Les journalistes : identités et modernités

La présence des journalistes arabes à Paris à la fin du XIXe siècle : l’exemple de Yaqub Sannu et de son journal L’Abou Naddara

Table des matières

OPHÉLIE ARROUÈS-BEN SELMA

C’est en 1859 que paraît en France le premier journal en langue arabe, Birjis Baris (L’Aigle de Paris). Dans son sillage, une vingtaine de publications jalonnera la deuxième moitié du dix-neuvième siècle1. Certaines d’entre elles marqueront l’histoire de la presse arabe et deviendront des symboles de ce qu’on appelle la Nahda, la renaissance culturelle, littéraire et politique arabe. Il s’agit des journaux fondés par des intellectuels exilés d’Égypte à la fin du xixe siècle : Jamal al-Din al-Afghani, Mohammed Abduh, Adib Ishaq, Ibrahim al-Muwaylihi et Yaqub Sannu. Ce dernier fut le rédacteur d’un journal qui se distingue tant par sa longévité que l’originalité de son contenu : L’Abou Naddara. Cependant, l’ensemble de ces journaux en arabe publiés en France présente une telle diversité qu’il convient en introduction de préciser ce qu’on appelle « presse arabe » et d’en donner un bref aperçu historique. Le contexte dans lequel est née cette presse égyptienne en exil s’en trouvera ainsi clarifié2.

La complexité de cette notion est d’abord liée à l’origine des acteurs. Trois grandes « nationalités » se partagent le secteur de la presse en langue arabe : les Égyptiens, les Français et les Syro-libanais. Cette distinction a son importance, d’une part parce qu’elle détermine les contenus en fonction des objectifs politiques des rédacteurs, d’autre part parce qu’elle divise cette presse en deux catégories : les journaux français et les journaux étrangers, soumis à un régime plus restrictif. Cette diversité est également linguistique. Si la langue arabe est le vecteur commun, certains journaux seront bilingues arabe-français, arabe-anglais ou encore arabe-turc. De plus, ces publications s’adressent à des publics différents. En France, cette presse est essentiellement destinée aux quelques érudits arabisants et à la petite communauté d’intellectuels arabes en exil. C’est toutefois essentiellement vers le monde arabe que sont tournés ces journaux ; selon leurs origines, leurs orientations et combats politiques, les journalistes cibleront plus précisément leurs lecteurs. Ainsi, le journal Sada (L’Echo), fondé en 1876 par un Français et subventionné par le gouvernement français, vise le lectorat d’Afrique du Nord ; l’Abou Naddara s’adressera d’abord à ses compatriotes égyptiens ; Al-Urwa al-Wuthqa (Le Lien indissoluble), égyptien lui aussi mais à tendance réformiste panislamique, cherche à toucher tout le lectorat arabophone du Maghreb à l’Inde. Enfin, le champ de cette presse en langue arabe se construit à partir de la pluralité des prises de position politiques au sujet de l’épineuse « Question d’Orient ». On entend par cette expression la question des relations entre les puissances occidentales et l’Empire ottoman qui se craquelle sous la poussée d’aspirations nationalistes, aspirations encouragées par les visées colonialistes des nations européennes. Les journalistes ont adopté des positionnements en grande partie liés à leurs origines et que le gouvernement français saura mettre à profit au gré de l’évolution de ses intérêts au Maghreb et au Proche-Orient. Ainsi, les journaux fondés par des Français (Birjis Baris, Sada, L’Astre d’Orient) auront pour ligne idéologique la défense du projet colonial français. Les journaux égyptiens prendront le parti de l’Empire Ottoman dans un contexte de rapprochement franco-turc et se rangeront du côté de la France dans leur combat contre la domination britannique en Égypte. Enfin, à la fin du xixe-début xxe siècle, quand les relations entre la France et la Turquie se durciront, des journaux fondés par des Syro-libanais et des Turcs et critiquant ouvertement la politique ottomane pourront être librement publiés et envoyés par poste française.

Il faut donc distinguer entre la presse française d’expression arabe et celle fondée par des étrangers installés en France. Elles n’ont d’ailleurs que peu de connexions entre elles, la première initiant le mouvement pour laisser place à la seconde. En effet, Birjis Baris paraît en France au moment où la presse dans le monde arabe fait ses premiers pas. Cette première période, qui court de 1858 à 1878, ne compte que trois journaux. Birjis Baris, fondé par l’abbé Bourgade accompagné par deux rédacteurs, Ruchayd Dahdah (libanais) et Suleyman al-Harairi (tunisien), a d’abord vocation à diffuser le message civilisateur de la France ; à partir de 1860, il prend la défense des chrétiens d’Orient contre l’Empire ottoman. Le journal, qui aurait été soutenu un temps par l’État, s’arrête en 1866, après la mort de Bourgade, faute de moyens. L’Atarid, fondé à la même période mais à Marseille est l’œuvre de l’italien Carletti. Il périclite au bout d’un mois, son fondateur n’ayant pas réussi à obtenir des financements de la part du gouvernement. Ce n’est qu’en 1876-1877 qu’est publié le troisième journal en arabe, Sada, fondé lui aussi par un Français et subventionné par le gouvernement. Il s’arrête en 1879, après la suspension des subventions. Il faudra attendre ensuite 1881 pour que le gouvernement français soutienne à nouveau activement les journaux al-Bassir, fondé par Khalil Ghanem, puis L’Astre d’Orient fondée par Brillouin en 1882, pour défendre sa position dans son nouveau protectorat tunisien.

Les journalistes égyptiens prennent alors la relève et font de cette presse arabe de France un outil politique pour lutter contre la domination anglaise en Égypte. Cette période commence en 1878 avec l’arrivée de Yaqub Sannu et se clôt en 1884 avec la fermeture des principaux journaux, Al-Ittihad (L’Union) et Al-Urwa al-Wuthqa (Le Lien indissoluble) et le départ de leurs fondateurs et rédacteurs. Seul le journal de Sannu se maintiendra et un journal égyptien, Al-Mirsad, fera une apparition éphémère en 1893.

La troisième période, qui s’étend des années 1890 au début du xxe siècle, est dominée par des journalistes syro-libanais comme Amin Arslan, Alexis Kateb, Khalil Ghanem (naturalisé français) venus trouver en France une protection contre l’autoritarisme du sultan Abdul-Hamid II. Avec le soutien de la France, ils feront la promotion du mouvement ottoman réformateur Jeunes Turcs dont leurs journaux seront les porte-paroles. Entre 1859 et le début du xxe siècle, on recense ainsi une vingtaine de journaux, si l’on s’en tient aux journaux effectivement parus et dont nous possédons des traces concrètes.

C’est à la « période égyptienne » que s’intéresse le présent article. Ces intellectuels furent les piliers de la Nahda ; inspirés par le modèle français, de leur exil ils ont conçu le journal comme la matrice de ces idées nouvelles, un moyen d’éducation et une arme contre le pouvoir khédivial et la domination britannique en Égypte. Ces publications témoignent également des transferts culturels que favorisent les échanges avec le milieu des journalistes français. Il sera question ici principalement de quatre journaux et de cinq personnalités : Misr al-Qahira (L’Égypte victorieuse, 1879-1880) d’Adib Ishaq, Al-Ittihad (L’Union, 1880 puis 1884) d’Ibrahim al-Muwaylihi, Al-Urwa al-wuthqa (Le Lien indissoluble, 1884) de Jamal al-Din al-Afghani et Muhammed Abduh, et L’Abou Naddara (L’Homme aux lunettes, 1878-1910) de Yaqub Sannu. Nous nous arrêterons sur cette dernière figure toute singulière, tête de file de ce mouvement journalistique qui a exploré, de façon originale mais tactique, les possibilités du journal pour se forger un personnage de publiciste oriental et se faire une place dans le milieu de la presse et des orientalistes.

Journaux et journalistes égyptiens à Paris

Une presse de l’exil

Cette presse égyptienne à Paris se définit essentiellement comme une presse de l’exil. Tous ses fondateurs se sont retrouvés dans la capitale pour échapper à la censure de plus en plus sévère à l’encontre de la presse exercée par les khédives Ismail3 puis Tawfiq4. Alors que les débuts du règne d’Ismaïl avaient accompagné un essor assez libre des journaux et vu naître la presse d’opposition, le ton s’est durci autour de 1879 où le problème de la dette de l’Etat plongeait le pays dans une crise politique internationale qui mènera à l’occupation britannique. Tout journal trop critique envers le pouvoir et le Royaume-Uni était passible d’être suspendu ou définitivement fermé. Les journalistes ont parfois pris les devants et fui, craignant pour leur sécurité ; d’autres ont été condamnés à l’exil.

C’est Yaqub Sannu qui pose le premier ses valises en France en 1878, après la fermeture de son journal par le khédive Ismaïl. Adib Ishaq5 lui emboîte le pas en en 1879 suite à l’interdiction de ses journaux Al-Tijara (Le Commerce) et Misr (L’Égypte) dont il poursuivra la publication à Paris sous le titre de Misr al-Qahira. Ils sont rejoints en 1880 par Ibrahim al-Muwaylihi6 qui a suivi le khédive Ismaîl, détrôné et banni en 1879, et qui fonde le journal Al-Ittihad. Enfin, c’est au tour de Jamal ad-din al-Afghânî7 puis de son disciple Mohamed Abduh8, chassés d’Égypte par Tawfiq, de s’installer à Paris pour y créer en 1884 le célèbre Al-Urwa al-wuthqa.

Cette situation explique le caractère politique de ces publications et leur ligne éditoriale tournée vers l’actualité égyptienne. Dans l’esprit de leurs rédacteurs, ces journaux ne devaient durer qu’un temps ; ils étaient avant tout le prolongement de leurs anciennes activités intellectuelles et politiques en Égypte, une manière de continuer à faire entendre leur voix malgré la distance. Ces publications, si elles ne manquaient pas de faire découvrir la culture française aux lecteurs égyptiens, avaient pour vocation première de renseigner ces derniers sur ce qui se passait dans leur propre société de l’extérieur, puisque l’information et la critique ne pouvait être entendues de l’intérieur. Le statut d’exilé, et donc d’étranger, a conditionné également l’attitude de ces journalistes à l’égard de la politique française, oscillant entre la réserve ou le soutien plus affirmé, surtout lorsqu’il était question des colonies ou des intérêts français en Orient. Leur situation demeurait précaire car leur présence en France dépendait des aléas du jeu diplomatique entre la France et l’Empire ottoman.

Les profils des journalistes

Avant leur exil parisien, ces hommes étaient déjà des personnalités marquantes du milieu culturel arabophone. Chacun à leur manière, ils ont incarné l’intellectuel arabe dont la figure commence à se dessiner à cette époque. Qu’ils soient juif (Sannu), chrétien (Ishaq) ou musulmans, leurs profils ont pour point commun le sentiment d’« égyptianité » : tous ne sont pas égyptiens mais se reconnaissent dans la défense de l’indépendance de l’Égypte comme patrie d’appartenance culturelle et politique. De par leur éducation et les voyages – la circulation des intellectuels est importante à cette époque dans le monde ottoman – ce sont des individus polyglottes et ouverts sur la modernité occidentale face à laquelle ils tentent de définir leur propre identité ; ils sont pour la plupart familiers avec la langue et la culture française, notamment grâce à l’importante diffusion de la presse francophone en Égypte.

Ils arrivent en revanche avec des capitaux matériels et sociaux différents qui détermineront leur trajectoire et l’orientation de leurs journaux. Jamal al-Din al-Afghani et Mohammed Abduh étaient des ulémas, des savants religieux, avec une sphère d’influence qui s’étendait aux milieux politiques égyptiens et ottomans, ce qui leur a valu des soutiens importants. Ibrahim al-Muwaylihi était issu d’une grande famille de souche égyptienne traditionnellement au service du pouvoir. Ce statut privilégié leur a permis d’évoluer par la suite vers de hautes fonctions, en Égypte ou auprès de la Sublime Porte. Yaqub Sannu était quant à lui issu d’une famille plus modeste dont le chef de famille travaillait au service du Prince Ahmad Pacha Yegen. S’il a pu, au début de sa carrière théâtrale, s’attirer un temps les bonnes grâces du khédive Ismaïl, il n’est jamais parvenu à intégrer pleinement le cercle du pouvoir égyptien, ce qui pourrait justifier en partie son choix de ne pas remettre les pieds dans son pays natal et de demeurer en France, là où il pouvait construire une carrière et se faire reconnaître comme publiciste.

La recréation d’une sociabilité autour du journal

Ces intellectuels ne se découvrent pas en France ; ils appartiennent à un même réseau qui s’est constitué en Égypte grâce à la franc-maçonnerie et aux sociétés secrètes. Il s’agissait là de véritables plateformes de circulation des idées, offrant une mixité religieuse, où Européens et Égyptiens se côtoyaient pour débattre dans un pays de plus en plus sous contrôle. C’est ainsi que ces hommes ont noué des liens fondés sur le partage des idées réformistes et le sentiment d’appartenir à une avant-garde dont la mission était de réveiller le peuple égyptien. Al-Afghani était le maître à penser de ce cercle ; il conseillait ses disciples dans les actions à mener et a été à l’origine de plusieurs initiatives journalistiques. Ce fut sur ses recommandations que Yaqub Sannu et Adib Ishaq s’aventurèrent dans la création de leur journal.

Dans leur exil commun, ces intellectuels vont reconstruire cette sociabilité autour du journal. Ils se réunissent à nouveau chez Al-Afghâni et autour d’Al-Urwa al-wuthqa qui se veut œuvre collective. Ils se retrouvent également autour des imprimeurs. L’imprimerie Lefèbvre, passage du Caire, publie une grande partie des journaux égyptiens, notamment les journaux lithographiés. Ce réseau matériel se double d’un « réseau textuel » : leurs journaux ne cessent de faire référence les uns aux autres, ils représentent l’espace symbolique de leurs échanges ou polémiques. Sannu annonce avec joie la publication de Misr al- Qahira d’Ishaq et publie un article élogieux assorti d’un dessin sur Jamal al-Din al-Afghani lors de son arrivée en France. En revanche, il reviendra sur la querelle qui l’a opposé à son maître en Égypte au sujet de la franc-maçonnerie et critiquera le journal Abu-l-Hawl (Le Sphinx), imputé sans certitudes à Al-Muwaylihi, pour ses positions anti-ottomanes. Les articles se font écho, critiquent, retravaillent à mots couverts ou ouvertement les prises de position et les concepts des uns et des autres, façonnant ainsi une pensée collective. Ces journaux sont aussi pour ces exilés un biais pour maintenir en Égypte une présence symbolique, d’une part grâce à la communauté des lecteurs qui contribue à la diffusion de leurs idées, d’autre part grâce aux moyens de communication mis en œuvre pour obtenir des informations sur la situation dans le pays (télégraphes des correspondants, lettres des lecteurs…).

Les journaux : contenu et forme

Ces journalistes considéraient donc le journal comme une arme politique. Ainsi, les articles publiés traitaient essentiellement de l’actualité égyptienne et ottomane. L’actualité française était quant à elle abordée dans sa relation avec la Question d’Orient. Les rédacteurs se plaisaient à aborder l’histoire, les mœurs et la vie quotidienne en France pour la comparer à celles d’Égypte et les ériger en modèle. Adib Ishaq s’attache à faire connaître la Révolution française, tandis que Yaqub Sannu vante aux Égyptiens la liberté et la richesse dont jouit le peuple des Lumières grâce à ses luttes. Étaient également examinées des idées de fond, des problématiques qui agitaient les débats de la Nahda telles que la place des femmes, l’importance de l’éducation, la définition de l’homme moderne, le mode de gouvernement, le rôle de la religion, la définition de la nation ou l’évolution de la langue arabe. Ces thèmes faisaient l’objet d’articles qui pouvaient occuper toutes les pages du journal, voire se poursuivre au numéro suivant. On est loin de l’article proprement journalistique : les rédacteurs ne mobilisaient que très peu les genres alors usités dans les journaux français. Ils s’inspiraient plutôt du patrimoine écrit et oral arabe : l’invective, le dialogue, le sermon, la poésie. Alors que la presse arabe en était encore à ses débuts, ces journalistes autodidactes prenaient progressivement conscience des spécificités du journal comme medium mais ne le dissociaient pas encore complétement des autres formes d’écrits. D’un autre côté, l’oralité demeurait essentielle pour toucher, outre les lettrés, un public qui n’avait accès au journal que grâce à la lecture publique. Ces journaux sont ainsi les témoins d’une période de transition littéraire où les auteurs vont s’appuyer sur des genres bien connus pour s’orienter vers une écriture plus proche du quotidien, des formats plus courts, une langue plus épurée.

Ces journaux étaient mensuels ou bi-mensuels, mais leur parution pouvait être assez irrégulière, faute de financements ou en raison des autres activités qui occupaient les rédacteurs. Le format était le plus souvent in quarto et le contenu était réparti sur deux ou trois colonnes, sur quatre pages le plus fréquemment.

Illustration n°1 : Misr al-Qahira d’Adib Ishaq

Cette presse n’était pas illustrée, à l’exception des journaux de Sannu. La réflexion sur la mise en page typographique est très peu poussée. Généralement, les différents articles sont tout au plus séparés par des titres en gras. Les rubriques sont souvent absentes, ou bien éphémères et irrégulières, apparaissant et disparaissant au gré de l’actualité et du type de discours adopté pour la traiter comme dans certains journaux de Sannu. La plupart de ces feuilles étaient rédigées à la main – on s’attachait souvent le service d’un calligraphe – et lithographiées. Cette indigence de la forme s’explique par plusieurs facteurs. On peut en premier lieu évoquer le manque de véritables moyens : ces journalistes recevaient, comme nous le verrons, des financements mais on ignore à combien ils s’élevaient et s’ils auraient permis d’améliorer la présentation de ces journaux. De plus, la rédaction, la conception et la publication incombaient au seul rédacteur ou à une équipe restreinte. Par-dessus tout, ces hommes disposaient d’une culture, et surtout d’une pratique de la presse – dans ce qu’elle a de plus matériel – encore relativement modestes, d’autant plus si on les compare à celles de leurs homologues français. Enfin, en France comme en Égypte, ces journaux ne souffraient pas de véritable concurrence quant à l’aspect formel : ils pouvaient ainsi continuer à privilégier le fond, le message politique.

Modes de diffusion

Alors que le gouvernement égyptien avait interdit leur diffusion, ces journaux arrivaient pourtant à se frayer un chemin jusqu’au lecteur et à acquérir sur place une certaine renommée. Leurs rédacteurs devaient trouver des moyens pour détourner le contrôle des postes. Si les propos de Yaqub Sannu, prompt à l’exagération, doivent être considérés avec beaucoup de recul, ils nous donnent néanmoins une idée de la façon dont ces journaux parvenaient à être diffusés en Égypte. Les copies de l’Abu Naddara étaient cachées dans des marchandises ou bien dans les affaires d’un ami européen avant d’être interceptées par différents complices chargés de les acheminer et de les distribuer dans différentes régions et villes du pays. Elles étaient ensuite vendues sous le manteau par des vendeurs ambulants que traquait la police. Les journaux interdits étaient plus généralement envoyés sous lettres. Ils étaient aussi proposés à l’abonnement, en France ou en Égypte. L’abonnement annuel pour L’Abou Naddara ou Misr al-Qahira était de vingt francs, celui d’Al-Urwa al-Wuthqa était fixé à cinq. Mais cette dernière revue était aussi, comme Al-Ittihad, distribuée gratuitement en Égypte. Yaqub Sannu prétendait que son journal était lu jusque dans l’entourage du khédive. De façon générale, ces feuilles dissidentes circulaient parmi les cercles lettrés et politiques, les sociétés secrètes mais la lecture collective, dans les clubs ou dans les cafés, semblait leur assurer un public plus large. Plus d’une fois, Sannu met en scène dans son journal des Égyptiens, à une table de café ou dans une boutique, dissertant sur le dernier numéro de l’Abou Naddara.

Des financements extérieurs

Bien qu’on ne dispose pas de chiffres précis, on estime que chaque numéro de ces journaux s’écoulait en moyenne à un millier d’exemplaires. La vente et les abonnements devaient à peine couvrir les frais engagés ; cette activité journalistique était donc bien plus politique que lucrative. Nos hommes ne vivant certainement pas de leurs plumes, on peut s’interroger sur l’origine des fonds qui leur permettaient de faire vivre leurs journaux.

On connaît mal leurs autres activités lors de leur exil en France : Yaqub Sannu disait vivre de cours particuliers et affirmait payer de sa poche le moindre sou consacré à L’Abou Naddara, se plaignant même du prix du papier et de ce que lui coûtait son dessinateur. Ibrahim al-Muwaylihi, issu d’une grande famille, devait disposer d’une fortune personnelle. Cependant, même s’il l’on ne dispose pas de preuves irréfutables, il semble bien que ces journaux aient été en grande partie financés par les autorités ou partis que leurs propriétaires soutenaient. Al-Afghani et Abduh auraient reçu des subsides de la part de hauts dignitaires indiens et arabes, Al-Muwaylihi du khédive déchu Ismaïl dont il prônait le retour en Égypte, Yaqub Sannu de Halim, prince héritier du trône d’Égypte évincé par Ismaïl, et de la Sublime Porte. Les rédacteurs de journaux concurrents s’accuseront réciproquement d’avoir « vendu leur plume » : ainsi Yaqub Sannu répète dans L’Abu Naddara qu’il ne reçoit rien du Prince Halim tout en dénigrant Al-Ittihad et indirectement Al-Muwaylihi pour être à la solde de l’ancien khédive Ismaïl.

Il s’agit bien de journaux de propagande, mais qu’on ne s’y méprenne pas : les rédacteurs agissaient surtout par conviction politique, chacun étant persuadé que le parti choisi était ce qu’il y avait de mieux pour l’Égypte ou la communauté musulmane. C’est pour cette raison que ces intellectuels concevaient malgré tout la presse comme un moyen de défendre le bien, la vérité et la liberté.

Une liberté d’expression relative

C’est cette liberté qu’ils ne trouvaient plus en Égypte qu’ils étaient venus chercher en France. Comme leurs homologues français, les journalistes égyptiens ont aussi profité de l’assouplissement du code de la presse de 1881. Ils pouvaient malgré tout voir la circulation d’un numéro de leur journal interdite sur décision du ministère de l’Intérieur. Ils s’astreignaient donc à un devoir de réserve vis-à-vis de la France : ils se gardaient de critiquer la politique extérieure française dans le monde arabe, en échange de quoi ils pouvaient s’attaquer au khédive et surtout aux Anglais. Yaqub Sannu, pourtant farouche opposant de la domination anglaise, ira jusqu’à vanter les mérites des débuts de la colonisation française au Maghreb.

En revanche, cette presse égyptienne exilée demeurait dépendante des relations franco-ottomanes et des incursions diplomatiques de la Sublime Porte. Ibrahim Al-Muwaylihi en a fait les frais : son journal Al-Ittihad, très virulent envers l’Empire ottoman, est interrompu une première fois en 1880, sur demande du sultan. En 1884, notre journaliste en publie le quatrième et dernier numéro ; il est expulsé par les autorités françaises sans autre forme de procès.

Illustration n°2 : La presse française selon Yaqub Sannu, Abou Naddara, n°10, 10 décembre 1884.

Les relations avec la presse française

Sannu et ses compatriotes exilés étaient, avant même de fouler le sol français, familiarisés avec la presse française ; ils avaient également accès à des journaux publiés en France et envoyés en Égypte. Cette presse française, comme le soulignera Sannu, était pour eux un modèle, tant par sa qualité que parce qu’elle incarnait l’idéal d’un journalisme d’opinion farouchement attaché à sa liberté.

En France, la durée de vie de leurs journaux a été trop brève pour qu’on puisse y lire une influence de la presse française sur le fond comme sur la forme – exception faite de L’Abou Naddara. Certes, ces journalistes en étaient des lecteurs assidus, se passionnant surtout pour les débats de politiques intérieure et extérieure dont ils nourrissaient leur réflexion sur le « bon gouvernement ». Ils fréquentaient par ailleurs le milieu journalistique français où ils jouissaient d’un crédit sur les questions concernant le monde arabe, l’Empire ottoman et l’Islam. Cependant, la spécificité de leur lectorat et de la mission politique qu’ils assignaient à leurs journaux les ont sans doute tenus à l’écart, dans leur pratique, du modèle français.

Cette relation n’était pas à sens unique, puisque leurs idées ont trouvé écho dans différents journaux. Ainsi Le Journal des Débats, fondé par Khalil Ganem, directeur d’Al-Bassir, a été le vecteur de la controverse entre Al-Afghani et l’orientaliste Ernest Renan sur l’islam et le développement des sciences et des sociétés.

La naissance d’une conscience professionnelle ?

En réalité, le profil de ces intellectuels égyptiens avait des similitudes avec celui des premiers hommes de presse français. Autodidactes et polyvalents, ils ne considéraient pas le journalisme comme une vocation, une profession qui les définirait. Ils exerçaient ou avaient exercé d’autres activités toutes aussi importantes à leurs yeux, comme le théâtre, l’enseignement ou la politique et se percevaient plutôt comme des hommes de lettres, au sens universaliste. Leur œuvre avait un caractère multiple, au carrefour des formes et des genres. Ils incarnaient « l’intellectuel total », pensant et agissant sur tous les fronts : le journal était l’un des vecteurs de leur pensée, l’un de leurs modes d’action sur la société. Il n’en était cependant pas des moindres, car s’engager dans l’aventure journalistique était aussi un marqueur de modernité déterminant pour ces intellectuels pour qui la question essentielle était justement d’être à nouveau « de son temps », de combler l’écart avec le monde occidental.

Leur exil, les privant de nombre de leurs activités, les avait un temps contraints à se recentrer sur le journalisme ; cependant leur pratique s’apparentait plus à celle du nouvelliste ou de l’essayiste qu’à celle du reporter. Pour Al-Afghani et Abduh, le départ de France a marqué la fin de cette expérience journalistique : ils n’ont pas fondé d’autres journaux et ont embrassé une carrière de réformateurs. En revanche, Ibrahim al-Muwaylihi, et bien sûr Sannu, se revendiqueront plus spécifiquement journalistes. Le premier, de retour en Égypte en 1895, se positionnera en observateur et critique de la presse et contribuera à définir un ethos du journaliste. Il y fondera un journal qui marquera l’histoire littéraire, Misbah al-Charq.

Ainsi l’exil a-t-il réuni des personnalités aussi diverses dans l’activité journalistique. Ces hommes considéraient le journalisme comme une des formes nécessaires de l’engagement de l’intellectuel moderne. Ils avaient ainsi le sentiment d’appartenir à un groupe dont la presse cristallisait les valeurs et les objectifs de sa mission : l’instruction et la moralisation du peuple, la liberté, l’indépendance, le développement et la diffusion de la pensée.

Le cheikh Abou Naddara, « publiciste oriental »

Sur de nombreux points Yaqub Sannu a fait exception. Sa différence avec ses compatriotes tient à la durée de son exil, devenu volontaire, et de sa stratégie en tant qu’étranger pour se faire une place dans la société française, stratégie fondée sur le développement de son statut et personnage de « publiciste oriental ».

Yaqub Sannu est né en 1839 au Caire, dans une famille juive d’origine italienne9. Eduqué aux contacts des trois religions du Livre, il défendra toute sa vie cette ouverture, dans la franc-maçonnerie et dans ses journaux. Son père travaille au service du prince Ahmad Pacha Yegen, ce qui donne à sa famille une aisance relative. C’est ce même prince qui, surpris par les talents et la personnalité du jeune Yaqub, décide de prendre en charge sa formation intellectuelle. L’adolescent est alors envoyé à Livourne en 1852 ; il y reste trois ans pour étudier les lettres et les arts. Il y découvre la comédie italienne qui influencera son écriture théâtrale et journalistique. Son père et son protecteur décédés à son retour en 1855, il se fait professeur et devient tuteur auprès des familles de la cour et de la haute société cairote. Il enseigne à l’Institut Polytechnique où il rentre en contact avec les officiers qui formeront le cœur du mouvement nationaliste égyptien. Avant de débuter comme journaliste, il fonde sa propre troupe de théâtre pour jouer ses pièces, des comédies inspirées de Molière, Goldoni et Sheridan dans lesquelles il dépeint les travers de la société égyptienne. Certains voient en lui le fondateur du théâtre égyptien, voire arabe. Lorsque les financements du khédive Ismaïl cessent, Sannu ferme son théâtre et se lance dans l’activité journalistique. Il publie en 1878 au Caire les quinze premiers numéros de ce qui deviendra L’Abou Naddara. Le journal, s’attaquant au khédive et à son goût des grandeurs, est fermé par les autorités. Sannu, menacé, quitte l’Égypte et s’embarque pour Marseille. Il gagne ensuite Paris où il reprend, la même année, la publication de L’Abou Naddara. Il vit d’abord de cours particuliers, puis de ses activités de conférenciers. Il appartient à de nombreux cercles et joue de ses multiples réseaux pour prêcher un rapprochement franco-turc. Il défend également la politique coloniale de la France lors de ses déplacements au Maghreb. Le dernier numéro de son journal paraît en 1910, deux ans avant sa mort. C’est donc à Paris que Yaqub devient véritablement journaliste, mais un journaliste qui sait jouer de sa personnalité et de ses attraits d’Égyptien pour se faire un nom.

Un homme, un journal : l’« homme aux lunettes »

Dès le premier numéro, en lui donnant le nom d’Abou Naddara, Yaqub Sannu fait de son journal une démarche et une œuvre toute personnelle, qui ne pourra être portée par nul autre. En effet, Abou Naddara signifie « l’homme aux lunettes » : c’est là le surnom de son fondateur dont la vue a été diminuée suite à une maladie d’enfance. Mais Yaqub y voit plus clair que beaucoup d’autres : ses lunettes, son journal, lui permettent de scruter les événements politiques et d’en découvrir les ressorts, même du fond de son exil. Dans les caricatures comme dans les saynètes où apparaît son personnage, il joue sur cette symbolique de la vision. C’est ainsi que, selon lui, doit être le journaliste : guettant sans relâche le pouvoir, donnant l’impression d’être omniprésent pour dénoncer tous les abus. C’est sous le surnom de Cheikh Abou Naddara que la presse française a alors désigné Sannu : ses lunettes deviendront un accessoire fondamental de son personnage, comme son turban et son caftan.

La figure de l’oriental et la presse française

En effet, quelques temps après son arrivée à Paris, Yaqub Sannua commence à cultiver son image d’« oriental ». Dans les premiers numéros de son journal publié au Caire, il se portraiture en costume européen et haut de forme et se fait appeler James Sanua. En Europe, il délaisse cette apparence trop anodine pour revêtir l’habit traditionnel égyptien et se faire donner du « cheikh », titre arabe attribué aux notables et aux savants. Il ne s’agit pas que d’un personnage de papier : sur les photographies ou lors des cérémonies, il ne se départit pas de ses signes distinctifs10. C’est là la stratégie d’un véritable communiquant, au moment où l’intérêt pour l’« Orient » grandit en France avec le projet colonial et où les clichés de l’orientalisme se diffusent.

Illustration n°3 : Portrait du Cheikh Abou Naddara, 1885.

Et cela marche : il attire l’intérêt des journalistes qui s’en donnent à cœur joie en décrivant ses tenues et s’amusent de sa verve marquée de ce style oriental si fleuri dont il fera sa marque de fabrique. Lors des funérailles de Victor Hugo, le journal La France rapporte qu’« on remarquait un oriental, vêtu d’un riche costume, turban blanc, manteau vert et ceinture rouge [...]. Ce personnage, auquel la foule attribuait des qualités si diverses, n’était autre que notre confrère, le cheik Abou-Naddara, représentant de la presse et de la franc-maçonnerie orientales11 ». Achille Steens, dans Gil Blas, décrit ainsi la faconde du cheikh : c’est « à travers un dédale de demi-mots et de sous-entendus enjolivés d’images à l’orientale, qu’il nous faut passer pour reconstituer sa pensée. Celle-ci est féconde, mais disparate, semée de saillies originales, agrémentées des plus curieuses observations. Le cheikh Sanua est vraiment le conteur décrit dans les Mille et une Nuits12 ».

Yaqub Sannu est devenu une figure haute en couleur du monde de la presse : le nom d’Abou Naddara apparaît ainsi dans des journaux aussi divers que L’Aurore, Le Figaro, La Croix, Le Grillon, L’Echo des jeunes, La Revue mondaine illustrée, Le Vétéran, La Lanterne, Le Rappel ou Le Matin ainsi que dans des journaux des colonies comme Patriote algérien ou La Dépêche tunisienne. On y fait beaucoup mention des conférences qu’il donne, des cérémonies et des banquets auxquels il assiste et des toasts fort appréciés qu’il ne manque pas d’y porter.

Le personnage est suffisamment connu pour avoir droit à un article satirique dans Le Tintamarre. Le journal se moque des louanges qu’adresse Abou Naddara dans Le Figaro à des hommes politiques, en utilisant les valeurs des lettres de leurs noms. Le Tintamarre lui oppose un concurrent, Abou Kadabrah : « Nous avons le plaisir de présenter à nos lecteurs un nouveau collaborateur, qui n’est autre que le sorcier arabe Abou Kadabrah, le rival et le tombeur d’Abou Naddara, le sorcier en toc du Figaro13 ». En le parodiant en sorcier de pacotille, le journal français vise l’exagération dont fait preuve Sannu dans son personnage. Le journaliste égyptien joue de ces clichés ; en attirant l’attention de ses confrères, « le sympathique oriental14 » est parvenu à s’imposer à la presse française comme un spécialiste de la question d’Égypte et de l’Empire ottoman.

Un « expert » de la question d’Égypte

A partir de 1885 où son journal devient bilingue arabe-français, Yaqub Sannu ne s’adresse plus seulement aux Égyptiens : il veut sensibiliser l’opinion française sur le sort de l’Égypte. D’un autre côté, la presse s’intéresse de plus en plus à ce qui se joue en Méditerranée et autour de l’Empire ottoman. Sannu met en avant son expérience, son réseau et les informations qu’il reçoit de ses correspondants pour se faire une place comme expert de l’actualité ayant trait à l’Égypte, à l’Empire ottoman et à la culture arabe et musulmane dans le champ journalistique français. Dans un des dialogues qu’il publie régulièrement dans son journal, un Égyptien en séjour à Paris s’étonne de toutes ces allées et venues au domicile d’Abou Naddara. Un Français, féru de presse – comme le sont souvent représentés les Français chez Sannu – lui apprend qu’il s’agit de patrons de journaux venus demander conseil au cheikh, s’enquérir des dernières nouvelles d’Égypte et lui soumettre leurs articles.

Des articles de journaux confirment ce statut dont jouissait Sannu. Dans l’article du Gil Blas déjà mentionné15, Achille Steens interviewe Abou Naddara sur l’attitude que prendrait le khédive si le conflit gréco-turc s’envenimait. Le journaliste retranscrit les réponses de l’expert qui dément les informations données par le Times et reproduites par certains journaux français. Dans la rubrique interview-express, Le Gaulois requiert l’avis de Sannu sur l’élection comme député d’un converti à l’islam, le docteur Grenier : « nous sommes allés, dit le journaliste, demander au cheikh Abou-Naddara, dont on connait la compétence en matière de religion et de civilisations musulmanes, ce qu’il pensait de cette élection originale16 ».

Le conférencier

C’est sans doute plus comme conférencier que journaliste que Sannu fait connaître ses « compétences ». Ses interventions lui valent de nombreux filets et courts articles qu’il reproduit dans la partie française de L’Abou Naddara à partir de 1885. Dans « L’éditeur au public » publié à l’occasion de la parution du recueil des numéros de l’année 1886, son activité de conférencier est ainsi présentée : « Ses conférences ont particulièrement contribué à sa notoriété. Il ne se passe pas de mois qu’il ne prononce en public un ou deux discours sur les affaires de l’Égypte. Elles lui fournissent chaque fois une nouvelle occasion d’exprimer sa reconnaissance envers notre France hospitalière 17».

Elles le conduisent dans différentes villes de France, en Angleterre, en Suisse mais aussi en Algérie et en Tunisie. Invité par les cercles ou sociétés dont il est membre, Sannu traite de tout ce qui a trait à l’Orient : l’Égypte, bien sûr, mais aussi le Soudan, le Sultan et l’Empire ottoman, les relations entre la France et les pays musulmans. Il est aussi beaucoup question de littérature, la littérature arabe contemporaine d’une part, la littérature française et son influence en Orient. Ainsi, une des conférences qu’il donne en 1902 à Paris est intitulée : « La France, sa littérature, son commerce et son industrie en Orient. Le développement de l’instruction dans les pays ottomans. Les mœurs et les usages arabes (exposition d’aquarelles représentant les scènes de la vie orientale) 18».

Il discourt autant en français qu’en arabe, selon le public. Cette activité de conférencier est selon lui complémentaire de celle de journaliste et il leur assigne la même mission : informer l’opinion de la situation égyptienne, œuvrer au rapprochement turco-ottoman et à la solidarité entre le peuple français et les populations arabes. Il en va même, selon Sannu, du devoir de l’intellectuel qui jouit de la liberté en exil de porter en Europe cette parole des journalistes égyptiens muselés.

L’Abou Naddara

Yaqub Sannu publia, plus ou moins régulièrement, son Abou Naddara pendant trente-deux ans. Ce journal de quatre pages d’abord uniquement en arabe puis bilingue arabe-français fut le premier journal arabe satirique illustré ; il comprend de nombreuses caricatures et illustrations en couleur19.

Illustration n°4 : Abou Naddara, n°11, 15 novembre 1889, partie arabe.

Illustration n°5 : Abou Naddara, n°11, 15 novembre 1889 partie française.

Illustration n°6 : Abou Naddara en couleur, n°2, mai 1901.

Son fondateur ne prit sa retraite que deux ans avant sa mort, lorsque ses yeux, trop fatigués, ne lui permirent plus de poursuivre. Ses « Lunettes » ont été témoin et acteur des transformations profondes dans les relations entre l’Europe, l’Empire ottoman et ses « marches » qui mèneront, quelques années plus tard, au démembrement de l’Empire Ottoman et au partage du monde arabe entre les nouvelles grandes puissances. Elles permettent également de lire l’évolution intellectuelle et politique du cheikh, de la foi en la libération de sa patrie aux désillusions. Avec le temps, l’écho de cette feuille dissidente s’amoindrira en Égypte ; elle sera concurrencée par des journaux mieux implantés localement, menés par une nouvelle génération de nationalistes. Malgré tout, Sannu, avec son journal, reste un des pionniers du journalisme arabe et a ouvert la voie à la presse satirique. Nous laisserons ici de côté les détails de l’évolution de son œuvre journalistique pour mettre en valeur sa démarche qui témoigne d’une conscience tout à fait singulière des particularités du journal comme medium.

Un ou des journaux ?

Si on parle génériquement de L’Abou Naddara, la célèbre feuille de Sannu a reçu plusieurs noms. Entre 1878 et 1885, elle a changé douze fois de titre. Elle s’est appelée, par exemple, Abu Suffara (Le Joueur de flûte), Abu Zammara (Le Joueur de clarinette) ou encore Al-Naddarat al-misriyya (Les Lunettes égyptiennes). Ces changements de noms aurait permis au journal de se frayer un chemin à travers les mailles de la censure égyptienne. En même temps, le jeu sur les ressemblances phoniques et sémantiques des différents noms crée une connivence entre l’auteur et le lecteur et institue une communauté de lecteurs qui partagent le même code. Il reconduit tacitement le pacte de lecture initial en rappelant la filiation de chaque série avec son acte fondateur qu’il réactualise, L’Abu Naddara Zarqa de 1878. Le contenu des journaux est assez semblable : on retrouve la même organisation typographique, les mêmes rubriques, le même recours aux dialogues et à la caricature. C’est en raison de cette continuité que les contemporains de Sannu comme les chercheurs considèrent que ces parutions forment une unité, L’Abou Naddara.

Trois autres publications, indépendantes, verront le jour : Attawaddod (Sympathisons, 1888-1889 puis 1898-1903)20, Al-Monsef (L’Équitable, 1899-1903)21 et L’Univers musulman (1907-1909)22. Attawaddod paraît d’abord uniquement en arabe, avec un sommaire en français : destiné aux lecteurs arabophones et surtout du Maghreb, il vise à mieux faire connaître et valoriser les cultures et les politiques françaises et ottomanes. En 1900, Sannu publie Al-Monsef, « un dédoublement, dit-il, d’Attawaddod23 ». Il lui a cependant paru utile d’individualiser cette publication bilingue car elle devait servir à publier les lettres qu’il recevait des pays d’Orient. Le ton se veut également plus dur : Sannu annonce dans le « programme » du premier numéro que le journal « excitera les sympathies des peuples d’Asie et d’Afrique pour la littérature, le commerce et l’industrie des puissances occidentales qui se montrent amies sincères des Nations d’Orient. Mais il sera très sévère envers les Puissances européennes qui, sous prétexte de civiliser ou de protéger les peuples du Levant, envahissent leur pays pour les exploiter et les asservir24 ». L’Univers musulman, entièrement en français, cherchait quant à lui à donner une meilleure image de l’islam et des musulmans et à redorer le blason du sultan Abdul-Hamid II dans une période où les relations avec l’Empire ottoman n’étaient plus au beau fixe. Il y était question du Coran, du Prophète Mohammed, de la tolérance en islam, des coutumes, de l’instruction et du progrès en Turquie. Contrairement à L’Abou Naddara, ces publications délaissaient la satire et la polémique pour un ton plus sérieux. Sannu, s’inspirant du modèle français, a ainsi su diversifier sa production journalistique.

Illustration n° 7 : Attawaddod, n°2 mars 1898.

Illustration n° 8 : Al-Monsef, n°1, 15 février 1899, partie française.

Illustration n° 9 : L'Univers musulman, n°1, 15 février 1907.

Le comique comme principe

Le comique est au cœur du projet journalistique de Sannu. Dès le premier numéro, publié alors au Caire, il annonce : « Nous avons pensé à publier un journal qui, tout en rappelant les actualités, délivre les âmes de leur souci et les distrait de la fatigue des sens25 ». D’ailleurs, L’Abou Naddara se présente comme un journal de divertissement et Sannu le compare au Charivari français. Toujours dans ce premier numéro qui fait office de pacte de lecture, Sannu précise immédiatement que le rire n’est pas le simple but de cette feuille : il s’agit d’éveiller la raison des lecteurs. Le rédacteur dit vouloir tenir éloigner sa verve du politique, engagement qui sera bien vite rompu puisque c’est justement la satire du pouvoir – le khédive et ses partisans – qui fera le fond de commerce du journal. Le rire n’ira cependant jamais au-delà de deux limites : la personne du Sultan et la religion.

Le comique est d’abord enraciné dans les langues : dans la désarticulation de la langue arabe, l’usage du dialecte égyptien, son métissage avec d’autres langues dans les dialogues entre Égyptiens, orientaux et Européens et les quiproquos que cela engendre. Le comique réside également dans le traitement des corps du pouvoir. Déformés, grotesques, animalisés, ils incarnent l’avidité, la corruption du système. Ce procédé littéraire trouve son pendant dans la caricature qui fera son apparition dès que Sannu en aura les moyens, à son arrivée à Paris, grâce à la lithographie. Elle met en scène les différentes composantes de la nation égyptienne : le paysan, la peau sur les os, en guenilles ; le savant et le militaire, dignes et droits ; les détenteurs du pouvoir, bedonnants et avides26.

Illustration n°10 : caricature, Rihlat Abi Naddara Zarqa (Le voyage de l’homme aux lunettes bleues), n°11, 1878. Le Khédive Ismaïl est figuré au centre, son ministre à sa gauche et le paysan égyptien à sa droite.

Le jeu sur les langues était fort difficile à rendre par les traductions que proposait Sannu, traductions qui étaient plutôt des sortes d’adaptations du texte pour le rendre accessible à un lecteur français. En revanche, le journaliste avait bien compris que la caricature avait une portée plus universelle et qu’elle permettait de faire comprendre, sans le biais de longues analyses, la complexité d’une situation. Elle occupait ainsi, dès le premier numéro parisien, la première page du journal et parfois la dernière, afin d’être immédiatement visible. Avant même que le journal ne devienne bilingue, Sannu donnait déjà une traduction en français des légendes en arabe. La caricature était donc tout autant destinée au lecteur égyptien qu’au lecteur français. Ces illustrations satiriques étaient liées le plus souvent à l’actualité égyptienne et permettaient au cheikh d’attirer facilement l’attention des lecteurs, notamment des journalistes français, sur la situation dans la vallée du Nil. Ces images avaient aussi pour but de répéter, sans lasser, le message politique de Sannu et de créer un sentiment d’indignation face à l’injustice à laquelle il donnait, à chaque numéro, un nouveau visage. En ce sens, la caricature était le fer de lance de son dispositif de communication : outil à la fois de propagande et de promotion pour son journal et sa personne.

Des choix linguistiques significatifs

Les variations linguistiques accompagnent les transformations de L’Abou Naddara qui, du journal purement égyptien des débuts, atteindra une portée plus large, à destination de l’Europe et du monde arabe et musulman. Les premiers numéros étaient rédigés essentiellement en dialecte égyptien, mais un dialecte truffé d’osmanli, de syro-libanais, de français ou encore d’italien. Le choix du dialecte – novateur, puisque la plupart des journaux étaient rédigés en arabe littéraire – rendait le contenu accessible aux Égyptiens illettrés à travers la lecture publique et leur permettait de participer à cette culture naissante du journal. Ce métissage linguistique restituait la diversité de l’Égypte : les Égyptiens écartés du pouvoir (paysans, savants, militaires, fonctionnaires), l’élite ottomane, les communautés immigrées mais aussi les étrangers de passage ou en mission auprès de l’État égyptien.

À ses débuts, L’Abou Naddara était donc, à l’exception des caricatures, destiné exclusivement à un public égyptien. A partir de 1883, après l’installation des troupes armées britanniques en Égypte, le français fait son apparition sur quelques numéros. Il s’agit alors pour l’essentiel de traduction-adaptation de la partie arabe. La même année, Sannu publie deux numéros de The Egyptian Patriot : ce journal, entièrement en anglais, s’adresse à l’occupant britannique. En 1885, L’Abou Naddara devient bilingue arabe-français. La partie française occupe le plus souvent la moitié du journal, mais l’agencement peut varier. Elle devient autonome : si l’on peut y trouver encore quelques traductions de la partie arabe, elle rassemble d’abord les textes de conférences du cheikh, ses « toasts » portés en différentes occasions et des extraits d’articles publiés dans la presse française le concernant. On voit également apparaître des « bibliographies », annonçant la parution d’un ouvrage, des articles de fond, des portraits, des revues de presse, des traductions de lettres et de nombreux dialogues. Il est intéressant de remarquer que Sannu reprend en français deux genres qui ont longtemps structuré la partie arabe : un dialogue, à la fois littéraire et informatif, qui se développe à partir d’une illustration ainsi que le texte épistolaire, dont il est parfois difficile d’identifier le véritable auteur.

À partir de 1885, Sannu conçoit donc L’Abou Naddara comme un journal destiné à deux lectorats différents, organisé en deux parties distinctes avec chacune un traitement de l’information spécifique, ce qui n’empêche pas des glissements, des contaminations génériques. Ce dédoublement correspond à la réorientation de la stratégie de Sannu après l’occupation de l’Égypte : poursuivre le travail de sape du pouvoir en place auprès des Égyptiens, maintenir la question égyptienne au cœur du débat politique en France.

Conclusion

Les journaux que nous avons évoqués font aussi partie du patrimoine journalistique français. Ils ont initié les développements de la presse arabe étrangère, entraînant la création d’un réseau spécifique. Leurs fondateurs ont contribué aux débats sur la question d’Orient en donnant un point de vue de l’intérieur, tout comme ils ont donné le change à l’orientalisme français par la défense de leur vision de l’islam et des sociétés musulmanes. Leur relation à leur patrie d’accueil était assez complexe et marque les débuts de l’histoire des intellectuels arabes émigrés en France. Si la France incarnait à leurs yeux le progrès et la liberté, liberté qui leur a permis de poursuivre leur projet réformateur au-delà de leur exil, elle comptait aussi au rang des puissances coloniales dont l’entreprise de domination était contraire à ce projet. Ils ont donc joué le jeu diplomatique de la France tout en y trouvant leur intérêt ; leurs journaux véhiculaient dans le monde arabe et musulman une image positive de cette terre des Lumières et attaquaient cet ennemi un temps commun qu’était le Royaume-Uni, deux sujets restant tabous : la situation politique de l’Empire ottoman et les colonies françaises. Dans le même temps, le contact avec le milieu journalistique français a favorisé par la suite des transferts de savoirs et de savoir-faire et aiguisé, chez certains, la conscience d’un ethos du journaliste. Le cas de Sannu est à la fois représentatif – pour les premières années en France qu’il partagea avec ses compatriotes – et original. Il a su faire de son statut d’exilé égyptien un atout et, en homme de théâtre, s’est créé un personnage sur lequel il a bâti sa publicité. Il a misé sur ses compétences de journaliste acquises en Égypte qu’il a fait fructifier et, en homme de réseaux, a multiplié les activités – articles pour d’autres journaux, interviews, cérémonies, délégations politiques… – pour occuper l’espace médiatique. C’est ainsi que le cheikh Abou Naddara, le « proscrit égyptien », est devenu une personnalité de la presse française.

Notes

1  Cet article s’adresse aux arabophones comme aux non-arabophones. Pour cette raison, la transcription des termes arabes a été simplifiée afin d’en faciliter la lecture.

2  Pour une présentation détaillée de l’histoire de la presse arabe en France, consulter Mohamed Chelbi, Les journaux arabes de Paris 1859-1919, étude historique et sociologique, Lille, ANRT, 1987 (1969) ainsi que Presse et mémoire : France des étrangers, France des libertés, catalogue de l’exposition réalisée par l’association Génériques avec la collaboration de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine et du Musée d'histoire de Marseille, Paris, Mémoire-Génériques,  Éditions ouvrières, 1990.

3  Né en 1830, il était le petit-fils de Mohamed Ali. Il étudie à Paris puis gouverne l’Égypte à partir de 1863 au décès de Said Pacha. Il reçoit du sultan le titre de khédive ou de vice-roi d’Égypte. Il cherche à moderniser l’Égypte et encourage à ses débuts le développement des arts et du journalisme. Les énormes dépenses qu’il fait pour cette modernisation mais aussi pour alimenter le faste de la cour le conduisent à contracter de nombreux prêts étrangers, ce qui entraine la faillite de l’Égypte et se conclura par l’occupation du pays par le Royaume-Uni en 1882. A cause de cette crise, il est démis par le sultan en 1879 et contraint à l’exil à Naples. Il est convié à Istanbul par le sultan où il décède en 1895.

4  Né en 1852, il étudie en Égypte et occupe différents hauts postes avant d’être nommé khédive par le sultan à la place de son père Ismaïl en 1879. Se montrant d’abord libéral, il exile Al-Afghani et Abduh et renforce les mesures de rigueur financière pour satisfaire le Royaume-Uni ; il provoque la colère des officiers qui se mutinent sous les ordres du colonel Urabi. Tawfiq accepte alors l’invasion britannique de l’Égypte pour sauver son trône. Il décède en 1892.

5  Né en 1856 à Damas, il étudie les lettres arabes et françaises et développe une passion pour la littérature. A douze ans, il rentre comme employé au service des postes puis rejoint son père à Beyrouth où il participe au journal Al-Taqaddum (Le Progrès),traduit plusieurs ouvrages de l’arabe vers le français et compose avec Salim Naqqash des pièces de théâtre. Il se rend en 1876 en Égypte où il intègre le cercle d’Al-Afghani. Il fonde les journaux Misr puis Al-Tijâra en 1878 avec Naqqash. Il part pour Paris en 1878 où il publie Misr al-Qahira et fréquente le milieu journalistique français, mais où il contracte aussi la tuberculose. Il repart pour Beyrouth en 1880 puis regagne l’Égypte lors de la révolte d’Urabi et poursuit son activité de journaliste. Il décède de la tuberculose en 1884.

6  Né aux alentours de 1846 au Caire, Ibrahim Al-Muwaylihi appartient à une grande famille de commerçants de soie. Il reprend l’affaire familiale puis, ruiné pour avoir joué sa fortune en Bourse, est soutenu par le Khédive Ismaïl au nom des bonnes relations entre sa famille et le pouvoir et se voit nommé membre de la Cour d’Appel. Il fonde une maison d’édition et publie en 1870 son premier journal, Nuzhat al-Afkar (La Promenade des pensées). Il accompagne le khédive Ismaïl dans son exil à Naples (1879) où il publie Al-Khilafa (Le Califat), à Paris (1880-1884) où il publie Al-Ittihad (L’Union) et participe à Al-Urwa al-wuthqa, puis à Londres (1884-1885). Sa brouille avec le sultan oubliée, ce dernier l’invite à Istanbul et le nomme Sous-Secrétaire d’Etat à l’Instruction publique. Il rentre en Égypte en 1895 où il écrit pour le journal Al-Muqattam (du nom d’une colline du Caire). En 1898, il fonde le journal Misbah al-Charq (La Lanterne de l’Orient, 1898-1903) qu’il laisse ensuite à son fils pour reprendre des activités politiques. Il décède en 1906. Pour une analyse détaillée de son œuvre, consulter Marie-Claire Djaballah-Boulahbel, Entre journalisme et littérature feuilletonesque : la Naḥda selon Ibrâhîm al-Muwayliḥî et ses contemporains. Discours, récits et chroniques de société dans la presse égyptienne du XIXe siècle, thèse de doctorat sous la direction de Luc-Willy Deheuvels soutenue en 2010 à l’INALCO, Lille, ANRT, 2010.

7  Né en Iran en 1838, il étudie les sciences religieuses en Irak avant de partir pour l’Inde où il découvre les effets de la colonisation britannique. Il se rend ensuite en Afghanistan où il se rapproche de l’émir ; il en est chassé et s’installe en Turquie où il se rapproche là aussi des cercles du pouvoir mais ses idées peu orthodoxes lui attirent les foudres des conservateurs. En 1871, il arrive en Égypte et enseigne à Al-Azhar, mais doit démissionner encore une fois sous la pression des ulémas conservateurs. Chez lui, il forme un cercle d’étudiants qui diffuseront ses idées. Il devient membre de plusieurs loges maçonniques. Exilé en 1879, il vit dans différentes villes, dont Paris, Saint Pétersbourg et Munich. Il est invité par le Shah à s’installer en Perse mais se brouille rapidement avec lui pour des raisons politiques ; il s’installe alors à Istanbul sur invitation du sultan. Il y décède en 1897. Al-Afghani a été l’un des plus grands réformateurs de la Nahda et prônait l’action politique. Il a inspiré la révolte d’Urabi et suscité des vocations de journalistes et de politiques parmi ses disciples.

8  Mohamed Abduh est né en 1849 en Égypte. Il étudie à Al-Azhar. Il rencontre Al-Afghani et devient son plus fervent disciple. En 1879, il est renvoyé dans son village en raison de ses activités politiques, puis revient dans les grâces du pouvoir et prend en charge le journal officiel du gouvernement, Al-Waqai al-misryya (Les Evénements égyptiens) de 1880 à 1882. Il est exilé pour avoir soutenu la révolte d’Urabi et rejoint son maître à Paris en 1884. Il part ensuite pour Tunis et rompt avec Al-Afghani. Il passe ensuite trois ans à Beyrouth avant d’être autorisé à revenir en Égypte en 1888. Il entame une carrière de juge puis devient Grand Mufti d’Égypte en 1899 et mène des réformes. Il décède en 1905.

9  Pour une biographie plus complète et une présentation des idées de Sannu, consulter Irène Gendzier, The Pratical Visions of Ya’qub Sanu’, Cambridge, Mass., Havard University press, 1966 ainsi que Eliane Ursula Ettmüller, The Construct of Egypt’s National-Self in James Sanua’s Early Satire and Caricature, Berlin, Klaus SchawrzVerlag, 2012. Les journaux de Sannu sont accessibles en ligne à l’adresse suivante : http://kjc-sv016.kjc.unheidelberg.de:8080/exist/apps/naddara/index.html

10  Voir l’illustration 3.

11  La France, 5 juin 1885.

12  Gil Blas, 14 avril 1897.

13  Le Tintamarre, 29 juillet 1888.

14  Gil Blas, 25 septembre 1892.

15  Gil Blas, 14 avril 1897.

16  Le Gaulois, 25 décembre 1896.

17  Abou Naddara, n° 2, 28 février 1887.

18  La Lanterne, 17/10/1902.

19  Voir les illustrations 4, 5 et 6.

20  Voir l’Illustration n° 7.

21  Voir l’Illustration n° 8.

22  Voir l’Illustration n° 9.

23  Al-Monsef, n°1, 15 février 1899.

24 Ibid.

25 Abu Naddara Zarqa, n° 1, 1878.

26  Pour une analyse des caricatures de L’Abou Naddara, consulter Eliane Ursula Ettmüller, The Construct of Egypt’s National-Self in James Sanua’s Early Satire and Caricature, op. cit.

Pour citer ce document

Ophélie Arrouès-Ben Selma, « La présence des journalistes arabes à Paris à la fin du XIXe siècle : l’exemple de Yaqub Sannu et de son journal L’Abou Naddara », Les journalistes : identités et modernités, actes du premier congrès Médias 19 (Paris, 8-12 juin 2015). Sous la direction de Guillaume Pinson et Marie-Ève Thérenty Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/les-journalistes-identites-et-modernites/la-presence-des-journalistes-arabes-paris-la-fin-du-xixe-siecle-lexemple-de-yaqub-sannu-et-de-son-journal-labou-naddara