Les journalistes : identités et modernités

Premiers pas d’une cartographie numérique du continent feuilletonesque

Table des matières

NICOLAS GAUTHIER

Parce qu’elle marque le début de la publication de La Vieille fille d’Honoré de Balzac dans La Presse d’Émile de Girardin, la date du 23 octobre 1836 a une résonance particulière dans l’histoire de la presse française. Pour sa part, le 19 juin 1842 évoque pour le spécialiste du roman-feuilleton le début de la publication des Mystères de Paris d’Eugène Sue dans le Journal des débats. Ces dates sont des phares, guidant le chercheur en illuminant des segments d’un vaste espace dont elles laissent néanmoins la plus grande part dans l’obscurité, c’est-à-dire tout ce que l’histoire littéraire n’a pas retenu. Par exemple, qu’est-ce que La Presse et Le Siècle opposaient aux Mystères de Paris en octobre 1843 alors que se concluaient les aventures de Rodolphe et de Fleur-de-Marie ? Bien que la question soit anecdotique, elle rappelle que le roman-feuilleton demeure un gigantesque continent littéraire connu imparfaitement, à travers quelques dates, quelques noms d’auteurs, quelques titres emblématiques. Les romans-feuilletons qui n’étaient pas exceptionnels sont restés dans cette obscurité. Pourtant, leur étude permettrait d’approfondir et de clarifier notre compréhension de la culture médiatique de l’époque, en éclairant particulièrement la profession de feuilletoniste, les relations entre les journaux et les stratégies auctoriales et éditoriales déployées pour se distinguer.

Plusieurs obstacles se dressent cependant devant le chercheur, dont l’ampleur du corpus n’est pas le moindre. Les romans-feuilletons méconnus semblent disparaître dans les pages des journaux. Par exemple, un lecteur s’intéressant seulement à une demi-douzaine de quotidiens parisiens entre le 1er juillet 1836 et le 31 décembre 1847 sera confronté à 100 000 pages de journaux1. Ce nombre astronomique, appelé à croître rapidement dès que l’on se penche sur d’autres quotidiens – et appelé à être multiplié dans des proportions gigantesques si l’on ne se limite ni à Paris ni à la monarchie de Juillet –, encourage fortement à rechercher des instruments permettant de gérer l’ampleur de ce corpus. Il devient logique de se tourner vers les outils numériques et la base de données s’impose comme une option prometteuse. Fondé sur un dépouillement du roman-feuilleton qui n’a que trop tardé, un tel outil contribuerait à s’assurer qu’il ne soit plus nécessaire de recommencer ce travail fastidieux en permettant un meilleur partage des informations récoltées. Par ses fonctionnalités, il faciliterait aussi les études visant à penser le roman-feuilleton dans l’écosystème de la culture médiatique du XIXe siècle.

C’est à construire une telle base de données numérique des romans-feuilletons que nous nous sommes attelé, travail qui est à la source des lignes qui suivent. Nous présenterons le prototype de cette base, qui recense pour le moment les œuvres publiées par différents journaux durant la monarchie de Juillet. Nous proposerons par la suite quelques réflexions sur le numérique comme prisme pour qui se penche sur le roman-feuilleton et la presse du XIXe siècle, puisqu’il faut garder à l’esprit qu’une telle base de données n’est jamais neutre. S’y rencontrent deux cultures, médiatique et numérique ; on aurait tort de n’avoir d’yeux que pour la première et de négliger les effets de la seconde.

Cartographier numériquement le continent feuilletonesque

L’étude de la presse profite largement des vastes chantiers de numérisation, tels Gallica2, qui rendent aisément accessibles d’imposants corpus de journaux qui ne pouvaient auparavant être consultés qu’en bibliothèque par ceux des chercheurs ayant la possibilité de s’y déplacer. Néanmoins, pour qui s’intéresse au roman-feuilleton, il est difficile d’utiliser efficacement ces corpus numérisés. Si leur gigantisme est évidemment en cause, il faut aussi retenir que leur organisation privilégie des recherches ayant pour point de départ un quotidien et une date de publication. Lorsque ces informations font défaut, trouver un feuilleton peut prendre des allures de chasse au trésor. Même la recherche en texte intégral ne peut tout résoudre dans le cas qui nous occupe puisque, n’étant pas différenciés par l’infrastructure informatique, les romans-feuilletons sont généralement noyés dans la masse de pages des journaux numérisés. Imaginons par exemple que l’on tente de retrouver dans Gallica le premier feuilleton des Mystères de Paris paru dans le Journal des débats sans toutefois en connaître la date. Il s’agit d’un véritable parcours à obstacles. D’une part, passer par le catalogue général de la Bibliothèque nationale de France pour trouver le Journal des débats conduit à une page demandant de sélectionner une année, puis une date, ce qui n’avance guère le chercheur dépourvu de ces informations. D’autre part, entrer le syntagme « Les Mystères de Paris par Eugène Sue » dans le moteur de recherche de Gallica, même en spécifiant « dans la presse et les revues », mène à une page où le nombre de résultats effraie le chercheur le plus intrépide puisqu’elle rassemble toutes les mentions de ce syntagme3. De plus, leur présentation n’est guère propice à la recherche de feuilletons et les premiers documents apparaissant sont des ouvrages en volume. Il est évidemment possible d’arriver à dénicher ce premier feuilleton dans l’édition numérisée du Journal des débats du 19 juin 1842 que l’on trouve sur Gallica. Néanmoins, l’organisation des fonctionnalités de recherche du site ne facilite pas le recadrage du roman-feuilleton dans son environnement d’origine, la page du journal. Bien qu’elle permette de consulter des quotidiens qui seraient autrement très difficiles d’accès, la numérisation ne suffit pas à mettre en valeur le roman-feuilleton comme élément de la culture médiatique.

Nous proposons donc un outil informatique, léger et sobre, permettant de mieux s’y retrouver dans les textes numérisés. Il s’agit d’une base de données rassemblant et organisant les données bibliographiques nécessaires pour accéder aisément aux œuvres dans les journaux. Nommé « Le Rez-de-chaussée », cet outil devrait être disponible en ligne durant l’année 2016 ; lorsque ce sera le cas, un lien sera établi avec le site Médias 19.

Portrait de la base de données

Écran d’accueil de la base de données.

L’écran d’accueil de la base de données permet de choisir d’entrée de jeu entre la recherche d’un feuilleton spécifique (la portion d’un roman publiée dans une édition précise d’un journal, par exemple ce fameux feuilleton du 19 juin 1842 du Journal des débats) et la recherche d’un roman-feuilleton en entier. Ce second cas est appelé à devenir le plus fréquent parce qu’il ouvre de plus vastes possibilités pour le chercheur ; il fera donc l’objet de notre portrait, d’autant qu’il donne un juste aperçu de toutes les fonctionnalités de la base de données. Le choisir conduit à une autre page où l’utilisateur spécifie les critères de sa requête. La base organise les données issues d’un dépouillement manuel qui consiste à consulter différents journaux numérisés sur Gallica, à déterminer la présence de romans-feuilletons et, le cas échéant, à créer une fiche comportant leurs données bibliographiques4. Ce travail est complété par un processus de vérification des transcriptions qui permet d’éliminer autant que possible les erreurs humaines. En date du 31 janvier 2016, le « Rez-de-chaussée » rassemblait environ 500 titres répertoriés (récits et romans-feuilletons). Débutant le 1er juillet 1836, le dépouillement a été effectué jusqu’au 31 décembre 1847 pour Le Siècle et Le Constitutionnel, jusqu’au 31 mai 1846 pour le Journal des débats et jusqu’au 31 décembre 1845 pour La Presse. Ces journaux ont été retenus pour leur rôle de pionniers ou leur impact déterminant dans le développement du roman-feuilleton sous la monarchie de Juillet. Dépouiller la presse pour ainsi nourrir la base de données est ce que nous appelons cartographier le continent feuilletonesque.

Les fiches qui constituent la base de données identifient le titre du roman-feuilleton, l’auteur, le quotidien, les dates de début et de fin de publication, l’indication d’une parution complète ou non, une classification thématique sommaire et le nombre total de feuilletons. Chacun de ceux-ci fait l’objet d’une section spécifique, comportant la date exacte de publication, la mention des pages où le retrouver dans le journal, la première et la dernière phrase du feuilleton5, des indications de chapitre ou de partie et enfin une section destinée aux commentaires pour ajouter des informations supplémentaires, par exemple sur la publication en volume.

Exemple de fiche constituant la base de données : La Vieille fille d’Honoré de Balzac.

Un aperçu des usages possibles

Diverses catégories de recherche sont rendues possibles par la base de données, comme le laisse voir la page de requêtes.

La page de requêtes à partir de laquelle sont lancées les recherches.

Nous retenons d’une part les vérifications ponctuelles, par exemple pour déterminer si un ouvrage a été publié en feuilleton, comme le montre une recherche du titre « Mathilde ».

Résumé de la fiche concernant Mathilde d’Eugène Sue.

La requête peut également viser à établir où et quand un roman a été publié en feuilleton. Il devient tout aussi aisé de vérifier si un quotidien a publié un roman-feuilleton à une date précise, par exemple le 11 juin 1843.

Les récits et romans-feuilletons publiés le 11 juin 1843 répertoriés dans la base de données.

Dans ces cas, la base de données servira à confirmer des informations, à vérifier des éléments précis d’une réflexion autonome. Ainsi, par exemple, un chercheur écrivant un article sur les techniques narratives employées par Eugène Sue dans Mathilde pourrait utiliser la base pour obtenir certaines précisions sur sa publication en roman-feuilleton.

D’autre part, la base de données permet des recherches de plus grande amplitude qui pourront constituer en elles-mêmes le cœur d’une étude. En effet, elle rend possible la création en quelques instants d’une liste de la production feuilletonesque d’un auteur, par exemple Eugène Sue.

La production feuilletonesque d’Eugène Sue répertoriée dans la base de données.

Il est évidemment possible de faire le même travail pour un journal en particulier, de limiter la recherche à une période précise – comme le mois de juin de l’année 1844 – ou encore de combiner ces différentes recherches. Il devient aisé de déterminer quels sont les romans-feuilletons qu’Eugène Sue a publiés dans le Journal des débatsL’Art de plaire (1839) et Les Mystères de Paris (1842-1843) – ou encore d’organiser la production feuilletonesque – au moins en ce qui a trait aux publications – d’Alexandre Dumas entre le 28 août 1844 et le 15 janvier 1846, alors qu’il faisait paraître Le Comte de Monte-Cristo dans le Journal des débats.

Les œuvres d’Eugène Sue publiées dans le Journal des débats.

La production feuilletonesque d’Alexandre Dumas entre le 1er août 1844 et le 31 janvier 1846 dans les journaux dépouillés.

La période se révèle intéressante : Dumas (et non le quotidien) interrompt la publication du roman entre le 26 novembre 1844 et le 20 juin 1845, alors qu’il fait paraître, dans La Presse, La Reine Margot (25 décembre 1844 – 5 avril 18456) ; cependant, la publication de Monte-Cristo reprend pendant que paraît Vingt ans après dans Le Siècle (21 janvier 1845 – 2 août 1845) puis La Dame de Monsoreau dans Le Constitutionnel (27 août 1845 – 12 février 1846). Ces deux derniers quotidiens opposent donc un roman de Dumas à celui, très populaire, que ce même Dumas fait paraître dans le Journal des débats. Notons qu’au début du mois d’octobre 1845 (le 2, le 3 et le 4), Dumas faisait aussi paraître des romans-feuilletons simultanément dans le Journal des débats (Le Comte de Monte-Cristo), Le Constitutionnel (La Dame de Monsoreau) et Le Siècle (Une Amazone, 29 septembre – 4 octobre 1845), occupant ainsi une place enviable dans la sphère médiatique en publiant dans trois des principaux journaux du moment.

Il serait tout aussi simple de répondre à une question que nous avons posée plus haut et de mettre en parallèle les romans-feuilletons qui ont eu la lourde tâche de s’opposer à la conclusion des Mystères de Paris.

Les récits et romans-feuilletons publiés alors que se concluait l’épopée des Mystères de Paris dans le Journal des débats.

Dans La Presse, aucun feuilleton n’a été publié exactement en même temps que la finale du roman, mais, quelques jours après, on y retrouvait 1843 (18 au 25 octobre), une œuvre de Joseph Méry appelée à devenir La Famille Dherbier. Dans Le Siècle, on a pu lire La Ferme de l’Oseraie d’Elie Berthet (13 octobre – 5 novembre), qui a été précédé par Ascanio d’Alexandre Dumas (31 juillet – 4 octobre). Dans Le Constitutionnel, on retrouvait Délivrance et captivité d’Eugène Briffault (4 – 13 octobre), Mademoiselle Chassebœuf d’Étienne Enault (8 au 15 octobre) et Mademoiselle Colasse de Marie Aycard (18 – 20 octobre). Sauf peut-être Ascanio, aucun de ces ouvrages n’a véritablement été retenu par l’histoire littéraire, ce qui n’est pas en soi un constat sans intérêt.

On pourrait ainsi lancer l’hypothèse que plusieurs journaux attendaient la fin du rouleau compresseur qu’a été le roman de Sue pour publier des romans-feuilletons ayant réellement le potentiel de séduire un vaste public. On sait que Le Courrier français n’a entamé la publication des Mystères de Londres qu’en décembre 1843, alors que la parution des Mystères de Paris était complétée mais que le roman était encore présent dans les esprits. La même stratégie a été retenue du côté de La Presse, qui publie Amaury (29 décembre 1843 – 4 février 1844) d’Alexandre Dumas, et du côté du Siècle, qui fait aussi paraître un roman de Dumas : Les Trois Mousquetaires (14 mars – 14 juillet 1844). C’est donc à un nom établi que ces quotidiens ont recours quelque temps après la fin des Mystères de Paris. Sans exagérer l’importance du phénomène, il pointe vers une avenue d’enquête intéressante quant à l’évolution des stratégies éditoriales lorsque l’on se rappelle que, l’année suivante, différents journaux en sont venus à opposer Dumas à Dumas. Sans toujours donner le fin mot de l’histoire – les aléas de la publication feuilletonesque de l’époque, avec toutes ses contraintes éditoriales et auctoriales, sont destinés pour la plupart à nous échapper, faute de documents –, la base de données peut offrir des avenues de réflexion et des pistes de réponses.

Plus précisément, en fournissant de tels « instantanés », l’outil aide à dégager les stratégies de « mise en marché » du roman-feuilleton, lesquelles n’étaient pas sans influencer leur création et leur réception. Il est vrai que l’univers feuilletonesque en était encore à se codifier : Lise Queffélec rappelle que la « naissance » du roman-feuilleton se poursuit en fait jusqu’en 18427, début de la publication des Mystères de Paris, qui ouvre son premier « âge d’or8 ». C’est une époque de tâtonnements. Néanmoins, il s’agit déjà d’un milieu particulier au sein de la sphère médiatique et la base de données permettra de mieux s’y orienter, notamment en mettant en lumière des traces des stratégies éditoriales et des trajectoires auctoriales (auteur fidèle à un journal et auteur passant d’un quotidien à l’autre, évolution du statut d’un romancier au fil de ses productions, etc.).

Concluons ce premier volet en rappelant que ce projet ne vise pas les prouesses technologiques mais la création d’un outil fonctionnel simplifiant et facilitant des recherches auparavant fastidieuses9. Il n’en reste pas moins que ce portrait de la base de données ne doit pas occulter que, malgré cette simplicité technique et cette sobriété, l’outil numérique n’est pas « neutre ». Il infléchit notre perception du médiatique d’une façon qu’il faut tenter de clarifier. Ce sera l’objet du second volet de notre réflexion sur cette rencontre entre le médiatique et le numérique à laquelle donne lieu cette base de données.

Le choc de deux cultures

L’instrument que nous avons conçu participe, selon l’expression popularisée particulièrement par Milad Doueihi, de la « culture numérique ». Insistant sur l’impact substantiel qu’ont les outils qui en sont issus, Doueihi explique que « la culture numérique est faite de modes de communication et d’échanges d’informations qui déplacent, redéfinissent et remodèlent le savoir dans des formes et formats nouveaux, et de méthodes pour l’acquérir et le transmettre10 ». Il souligne son rôle crucial pour « normaliser les formes d’intelligence » et le fait qu’elle est « porteuse de nouveaux paradigmes de la connaissance et d’identité11 ». Dans un même ordre d’idées, Marcello Vitali-Rosati explique que « le numérique n’est pas qu’un ensemble d’outils [,] de dispositifs techniques qui permettent de mieux faire ce que nous faisions avant. […] Le numérique modifie nos pratiques et leur sens12 », « la forme de l’intelligence elle-même » ainsi que « notre rapport au monde13 ». Face à ces vastes perspectives, nous cherchons ici, plus modestement, à interroger l’impact que peut avoir le prisme numérique qu’est la base de données sur le roman-feuilleton, composante de la culture médiatique.

Exhaustivité, externalisation, morcellement

Un travail de cadrage s’impose en premier lieu. Commençons par poser que le principe même de cette base de données semble impliquer un recensement exhaustif de la production feuilletonesque, puisque celui-ci lui fournirait « toutes » les données. Ce dépouillement des quotidiens conduirait à confirmer empiriquement – ou à modifier – les hypothèses et les constats sur ce corpus qui sont pour l’instant fondés sur des coups de sonde. Bien qu’admirables, ces derniers sont des efforts plus ou moins localisés14 qui ne permettent pas d’offrir un portrait global du vaste continent feuilletonesque. Notre projet pourrait donner une impulsion salutaire à cette exploration en proposant un cadre pour articuler et organiser les efforts individuels et en faire un travail collectif et cohérent. Il n’en reste pas moins qu’il faut mettre en perspective ce projet et ses bénéfices potentiels. Il y aura certainement toujours des lacunes dans notre cartographie de la production feuilletonesque et l’exhaustivité que les outils numériques semblent rendre réalisable est un mirage, notamment en raison d’évidentes contraintes pratiques, particulièrement financières. Cependant, même si elle devenait une réalité, elle ne réglerait pas tout.

En effet, il faut remarquer que les outils numériques peuvent accentuer un écart entre la diversité offerte (les romans-feuilletons rendus plus facilement accessibles) et la « diversité consommée15 » (ceux qui sont véritablement consultés). Malgré les possibilités qu’ouvre la dématérialisation des biens culturels – dans ce cas-ci, la numérisation des journaux –, il ne suffit pas de les rendre accessibles pour qu’ils soient nécessairement « consommés ». Ceci nuance une idée séduisante ayant donné lieu à différentes réflexions, notamment sous la plume de Chris Anderson qui a cherché à théoriser la commercialisation des biens culturels à la lumière du phénomène de la « longue traîne16 ». Résumé sommairement, son raisonnement pose que les commerces doivent profiter des coûts d’entreposage et de mise en vente réduits permis par la dématérialisation des biens culturels afin de bonifier l’offre de produits de niche, généralement difficiles à obtenir dans les commerces ayant pignon sur rue. Il affirme que, en 2004, plus de la moitié des ventes d’Amazon aux États-Unis provenait de titres n’apparaissant pas sur la liste des meilleurs vendeurs du site17. Ces produits, pour lesquels il y a une demande limitée – moins importante que celle dont font l’objet les meilleurs vendeurs –, sont bien plus nombreux et peuvent ainsi constituer une partie significative des ventes. Ce sont eux qui forment la « longue traîne ». Grâce à la dématérialisation du commerce, la marge de profit ne sera pas amputée par les coûts importants associés à maintenir une telle variété dans un magasin. La « longue traîne » représente donc selon Anderson une occasion d’affaires exceptionnelle.

On pourrait avoir l’impression que nous nous sommes éloignés de la base de données, mais ce n’est que pour mieux y revenir. La « longue traîne » est d’abord un concept statistique, étudié particulièrement par Benoît Mandelbrot, bien connu pour son travail sur les fractales. Anderson le reprend et l’applique à la vente de biens en ligne, mais il paraît concerner aussi les grands projets de numérisation, l’achat étant remplacé par la consultation. Cependant, ce sont en fait les oppositions que suscite la théorie d’Anderson qui nous semblent particulièrement pertinentes ici (et qui justifient ce détour). En effet, il a été souligné qu’elle nécessite d’autres investissements : « Si la longue traîne ne s’est pas réalisée, ce n’est pas tant que la théorie n’est pas valide, que les conditions économiques pour sa réalisation ne sont pas là18 ». Plus largement, différents chercheurs et commentateurs ont remis en question cette théorie ou ont tenté de montrer qu’elle ne s’applique pas à différents domaines culturels, dont la musique et le cinéma19. Rapportant ici ces réflexions à ce qui nous intéresse, il n’est donc pas clairement établi qu’offrir beaucoup plus de journaux change véritablement le rapport à l’objet médiatique. Subsiste un risque bien réel que les usagers s’en tiennent aux noms déjà connus ; la diversité « consommée » serait alors bien en deçà de la diversité offerte. Cela n’enlève évidemment rien à la nécessité d’accroître cette dernière ; il s’agit plutôt de bien cadrer le « lieu » de cette rencontre du médiatique et du numérique, de le cadrer dans les pratiques qui, elles, sont modifiées. C’est ici que la base de données s’impose par l’impact qu’elle peut avoir sur la conceptualisation même du roman-feuilleton.

Organiser l’information au moyen d’une base de données est un geste qui travaille l’objet médiatique. Willard McCarty, reprenant une description d’Harold Short, offre une modélisation éclairante de ce geste, modélisation qui fait intervenir trois étapes : analyse de l’objet étudié, conceptualisation de l’outil numérique, développement d’interconnexions20. Dans le cas qui nous occupe, deux pratiques particulièrement intéressantes émergent, dans la première et la troisième étape. La première, plus apparente, est ce que nous appelons le « morcellement ». L’élaboration d’une base de données repose sur un « dialogue » entre un spécialiste du contenu – ici médiatique – et un spécialiste du numérique21. Au-delà du parfum ionescien que peut prendre un tel « dialogue » entre littéraire et programmeur informatique, il faut noter que l’usage du numérique externalise ici la recherche, non au moment d’en tirer des conclusions, mais déjà en amont, au moment d’en poser les principes régissant la réflexion. Le fait n’est pas négligeable : le spécialiste littéraire, que l’on serait tenté de croire enclin à nuancer, à faire surgir la richesse et la complexité dans son analyse, est contraint de revoir son approche. Avec l’outil numérique, il doit se livrer d’abord à un effort de simplification et de découpage.

De façon plus précise, la base de données est caractérisée par un « désir conceptuel de simplicité [visant à] préserver la complexité tout en permettant de la gérer22 ». Sa création est balisée par un paradigme de programmation qui peut paraître rigide et contraignant au littéraire en lui imposant des compromis pour se plier aux impératifs informatiques23. Par exemple, du point de vue du chercheur s’intéressant à des enjeux littéraires ou médiatiques, il est raisonnable de prendre le roman-feuilleton (l’œuvre publiée) comme point de départ. Cependant, du point de vue informatique, il est plus logique de détailler la publication en prenant pour unité de base le feuilleton, c’est-à-dire l’épisode publié dans un quotidien à une date précise. Ce changement de perspective, ce « morcellement », modifie ainsi la hiérarchisation des composantes de l’objet médiatique étudié et conduit à repenser sa conception. La seconde pratique annoncée plus haut a des conséquences encore plus fécondes, tout en présentant un mouvement inverse.

Réseaux feuilletonesques

Rappelons d’abord que l’ampleur du corpus n’est pas le seul problème que rencontre le chercheur qui s’intéresse au roman-feuilleton : s’y ajoute aussi le fait que celui-ci ne se plie pas aisément aux classifications traditionnelles. Nous avons déjà évoqué qu’il trouve difficilement sa place dans les index et catalogues des bibliothèques et qu’il résiste aux chantiers de numérisation. Dans ceux-ci, les romans-feuilletons ne sont repérables que par leur lieu de publication (le journal) alors que les études littéraires privilégient plutôt le nom de l’auteur et le titre. De fait, ces romans ne sont souvent considérés que comme un état intermédiaire de l’œuvre, avant que celle-ci ne se stabilise en volume. Cette perspective est évidemment trop limitée. Organisant les textes numérisés et y créant de l’ordre, la base de données permet d’apprécier l’œuvre comme feuilleton, et non comme une simple étape préparatoire à la publication en livre. Ce changement de perspective a un impact considérable sur notre conceptualisation de ces romans.

Afin d’atteindre la spécificité, notre outil doit en effet poser des caractéristiques suffisamment précises pour désigner l’œuvre, mais ayant aussi une portée générale, parce que c’est dans la mise en relation des romans que la base de données trouve véritablement sa raison d’être. Ce faisant, elle éclaire une autre facette de la richesse de ces œuvres puisqu’elle outille le chercheur pour passer de l’étude d’un ou de plusieurs romans-feuilletons à celle du roman-feuilleton comme un réseau où ces œuvres prennent leur place. Cette approche semble particulièrement féconde dans ce corpus où il importe de ne pas s’en tenir à une perspective limitée aux quelques « canons » et grands noms qui ont marqué l’histoire littéraire, mais qui sont, par définition, exceptionnels. La base de données contribue de fait à revitaliser la lecture des feuilletons.

Prenons un premier exemple pour illustrer ce phénomène : les mystères urbains. Ces romans forment un vaste réseau affectant tant leur écriture que leur lecture, comme l’ont montré les recherches des dernières années sur ce gigantesque corpus24. Initialement feuilletonesque, le phénomène des mystères urbains a largement débordé les pages des journaux et a pris d’assaut la littérature et la culture populaires, ce qui explique qu’il soit encore connu aujourd’hui. La base de données vise à permettre de repérer des phénomènes comparables, bien que sans doute de plus petite envergure, et à dégager des configurations signifiantes pour notre compréhension de la production feuilletonesque. Pensons par exemple aux œuvres de commande qui peuvent être influencées par l’orientation d’un journal ou qui peuvent être une réaction à l’actualité, notamment aux réussites d’auteurs ou de quotidiens concurrents (rappelons l’exemple des Mystères de Londres). Agrégeant des informations qu’elle permet de reconfigurer de multiples façons, la base de données s’avère utile pour se pencher sur ces phénomènes feuilletonesques.

Dans un ordre d’idées similaire, l’outil numérique qui nous occupe ici simplifiera l’étude de la trajectoire professionnelle d’auteurs méconnus. Prenons le cas de François Coquille, qui a abondamment publié dans Le Constitutionnel entre juin 1840 et janvier 184425. La base de données, fournissant instantanément un portrait de sa production feuilletonesque, montre une tendance sans équivoque dans les vingt récits qu’il fait paraître. Onze de ses treize premières publications ne comportent que deux ou trois feuilletons. Ensuite, à partir du 8 novembre 1842, après avoir fait ses preuves, il ne publie dans le journal que des œuvres plus longues ayant entre neuf et quatorze feuilletons, à une exception près. La division est trop nette pour n’y voir qu’une coïncidence, d’autant que la carrière au Constitutionnel d’autres auteurs suit la même progression, comme celle d’Augustin Chevalier. Cette tendance jette un autre éclairage sur ses œuvres, laissant voir l’impact des impératifs éditoriaux sur leur écriture. La base de données sera utile pour déterminer si ce cas a une valeur représentative quant à la progression, dans les journaux parisiens, des feuilletonistes de la monarchie de Juillet qui ont été oubliés par l’histoire littéraire.

Arrêtons-nous un instant sur le « risque » d’un relativisme de mauvais aloi, donnant autant de visibilité dans la base de données à des « François Coquille » et des « Augustin Chevalier » qu’à Honoré de Balzac, George Sand, Alexandre Dumas ou Eugène Sue. Même si l’outil délaisse les hiérarchies traditionnelles des œuvres et des auteurs, la crainte n’est pas fondée : la base de données n’a pour objectif que de compléter les autres instruments disponibles, dont les manuels d’histoire littéraire qui établissent ces hiérarchies (qui doivent par ailleurs être interrogées et non simplement acceptées). Elle sert à mettre au jour différentes facettes d’un corpus qui est généralement examiné à travers la lentille du rapport aux œuvres institutionnalisées, laquelle laisse dans l’ombre plusieurs phénomènes cruciaux.

Il serait possible – mais fastidieux – de multiplier les exemples de tels phénomènes dont la connaissance améliorerait notre compréhension de la production feuilletonesque de l’époque. Revenons plutôt à ce déplacement de perspective vers l’étude du roman-feuilleton en tant que réseau où prennent place des œuvres. S’il ne fait aucun doute qu’un roman-feuilleton est une œuvre littéraire autonome en bonne et due forme, nous avons vu qu’il est également approprié et fécond de l’étudier en posant qu’il tire une partie de son sens d’un système où il tente de s’intégrer. Pour préciser ce changement de perspective, prenons comme point de départ une hypothèse d’Alessandro Baricco : « [l’] idée stupéfiante qu’une chose […] n’a de sens et d’importance que si elle peut s’insérer dans une séquence plus vaste d’expériences26 ». Le passage, tiré de son ouvrage Les Barbares : essai sur la mutation, décrit le fonctionnement du moteur de recherche de Google, ce qui semble nous éloigner du roman-feuilleton, mais la formule résume en fait le cœur d’une réflexion sur un sujet plus vaste dont notre objet est indissociable.

Avec cet essai, Baricco envisage une « nouvelle forme d’énergie, de sens, de civilisation27 » dans une réflexion volontairement provocante, où il associe allègrement parmi les symptômes de ce phénomène le délabrement du football moderne, l’état actuel du monde littéraire, le développement de la consommation de vin au XXe siècle et la conception de la muraille de Chine. Un résumé sommaire du propos de Baricco en dirait qu’il oppose deux paradigmes du savoir. Dans le premier, issu de la bourgeoisie du XIXe siècle, « l’accès au sens profond des choses se faisait par l’effort. Temps, érudition, patience, application, volonté. Il s’agissait littéralement d’aller en profondeur, en creusant la surface de pierre du monde28 ». Ce paradigme implique ainsi une valorisation des œuvres qui ne sont pas faciles. Le second, plutôt ancré dans la deuxième moitié du XXe siècle selon Baricco, malgré des ramifications plus anciennes, repose sur « l’idée que l’intensité du monde ne vient pas du sous-sol des choses, mais de la lumière d’une séquence dessinée à la hâte sur la surface de l’existant29 ». Une telle « consommation » s’accompagne d’une circulation – d’un « best-seller » à l’autre, d’un film hollywoodien à grand déploiement à l’autre, etc. – qui crée ce réseau donnant leur sens aux différentes œuvres qui le constituent. Baricco explore notamment l’idée d’une lecture visant à « compléter des séquences de sens qui sont nées ailleurs », offrant comme exemples les « livres qui ont donné lieu à un film [qui est vu avant que le livre « source » ne soit lu et les] romans écrits par des vedettes30 » qui ont en commun de trouver leur place au sein de « séquences de sens » préexistantes qui débordent le domaine littéraire. Nous retrouvons ici les enjeux de notre propre réflexion. Le cas des mystères urbains vient à nouveau à l’esprit, chacun d’eux pouvant être lu comme un élément du vaste réseau culturel – et non simplement littéraire – que convoque leur titre et dont ils tirent une partie de leur richesse, de leur sens. De même, on voit bien comment la culture numérique s’intègre parfaitement aux modalités de ce second paradigme : elle est à la fois artisane et tributaire de celui-ci.

Ce rapprochement entre notre objet et celui de Baricco s’impose d’autant plus que la périodisation que trace l’essayiste soulève des difficultés. Il affirme que le « culte de la profondeur31 » émerge avec la bourgeoisie du XIXe siècle et que le paradigme de la quête de sens « horizontale » ne vient que plus tardivement. Il fonde ce constat sur l’examen de pratiques institutionnalisées de la littérature, de la musique et de la peinture. Pourtant, ces paradigmes coexistent dès la monarchie de Juillet, comme on le constate si l’on se tourne plutôt vers d’autres pratiques, notamment médiatiques et particulièrement feuilletonesques. Ces dernières peuvent en effet relever du paradigme de sens « horizontal ». À leur propos, remarquons, comme l’ont déjà fait différents chercheurs32, que s’y entremêlent étroitement l’écriture, les contraintes de la publication en épisodes, les impératifs éditoriaux des journaux, le rapport à l’actualité et la réception des lecteurs. En d’autres mots, la lecture du roman-feuilleton est souvent cadrée par une perception mettant les œuvres en relation entre elles ou avec d’autres « séquences de sens » ; cette lecture est de ce fait marquée par une perspective « horizontale ». Les hypothèses de Baricco trouvent ici une réelle pertinence pour nous, plutôt comme outil heuristique fécond que comme cadre théorique complet.

Il ne s’agit pas de tomber dans l’anachronisme et de plaquer sans précaution le contexte de cette fin de XXe siècle que décrit d’abord Baricco sur le second tiers du XIXe. Nous souhaitons simplement souligner que cette mutation, omniprésente aujourd’hui selon lui, s’est déjà manifestée auparavant. Lorsque Baricco affirme que la « mutation » qu’il étudie « reformule radicalement le concept même de qualité [, l’] idée de ce qui est important et de ce qui ne l’est pas33 » et donc bouleverse le paradigme bourgeois de la profondeur, il décrit, comme il l’affirme, un phénomène du XXe siècle. Pourtant, il résume également le cœur même de la « querelle du roman-feuilleton » au XIXe, comme le montre l’analyse éclairante de ses enjeux qu’a offerte Lise Dumasy34. Dans ce contexte, il ne s’agit plus de rapprocher sur la base d’une analogie deux réflexions indépendantes – la nôtre et celle de Baricco – mais d’observer qu’elles se recoupent sur certains objets, à commencer par le roman-feuilleton. Conséquemment, les propositions de Baricco d’employer des critères de compréhension et d’appréciation différents de ceux associés au paradigme de la profondeur sont ici appropriées. Avec d’autres, elles pourront contribuer à dégager les séquences qui donnent au feuilleton une partie intégrante de son sens. Cette tâche s’impose puisque ce corpus a joué un rôle crucial dans l’évolution de la littérature et de la culture occidentale. En raison des possibilités de recherche qu’elle ouvre, la base de données pourra contribuer à ce travail.

En cartographiant le continent feuilletonesque, la base de données œuvre donc à la fois à éclairer des auteurs et des titres auparavant demeurés dans l’obscurité et à éclairer des réseaux n’appartenant pas à l’histoire littéraire traditionnelle mais néanmoins incontournables pour comprendre ce vaste pan de la littérature. En en proposant une représentation plus étoffée, elle permet de se pencher de façon originale sur un corpus longtemps réduit par les discours critiques à des œuvres répétitives régies en majorité par des visées mercantiles. Plus précisément, il n’est pas question de faire table rase de l’histoire littéraire, mais de nous en libérer partiellement et temporairement. L’objectif consiste à mieux saisir comment le continent feuilletonesque était perçu à l’époque, en inscrivant les œuvres dans ces réseaux bel et bien présents pour ceux qui y œuvraient et pour ceux qui lisaient ces ouvrages. En d’autres mots, de par son organisation « relationnelle », la base de données pourrait permettre de mieux comprendre comment le roman-feuilleton s’intègre véritablement à son écosystème médiatique du XIXe siècle.

En guise de conclusion

Le portrait que nous avons proposé ici de cette base de données du roman-feuilleton sous la monarchie de Juillet se conclut sur un certain nombre d’interrogations. Nous avons tenté d’expliciter comment la base de données facilite les reconfigurations du roman-feuilleton pour l’observer sous de multiples angles et éclairages. S’arrêter à un découpage temporel précis, à la production feuilletonesque d’un auteur ou d’un journal deviennent grâce à elle des opérations élémentaires qui permettent toutefois d’éclairer des enjeux incontournables de ce mode de publication. La base de données se veut ainsi un outil pour approfondir autant que possible la compréhension de la production feuilletonesque. Bien qu’elle vise à être aussi sobre et aussi efficace que possible, comme nous avons cherché à le montrer, elle n’est pas neutre. Il s’avère donc nécessaire de poursuivre la réflexion quant au fait que cet outil numérique ne s’en tient pas à décrire l’objet médiatique qu’est le continent feuilletonesque, mais influence inévitablement la conception que nous en avons.

Cet instrument technologique aux ambitions modestes participe aux changements que la culture numérique impose à la culture médiatique. On pense par exemple aux effets du remplacement du papier, en particulier du côté des lecteurs dont l’expérience de la presse écrite du XIXe siècle se résume à celle permise par les outils numériques. Il ne s’agit pas simplement d’une réorganisation de l’information du journal, d’autant que l’on peut en retrouver la mise en page originale. Milad Doueihi évoque comment la « culture numérique » modifie notre rapport à la mémoire et suscite une « anthologisation » du savoir35. Il avance que cette « fragmentation, après une première époque, est aujourd’hui en mutation vers un retour du récit et du narratif36 ». Les réseaux que nous exhumons pourraient être de tels récits, construits à partir d’un savoir au préalable « anthologisé » par notre outil numérique. Le dépouillement du corpus feuilletonesque dont dépend la base de données permettra de découvrir ce que nous ignorons encore de celui-ci ; la base elle-même facilitera aussi ce travail mais également la redécouverte de ce que l’on croyait connaître. Elle contribuera à (ré)explorer ce continent feuilletonesque et à en offrir une cartographie générale révélant les reliefs que le temps et l’histoire littéraire ont émoussés.

(Université de Waterloo)

Bibliographie

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Notes

1  Un calcul rudimentaire nous conduit à postuler environ 360 publications par année, de quatre pages chacune, pour six journaux, pendant onze années et demie, pour un total de 99 360 pages. Si la réalité est évidemment plus complexe, ceci donne tout de même un aperçu révélateur de l’ampleur de cet objet.

2  Google News Archive vient aussi à l’esprit (https://news.google.com/newspapers?hl=fr).

3  3 485 lors d’une vérification effectuée le 18 janvier 2016.

4  Ce dépouillement, toujours en cours, est réalisé, hormis notre contribution personnelle, par des assistants de recherche de premier cycle du département d’Études françaises de l’Université de Waterloo, grâce au concours du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH). Nous en profitons pour remercier pour leur travail rigoureux et minutieux Daniel Couture, Sarah Kuhn et Hannah Reichert.

5  Ceci afin de faciliter le repérage lorsque sont survenues des modifications dans le titre ou le découpage des chapitres lors du passage en volumes.

6  Voir à ce sujet Claude Schopp, Alexandre Dumas : "le génie de la vie", Paris, Fayard, 1997, pp. 380-381.

7  Lise Queffélec, Le Roman-feuilleton français au XIXe siècle, Paris, Presses universitaires de France (« Que sais-je ? »), nº 2466, 1989, p. 11.

8  Jean-Claude Vareille, L’Homme masqué, le justicier et le détective, Lyon, Presses universitaires de Lyon (« Littérature et idéologies »), 1989, p. 17.

9  Ajoutons que les résultats pourront aisément être exportés puisqu’il est possible de les sauvegarder en format « Portable Document File » (.pdf).

10  Milad Doueihi, La Grande conversion numérique, Paris, Éditions du Seuil (« La Librairie du XXIe siècle »), 2008, p. 37.

11  Ibid., respectivement, p. 32 et p. 29.

12  Marcello Vitali-Rosati, « Pour une définition du numérique », dans Marcello Vitali-Rosati et Michael Eberle Sinatra (dir.), Pratiques de l’édition numérique, Montréal, Presses de l’Université de Montréal (« Parcours numériques »), 2014, p. 70. Notons que le livre, disponible en format papier, est accessible en ligne gratuitement à l’adresse suivante : http://www.parcoursnumeriques-pum.ca/pratiques.

13  Ibid., respectivement p. 70 et 71.

14  Nous pensons par exemple au travail de recensement de René Guise effectué dans sa thèse de doctorat (Le Roman-Feuilleton (1830-1848) : la naissance d’un genre, thèse principale pour le Doctorat d’État, Université de Nancy, 1975), à celui de Lise Queffélec pour le journal La Presse dans sa thèse de doctorat (Naissance du roman populaire à l’époque romantique. Étude du roman-feuilleton de La Presse de 1836 à 1848, Paris-Sorbonne, 1983) et à celui consacré aux romans-feuilletons publiés en 1844 que l’on retrouve dans Hans-Jörg Neuschäfer, Dorothee Fritz-El Ahmad et Klaus-Peter Walter (dir.), Der Französische Feuilletonroman : Die Entstehung Der Serienliteratur Im Medium Der Tageszeitung,Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1986. (Tous nos remerciements à Jean-Luc Buart et à Marie Léger Saint-Jean pour leurs indications, respectivement sur le recensement de Guise et sur celui de Neuschäfer.)

15  Voir à ce sujet Pierre-Jean Benghozi et Françoise Benhamou, « Longue traîne : levier numérique de la diversité culturelle ? », dans Culture prospective : production, diffusion et marchés, (2008), pp. 1-11, [en ligne].  http://www2.culture.gouv.fr/deps/fr/traine.pdf [Site consulté le 13 mai 2015]. Nous empruntons également à cet article les expressions « diversité offerte » et « diversité consommée » (p. 5).

16  Chris Anderson, « The Long Tail », Wired, (octobre 2004), [en ligne].  http://archive.wired.com/wired/archive/12.10/tail.html [Site consulté le 13 mai 2015].

17  Id.

18  Hubert Guillaud, « Pourquoi la longue traîne ne marche pas ? », Le Monde, (24 juin 2014), [en ligne].   http://lafeuille.blog.lemonde.fr/2014/06/24/pourquoi-la-longue-traine-ne-marche-pas/ [Billet de blogue consulté le 13 janvier 2016].

19  En plus de l’étude de Pierre-Jean Benghozi et Françoise Benhamou et du billet de blogue d’Hubert Guillaud déjà cités, voir notamment l’article de Daniel Kaplan intitulé « Que faire de la longue traîne ? » (paru le 22 janvier 2009 sur le site Internetactu.net, [en ligne]. http://www.internetactu.net/2009/01/22/que-faire-de-la-longue-traine/ [Site consulté le 13 janvier 2016].

20  Willard McCarty, Humanities Computing, Basingstoke (Angleterre) et New York, Palgrave Macmillan, 2005, p. 121 ; nous traduisons. McCarty décrit ensuite longuement ces étapes (pp. 121-129).

21  Il se peut évidemment qu’il s’agisse d’une seule et même personne ; nous souhaitons ici simplement faire ressortir qu’il s’agit d’une rencontre entre deux champs de recherche bien distincts.

22  Willard McCarty, op. cit., p. 126.

23  Ibid, p. 122.

24  Voir notamment Marie-Ève Thérenty, « Mysterymania. Essor et limites de la globalisation culturelle au XIXe siècle », numéro « Conquêtes du roman », Romantisme, n° 160 (2), 2013, pp. 53-64 et Dominique Kalifa et Marie-Ève Thérenty (dir.), Les Mystères urbains au XIXe siècle : circulations, transferts, appropriations, [en ligne]. http://www.medias19.org/index.php?id=21999 [Dernière consultation le 17 janvier 2016].

25  Tout autant que son patronyme, son absence du catalogue de la Bibliothèque nationale de France et des divers dictionnaires consultés laisse penser qu’il pourrait s’agir d’un nom fictif. Cependant, à la lecture des différentes œuvres signées sous ce nom et publiées dans Le Constitutionnel, on peut tout de même postuler que celles-ci sont l’œuvre d’une même plume, peu importe l’identité « réelle » de celui qui la tenait.

26  Alessandro Baricco, Les Barbares : essai sur la mutation, Paris, Gallimard, 2014, p. 102.

27 Ibid., p. 59.

28 Ibid., pp. 149-150.

29 Ibid., p. 165. Baricco l’illustre notamment en évoquant « l’homme horizontal (p. 153) et l’image du « surf » (154).

30  Ibid., p. 88.

31  Ibid., p. 155.

32  Lise Queffélec rappelle, pour n’en offrir qu’un exemple, la sensibilité du roman-feuilleton à l’actualité (Le Roman-feuilleton français au XIXe siècle, op. cit., p. 29).

33  Ibid., p. 115.

34  Lise Dumasy (dir.), La Querelle du roman-feuilleton : littérature, presse et politique. Un débat précurseur (1836-1848), Grenoble, ELLUG, 1999. Voir particulièrement les pages 5 à 21.

35  Milad Doueihi, op. cit, respectivement p. 152 et 21.

36  Ibid.

Pour citer ce document

Nicolas Gauthier, « Premiers pas d’une cartographie numérique du continent feuilletonesque », Les journalistes : identités et modernités, actes du premier congrès Médias 19 (Paris, 8-12 juin 2015). Sous la direction de Guillaume Pinson et Marie-Ève Thérenty Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/les-journalistes-identites-et-modernites/premiers-pas-dune-cartographie-numerique-du-continent-feuilletonesque