La presse en scène

Introduction et accès au texte

Table des matières

BARBARA T. COOPER

Alexandre Dumas, 15 juin 18341.

Alexandre Dumas ne devait guère imaginer, au moment où il écrivait les mots cités en exergue ici, que la pièce qu’il voudrait écrire sur les journalistes attendrait encore sept ans avant de voir le jour et qu’elle serait faite sur la base d’une œuvre composée par un jeune auteur inconnu, Eugène Bourgeois. En attendant la création de Jeannic le Breton, ou le Gérant responsable (Théâtre de la Porte-Saint-Martin, 27 novembre 1841), Dumas serait devenu journaliste lui-même, rédigeant des articles de critique dramatique pour La Nouvelle Minerve, L’Impartial et surtout La Presse où il publierait également, entre 1836 et 1838, quelques articles sur la politique2. Il aurait aussi fait jouer, sous son nom ou sous celui de ses collaborateurs, bien d’autres pièces de théâtre dont Don Juan de Maraña, Kean, ou Désordre et génie, Piquillo, Caligula, Paul Jones, Le Bourgeois de Gand, Mlle de Belle-Isle, L’Alchimiste et Un Mariage sous Louis XV.

Il est vrai, cependant, qu’avant que Jeannic ne soit créé, certains critiques dramatiques ont accueilli Kean (Théâtre des Variétés, le 31 août 1836) comme l’attaque promise contre la presse en dépit du fait que les journalistes n’y occupent qu’une place infime3. Ainsi, par exemple, en résumant l’intrigue de Kean dans les pages de L’Artiste, Hippolyte Lucas avait remarqué :

Lucas rejette cette représentation négative des journalistes, tout comme son collègue Jules Janin qui observe dans son examen de Kean dans le Journal des Débats :

D’autres vont aussi condamner le jugement porté contre la presse dans Kean6, mais au moins un journaliste trouve que l’attaque contre les critiques dramatiques dans cette pièce est de bonne guerre :

Oser s’en prendre aux journalistes une deuxième fois dans Jeannic, c’était donc aller sciemment au-devant des attaques dans la presse. Mais avant de considérer l’accueil fait à Jeannic, il convient d’examiner dans quel contexte ce drame a été créé et quelles en étaient les origines.

La conjoncture médiatique et littéraire

Jeannic s’insère dans une série de pièces de théâtre jouées ou publiées à Paris entre 1837 et 1841 où journaux ou journalistes figurent en bonne place. Ce groupe comprend La Camaraderie, ou la Courte Échelle, comédie en cinq actes et en prose (Théâtre-Français, 19 janvier 1837), d’Eugène Scribe, L’École des journalistes, comédie en cinq actes et en vers (censurée, non jouée), de Delphine Gay de Girardin, Richard Savage, drame en cinq actes et en prose (Théâtre-Français, 11 octobre 1838), de Charles Desnoyer et Eugène Labat8, La Popularité, comédie en cinq actes et en vers (Théâtre-Français, 1er décembre 1838), de Casimir Delavigne9, La Calomnie, comédie en cinq actes et en prose (Théâtre-Français, 20 février 1840), d’Eugène Scribe, et Jeannic le Breton, ou le Gérant responsable, drame en cinq actes et en prose (Théâtre de la Porte-Saint-Martin, 27 novembre 1841), représenté et publié sous la signature d’Eugène Bourgeois10. On pourrait rattacher à ce petit groupe de pièces un compte rendu, publié dans Le Monde dramatique en 1837, de La Nouvelle Héloïse, de Charles Desnoyer et Charles Labie. Cet article comprend un échange dialogué sur les rapports entre journalistes et auteurs dramatiques11.

À la même époque, on trouve aussi de nombreux textes narratifs sur le monde et les mœurs de journalistes contemporains. Émile Souvestre fait paraître son roman Le Journaliste (Paris, Charpentier, 1839), Fanny Reybaud publie « Des journaux qui n’existent pas » en préface à son roman Theresa12, et une Physiologie de la presse. Biographie des journalistes et des journaux de Paris et de la province sort chez l’éditeur Jules Laisné en mai 1841.

Ce dernier texte commence par une explication du rôle fondamental que joue désormais la presse – explication qui s’accorde bien avec les remarques de Jules Janin citées plus haut :

Dans des réflexions datées de décembre 1841, Alphonse Karr, dans la troisième série des Guêpes, insistera lui aussi sur la toute-puissance accordée à la presse à cette époque :

Toutes ces observations et représentations littéraires du pouvoir journalistique – sans oublier le roman d’Honoré de Balzac qu’on connaît sous le titre Illusions perdues et qui est en cours d’élaboration et de publication à cette époque – permettent de comprendre que Jeannic est une œuvre où la discussion autour du rôle des publications périodiques, de leurs propriétaires et rédacteurs correspond à un phénomène culturel bien dans l’esprit du temps15.

S’il en fallait une autre preuve, on la trouverait dans un volume intitulé Les Cent et un Robert-Macaire où Honoré Daumier illustre par ses portraits satiriques des textes de Maurice Alhoy et Louis Huart16. Journaux et journalistes y figurent en bonne place. Ainsi, au numéro 12 on trouve « Robert-Macaire journaliste ». Le numéro 60 est intitulé « Robert-Macaire exploitant les journaux » et le numéro 96, « Robert Macaire journaliste industriel ». Ce dernier portrait commence par l’observation suivante :

La période 1835-1841 fut aussi une ère de grande transformation médiatique. En 1836, Émile de Girardin a créé La Presse et Armand Dutacq Le Siècle, baissant le prix de l’abonnement et donnant par là un fort élan à la distribution des journaux18. En 1835, le gouvernement avait voté des changements à la loi sur la presse qui limitaient, aux yeux de beaucoup, la liberté d’expression et qui serait source de nombreuses suppressions, amendes et contentieux19. Girardin s’exprime au sujet de cette législation dans un texte daté de 1838 intitulé « De la liberté de la presse et du journalisme » et dans un autre, de 1839, intitulé « De la responsabilité morale et de la responsabilité judicaire20 ». Ce dernier essai n’est pas sans lien avec des problèmes évoqués dans Jeannic21.

La genèse de Jeannic

Comme on l’a déjà indiqué au début de cette présentation, Jeannic n’est pas une œuvre créée de toutes pièces par Alexandre Dumas. C’était tout d’abord une pièce écrite par un jeune auteur débutant, Eugène Bourgeois (1817-1903). Chance inouïe pour l’auteur qui signe là son premier ouvrage dramatique, le célèbre acteur Frédérick Lemaître avait accepté d’interpréter le rôle-titre de ce drame qui devait être monté sur le Théâtre de la Porte-Saint-Martin. Or, selon un biographe de Lemaître, L.-Henry Lecomte,

Et Lecomte transcrit alors une lettre datée du 28 mai 1841 que Dumas a envoyée au grand acteur romantique :

Mais le 7 juillet, Dumas, alors installé à Florence, n’a toujours rien fait de la pièce du jeune Bourgeois et pour expliquer ce retard il écrit ce jour-là une nouvelle lettre à Frédérick :

Lecomte affirme que Dumas avait bien envoyé les deux premiers actes de Jeannic à Lemaître début août et que le troisième acte partait le 14 août accompagné d’une nouvelle lettre :

Lecomte assure que Dumas a ensuite envoyé la conclusion de Jeannic à Frédérick en septembre, accompagnée d’une lettre où il demandait encore qu’on garde secret sa participation à la pièce. « Dans ce moment-ci, » écrivait Dumas, « une chute ou une œuvre peu littéraire me rejetterait à cent lieues de l’Académie26 ». Lecomte ne donne pas de date à cette lettre, mais Claude Schopp a récemment publié un extrait d’une lettre du 3 septembre 1841 qui pourrait bien être la même que celle citée par Lecomte. Dans cette missive, Dumas précise :

Comme on le voit, la réfection de Jeannic par Dumas n’aurait pris, en tout, que six à sept semaines alors que Dumas avait profondément modifié la facture et la dramaturgie  du texte original. L’œuvre n’est pourtant pas créée tout de suite, nous dit Lecomte, car Frédérick est tombé malade la veille du jour où la pièce devait entrer en répétition. Fin octobre, les frères Cogniard décideront d’engager un autre grand acteur de l’époque, Bocage (de son vrai nom, Pierre-Martinien Tousez), pour jouer le rôle-titre28. Claude Schopp a calculé que le drame, créé le 27 novembre 1841, fut joué 27 fois de novembre 1841 à janvier 184229. Bien que le nom de Bourgeois soit le seul à figurer sur l’affiche et sur la brochure publiée chez Beck en 1842, la participation de Dumas à l’œuvre fut un secret de polichinelle. Dumas n’a toutefois pas recueilli la pièce dans ses Œuvres. Ce refus de reconnaître la « paternité » du texte n’est pas étonnant. Il correspond à l’habitude qu’avait Dumas de ne pas avouer officiellement certaines pièces faites avec des collaborateurs.

Par ailleurs, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques semble avoir « dépossédé » Eugène Bourgeois de ses droits d’auteur dans son Catalogue, les attribuant à tort à un homonyme, Anicet-Bourgeois30.

Une pièce à intrigues croisées

Comme d’autres pièces de Dumas, dont Richard Darlington (Théâtre de la Porte-Saint-Martin, 10 décembre 1831), Jeannic renferme deux histoires liées entre elles. Il y a, d’une part, une intrigue fondée sur le rôle des journaux et journalistes dans la France révolutionnée. Le critique de L’Artiste résume suffisamment bien cet aspect de la pièce pour qu’on lui laisse la parole :

D’autre part –on s’en douterait bien –, il y a une histoire d’amour qui se développe entre Marie, fille bien-aimée de Jeannic le chouan, et Fabien, jeune homme aux principes républicains et rédacteur en chef d’un journal qui s’appelle LaNation. Or, selon Marie, trouver le moyen d’amener son père à consentir à l’unir à un républicain n’est guère imaginable. Qui plus est, Jeannic a déjà promis la main de sa fille à Kernox, un maître-baleinier breton qui lui a sauvé la vie et Jeannic n’est pas homme à reprendre sa parole. On retrouve là des amants qui, comme Roméo et Juliette, doivent surmonter d’importants obstacles qui nuisent à leur bonheur. À défaut de balcon, Fabien entrera la nuit par la porte de la chaumière de Jeannic pour dire son amour à Marie et pour l’entendre jurer, sur la croix de sa mère, qu’elle sera à lui ou à Dieu. Par la suite, et aidé de la comtesse de Saint-Brehat dont Fabien est le neveu et Marie la « fille adoptive » chérie, le couple se retrouvera à Paris pendant quelques heures chaque jour en attendant un miracle. Mais même quand Kernox finit par renoncer à Marie, le bonheur espéré semble toujours échapper aux amoureux. Jeannic est souffleté par Fabien qui le tient responsable (en tant que gérant) des articles calomnieux au sujet de sa mère et de sa sœur publiés mais non signés par d’Horiac dans son journal. Mauclerc (c’est le nom dont Jeannic signe le journal) et Fabien vont alors se battre. Au dernier moment, Jeannic apprendra que d’Horiac et le comte l’ont trompé en abusant de son illettrisme et de ses principes royalistes et il tuera le Chevalier en duel après s’être excusé auprès de Fabien. À la fin, Jeannic donnera la main de Marie à Fabien et repartira seul en Bretagne, promettant un asile au jeune couple si jamais il en a besoin.

Mélodramatique à souhait (le traître est puni, les amoureux sont réconciliés avec le père de Marie et réunis par lui), les deux fils de l’intrigue se joignent bien au dernier acte du drame sans avoir toujours coexisté en parfait équilibre dans le reste de la pièce.

Le journal comme sujet dramatique et objet théâtral dans Jeannic

Le journal est présenté dans Jeannic comme une arme de guerre adaptée à la conjoncture politique et historique de l’époque, un levier qui permet d’arriver à ses fins quand des moyens de contestation traditionnels ne peuvent plus réussir. Aussi, dans les trois premiers actes de Jeannic, le journal est-il un élément qui sert à créer un conflit, à motiver l’action et à souligner l’historicité de l’intrigue. À l’acte I, scène iv, par exemple, on trouve cet échange entre le Comte de Saint-Brehat et le Chevalier d’Horiac où il est question du rôle que jouent les journaux :

Bientôt persuadé, le Comte ne tardera pas à consentir à la création d’un nouveau périodique et c’est précisément à ce moment-là qu’entre en scène Fabien, le cousin de sa femme, qui est déjà engagé de moitié dans un journal parisien. Alors que le Comte et d’Horiac envisagent le journalisme comme un moyen de s’enrichir ou d’acquérir des titres et des places, Fabien, lui, donne l’exemple de l’homme probe, du journaliste intègre. Il rentrera à Paris pour empêcher un associé de le compromettre. « Je veux être là, Monsieur, (explique-t-il à d’Horiac) pour dire à ces hommes, qu’il n’y a pas d’or, qu’il n’y a pas de place, qu’il n’y a pas de titres qui puissent acheter la plume d’un honnête homme ! » (I. v). Voilà donc mis en place le conflit entre l’honneur (au sens cornélien du terme) et l’iniquité, entre la rectitude et la fourberie qui ne sera dénoué qu’au dernier acte de la pièce.

Mais le journal ne restera pas exclusivement source d’un conflit moral abstrait dans la pièce. Aux actes IV et V, il deviendra aussi élément dramaturgique et participera concrètement à la mise en place et la mise en scène du dénouement. À la scène ii de l’acte IV, Fabien arrive chez la Comtesse où il voit sur une table le journal de son mari. Si la Comtesse empêche Fabien de lire le journal tout de suite, la présence de ce périodique calomnieux sur la table de son salon et la colère du jeune homme annoncent qu’une lecture aura bientôt lieu et qu’elle aura de graves conséquences.

En effet, à la scène v de l’acte IV, avant même que Fabien ait eu l’occasion de feuilleter le journal, il voit arriver d’Horiac à qui il demande de lui indiquer la personne responsable d’un article qui « [...] attaquait, m’a-t-on assuré, mes principes, mon honneur... ». L’article n’ayant pas été signé, d’Horiac lui dit de s’adresser au gérant du journal, sans lui indiquer le nom de cette personne. C’est donc au début de la scène vi que, le journal à la main, Fabien y lit des phrases qui calomnient sa mère et sa sœur et affirme : « oh ! je saurai qui a écrit ces lignes, et celui qui les aura écrites, je le jure, tout son sang m’en répondra ». La scène vii met Fabien, toujours tenant le journal à la main, en présence du Comte de Saint-Brehat à qui il demande où se trouve Mauclerc, le gérant qui signe le journal. En entendant son nom, Jeannic, qui se fait appeler Mauclerc à Paris, entre en scène.

À l’insulte imprimée sur la page répond donc un soufflet imprimé sur la joue de Jeannic avec le journal même où se trouve l’article diffamatoire. Le moyen est neuf et particulièrement dégradant pour celui qui reçoit cet affront. Aussi le journal va-t-il littéralement et figurément précipiter le dénouement de la pièce, comme il amène ici la chute du rideau à la fin de l’acte IV.

Le journal fera une dernière apparition concrète dans la pièce à la scène v de l’acte V. C’est là où Marie prendra le périodique en main pour lire à son père illettré l’article dont il ignore le contenu et qui insulte la famille de Fabien. Jeannic dira alors à Fabien : « Vous avez eu raison, Monsieur : l’insulte qu’on vous a faite est lâche et infâme. Vous avez eu raison de vous en tenir pour mortellement offensé ; vous avez eu raison, enfin, d’en tirer la vengeance que vous en avez tirée ». Cette fois-ci, le journal a donc provoqué une nouvelle péripétie : la réconciliation de Jeannic et Fabien, hommes d’honneur tous deux, qui vont se liguer pour s’opposer à d’Horiac, que Jeannic finira par tuer en duel.

Le double emploi du journal, comme sujet dramatique et comme objet théâtral, dans Jeannic est d’une grande force novatrice et spectaculaire : la matérialisation du périodique dans l’espace sensible de la scène en dit, visiblement, la puissance symbolique dans la société nouvelle issue de la Révolution. On verra plus loin si les critiques dramatiques en ont rendu compte.

Jeannic sur scène

Dans le compte rendu qu’elle signe dans La Tribune dramatique, Anaïs Ségalas, auteure mieux connue comme poète et nouvelliste que comme critique dramatique, laisse entendre qu’« un des princes du drame » a collaboré à la pièce attribuée à Eugène Bourgeois, mais ne le nomme pas. Elle affirme qu’« on retrouve ça et là son brillant cachet » et remarque ensuite :

Victor Herbin, critique dramatique au Moniteur des théâtres, parle quant à lui des « salves répétées de bravos » qui ont accueilli Bocage à son entrée en scène dans Jeannic et fait l’éloge de cet acteur et de certains de ses camarades :

Costume de Bocage dans le rôle de Jeannic le Breton, actes 1, 2, et 5. Paris, Hautecourt Martinet, 1841. Source : gallica.bnf.fr/ Bibliothèque nationale de France.

Costume de Mlle Klotz dans le rôle de Marie, acte 2. Paris, Hautecourt Martinet, 1841. Source : gallica.bnf.fr/ Bibliothèque nationale de France.

F. Bonnaire, chroniqueur théâtral à la Revue de Paris, insiste aussi sur le jeu de Bocage et de Clarence :

Désiré Laverdant, écrivant dans La  Phalange, juge pour sa part que « si Jeannic-le-Breton avait été dégagé de ses longueurs et réduit en trois actes, il est probable qu’il eût obtenu un immense succès. La fin du quatrième acte et tout le cinquième sont d’une vigueur peu commune », assure-t-il36.

Camille Berru, à qui il revenait de rendre compte de Jeannic dans L’Indépendant, abonde dans le même sens :

Thomas Sauvage fut chargé d’examiner Jeannic dans LeMoniteur universel. Auteur dramatique lui-même, ses observations sont de ce fait dignes d’un intérêt tout particulier :

On complètera ce petit échantillon de commentaires sur le jeu des acteurs et la facture de la pièce par cette observation que l’on doit à Georges Guénot-Lecointe où le critique de La Sylphide aborde la question du genre de la pièce :

L’absence de commentaires développés sur la mise en scène de la pièce chez les critiques (seul le costume de Jeannic est mentionné et l’on ne trouve rien sur les décors) est très intéressant40. Il semblerait indiquer que la question du journalisme a pris le dessus dans l’esprit des critiques sur toute autre dimension de l’œuvre. Même des observations sur le rôle du journal comme objet théâtral manquent à leurs analyses.

Jeannic et le portrait des journalistes

Comme on l’a déjà indiqué, Jeannic le Breton, ou le Gérant responsable est une œuvre qui prétend présenter le monde de la presse postrévolutionnaire avec ses us et abus. La date de l’action est 1798 et la pièce, truffée d’allusions à des personnalités et événements politiques et historiques de l’époque des guerres de Vendée et du Directoire, fait tout pour nous persuader que l’action se passe à cette époque. Cependant, les journalistes qui rendent compte de la pièce refusent d’adhérer à cette fiction41. Ils passent outre les effets d’historicisation et de distanciation que l’on trouve dans la pièce et dénoncent ce qu’ils appellent une représentation inexacte, anachronique des lois et pratiques qui réglèrent le journalisme de la fin du XVIIIe siècle. Aussi voient-ils Jeannic comme une attaque virulente et injuste sinon injustifiée contre la presse de leur temps. On peut certes juger que leur condamnation constitue une lecture biaisée de la pièce pour la raison que, comme il l’a dit plus d’une fois, Dumas ne considère pas la fidélité absolue au passé comme un critère essentiel du drame à sujet historique. À ses yeux, l’histoire est un appui utile à l’imagination d’un auteur dramatique, mais le dramaturge doit ensuite animer le « cadavre » du passé enfoui dans les chroniques et mémoires des historiens avec le « sang » de l’invention afin de plaire à son public42. Que des éléments anachroniques soient présents dans le tableau qu’il trace de la presse postrévolutionnaire n’aurait donc en rien troublé Dumas. Toutefois, le théâtre romantique de la « scène moderne » a alors habitué le public et la critique à lire dans les pièces historiques autant de métaphores du présent politique.

En l’absence du manuscrit original d’Eugène Bourgeois, il est difficile de savoir dans quelle mesure il faudrait attribuer à l’un ou l’autre des deux auteurs l’attaque contre la presse que l’on trouve dans Jeannic. On a déjà vu que Dumas avait de bonnes raisons (à son sens) d’en vouloir aux journalistes et qu’il n’avait pas hésité à leur lancer quelques pierres dans la préface à Catherine Howard et dans le texte de Kean. Rien, pourtant, ne permet de comprendre pourquoi Bourgeois aurait choisi, dans sa toute première œuvre dramatique, d’avilir la profession de ceux qui allaient juger un travail susceptible d’inaugurer sa carrière, mais il n’est pas impossible qu’il ait songé à incorporer journaux et journalistes dans sa pièce. Quoi qu’il en soit, il semble logique d’imaginer que si Dumas n’avait pas inventé cet aspect du drame, il l’aurait souligné, mis en valeur dans l’œuvre remaniée.

On sait, par exemple, que la thématique journalistique de la pièce occupe une place de plus en plus importante à partir de la fin du troisième acte et que les choses se corsent surtout dans les deux derniers actes de l’œuvre. Or, comme une des lettres de Dumas à Frédérick Lemaître citée plus haut l’indiquait, Dumas avait profondément retravaillé les actes IV et V de la pièce. Son but était-il, comme il le dit au sujet de l’acte I, de développer l’intensité dramaturgique de l’action ou était-ce plutôt de renforcer le thème journalistique ou les deux choses à la fois ? Tout ce qu’on peut dire avec certitude, c’est que Dumas avait écrit à Frédérick au sujet de ces actes : « il [Bourgeois] n’y retrouvera pas grand-chose de lui, mais c’est la même pensée : il n’y a par conséquent rien qui puisse le chagriner dans les changements que j’ai faits ».

Préoccupés par la représentation des rapports entre la presse et l’autorité politique en place, les critiques de Jeannic y voient surtout des anachronismes, des vilenies et calomnies en tout genre dont ils s’imaginent être la cible. La pièce n’offre pourtant pas une image uniformément négative du monde journalistique. Fabien est journaliste et homme intègre, constamment fidèle à ses principes républicains, contrairement au Chevalier d’Horiac, journaliste royaliste ambitieux, véreux qui se sert de sa plume, comme d’autres des femmes, pour avancer et s’enrichir. Fabien ne se vendrait pas au plus offrant, ni ne publierait bassesses ou articles de complaisance au service de l’opinion à laquelle il souscrit43. C’est d’ailleurs parce que Jeannic et lui entendent de la même façon le concept de l’honneur que le chouan breton finira par donner la main de sa fille à ce républicain convaincu. Et si d’Horiac est le méchant du drame, un homme pour qui l’argent est une valeur absolue et la réussite personnelle un atout apprécié et appréciable quelles qu’en soient les conséquences pour les autres, ses machinations sont bien châtiées à la fin de la pièce puisque Jeannic le tue en duel44.

Mais que faut-il penser des anachronismes qu’on reproche à Dumas – notamment le fait qu’il attribue une responsabilité morale et juridique au gérant du journal alors que, aux dires des critiques, le gérant n’en avait pas sous le Directoire et qu’il fait juger Jeannic devant un tribunal qui n’existait pas à l’époque45 ? Sont-ce là des « erreurs » bien graves ou le « problème » est-il ailleurs ?

La critique face à la représentation de la presse dans Jeannic

Pour Thomas Sauvage, Jeannic est une œuvre innovante car c’est la première pièce de théâtre à prendre la presse comme sujet. On peut ne pas souscrire à cet avis – l’anthologie mise en ligne sur médias19 le dément –, mais il est intéressant de noter comment Sauvage décrit le contexte politico-culturel où s’insère le drame de Dumas et de voir qu’il définit le journalisme comme le seul sujet de la pièce :

Pourtant, tout le monde ne partage pas l’avis de Sauvage quant à l’intérêt du sujet de la pièce. Dans son analyse du drame publiée dans La Revue de Paris, F. Bonnaire annonce un jugement plutôt négatif de Jeannic. La première erreur de l’auteur, suggère-t-il, fut le choix du sujet, le thème du journalisme semblant peu propice aux développements dramatiques :

Il prétend aussi que

Écrivant dans Le Siècle, Charles de Matharel se montre plus flegmatique que son confrère, mais non moins critique :

Si le feuilletoniste du Journal du Commerce s’offusque aussi de l’anachronisme de la pièce, c’est qu’il se souvient de tous les journalistes qui ont perdu la vie ou qui ont été exilés vers l’époque où les auteurs ont situé l’action de leur drame :

Jules Janin, qui assure la rubrique théâtrale dans le Journal des Débats, refuse, comme ses confrères, de laisser passer les allusions à la police correctionnelle en 1798 :

Mais pire encore que cet anachronisme, il y a l’ennui que Janin trouve à la pièce. Dans Richard Darlington, rappelle-t-il, il y avait déjà un ambitieux qui changeait de camp pour parvenir au sommet du pouvoir, mais du moins, dit le critique, cette trahison-là n’était pas prévisible dès le début. Selon Janin, celle du comte de Saint-Brehat et du Chevalier d’Horiac se laisse déjà deviner à l’acte I de Jeannic et ne surprend donc personne. Le fond de la pièce n’est d’ailleurs pas plus stimulant, à son avis :

Quant à G. Guénot-Lecointe, qui rédige le compte rendu de Jeannic dans La Sylphide, il ne saurait non plus admettre l’inexactitude historique de la pièce et estime que l’œuvre n’a pas de chances de réussir :

C’est Eugène Briffault qui examine Jeannic dans Le Journal des connaissances utiles54. Lui aussi reproche aux auteurs l’anachronisme de leur pièce et conclut qu’elle ne réussira pas :

Le chroniqueur qui signe « un Romain dégommé » la rubrique « Théâtres » dans Aujourd’hui, journal des ridicules, n’est pas plus indulgent que ses collègues, mais au lieu de s’étendre sur les inexactitudes historiques du drame, il prétend qu’on aurait mieux fait de passer la pièce sous silence :

Toutes ces citations – et d’autres encore que l’on trouvera en annexe à cette introduction57 –, tendent à prouver que le côté anachronique de Jeannic trouble énormément les critiques contemporains. C’est non seulement la transposition de la législation de l’époque présente dans le passé que les feuilletonistes condamnent (l’inexactitude porte atteinte à la vraisemblance de l’intrigue), mais aussi le choix du Directoire comme cadre de l’action. Bon nombre disent que le souvenir de la mort des journalistes sous la Révolution, la Terreur et le Directoire est trop présent à leur esprit pour qu’ils acceptent de voir un homme aussi vil que le Chevalier d’Horiac incarner la presse sur scène58 (c’est sans doute oublier un peu trop vite à quel point la calomnie, la dénonciation et d’autres formes de collusion avec diverses factions politiques avaient marqué la presse d’alors59). Pareil problème ne se pose dans aucune autre pièce parmi celles consacrées à la presse sur le site Médias19.

Alors qu’il n’est sûrement pas indifférent que le traître dans Jeannic soit un journaliste français sans principes, il faudrait aussi admettre que les remarques sur le dogmatisme de la pièce, sur son genre et sur l’ennui qu’elle provoque reviennent assez souvent dans les appréciations des critiques pour qu’on ne puisse les ignorer. Il est vrai que l’exposé que d’Horiac fait à l’acte I sur le rôle de la presse comme une arme, un levier de pouvoir pour continuer à lutter contre le gouvernement et pour s’enrichir ne semble pas susceptible de toucher le cœur du spectateur moyen. Certaines déclarations de Fabien – les critiques signalent en particulier ses remarques sur le journalisme comme un sacerdoce – ne sont plus aptes à le faire. Comme sujet d’un mélodrame social, les abus des journalistes et du journalisme n’intéressent pas le public dans la même mesure que les crimes des hommes par rapport aux femmes, des bourgeois par rapport aux ouvriers, des Blancs par rapport aux Noirs60.

Il est vrai aussi, qu’à l’exception de Jeannic, toutes les pièces consacrées à la presse énumérées plus haut, ont été ou devaient être jouées au Théâtre-Français. Comme on l’a vu, Jules Janin, dans son compte rendu de Jeannic, trouve que la pièce de Dumas n’est pas à sa place au Théâtre de la Porte-Saint-Martin. Ce n’est pas qu’il aurait préféré voir le drame monté au Théâtre-Français, mais qu’il juge Jeannic peu conforme au répertoire de ce théâtre des boulevards voué aux œuvres spectaculaires. Est-ce pour cette raison-là aussi que les critiques trouvent l’ouvrage ennuyeux ? Cela est tout à fait vraisemblable.

On notera enfin que la plupart des pièces consacrées à la presse énumérées plus haut sont des comédies. Si elles ne sont pas uniformément applaudies par les critiques ni constamment amusantes, ces comédies ont néanmoins de quoi divertir le public de temps à autre et n’insistent pas trop sur une « thèse ». Quant aux personnages dans ces pièces comiques, ils correspondent plus ou moins bien aux attentes des spectateurs qui y retrouvent des protagonistes et des situations typiques du genre. Certes, on reconnaît dans Jeannic des types caractéristiques du mélodrame – le traître, la victime innocente, le héros, le niais, etc. –, mais sont-ils vraiment bien adaptés au monde où ils sont appelés à évoluer dans la pièce ? On peut se poser la question. Hervé, le paysan breton niais, la vieille nourrice Marguerite et le recteur ne figurent qu’au début de la pièce. Leur présence sert les besoins de l’exposition, mais ralentit et appesantit l’action de la pièce plus qu’autre chose61. L’insulte faite à la réputation de la mère et de la sœur de Fabien à la fin de la pièce n’intéresse que peu le spectateur qui n’a jamais eu l’occasion de connaître ces femmes. Jeannic lui-même est un personnage difficile à cerner. Chouan intrépide et dévoué à ses principes, père qui fera tout pour le bonheur de sa fille unique, Jeannic est dupe de gens et d’un monde (parisien) où beaucoup de gens marchandent l’honneur sans hésiter. Mais son retour à sa Bretagne natale à la fin de la pièce représente-t-il le triomphe des bons ou un repli devant le mal toujours victorieux en dépit de la mort de d’Horiac62 ? Est-ce le père, le Chouan ou l’homme illettré mais intègre qu’on plaint ou qu’on applaudit ?

Au terme de cette présentation de Jeannic le Breton, on est amené à reconnaître que cette pièce s’insère dans le corpus de pièces sur le site Médias19 non seulement par la date de sa création, mais aussi parce que les critiques dramatiques la comparent souvent aux autres pièces dont cette anthologie se compose. En même temps, s’il est évident que le sujet journalistique est devenu important vers l’époque 1837-1841, il est tout aussi certain que Jeannic n’est pas le meilleur des ouvrages dramatiques qui abordent le thème. Il y a certes des moments forts dans la pièce – moments qui rappellent le génie dramatique de Dumas et qui font penser à des personnages ou des péripéties similaires dans d’autres pièces dues à sa plume –, mais l’ensemble n’arrive pas à faire du journaliste un héros romantique à l’instar d’Antony, Richard Darlington ou Kean. Dumas, aurait-il mieux réussi s’il avait fait de Fabien, journaliste intègre, le personnage principal du drame au lieu de mettre Jeannic à cette place ou s’il avait situé l’action à une autre époque ou dans un autre pays ? S’il avait travaillé seul ou avec un collaborateur plus talentueux ? Ces questions ne sembleront pas tout à fait hypothétiques si l’on se rappelle que Dumas avait collaboré avec Gérard de Nerval à la composition de Léo Burckart, drame en cinq actes, avec prologue, signé de « M. Gérard » et joué avec succès au Théâtre de la Porte-Saint-Martin à partir du 16 avril 183963. On se souviendra que, dans cette pièce, Léo a écrit pendant un temps des articles de politique dans la Gazette germanique et qu’un de ses articles a non seulement fait saisir le journal, mais a aussi fait condamner à la prison et à l’amende le propriétaire gérant de ce périodique64. Or, il n’est pas sûr que cette punition corresponde mieux à la réalité juridique et historique que celle qui est illustrée dans Jeannic. Cependant, l’intérêt fondamental de cet exemple est qu’il souligne encore une fois l’importance du thème journalistique à la fin des années 1830 et qu’il suggère que l’insuccès de Jeannic aurait eu plusieurs causes qui ne sont pas toutes liées à sa facture ou à ses inexactitudes historiques.

(Université du New Hampshire)

Principes d’édition

Le texte donné ici (on peut le télécharger en cliquant ici ou en passant par le bouton PDF du haut de la page) a été établi à partir de l’édition de Jeannic le Breton, ou le Gérant responsable publiée chez Beck en 1842 dans la collection du Répertoire dramatique des auteurs contemporains. Cette publication ne fut pas enregistrée dans La Bibliographie de la France65. Il existe aussi une contrefaçon belge de la pièce, publiée à Bruxelles, chez J. A. Lelong, 1842 (no 145 du Répertoire dramatique) et une traduction suédoise, Jeannic eller Den ansvarige tidningsutgifvaren: skådespel i 4 akter af E. Bourgeois och Alex. Dumas, fritt öfv. af F. N. Berg66. La pièce n’ayant connu qu’une seule édition française officielle et le manuscrit n’ayant pas été retrouvé, nous ne proposons pas de relevés de variantes.

Les notes en bas de page sont de notre fait. Nous avons modernisé sans commentaire l’orthographe des mots pour faciliter la lecture du texte. Ainsi, par exemple, long-tems est devenu longtemps et nous avons ajouté un « t » à certains substantifs et adjectifs se terminant en –ens ou –ans au pluriel dans l’original (enfans >enfants). La ponctuation, sauf les points de suspension que nous avons ramenés à trois, a été laissée telle quelle.

Dans l’édition du Répertoire dramatique, la pièce comptait quarante pages où le texte était présenté sur deux colonnes. Une telle mise en page était typique de ce genre de collection qui visait une publication au moindre coût67. Nous avons choisi de donner au texte un format moins serré, plus lisible, n’étant pas contraint par des considérations liées à un tirage sur papier. Aussi avons-nous décidé de ne pas reproduire le rappel alterné, en haut des pages, du titre de la pièce et de l’indication de l’acte et de la scène.

On trouvera ci-dessous un extrait de la liste des pièces du Répertoire dramatique imprimée à la fin de Le Bal d’enfans, de Dumanoir et Dennery (Paris, chez l’Éditeur du Répertoire dramatique et chez Tresse, 1845). Jeannic (vendu au prix de 60 centimes), se trouve vers le bas de la deuxième colonne à partir de la droite, entre Les Blancs-becs et 1841 et 1941.

Quoiqu’inscrite ici Jeannic est pourtant absente de la Bibliographie de la France, à la différence des pièces qui la précèdent et la suivent.

Bibliographie de la France, n. 1 (1er janvier 1842), p. 2.

17. Les Blancs-becs, comédie-vaudeville en deux actes ; par MM. Anicet Bourgeois et Édouard Brisebarre. (Théâtre des Folies-Dramatiques, 13 novembre 1841). In-8° d’une feuille 1/2. Imprim. de Mme Delacombe, à Paris. — À Paris, chez Beck, faubourg Saint-Denis, n. 43 ; chez Tresse. Prix... 0—50.

Répertoire dramatique, n. 173.

Bibliographie de la France, n. 4 (22 janvier 1842), p. 57.

440. 1841et1941, ou Aujourd'hui et dans cent ans,revue fantastique en deux actes, à grand spectacle ; par MM. Cogniard frères et Théodore Muret. (Théâtre de la Porte-Saint-Martin, le 29 décembre 1841.) ln-8° d’une feuille 5/8. Imprim. de Mme Delacombe, à Paris. — À Paris, chez Beck, faubourg Saint-Denis, n. 43 ; chez Tresse. Prix... 0—40.

Répertoire dramatique, n. 182.

Notes

Costume de Mme Meynier dans le rôle de la Comtesse, actes 4 et 5. Paris, Hautecourt Martinet, 1841. Source : gallica.bnf.fr/ Bibliothèque nationale de France.

1  Alexandre Dumas, [« Préface »], Catherine Howard, drame en cinq actes et en huit tableaux, Paris, Charpentier, 1834, p. iii-iv.

2  En parlant de la création de La Presse par Émile de Girardin en 1836, Dumas a écrit : « Ce journal une fois fondé, il était tout simple qu’on nous offrit de prendre à sa rédaction une part active ; et cette offre, il était de notre devoir de l’accepter ». Alexandre Dumas, « Le Feuilleton de la Presse », La Presse, no 2 (2 juillet 1836), p. 1. Voir Claude Schopp, « Dumas critique dramatique », Nineteenth-Century French Studies, vol. 18, no 3 & 4 (1990), p. 348-362 et l’article « La Presse », dans Claude Schopp, Dictionnaire Dumas, Paris, Éd. du CNRS, 2010, p. 468-469. Voir aussi le volume Dumas critique, sous la dir. de Julie Anselmini, Limoges, PULIM, (Coll. « Médiatextes »), à paraître (2013). Dumas collabora aussi, de façon très intermittente, à la Revue et gazette musicale de Paris vers 1837-1838.

3  Dumas, « Le Feuilleton de la Presse », art. cité : « Et c’est ici l’occasion de dire quelques mots d’un allié que la critique a cru que j’avais appelé à mon secours : je veux parler de mon drame de Kean, qu’elle croit dirigé contre elle. C’est une erreur ; et nous nous empressons de rectifier le fait ; non point, Dieu merci ! par crainte de la malveillance mais par religion pour la vérité ». Nous citons le portrait-charge contre les journalistes dans Kean (II, iv, 12) dans notre édition de Jeannic ci-après, dans une note à l’acte IV, scène vii.

4  H. L. [Hippolyte Lucas], « Revue dramatique. Théâtre des Variétés. Kean [...], par Alexandre Dumas » L’Artiste, t. 12 (1836), p. 71.

5  Jules Janin, « Théâtre des Variétés. Kean [...], par Alexandre Dumas », Journal des Débats, 5 sept. 1836, p. 2, feuilleton. Janin réagit-il ici à un monologue dans Kean où le souffleur Salomon lit et commente les comptes rendus publiés dans la presse au sujet du spectacle où Kean avait joué la veille ? Alexandre Dumas, Kean, Paris, Marchant, 1836, (coll. Le Magasin théâtral, t. 14), III, x, 17.

6  Voir, par exemple, l’attaque que l’on doit à Y., « Théâtre des Variétés. Kean [...], de M. Alexandre Dumas », Le Constitutionnel, no 292 (5 sept. 1836), p. 1-2, feuilleton. Frédéric Soulié affirme : « C’est toujours un mauvais duel à accepter, quand on présente au tir de son ennemi une surface de dix drames et de dix volumes, que de n’avoir pour but qu’une mince colonne de journal ; quelqu’adroit [sic] que vous soyez, vous serez touché cent fois au cœur avant d’égratigner votre adversaire ». « Feuilleton. Théâtres. Kean [...] », La Presse, no 58 (6 sept. 1836), p. 2.

7  Eugène d’Izalguier, « Feuilleton de la Phalange. Kean [...], par M. Alexandre Dumas », La Phalange, 1re année, t. 1, no 9 (1er oct. 1836), p. 273-274, feuilleton. Dumas n’a jamais écrit de pièce intitulée Des Critiques.

8  Le journaliste dans cette pièce est une personnalité historique bien connue : Richard Steele, journaliste anglais du XVIIIe siècle qui a fondé, avec son ami Joseph Addison, The Spectator.

9  L’éditeur H. Delloye note sur la page de garde face au titre de la pièce que « d’après la volonté expresse de l’auteur, cette pièce ne sera jamais insérée, soit dans la France dramatique, soit dans le Magasin théâtral, ou dans toute autre Collection analogue ». C’était une façon de limiter la diffusion de l’œuvre à un public plutôt aisé. Casimir Delavigne, La Popularité, 2e éd., Paris, H. Delloye ; Leipzig, Brockhaus et Avenarius, 1839.

10  Toutes ces pièces figureront dans la présente anthologie mise en ligne sur Médias 19.

11  Charles Desnoyer, « Théâtre de la Gaité. Première représentation de la Nouvelle Héloïse [...] par MM. Desnoyer et Labie », Le Monde dramatique, t. 4 (jan. 1837), p. 44-46.

12  Le roman est publié à Paris, chez Olivier Cassanet, en 1840, mais la préface est plus facilement accessible sur le site Gallica de la BnF dans Le Journal des journaux, t. 1 (mars 1840), p. 90-94 où elle est reprise. Le nom de l’auteur, Mme Charles [Henriette-Étiennette-Fanny] Reybaud, et la source du texte reproduit, sont indiqués dans une note à la fin. (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6386516k/f96.image)

13  Une Physiologie de la presse. Biographie des journalistes et des journaux de Paris et de la province, Paris, Jules Laisné, 1841. Voir aussi la Galerie de la presse, de la littérature et des beaux-arts, éd. Louis Huart [textes], Charles Philippon [dessins], Paris, Au bureau de la publication et chez Aubert, série qui commence en 1839.

14  Alphonse Karr, Les Guêpes, 3e série, nouvelle éd., Paris, Michel Lévy frères, 1866.

15  Voir à ce propos Abel Hugo, « Journaux et journalistes », La France pittoresque, Paris, Delloye, 1835, t. 3, p. 115. On trouvera cet article en annexe avec un autre texte concernant la place de la critique théâtrale dans des journaux chrétiens publié, dans Le Semeur du 29 septembre 1839. Consulter l'Annexe 1. Abel Hugo. Consulter l'Annexe 2. Le Semeur.

16  Les Cent et un Robert-Macaire, composés et dessinés par H. M. Daumier [...], Paris, chez Aubert et Cie, 1839. Les pages de ce volume ne sont pas numérotées.

17  Ibid. Daumier publiait d’autres images de journalistes dans Le Charivari.

18  C’est l’intégration de la publicité dans le journal qui permet la réduction du prix. Voir, entre autres textes, Marie-Ève Thérenty et Allain Vaillant, 1836. L’An I de l’ère médiatique : Analyse littéraire et historique de La Presse de Girardin, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2001 et Making the News : Modernity & the Mass Press in Nineteenth-Century France, Dean de la Motte & Jeannene M. Przyblyski (dir.), Amherst, University of Massachusetts Press, 1999. Consulter l'Annexe 3. Le Musée des familles.

19  Cette même année, Girardin avait publié un pamphlet intitulé Moyens législatifs de régénérer la presse périodique, d’étendre la publicité, et de régler la polémique, sans inquisition intérieure, censure, délation, cautionnement et timbre. Hommage d’un député à ses collègues, Paris, Desrez, 1835. Alfred de Musset consacre un poème, « La Loi sur la presse », à cette législation qu’il désapprouve (« Mais, morbleu ! c’est un sourd ou c’est une statue, / Celui qui ne dit rien de la loi qu’on nous fait ! ») Voir La Revue des Deux Mondes, t. 3 (1er sept. 1835), p. 609-619 ; les vers cités ici se trouvent p. 611.

20  Ces textes sont repris dans Émile de Girardin, Les Droits de la pensée. Questions de presse : 1830-1864, Paris, Serrière, Michel Levy frères, Henri Plon, Librairie Nouvelle, 1864, p. 91-102 et p. 104-105. Voir la présentation de L’École des journalistes dans la présente anthologie de médias19.

21  On trouvera en annexe de cette introduction des extraits de la législation sur la presse en vigueur en 1841. Consulter l'Annexe 4. Dictionnaire de droit public et administratif.

22  L.-Henry Lecomte, Un comédien au XIXe siècle. Frédérick Lemaître. Étude biographique et critique d’après des documents inédits. Deuxième Partie : 1840-1876, Paris, chez l’auteur, 1888, p. 31. Dumas a écrit une courte biographie de Frédérick Lemaître pour le Musée des familles, t. 8, no 20 (février 1841), p. 157-158, dans le complément de la revue intitulé « Mercure de France (du 15 janvier au 15 février) ». Il n’y est pas question de Jeannic puisque l’acteur n’avait pas encore proposé à Dumas de retravailler la pièce.

23 Ibid.

24 Ibid., p. 32.

25 Ibid., p. 34. Les frères Théodore et Hippolyte Cogniard étaient directeurs du Théâtre de la Porte-Saint-Martin à cette époque. Dumas avait déjà évoqué le problème des collaborateurs dans un compte rendu de La Camaraderie d’Eugène Scribe publié dans le feuilleton de La Presse, no 193 (22 janvier 1837), p. 1-3. Quand Dumas dit qu’il a besoin d’être joué, c’est probablement parce qu’il est à court d’argent.

26  Ibid. Dumas a brigué un siège à l’Académie-Française de nombreuses fois et toujours sans succès.

27  Schopp, Dictionnaire Dumas, op. cit., p. 69.

28  Lecomte, op. cit., p. 35.

29  Schopp, Dictionnaire Dumas, op. cit., p. 294 (article « Jeannic le Breton »). À notre connaissance, il n’y a jamais eu de reprise de la pièce en France.

30  Voir le Catalogue général des œuvres dramatiques et lyriques, Paris, Amédée Goyot ; Léonce Peragallo, 1863, p. 185. Dumas avait souvent collaboré avec Auguste Anicet, dit Anicet-Bourgeois, auteur plus connu qu’Eugène Bourgeois. Parmi les œuvres que Dumas et Anicet-Bourgeois avaient écrites ensemble dans les années 1830, on peut citer Térésa, Angèle, Le Mari de la Veuve, La Vénitienne et Le Fils de l’émigré. Nous ne savons pas si E. Bourgeois a touché les droits qui lui revenaient, mais il est probable qu’il aurait réclamé son dû s’il y avait quelque chose à percevoir. Dans son compte rendu de la pièce, Camille Berru, « Théâtre de la Porte Saint-Martin », L’Indépendant, 14e année (2 déc. 1841), p. 3, reproche à Dumas de s’être éclipsé devant l’échec de Jeannic. Aussi dit-il, « [...] je comprends qu’en face d’une pareille défection un jeune homme se fasse misanthrope, souille sa plume de fiel et voue à l’exécration tout ce qui exploite le monopole des hautes opérations dramatiques ».

31  « Théâtres. Porte-Saint-Martin : Jeannic le Breton », L’Artiste, 2e série, t. 8, livr. 23 (1841), p. 367. L’article est attribué à Montigny (i.e., Adolphe Lemoine) dans la table des matières à la fin du volume, mais n’est pas signé dans le texte.

32  Voir aussi l’acte II, scène iv où d’Horiac et le Comte expliquent à Jeannic le rôle d’un journal dans les circonstances actuelles. Ils le convainquent de devenir gérant de leur journal en faisant appel à ses sentiments royalistes et en soulignant le danger qui s’attache à cette fonction (duels, prison et peut-être même l’échafaud). Il finira bien par passer en prison et à se battre en duel avant la fin de la pièce.

33  Anaïs Ségalas, « Porte-Saint-Martin. Jeannic [...] », La Tribune dramatique, t. 1, an 1, 9e livr., (5 déc. 1841), p. 136.

34  [Victor Herbin], « Théâtres de Paris. Porte-Saint-Martin », Moniteur des théâtres, t. 5, no 2 (7 déc. 1841), p. 15. Par ailleurs, dans son compte rendu de la pièce, Herbin définit trois défauts qu’il trouve à Jeannic : « Le principal défaut de la pièce [...], c’est d’attaquer le journalisme ; le second, c’est de parler au public de choses qu’il ignore ; le troisième, de n’avoir qu’un seul personnage digne d’intérêt [Jeannic] ». Victor Herbin, « Théâtre de la Porte-Saint-Martin », Moniteur des théâtres, t. 5, no 2 (7 déc. 1841), p. 14.

35  F. Bonnaire, « Bulletin. Théâtres », Revue de Paris, t. 36 (déc. 1841), p. 154.

36  D. L. [Désiré Laverdant], « Feuilleton de la Phalange. Revue dramatique », La Phalange, 5e série, t. 4, n48 (19 déc. 1841), col. 788, feuilleton.

37  C. Berru, op. cit., p. 2. Le Grand Homme de province à Paris fait partie du roman qui deviendra Illusions perdues de Balzac.

38  T. Sauvage, « Spectacles », Le Moniteur universel, no 343 (9 déc. 1841), p. 2480.

39  G. Guénot-Lecointe, « Théâtres. Théâtre de la Porte Saint-Martin », La Sylphide, 3e série, t. 5 (déc. 1841), p. 12.

40  On voit des situations similaires dans La Tour de Nesle de Dumas et Gaillardet (Théâtre de la Porte-Saint-Martin, 29 mai 1832), où le nom de guerre Buridan cache celui de Lyonnet de Bournonville, et dans La Vénitienne, de Dumas et Anicet-Bourgeois (Théâtre de la Porte-Saint-Martin, 18 mars 1834), où le vrai nom du Bravo, c’est-à-dire du bourreau de Venise, reste inconnu jusque vers la fin de la pièce. Bocage a créé ces deux rôles aussi. Dans Jeannic, la modification du nom du personnage principal s’accompagne d’un changement de costume qui contribue aussi à distinguer les deux « faces » du personnage.

41  Ce refus n’est pas un cas unique. En parlant de La Popularité de Casimir Delavigne, les critiques avaient décelé une transposition de la situation de la France de 1832 dans l’Angleterre de 1745. Voir A. F., « Théâtre-Français. La Popularité [...] », Le Constitutionnel, no 338 (4 déc. 1838), p. 1 feuilleton.

42  On se souvient que Dumas avait déclaré que « Catherine Howard [était] un drame extra-historique, une œuvre d’imagination procréée par ma fantaisie ; Henri VIII n’a été pour moi qu’un clou auquel j’ai attaché mon tableau ». Dumas, Catherine Howard, op. cit., p. iii. Il réitère cette notion dans un compte rendu publié deux ans plus tard et dont nous extrayons les mots « cadavre » et « sang » employés ci-dessus. Voir Alexandre Dumas, « Théâtre. Les Sept Infans de Lara [...] », La Nouvelle Minerve, t. 4 (21 mars 1836), p. 398-408.

43  Voir en annexe un extrait du compte rendu de Laverdant, op. cit., col. 787-788 pour une opinion similaire. Consulter l'Annexe 5. Comptes rendus.

44  La réception de cette péripétie fut-elle compliquée par le souvenir du duel en 1836 entre Émile de Girardin et Armand Carrel, fondateur du journal républicain Le National, où celui-ci a trouvé la mort ? Voir, pour l’histoire de cette rencontre, Louis Fiaux, Armand Carrel et Émile de Girardin : Cause et but d’un duel ; mœurs publiques du temps ; dessous de politique, Paris, Marcel Rivière et Cie, 1912.

45  Voir en annexe des extraits du Dictionnaire de droit public et administratif (1841) au sujet des devoirs du gérant responsable et des punitions qu’on peut lui infliger en cas d’enfreinte aux lois. Des exemples de plaintes portées contre des gérants responsables en 1839-1840 y sont joints. Consulter l'Annexe 4. Dictionnaire de droit public et administartif. Consulter l'Annexe 6. Plaintes. Il est intéressant de noter qu’une autre pièce où Dumas qui met en scène la période révolutionnaire – Le Fils de l’émigré (Théâtre de la Porte-Saint-Martin, 28 août 1832), pièce écrite en collaboration avec Anicet-Bourgeois – fut également condamnée par les critiques dramatiques de son temps. On peut se demander si c’est là un hasard ou plutôt un signe de la susceptibilité des critiques devant l’image que Dumas trace de l’époque révolutionnaire et des aristocrates qui cherchent à corrompre des gens d’origine modeste et au cœur pur.

46  Sauvage, op. cit.

47  Bonnaire, op. cit., p. 153.

48  Ibid., p. 154.

49  Ch. de M. [Charles de Matharel], Le Siècle, 6e année, no 334 (2 déc. 1841), p. 3, feuilleton.

50  « Théâtre de la Porte-St-Martin », Journal du Commerce (29 nov. 1841), p. 2, feuilleton.

51  J. J., « Théâtre de la Porte-Saint-Martin », Journal des Débats, 29 nov. 1841, p. 3, feuilleton. C’est Janin qui souligne.

52  Ibid.

53  Guénot-Lecointe, op. cit., p. 13.

54  Comme Dumas le rappelle au dernier chapitre de Mes Mémoires, en 1833 Briffault (1799-1854) avait été mêlé à un contentieux au sujet de la grossesse de la duchesse de Berry suite à un article qu’il avait publié dans Le Corsaire. Voir Alexandre Dumas, Mes Mémoires, Paris, Michel Lévy frères, 1863, t. x, chapitre cclxiv (« Les duels politiques ») et l’article signé L. H. [Louis Huart] sur Briffault dans Galerie de la presse, de la littérature et des beaux-arts, 1e sér., Paris, au bureau de la publication et chez Aubert, 1839, [n.p.]. En 1845, Dumas sera mêlé à un autre duel auquel participaient des journalistes. Voir « Beauvallon et d’Equevilley (1845). Duel Dujarier », in A. Fouquier, Les Causes célèbres de tous les peuples, t. 2, 49e livr., Paris, H. Lebrun, 1859.

55  Eugène Briffault, « Théâtres », Journal des connaissances utiles, (déc. 1841), p. 381.

56  Un Romain dégommé, « Théâtres. Porte-Saint-Martin », Aujourd’hui, journal des ridicules, 4e année (5-12 déc. 1841), [p. 3].

57  Consulter l'Annexe 5. Comptes rendus.

58  Le modèle réel du journal du Chevalier d’Horiac dans la fiction ne serait-il pas la Gazette de France, ainsi présentée par Edmond Texier, dans Physiologie de la presse : biographie des journalistes et des journaux de Paris et de la province (Paris, Jules Laisné, 1841) : « LA GAZETTE DE FRANCE. / Organe le plus répandu du parti légitimiste. Quatre mille abonnés. La Gazette de France, qui a été le journal ministériel des administrations les plus réactionnaires de la restauration, fait aujourd'hui au gouvernement de juillet une opposition toute libérale. La Gazette de France est à coup sûr la feuille la plus radicale qui existe après le Journal du peuple. Elle s’appuie sur le suffrage universel, et offre dans l’exposition de ses doctrines un mélange incroyable de royalisme et de républicanisme. C’est un des journaux les plus redoutables qui existent, et celui qui donne le plus d’alarmes au gouvernement. / Aubry Poucaut, gérant, se contente de signer le journal. / La Gazette ne se fait pas dans ses bureaux, comme les autres journaux : c’est chez M. de Genoude que l’on prépare les articles et les moyens d’attaque. »

59  Voir Marie-Joseph Chénier, Épître sur la calomnie, Paris, imp. P. Didot, an v [1796] et « Affaires de l’intérieur », La Décade philosophique, littéraire et politique, no 34 (10 fructidor an v / 27 août 1797), p. 441-442 : « Enfin nous pouvons donc espérer une loi contre les intolérables abus de la presse. La calomnie ne pourra plus salir la vie la plus pure et troubler la paix de l’homme de bien. Le fonctionnaire public, en remplissant ses devoirs, ne craindra plus la plume des journalistes de telle ou telle faction ». Voir aussi Antoine de Baecque, « La Dénonciation publique dans la presse et le pamphlet (1789-1791) » dans The Press in the French Revolution, Harvey Chisick, Ilana Zinguer, Ouzi Elyada, éds., Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, t. 287 (1991), p. 261-279.

60  Certes, des accusations de plagiat lancées par la presse contre Chatterton ont contribué à son malheur, mais il est probable que la proposition insultante du lord-maire et l’impossible amour du poète pour Kitty Bell ont touché bien plus le cœur des spectateurs de la pièce d’Alfred de Vigny (1835).

61 Ces personnages sont sans doute destinés à contribuer à la couleur locale bretonne aussi. Certains critiques dramatiques prétendent que le comte de Saint-Brehat est un niais, mais on ne saurait pas les suivre dans cette idée. Si d’Horiac est le traître, le comte est un compagnon dont il se sert et qui le sert. En effet, c’est le comte qui propose Jeannic comme gérant responsable. Et il est clair que Saint-Brehat veut bien l’ambassade qu’il obtient grâce aux machinations et compromissions de d’Horiac.

62  On n’est plus à l’époque du mélodrame « classique » où le bien triomphe toujours du mal d’une façon éclatante. Le mariage de Marie et de Fabien au dénouement est certes source de satisfaction. Le destin de Jeannic laisse cependant planer le doute sur le sens de la pièce.

63  La pièce est publiée en entier dans le feuilleton de La Presse les 24, 25, 26, 27, 30 sept. et les 1er, 2, 3, 4 oct. 1839. Un volume intitulé Léo Burckart, accompagné de mémoires et documents inédits sur les sociétés secrètes d’Allemagne est également signé M. Gérard (Bruxelles, Société belge de la librairie, 1840). La pièce de Nerval étant disponible en version de poche moderne, elle n’est pas reprise dans l’anthologie de Médias19. Voir Gérard de Nerval, Léo Burckart, éd. Jacques Bony, Paris, GF-Flammarion, 1997.

64  Voir Th. V[auclare], « Théâtres de Paris. Premières Représentations. Revue musicale et dramatique », Le Monde dramatique, t. 8 (avr. 1839), p. 253-254. « [...] M. Gérard a fait de son héros principal un publiciste, dont les écrits remuent profondément l’Allemagne. Le publiciste arrive au pouvoir, et là, il met en pratique ses larges théories de liberté. Mais il ne tarde pas à s’apercevoir que tous les moyens qu’il emploie pour étendre les libertés de l’Allemagne ne le conduisent qu’à l’impopularité. Il finit même par apprendre que les membres d’une société politique composée de toute la jeunesse éclairée conspiraient contre ses jours, et lorsqu’il se trouve en face de l’un de ses ennemis, il présente hardiment sa poitrine au fer de l’assassin qui recule devant tant d’énergie et de résignation. Nous le répétons, Léo Burckart, bien que les pièces politiques ne soient point encore de nos goûts et de notre siècle, promet d’avoir un brillant succès, car on y rencontre des scènes admirables d’énergie et de conception, des caractères habilement conçus et fortement tracés, et enfin une vigueur de style peu commune ». On sait que Nerval a fondé Le Monde dramatique et que la critique n’est donc pas tout à fait impartiale.

65  J.-M. Quérard, Les Supercheries littéraires dévoilées, Paris, L’Éditeur, 1847, p. 469 a écrit : « Cette pièce n’ayant pas été annoncée dans la Bibliographie de la France pour 1842, il va sans dire que les continuateurs de la Littérature française contemporaine ont omis le nom de M. Eug. Bourgeois dans leur nomenclature, et qu’ils devaient omettre de rappeler à l’article de M. Dumas sa part à cette pièce ». Nos recherches ont confirmé cette curieuse absence de la Bibliographie de la France (voir la page suivante). Il existe une contrefaçon belge de la pièce, publiée à Bruxelles, chez Lelong, 1842.

66  Jeannic ou L’éditeur responsable, pièce à spectacle en 4 actes, par E. Bourgeois et Alex. Dumas, traduit librement par F[redrik] N[iklas] Berg. Je remercie Sylviane Robardey-Eppstein de m’avoir fourni la traduction de ce titre. La pièce fut créée pour la première fois le 25 avril 1845 sur le Petit Théâtre (rebaptisé Nouveau Théâtre) de Stockholm, et aurait été représentée trois fois entre le 25 et le 29 avril 1845 selon Fredrik August Dahlgren, Förteckning öfver svenska skådespel uppförda på Stockholms theatrar 1737-1863 [...], Stockholm, P. A. Norstedt & Söner, 1866, p.253.

67  Voir à ce sujet Odile Krakovitch, « Le Théâtre sous la Restauration et la monarchie de Juillet : lecture et spectacle » dans Mesure(s) du livre, Alain Vaillant (dir.), Paris, BNF, 1999, p. 147-164 ; Barbara T. Cooper, « Les Publics du Magasin théâtral (XIXe siècle) », Revue d’Histoire du Théâtre, nos 245-246 (2010), p. 67-77 (no spéc., Le Texte de théâtre et ses publics, Florence Naugrette et Ariane Ferry, dir.) et « Encore un mot sur les publics du Magasin théâtral », Revue d’Histoire du Théâtre, no 256 (2012), p. 413-418.

Pour citer ce document

Barbara T. Cooper, « Introduction et accès au texte », Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/textes-du-19e-siecle/anthologies/la-presse-en-scene/introduction-et-acces-au-texte-2