Les journalistes : identités et modernités

Ceux qui ″font″ le journal : les discours sur la place et le rôle des premiers secrétaires de rédaction au tournant du XXe siècle

Table des matières

JOËL LANGONNÉ

Le journal peut être considéré comme une œuvre collective, comme un objet qui ne concerne pas que les journalistes. Depuis ce point de vue, le postulat pourrait être : tous ceux qui travaillent dans le journal font quelque chose au journal. Pour essayer d'étayer cela, nous centrons ici notre observation sur un espace particulier : l'atelier de composition, ou le prépresse. Dans le circuit de fabrication de l'information, c'est l'étape où les articles des journalistes sont mis en forme, sont « dessinés » par les typographes dans l'objet journal. Quand on s'intéresse à l'atelier de composition, on s'intéresse aux machines qui s'y trouvent et on s'intéresse aussi aux deux autres types d’acteurs présents : les ouvriers typographes et les journalistes secrétaires de rédaction, les « SR ». Ce travail va concerner surtout le SR, une figure aujourd'hui délaissée ou même inconnue du journalisme qui se raconte, mais qui est pourtant un acteur central du monde du journal.

Nous allons évoquer son apparition, au milieu du XIXe siècle et la façon dont quelques observateurs d'alors en parlent. Nous nous basons en particulier sur ce qui est raconté dans six ouvrages consacrés au journal et au journalisme, quatre manuels et trois exposés, rédigés entre 1829 et 19251. Nous nous appuyons aussi sur certains des premiers numéros du bulletin du Syndicat national des journalistes (désormais SNJ), créé en même temps que le syndicat, en 1918.

À cette époque, le SR n'était pas encore un inconnu dans monde du journal. Il occupait au contraire une place de choix dans la description des différents types de journalistes. Dans ces années-là en plus, il y a peut-être une absence relative de discours normatifs pour parler du journal, du journalisme et des journalistes, du coup, quand les auteurs évoquent la place et le rôle du SR, ils le font en agitant le monde du journal tout entier.

Nous allons voir ici comment le discours sur les SR s'est peu à peu agrandi, s'est étoffé à mesure que la fonction se précisait, en commençant par l'évocation d'un SR un peu imposteur jusqu'à la description d'un homme-orchestre, au centre de la « cuisine » rédactionnelle, en passant par la figure du « SR ordinaire », obscur tâcheron des rédactions. Tous ceux-là partagent certaines communautés d'initiatives avec les SR d’aujourd'hui.

SR qui signe, SR qui contrôle

C'est Bernard Voyenne qui dit que l'acte de naissance de la profession de journaliste « est entaché de quelque bâtardise. » (Voyenne, 1959, p. 901). Le SR ne fait pas exception. Il est bâtard parce qu'il est né « à la limite de la direction et de la rédaction » (Martin, 1981, p. 71).

En fait, sous la seconde République (1848-1851), en juillet 1850, le parti de l'Ordre vote une loi répressive qui impose à la presse ce qu'on appelle la « signature obligatoire ». Cette loi participe de toute une série de décisions qui vont encore restreindre la liberté de la presse sous le Second Empire (1852-1870). Elle aura aussi, d'une certaine manière, des effets inattendus mais importants, comme par exemple celui de contribuer à « sortir le journalisme de son indignité » (Ruellan, 1997, p. 16). Car signer, c'est aussi accéder à la notoriété et peut-être même à la notabilité. Mais en ce qui concerne plus précisément notre sujet, cette loi marque l'acte de naissance, ou du moins la généralisation des SR (Martin, 1981 et 1997 ; Van Den Dugen, 2011). En fait, certaines des personnalités extérieures au journal et qui y rédigent des articles ne souhaitent pas se faire connaître, ni avant ni après la loi. Ce sera désormais au secrétaire de rédaction de signer pour tous ceux-là. C'est sa première fonction.

Le second rôle du secrétaire de rédaction est une tâche de surveillance. En effet, le titre octroie aussi un pouvoir de contrôle sur l'ensemble de la production éditoriale du journal. Plus qu'un contrôle formel, comme on peut le voir aujourd'hui, il s'agit surtout d'un contrôle « politique » exercé par le SR sous la seule autorité du rédacteur en chef ou du directeur, dont il est le bras droit, l'« auxiliaire direct » (Martin, 1981, p. 20). En fait, tout se passe comme si le SR déchargeait le rédacteur en chef d'une partie de son travail. Les descriptions de la place et du rôle des rédacteurs en chef d'avant 1850 (il en existait dans certains journaux d'importance) sont par certains aspects superposables à celles qui seront faites des SR de la fin du XIXe siècle. Voici, par exemple, comment le littérateur et journaliste Horace-Napoléon Raisson évoque le rédacteur en chef lambda en 1829 :

Les fonctions de ce rédacteur […] ne sont pas une sinécure […]. C'est sur lui que roule presque toute la polémique journalière ; c'est lui aussi qui préside à la composition du journal, et à la correction des épreuves […]. Il ne supporte en rien la responsabilité des articles qui peuvent déplaire à quelque amour propre susceptible. […] Le rédacteur en chef […] reçoit tous les livres déposés au bureau […] avant de les remettre à ses co-rédacteurs. (Raisson, 1829, p. 143-144)

Le SR – sa place, son rôle – est contenu dans cette définition. C'est un intermédiaire de plus dans la chaîne hiérarchique des journaux. Il se trouve que la création et la généralisation du poste de SR participe de la mise sous tutelle de la presse, une presse « modelée par une succession de régimes autoritaires » tout au long du XIXe siècle (Martin, 1981, p. 20). C'est au sein d'un dispositif de contrôle de l'information de plus en plus serré, de plus en plus complexe (Robert, 2011), que le SR se fait sa place. Il serait l'un des généraux (avec les rédacteurs en chef et les chefs de rubriques, qui apparaissent à la même époque) de ce que Marc Martin appelle « une petite armée mexicaine » (Martin, 1997, p. 20).

SR a double compétence, donc : SR prête-nom pour les articles des notables qui ne souhaitent pas signer et SR censeur d'une information politique très contrôlée. Nous n'avons trouvé, jusqu'à présent, que très peu de documents qui proposeraient de décrire le travail au quotidien de ce secrétaire de rédaction-là. Ce que nous pouvons dire, c'est que près de vingt ans plus tard, dans un ouvrage consacré au « Journal et au Journaliste » parut en 1868, c'est le SR-qui-signe que l'auteur décide de décrire. Edmond Texier, fin connaisseur du monde du journal d'alors, écrit : « Le secrétaire de rédaction est né le lendemain de la signature obligatoire. Le jour où la loi […] paru, on trouva moyen de l'éluder en partie en créant le secrétaire » et « on le créa de rien, comme Dieu créa le monde. En effet, le secrétaire de rédaction n'écrit pas, il signe les articles » (Texier, 1868, p. 45). Et pour l'auteur, c'est tout. Mais ce n'est pas rien. Nous disions « bâtard », au début ; or, Texier nous fait comprendre que cette position de l’entre-deux confine à l'imposture.

De manière assez venimeuse, il explique au lecteur d'alors que Boniface, par exemple – Boniface SR au Constitutionnel – ne niera pas, en public, avoir écrit un article qui a pu « ébranler le monde politique ou financier » (Texier, 1868, p. 46). Ce même Boniface, apprend-on, ne confirmera jamais, en public, que c'est le ministre des Affaires étrangères qui est l'auteur de l'article signé « Boniface »... Texier affirme encore que « Boniface est une puissance qui s'ignore ; il fait la hausse ou la baisse sans s'en douter » (Texier, 1868, p. 46). Pas sûr que Boniface ignore sa puissance. Toujours est-il qu'à l'orée de la Troisième République, le SR semble déjà occuper une place à part dans le journal et, derrière la malice distillée par Texier, on doit retenir que le personnage décrit se situe du côté de ceux qui décident, de ceux qui contrôlent, de ceux qui ont le pouvoir ; comme le dit Marc Martin en parlant de ces années, « [l]e secrétaire de rédaction est l'homme de confiance de la direction » (Martin, 1997, p. 20).

SR besogneux

À partir de 1860, la grande presse populaire, initiée par des titres comme La Presse ou Le Siècle, se développe. Le Petit Journal emprunte dès 1863 la voie de la presse industrielle, suivi par Le Petit Parisien (1888), Le Journal (1892), L'Écho de Paris (1900) ou Le Matin (1903).

Ce qui ne change pas

Les discours qui décrivent la place et le rôle des SR évoluent. Du moins évoluent en partie, car ce dernier reste décrit en tant que membre haut placé dans la hiérarchie du journal. En fait, les lois de 1881 confirment l'évolution des rédactions dans un sens autoritaire. Car ce sont désormais les directeurs ou leurs représentants qui endossent la responsabilité première des crimes et des délits commis par voie de presse. Le journaliste est désormais à l'abri de la justice et les directions se sentent d'autant plus justifiées à contrôler leurs écrits. Le SR demeure donc l'un de ces relais de contrôle. Le plus efficace peut-être.

« Il est le bras droit du rédacteur en chef », nous dit le baron Tanneguy de Wogan en 1899, dans son Manuel des gens de lettres (de Wogan, 1899, p. 151) ; et, qui plus est, le bras droit d'un rédacteur en chef qui « décharge sur lui beaucoup de soins », explique Eugène Dubief dans un ouvrage consacré au journalisme, paru en 1892 (Dubief, 1892, p. 98). D'ailleurs, si le rédacteur en chef est absent, le SR peut le remplacer au pied levé ; il est en fait à même de remplacer n'importe quel rédacteur du journal. À ce train-là, nul n'est irremplaçable, sauf le SR évidemment. Ainsi, dans un manuel de journalisme paru 1906, l'auteur assèche la fonction de rédacteur en chef, au profit des compétences du SR : « Dans nos journaux, les fonctions de rédacteur en chef n'existent plus guère que comme titre honorifique » (Jamati, 1906, p. 93). Dans un autre manuel, paru en 1920, l'auteur et journaliste Robert de Jouvenel abonde en ce sens : « C'est le secrétaire de rédaction qui fait le journal. […] Quelquefois le rédacteur en chef est un directeur véritable […] le plus souvent, il n'est rien de plus qu'un secrétaire de rédaction » (Jouvenel, 1920). Dès lors, « le secrétaire de rédaction est le véritable lieutenant du directeur […]. Il est son confident, le dépositaire de l'esprit du journal, le gardien des intérêts de la maison. […] Il surveille ses collaborateurs, les inspire, leur transmet les instructions du directeur, dirige le reportage. » Bref, « le secrétaire de rédaction est responsable devant son directeur de tout le journal, de son esprit, de son aspect » (Jamati, 1906, p. 93-94). Depuis 1850, le SR occupe donc une place située « à la limite de la direction et de la rédaction ». Cet aspect-là demeure inchangé.

« Le plus occupé des occupés »

Par contre, le SR décrit est désormais un SR besogneux. « Il parle peu, le secrétaire de rédaction », nous dit Dubief, « il est trop occupé pour cela. C'est le plus absorbé des absorbés » (Dubief, 1892, p. 98). Le baron de Wogan abonde en ce sens en 1899 : « C'est l'homme le plus occupé du journal. C'est l'activité faite homme » (de Wogan, 1899, p. 51). Même son de cloche en 1906, quand l'auteur et journaliste Vincent Jamati peint un SR « astreint, dès la première heure du jour, à un labeur considérable et ingrat, régulier dans ses grandes lignes quoique très varié dans les détails. […] Sa vie se passe dans une perpétuelle et crispante tension de nerfs, l'esprit toujours en éveil et l'œil à tout, ne pouvant se donner un instant de répit tant qu'il n'a pas mené à bien ses multiples occupations » (Jamati, 1899, p. 92-93).

Quelles sont ces « multiples occupations », justement ? L'ouvrage de 1869, qui marque la première évocation de la place et du rôle des SR dans le journal, ne dit pas vraiment ce qu'il fait. Par contre, dans chacun des ouvrages cités, parus entre 1892 et 1906, ses activités sont décrites « par le menu ». Nous disons « activités décrites ″par le menu″ » à dessein : c'est parce que le secrétaire de rédaction s'occupe de « cuisine ». Comme le dit Jamati, le secrétaire de rédaction gère « la cuisine du journal » (Jamati, 1906, p. 93).

Le SR et la cuisine du journal

En 1892 déjà, Dubief écrivait que le SR « taille, rogne, assaisonne, cuisinier de toute cette cuisine » (Dubief, 1892, p. 98). De fait, à la fin du XIXe siècle, « cuisine » est un terme usité et assez précis dans le monde du journal. En 1886 en effet, Émile Littré (qui fut journaliste) sort un supplément à son Dictionnaire de la langue française et l'entrée « cuisine » y est augmentée, précisée. On y lit :

« La cuisine d'un journal », opérations qui consistent surtout à disposer matériellement les articles déjà composés typographiquement ; on a un double décimètre divisé en millimètres, afin de mesurer exactement la place à remplir et le nombre de lignes convenable2.

La cuisine d'un journal, c'est donc d'abord et avant tout boucher les trous qui restent parfois lorsqu'une page est composée. Boucher des trous avec des articles d’autres journaux3 ou avec des articles prévus à cet effet, des articles qui ne servent qu'à ça. À ce sujet, précisons qu'à un moment de nos recherches, nous nous sommes rendu à la BNF, pensant mettre la main sur le journal interne de l'Association des secrétaires de rédaction (créée en 1901). Le titre que nous convoitions s'appelait Coups de ciseaux. Le journal des secrétaires de rédaction et paraissait dans les années 30. Las ! Il s'agissait en fait d'une publication destinée à faciliter cette « cuisine » décrite par Littré : nous sommes tombés sur un journal rempli d'articles bouche-trous à l'usage des SR. En tentant de mettre la main sur des discours de SR, nous avons rencontré, précisément, la cuisine de SR. Fermons cette anecdote de terrain pour revenir à la question posée : quelles sont les occupations du SR ?

D'une part, le secrétaire de rédaction est un secrétaire4. Il a en charge la « corvée de correspondance » (Wogan, 1899, p. 151). C'est aussi à lui que sont adressés les billets de théâtre et de concerts, les entrées aux conférences et aux différentes réunions politiques, sociales, scientifiques, « qui remplissent la journée parisienne » (Wogan, 1899, p. 152), c'est lui qui demande les permis de chemin de fer, etc. En fait, « c'est lui qui fait tout », dit Dubief, « et bien d'autres choses encore » (Dubief, 1892, p. 98).

D'autre part, il est quand même un peu journaliste. Alors chaque matin, il lit les journaux politiques parisiens ou régionaux – s'il habite une ville de province –, il bâtonne les passages à découper pour les reproduire, les commenter ou les soumettre aux rédacteurs qui auraient intérêt à en prendre connaissance. Jamati appelle cela « la besogne d'extraction ». Il doit aussi trier les « bulletins spéciaux » fournis par les agences, pour en tirer les informations politiques et financières. Pendant qu'il dépouille tout cela, les articles des rédacteurs attitrés arrivent en rédaction. Le SR relit la copie, en prenant grand soin, apprend-on, de vérifier si elle ne contient pas d'« erreurs de style, d[e] superfétations, d[e] répétitions, mais aussi d[’]expressions blessantes pour des tiers ou des groupes de lecteurs que le journal a intérêt à ménager ». Il dresse ensuite la liste des articles qui apparaîtront dans le journal. Attention cependant, le secrétaire de rédaction ne peut pas modifier ou reporter la parution des articles des « publicistes de renom » sans l'accord de ces derniers. Ces « plumes » traitent avec le directeur en amont et Jamati précise qu'elles négocient « des situations privilégiées et tout à fait exceptionnelles. La place à donner à ces articles est quelquefois indiquée dans les conventions signées par les deux parties contractantes ». Le SR ne corrige ou n'écarte d'autorité que la copie des rédacteurs du journal. C'est parfois difficile de l'annoncer au confrère concerné – au « camarade », à l'« ami », dit Jamati. Mais « dans le cœur du secrétaire de rédaction, il ne doit pas y avoir de place pour les questions de sentiment quand l'intérêt du journal est en jeu ».

Le SR et l’atelier

Résumons. Nous avons un SR qui effectue un travail de correspondance, d'intendance, de surveillance, un SR qui relit, choisit et hiérarchise des informations, et nous avons aussi autre chose, dont nous n'avons pas encore parlé et qui nous intéresse au premier chef. Il s'agit de tout ce qui concerne le travail de coopération avec l'atelier de composition.

Le très informé Jamati précise d'ailleurs d'emblée, dans son manuel de journalisme, qu’« [à] la vérité, un secrétaire de rédaction ne peut remplir sa fonction avec toute la compétence voulue que s'il s'y est préparé par un stage préalable dans un atelier de composition, ne fût-ce qu'un temps très court, à titre d'apprenti-amateur » (Jamati, 1906, p. 101).

Le SR et le typographe travaillent tous deux la matière informationnelle qui se transforme et qui va prendre forme. Cette matière passe par de nombreux états : elle est lue, découpée, composée en caractères de plomb, corrigée, imprimée sur une épreuve papier, relue, recomposée s'il y a lieu, recorrigée... Une fois que toutes ces relectures, ces transformations, ces altérations dirait Jeanneret (Jeanneret, 2014) sont achevées, les articles, devenus paquets de plombs serrés dans des galées, sont rangés sur le marbre. Autour, on retrouve le typographe metteur en page et le SR. « On peut dire que les matériaux de construction sont prêts, et qu'il ne reste plus qu'à élever l'édifice » (Jamati, 1906, p. 101).

Le moment de bravoure quotidien, pour le SR et pour les typographes, semble être cette étape de la mise en page ; en tout cas, c'est ce qui ressort des discours. « Chaque jour, c'est une bataille », affirme Dubief, « le metteur en page et le secrétaire de rédaction font mieux que d'y contribuer, ils s'y dévorent » (Dubief 1892, p. 132). En gros, le metteur en page mesure la page en plomb à l'aide de sa ficelle et dit qu'il n'y a pas assez de place, qu'il y a trop de matière. Le SR répond qu'il faut tout mettre, l'autre dit que les formes ne sont pas en caoutchouc et, « d'incidents en incidents, de concessions en concessions », on « finit par s'entendre » (Dubief, 1892, p. 135). Si le conflit perdure, s’il y a désaccord inextricable entre l'ouvrier et le journaliste, on apprend que c'est le secrétaire de rédaction qui a le dernier mot, parce qu'il est, prévient Jamati, « le seul responsable vis-à-vis du directeur » (Jamati, 1906, p. 102)5. Tout de même, la plupart du temps, les rapports entre ces ouvriers et ces journalistes sont bons. En tout cas, c’est ainsi que s’escrime à les décrire chaque auteur consulté.

Le baron de Wogan explique, par exemple, que « les typos et les correcteurs d'atelier aident beaucoup, par leurs connaissances techniques, l'action vigilante du secrétaire » et que le SR « débutant les trouvera presque toujours prêts à l'aider, s'il ne la ″fait pas à la pause″ et s'il ne prend pas de grands airs avec eux » (de Wogan, 1899, p. 159). « Faire à la pause », pour l'anecdote, cela veut dire solliciter les services des typographes pendant leurs pauses, leurs « brisures », comme ils disent – on sait l'importance du repas pris en commun chez les typographes, héritage des trics, des banquets, des révolutions, des avancées sociales. Une fois que le SR a compris qu'il ne faut pas déranger un typographe qui mange ou qui boit6, il se crée le plus souvent, comme le dit Jamati, « une entente pleine de franchise et de sympathie » (Jamati, 1906, p. 102).

Le SR qui fait le journal

Reprenons. Nous avons dit que le SR se situait à la frontière entre la direction et la rédaction. Nous avons vu qu'il était aussi à la frontière entre la rédaction et l'atelier, et aussi, et surtout peut-être à cette époque, à la frontière entre la direction et l'atelier.

SR irremplaçable ?

Cela n'empêche pas les observateurs d'alors d’attacher au SR une certaine forme d’« ouvriarité ». Ils répètent ainsi à l’envi qu'il est la « cheville ouvrière » du journal (de Wogan, 1899, p. 154) et soutiennent, dans le même mouvement, que le SR « fait » le journal7. Ils disent que « le SR fait le journal selon la définition consacrée ». Cette définition, c'est encore celle du dictionnaire Littré. À l'entrée « journaliste », on peut effectivement lire : « Celui qui fait, qui rédige un journal, qui travaille, comme rédacteur, à un journal ».

Le SR est à l'honneur dans la définition et ceux qui écrivent sur le journalisme à cette époque ne manquent pas de le rappeler (Langonné, 2014). Signalons que cette définition sera encore saisie, quelques années plus tard, dans l'arène judiciaire cette fois. Ainsi, en 1928, un SR du journal Le Quotidien est congédié par sa direction et réclame, comme c'est l'usage, des indemnités calculées au prorata du mois par année. La direction refuse. L'affaire passe devant un tribunal civil parisien, qui donne raison à la direction, pour le motif que le secrétaire de rédaction n'a pas la qualité de journaliste. Saisi de l'affaire, le SNJ interjette et se dote d'une armée de porte-paroles pour peser sur l'arrêt de la Cour d'appel. Dans un rapport fourni à l'avocat du SNJ par l'Association des secrétaires de rédaction, on peut lire :

dire que le secrétariat de rédaction, parce que son titulaire ne donne pas d'articles, n'a aucun rapport avec les fonctions de journaliste, c'est rayer de la profession la majorité des directeurs, beaucoup de rédacteurs en chef, la plupart des chefs d'information […] tous ces cuisiniers de la rédaction qui ne sont que les aides du secrétaire et […] n'agissent que d'après ses décisions. Littré définit le journaliste : « Celui qui fait un journal » – La 9e chambre déclare que celui qui fait un journal n'est pas journaliste...8

Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Encore une fois, le SR est irremplaçable. Si on lui nie le titre de journaliste, cela signifie qu'on le refuse aussi aux directeurs, aux rédacteurs en chef, aux chefs d'information, etc. Restent les rédacteurs, qui eux seuls pourraient s'en prévaloir et qui seraient bien seuls dans le monde du journal.

Ici, la définition de Littré est « bâtonnée », pour parler comme les SR et les typographes : elle est amputée de l'une de ses parties pour soutenir l'argument. L'auteur, le porte-parole des SR, n'en retient que ce qui l'intéresse. Il ne garde que ceux qui « font » le journal ; les autres – nous reprenons la définition de Littré –, ceux qui « rédigent un journal, qui travaillent comme rédacteurs à un journal », ont disparu de la définition. Ceux qui « rédigent » ne peuvent pas exister sans ceux qui « font ».

La définition et la loi

Ajoutons qu'on constate que dans ces années, où le groupe des journalistes est toujours en train de travailler à se délimiter, à se fermer, une définition peut faire loi, ou en tout cas peut participer à faire loi. Aujourd'hui, si on prend l'entrée « journaliste » dans un dictionnaire, on lit qu'il s'agit d'une « personne qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l'exercice du journalisme dans un ou plusieurs organes de presse, etc. ». La loi de 1935 est passée par là et c'est désormais elle qui fait office de définition. C'est totalement différent, y compris pour les chercheurs. Ceux du début du siècle, quand ils évoquent les SR, ne possèdent pas encore de définitions bien établies pour parler du journal et des journalistes. Le dispositif qui fait que le journal est ce qu'il est regorge encore d'interstices, et d'interstices visibles : rien ne fait vraiment raccord une fois pour toutes ; il y a cet espace commun, le journal, et pour en parler, on est un peu amené à tout prendre : les hommes et les choses, des hommes et des choses qui se lient plus ou moins. Quand nous lisons Dubief, par exemple, nous pouvons être dans la description de l'ambiance d'une rédaction et puis dix pages plus loin, nous nous retrouvons dans des forêts de Norvège ou de Transylvanie, forêts qui permettent de faire le papier nécessaire aux premières rotatives ; on apprend, en outre, « qu'après la suppression du droit de timbre en 1870 – droit de timbre qui nécessitait l'emploi de papier en rames – on cherche et on trouve des machines rotatives déroulant du papier en continu » (Dubief, 1892, p. 145)... Les hommes, les techniques, les lois, les machines, s'attachent et se détachent sans cesse. Certains liens perdurent, d'autres non.

L’autre SR…

Sans prétendre à l'exhaustivité, il nous faut, pour compléter ce tour d'horizon des premiers discours sur les SR, découvrir d'autres gens, demeurés dans l'ombre du SR que l'on connaît (un peu) depuis la loi de 1851. Car à côté de ce SR-là semble en exister un autre. On sait qu’il y a toujours eu, dans les étapes de la confection d'un journal, quelqu'un chargé a minima de travailler la matière informationnelle afin qu'elle soit à même d'être mise en forme, littéralement, par un typographe. On sait qu'avant la loi de 1851, ce pouvait être au rédacteur en chef qu'incombaient certaines des tâches qui seront attribuées aux SR9. Mais même à cette époque, il reste des traces de quelqu'un d'autre : « Chargé de recueillir les nouvelles dans les autres journaux, de distribuer les matières de la feuille, et de corriger les épreuves sous l'inspection du rédacteur en chef, il ne peut que glaner quelques miettes échappées à ce puissant fonctionnaire, et ses modiques appointements composent seuls son avoir » (Raisson, 1829, p. 144). Celui-là est appelé « rédacteur ordinaire » ou « metteur en page » en 1829, lorsque ces lignes sont publiées. Il s'agit pourtant bien d'une description de SR. L'auteur prend la peine de préciser qu'il s'agit de « l'un des plus pauvres hères de toute la rédaction » (Raisson, 1829, p. 144). Nous pensons que ce type de SR ne disparaît pas avec la loi de 1851, lorsque certains nouveaux SR intègrent le haut de la hiérarchie rédactionnelle des journaux. Le SR « ordinaire », appelons-le ainsi, demeure une réalité et une figure mobilisable des rédactions des journaux. À tel point que l'association des SR s'en saisit parfois pour soutenir l'un des siens, à défaut de le défendre véritablement.

Le cas Almereyda

Ainsi, en 1910, un SR est « poursuivi, arrêté, emprisonné, mis au régime de droit commun, pour des articles non signés et qu'il a insérés dans son journal en tant que secrétaire de rédaction10 ». Il s'agit d'un certain Miguel Almereyda11, SR à La Guerre Sociale. Dans une lettre adressée à l'association, quelques SR sociétaires protestent contre le sort réservé à leur camarade et demandent au président, Armand Schiller, d'intervenir en sa faveur : « N'estimez-vous pas que l'association des secrétaires de rédaction resterait, en protestant, sur le terrain strictement professionnel et tout à fait dans l'esprit de ses statuts ?12 » Précisons tout de même que cet Almereyda n'est pas qu'un SR lambda : il est l'un des fondateurs du journal La Guerre Sociale. Il est un homme de presse – il créera un autre journal, Le Bonnet Rouge – et il est alors une figure reconnue de l'anarchisme à Paris. Mais dans l'affaire qui nous intéresse, les SR plaignants et les dirigeants de l'association évitent de saisir cet Almereyda-là, se cantonnant à l'Almereyda SR, et encore, à l'Almereyda « SR ordinaire ». Dans un ordre du jour du Comité de l'association, les dirigeants indiquent, à propos de ce cas : « Il serait préférable d'envisager le rôle du secrétaire de rédaction au point de vue purement matériel, pour démontrer que la responsabilité du secrétaire de rédaction ne saurait être engagée pour un article qu'il n'a pas écrit ». Le président de l'association, Armand Schiller, qui est à l'origine de cette ligne de défense, signe une lettre adressée au Garde des Sceaux, où l'on lit : « Le secrétaire de la rédaction n'est généralement qu'un agent de transmission entre la Direction ou la Rédaction en chef et l'atelier de composition, que son rôle se borne à distribuer la tâche de manière à assurer la publication matérielle de chaque numéro. »

Cette lettre au Garde des Sceaux n'aura aucun effet : ce genre de requête n'a que peu de chances d'aboutir si elle ne prend pas la forme d'un véritable lobbying. Or, on y retrouve une sorte de double langage. Parfois le SR est un SR responsable et d'autres fois il n'est qu'un exécutant. Il y a ce « généralement » qui ne fixe rien dans le marbre et laisse de la place à d'autres SR, tout aussi défendables, qui seraient un peu plus concernés par ce qu'ils éditent, un peu plus journalistes, à l’instar, semble-t-il, de ceux du Quotidien. Sauf que Miguel Almereyda est précisément ce type de SR qui est tout sauf un « agent de transmission » de la direction ou de la rédaction en chef. C'est un journaliste engagé, politisé, reconnu comme tel. Qu'importe, c'est la « défense des intérêts de la profession » qui prime. Ceci nous conduit à faire l'hypothèse, ici, que l'association décide d'évacuer le cas Almereyda. Elle le fait en réalisant le tour de force de rester irréprochable et en usant d'un redoutable pragmatisme.

L'association, en défendant un SR qui « se borne à distribuer la tâche de manière à assurer la publication matérielle de chaque numéro », fait deux choses dans un même mouvement. Elle sauve les apparences – elle dit qu'elle défend l'un des siens – tout en n'agitant pas la question cardinale de la responsabilité du SR – Almereyda n'est pas un SR qui compte, il n'est qu'un « SR ordinaire ». En fin de compte, elle laisse tomber Almereyda – un cas probablement indéfendable car trop sensible – et du même coup, elle se réserve la possibilité de défendre véritablement ceux qu'elle considère comme des SR dignes de ce nom.

Cette affaire montre encore que dans ces années-là – avant la création du SNJ – tout se passe comme si l'association détenait le droit de nomination des SR. En fait, ses dirigeants, en ayant la capacité de reléguer certains SR à des positions de « simples exécutants », s'expriment à la manière des directions de journaux et partagent des communautés d'initiatives avec elles. L'épisode Almereyda indique aussi que celui que nous avons appelé le « SR ordinaire » existe bel et bien, a minima en tant que figure – ici une figure négative – saisissable par des porte-paroles13.

Conclusion : un objet journal plastique  

Nous avons tenté d'expliquer que le SR, lorsqu'il est apparu et lorsque l'on a commencé à en parler, avait partie liée avec la direction, avec la rédaction et avec l'atelier. Un siècle après, tout cela est toujours un peu vrai. Le SR est toujours plus ou moins cadre, plus ou moins journaliste, plus ou moins technicien et plus ou moins exécutant, selon l'époque depuis laquelle on en parle, selon les intérêts du porte-parole qui le décrit, selon que le SR travaille devant un écran ou devant des caractères de plomb...

Dans notre travail, un peu à la manière des témoins des débuts de la presse industrielle, nous nous attachons à observer, à décrire ce qui lie, aujourd'hui, le SR avec le monde du journal. Nous découvrons que, parfois, le SR opte pour une présence au monde qui serait proche de celle des directeurs de journaux, que, parfois, une organisation du travail qui évolue lui permet de s'attacher davantage au journalisme et que, parfois, il adopte – ou est adopté par – une sorte de présence au monde plus typographique, plus esthétique que journalistique (Langonné, 2014, 2011). Le SR est tout cela. À chaque fois, ces nuances dans les postures, dans les présences au monde laissent des traces dans le journal. Mais à chaque fois, tous ces liens, toutes ces médiations montrent une chose : le journal(isme) est suffisamment flexible pour que s'y expriment les différentes présences au monde et suffisamment solide pour (con)tenir l'expression de son énonciation collective.

(CRAPE – Université de Rennes 1)

Bibliographie

Coston, Gilberte et Henry Coston, Le Journalisme en trente leçons, Paris, Lectures françaises, 1960.

Dubief, Eugène, Le Journalisme, Paris, Hachette, 1892.

Jamati, Vincent, Pour devenir journaliste. Comment se rédige un journal : mécanisme de la presse, principaux cas de reportage, législation, Paris, Librairie Victorion, 1906.

Jeanneret, Yves, Critique de la trivialité. Les médiations de la communication, enjeux de pouvoir, Paris, Éditions Non Standard, 2014.

Jouvenel, Robert de, Le Journalisme en vingt leçons, Paris, Payot, 1920.

Langonné, Joël, « L’impossible “dernier mot”. La maquette du journal : un outil partagé », dans Sur le journalisme, About journalism, Sobre jornalismo, vol. 3, n° 1, 2014, [en ligne]. http://surlejournalisme.com/rev [Mis en ligne le 15 avril 2014.]

Langonné Joël, « Le goût des typographes à la Une », communication présentée au colloque « Le journalisme, une activité collective », organisé par le GIS-Journalisme (CARISM, CRAPE, ELICO, GRIPIC), 2011, [en ligne]. http://gisjournalisme.files.wordpress.com/2011/09/langonne-gis-j-2011.pdf

Martin Marc, Médias et journalistes de la République, Paris, Odile Jacob, 1997.

Martin, Marc, « Journalistes parisiens et notoriété (vers 1830-1870). Pour une histoire sociale du journalisme », dans Revue historique, 1981, p. 32-74.

Raisson, Horace-Napoléon, Code du littérateur et du journaliste, Paris, L'Huillier, 1829.

Robert, Vincent, « Lois, censure et liberté », dans Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant [dir.], La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde éditions, 2011, p. 61-95.

Ruellan, Denis, Les « pro » du journalisme. De l'état au statut, la construction d'un espace professionnel, Rennes, PUR (Coll. Res Publica), 1997.

Texier, Edmond, Le journal et le journaliste, Paris, Le Chevalier (Coll. Physionomies parisiennes), 1868.

Van Den Dugen, Pierre, « Organisation des rédactions », dans Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant [dir.], La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde éditions, 2011.

Voyenne, Bernard, « Les journalistes », dans Revue française de science politique, 9e année, n° 4, 1959, p. 901-934.

Wogan, Tanneguy de, Manuel des gens de lettres. Le journal, le livre, le théâtre, Paris, Librairie de Paris, 1899.

Notes

1  Manuels de journalisme : Raisson, H-N., 1829 ; Wogan (de), T., 1899 ; Jamati, V., 1906 ; Jouvenel (de), R., 1920. Traités sur le journalisme : Texier, E., 1868 ; Dubief , E., 1892. Pour les références complètes, se référer à la bibliographie.

2  Dictionnaire consulté en ligne : Reverso, Dictionnaire de français ″Littré″,[en ligne]. http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definition/cuisine

3  Souvenons-nous par exemple qu’avant de devenir un grand patron de presse, Émile de Girardin a cofondé en 1828 le journal Le Voleur, ainsi nommé car il ne faisait que reprendre in extenso des articles récupérés dans d’autres journaux, avec une facétieuse devise, inscrite en une : « Il compilait, compilait, compilait ».

4  Sauf mention contraire, les citations de ce paragraphe sont tirées du chapitre consacré au secrétariat de rédaction du manuel de Vincent Jamati, Pour devenir journaliste. Comment se rédige un journal : mécanisme de la presse, principaux cas de reportage, législation, Paris, Librairie Victorion, pp. 91-104.

5  Même si l'on sait que ce « dernier mot » est nécessairement collégial (Langonné, 2014), on voit que son magistère, dans les journaux de l'époque, semblait être une prérogative directoriale, et pas rédactionnelle comme c'est davantage le cas dans les discours contemporains. Prérogative des directions, donc, mais prise en charge par le SR.

6  Nous ajouterions, sans malice, que le SR peut plus aisément déranger le typographe qui travaille. Le SR qui descend dans l'atelier est une pause, une respiration au sein de tâches répétitives desquelles les professionnels de l'atelier, le plus souvent, s'extraient sans rechigner.

7  On retrouve cette expression chez Dubief (1892), chez Jamati (1906), chez de Chambure (1914), chez de Jouvenel (1920), chez Billy et Piot (1924), chez Manevy (lui dit que le SR « fabrique le journal ») (1956), chez Henry et Gilberte Coston (eux disent que les SR sont les « fabricants » du journal) (1960).

8  Le Journaliste, n° 49, novembre 1928 (p. 6).

9  Notons en outre que dans certains journaux des années 1990, des rédacteurs en chef et plus particulièrement des rédacteurs en chef adjoints semblent de nouveau occuper la place et le rôle de certains SR, dont la légitimité est alors sérieusement remise en cause dans certaines publications. C’est par exemple le cas pour le magazine Capital, qui fonctionnait sans SR. Il se trouve qu'un bataillon de rédacteurs en chef adjoints se chargeait de ces tâches. Ajoutons que le grand porte-parole de la nécessité de se passer de secrétariat dans les journaux à cette époque est l'IFRA.

10  Association des secrétaires de rédaction, « Livre des procès-verbaux », du 12 octobre 1908 au 11 février 1916. [Archives IMEC]

11  Almereyda (anagramme de « Y'a la merde ») est le pseudonyme choisi par Eugène Vigo, père de Jean Vigo.

12  Toutes les citations de ce point sont issues d'un fonds d'archive de l'Association des secrétaires de rédaction conservé à l'IMEC.

13  Almereyda ira en prison. Ce n'est ni la première fois, ni la dernière fois que le militant anarchiste et pacifiste s'y retrouve. Il y mourra même, dans des conditions mystérieuses, à l'orée de la Première Guerre mondiale. Ce que nous pouvons ajouter, c'est que la manière dont le cas Almereyda fut saisi et défendu par l'association ne fit pas l'unanimité parmi les sociétaires. Dans un compte rendu d'assemblée générale de l'association, on apprend que « cet ordre du jour a été critiqué dans une circulaire envoyée aux secrétaires, avec le bulletin de vote du candidat aux élections pour le renouvellement du Comité ». On y apprend aussi que lors d'un dîner officiel, des sociétaires « ont entretenu l'assistance du cas d'un secrétaire de rédaction sous le coup de poursuites judiciaires ». Ils ont été rappelés à l'ordre et « priés de ne pas provoquer à ce sujet de discussions contradictoires dans nos dîners [...] car l'association (art. 9) s'est interdit toute discussion politique ou religieuse ». (Procès-verbal de l'assemblée générale de l'Association des secrétaires de rédaction du 29 janvier 1911. [Archives IMEC])

Pour citer ce document

Joël Langonné, « Ceux qui ″font″ le journal : les discours sur la place et le rôle des premiers secrétaires de rédaction au tournant du XXe siècle », Les journalistes : identités et modernités, actes du premier congrès Médias 19 (Paris, 8-12 juin 2015). Sous la direction de Guillaume Pinson et Marie-Ève Thérenty Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/les-journalistes-identites-et-modernites/ceux-qui-font-le-journal-les-discours-sur-la-place-et-le-role-des-premiers-secretaires-de-redaction-au-tournant-du-xxe-siecle