvir leurs passions tout en protégeant leurs intérêts. Il revient donc aux créatures à leur solde d'établir les contacts utiles pour faire disparaître un enfant naturel, capturer une proie sexuelle, éliminer un gêneur : la sage-femme allemande, l'entremetteuse von Spiltze, le prêteur à gages Mordenko, le docteur et chimiste Katzel, l'intendant Polyeucte servent de trait d'union entre les hautes sphères et ces bas quartiers où échouent les filles abandonnées de la noblesse, tandis qu'elle y recrute les exécuteurs de ses noirs desseins. Avec son entregent mondain et ses manières canailles, la générale Amalia von Spiltze offre un spécimen redoutable, portraituré au vitriol, de cette catégorie intermédiaire.

Outre ces accointances coupables entre aristocrates et plébéiens, typiques du mystère urbain, Krestovski active les ressorts classiques du roman-feuilleton et de sa descendance populaire : accouchements clandestins, abandons d'enfants, déchéances sociales ou morales, identités déguisées, machinations obscures. Les coïncidences sont rarement heureuses et débouchent sur des révélations affligeantes : Marie découvre que son amant Vladimir Chadourski est son demi-frère (VI, 43) ; le pauvre musicien Hermann Tippner se cache des siens pour jouer du piano dans une maison close et y trouve un soir sa propre fille (VI, 25), ce qui le rend fou de douleur.

Les contemporains remarquent des analogies avec Les Mystères de Paris16. L'auteur signale discrètement ses modèles français lorsqu'il mentionne en note LesMystères de Londres (I, 9), montre une lectrice plongée dans « un roman de Paul Féval » (II, 1) et emploie le mot misterija avec une acception profane, inusitée en russe, qui renvoie à la tradition inaugurée par E. Sue : la générale von Spiltze sait tout, non seulement des « secrets [tainy] du grand monde », mais aussi des « mystères [misterii] de la ville entière » (I, 15). Que le mot surgisse à propos d'un tel personnage se révèle significatif : la figure donnée pour omnisciente n'est pas un bienfaiteur intègre et généreux comme Rodolphe de Gerolstein, mais une créature amorale et cupide qui s'entremet dans les affaires malpropres de sexe et d'argent. Krestovski aurait pu intituler son roman Les Mystères de Pétersbourg, d'autant qu'il y a des précédents en langue russe17. Mais le choix du terme [truchtchoby] traduit une légère inflexion du prototype français. Le mot désigne un logis ou un établissement miteux, insalubre, voire sordide : taudis, bouge, galetas18. Le pluriel collectif est fréquent pour signifier : mauvais lieux, endroits mal famés. Au sens concret s'adjoint une connotation morale : ces endroits abritent des activités condamnables. Une acception plus abstraite fait primer la dimension morale que traduit le français « bas-fonds » : plus que d'un lieu, il s'agit alors d'un milieu composite où peuvent tremper des gens réputés honorables. Le titre de Krestovski suggère donc ce que le sous-titre énonce à demi-mot et ce que révèle le texte quant aux correspondances unissant des mondes plus distincts que vraiment séparés : des gens bien nés basculent dans les bas-fonds, tandis que les « repus » participent en secret, comme acteurs ou commanditaires, au vice et au crime qui prospèrent chez les « affamés ». Si le motif en soi n'est pas neuf, l'intitulé russe insinue davantage que « mystères » l'idée d'une porosité entre des sphères réputées étanches. Le propos liminaire de l'auteur marque son intention d'amener l'hypocrite ou innocent lecteur à réviser ses idées sur ce point. N'a-t-il pas lui-même tardé à faire sa principale découverte ? « Au fil de plusieurs années d'observations graduelles, je pus voir clairement que les bas-fonds ne se cachent pas seulement près de la Place-au-Foin, mais qu'ils sont très divers [...] »19.

Le livre n'en reste pas moins focalisé sur l'univers matériel et moral des misérables. Krestovski frise le roman de mœurs mondains en nous introduisant dans les chambres de nobles palais, dans le salon d'une comtesse philanthrope, dans le jardin d'hiver du financier Chichneev, dans un restaurant chic, au bal masqué, à l'opéra. Mais ses peintures les plus étendues et les plus fouillées concernent les bas quartiers et les prisons. Une autre dissymétrie concerne le traitement des personnages. Le grand monde est présenté sous un jour satirique et sous un angle manichéen qui le range tout entier du côté du mal : l'avare princesse Tchetchevinski rejette sa fille Anna par conformisme social, les Chadourski accumulent les traits négatifs (morgue de caste, débauche, égoïsme, absence complète de sens moral). Le persiflage du narrateur au sujet des puissants contraste avec le ton objectif et parfois compatissant adopté pour les malheureux et les marginaux.

La sensibilité humanitaire

E. Sue prétendait dévoiler au cœur de Paris l'existence d'une « race infernale »a priori coupable et repoussante20. Mais Krestovski fait des misères sociales une affaire commune, une responsabilité collective dont le lecteur ne peut s'exonérer : « le prolétariat est un crime de la société » (VI, 39). V. Hugo est passé par là, porteur d'une sensibilité humanitaire qui trouve une partie de l'opinion russe d'autant plus réceptive qu'elle y reconnaît un bien commun. C'est ainsi que Dostoïevski relève aussitôt dans Les Misérables (1862) une « pensée chrétienne et hautement morale », à savoir « le relèvement de l'être humain tombé », « la réhabilitation des humiliés et de tous les parias rejetés par la société »21. De cette réhabilitation des « parias » (il use du même mot), des damnés de la terre et des condamnés Krestovski fait le fil rouge de son livre. Lorsqu'il déclare au sujet de Kovrov que « l'homme appelé criminel n'est pas toujours absolument mauvais » (VI, 50), on pense au Chourineur d'E. Sue auquel Rodolphe a donné sa chance, et bien sûr à l'auteur des Misérables22. L'idée est dans l'air du temps, en Russie comme en France. On la trouvait certes dans Les Mystères de Paris, où Rodolphe mise sur la « rédemption d'une âme arrachée au vice » et sur l'effet du repentir23, mais l'attention que lui porte Dostoïevski contribue à la raviver au moment précis où Krestovski fréquente ce dernier. Le littérateur débutant paraît même animé par une sorte d'émulation vis-à-vis de l'aîné déjà célèbre. Dostoïevski a publié des Souvenirs de la maison des morts (1861) consacrés au bagne, Krestovski intitule « Les prisonniers » la quatrième partie de son roman, qui comporte 74 chapitres. Au titre Unijennye i oskorblennye [Humiliés et Offensés] fait écho celui de la cinquième partie, Golodnye i kholodnye [Les affamés et les transis]. L'histoire de Natacha (I, 6) contient d'ailleurs les mots-clés du syntagme dostoïevskien : devenue femme de chambre de la princesse Tchetchevinski, la jeune femme subit nombre d'humiliations [unijenii] ; sa maîtresse n'ayant pas voulu que sa mère l'accompagne en ville, Natacha demeure à jamais offensée [oskorblennaja] d'un refus qui nourrit sa rancune. Humiliés et offensés (1861) se présente à bien des égards comme un texte-relais entre Sue et Krestovski24.

Toutefois, ce dernier avance une thèse peu dostoïevskienne qui privilégie les déterminismes sociaux dans la constitution morale et le comportement des individus. Des trois facteurs propices à la criminalité, « les conditions économiques et sociales » sont le plus fréquent (IV, 52). « La plupart des voleurs, des malfaiteurs, des mendiants ne sont que des victimes involontaires des conditions sociales » (VI, 39). Ces considérations émanent d'un narrateur engagé qui souvent apostrophe le lecteur, tantôt pour le préparer à la description désolante et « édifiante » du « dernier degré de la déchéance d'une femme » (V, 22), tantôt pour dresser un réquisitoire contre le système carcéral qui de délinquants fait des criminels en puissance (III, 11). Le narrateur se confond avec l'auteur, qui intervient en son nom propre pour attester que le prisonnier, malgré ses allures parfois monstrueuses, « est pourtant un homme », tandis que la monstruosité « est un produit direct de notre système pénitentiaire russe » (IV, 11). La fréquente métaphore médicale (« plaies », « gangrène », « maladie » de la société) sert à dédouaner l'écrivain du grief de crudité excessive, d'indécence, voire de sadisme, et à établir son utilité sociale : ne faut-il pas bien étudier le mal pour le guérir ? (VI, 21).

La sensibilité humanitaire se reflète notamment dans l'attention prêtée aux enfants abandonnés, maltraités, exploités, dont le récit offre plus d'un échantillon. Ainsi qu'aux femmes sans protection, comme Marie qui cumule tous les malheurs de sa condition : humiliations, pauvreté, chômage, prostitution, maladie. Quant aux détenus, ils ne constituent pas une foule amorphe et indifférenciée, mais un peuple avec « son histoire, ses traditions, ses chansons, ses contes, ses proverbes, ses mœurs et ses lois, sa langue quelque peu différente de celle des malfaiteurs en liberté, et enfin sa littérature de la prison, son art de la prison » (IV, 11). Le texte distingue parmi les prisonniers des individualités puissantes, dotées de tempéraments et d'itinéraires singuliers, comme Drojine (IV, 7), Kouzma le conteur (IV, 5-6) et surtout Ramzia le redresseur de torts (IV, 9-10).

Le parti-pris documentaire   

Dans Les Bas-fonds de Pétersbourg convergent deux formes d'écriture. Au discours critique sur l'état de la société se marie la prose documentaire héritée des « physiologies » apparues en Russie au milieu des années quarante25. Cet alliage relève moins d'un mélange des genres à visée esthétique que d'une porosité accrue dans les années soixante entre littérature et journalisme, dont le voisinage génère des formes mixtes : sur les récits fictionnels (nouvelle, roman) se greffent des éléments réputés plus propres au texte savant, à l'essai critique ou polémique. Si le roman de Krestovski se présente a posteriori comme une narration ponctuée de séquences descriptives, d'un point de vue génétique c'est la collecte de documents qui prime, et qui imprime son cachet final à l'ensemble.

Le pivot du mystère urbain étant par définition un drame invisible, l'écrivain commence par là son roman. Mais la visée documentaire commande l'intrigue, qu'il bâtit de façon à pouvoir arpenter la ville pour en dresser l'inventaire géographique, sociologique, ethnographique et linguistique. Brève étude de mœurs plus descriptive que narrative, la « physiologie » russe des années 1840-1850 illustrait le petit peuple de Pétersbourg, s'attachant à cerner des silhouettes familières et à capter leurs modes d'expression verbale. Non content d'incorporer cette pratique à la trame d'un long roman, Krestovski la déploie sur une grande échelle. D'une part il lui accorde un volume de texte considérable en proportion de l'ensemble, d'autre part il élargit le spectre social pour y inclure les plus déshérités de la capitale. Les premiers physiologistes russes s'attachaient aux gens modestes et aux humbles métiers. Mais le peuple dépeint par Krestovski se compose surtout de prolétaires, de mendiants, d'ivrognes, d'éclopés, de voleurs, d'assassins, de trafiquants et de femmes publiques. Quand il recense la population entassée dans la Laure Viazemski26, l'auteur omet expressément les occupants pourvus d'un travail stable, menuisiers, forgerons, etc. (VI, 39). Le mot le plus fréquent du livre, véritable leitmotiv, est l'adjectif tëmnyj doté d'un sens physique (sombre, obscur), moral (louche, suspect, illégal) ou mixte (lugubre, ténébreux).

Cette peinture minutieuse de taudis ignobles, d'activités illicites et de commerces dégradants retentit sur la structure du récit, où s'intercalent de longues plages descriptives. Certaines s'étendent sur plusieurs chapitres consécutifs où le tableau interrompt la diégèse et donne le pas au témoignage sur la fiction. Les plus circonstanciées concernent la Place-au-Foin et ses abords (III, 1-4), la prison (quartiers des hommes en IV, 1-10 et IV, 45 ; quartier des femmes en IV, 42-44), l'immeuble Malinnik (V, 22-26) et la Laure Viazemski (V, 38-43). Lors des scènes de taverne, la profusion des détails n'a pas équivalent chez Sue ou chez Féval. Ainsi, l'auteur des Mystères de Paris ne montre au Lapin Blanc (1, 2) et au Cœur-Saignant (I, 17) que les acteurs utiles à l'action. Mais quand Bodlevski se rend au tapis-franc des Goujons (I, 9-11), l'auteur russe y installe des comparses (le voleur Ivan Zelenkov, le receleur Piotr Vikulitch) et des figurants, note les conversations, nous plonge dans un tourbillon de visages et de paroles qui suggère le fourmillement d'un tripot populeux. Ailleurs l'étalage des laideurs physiques et morales, le caractère horrible ou scabreux des situations - enfants martyrisés, adolescents débauchés, adultes avilis - vont plus loin que chez Zola. E. Sue n'évoque la prostitution que par euphémisme et s'abstient de la mettre en scène27, mais Krestovski s'attarde sur le quotidien de Marie dans la maison close dont il détaille le fonctionnement (VI, 24-25). S'érigeant en naturaliste, il qualifie un nouveau personnage d' « insecte » à « étudier au microscope » comme un « produit de la vie pétersbourgeoise », émanation typique du lieu et du milieu (IV, 38). Son approche classifiante divise les groupes humains en « catégories » et mesure des degrés dans l'abaissement : l'ivrogne-bouffon dit « le gouttier » est « le paria des parias » (V, 24), l'aile des Vitriers de la Laure Viazemski « le fin fond des bas-fonds » de la ville (V, 38).

Les séquences documentaires se présentent souvent comme telles, sans craindre le didactisme. Le narrateur annonce une « digression » sur le mode de vie des Allemands installés dans la capitale (V, 1) et prévient en note que les onze premiers chapitres de la quatrième partie n'ont « pas d'intérêt purement romanesque. C'est, pour ainsi dire, un essai ethnographique sur la vie et les mœurs des prisons de Pétersbourg » (IV, 1). Krestovski a consacré de longs mois à s'informer (ses accompagnateurs l'attestent, de même que ses carnets de notes) et se prévaut d'une véracité étayée par des preuves : ses propres observations, les renseignements fournis par ses contacts28, des documents tenus pour dignes de foi. C'est ainsi qu'il mentionne sur la prison des sources inédites, ce « récit que j'ai personnellement recueilli auprès d'un détenu » et le « remarquable manuscrit d'un prisonnier intitulé La maison d'infamie » (IV, 48). La toponymie situe rue par rue le théâtre de l'action et repose sur une topographie exacte, certains passages allant jusqu'à mimer la visite guidée d'un quartier ou d'un immeuble. « Revenez sur vos pas dans la salle de réception », « continuez, et ce sont de vraies ruines qui s'offriront à vos yeux », ces formules jalonnent l'exploration du lotissement insalubre connu sous le nom de Laure Viazemski, morceau de bravoure et d'anthologie inventoriant ses treize corps de bâtiments (V, 38), puis les diverses catégories d'indigents réfugiés dans ses murs (V, 39).

Enfin des notes complètent le corps du texte. Beaucoup commencent par traduire les mots d'argot qui émaillent les dialogues et poursuivent en éclairant les réalités correspondantes29. Aussi se dilatent-elles parfois jusqu'à envahir la page, comme pour ne rien laisser perdre des informations disponibles. Celles qui concernent les détenus sont particulièrement volumineuses : l'auteur y détaille les menus de leurs repas (IV, 2), recopie visiblement une fiche pour décrire leurs huit jeux usuels (IV, 8), reproduit trois textes de leurs chansons (IV, 2) et une variante d'un de leurs contes (IV, 5). Qu'il s'agisse de l'habitat, des ressources, des mœurs, des coutumes religieuses ou superstitieuses, la portée référentielle de la fiction s'affiche donc avec insistance. La part d'invention du romancier consiste à coordonner tous ces éléments au sein d'un espace unique, quoique hétérogène : récit fictif d'aventures amoureuses, d'entreprises délictueuses et de mésaventures sociales, le mystère urbain assure cette fonction unificatrice. Aux tableaux animés dont la somme déroule un vaste panorama de Pétersbourg s'ajoute une partition sonore qui reflète sa diversité linguistique : outre le russe normé des gens instruits, qui est aussi la langue du narrateur, Krestovski fait entendre l'idiome populaire des citadins, des parlers provinciaux, le slavon d'église, l'argot des malfrats.

La grandiose « Palmyre du Nord » tant célébrée par ses artistes ou par les thuriféraires de l'empire devient dans ce roman « la Babylone du Nord » (IV, 59) : une autre ville se découvre derrière la façade officielle et monumentale de la ville de Pierre. C'est ainsi qu'au mythe politique et poétique de Pétersbourg, sédimenté en littérature depuis plusieurs décennies, Krestovski ajoute un volet prosaïque et résolument naturaliste.

Édition

Vous pouvez consulter une édition en ligne du roman en langue originale en cliquant sur les liens suivants : Tome 1, Tome 2.

(Université Jean Moulin, Lyon III)

Notes

1 Otetchestvennye zapiski [Annales...], 1864, n°10-11 ; 1865, n°1-6, 9-10, 12 ; 1866, n°1-12.

2 Les chiffres romains marquent les numéros des parties du roman, les chiffres arabes ceux des chapitres.

3 Peterburgskie truchtchoby. Kniga o sytyh i golodnyh, Saint-Pétersbourg, M.O. Vol'f, 1867.

4 Michel Niqueux, « Les mystères des Mystères de Saint-Pétersbourg », La Revue russe, Paris, Institut d'Études Slaves, n° 40, 2013, pp. 51-65. Ivan Doff, Les Mystères de Saint-Pétersbourg. Histoire de tous les repus et de tous les affamés, édition du texte et préface de M. Niqueux, AARP-Centre Rocambole, Encrage Édition, 2013.

5 Saint-Pétersbourg, izd. tov. Obchtchestvennaja pol'za (éd. Ju.L. Elets), 1899-1900. Réédition en 1904-1905.

6 Peterburgskie truchtchoby. Kniga o sytyh i golodnyh, Moscou-Leningrad, Academia, éd. I.N. Kubikov, 1935-1937 (3 t.), t. 1, p. 819.

7 Peterburgskie truchtchoby. Kniga o sytyh i golodnyh, Leningrad, Hudojestvennaja Literatura, 1990 (2 t.), reprise à Moscou en 1993. C'est à cette édition que nous faisons référence quand une pagination est nécessaire.

8 Peterburgskie tajny, Moscou, Eksmo, 1994 (2 t.), 40 000 exemplaires.

9 La scène a lieu dans le cabinet privé d'un restaurant (III, 30).

10 L'épisode où Julie, déterrée, sort de son état cataleptique (IV, 73-74) est moqué par la revue Iskra [L'Étincelle] dans un feuilleton intitulé « Les Catacombes et les souterrains de Bafonville [Trouchtchobska] » (1866, n° 38).

11 Le temps de la diégèse, qui couvre pour l'essentiel les années 1858-1861, et celui de la publication (1864-1866) se suivent de peu. L'auteur s'autorise de légers anachronismes quand il signale la destruction par le feu d'un immense marché en 1862 (IV, 37), le pavement des rues d'un quartier en 1864 (III, 15), les changements apportés à l'immeuble Malinnik depuis 1864 (V, 22).

12 Peterburgskie truchtchoby..., préface de M. Otradin, t. 1, p. 16.

13 Le Cabinet de lecture (1834-1865), Le Contemporain (1836-1866), Annales de la patrie (1839-1884).

14 Otetchestvennye zapiski [Annales de la patrie],1864, n° 2, t. 152, pp. 281-293 et n° 3, t. 153, pp. 96-128. Dans Les Bas-fonds. Histoire d'un imaginaire, Paris, Seuil, 2013, Dominique Kalifa montre la portée de cet ouvrage, p. 38, p. 126.

15 Irina Paperno, « Les années soixante. La crise de la culture 'noble' et l'intelligentsia plébéienne », Histoire de la littérature russe. Le XIXe siècle**. Le temps du roman, dir. E. Etkind, G. Nivat et al., Paris, Fayard, 2005, p. 247.

16 Ainsi D. Minaev dans la revue L'Étincelle en 1866.Sur le parallèle Sue/Krestovski, voir la bibliographie ci-dessous.

17 P. Furman, Pargolovskie tajny [Les mystères de Pargologo], Illjustratsija [L'Illustration], 1845, n° 21-27. M. Maximov, Moskovskie tajny. Rasskaz sychtchika [Les mystères de Moscou. Récits d'un enquêteur],Moscou, 1859.

18 Un sens devenu rare (coin discret, retiré) se trouve en III, 15 pour caractériser le paisible quartier Koltovskaïa, faubourg champêtre où le couple Povetine a élevé Marie.

19 « De l'auteur au lecteur », Peterburgskie truchtchoby..., t. 1, p. 30.

20 Sue, Les Mystères de Paris, Paris, Laffont, coll. Bouquins, 1989, p. 32 (il s'agit là du début du roman : le point de vue auctorial sera ensuite plus nuancé).

21 Dostoïevski, Récits, chroniques etpolémiques, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1969, p. 1300 : préface à la première traduction russe (P. Smirnov, 1862) de Notre-Dame de Paris,publiée dans LeTemps [Vremja] en septembre 1862.

22 Le mot otverjennye usité pour traduire le titre hugolien se rencontre dans l'adresse au lecteur, Peterburgskie truchtchoby..., t. 1, p. 28.

23 Sue, op. cit., p. 115, p. 151.

24 Krestovski fait un compte rendu enthousiaste du roman de Dostoïevski pour la revue Modnyj magazin, 1862, n° 11. Il lui a dédié son récit « Le Diablotin » dans la revue Le Flambeau [Svetotch], 1861, n° 1. Sur les relations entre les deux auteurs, qui se dégradèrent par la suite, cf. V.A. Viktorovitch, « Dostoevskij i Vs. Krestovskij », Dostoevskij. Materialy i issledovanija, t. 9, AN SSSR-IRLI, Leningrad, 1991, pp. 92-117.

25 Voir F. Genevray, « Trois décennies de mystères urbains en Russie : de la peinture du peuple à l'inventaire des bas-fonds », communication au congrès Les mystères urbains au XIXe siècle : circulations, transferts, appropriations, dir. Marie-Ève Thérenty et Dominique Kalifa, novembre 2013, Montpellier-Paris.

26 Immeubles de rapport édifiés pour le compte des princes Viazemski, puis abandonnés et réoccupés par des vagabonds et des miséreux. Leur nombre allait selon Krestovski jusqu'à 10 000, davantage selon d'autres sources.

27 Sue, op. cit., pp. 57, 88, 89, 100 (au sujet de Fleur-de-Marie).

28 Remerciés en bloc dans le propos liminaire (« De l'auteur au lecteur »). L'un d'eux, I.D. Poutiline, enquêteur judiciaire, lui confia des dossiers d'instruction ainsi qu'un répertoire des mots d'argot que Krestovski se flattait d'avoir complété.

29 Par exemple, une note de dix-huit lignes en III, 5 ( p. 263) expose la technique du vol à la tire.

Pour citer ce document

Françoise Genevray, « Les Bas-fonds de Pétersbourg », Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/textes-du-19e-siecle/anthologies/les-mysteres-urbains/les-bas-fonds-de-petersbourg