Les Mystères urbains au XIXe siècle : Circulations, transferts, appropriations

« To be continued », ou l’aventure infinie des Mystères de New York

Table des matières

GUILLAUME BOULANGÉ et PRISCA GRIGNON

Dans la grande histoire du cinéma, certains titres de films paraissent plus prometteurs et plus engageants que d’autres. Les Mystères de New York, serial muet américain de 1915, sonnait à nos oreilles comme la promesse d’un beau voyage vers un continent inconnu. Ce titre était fort célèbre, presque mythique, et les historiens du cinéma, en tête desquels Georges Sadoul et Jean Mitry, en faisaient le plus grand cas. De son côté, Jean Cocteau1 qui avait vu le film dans sa jeunesse, adorait. Enfin, André Breton, Louis Aragon, Paul Gilson, Jacques Vaché, Robert Desnos et bien d’autres encore ne tarissaient pas d’éloges sur ce serial qu’ils affirmaient aussi important que Les Mystères de Paris, le roman d’Eugène Sue, en son temps.

Ce serial américain avait rencontré en France un énorme succès entre 1915 et 1916, triomphe commercial certes, mais également large adoubement critique, encore amplifiés par sa publication en feuilleton dans la presse quotidienne2, ainsi que par un lancement publicitaire d’une importance telle qu’aucune sortie de film n’en avait encore connu à ce jour dans la capitale. Produit et distribué par Pathé-Exchange, filiale américaine de la société Pathé – la plus importante au monde jusqu’à la fin des années vingt – le film est ainsi diffusé simultanément à partir du 4 décembre 1915 en première exclusivité dans cent cinquante-six salles réparties à travers tout le pays, ce qui pour l’époque est considérable3. En somme, ce serial devenu légendaire présentait tous les aspects d’un phénomène de société et semblait justifier amplement notre curiosité.

Malheureusement, aucune copie de l’un ou l’autre de ses vingt-deux épisodes n’étant accessible en France – excepté quelques photogrammes 28 mm conservés aux Archives Françaises du Film de Bois d’Arcy – c’est à Rochester, dans l’État de New York, à la Georges Eastman House que nous décidâmes d’aller les découvrir4.

Les mystères de Rochester

Quelle ne fut pas notre excitation ! Les Mystères de New York – là-bas Les Exploits d’Elaine – devant le succès colossal, avaient été augmentés de deux « saisons » supplémentaires, Les Nouveaux exploits d’Elaine et La Romance d’Elaine, l’ensemble comptant non plus vingt-deux épisodes, mais trente-six5. En réalité ce que nous comprîmes alors, c’est que Les Mystères de New York n’avaient jamais existé en tant que tels ; ils n’étaient en réalité qu’une version raccourcie et entièrement remontée de l’ensemble de ces trois séries focalisées autour du personnage d’Elaine et, en France, « rebaptisée » Mystères de New York à l’imitation des Mystères de Paris – dont la renommée était encore forte – pour de simples et évidentes raisons commerciales6.

Or, de ce changement de titre, risquait de découler certains malentendus sur le contenu même des films. Le décalage ne tarda pas à se révéler, du moins dans un premier temps. En effet, à travers les huit seuls épisodes sauvegardés sur pellicule 35 mm actuellement visibles à Rochester7, nous nous aperçûmes rapidement que, contrairement à ce que laissait supposer le titre français, la ville de New York et ses bas-fonds ne tenaient qu’une place extrêmement limitée, et qu’au contraire, l’essentiel reposait sur les aventures et les exploits d’une jeune ingénue « libérée », d’un style nouveau, préfigurant en quelque sorte la future « femme moderne ». Après un aussi long voyage, une légère inquiétude nous parcourut. Ce serial, mêmeincomplet, n’aurait-il rien d’autre à nous dévoiler que l’avènement d’une nouvelle race de femme et que la mystérieuse alchimie de sa venue au monde ?

En apparence, et conformément au genre policier auquel il appartient, le film relate l’histoire conventionnelle et manichéenne de l’assaut éternel du mal à la figure inquiétante, contre les forces du Bien et de la Vertu. Une jeune héritière, Elaine Dodge, est poursuivie par le chef d’une bande criminelle curieusement surnommée « La Main qui étreint » (The Clutching Hand), sorte de gang tentaculaire faisant régner la terreur sur la ville, des docks de l’Hudson River jusqu’aux intérieurs bourgeois de la haute société et aux bureaux d’affaire de Wall Street. Chaque épisode se concluait invariablement par le sauvetage de l’intrépide héroïne, et par le gros plan d’une main ouverte dont les doigts se recourbaient lentement, comme pour saisir une proie invisible, image aussitôt suivie par l’apparition, en surimpression, d’un énorme point d’interrogation suspensif !

En nous attachant ici aux raisons possibles de l’immense réussite de ce serial légendaire, nous souhaiterions montrer l’influence qu’il continua d’exercer sur la production hollywoodienne au cours des décades qui suivirent. Dans cette perspective, nous évoquerons principalement deux œuvres, assez éloignées cependant, tant dans le temps que dans la forme, de leur modèle original : il s’agit tout d’abord desExploits de Pearl White, comédie musicale produite par la Fox en 1947 et retraçant, afin de lui rendre hommage, la success story de l’ancienne star, « reine du serial » et incarnation trépidante de la ville moderne ; et plus près de nous, d’un thriller fantastique tourné en 1992, Candyman, premier opus d’une série cinématographique sur les légendes urbaines initiée par le romancier, scénariste et producteur américain Clive Barker. Comme il nous sera donné de le constater, hommages, échos et résurgences renvoyant aux Mystères de New York s’étendent bien au-delà de la seule période où les serials étaient à la mode – entendez la fin des années vingt – puisque cette seconde œuvre à laquelle nous nous référons garde encore profondément les traces de son modèle, plus de soixante-cinq ans après.

Pearl White, un atour majeur

Indiscutablement, le prestige des Mystères de New York doit beaucoup au charisme de son interprète et à ce nouvel archétype féminin qu’elle sut populariser tout au long des nombreux épisodes dont elle fut la vedette durant quatre longues années8.

Rebaptisée « Perle Vite » par le public français du samedi soir pour son dynamisme et son esprit d’initiative, Pearl White fut l’une des premières héroïnes cinématographiques à n’être pas réduite à l’unique fonction de réconfort affectif du personnage masculin. À l’image de ce qui se passait dans les sociétés américaine et française au moment de la Grande Guerre, pour la première fois au cinéma, la femme donnait l’impression de s’émanciper vraiment. Cette libération, intervenant, dès le premier épisode, au moment de la mort de son père, fera d’elle moins une orpheline éplorée qu’une éternelle évadée. Car c’est bien d’évasion qu’il s’agit !

Dans Les Mystères de New York, les décors d’intérieurs sont particulièrement riches en trappes fantômes, murs escamotables, escaliers et passages secrets9 qui sont autant d’invitations faites à la jeune femme pour s’extraire de sa torpeur bourgeoise et découvrir « la sourde poésie des terrains vagues10 ». Une fois qu’elle se trouve plongée dans la ville et livrée à elle-même, le rythme narratif s’accélère aussitôt et le montage, jusqu’alors linéaire, gagne en complexité. Les lieux de l’action se démultiplient en autant de situations périlleuses, consacrant le paradigme de l’aventure à tout prix, de la vitesse, du progrès, de la science et de la technologie.

Un nouveau monde, une nouvelle mythologie de la cité moderne voient le jour, qui font alors écrire au jeune Louis Aragon dans son premier roman, Anicet ou le panorama : « Au cinéma, la vitesse apparaît dans la vie, et Pearl White n’agit pas pour obéir à sa conscience mais par sport, par hygiène : elle agit pour agir11. »

Abandonnée, suppliciée, « assassinée chaque semaine » pour le plus grand plaisir d’une foule fascinée par les persécutions sadiques, Elaine-Pearl White s’impose au cinéma en aventurière intrépide et survoltée. Le critique et futur cinéaste Louis Delluc en fera l’éloge en ces termes :

Pearl White me plaît beaucoup… Cinématographiquement, elle est très au point. Son allure et ses gestes, son minimum d’expression – qui n’est pas de l’impuissance – et sa personnalité sportive –boxe, cheval, auto, etc.– la rendent tout à fait précieuse pour l’écran. […] Tout cela est bel et bien. Mais il y a mieux. Il y a la puissance morale de Pearl White. Moralement, la vue de Pearl White est une vraie cure. Le spectacle de ses exploits est meilleur pour la neurasthénie que le génie amer de Charlot, ou même que la verve sentimentale et pudique d’un Douglas Fairbanks… Au sortir des films de Pearl White, on a envie de conduire autos et avions, de rinker, de nager, de plonger, de tout, de tout, et l’envie n’est pas loin de l’exécution… 12

Difficile de trouver portrait plus enthousiaste...

Pearl White : un succès éclair

Pourtant la carrière de Pearl White fut courte, en demi-teinte. Née en 1889, elle connut la gloire à l’âge de vingt-six ans pour la perdre la trentaine venue. Usée d’avoir trop couru, trop lutté, trop souffert, l’idole fut renversée. Le charme de la fragile ingénue avait cessé d’agir. Après l’insuccès, elle tenta de poursuivre sa carrière en France, essayant de prolonger les derniers feux de la passion que le public français éprouvait encore pour elle. On la vit au Casino de Paris, puis à l’affiche d’un dernier serial tourné en 1924, Terreur(six épisodes réalisés en France par Edouard José), qui ne connut pas le moindre succès13.

 Sa fin de règne fut tragique. Après une grave chute sur scène, vivant peu à peu seule et recluse dans son appartement parisien, devenue alcoolique et neurasthénique, oubliée enfin de presque tous ceux qui l’avaient jadis adorée, Pearl White meurt le 4 août 1938 à quarante-six ans. Son enterrement au cimetière de Passy aura lieu dans l’indifférence générale.

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Pearl White revient

Pourtant, contre toute attente, son souvenir refait surface en 1947 dans Les Exploits de Pearl White, film hommage d’un cinéma hollywoodien jamais à court d’idées pour célébrer sa « glorieuse légende ». Produit par l’illustre Sol C. Siegel pour la Paramount et réalisé par George Marshall, ce biopic musical largement romancé est entièrement dédié à l’illustre carrière de Pearl White dont on crut un temps pouvoir ressusciter la gloire.

Après une rapide ouverture aux allures de pastiche frénétique (et amusant) des serials d’antan, la star apparaît tout d’abord comme une jeune femme modeste issue de l’Amérique profonde ; petite cousette indocile d’un atelier new-yorkais, elle devient grâce à un tour de chant et à des qualités de cœur, de courage et de fidélité, l’héroïne d’un spectacle typiquement américain, c’est-à-dire d’un divertissement industriel de masse. Que voit-on ensuite ? « Une déesse subjuguant automobile et chevaux emballés, bateaux en perdition ou ballons dirigeables capricieux se jouant avec légèreté et grâce des dangers dans lesquels une couturière aurait cent fois trouvé la mort14 ».

 Toujours émancipée de la domination masculine grâce à son travail, continuellement vertueuse, Pearl demeure indifférente à tout préjugé de classe concernant la hiérarchisation des valeurs artistiques, privilégiant d’abord le plaisir de jouer, et la joie de chanter et de danser comme une enfant.

Il peut sembler assez paradoxal qu’Hollywood ait choisi la formule du film musical pour « prendre la défense » du cinéma muet et des gesticulations outrancières de ses acteurs sans voix15. L’hommage est cependant sans ambiguïté puisqu’aux côtés de la jeune héroïne, on peut apercevoir plusieurs gloires oubliées des serials, parmi lesquelles Paul Panzer, l’interprète du méchant tuteur des Périls de Pauline, ou encore Creighton Hale, qui incarnait le journaliste Walter Jameson des Mystères de New York. D’ailleurs, à mieux y regarder, le musical n’avait guère que de bonnes raisons pour annexer en la « ressuscitant » l’icône muette du serial hollywoodien ; car la comédie musicale, genre alors très en vogue auprès du grand public, semblait également en parfait accord avec « l’esprit Pearl White », véritable ambassadeur des valeurs et de l’identité culturelle du peuple américain.

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Avant toute chose, précisons que le titre inscrit au générique de la version américaine du film, The Perils of Pauline, diffère, une fois de plus, du titre français annoncé plus haut16. Il reprend en réalité textuellement celui d’un serial17 tourné quelques mois avant la série des Elaine, qui installa pour la première fois aux États-Unis Pearl White dans son statut de grande vedette.

Dans ce cas, pourquoi les copies exploitées en France portent-elles un autre titre ? Probablement parce que les distributeurs français ont préféré, plutôt que le titre oublié d’un film ancien, le nom de Pearl White, encore présent dans les mémoires. Outre son accroche quelque peu nostalgique, « C’était le bon temps », l’affiche française du film revendique clairement le caractère « inoubliable de l’héroïne des Mystères de New York ». Sans doute espéraient-ils qu’un reste d’attachement de la part de son dernier public, celui du pays où elle avait trouvé refuge, représenterait une valeur commerciale supérieure.

Aucune image d’archive avec Pearl White n’apparaît dans ce film de 1947, pas même dans les courtes séquences en noir et blanc figurant les scènes d’actions originales18. L’actrice Betty Hutton la remplace. Née en 1921 à Battle Creek, elle a trente-six ans lorsqu’elle joue dans ce film, soit dix ans de plus que Pearl White lorsqu’elle tournait ses serials19. Or, avouons-le, le choix de cette vedette de second rang s’avère assez réducteur par rapport à la personnalité de son modèle. Malgré sa blondeur, son abattage physique et son extrême pétulance, elle semble totalement dépourvue de sex appeal, alors que la Pearl White des Mystères de New York, bien que prude et aux étreintes courtes et chastes, était parvenue à tourner la tête à toute une génération d’adolescents. Pas le moindre frisson érotique n’affleure ici devant ces nouveaux « exploits », certes toujours aussi athlétiques mais aussi bien pudibonds ! En outre, au jeu élégant et primesautier de Pearl White, Betty Hutton ne fait que substituer le plus souvent des mimiques et une gestuelle outrancières qui la font apparaître puérile. Les Exploits de Pearl White célèbre plus ici la robuste « fermière de l’Illinois » que l’idéal de modernité des Mystères de New York. Le point commun le plus notable peut-être entre Betty Hutton et Pearl White est la fugacité de leur succès à l’écran : elles furent deux étoiles filantes dans la constellation des stars.

Toutefois, à Hollywood, et même interprétée par Betty Hutton, cette « héroïne à toute vapeur » emblématise encore en cette fin des années quarante le mouvement d’une Amérique victorieuse et conquérante qui s’émerveille d’elle-même, s’amuse de son dynamisme, et s’enorgueillit d’une confiance en soi que rien ne saurait ébranler. Trente années, la plus grave crise économique de tous les temps ainsi que la Seconde Guerre mondiale ne sont pas parvenues à transformer fondamentalement ce mythe, encore vivace dans l’imaginaire collectif. Malgré toutes les horreurs traversées, la domination culturelle et économique de l’Amérique consacrée par Les Mystères de New York en 1915 avait donc toujours ce même séduisant visage de jeune fille, éternellement belle, blonde et audacieuse.

Est-ce pure coïncidence si, quarante ans plus tard, ce même visage angélique de femme intrépide revint hanter les nouveaux quartiers résidentiels et les bas-fonds de Chicago dans l’inquiétant Candyman, film réalisé par Bernard Rose? À l’évidence, non.

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Légendes urbaines

Toutefois, avant d’évoquer plus en détails les « nouveaux exploits » d’Hélène, il serait peut-être utile de revenir brièvement sur cette vague de mystères urbains modernes qui envahirent les écrans à l’orée des années quatre-vingt-dix. Car à la suite du succès retentissant des deux premiers Halloweenréalisés par John Carpenter en 1978 et 1981, films qui contribuèrent largement à lancer la mode du slasher en puisant dans la mythologie celtique20, plusieurs autres séries du genre « horrors movies » tentèrent également de surfer sur l'exploitation de légendes urbaines21. En 1991, notamment, lancé par le romancier et scénariste de science fiction, Clive Barker, Candymanet ses deux suites22 renouvellent habilement les caractéristiques du cinéma d’horreur devenues avec le temps de véritables poncifs. Dans ce film, un tueur charismatique doté d'une force surhumaine assassine ses victimes de façons non habituelles et surprend chaque fois le spectateur par le jeu de ses apparitions et de ses disparitions23. Quant à la jeune et infortunée héroïne (Hélène), il la poursuit non pour l’exécuter, mais au contraire pour qu’elle l’accompagne dans son univers légendaire. Ajoutons tout de suite que l’assassin, considéré ici comme un être non-humain, ne souffre d’aucun trouble psychiatrique.

Ainsi, non content de se démarquer du schéma habituel du slasher, le premier opus de Candymanprésente plusieurs points communs avec Les Mystères de New York dont il a été question plus haut. La personnalité des protagonistes, leur relation à la ville, les résonances sociales du scénario, de même que l’exploitation de la dimension fantastique du récit placent plus ou moins directement le film de Bernard Rose dans les traces de son antique et illustre prédécesseur.

Venons-en maintenant au personnage féminin qui semble, plus encore que tout le reste, appeler le rapprochement entre les deux œuvres. Nous sommes à Chicago, où la belle Hélène, doctorante en sociologie, travaille avec une amie à l'écriture d'une thèse sur les légendes urbaines. Toutes deux sont parvenues à réunir différents témoignages au sujet d’une légende en particulier, qui est la suivante : lorsqu'une personne répète cinq fois le nom de « Candyman » face à un miroir, un mystérieux homme noir apparaît. Il porte à la place de la main droite un crochet de boucher avec lequel il éviscère ses victimes, laissant ainsi derrière lui la preuve sanglante de sa puissance et de sa cruauté.

Or, ce crochet, unique arme du tueur, rappelle fortement un détail contenu dans Les Mystères de New York– et plus particulièrement dans la série La Main qui étreint – dont chaque épisode encore existant contient au moins un gros plan de la main levée et menaçante de l’assassin prêt à frapper. Dans Candyman, le criminel a une main coupée. À la place, l’horrible crochet. C’est l’accessoire par lequel la légende se perpétue, reliant le monde du criminel à celui, encore sans tache, de l’infortunée jeune femme. Car la pauvre Hélène tuera à son tour avec ce même crochet, malignement jeté dans son cercueil lors de son enterrement : geste fatal, qui amorce le transfert et la perpétuation du mythe.

Au sein du genre slasher, Candymanintroduit ainsi une thématique qui deviendra par la suite un classique. La légende urbaine est en quelques mots un récit cristallisant les craintes existentielles des êtres humains. Ces peurs s'incarnent dans des récits fantastiques, dans des folklores contemporains nourrissant notre fascination pour l’irrationnel, pour l’imaginaire, le mystère, et la peur. Dans ce film, le décor de la ville se trouve directement associé au héros maléfique dont l’ombre menaçante se profile la nuit sur les murs du quartier où il a élu domicile. Or, il se trouve justement que la jeune Hélène, suite à un témoignage recueilli au cours de ses recherches, est incitée à sortir de son paisible lieu de travail pour se rendre dans la cité urbaine de Cabrini Green à la réputation sulfureuse. Elle découvrira peu après, en consultant les archives de la ville, que le confortable appartement qu’elle occupe est en fait rattaché à cette mystérieuse cité, et que seul un boulevard périphérique l’isole encore des inquiétants quartiers pauvres. Ainsi, retrouve-t-on, comme dans Les Mystères de New York,une ville à deux visages, partagée entre bas-fonds misérables et quartiers riches. Or, le hasard de cette configuration architecturale si particulière lie accidentellement, mais de façon étroite, Hélène à Candyman, qui se trouve habiter tout près de chez elle un appartement semblable au sien. Cette relation symboliquement symbiotique entre les deux personnages fortuitement réunis par un espace urbain tentaculaire et en perpétuelle expansion se trouve être à l’origine de la légende de Candyman.

On comprend mieux dès lors la raison pour laquelle le film s’ouvre directement sur un impressionnant plan aérien, en plongée verticale, montrant le périphérique qui matérialise la frontière entre les deux mondes. Le générique qui suit rappelle d’ailleurs le célèbre début de West Side Storyde Robert Wise (1961), qui propose également une vue aérienne nous menant jusqu'aux quartiers de West Side. Cette frontière constituée par le périphérique sera bien entendu franchie par l'héroïne blanche, qui, peut-être à cause de sa formation intellectuelle et malgré son appartenance bourgeoise, ne craint pas de violer les tabous.

La caméra longe en un lent travelling – que la musique de Philippe Glass contribue à rendre plus inquiétant encore – la ligne de démarcation entre les deux zones, dévoilant au passage le réseau des routes qui, peu à peu, fait penser au circuit sanguin d’un corps humain, ou bien encore au tracé complexe des lignes tapissant le creux d’une main. La musique s'interrompt lorsqu’une vue de Chicago occupe l'ensemble de l’écran. C’est alors qu’une voix caverneuse – celle de Candyman – retentit, emplissant à elle seule tout l'espace sonore : « On dira que j'ai répandu un sang innocent. Mais à quoi sert le sang, si ce n'est à être répandu ?... Avec le crochet qui me sert de main je t'ouvrirai de l'aine jusqu'à la gorge. » Aussitôt, un cri féminin retentit, mêlé aux sirènes de véhicules de police. Dans le même temps, un vol d'abeilles vient rapidement envahir le plan général de la ville. Cette vision d’horreur est immédiatement atténuée par un fondu enchaîné mettant en avant un gros plan du visage d'Hélène – dont c’est la première apparition à l'écran – cette image semblant avoir été appelée par le « Je suis venu te chercher » de Candyman. Durant plusieurs secondes, la ville et les traits de l’héroïne se confondront en un même tableau, préfigurant déjà ce que seront la fin du récit et la transformation d’Hélène en figure légendaire. Ainsi, la séquence d'introduction illustre-t-elle bien la manière dont les personnages de Candyman et d'Hélène se trouveront impliqués, fondus en quelque sorte l’un et l’autre dans le même paysage citadin.

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Comme dans les films anciens approchant de très près les mystères urbains, le mal plane sur les habitants de la ville, tel un rôdeur invisible, insoupçonné de tous. A l’instar du Fantômas24 de Louis Feuillade, qui, véritable caméléon, échappait constamment à la police de façon mystérieuse, ou encore des malfrats aux mille visages du gang des Vampires25qui, se substituant les uns aux autres à chaque nouvel épisode, ne parvenaient pas à être identifiés, « La Main qui étreint » des Mystères de New York dissimule-t-elle sa véritable identité derrière un mouchoir rouge, pendant que ses hommes de mains, corps anonyme et silencieux, demeurent dans l'ombre sans jamais se faire prendre. Tous ces loups dangereux, grands prédateurs des sociétés, restent tapis au cœur des villes à surveiller leurs proies.

Ainsi, dans Candyman se retrouve, comme on vient de le voir, le lent bouillonnement sourd des fermentations urbaines, lointain écho des films de la période muette et de leur « modèle » littéraire d’origine26. Une fois de plus, cela donne naissance à un personnage rongé par la rancœur et permet d'installer l'un des thèmes chers aux vieux films à épisodes : celui de la vengeance. En voyant Candyman, on pense bien sûr aux Mystères de Paris d'Eugène Sue, mais aussi au racisme latent des Mystères de NewYork,queFrancis Lacassin signale dans sa Contre-histoire du cinéma en le qualifiant de « naïf »27.

La légende que développe le film – celle du personnage de Candyman – est censée prendre sa source à la fin du XIXe siècle, c’est-à-dire entre la période d'édition des premiers mystères urbains littéraires et celle de leur mutation sur les écrans de cinéma. À la trentième minute du film, un éminent universitaire, collègue d'Hélène et auteur d'un article « définitif » sur le sujet, conte à son auditoire fasciné l'histoire tragique de ce héros torturé.

 L’action se passe en 1890. Candyman, fils d'un ancien esclave devenu libre et prospère, grandit dans la haute société et devient un peintre à la mode. Un homme fortuné lui commande alors un tableau, afin d'immortaliser la beauté virginale de sa fille qu’il adore. Le peintre s’exécute, mais devient l’amant de son modèle qui, au bout de quelques mois, attend un enfant. Fou de rage, le père de la jeune femme décide pour se venger d’engager des tueurs qui traquent Candyman à travers la ville, jusqu'aux fameux faubourgs de Cabrini Green. C'est là que, après l’avoir rattrapé, ces derniers décident de lui scier la main et d'écraser les rayons d'une ruche sur son corps entièrement dénudé. Piqué à mort par les abeilles, Candyman est ensuite brûlé et ses cendres dispersées.

Dans un même contexte d’antagonisme social et racial, les bandits des Mystères de New York (1915) étaient déjà très souvent des Indiens sanguinaires ou bien des Chinois sournois rivalisant de ruse afin de dépouiller la blanche héritière de « tous ses trésors ». Candyman ayant, par le passé, bravé les tabous sociaux de son époque, Hélène répond quant à elle par un mouvement inverse, s’abandonne et se dirige droit dans la gueule du monstre. Ce chemin n’est pas sans rappeler l’enfoncement du Rodolphe des Mystères de Paris dans les bas-fonds de la capitale. Frappée alors qu’elle se trouve en plein cœur des quartiers sensibles de Cabrini Green, Hélène est néanmoins la cause de l'arrestation salutaire d’un chef de gang. L’inégalité du système judiciaire américain est toutefois clairement souligné au passage : c'est parce qu'Hélène a la peau blanche que la police a bien voulu prendre son affaire au sérieux.

Du mystère new-yorkais à l'irrationnel chicagoan

Pourtant, avec Candyman, la forme que prennentles mystères urbains entre résolument dans l’irrationnel. Naguère, la fascination des surréalistes et du public pour les premiers serials se manifestait surtout par un goût effréné pour le mystère, dont les films étaient gorgés. À ce sujet, un journaliste espagnol, Alberto Insua, écrivait en 1916 : « à Paris […], en pleine guerre, en pleine crise de douleur nationale, ces mystères passionnent le public des cinématographes […] »28. Philippe Soupault, lui aussi, se souvient en ces termes : « Mais ce qui m'attirait dans ces ouvrages, c'était beaucoup plus l'étrange poésie,l'atmosphère mystérieusequ'ils exprimaient [...]. »29. Le « mystère » des serials prenait par exemple dans le Fantômasde Louis Feuillade, la forme neuve et inattendue d’un mur qui saigne. Dans ces films encore, seuls les bas-fonds sombres et les hauteurs vertigineuses des toits permettaient aux personnages de tous bords d’apparaître et de disparaître. Le cinéma de Louis Feuillade ainsi que Les Mystères de New York – autant d’épopées urbaines et sanglantes dominées par le motif de l'enquête – fascinaient parce qu'ils ancraient une esthétique fantastique dans un paysage urbain moderne et contemporain ressenti comme réel. Les objets, preuves et outils menant à l'exploration d'une énigme ou à la réalisation d'un crime étaient certes magnifiés par l’écran : mais les plans inserts, qui les grossissaient jusqu’à les rendre monstrueux, ne faisaient que les rendre plus « vrais » en les détournant de leur fonction triviale première.

En revanche, avec Candyman, même si l’on retrouve un mur qui saigne – référence permettant sans doute de maintenir une certaine filiation – la légende urbaine bascule résolument dans le fantastique assumé, s’oriente vers un monde fictif, à l’imaginaire clairement contaminé par l'irrationnel.

Le retour de la belle Hélène

Pourtant, malgré cette intensification des facteurs de déstabilisation du milieu et ces fractures à l’intérieur d’un genre établi, le rattachement, assez paradoxal, des personnagesà de solides archétypesdatant de près d’un siècle est un autre aspect important qui permet de relier ce film aux serials des années dix, et principalement aux Mystères de New York.

C’est ainsi que, très mélodramatiquement, à la fin de Candyman,Hélène meurt pour sauver un enfant des griffes du tueur, qu’elle finira par remplacer dans la légende. Telle une martyre mythique, elle tue donc à son tour et reçoit la reconnaissance de tous les habitants du quartier qu'elle a libérés du monstre. On la craint cependant presque autant, car désormais, chacun sait qu’elle aussi est capable de donner la mort. Ainsi, Hélène se charge-t-elle peu à peu de l’ambivalence des personnages pour le moins ambigus que sont ses ancêtres Rodolphe et Fantômas.

Apparaissent également plusieurs autres points communs entre la nouvelle Hélène et son lointain modèle, la déjà moderne Elaine Dodge des Mystères de New York, si formidablement incarnée par Pearl White. Possédant le même prénom, la même chevelure blonde et obéissant aux mêmes canons de beauté, elle est convoitée par Candyman qui commence par vouloir l’enlever (« Je suis venu te chercher »), tout comme Elaine Dodge était victime d’enlèvements à répétition et suivie à la trace par ses soupirants et ses amis qui n’avaient de cesse de vouloir la récupérer. Par ailleurs, objet du désir intarissable des hommes, la belle Hélène préférera toujours l’exaltation du danger et de l’aventure aux douces joies du mariage, demeurer libre plutôt que de rentrer dans le rang. Ainsi, dans Candyman, tout en se dirigeant vers le tueur légendaire, Hélène s'émancipe à plusieurs niveaux : elle s'échappe progressivement d'une union ratée (son mari la trompait), et son enquête dans Cabrini Green lui permet d'entreprendre une thèse, dont le résultat scellera son indépendance30. À l’instar d’Elaine Dodge, Hélène repousse donc une à une toutes les contraintes sociales que subissent les femmes, ne recule jamais devant le danger et finit par devenir une enquêtrice chevronnée (personnage récurrent des mystères urbains) en cumulant recherches historiques en bibliothèque et investigations périlleuses sur le terrain.

L’Amérique des grandes mégalopoles peut dormir tranquille et sur ses deux oreilles : la blonde Hélène veille encore et toujours sur la justice et sur son heureuse légende.

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(RIRRA21, Montpellier III)

Notes

1  En 1915, Jean Cocteau éprouve un véritable engouement pour Pearl White, héroïne des Mystères de New York et desPérils de Pauline. Voir : F. Ramirez et C. Rolot, Jean Cocteau, le cinéma et son monde, éditions Non Lieu, 2009, p.13.

2  Écrit par le romancier Pierre Decourcelles, alors directeur de la SCAGL (Société Cinématographique des Auteurs et Gens de Lettres), pour le journal Le Matin.

3  Les salles comptent en effet entre cinq cents et trois mille places chacune.

4  Nous tenons à remercier ici Stéphanie Salmon de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé pour ses précieuses indications, Paolo Cherchi Usai et Jared Case, conservateur en chef et responsable des collections de la George Eastman House (Rochester), ainsi que notre guide en territoire nord-américain Mr Joe Baker.

5  Pour plus de détails concernant les différents épisodes se référer à Pearl White de Jean Mitry, Anthologie du cinéma, n°41, janvier 1969 ; Les Périls de Pauline in revue Cinéma 63, n°79, repris dans Pour une contre histoire du cinéma de Francis Lacassin, éd. Institut Lumière et Acte Sud, 1994 ; La Suite au prochain épisode, le Serial américain 1912-1958 de Jean-Pierre Jackson, édition Yellow Now, 1994 ; « Les Mystères de New-York : stratégies d’adaptation d’un serial américain au pays de l’oncle Sue », article d’Amélie Chabrier in Anthologies, Les Mystères urbains au prisme de l’identité nationale, Médias 19 [En ligne] ; mis à jour le 14/02/2013, URL : http://www.medias19.org/index.php?id=1361.

6  Les Mystères de New York et Les Mystères de Paris sont deux « signes des temps » selon l’historien Georges Sadoul. Voir Histoire générale du cinéma, Tome 3, Le Cinéma devient un art (l’avant-guerre) 1909-1920, Paris, Denoël, 1951, p. 421. Si ce n’est pas directement l’objet de notre recherche, les liens presque filiaux entre ce film à épisodes et son ancêtre littéraire, tant sur le plan du récit, des types de personnages que de la sérialité même sont évidents.

7  Des Exploits of Elaine comptant quatorze épisodes, seuls huit subsistent en copie 35 à la George Eastman House. Des Nouveaux Exploits d’Elaine, deux épisodes seulement sur les dix existant à l’origine sont conservés sur pellicule nitrate inflammable – et donc non projetables – au British Film Institute. Enfin, des douze épisodes de The Romance of Elaine, aucune copie n’a jusqu’à présent été retrouvée.

8  Francis Lacassin recense quatre-vingt-seize épisodes de décembre 1915 à octobre 1919, tous issus de la firme Pathé. Op. cit., p. 205.

9  « Des escaliers secrets, des cadres dont les tableaux glissent rapidement et disparaissent pour faire place à un archange portant une épée ou pour faire place à ceux qui doivent avancer toujours, des boutons sur lesquels on fait très indirectement pression et qui provoquent le déplacement en hauteur, en longueur, de toute une salle et le plus rapide changement de décor, etc. » Nadja, André Breton, Gallimard, Paris, 1964, p.131.

10  Pour une contre-histoire du cinéma, Francis Lacassin, Op. Cit. p.200.

11 Anicet ou le panorama, Louis Aragon, Gallimard, coll. NRF, 1921, (17e rééd. 1951), page 88.

12  In « Pearl White » (1918), Louis Delluc, Écrits de Cinéma, tome II, Editions Pierre Lherminier, Cinémathèque Française, Paris, 1986, pp.78-79.

13  Le film sortit de façon confidentielle aux États-Unis sous le titre The Perils of Paris. Pearl White y incarnait le personnage d’Helen Aldrich.

14  Pour une contre-histoire du cinéma, op. cit., p. 200.

15  Les Exploits de Pearl White annonce à ce sujet la mode rétro et discrètement nostalgique de la comédie musicale américaine, vague dont Singin’in the Rain de Stanley Donen et Gene Kelly représente en 1951 l’acmé joyeuse et triomphale.

16  Réalisé à la charnière de 1913 et 1914 par Louis Gasnier, The Perils of Pauline fut le premier grand succès de Pearl White, précédant de quelques mois celui, plus important encore, de The Exploits of Elaine.

17  Sorti en France après Les Mystères de New York, le serial The Perils of Pauline fut rebaptisé Les Exploits d’Elaine en référence à l’héroïne avec laquelle le public français l’identifiait en 1916. On pourrait s’y perdre, mais il s’agit encore de l’illustration parfaite de l’amalgame idéal entre l’actrice et son personnage que les studios hollywoodiens tentèrent, avec succès, de mettre sur pied.

18  Déjà au temps de sa gloire, Pearl White était doublée lors de ses prouesses physiques. Voir Pour une contre-histoire du cinéma, op. cit., p. 215.

19  Sa carrière à l’écran, très inégale, commence au début des années 40 et s’achève quasiment en 1968, sans autres faits remarquables que le remplacement de la star Judy Garland renvoyée par la MGM durant le tournage d’Annie, reine du cirque en 1950, ou encore le premier rôle féminin de Sous le plus grand chapiteau du monde en 1952.

20   On peut cependant remonter à l'origine de ce genre en citant Psycho(1960) d'Alfred Hitchcock et surtout le film canadien Black Christmas (1974) de Bob Clark.

21   On pense notamment à la série de films qui suivront le premier volet d’Urban Legends (1998) de Jamie Blanks : Urban Legends 2 (2000) de John Ottman et la reprise de la franchise avec Urban Legends : Bloody Mary (2005) de Mary Lambert.

22 Candyman 2, de Bill Condon (1995) et Candyman 3, Le jour des morts, de Turi Meyer (1999).

23 Cette caractéristique avait déjà été exploitée par la série Vendredi 13, lancée en 1980 et réalisée par Sean S. Cunningham.

24  Héros de plusieurs séries de films réalisés par Louis Feuillade en 1913 et 1914 pour la firme française Gaumont. Ces films à épisodes connurent un énorme succès populaire.

25  Sérial en douze épisodes réalisé par Louis Feuillade en 1915 pour la firme française Gaumont.

26  Nous utilisons les guillemets puisqu'il est entendu que les films s'éloignent du modèle littéraire d'Eugène Sue et s'adaptent aux pays concernés (culture, contexte historique, économie etc.) et aux contraintes du support.

27 « Après le goût de la cruauté, ces films flattaient celui du mystère et du mélodrame et – pourquoi le cacher ? – celui d'un racisme naïf, d'ailleurs bien à sa place dans le contexte de ce temps » In Pour une contre-histoire du cinéma, op. cit., p. 203.

28  Cité par Carlos Fernandez Cuenca, Viejo cine en episodos, op. cit., p. 84-85.

29  Philippe Soupault, Écrits de cinéma, 1918-1931, Paris, Librairie Plon, 1979, p. 194.

30  « Faire une bonne thèse, c’est aller sur le terrain. » C'est en tout cas ce qu'affirme l'héroïne à son amie lorsqu'elles s'arrêtent aux portes de Cabrini Green et que la peur les envahit. L'amie d'Hélène, bien que noire, hésite et souhaite faire demi-tour, Hélène rétorque alors : « Donc on n'y va pas ? On rentre à la maison et on leur pond une thèse mortellement ennuyeuse avec toutes les conneries et les merdes habituelles... » (à 17 min 20 sec).

Pour citer ce document

Guillaume Boulangé et Prisca Grignon, « « To be continued », ou l’aventure infinie des Mystères de New York », Les Mystères urbains au XIXe siècle : Circulations, transferts, appropriations, sous la direction de Dominique Kalifa et Marie-Eve Thérenty Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/les-mysteres-urbains-au-xixe-siecle-circulations-transferts-appropriations/be-continued-ou-laventure-infinie-des-mysteres-de-new-york