American Mysterymania

Argot, flash et slang : ordres indiciels dans les Mystères de Paris et de New York (Eugène Sue, Ned Buntline, Jules Lermina)

Table des matières

ELIZA JANE SMITH

L’apparition au dix-neuvième siècle, en France et aux États-Unis, de l’argot, du « flash » et du « slang » dans le genre des « mystères » urbains semble des plus pertinentes, puisque le succès de ce genre repose précisément sur le corrompu, le vulgaire et le populaire. La manière dont les écrivains utilisent ce type de langage indexe une certaine réalité sociale et morale de l’époque, à savoir celle des classes dangereuses, terme ambigu qui fait référence à un mélange d’individus appartenant aux couches inférieures de la société, tels les criminels et les ouvriers1. Comme l’historien Dominique Kalifa l’a montré dans le cas des bas-fonds – « lieu » sombre et souterrain qui existe dans la réalité, bien que les contours en soient mal définis, comme ils le sont dans l’imaginaire social –, ces individus dangereux habitent la ville et nourrissent également la peur bourgeoise d’une contamination sociale et morale2. Le contrôle que les couches supérieures maintenaient sur des domaines formellement réservés aux privilégiés – telle la littérature – se voit menacé non seulement par la peur de corps envahissant physiquement leur espace, mais aussi par l’invasion des représentations des classes dangereuses dans les espaces artistiques et intellectuels.

C’est surtout au dix-neuvième siècle que l’argot et son équivalent anglophone, le « slang », se frayent un chemin vers la fiction, les ouvrages de référence, les pièces de théâtre et les chansons populaires, à la fois en France et aux États-Unis. Plusieurs facteurs accompagnent et déclenchent ce phénomène linguistique, contribuant ainsi à sa diffusion massive : l’invention de la presse rotative à vapeur; la réduction des frais d’abonnements aux journaux; la popularité des romans-feuilletons; l’apparition d’un intérêt pour la vie criminelle, lequel s’explique à la fois par les poussées démographiques au cours du siècle et l’essor de la classe moyenne, deux phénomènes qui remettent en question les hiérarchies sociales établies. La difficulté à catégoriser les gens selon leur origine sociale affaiblit l’emprise du contrôle social et renforce le besoin de maîtriser les classes inférieures que l’on voit comme perpétuant le crime, la maladie, la pauvreté et les révolutions. Cet intérêt se manifeste également dans le domaine linguistique et littéraire, produisant une illusion de maîtrise sur les corps déviants. La répulsion des bourgeois envers ces « autres barbares » abrite simultanément une certaine fascination pour eux, comme le montre Sue dès l’ouverture des Mystères de Paris par sa comparaison entre les barbares autochtones et ceux de James Fenimore Cooper3. Ce dédain et cet attrait pour les classes dangereuses portent notamment sur leur langue ou leur « antilangue »4. Au lieu d’en faire une parodie, les écrivains montrent ainsi un intérêt grandissant pour une représentation plus réaliste des pratiques langagières marginales, ce qui rend plus ordinaire l’apparition de l’argot dans les œuvres de fiction. Malgré la disparité des usages chez des écrivains bourgeois dont le statut institutionnel varie – pensons à la différence entre Victor Hugo et Eugène Sue –, un large lectorat découvre ces pratiques langagières grâce à leur diffusion littéraire dans la presse périodique et l’édition bon marché.

Tout comme les bas-fonds, l’argot fait partie d’un imaginaire collectif; il s’agit d’une langue qui existe bel et bien au dix-neuvième siècle, mais qui sert également de bouc émissaire sémiotique. Les populations urbaines américaines et parisiennes se diversifient de plus en plus, formant une cacophonie de dialectes et de langages de rue; une telle diversité ne saurait être maîtrisée ni sur le plan physique, ni sur le plan linguistique. Le fait que les critiques littéraires, les écrivains et les hommes politiques des couches supérieures de la société décrivent l’argot comme une langue dépourvue de moralité représente la peur d’une altérité sociale, raciale et ethnique. Selon le point de vue des élites, la menace provient ostensiblement du bas de l’échelle sociale et se déplacerait vers le haut. Les changements urbains de grande envergure survenus à Paris, tout comme dans des villes américaines comme Boston, Chicago, New York et Philadelphie, encouragent l’exposition des lecteurs de la haute société à la langue des classes populaires. Toutefois, la représentation de l’argot et du flash par les écrivains bourgeois décrit un processus allant du haut vers le bas de la société; ce phénomène se diffuse largement par la popularisation de la pratique du « slumming »5 et sa documentation au dix-neuvième siècle. C’est sous l’apparence d’une position morale contre l’argot que les écrivains d’origine bourgeoise semblent prôner les usages normatifs de la langue « convenable », ce qui leur permet en même temps d’aller à l’encontre des usages linguistiques6. Cette opposition flagrante aux conventions littéraires fonctionne doublement, à la fois comme soutien et comme rejet simultané des normes institutionnelles, répondant ainsi au désir du lecteur de faire l’expérience d’une nouvelle identité tout en servant le style littéraire personnel de l’auteur.

En me penchant sur Les Mystères de Paris d’Eugène Sue (1842–43),The Mysteries and Miseries of New York de Ned Buntline (1848) et Les Mystères de New York de Jules Lermina (1874), j’étudierai l’évolution de la signification sociale de l’argot chez ces écrivains, ainsi que l’appropriation de l’argot par les classes privilégiées comme un moyen de maîtriser les individus des classes populaires et d’en faire une représentation exotique. Durant cette même période, une oralisation de l’écriture commence à transformer la fiction du dix-neuvième siècle. Pour exclure les termes d’argot du français et de l’anglais standard, on les marque par l’usage d’italiques, de parenthèses, de notes de bas de page et de glossaires; cette démarcation crée non seulement une distance idéologique entre les deux formes de langues, mais tente également de capturer la nature éphémère de l’argot. Certains écrivains, Buntline par exemple, écrivent parfois de manière phonétique pour transmettre correctement les habitudes langagières de leurs personnages marginaux, contribuant dès lors à ce processus d’oralisation. Cette représentation phonétique, bien qu’initialement motivée par un désir de parodie, finit par se transformer en un naturalisme linguistique, annonçant le style expérimental d’Émile Zola. Néanmoins, ces délimitations linguistiques impliquent d’autres délimitations, sociales et morales cette fois-ci, tout en soulignant la transgression des limites entre parole et écriture.

Sur le plan conceptuel, je me servirai du concept d’ordre indiciel ou d’ordre déictique – indexicality en anglais – tel que l’utilise Michael Silverstein. Ce terme fait références aux expressions et aux façons de parler qui, liées à un contexte précis, évoquent ou « indexent » des traits identitaires et socioculturels comme le milieu social, le comportement, le genre, la moralité, les origines ethniques, les interactions sociales, etc.  Selon Silverstein, certains termes contiennent un n-ième ordre de références, qui remplit une fonction communicative et dépend de son contexte. Par exemple, le mot dude (mec, en anglo-américain) fonctionne, à l’ordre n, comme un marqueur de relation pour dénoter une attitude amicale, par exemple : « Dude, how’s it going? » (Eh mec, comment ça va?)7. Dans les années 1970, à l’ordre n+1, dude renvoyait à des locuteurs afro-américains qui s’adressaient amicalement à d’autres Afro-Américains. À l’ordre n+2, dude renvoie aux hommes blancs des cultures bro [frè(res) ou potes] et surfeur des années 1980 à nos jours. Et, à l’ordre n+3, dude renvoie aux jeunes femmes et aux jeunes hommes qui utilisent ce marqueur de relation pour s’adresser amicalement à leurs pairs. La liste des ordres indiciels peut se développer à l’infini. Par exemple, nous pourrions aussi dire qu’un ordre n+4 indexe de nos jours les Californiens du Sud. Mais chaque élément de cette liste existe simultanément. Ainsi le dude du troisième ordre ne succède pas à celui du deuxième ordre, mais se parle à ses côtés8.

Si plusieurs linguistes et sociolinguistes ont développé leurs propres théories de « l’indexicalité », celle de Silverstein inclut à la fois les ordres indiciels référentiels et non référentiels9. Dans le cadre de cet essai, je m’intéresse plus particulièrement à la façon dont les auteurs américains et français de mystères urbains au dix-neuvième siècle utilisent les ordres indiciels non référentiels. Mon étude portera sur la façon dont l’argot mis en texte dans les œuvres de fiction attache une signification sociale à des groupes autrement sous-représentés dans le monde littéraire. L’argot et son équivalent anglo-américain, le slang, sont devenus des outils indiciels pour désigner certains groupes sociaux, raciaux et ethniques; en ce sens, ils identifient non seulement les déviants, réels et imaginaires, mais permettent aussi de contrôler ces derniers tout en visant à les exclure des domaines intellectuels et de l’espace physique des classes aisées.

Les ordres indiciels du slang : classe et moralité

En termes de définitions, je m’en tiendrai aux notions d’argot telles que les établissent nos écrivains. Bien que Sue ne donne aucune définition explicite de l’argot, il associe constamment le terme aux classes criminelles et aux bas-fonds parisiens. L’incipit du roman (et première phrase du texte de son feuilleton) se lit comme une entrée de dictionnaire : « Un tapis-franc, en argot de vol et de meurtre, signifie un estaminet ou un cabaret du plus bas étage » (Sue, p. 35). Les personnages qui participent aux infâmes agissements des bas-fonds sont également ceux qui utilisent l’argot et le font toujours dans un emplacement physique convenant à un tel langage. Par exemple, l’argot est à peine présent dans les scènes qui se déroulent à la ferme de Rodolphe à Bouqueval, sauf quand nos personnages criminels quittent leurs demeures urbaines pour exécuter leurs sinistres plans à la campagne.

Dans The Mysteries and Miseries of New York, le glossaire de Buntline, présent à la fin de la première partie, définit le flash comme la langue des voleurs (« The language of thieves », p. 114). Le glossaire ne contient aucune définition du slang, mais Buntline définit les termes qu’il emploie en les appelant « slang terms » et non pas « flash terms ». Les historiens Patricia Cohen, Timothy J. Gilfoyle et Helen Lefkowitz Horowitz définissent ainsi le « flash » : « First coined among the swindling underworld of eighteenth-century London, flash denoted an elaborate slang vocabulary used by thieves to communicate among themselves and mystify outsiders. It carried core meanings of smartness and deceit. » [D’abord forgé pour désigner les bas-fonds de l’arnaque et des escrocs dans le Londres du dix-huitième siècle, le terme de flash désigne le vocabulaire argotique sophistiqué qu’emploient les voleurs pour communiquer entre eux et mystifier les non-initiés. Le terme connote l’habileté et la tromperie]10. Nos auteurs distinguent le « flash » comme langue des périodiques flash qui reposaient en grande partie sur le sensationnel et décrivaient « a world of deceit and counterfeit » [un univers de tromperie et de contrefaçon]11. Le « flash » selon Buntline semble en effet correspondre à cette définition en ce que la plupart de ses personnages criminels sont d’origine anglaise. Bien que le flash soit principalement employé par des personnages britanniques qui se livrent à des activités louches, comme Jack Circle et son gang, qui sont initialement décrits par le langage qu’ils emploient12, il existe également des personnages comme Frank Hennock dont l’aversion pour le flash est indépendante de leurs activités louches et de leur association à Jack Circle. Lorsque sa petite amie Matilda lui dit de parler un anglais simple (« plain English ») (dans ce cas, il s’agit pour lui d’employer le flash), Frank se montre récalcitrant : « Flash, Maltida! oh horrible, it is vulgar […] In all my collection I’ve got but one book on the flash, and that’s Captain Grose’s dictionary. No, it’s vulgar, and I won’t use it, Matilda » [Parler flash, Matilda! Quelle horreur, c’est vulgaire [...] Dans ma bibliothèque je n’ai qu’un seul livre sur le flash, et c’est le dictionnaire du Capitaine Grose. Non, c’est vulgaire, et je ne l’utiliserai pas, Matilda]13. Cet écart entre statut social et langue est typique de l’œuvre de Buntline, mais en général, sa définition du flash comme langue des voleurs reste prédominante. En outre, dans l’exemple ci-dessus, Buntline joue avec les attentes indicielles du lecteur en faisant référence au flash en tant que « plain English », description qui postule que cette langue représente une norme linguistique et non pas une antinorme, un non standard. Le fait que le seul texte en possession de Frank qui contienne du flash soit un dictionnaire met en valeur cette étrange présentation d’une antilangue décrite comme une façon de parler codifiée et standardisée. Le lecteur reçoit ainsi deux messages indiciels contradictoires : d’une part, la répulsion de Frank correspond à une réaction au flash conditionnée socialement, à savoir la nécessité d’en être dégoûté et de l’éviter à tout prix. D’autre part, les attentes indicielles du lecteur sont doublement brouillées : lorsque Matilda emploie l’expression « plain English » pour faire référence au flash et ne comprend pas son petit ami quand il parle un anglais standard; lorsque Frank avoue posséder un dictionnaire de flash. Le dégoût peut toujours être une réaction socialement appropriée, mais l’antilangue semble désormais plus convenable. Loin de son appartenance aux bas-fonds urbains, le flash s’est frayé un chemin vers la haute société et se présente dorénavant sous l’apparence d’ouvrages légitimes de référence.

À l’instar de Sue, Lermina ne fournit aucune définition explicite de l’argot dans Les Mystères de New York, mais il le définit à travers le contexte de son utilisation, les types de personnages qui l’emploient ainsi que le cadre dans lequel se produit cet emploi. Contrairement à Buntline dans son œuvre, l’auteur s’intéresse bien plus à ce qu’il voit comme un pur « argot yankee14 » qu’à l’usage et à l’évolution de l’argot britannique aux États-Unis. Lorsque le lecteur entre pour la première fois dans l’orphelinat dirigé par Master Sponge, la description de ce lieu commence par la présence d’une voix méconnaissable : « “— Haut! Les gosses! hurla une voix.” L’argot yankee est plus odieux que cette expression » (p. 42). Dans la lignée de ses prédécesseurs, Lermina souligne l’inhérente vulgarité de l’argot à travers son texte et par le type d’interlocuteurs qui l’emploient, révélant ainsi les divers indices sociaux et moraux qui se rattachent spécifiquement à cette pratique langagière.

En ce qui concerne le développement des ordres indiciels de l’argot, ce processus s’actualise dans les trois textes à travers la relation entre la manière dont parlent les personnages, leur classe d’origine et leur emplacement géographique, trois éléments dont les relations ont une portée morale bien plus large. Tout d’abord, Sue, Buntline et Lermina ne manquent pas de faire la distinction entre l’argot d’une part, et l’anglais ou le français standard d’autre part, à travers l’usage de notes de bas de page, d’italiques et de parenthèses. Les définitions de termes argotiques sont ancrées directement dans le texte, renvoyées en notes de bas de page ou, dans le cas de Buntline, organisées sous la forme d’un glossaire. Il en résulte une sorte de codification de l’argot, qui s’accomplit par cette classification formelle. Les sociolinguistes Leslie Milroy et James Milroy expliquent ainsi la façon dont s’effectue cette codification : « [T]he writing system serves as one of the sources of prescriptive norms, and prescription becomes more intense after the language undergoes codification [...] because speakers then have access to dictionaries and grammar-books, which they regard as authorities » [l’écriture produit des normes à prescrire, et la prescription s’intensifie une fois que la langue passe par le processus de codification [...] parce que les locuteurs ont alors accès aux dictionnaires et aux grammaires, qui font autorité à leurs yeux]15. L’inclusion dans le texte de ces traductions de l’argot marque une étape vers la codification à laquelle se réfèrent les linguistes16. Tandis que seul Buntline inclut un glossaire, les notes de bas de page, les italiques et les parenthèses dont se servent Sue et Lermina font également partie du processus de légitimation du non-standard, et ce, non seulement en raison de la décision des auteurs d’inclure de l’argot dans leurs œuvres respectives, mais aussi de par leur adoption d’une mise-en-page formelle (un glossaire par exemple), pour rendre leur présentation plus « savante » et donc plus légitime.

 Dans la plupart des cas, les personnages qui emploient l’argot appartiennent aux classes criminelles ou ouvrières et sont caractérisés par leurs pratiques langagières. C’est là sans aucun doute la façon la plus évidente dont les écrivains bourgeois du dix-neuvième siècle ont établi le contexte dont dépend l’argot, qui fonctionne ainsi comme un index de certaines personnes ou de certains milieux et classes sociales. Dans Les Mystères de Paris, Sue juxtapose plusieurs fois l’usage de l’argot au français standard des autres personnages, qui sont pour la plupart issus de la haute société. Lorsque les aristocrates Tom et Sarah visitent les taudis et entrent dans le cabaret du Lapin-Blanc, leur apparence physique révèle qu’ils ne fréquentent pas de tels établissements : « L’entrée de ces deux personnes dans le tapis-franc avait vivement excité l’attention; leurs costumes, leurs manières, annonçaient qu’ils ne fréquentaient jamais ces ignobles tavernes. À leur physionomie inquiète, affairée, on devinait que des motifs importants les amenaient dans le quartier. » (Sue, p. 76-77) Si leur comportement est inadapté au milieu, leur français semble aussi déplacé, les deux personnages parlant « en très bon français et presque sans aucun accent » (p. 76). Lorsque Tom s’adresse au Chourineur dans l’espoir d’obtenir quelques informations au sujet de Rodolphe, sa langue correcte perturbe leur communication et le Chourineur doit traduire son argot en français standard. Après que Tom se renseigne sur l’identité de Bras-Rouge, le Chourineur répond, « Il pastique la maltouze », réponse qui requiert d’être répétée : 

— Je n’ai pas bien compris ce que vous m’avez dit sur ce Bras-Rouge. Rodolphe sortait de chez lui, sans doute?
— Je vous ai dit que Bras-Rouge pastiquait la maltouze […]
— Qu’est-ce que ça veut dire, pastiquer la mal… Comment dites-vous cela?
— Pastiquer la maltouze, faire la contrebande, donc! Il paraît que vous ne dévidez pas le jars17 ?
— Mon brave, je ne vous comprends plus.
— Je vous dis : Vous ne parlez donc pas argot comme monsieur Rodolphe?
— Argot? dit Tom en regardant Sarah d’un air surpris.
— Allons, vous êtes des sinves18 […] Eh bien, puisque vous ne parlez pas ce beau langage-là, je vous dis en bon français que Bras-Rouge est contrebandier [...]. (Sue, p. 79)

Cette interaction entre Tom et le Chourineur renforce la corrélation entre origine sociale et pratiques langagières : le français standard appartient aux élites cultivées tandis que le français non standard, tel que l’argot, appartient aux membres d’une classe criminelle inculte et nuisible à la société sur les plans linguistique, moral et social. Toutefois, bien que détenant le pouvoir social, Tom, personnage issu d’une classe privilégiée, est incapable de reconnaître l’argot, ce qui effectue un transfert de pouvoir linguistique. Le Chourineur, personnage issu de la classe criminelle, parle non seulement l’argot, mais se retrouve aussi, linguistiquement parlant, en position de pouvoir puisqu’il contrôle l’information transmise à Tom. Que ce dernier ne puisse comprendre l’argot souligne d’autant plus son milieu social et ne rend que plus apparent qu’il s’agit bien là de la première visite de Tom dans un établissement de si basse réputation. En un sens, nous sommes ici témoins d’un capital culturel inversé, puisque la culture habituellement dominée est maintenant la dominante, mais uniquement au sein d’une sous-société ou plutôt d’une « antisociété » qui contient ses propres agents et ses propres structures négociant la valeur culturelle de ce capital. Parallèlement à une société dominée par la bourgeoisie, dans laquelle la culture est en réalité réservée aux classes dominantes – bien que disponible pour tous en théorie –, la culture de l’antisociété que peint Sue est au vrai réservée « à ceux qui sont dotés des moyens de se l’approprier »19.  

Même s’il est évident que les classes aisées bénéficiaient d’une plus grande éducation formelle et étaient bien plus lettrées, quels pouvaient être les « moyens » nécessaires à l’obtention de ce type de capital culturel au sein des bas-fonds parisiens? Il s’agissait en fait d’un savoir que les classes aisées pouvaient seulement acquérir par le biais d’un processus d’initiation. De ce fait, les initiés tels que le Chourineur sont d’une importance indispensable pour leurs homologues bourgeois et subvertissent simultanément le schéma culturel déjà en place au sein de la dynamique normée entre dominant et dominé.

De façon similaire dans Les Mystères de New York de Lermina, lorsqu’Effie, fille du riche banquier Samuel Tillinghast, part à la recherche de Bam dans la taverne de l’Old Flag, son échange avec Doggy et Mop révèle son incapacité à reconnaître et à comprendre le « slang » :

— Que fait-il sous cette table?
Doggy hésita.
— Il avait une brique trop lourde dans son chapeau… elle l’a entraîné…
— Je ne comprends pas…
— Mille pardons! reprit Mop, prenant en pitié cette ignorance du slang ou langue verte du pays… il est soûl comme un Kentuckien. (p. 8)

Tout comme pour Tom dans la scène du Lapin-Blanc des Mystères de Paris, le milieu social d’Effie la trahit aussitôt qu’elle se renseigne sur la situation de Bam. Une fois encore, c’est le personnage de la classe sociale défavorisée qui détient le pouvoir linguistique. Mop et Doggy ont un contrôle total sur l’information en question, et Effie est bien obligée de reconnaître les limites de sa propre classe sociale. Ces limites témoignent du renversement de la relation typique entre membres des classes dominantes et membres des classes dominées, relation dans laquelle les premiers détiennent plus de pouvoir culturel en raison de leur statut culturel et économique. Mais au sein d’une société construite par les classes dominées, les symboles culturels des membres de la haute société perdent de leur valeur et sont remplacés par des symboles différents que la classe dominante ne peut pas facilement appréhender. Une tension constante entre dominants et dominés existe dans ces deux contextes sociaux, société comme antisociété, et les termes mêmes de « dominant » et « dominé » deviennent plus arbitraires en raison de ce renversement perpétuel de pouvoir.

Dans l’œuvre de Buntline, Mysteries and Miseries, la situation diffère quelque peu en ce qui concerne l’initiation linguistique d’une classe par une autre. À première vue, il existe des échanges similaires à ceux que l’on trouve dans les œuvres de Sue et de Lermina. Lorsque Frank guide Mr. Precise à travers les taudis, ce dernier lui demande s’il existe quelque danger :

— No sir, not while I’m along, replied Frank. I know their ways; you just keep cool, and say nothing, but use your peepers.
— You’re a brave, good boy, Francis; but what are peepers? You use some strange expressions.
— I was using the kind of language which you’ll hear tonight, sir. Peepers means eyes; but hurry along with me, sir, and don’t be afraid, I’ll take care of you. (p. 75)
[— Non, monsieur, pas tant que je vous accompagne, répondit Frank. Je connais leurs manières; restez calme, et ne dites rien, mais utilisez vos ardents. /— Tu es un bon et brave garçon, Francis; mais que sont les ardents? Tu utilises d’étranges expressions. /— J’utilisais le genre de langue que vous allez entendre ce soir, Monsieur. Les ardents, cela signifie les yeux; mais dépêchez-vous et suivez-moi, Monsieur, et n’ayez pas peur, je prendrai soin de vous].

Cette scène contient un processus typique de révélation : un personnage des classes populaires affilié à la vie criminelle doit traduire l’argot en langue standard pour un personnage des classes aisées. Toutefois, Buntline n’est pas sans faire exception à la règle. Lorsque Big Lize essaie d’expliquer à sa cousine Angelina en quoi consiste une « panel house », Angelina a besoin que les termes « flash » lui soient traduits. Finalement, la frustration de cette dernière face à sa propre incompréhension incite Lize à reconnaître la médiocrité de ses habitudes langagières : « Blow you? Sent up? Cousin, I cannot understand you. — Well, gal, it’s because I’ve been so used to pattering flash with thieves, that I forget how to talk in Christian language. To ‘blow’ would be to tell of some of my stealing; and to get me ‘sent up,’ means to get sent to the states prison! » [Vous donner? Coffrée? Ma cousine, je ne vous comprends pas. — D’accord, ma fille, c’est parce que je me suis habituée à baratiner en argot avec les voleurs, que j’en oublie de parler la langue des chrétiens. Donner, ce serait dénoncer mon larcin; et me faire coffrer, cela signifie que je serai envoyée à la prison régionale] (p. 48). Buntline n’hésite pas à aborder les implications religieuses qu’indexent certaines façons de parler; au lieu de se référer à l’anglais standard en tant que tel, Big Lize emploie ainsi l’expression « Christian Language » [langue chrétienne]. Les expressions définies par Lize ont une forte connotation criminelle, ce qui renforce encore la division morale entre le niveau normé de la langue standard et le non-standard. La première expression fait référence à une action criminelle tandis que la deuxième décrit un emplacement physique où se trouvent les criminels. L’association est claire : parler une langue standard pointe des mœurs pures tandis que parler le non-standard implique un manque de conscience religieuse et, de ce fait, d’intégrité morale. Étant donné les origines d’Angelina et de Lize (ainsi que la révélation ultérieure de leur lien de parenté – elles sont cousines), l’initiation n’a pas lieu entre deux membres issus d’un milieu social différent. Comme le montre Stephen Knight, « Judson [Buntline] sees urban crisis as essentially based on a sense that many people fail to live up to the appropriate standards of behavior » [selon Judson [Buntline], la crise urbaine provient du fait que beaucoup de gens ne se comportent pas selon les normes de la convenance]20. Puisque les deux jeunes filles ont suivi plus ou moins la même trajectoire sociale, le fait que l’une utilise le « flash » et l’autre non repose uniquement sur leur comportement et les choix qu’elles ont faits dans la vie; ce n’est pas le résultat de leur classe. Contrairement à Sue et Lermina, Buntline élimine la classe comme explication potentielle des pratiques langagières et met plutôt en avant la conduite individuelle comme facteur déterminant. Selon lui, comportement et niveau de langue ne sont pas nécessairement liés à la classe sociale.

Si nos auteurs relient les pratiques langagières aux origines sociales, ils peuvent également dissocier ces deux facteurs dans le but de renforcer les ordres indiciels qui sont en jeu. Cette technique se retrouve particulièrement chez Sue qui souligne l’association entre argot et classes populaires par l’usage d’une ironie linguistique à travers laquelle des personnages issus des classes criminelles emploient un langage indexant l’appartenance bourgeoisie et inversement. Lorsque Rodolphe intervient et sauve la Goualeuse de la furie du Chourineur, ce dernier se rend compte que Rodolphe est capable de parler l’argot : « [M]ais qui es-tu donc?... tu dévides le jar comme père et mère! [...] » (Sue, p. 42) Bien qu’ignorant la véritable identité de Rodolphe, grand-duc de Gerolstein, le Chourineur est conscient des manières affectées et de la beauté physique du prince qui contrastent avec les « physionomies [...] féroces ou abruties » des habitués du Lapin-Blanc (p. 44)21. Bien que Rodolphe tente de cacher son origine sociale, son apparence le trahit et son usage de l’argot apparaît inadapté aux yeux de personnages – tel le Chourineur – dont l’origine les force quasiment à employer une langue horrible22. Il existe même un personnage dont l’identité repose sur cette dissociation entre origine sociale et niveau de langue : le Maître d’école, criminel ainsi appelé « parce qu’il a une écriture superbe et qu’il est très savant » (p. 69). Lors d’un rendez-vous avec Rodolphe, le Maître d’école perd ses « méchants habits et son air de brutalité féroce » et endosse « une longue redingote de castorine verte et un chapeau rond », ce qui lui confère l’air « [d’] un honnête bourgeois » (p. 120). Cette métamorphose physique s’accompagne d’une transformation linguistique : « À l’argot du tapis-franc le Maître d’école avait substitué un langage presque recherché, qui paraissait d’autant plus horrible qu’il annonçait un esprit cultivé et qu’il contrastait avec les forfanteries sanguinaires de ce brigand » (p. 121). Cet emploi par le criminel d’un langage indexant l’appartenance à la bourgeoisie française – et qui devrait indexer une forte intégrité morale – est bien pire que son usage de l’argot. Le Maître d’école corrige même la grammaire de Rodolphe, ce qui renforce non seulement le rôle de criminel cultivé et raffiné qu’assume le personnage, et de surcroît sape la foi qu’accorde le lecteur à l’éducation aristocratique de Rodolphe23. La relation paradoxale entre apparence, origine sociale et pratiques langagières se révèle problématique pour le lecteur bourgeois puisque c’est non seulement l’appropriation de l’argot par les classes aisées qui est en jeu, mais inversement, l’appropriation du français standard par une classe criminelle qui n’a pas subi la nécessaire conversion morale. Sue crée ainsi un tel contraste que le lecteur prend conscience que les ordres indiciels en question sont sens dessus dessous et ce dernier peut dès lors relier correctement ordres indiciels et personnages en se référant à leur origine sociale.

Bien que ces textes établissent en général une corrélation entre origine sociale, langue et moralité, il est important de noter que les ordres indiciels inséparables de l’argot n’excluent pas la possibilité que des personnages de la bonne société connaissent également quelque déficience morale. Dans Les Mystères de Paris, certains personnages tels Sarah MacGregor, Polidori et Jacques Ferrand viennent d’un milieu aristocratique ou bourgeois, mais n’en sont pas moins profondément mauvais. Dans Les Mystères de New York, la nature corrompue des personnages issus de la haute société se manifeste le plus clairement chez les grands banquiers Samuel Tillinghast et Adams Macy, ainsi que chez leur progéniture. Dans The Mysteries and Miseries, les personnages bourgeois de Buntline, Peter Precise et les Abingdons par exemple, possèdent un fort sens moral, tandis que d’autres sont dépourvus de toute moralité, comme M. Tarhound, l’avocat vicieux que Frank engage pour se charger de l’héritage de Precise, et Albert Shirley, dont les relations adultérines mènent à un avortement raté et à la mort de Mary, son amante. Nos écrivains jouent continuellement avec les ordres indiciels qui mettent en relation classe, langue et moralité, et ce, d’une manière brouillant les attentes sociales du lecteur et déstabilisant toute règle absolue relative au rapport entre ces trois éléments. Ironiquement, toutefois, ces ordres indiciels n’en consolident pas moins les contextes dont dépendent les pratiques langagières standard et non standard, en partie en raison de la reconnaissance croissante de l’argot par les auteurs bourgeois.

Spatialité de l’argot : relation entre le lieu et la langue

Même si la corrélation entre moralité et classe sociale ne se retrouve pas dans la totalité de nos textes, chacun propose une relation entre moralité et pratiques langagières. En outre, il existe une relation similaire entre le contexte et le type de langue qu’un personnage emploie. Étant donné l’ancrage citadin de nos histoires, les personnages se servent du flash et de l’argot principalement dans les bars, les maisons closes, les hospices, les soupes populaires et les rues. Ces associations servent à contextualiser la langue de la même manière que le ferait la notion de classe, c’est-à-dire à travers la démarcation renforcée de certains espaces physiques liés à des pratiques langagières. Le chapitre sur lequel s’ouvrent Les Mystères de Paris fait directement appel à la fascination du lecteur bourgeois pour les bas-fonds parisiens :

Nous allons essayer de mettre sous les yeux du lecteur quelques épisodes de la vie d’autres barbares aussi en dehors de la civilisation que les sauvages peuplades si bien peintes par Cooper.
Seulement les barbares dont nous parlons sont au milieu de nous [...]
Ces hommes ont des mœurs à eux, un langage à eux, langage mystérieux, rempli d’images funestes, de métaphores dégouttantes [sic] de sang. (Sue, p. 35–37)

Une page plus loin, le narrateur reconnaît les sentiments mitigés du lecteur à propos d’un sujet aussi tabou : « Nous sommes presque restés dans le doute; sans l’impérieuse exigence de la narration, nous regretterions d’avoir placé en si horrible lieu l’exposition du récit qu’on va lire. Pourtant nous comptons un peu sur l’espèce de curiosité craintive qu’excitent quelquefois les spectacles terribles » (p. 37). Ici, grâce à sa propre descente dans les bas-fonds, Sue permet au lecteur bourgeois de s’encanailler par procuration. En comparant les locuteurs français qui emploient l’argot aux sauvages des romans de James Fenimore Cooper, c’est-à-dire à des non-Européens, l’auteur invite le lecteur à quitter la civilisation et à entrer dans un univers où le langage reflète l’horreur d’une vie barbare non européenne. Pourtant, l’unique différence entre les sauvages de Cooper et ceux de Sue est que ces derniers sont bel et bien européens et résident dans le même espace urbain que son lectorat, dans des demeures cachées au centre de la ville. Dans Slumming, Seth Koven étudie la façon dont les classes aisées du Londres de la fin du dix-neuvième siècle ont fait de la visite des taudis une activité à la mode : « We will never know precisely how many men and women went slumming, but the fact that slums became tourist sites suggests it was a very widespread phenomenon [...] At the same time, when elites wrote about slums, they tended to romanticize and exoticize them as sites of spectacular brutality and sexual degradation to which they were compulsively drawn. » [On ne saura jamais précisément combien d’hommes et de femmes descendirent dans les bas-fonds, mais le fait que les taudis devinrent des sites touristiques suggère qu’il s’agit d’un phénomène répandu [...] Au même moment, quand les élites écrivent sur les bas-fonds, ils tendent à en faire une description romantique et exotique en les peignant comme des sites d’une brutalité spectaculaire et d’une grande dégradation sexuelle qui les attiraient d’une façon compulsive]24. Visiter les bas-fonds de la ville a permis aux hommes et aux femmes de la bonne société de faire l’expérience temporaire d’une vie différente et de recréer leur identité. Edward Tannenbaum commente également cet intérêt collectif des bourgeois envers un style de vie qui leur était complètement étranger, mais se pratiquait néanmoins dans un univers géographique qui leur était proche : « What Sue’s new novel did do, with its title and its opening description of a bar for thieves and prostitutes, was to appeal to the bourgeois tourist’s taste for the exotic » [Par son titre et la description inaugurale d’un estaminet pour voleurs et prostituées, le nouveau roman de Sue attise le goût du touriste bourgeois pour l’exotique]25. L’emploi de l’argot rend la vie urbaine et les classes populaires et criminelles exotiques en créant des barrières symboliques et linguistiques entre les barbares et les bourgeois. Lorsqu’il décrit le cabaret du Lapin-Blanc dans Les Mystères de Paris, le narrateur renforce le lien entre langage et emplacement physique à travers une représentation écrite de l’argot sur les murs du bar : « Les murs, recrépis à la chaux, sont couverts çà et là de dessins grossiers ou de sentences en termes d’argot » (p. 43). Le terrain physique et linguistique fonctionne comme une seule et même entité puisque les interlocuteurs ne peuvent être séparés, physiquement ou métaphysiquement, des lieux qu’ils fréquentent. Le fait que l’argot ordinairement présent de manière orale dans la taverne se trouve désormais inscrit sur les murs mêmes du bâtiment signifie que le langage ne réside pas uniquement dans ce lieu de manière abstraite, mais en fait physiquement partie. La relation indicielle entre langage et lieu n’est pas seulement littérale : elle est également contraignante; la destruction du bâtiment signifierait aussi la destruction du langage, physiquement et métaphoriquement.

Tandis que des écrivains tels que Sue incorporent l’argot de manière à choquer tout en représentant une réalité sociale, la présence de « dessins grossiers » sur les murs du Lapin Blanc attache un élément archaïque à cette langue dangereuse. Le mode de vie rudimentaire et barbare des criminels endurcis n’est pas si différent de celui de nos ancêtres préhistoriques aux dessins et au langage rudimentaires. Même s’ils sont historiquement éloignés l’un de l’autre, le criminel et l’homme des cavernes sont semblables, et cette similarité fonctionne de deux manières. Tout d’abord, elle renforce la caractérisation péjorative des bas-fonds et de ses habitants que Sue effectue en les représentant comme des êtres moins évolués, telle une sorte de tentative prélombrosienne de catégoriser les criminels comme des êtres biologiquement inférieurs. Ensuite, elle crée une distance sociale entre bourgeois et scélérats, rapprochant le lecteur de l’anthropologue qui observe d’une position sociale éloignée. Selon ce point de vue objectif, les classes aisées sont vues comme biologiquement supérieures, mais sont apparemment distanciées d’une menace sociale imminente. Les dessins obscènes inscrits sur les murs de la taverne révèlent autant sur le langage que sur ceux qui le parlent, pointant une sorte de statut biologique et linguistique primitif, et mettent également le lecteur en position d’objectivité. À l’instar du zoologue qui étudie un sujet animal à l’abri derrière une vitre blindée, le public bourgeois peut faire l’étude de sujets criminels à l’abri du roman-feuilleton26.  

Les taudis et habitations qui nourrissent la pauvreté et le crime au dix-neuvième siècle, en France et en Amérique du Nord, forment ce que le linguiste M. A. K. Halliday appelle des antisociétés. Selon lui, il existe au sein de toute société moderne une antisociété ou « a society that is set up within another society as a conscious alternative to it » [une société qui se forme dans une autre société en se posant comme une alternative à celle-ci]27 reflétant une construction contresociale qui inclut celle de l’identité. Dans Les Mystères de Paris, les bas-fonds sont en tension constante avec le langage et les mœurs des classes aisées; toutefois, pour pouvoir ne serait-ce qu’exister, les deux réalités doivent exister simultanément. En raison de sa maîtrise de l’argot et de son infiltration de la vie criminelle, le protagoniste aristocrate Rodolphe se présente comme le métamorphe existentiel par excellence. Selon Halliday, chaque antisociété contient une antilangue qui indexe une réalité sociale alternative : « There is continuity between language and anti-language, just as there is continuity between society and anti-society. But there is also tension between them, reflecting the fact that they are variants of one and the same underlying semiotic. They may express different social structures; but they are part and parcel of the same social system. » [Il y a continuité entre langue et antilangue comme il y a continuité entre société et antisociété. Mais il y a aussi tension entre elles, ce qui démontre que ce sont des variantes d’un seul et même système sémiotique. Elles ont beau exprimer des structures sociales différentes; elles n’en font pas moins partie du même système social]28.

Cette tension entre différentes classes sociales apparaît lors du séjour de Rodolphe au 17 rue du Temple, séjour qui illustre l’identité multiple de ce personnage. Cette maison sert de point central au va-et-vient de nombreux personnages de milieux sociaux variés. Comme le signale en effet Stephen Knight : « Though there is a clear sense that this is not a natural place for aristocrats to be, their own social mobility and the vicissitudes of the story involve them in the house: it is central to the interactions of both the city and the story. At the same time the house is a means for Sue to explore the considerable variations of life and attitudes in the lower-income levels. » [Bien qu’il soit clair que ce n’est pas un espace naturellement fait pour les aristocrates, leur propre mobilité sociale et les péripéties de l’intrigue les entraînent dans la maison : celle-ci est un enjeu central des interactions entre la ville et l’histoire. En même temps, la maison est un moyen pour Sue d’explorer les variations considérables de vie et d’attitudes des couches inférieures de la société]29. La maison de la rue du Temple abrite des personnages issus de toutes les classes sociales, et, grâce au rôle médiateur joué par le narrateur, elle permet également aux lecteurs de la bonne société de faire l’expérience d’une extrême pauvreté et d’une criminalité superlative. Dans le chapitre intitulé « Saint-Lazare », dans lequel Clémence d’Harville visite la prison où est incarcérée Louise Morel, l’auteur/narrateur mêle une descente philanthropique dans les bas-fonds à cette visite fictive de la prison et au souci d’altruisme qui sous-tend le récit :

Sans oser établir un ambitieux parallèle entre leur mission et la nôtre, pourrons-nous dire que ce qui nous soutient aussi dans cette œuvre longue, pénible, difficile, c’est la conviction d’avoir éveillé quelques nobles sympathies pour les infortunes probes, courageuses, imméritées, pour les repentirs sincères, pour l’honnêteté simple, naïve; et d’avoir inspiré le dégoût, l’aversion, l’horreur, la crainte salutaire et tout ce qui était absolument impur et criminel? [...]
Notre unique espoir est d’appeler l’attention des penseurs et des gens de bien sur de grandes misères sociales, dont on peut déplorer, mais non contester la réalité. (p. 568)

Selon Sue, les deux types de visite des bas-fonds partagent un objectif commun, mais excepté leur souci (supposé) de bienfaisance, ces visites ont d’autres objectifs dans Les Mystères. Pour les personnages issus de la haute société, la bienfaisance est une forme de distraction. Suite à la révélation que Clémence d’Harville fait à Rodolphe sur la mort de sa mère et sur son mariage à l’épileptique Monsieur d’Harville, le prince lui conseille de se mettre à faire la charité : « Je veux dire que si vous vouliez vous amuserà faire le bien, rien ne vous plairait, rien ne vous intéresserait davantage [...]/[S]i vous vous amusiez comme moi à jouer de temps à autre la Providence, vous avoueriez que certaines bonnes œuvres ont quelquefois tout le piquant d’un roman » (389). Jouer à Dieu est la forme ultime du jeu aristocratique et ce conseil révèle chez Rodolphe une motivation pour la charité suscitée par un désir de pouvoir. Toutefois, même si la frontière entre abnégation et intérêt personnel reste ambiguë, cette bienfaisance donne aux classes aisées un accès littéral et littéraire aux quartiers illicites des intouchables de la société30.

En outre, l’immoralité de l’espace urbain contraste fortement avec la moralité de la campagne, que Sue décrit constamment comme un lieu utopique. Les chapitres dans lesquels les personnages se trouvent dans la ferme de Rodolphe à Bouqueval ne contiennent que peu, voire pas, d’argot – à l’exception des personnages criminels qui vont y comploter. La Goualeuse exprime très clairement qu’elle désire vivre à la campagne, et ce, dès le début du roman31, et le lecteur sait que Rodolphe a été élevé dans la ferme de Bouqueval32, détail qui est peut-être lié à sa forte intégrité morale. Sue positionne la vie rurale comme source du véritable bonheur, et cette perspective se manifeste à travers l’idéalisme de la Goualeuse. Cette envie de retour à la nature, elle la communique même à la Louve plus tard grâce au pouvoir des histoires qu’elle lui conte; à l’instar de Rodolphe, son goût pour la narration et la fiction crée une mise en abyme du récit de Sue. Après avoir demandé à cette dernière si elle est heureuse, la Goualeuse dépeint le tableau aux couleurs vives d’une vie que son amie n’aurait jamais pu imaginer (p. 596–97). Dans cette fiction, Martial, l’amant de la Louve, n’est plus un brigand, mais travaille comme garde-chasse, ce qui permet au couple de vivre dans les bois (p. 597). La Goualeuse décrit ensuite la chaumière où la Louve et Martial vivront avec leurs futurs enfants « en pleine forêt ». Une fois que les enfants auront grandi, « le plus grand irait dans les herbes de la forêt faire pâturer une vache ou deux [...]. » (p. 597) La campagne fonctionne comme une utopie semi-permanente qui ne se réalise jamais complètement, ni pour la Goualeuse, ni pour la Louve, que l’on retrouve plus tard défendant « sa » ferme des « pillards » arabes dans l’espace colonial français en Algérie. Les espaces ruraux dans Les Mystères sont uniquement habitables temporairement (lorsqu’ils le sont), tandis que les demeures urbaines restent le lieu de vie permanent de chaque personnage à la fin du roman. La nature permet d’échapper momentanément à une réalité jonchée d’injustice, de pauvreté et d’anarchie sociale. Lorsque la Goualeuse raconte à Rodolphe qu’elle avait l’habitude d’aller au marché aux Fleurs pour respirer l’odeur des fleurs fraîches, elle explique que cela la rendait si heureuse « que j’oubliais tout » (p. 87). Après la description (et le récit à deux) que fait Rodolphe de ce que sa vie serait à la ferme de Bouqueval, elle se prend tellement à la rêverie qu’elle entre dans un espace atemporel : « Un moment abusée par les paroles de Rodolphe, elle avait oublié le présent, et le contraste de ce présent avec le rêve d’une existence douce et riante lui rappelait l’horreur de sa position. » (p. 104) Tout comme l’espace physique lui-même, l’espace imaginaire du fantasme ne saurait durer et se voit toujours interrompu par le présent physique ou imaginé. Dans tous les cas, Sue utilise le langage pour infuser dans l’espace, qu’il soit urbain ou rural, certains déictiques moraux. Le lieu physique indexe le langage utilisé (et vice-versa), ce qui reflète d’autant plus l’intégrité morale de ceux qui parlent; l’association répétée entre le type de lieu et le type de langage parlé crée un contexte délimité, l’auteur/narrateur servant d’interface entre lecteur et réalité, permettant ainsi un accès à la vie des taudis par l’appréhension de l’univers narré.

Les Mystères de New York de Lermina établissent également des divisions linguistiques fondées sur des délimitations géographiques. Lorsque Dan Yoke décide de montrer à Edward les intouchables de la ville, ils se rendent tous deux à une soupe populaire où les parias de la société se rassemblent jour et nuit. Comme le Lapin-Blanc, les murs du bâtiment incarnent les valeurs de l’argot : « Des murs suintants, couverts de dessins et d’inscriptions au charbon, dessins orduriers, inscriptions obscènes; menaces, imprécations, glorioles de vice; c’est le glossaire de l’argot et du blasphème » (Lermina, p. 98). Dans l’antisociété de Lermina, l’espace physique du bâtiment correspond à l’espace matériel des livres; ici, le savoir n’est pas acquis par des moyens formels où l’expérience du sujet est indirecte, mais plutôt à travers l’expérience personnelle d’un sujet comme entité vivante. Le langage n’est plus un sujet abstrait, mais représente désormais une expérience qui inclut des lieux et des acteurs en trois dimensions qui se doivent d’être présents en même temps que le sujet. L’argot est un phénomène linguistique dont on doit faire l’expérience et que l’on acquiert donc en temps réel, et malgré son manque de standardisation, il est devenu synonyme des lieux que ceux qui le parlent fréquentent généralement; les inscriptions sur les murs de la soupe populaire, tout comme celles du Lapin-Blanc, marquent physiquement et oralement le territoire de l’argot.

Bien que l’argot n’y soit pas personnifié de la même manière, Buntline assure le lecteur dans sa préface de The Mysteries and Miseries of New York qu’il a mené les recherches nécessaires pour pouvoir écrire à ce sujet et être une autorité en la matière, et dans l’incipit, le narrateur déclare que le matériel recueilli « is drawn from life, heart-sickening, too real life » [tiré de la vie, une vie écœurante et par trop réelle] (vol. 1, p. 5). Il continue ainsi :

[n]ot one scene of vice or horror is given in the following pages which has not been enacted over and over again in this city, nor is there one character which has not its  counterpart in our very midst. I have sought out and studied the reality of each person and scene which I portray. Accompanied by several kind and efficient police officers, whom, were it proper, I would gratefully name. I have visited every den of vice which is hereinafter described, and have chosen each character for this work during these visits. (p. 5)
[pas une seule scène de vie ou d’horreur n’est racontée dans ce qui suit qui n’ait été jouée et rejouée sans cesse dans la ville; il n’ait pas un personnage qui n’ait son équivalent au milieu de nous. J’ai recherché et étudié sur pièce les traits réels de chaque personne ou de chaque scène que je peins. J’ai été secondé par des policiers aimables et efficaces que je pourrai nommer avec gratitude, s’il était convenable de le faire. J’ai visité chaque antre du vice décrit ci-après, et j’ai choisi chaque personne dans ce but lors de mes visites]

En outre, au sein même de la narration, le narrateur réaffirme constamment qu’il est en position d’autorité : « We speak of what we have seen; for many a sickening hour we have spent in studying these scenes. We have gone within these hells – we have marked looks, expressions, and characters, until the book is as one committed to memory, a memory which holdeth all that it has gained. » [Nous ne parlons que de ce que nous avons vu, car nous avons passé de tristes heures à étudier ces scènes révoltantes. Nous nous sommes plongés dans ces enfers – nous avons noté les expressions, le verbiage et les personnages, à tel point que ce livre est fait d’après nature et sur mémoire, une mémoire qui a enregistré tout ce qu’elle a vécu] (p. 94). Tout comme Sue, Buntline agit tel un guide touristique, épargnant au lecteur une expérience personnelle. L’avantage est que le lecteur ne rencontre aucun danger physique (et moral, peut-être), mais peut tout de même participer à une visite textuelle des bas-fonds33, dans laquelle l’auteur/narrateur médiatise l’expérience pour le lecteur, et s’engage dans une sorte de flânerie transcendant les limites de classes. L’auteur devient ainsi un cartographe linguistique et dresse la carte de la langue en repérant son ancrage dans le paysage urbain. Néanmoins, l’argot s’enracine surtout dans la tradition orale, ce qui suggère sa nature éphémère et changeante, et empêche les auteurs bourgeois de capturer pleinement les pratiques langagières des classes populaires. Ce transfert des cultures populaires vers la culture bourgeoise, de l’oral à l’écrit, résulte en un écart qui ne peut jamais être entièrement comblé dans la mesure où les journalistes et romanciers bourgeois écrivent (ou « parlent ») au nom des classes populaires.

Dans Mysteries and Miseries, le « flash » apparaît principalement là où s’exercent des activités immorales : rues, bars et maisons closes. La conversation qui se déroule au début de la première partie entre Charles et Big Lize dans les rues de New York est indéchiffrable pour le lecteur non initié :

—How d’ye, Charley, my chum! I haven’t lifted nuthin’ as yet; but I mauled some o’ the bigbug swells a bit ago. If you’d been there you might have larnt ‘em some lessons in the knucking line?
—What, warn’t none of the files on the tramps?
—Not a mammy’s son of ‘em! (p. 13)
[Hé, comment va, Charley, mon pote! J’ai rien levé pour l’instant; mais tantôt, j’ai flanqué une raclée à quelques spécimens des grands pontes. Si t’avais été là t’aurais pu leur filer quelque leçon en matière de coups? /Quoi, y avait aucun des mecs sur le ring? /Pas un seul fils à sa maman!]

Lize explique ici qu’elle n’a pour le moment fait les poches de personne, mais qu’elle a tabassé quelques ivrognes, faisant référence ici aux personnages de Gus et Harry. Elle critique ensuite Charles, se plaignant qu’il n’ait pas été là pour les détrousser, ce qui incite ce dernier à lui demander si quelqu’un était là pour l’aider. L’absence au sein même du texte de commentaires qui incluraient les traductions nécessaires au lecteur profane souligne le manque de compréhension qui apparaît lorsque l’auteur/narrateur ne remplit plus suffisamment sa position d’intermédiaire. Il est vrai que Buntline inclut un glossaire à la fin du premier tome, mais à la différence des notes de bas de page et des définitions entre parenthèses auxquelles le lecteur a immédiatement accès, le glossaire interrompt l’expérience de lecture. En séparant le glossaire de son texte, l’auteur incite ses lecteurs à prendre conscience que leur compréhension de ce que disent les personnages dépend de ces outils; pour que l’acte de lecture soit possible, le lecteur doit se livrer à un travail nécessaire, sans quoi le texte est dénué de sens.

Renforçant l’effet des termes de flash qu’emploie Lize, la syntaxe rudimentaire, hachée, et les abréviations interrompent aussi narration et lecture. Le lecteur, supposé peu familier d’une telle orthographe, doit lire à voix haute les mots de Lize, ce qui restaure l’oralité des pratiques langagières du personnage. Buntline manipule la syntaxe et l’orthographe pour imiter phonétiquement l’accent et la voix de Lize; ici, l’écrit rencontre l’oral et le mimétisme des pratiques langagières de Lize lui permet de passer au premier plan de l’intrigue en tant que sujet, tandis que le rôle médiateur de Buntline est relégué au second plan.

Outre la rue, les personnages se servent aussi de l’argot dans les bars (par exemple, celui de Florence et de Pinteux) ou les maisons closes (comme celle de Julia B), repaires typiques des indésirables de la société. L’attention que Buntline porte aux pratiques langagières des personnages qui se servent du flash s’étend au-delà des classes criminelles; il représente ainsi phonétiquement le langage employé par des personnages tels que Tobin le Français, Genlis le Bohémien, le Hollandais et Pete Williams, le propriétaire de bar afro-américain34. L’écriture phonétique découle de stéréotypes ethniques et raciaux péjoratifs, qu’elle promeut dans le même temps, et révèle ces personnages comme des figures métonymiques de leurs groupes sociaux, raciaux et/ou ethniques respectifs. Toutefois, ce qui distingue l’œuvre de Buntline de celles de Sue ou de Lermina est l’utilisation d’expressions corporelles qui complètent les déictiques verbaux indexant l’immoralité35. La soirée organisée par Kate Buckley au Star and Garter, maison que le narrateur décrit comme une « watering-place and “dance house” for thieves and pickpockets » [une buvette et un dancing pour les voleurs et les pickpockets], est non seulement caractérisée par le type de personnes qui la fréquente et par le langage qu’ils emploient, mais aussi par la présence de musique et de danse : « The music was made up of one fiddle scraped by a blind negro, a tambourine played by a very fat Dutch girl, and a harp touched not very lightly by ‘a German travelling artiste,’ …Cotillions, fore-and-afters, reels, and waltzes were danced; liquor ‘suffered’ some, and jollity was the order of the night. » [La musique venait d’un fifre que grattait un nègre aveugle, d’un tambourin joué par une Hollandaise très grosse et d’une harpe dont un « artiste allemand en tournée » pinçait lourdement les cordes... On dansait des cotillons, des chaloupes, des « reels » et des valses; l’alcool, certains en subissaient le choc, et la soirée était à la gaîté] (p. 60). Les personnages, la musique et la danse hantant les repaires miteux du roman de Buntline sont tout aussi marginaux que les emplacements physiques eux-mêmes : les immigrants afro-américains et européens y deviennent synonymes d’actions et de comportements transgressifs.

Dans son article sur le chahut, la danse caractéristique des classes populaires françaises au dix-neuvième siècle, Andrea Goulet analyse la relation entre langage déviant et corps déviants et décrit le chahut comme une « dance that became linked in the popular imagination to the can-can and to criminal slang » [une danse liée par la suite dans l’imaginaire populaire au cancan et à l’argot criminel]36. Dans son Dictionnaire de la danse (1895), Gustave Desrat définit ainsi le chahut : « On a donné ce nom à une sorte de danse épileptique ou de delirium tremens, qui est à la danse proprement dite ce que l’argot est à la langue française; comme le dirait Delvau, c’est la langue verte de la chorégraphie.37 » La relation indicielle entre pratiques langagières et mouvement corporel suppose également des représentations de classe, d’ethnicité et de race qui, bien que non mentionnées de manière explicite, informent tellement l’imaginaire de la haute société que des lexicographes comme Desrat jugent inutile de les préciser. Dans le cas de Buntline, cette relation indicielle entre le langage, le corps et les origines ethniques, raciales et de classe est bel et bien présente, mais l’auteur circonscrit et rend exotiques ses personnages périphériques, Afro-américains et Européens, en les confinant dans leurs taudis et les gargotes qui leur servent de repaires. Ces corps sont chaotiques, comme le révèlent leur danse et leur langage subversifs, et s’ils n’étaient pas circonscrits, ils pourraient potentiellement, en plus des limites morales et sociales qu’ils ont déjà franchies, transgresser les frontières physiques qui leur sont imposées. Toutefois, en limitant les comportements immoraux des Afro-américains et des Européens à des lieux tels que les maisons closes, les bars et les prisons, Buntline rassure son lecteur et lui montre que, si des activités immorales sont exercées, ce sera toujours au sein de limites imposées. Par exemple, lorsque Frank emmène M. Precise à The Tombs, l’une des prisons de New York, l’endroit se caractérise par la musique et la danse présentes dans les bâtiments environnants : « Their approach to the place could easily enough be known by the distant sound of fiddles and tambourines, for on its borders every house serves the double purpose of a brothel and a dance house » [en s’approchant du lieu, ils purent entendre les sons lointains des violons et des tambourins, car dans son périmètre, chaque maison sert doublement de bordel et de dancing] (p. 74). Peu de temps après, Frank emmène Precise au bar de Pete : « Mr. P. heard the sound of music within, he saw a large negro standing at the door, apparently to guard it » [Monsieur P. entendit le son de la musique à l’intérieur et vit un nègre colossal posté à l’entrée, apparemment pour en garder l’accès] (p. 89). Dès sa première impression de l’endroit, Precise entend la musique. Lorsque le videur, Sam, demande un shilling à Frank, ce dernier répond en employant une expression argotique : « You know me, Sam, I’m on the cross! » [Tu me connais, Sam, j’suis sur la croix] (c’est-à-dire qu’il est un voleur), expression qui pique la curiosité de Precise : « Mr. P. wondered at this strange expression, and still more was he surprised to see the negro step aside and admit them without another word » [Precise s’étonna de cette étrange expression, et fut encore plus surpris quand le nègre s’écarta pour les laisser entrer sans broncher] (p. 89). Cette première interaction avec le videur incite Precise à examiner le langage employé. Finalement, lorsqu’ils entrent, le personnage bourgeois est interloqué par les danseurs : « And yet wider opened he his eyes, when he stepped within. He saw a sight! Not less than two hundred negroes, of every shade, from the light, mellow-cheeked quadroon, down to the coal-black, were there. Some were dancing to music made by a fiddle, a tambourine, and an exceedingly ancient looking guitar. » [Et il les ouvrit encore plus gros, ses yeux, dès qu’il entra. Quel spectacle vit-il alors! Il y avait là pas moins de deux cents nègres, de chaque ton, du quarteron clair aux joues tendres, jusqu’au noir charbon. Certains dansaient sur la musique que produisaient un violon, un tambourin et une guitare des plus vieilles] (p. 89) Le lien créé entre ces trois détails se renforce par la description d’activités telles que « smoking », « chewing “the weed” », « drinking » [fumer, chiquer de l’herbe, boire] (p. 89). La narration confond musique, argot, danse et autres passe-temps immoraux à tel point qu’ils finissent par indexer tous la même tranche de population, c’est-à-dire les criminels, leurs associés et surtout les Afro-américains, renforçant ainsi leur réputation de représentant des classes corrompues de la société. La présence de danseurs de Juba dans les parties I et II du roman ajoute sûrement la différence raciale à la liste des critères indexant l’immoralité38. Toutefois, si Buntline renforce la relation entre activités louches et corps déviants, il assure le lecteur qu’il ne découvrira jamais trace d’une telle immoralité en dehors de certains lieux. L’auteur prend soin de cantonner de telles transgressions au sein d’endroits qui possèdent une renommée tout aussi immorale.

 Les divers spectacles urbains dans Mysteries and Miseries servent ainsi une fonction d’indexation corporelle du discours, des groupes raciaux et ethniques marginaux, et des classes populaires en ce que l’écrivain associe de manière répétée ces trois critères. Dans le texte de Buntline, comme ceux de Lermina et Sue, la langue insuffle des indices moraux à l’espace, tandis que les lieux indexent le langage qui y est employé et inversement. Cet échange indiciel reflète de plus l’intégrité morale des locuteurs dans une situation où l’auteur sert d’interface entre le lecteur et la réalité puisqu’un accès réel aux bas-fonds est (en théorie) interdit au lectorat ciblé.

Conclusion

L’usage de l’argot populaire et criminel par des écrivains bourgeois soulève des questions sur le plan de la représentation, du lectorat et de l’esthétique romanesque. L’apparition de l’argot au dix-neuvième siècle, dans la littérature française et américaine, est un processus double : issu des classes populaires, il est mis en œuvre par les classes supérieures. Cette apparition à la fois subvertit et renforce les idéologies dominantes qui définissent les normes du langage « correct ». Malgré les sévères condamnations d’écrivains qui s’en servent néanmoins dans leurs œuvres, les mots d’argot et les expressions retranscrites dans les textes sapent les règles mises en place par les autorités régulatrices (surtout en France) et par les outils de codification tels que les dictionnaires. Du fait de leur degré d’instruction et de leur position sociale, les classes populaires, surtout au cours de la première moitié du dix-neuvième siècle, n’ont pas la capacité de s’autoreprésenter de la même façon que les classes aisées. De plus, le marché littéraire est dominé par des écrivains majoritairement bourgeois. Ces deux facteurs éveillent la curiosité du lectorat sur la source des représentations faites par ces auteurs. Toutefois, nous avons volontairement évité cet angle d’approche, car il aurait été impossible d’authentifier les intentions et les représentations de ces auteurs. Ainsi vaut-il mieux ignorer l’intérêt pour l’authenticité (ou la non-authenticité) des sources, et se concentrer plutôt sur la manière dont Sue, Buntline et Lermina, et leurs contemporains, se sont servis de l’argot dans leurs œuvres pour non seulement peindre les classes populaires et criminelles, mais aussi pour rendre leur façon de parler représentative de leur milieu tout en bouleversant constamment les attentes indicielles de leurs lecteurs.

Les changements indiciels que l’argot a connus au courant du dix-neuvième siècle, dans le genre des mystères urbains, quand il s’agit de faire référence à une classe criminelle d’abord, puis à une classe populaire, soulignent le contexte socioculturel auquel se rattachent ces expressions et façons de parler. Sue, Buntline et Lermina se servent des indices non référentiels à leur avantage et n’hésitent pas à renforcer les associations entre argot, statut social, moralité, sexe, lieu physique, ethnicité, race et sexualité. Produisant des valeurs sociales et morales, ces associations constantes fonctionnent à tous les niveaux pour traduire des types de langages standards et non standards délimités par un contexte social précis. Dans le même temps, ces associations légitiment la langue non standard non seulement par sa présence dans des œuvres de fiction, mais aussi par son inclusion dans des glossaires d’argot, des notes en bas de pages, des parenthèses, des italiques, etc., ce qui permet au lecteur d’acquérir une certaine connaissance de l’argot, voire de codifier cette autre langue, la rendant dès lors plus « standard ».

À plus petite échelle et en dépit de la dénonciation qu’en font nos auteurs dans leurs œuvres respectives, l’usage de l’argot en littérature soutient leur écriture. L’ambivalence du lectorat bourgeois et la présence simultanée d’une répulsion et d’une fascination envers la représentation littéraire des classes populaires s’expriment par le succès commercial des mystères urbains, ce qui, à une plus grande échelle, atteste d’un changement collectif des goûts littéraires à l’époque. La « mysterymania » qui suit le succès commercial des Mystères de Paris d’Eugène Sue est telle qu’elle s’étend au monde entier39. Même s’il faut bien sûr reconnaître que la forme conventionnelle de ce genre littéraire ainsi que les avancées majeures de la presse industrielle expliquent la production et la distribution de masse des mystères urbains, une grande part de leur succès réside également dans l’attrait du lectorat pour ce type d’histoires. Bien que ces œuvres ne soient pas principalement motivées par des raisons esthétiques, mais plutôt par des objectifs économiques, voire politiques, Paul Erickson suggère à juste titre : « popular fiction that is produced with the primary goal of wide sale rather than aesthetic distinction is especially worthy of study, since its success and endurance is more closely linked to the broader cultural mood40 » [la fabrique de la fiction populaire, qui sert à grossir les ventes plutôt qu’à la distinction esthétique, mérite d’être étudiée en ce que son succès et sa pérennité sont étroitement liés aux mentalités culturelles]. Toutes les catégories sociales sont représentées dans les mystères urbains, ou presque – dont le manque évident de personnages principaux de sexe féminin ou d’origine afro-américaine – et, malgré leur monopole, des écrivains tels que Sue, Lermina et Buntline écrivent véritablement pour un lectorat du dix-neuvième siècle qui peut s’identifier à certains des personnages présents dans les mystères urbains. Ce genre littéraire nourrit ainsi les tendances narcissiques de la bourgeoisie et d’une partie de la classe populaire en satisfaisant les besoins du public de se faire plaisir tout en s’identifiant aux personnages41.

Enfin, le voyeurisme narcissique des classes aisées fait partie d’un mécanisme social bien plus large qui révèle la position de pouvoir depuis laquelle supprimer et contenir les parias de la société; le désir de faire par procuration l’expérience d’une autre vie n’annule aucunement l’envie de se protéger du mal. La représentation littéraire de cet autre issu d’une classe populaire, qui évolue pourtant dans la même société, n’est pas simplement « écrite », mais contient aussi un aspect vocal et oral qui produit un tout autre type d’aliénation dont la représentation dépend essentiellement des termes utilisés pour la décrire. Même s’il est difficile, voire impossible, de trouver un attrait esthétique aux mystères urbains, il existe une beauté non pas dans leur écriture, mais dans leur contenu. Comme le signale Erickson, « City life had the capacity to both delight and horrify, a duality that authors of city-mysteries exploited to the hilt » (18) [la vie urbaine avait la capacité double de plaire et d’horrifier, une dualité que les auteurs des mystères urbains exploitent jusqu’à l’excès]. Cette dualité met en exergue une sorte d’esthétique à la fois hugolienne et baudelairienne de l’urbain dans laquelle le sublime, sous la forme d’une identification de soi dans le contexte général de la modernité, découle précisément du grotesque. Ironiquement, chaque œuvre de mystère urbain tente de rendre l’illisible lisible, exploit qui ne peut jamais être complètement réalisé, mais que l’auteur comme le lecteur continuent de poursuivre tout au long du dix-neuvième siècle. Dans cette nouvelle trinité, l’Écrivain, le Public et la Ville s’influencent sans relâche l’un l’autre et, par le biais de la littérature, modèlent les définitions des catégories et des phénomènes sociaux émergents, parfois au point qu’un langage au contexte délimité socialement et historiquement lui devient nécessaire.

(University of Colorado, Boulder)

Traduit de l’anglais par Jordan Tudisco et Catherine Nesci

[EN] Argot, Flash, and Slang : Indexical Orders in the Mysteries of Paris and New York (Eugène Sue, Ned Buntline, Jules Lermina)

The appearance of argot, flash, and slang in the city-mysteries series during the nineteenth century in France and the United States was befitting of a genre whose success thrived precisely on the debased, vulgar, and popular. The way in which writers used this kind of language indexed a certain social and moral reality of the time period, specifically that of the dangerous classes, an ambiguous term that refers to a mélange of lower-class types such as criminals and workers.42 As Dominique Kalifa points out with regards to the bas-fonds, a dark subterranean “place” that existed in reality (albeit a nebulous one), as well as in the social imaginary, these dangerous types also physically inhabited the city and fed bourgeois fears regarding moral and social contamination.43 In addition to the fear of physical bodies invading bourgeois and upper-class space, fears regarding the invasion of the representation of the dangerous classes into domains formally reserved to those of privilege, such as literature, also threatened the illusion of control the upper classes maintained over these artistic and intellectual spaces.

It was particularly in the nineteenth century that argot and slang made its way into French and American fiction, reference works, plays, and popular songs. Accompanying and catalyzing this linguistic phenomenon were several factors that contributed to its mass circulation: the invention of the steam-powered printing press, cheaper newspaper subscriptions, the popularity of serial novels, and a newfound interest in criminal life due to population increases and the rise of the middle class that gave way to a breakdown in social hierarchy. The inability to categorize people by birth created a lack of social control, as well as an interest in containing lower class bodies that perpetuated crime, disease, poverty, and revolution. This interest manifested itself on a linguistic and a literary level, producing the illusion of control over these deviant bodies. Bourgeois repulsion for “d’autres barbares” (other barbarians) simultaneously housed a certain fascination with them, as Sue shows with his comparison of indigenous barbarians with those of James Fenimore Cooper (Sue, p. 35)44. This disdain and appeal to the dangerous classes came about especially with regards to their language or “anti-language”.45 Writers became more interested in representing marginal speech practices in a way that they thought to be realistic (instead of simply parodying it), rendering the emergence of argot and slang more commonplace in fiction. In spite of the volatility surrounding its use by bourgeois writers who ranged in canonical status (e.g. the difference between Victor Hugo and Eugène Sue), its use was inevitably revealed to a large readership thanks to its literary diffusion in the press.

As with the bas-fonds, argot and slang were part of a collective imaginary; it was a language that actually existed but that also served as a linguistic scapegoat. The increasingly diverse Parisian and urban American populations, populations made up of a cacophony of dialects and street speak, could neither be contained physically nor linguistically. The targeting of slang as a morally deprived language by upper-class literary critics, writers and politicians, was a manifestation of this fear of an ethnic, racial and social polyphony. From this point-of-view, the threat ostensibly arrives from the bottom-up; the wide-sweeping urban changes in both Paris and American cities, like Boston, Chicago, New York, and Philadelphia, encouraged the exposure of low-class speech to upper-class readers. However, the representation of argot, flash, and slang by bourgeois writers delineates a top-down process, a phenomenon revealed on a macro level via the popularization of slumming46 and its subsequent documentation in the nineteenth century. It was under the guise of a moral stance against argot and slang that bourgeois writersseeminglyadvocated prescriptivism in line with what was accepted as “proper” language and could therefore explicitly go against the linguistic grain.47 This blatant opposition to literary conventions operated to both support and reject institutionalized norms, to appeal to the reader’s desire to experience a new identity and to serve the author’s personal literary style.

Focusing on Eugène Sue’s Les Mystères de Paris (1842-43), Ned Buntline’s The Mysteries and Miseries of New York (1848) and Jules Lermina’s Les Mystères de New York (1874), I will investigate the transformation of slang’s social meaning by these writers as well as the appropriation of slang by a higher social class as means to simultaneously exoticize and contain lower-class bodies. At the same time, a process of oralisation de l’écriture begins to transform nineteenth-century fiction. The demarcation of slang terms in order to exclude it from Standard English or French through the use of italics, parentheses, footnotes and glossaries not only creates an ideological distance between the two forms but it also attempts to capture slang’s ephemerality. The use of phonetic spellings by some writers, such as Buntline, in order to properly convey the speech habits of their socially marginal characters further contributes to this oralisation. While initially motivated by parody this phonetic representation of slang-speaking characters eventually segued into a linguistic naturalism (à la Émile Zola, for example). Nonetheless, these linguistic demarcations implied additional moral and social demarcations while highlighting the transgression of the boundaries between parole and écriture.   

To frame my analysis, I will be using Michael Silverstein’s concept of indexicality to refer to the context-bounded expressions and ways-of-speaking that reference, or “index”, attached cultural ideologies such as social milieu, behavior, gender, morality, race, social interaction, etc. According to Silverstein, certain terms contain an n-th order, which houses a purely communicative function and is context-dependent. For example, the word dude functions at the n-th order as a stance marker to create friendliness (e.g. “Dude, how’s it going?”).48 At the n+1st order, dude identifies African-American men during the 1970s addressing other African-American men in a friendly manner. At the n+2nd order, dude identifies white men belonging to surfer and bro culture from the 1980s to present day. And, at the n+3rd order, dude identifies young women and men who use the stance marker to address their peers in a friendly and casual way. The list of indexical orders can go on indefinitely (for example, we could also say that a n+4th order exists to index people from Southern California) while existing simultaneously; dude of the 3rd order does not succeed the dude of the 2nd order but occurs alongside it.49

Although several linguists and sociolinguists have developed their own theories of indexicality, Silverstein’s encompasses both referential and non-referential indexical orders.50 For the purposes of my study, I am most interested in the use of non-referential indexical orders by French and American urban mystery writers during the nineteenth century, and their deployment of argot and slang in fictional works in a way that generated social meaning regarding an otherwise underrepresented portion of the population from the literary world. Argot and slang became indexical of certain ethnic, racial, and social groups, and they not only identified deviant persons (both real and imagined) but also served as a means of controlling and excluding said persons from the physical and intellectual domains of the upper classes.

The Indexical Orders of Slang: Class and Morality

In terms of definitions, I will adhere to the notions of slang as characterized by our writers. Although Sue does not give an explicit definition of argot, he consistently associates the term with the criminal classes and the Parisian underworld. The incipit of the novel (and first sentence of the text in the feuilleton) reads as a dictionary entry: “Un tapis-franc, en argot de vol et de meurtre, signifie un estaminet ou un cabaret du plus bas étage” (p. 31) [“In the slang of murderers and thieves, a ‘joint’ is the lowest sort of drinking establishment.” (p. 3)51]. The characters that participate in the villainous dealings of the bas-fonds are the ones who use argot and always in a physical location that is befitting of such speech. For instance, there is hardly any argot in the scenes that take place at Rodolphe’s farm in Bouqueval except when our criminal characters leave their urban dwellings to carry out their sinister plans in the countryside. In The Mysteries and Miseries of New York, Buntline’s glossary at the end of Part I defines flash as: “The language of thieves52”. The glossary does not include a definition of slang, but Buntline defines his words by referring to them as “slang terms” not “flash terms”. In The Flash Press: Sporting Male Weeklies in 1840s New York, historians Patricia Cline Cohen, Timothy J. Gilfoyle, and Helen Lefkowitz Horowitz define “flash” as the following: “First coined among the swindling underworld of eighteenth-century London, flash denoted an elaborate slang vocabulary used by thieves to communicate among themselves and mystify outsiders. It carried core meanings of smartness and deceit53”. Our authors make the distinction between flash the language and flash newspapers, a genre of newspaper that relied heavily on the sensational and depicted “a world of deceit and counterfeit.” Indeed, flash according to Buntline seems to correspond to this definition since many of the criminal characters are English transplants. Although it is mainly the British characters engaged in seedy activities who use flash, like Jack Circle and his gang, who are initially described by the language that they use,54 there are also characters like Frank Hennock, who retains an aversion to flash despite shady dealings and association with the likes of Jack Circle. When his girlfriend, Matilda tells him to speak “plain English” (i.e., flash) Frank is resistant: “Flash, Maltida! oh horrible, it is vulgar . . . In all my collection I’ve got but one book on the flash, and that’s Captain Grose’s dictionary. No, it’s vulgar, and I won’t use it, Matilda” (p. 39). This discrepancy between social status and language is typical of Buntline’s text, but in general his definition of flash as the language of thieves remains the predominate one. Additionally, in the above example, Buntline plays with the reader’s indexical expectations by referring to flash as “plain English”, a description that posits the language as the linguistic standard instead of as the non-standard. The fact that the only text Frank owns containing flash is a dictionary also highlights this bizarre presentation of an anti-language as a codified and standardized way-of-speaking. The reader is receiving two conflicting indexical messages: on the one hand, Frank’s repulsion corresponds to the socially conditioned response towards flash, i.e. that one should be disgusted and avoid it at all costs. However, on the other hand, when Matilda refers to flash as “plain English” and cannot understand her boyfriend when he uses Standard English to speak, in addition to Frank’s revelation that he possesses a flash dictionary, this confuses the reader’s indexical expectations. Disgust may still be the socially appropriate response, but now the anti-language seems more bourgeois in appearance. Far from its dwellings in the urban underground, flash has made its way into upper-class terrain and is now presenting itself under the guise of legitimate reference works.

Like Sue, Lermina does not give an explicit definition of slang in Les Mystères de New York, but defines it via the context of its use, the kinds of characters who use it and the settings in which they use it. The author is more interested in what he sees as the pure “argot yankee55” (p. 96) than of the use and evolution of British slang in the U.S. like in Buntline’s work. When the reader first enters the orphanage run by Master Sponge the description begins with the presence of an unrecognizable voice : “ ‘— Haut! Les gosses! hurla une voix.’ L’argot yankee est plus odieux que cette expression” (p. 42) [‘High, kids, a voice screamed.’ Yankee slang is more odious than this expression]. Keeping in line with his predecessors, Lermina highlights slang’s inherent vulgarity throughout the text and, through the kind of speakers who use it, reveals the various social and moral indexes that are attributed to this particular speech practice.

In terms of a development of the indexical orders of argot and slang, this process takes place in all three texts through the relationship between how the characters speak, their class origin, and their geographic location, relationships that have larger moral implications. First, Sue, Buntline, and Lermina make a point of distinguishing argot and slang from Standard English or French through the use of footnotes, italics or parentheses. Definitions of slang words are embedded directly within the text, provided in a footnote or, in the case of Buntline, organized in a glossary. As a result, a kind of codification of slang takes place via this formal classification. As sociolinguists Lesley Milroy and James Milroy state with regards to how codification happens: “[T]he writing system serves as one of the sources of prescriptive norms, and prescription becomes more intense after the language undergoes codification […]because speakers then have access to dictionaries and grammar-books, which they regard as authorities56”. The inclusion of in-text translations of argot and slang terms is a move towards the codification that Milroy and Milroy discuss.57 While only Buntline includes a glossary, the footnotes, italics, and parentheses that Sue and Lermina use are nonetheless part of the process of legitimizing the non-standard, not only due to the authors’ decision to include argot and slang in their respective works, but also due to the adoption of formal formatting (such as the glossary), in order to render the presentation more “academic” and thus, legitimate.

 In most cases the characters using argot or slang belong to the criminal or working classes and are typified by their speech practices. This is no doubt the most obvious way in which bourgeois writers of the nineteenth century established the context in which slang became dependent on and thus, functioned as an index of a certain person(s) and/or class milieu. Several times in Les Mystères de Paris, Sue juxtaposes the use of argot with the standard French of other characters, mainly aristocratic ones. When slumming aristocrats Tom and Sarah enter the cabaret of the Lapin-Blanc, their physical appearance reveals that they do not frequent such shady establishments : « L’entrée de ces deux personnes dans le tapis-franc avait vivement excité l’attention; leurs costumes, leurs manières, annonçaient qu’ils ne fréquentaient jamais ces ignobles tavernes. À leur physionomie inquiète, affairée, on devinait que des motifs importants les amenaient dans le quartier. » (p. 76-77) [“The entrance of these two people in the joint had roused everyone’s attention. Their clothing and their manners suggested that they never frequented such plebeian taverns as this one. From their preoccupied and anxious expressions, it was not hard to guess that they had good reasons for coming to this neighborhood.” (p. 44)] In addition to their ill-fitting demeanor, their French seems out of place since the two characters speak “en très bon français et presque sans aucun accent” (p. 76) [“in excellent French with nearly no accent” (p. 44)]. When Tom addresses le Chourineur (the Slasher) in the hopes of getting information about Rodolphe, his proper manner of speaking hinders communication and le Chourineur must translate his argot into standard French. After Tom inquires about the identity of Bras-Rouge, le Chourineur replies, “Il pastique la maltouze” [“He fakes packing trunks” (p. 46)], a response that bears repeating:

— Je n’ai pas bien compris ce que vous m’avez dit sur ce Bras-Rouge. Rodolphe sortait de chez lui, sans doute?
— Je vous ai dit que Bras-Rouge pastiquait la maltouze […]
— Qu’est-ce que ça veut dire, pastiquer la mal… Comment dites-vous cela?
— Pastiquer la maltouze, faire la contrebande, donc! Il paraît que vous ne dévidez pas le jars58 ?
— Mon brave, je ne vous comprends plus.
— Je vous dis : Vous ne parlez donc pas argot comme monsieur Rodolphe?
— Argot? dit Tom en regardant Sarah d’un air surpris.
— Allons, vous êtes des sinves59 […] Eh bien, puisque vous ne parlez pas ce beau langage-là, je vous dis en bon français que Bras-Rouge est contrebandier [...]. (Sue, p. 79)
[— “I didn’t understand what you said about Red-Arms. Rodolphe was leaving his place, surely?” / — “I told you that Red-Arms fakes packing trunks.” […]/— “What do you mean, he fakes packing trunks? What does that mean? /— Fakes packing trunks. He sells contraband goods. It seems you don’t speak the lingo.”/ — “My good man, I don’t understand you.” / — “I am telling you that you don’t speak slang like Monsieur Rodolphe.” / — “Slang?” said Tom, looking at Sarah in surprise. /— “Come on, you guys are a couple of mugs. […] Well, since you don’t speak this beautiful tongue, I’ll tell you in plain French that Red-Arms is a contraband dealer.” (p. 46-47)]

This interaction between Tom and le Chourineur reinforces the correlation between class origin and speech practices, i.e. that Standard French belongs to those of an educated, elite class whereas non-standard French, like argot, belongs to those of an uneducated criminal class who are detrimental to society: linguistically, morally, and socially. However, although socially powerful, the character from the privileged class, Tom, is unable to recognize argot, which leads to a linguistic power shift. It is the character from the criminal class, le Chourineur, who not only speaks argot, but who also stands in a position of power, linguistically speaking, since he controls the information being relayed to Tom. Tom, although socially powerful, is unable to recognize argot, which further emphasizes his class background and makes it apparent to the reader that Tom’s visit to the Lapin-Blanc is his first time in an establishment of such disrepute. In a way, there is reverse cultural capital at work here since the typically dominated culture is now the dominant one, but solely within the context of a sub-society, or rather an “anti-society”, that contains its own agents and structures to mediate the cultural value of this kind of capital. And similarly to a bourgeois-dominated society in which culture in actuality is exclusive only to the dominant classes (although, in theory, available to all), the culture of Sue’s anti-society is in reality only available “à ceux qui sont dotés des moyens de se l’approprier60” [to those who are endowed the means to appropriate it].

Although it is clear that the upper classes had more formal education and were certainly more literate, what “means” were necessary in order to obtain this kind of “cultural capital” within the Parisian underworld? Indeed, it was knowledge that only through a process of initiation could those of the upper classes successfully acquire it. Thus, the déjà-initiés (like le Chourineur) were of indispensable importance to their upper-class counterparts and, at the same time, subverted the cultural schema that was already in place within the standard dynamic between the dominant and dominated.

In a similar fashion, in Lermina’s Mystères de New York, when Effie, the daughter of big-time banker Samuel Tillinghast, goes in search of Bam at the Old Flag, her exchange with Doggy and Mop reveals her lack of inability to recognize and comprehend slang as well:

 — Que fait-il sous cette table?
Doggy hésita.
— Il avait une brique trop lourde dans son chapeau… elle l’a entraîné…
— Je ne comprends pas…  
— Mille pardons! reprit Mop, prenant en pitié cette ignorance du slang ou langue verte du pays… il est soûl comme un Kentuckien. (p. 8)
[— What is he doing under this table? /Doggy hesitated./ — He had too heavy a brick under his hat … it dragged him away … / — I do not understand … / — A thousand apologies! Mop said again, taking pity on this ignorance of slang or the crude language of the land … he is drunk like a Kentuckian]

Similar to the Lapin-Blanc scene in Les Mystères de Paris, Effie’s class background betrays her as soon as she inquires about Bam’s whereabouts. Again, it is the character from an under-privileged social class who exercises a more powerful role linguistically. Mop and Doggy have complete reign over the information at hand, and Effie must acknowledge the limitations of her own social class. These limitations speak to a reversal of the typical relationship between those of the dominant classes and those of the dominated ones in which those from the dominant classes have more cultural power due to their educational and economic status. But within the context of a society constructed by the dominated classes, the cultural symbols of their upper-class counterparts loses value and are replaced with different symbols that are not easily accessible to the dominant class. It seems that there is a constant tension between dominant and dominated in both social contexts, i.e. society or anti-society, and that the terms “dominant” and “dominated” become more arbitrary due to the constant flip-flopping of power.

The situation in Buntline’s Mysteries and Miseries is slightly different when it comes to a linguistic initiation of one social class by another. First, there are exchanges similar to those found in Sue’s and Lermina’s works. When Frank takes Mr. Precise slumming, Precise asks his guide if there is any potential danger:

— No sir, not while I’m along,’ replied Frank. ‘I know their ways; you just keep cool, and say nothing, but use your peepers.
— You’re a brave, good boy, Francis; but what are peepers? You use some strange expressions.
— I was using the kind of language which you’ll hear tonight, sir. Peepers means  eyes; but hurry along with me, sir, and don’t be afraid, I’ll take care of you. (p. 75)

This scene aligns with the typical revelatory process that occurs: a character from a lower class affiliated with criminal life must translate slang into the standard form to a character of a higher class. However, Buntline is not without his exceptions. When Big Lize attempts to explain to her cousin Angelina what a panel house is, Angelina needs the flash terms defined for her. Eventually, Angelina’s frustration from her lack of understanding prompts Lize to acknowledge her poor speech habits: “Blow you? Sent up? Cousin, I cannot understand you. – Well, gal, it’s because I’ve been so used to pattering flash with thieves, that I forget how to talk in Christian language. To ‘blow’ would be to tell of some of my stealing; and to get me ‘sent up,’ means to get sent to the states prison!” (t. 3, p. 48). Buntline does not shy away from the religious implications that ways of speaking index and, instead of referring to Standard English as such, Big Lize simply refers to it as “Christian language.” To further emphasize the moral divide between the standard and the non-standard, the expressions that Lize explains to Angelina have a strong criminal connotation. One refers to criminal action while the other refers to a physical place where criminals are found. The association is clear: speaking the standard language is indexical of strong morals whereas speaking the non-standard implies a lack of religious awareness and thus, moral integrity. Given both Angelina’s and Lize’s origins (and the eventual unveiling of their relationship as cousins), this initiation does not take place between two members of society who are of a differing class milieu. As Stephen Knight points out in The Mysteries of the Cities: Urban Crime Fiction in the Nineteenth Century, “Judson [Buntline] sees urban crisis as essentially based on a sense that many people fail to live up to the appropriate standards of behavior61.” Since both girls have followed the same class trajectory more or less, the fact that one uses flash and the other does not is founded solely on their behavior and life choices; it is not the result of class. Unlike Sue and Lermina, Buntline eliminates class as a potential explanation of speech practices and instead emphasizes the individual’s conduct as the determining factor. For him, behavior and language are not necessarily class-bounded.

In addition to the alignment of class origin and speech practices, authors can also misalign these two factors in order to reinforce the indexical orders at play. This technique is particular to Eugène Sue who emphasizes argot’s association with the lower classes via the use of linguistic irony in which characters from the criminal class use a language indicative of a person from a bourgeois background and vice versa. When Rodolphe interferes in order to save la Goualeuse from le Chourineur’s fury, le Chourineur notices Rodolphe’s capacity to speak argot : “[M]ais qui es-tu donc?... tu dévides le jar comme père et mère!” (p. 42) [“But who are you, anyway?... You speak the lingo like one of us.” (p. 7)] Although he is unaware of Rodolphe’s true origins as the grand-duke of Gerolstein, le Chourineur is aware of the prince’s affected mannerisms and physical beauty that contrasts with the “physionomies [...] féroces ou abruties” of the regulars at the Lapin-Blanc (p. 44).62 In spite of Rodolphe’s attempts to hide his class background, his appearance betrays him, and his use of argot appears ill fitting to characters like le Chourineur, whose origins almost oblige such gruesome speech.63 One character whose entire identity is founded on the misalignment of class origin and speech is le Maître d’école (The Schoolmaster), a criminal who is called such “parce qu’il a une écriture superbe et qu’il est très savant” (p. 69). During a rendez-vous with Rodolphe, le Maître d’école abandons his “méchants habits et son air de brutalité féroce” in favor of “une longue redingote de castorine verte et un chapeau rond,” a look which gives him the air of “un honnête bourgeois” (p. 120). In addition to a physical metamorphosis, le Maître d’école also undergoes a linguistic one : “À l’argot du tapis-franc le Maître d’école avait substitué un langage presque recherché, qui paraissait d’autant plus horrible qu’il annonçait un esprit cultivé et qu’il contrastait avec les forfanteries sanguinaires de ce brigand” (p. 121). What is worse than the criminal’s use of argot is his use of a language indexing the French bourgeoisie (which, at the same time, would index a strong sense of moral integrity). Le Maître d’école even corrects Rodolphe’s grammar, a gesture that not only reinforces le Maître’s role as learned criminal, but also undermines the reader’s faith in Rodolphe’s aristocractic education.64 The paradoxical relationship between appearance, class origin, and speech practices proves problematic to the bourgeois reader since it is not only the appropriation of argot by the upper classes that is at stake, but the appropriation of standard French by a criminal class who has not undergone the necessary moral conversion. In this way, Sue creates such a contrast that the reader becomes aware of the topsy-turvy indexical orders at play and can therefore properly establish which indexical orders should go with which characters based on their class background.

Although there generally exists a correlation between class origin, language, and morality, it is important to note that slang’s indexical orders in these texts do not exclude upper-class characters from moral deficiencies as well. In Les Mystères de Paris, characters like Sarah MacGregor, Polidori, and Jacques Ferrand come from either an aristocratic or bourgeois background, but remain evil to the core. The corrupt nature of upper-class characters in Les Mystères de New York manifests itself best in big-time bankers Samuel Tillinghast and Adams Macy, in addition to their progeny. In The Mysteries and Miseries, Buntline’s upper-class characters, like Peter Precise and the Abingdons, possess strong morals, whereas certain characters like Mr. Tarhound, the sleazy lawyer whom Frank hires to handle Precise’s inheritance, and Albert Shirley, whose adulterous affair leads to a botched abortion and the subsequent death of his lover, Mary, are morally deprived. These writers continuously play with the indexical orders that relate class-to-language-to-morality in a way that disrupts the social expectations of the reader. Such play destabilizes any hard-and-fast rule regarding the relationship between these three elements but ironically, functions to cement the contexts upon which both standard and non-standard speech practices are dependent, in part due to slang’s mounting recognition by bourgeois authors.

Slang’s Spatiality : The Relationship Between Speech and Place

Even if the correlation between morality and social class does not surface in all three texts, each one does offer a connection between morality and speech practices. Additionally, there exists a similar connection between the setting and the kind of language that the characters use. Apart from taking place in cities, the haunts in which characters use flash and slang are mostly in bars, brothels, poorhouses and soup houses, and the streets. These associations function to contextualize the language in the same way that class would, through the reinforced demarcation of certain physical spaces in relation to speech practices. The opening chapter of Les Mystères de Paris appeals immediately to the bourgeois reader’s fascination with the Parisian underworld:

Nous allons essayer de mettre sous les yeux du lecteur quelques épisodes de la vie d’autres barbares aussi en dehors de la civilisation que les sauvages peuplades si bien peintes par Cooper.
Seulement les barbares dont nous parlons sont au milieu de nous [...]
Ces hommes ont des mœurs à eux, un langage à eux, langage mystérieux, rempli d’images funestes, de métaphores dégouttantes de sang. (p. 35-37)

[“For our own readers, we are going to attempt to depict some episodes from the lives of the French savages who are far removed from civilization as the Indians Cooper so vividly depicts. And these barbarians are all around us. […] These men have their own morality, their own women, their own language—a mysterious language, full of morbid imagery and metaphors steeped in blood.” (p. 3)]

A page later, the narrator acknowledges the reader’s mixed feelings towards such taboo subject matter : “Nous sommes presque restés dans le doute; sans l’impérieuse exigence de la narration, nous regretterions d’avoir placé en si horrible lieu l’exposition du récit qu’on va lire. Pourtant nous comptons un peu sur l’espèce de curiosité craintive qu’excitent quelquefois les spectacles terribles” (p. 36) [“And, to some extent, we still have our doubts. If we had not felt that the story you are about to read needed so urgently to be heard, we would have regretted placing it in such shocking surroundings. In the end, we rely on the fearful curiosity that terrible spectacles sometimes illicit” (p. 4)] Here Sue allows the bourgeois reader to slum vicariously through the author’s descent into the underworld. By rendering those French speakers who use argot analogous to the “savages” found in the novels of James Fenimore Cooper, i.e. non-Europeans, the author invites the reader to step out of civilization, into a realm wherein the language reflects the gruesomeness of a non-European, barbaric way-of-life. Yet the only difference between Cooper’s savages and Sue’s, is that Sue’s are European and thus reside amongst his readership in hidden urban dwellings of the city-center. In Slumming: Sexual and Social Politics in Victorian London, Seth Koven studies the popularization of slumming by the upper classes in late-nineteenth-century London:  “We will never know precisely how many men and women went slumming, but the fact that slums became tourist sites suggests it was a very widespread phenomenon [...] At the same time, when elites wrote about slums, they tended to romanticize and exoticize them as sites of spectacular brutality and sexual degradation to which they were compulsively drawn.65” Slumming not only permitted upper-class men and women the temporary experience of a different way-of-life but allowed them to re-create their identity. Edward Tannenbaum also comments on this collective bourgeois interest in a lifestyle that was completely foreign to them, but that remained within their geographical grasp nonetheless: “What Sue’s new novel did do, with its title and its opening description of a bar for thieves and prostitutes, was to appeal to the bourgeois tourist’s taste for the exotic66”. The use of slang exoticizes the urban dwellings of the poor and criminal classes by creating linguistic and symbolic barriers between the barbaric and the bourgeois. When describing the cabaret du Lapin-Blanc in Les Mystères de Paris, the narrator reinforces the connection between language and physical location through the written representation of argot on the walls of the bar: “Les murs, recrépis à la chaux, sont couverts çà et là de dessins grossiers ou de sentences en termes d’argot” (p. 43) [“The patched-up, whitewashed walls had vulgar drawings on them in places, was well as bits of wisdom written in thieves’ jargon” (p. 9)]. The physical and linguistic terrain function as one entity since the speakers cannot be separated, physically or metaphysically, from the locations they frequent. The fact that the argot found aurally in the tavern is now found scripturally on the building itself means that this language physically makes up part of the location, and not just in the abstract. The indexical relationship between language and location is not only literal but binding as well; the destruction of the building means the destruction of the language, physically and metaphorically.

While the objective of writers like Sue is to incorporate argot in a way that portrays a social reality, albeit for shock value, the accompaniment of “vulgar drawings” on the walls of the Lapin-Blanc introduces an archaic element to this dangerous language. The crude and barbaric way-of-life of hardened criminals is not far off from that of our pre-historic human ancestors with their rudimentary cave drawings and caveman speech. The resemblance between the criminal and the caveman, although historically removed from one another, functions in two ways. First, it reinforces Sue’s pejorative characterization of the bas-fonds and its dwellers by portraying them as less evolved in a sort of pre-Lombrosian attempt to categorize criminals as biologically inferior. Second, it socially distances the bourgeois reader from evildoers rendering the reader more akin to an anthropologist who observes from a removed social position. From this objective standpoint, the upper classes are not only seen as biologically superior but are seemingly distanced from an imminent social threat. The crude drawings on the walls of the tavern reveal a kind of biological and linguistic primitivity with regards to both the language and the speakers, in addition to placing the reader in a position of objectivity. Like the zoologists who can study their animal subjects behind the safety of fortified glass, the bourgeois public can study their criminal subjects behind the safety of a serial novel.67

The slums and dwellings where poverty and crime bred in nineteenth-century France and America were what linguist M.A.K. Halliday termed anti-societies. For Halliday, within every modern society there exists an anti-society, or “a society that is set up within another society as a conscious alternative to it68”, which reflects a counter-social construction including that of identity. In Mystères de Paris, the criminal underworld is in constant tension with the customs and language of the upper classes in the novel; however, the two realities must exist simultaneously in order to exist at all. Due to his mastery of argot and infiltration of criminal life, the aristocratic protagonist Rodolphe stands as the existential shape shifter par excellence. According to Halliday, each anti-society contains an anti-language that indexes an “alternative social reality”: “There is continuity between language and anti-language, just as there is continuity between society and anti-society. But there is also tension between them, reflecting the fact that they are variants of one and the same underlying semiotic. They may express different social structures; but they are part and parcel of the same social system.69” The tension of differing social classes can be seen in Rodolphe’s stay at 17 rue du Temple, which exemplifies his multi-faceted identity. The house acts as the headquarters of the va-et-vient of characters of various social milieus; as Knight points out : “Though there is a clear sense that this is not a natural place for aristocrats to be, their own social mobility and the vicissitudes of the story involve them in the house: it is central to the interactions of both the city and the story. At the same time the house is a means for Sue to explore the considerable variations of life and attitudes in the lower-income levels70.” The house on rue du Temple is a place that involves characters of all social classes and, due to the author’s role as mediator, allows upper-class readers to experience extreme crime and poverty. In the chapter entitled “Saint-Lazare,” in which Clémence d’Harville visits the prison where Louise Morel is incarcerated, the author/narrator conflates the philanthropic descent into the bas-fonds with this fictitious prison visit and the anxiety of altruism that propels the narrative:

Sans oser établir un ambitieux parallèle entre leur mission et la nôtre, pourrons-nous dire que ce qui nous soutient aussi dans cette œuvre longue, pénible, difficile, c’est la conviction d’avoir éveillé quelques nobles sympathies pour les infortunes probes, courageuses, imméritées, pour les repentirs sincères, pour l’honnêteté simple, naïve; et d’avoir inspiré le dégoût, l’aversion, l’horreur, la crainte salutaire et tout ce qui était absolument impur et criminel? [...] Notre unique espoir est d’appeler l’attention des penseurs et des gens de bien sur de grandes misères sociales, dont on peut déplorer, mais non contester la réalité. (p. 568)

[Without presuming to draw a too ambitious parallel between their mission and ours, might we not at least say that we are sustained in this long, painful, difficult work by the conviction that we may have awakened noble feelings of sympathy for those unfortunate people who, upright and courageous, do not deserve to be in this condition, as well as sympathy for sincere repentance and simple honesty? We also hope to have inspired disgust, aversion, horror, and a healthy fear of all that is absolutely impure and criminal. […] Our only hope is to call the attention of thinkers and people of means to these great social problems; one may deplore them, but their reality cannot be denied.” [p. 616-17)]

For Sue, the two kinds of slumming share a common objective, but apart from its ostensibly benevolent nature, slumming in Mystères houses other purposes. For the upper-class characters, do-gooding is a form of diversion. After Clémence d’Harville tells Rodolphe about her mother’s murder and her subsequent marriage to M. d’Harville, an epileptic, Rodolphe advises her to take up charity work: “Je veux dire que si vous vouliez vous amuser à faire le bien, rien ne vous plairait, rien ne vous intéresserait davantage [...]/[S]i vous vous amusiez comme moi à jouer de temps à autre la Providence, vous avoueriez que certaines bonnes œuvres ont quelquefois tout le piquant d’un roman” (p. 389) [“I mean that if you choose to entertain yourself by doing good deeds, nothing would give you more pleasure; nothing would engage you more. […] But if you entertained yourself as I do by playing the role of divine justice from time to time, you would find that certain good deeds can sometimes be as engaging as novels.” (p. 403)] Playing God is the ultimate form of aristocratic play, and Rodolphe’s advice reveals a motivation for charity that is driven by power. However, even if the boundary between self-denial and self-interest remains ambiguous, benevolence accords to the upper-classes access (both literally and literary) to the illicit districts of society’s untouchables.71

The immorality of the urban space is further contrasted with the morality of the countryside, which Sue consistently characterizes as a utopian space. The chapters in which the characters find themselves at Rodolphe’s farm in Bouqueval contain little-to-no argot (with the exception of the criminal characters who find themselves scheming in the countryside). La Goualeuse (Songbird, also “Fleur-de-Marie”) makes her desire to live in the countryside known in the beginning of the text,72 and the reader is aware that Rodolphe was raised at the Bouqueval farm,73 a detail that (perhaps) correlates to his strong moral integrity. Sue posits rural life as the source of true happiness, a perspective that manifests itself through la Goualeuse’s idealism. Her longing to return to nature is also one she communicates to la Louve (the She-Wolf) through the power of storytelling; in addition, her skilled inclination to tell stories, similarly to Rodolphe, creates a mise en abyme of Sue’s storyline. After asking la Louve if she is happy, la Goualeuse paints a vivid picture of a life previously unimagined by her friend (p. 597). In this fantasy, la Louve’s lover, Martial, is no longer a river thief, but a gamekeeper, which would allow the couple to live in the woods. La Goualeuse goes on to describe the little cottage where la Louve and Martial will live with their future children “en pleine forêt” (p. 597) [“deep in the forest” (p. 648)]. Once the children have grown, “le plus grand irait dans les herbes de la forêt faire pâturer une vache ou deux” (p. 597) [“The older one will take the cows out to pasture in the forest grasses” (p. 648)]. The countryside typically functions as a semi-permanent utopia and is one that is never fully realized for either la Goualeuse or la Louve, who ends up defending “her” farm from Arabic “pillards” in France’s colonial space in Algeria. Rural places in Mystères are only temporarily inhabitable if at all, while the urban dwellings remain a permanent fixture of every character’s life by the end of the novel. Nature permits the momentary escape from a reality littered with injustice, poverty, and moral anarchy. When la Goualeuse tells Rodolphe how she would walk to the Flower Market in order to breathe in the fresh smell of flowers, she explains how she was so happy “que j’oubliais tout” (p. 87) [“I forgot everything” (p. 55)]. After Rodolphe describes for her what her life at the farm in Bouqueval would look like, she becomes captivated by her fantasy to such an extent that she enters an a-temporal space: “Un moment abusée par les paroles de Rodolphe, elle avait oublié le présent, et le contraste de ce présent avec le rêve d’une existence douce et riante lui rappelait l’horreur de sa position” (p. 104) [“Caught up, for a brief moment, in the illusion of Rodolphe’s words, she had forgotten the present. And the contrast between that present and the dream of a sweet and cheerful existence had reminded her of the horror of her true condition” (p. 74-75)]. Like the physical space itself, the imagined space of the fantasy cannot last and is always interrupted by either the physical or imagined present. In any case, whether urban or rural, Sue uses language to infuse space with certain moral indexes, i.e. the location indexes the language used there (and vice versa), which further reflects the moral integrity of the speakers; the repeated association between the kinds of places and the kinds of language spoken function together to make up a bounded context while the author/narrator serves as the interface between reader and reality allowing for the access to slum-life via literature.

Lermina’s Mystères de New York also establishes linguistic divisions based on geographical ones. When Dan Yoke decides to show Edwards the city’s untouchables, they arrive at a Soup-house where society’s pariahs congregate daily and nightly. Like the Lapin-Blanc, the building itself is slang personified : “Des murs suintants, couverts de dessins et d’inscriptions au charbon, dessins orduriers, inscriptions obscènes; menaces, imprécations, glorioles de vice; c’est le glossaire de l’argot et du blasphème” (p. 98) [Oozing walls covered with charcoal drawings and inscriptions, filthy and vulgar drawings, obscene inscriptions; threats, imprecations, the vainglories of vice; this is the glossary of slang and profanity]. Lermina’s anti-society is one in which the physical space of the building corresponds to the physical space of books; in the anti-society, knowledge is not acquired through formal means in which the experience of the subject is second-hand but, rather, through the first-hand experience of the subject as a living entity. Language is no longer a topic in the abstract, but an experience that encompasses three-dimensional places and actors whose own experience must occur simultaneously with that of the subject’s. Argot was a linguistic phenomenon that was to be experienced and, thus acquired, in real time and, in spite of its lack of standardization, it became synonymous with the places its speakers generally frequented and, as with those of the Lapin-Blanc, the inscriptions found at the Soup-house mark argot’s territory, physically and aurally.

Although slang is not personified in the same manner, in the preface to The Mysteries and Miseries of New York, Buntline assures his reader that he has completed the necessary research to write as an authority on the subject matter, and his opening statement declares that the material “is drawn from life, heart-sickening, too real life” (p. 5). He goes on to claim that :

[n]ot one scene of vice or horror is given in the following pages which has not been enacted over and over again in this city, nor is there one character which has not its counterpart in our very midst. I have sought out and studied the reality of each person and scene which I portray. Accompanied by several kind and efficient police officers, whom, were it proper, I would gratefully name. I have visited every den of vice which is hereinafter described, and have chosen each character for this work during these visits. (p. 5)

Additionally, within the narrative itself, the narrator constantly reaffirms his position of authority:  “We speak of what we have seen; for many a sickening hour we have spent in studying these scenes. We have gone within these hells – we have marked looks, expressions, and characters, until the book is as one committed to memory, a memory which holdeth all that it has gained.” (p. 94) Like Sue, Buntline acts as a sort of tour guide, sparing the reader a first-hand experience. The advantage is that the reader encounters no real physical danger (moral, perhaps), but can still participate in a kind of literary slumming.74 Instead, the author mediates on behalf of the reader, engaging in a kind of flânerie that transcends class boundaries and characterizes the author as a linguistic cartographer, one who maps language in relation to the real-life, urban landscape in which it finds itself. Nonetheless, slang’s roots in a predominately oral tradition connote its ephemerality, a feature that prevents bourgeois authors from fully capturing the speech practices of the lower classes. The transfer from low-to-high culture, from the oral to the written, results in a cultural disconnect that can never be entirely recovered in so much as the bourgeois novelists and journalists are writing (or “speaking”) on behalf of the lower classes.  

Within the narrative of Mysteries and Miseries, flash appears mainly in locations where immoral activities take place: streets, bars, and brothels. The conversation between Charley and Big Lize on the streets of New York in the beginning of Part I is indecipherable to the uninitiated reader:

—How d’ye, Charley, my chum! I haven’t lifted nuthin’ as yet; but I mauled some o’ the bigbug swells a bit ago. If you’d been there you might have larnt ‘em some lessons in the knucking line?
—What, warn’t none of the files on the tramps?
—Not a mammy’s son of ‘em! (p. 13)

Here, Lize explains that she hasn’t pickpocketed anything yet, but that she beat up some drunkards (referring to Gus and Harry). She then criticizes Charley for not being there to steal from them, a remark that prompts Charley to ask if anybody was there to assist her. The lack of in-text citations that include the necessary translations for the uninitiated reader highlights the difficulty in comprehension that arises when the author/narrator no longer mediates sufficiently. Buntline does include a glossary at the end of the first volume, but unlike footnotes and parenthetical definitions that are more accessible and immediate to the reader, the glossary disrupts the reader’s experience of the narrative. By placing the glossary in a separate section of the text, the reader becomes more aware of their dependence on such tools in order to comprehend what the characters are saying; in order for reading to occur, the reader must engage in the necessary work or else the text is meaningless.

In addition to the flash vocabulary that Lize uses, this disruption of the narrative also occurs in part by the broken syntax and abbreviations. The reader, presumably unfamiliar with such spellings, must sound out Lize’s words, a practice that restores the oralité to the character’s speech practices. Buntline manipulates the syntax and spellings to phonetically imitate Lize’s accent and voice; here the written meets the oral, and the mimetic aspect of Lize’s speech practices allows her to rise to the forefront of the plot as a subject, while Buntline’s role as master mediator recedes into the distance.

In addition to the streets, characters also use slang in bars (like Florence’s and Pinteux) and brothels (like Julia B’s), the typical haunts of society’s lowlifes. Buntline’s attention to the speech practices of flash-speaking characters extends beyond the criminal classes, and he portrays the speech of such characters as Tobin the Frenchman, Genlis the gypsy, the Dutchman, and Pete Williams the African American bar owner, phonetically.75 This phonetic spelling both stems from and promotes pejorative ethnic and racial stereotypes, and it reveals these characters to be synechdochical figures of their respective ethnic, racial, and/or social groups. However, what distinguishes Buntline’s work from Sue’s or Lermina’s is the corporeal expression that supplements the linguistic indexes of immorality.76 Kate Buckley’s soirée at the Star and Garter, a house that the narrator describes as a “watering-place and ‘dance house’ for thieves and pickpockets,” is not only typified by the demographic and the language they use, but also by the accompaniment of music and dance: “The music was made up of one fiddle scraped by a blind negro, a tambourine played by a very fat Dutch girl, and a harp touched not very lightly by ‘a German travelling artiste,’ …Cotillions, fore-and-afters, reels, and waltzes were danced; liquor ‘suffered’ some, and jollity was the order of the night.” (I.60) The characters, music, and dance in Buntline’s seedy haunts are as marginal as the physical places themselves: African Americans and European immigrants became synonymous with transgressive actions and behaviors.

In her article on le chahut, a dance of the lower and under classes in early nineteenth-century France, Andrea Goulet analyzes the relationship between deviant language and deviant bodies, stating that it was “a dance that became linked in the popular imagination to the can-can and to criminal slang77.” In the Dictionnaire de la danse (1895), Gustave Desrat gives the following definition for chahut : « On a donné ce nom à une sorte de danse épileptique ou de delirium tremens, qui est à la danse proprement dite ce que l’argot est à la langue française; comme le dirait Delvau, c’est la langue verte de la chorégraphie78. » [This name was given to a kind of epileptic dance or delirium tremens, which is to the actual dance what slang is to French language; as Delvau would say, it is the slang of choreography]. The indexical relationship between speech practices and bodily movement implies additional relationships of class, ethnicity, and race that are not mentioned explicitly, but that are already present in the upper-class imaginary to such an extent that it goes without saying for lexicographers like Desrat. In Buntline’s case, the indexical relationship between language, body, and ethnic/racial/class origins is indeed present, but the writer attempts to simultaneously exoticize and contain the peripheral figures in his work by confining African-American and European characters to their slums and dive hangouts. These bodies are indeed chaotic, as revealed through their subversive dance and speech, and if uncontained, they could potentially violate prohibited physical boundaries in addition to the moral and social ones they have already crossed. However, by limiting the immoral behaviors of African-American and European characters to places such as brothels, dive bars, and prisons, Buntline reassures that reader that, even if immoral activities occur, spatial lines will not be crossed. For example, when Frank takes Mr. Precise to The Tombs, a New York prison,its location is characterized by the music and dance in the surrounding buildings: “Their approach to the place could easily enough be known by the distant sound of fiddles and tambourines, for on its borders every house serves the double purpose of a brothel and a dance house” (vol. 1, p. 74). Later on, Frank takes Precise to Pete’s bar: “Mr. P. heard the sound of music within, he saw a large negro standing at the door, apparently to guard it” (vol. 1, p. 89). In his initial impression of the bar, Precise immediately notices the music. When Sam, the doorman, demands a shilling from Frank in order to enter, Frank responds using a slang expression: “You know me, Sam, I’m on the cross!” (meaning that he is a thief) an expression that elicits Precise’s curiosity: “Mr. P. wondered at this strange expression, and still more was he surprised to see the negro step aside and admit them without another word” (I.89). This first interaction with the doorman prompts Precise to examine the language. Finally, upon entering Pete’s, Precise is taken aback by the dancers: “And yet wider opened he his eyes, when he stepped within. He saw a sight! Not less than two hundred negroes, of every shade, from the light, mellow-cheeked quadroon, down to the coal-black, were there. Some were dancing to music made by a fiddle, a tambourine, and an exceedingly ancient looking guitar” (vol. 1, p. 89). The connection between these three details culminates in the description of activities such as “smoking”, “chewing ‘the weed’”, and “drinking” (p. 89). The narrative conflates music, slang, dancing, and other immoral pursuits to such an extent that they all index the same demographic i.e., criminals, their associates, and especially African-Americans, and consequently reinforces their reputation as society’s corrupted classes. The appearance of Juba dancers in Parts I and II definitively adds race to the list of details indexing immorality.79 Although Buntline reinforces the relationship between shady activities and deviant bodies, the reader can rest assured that they will not discover such immorality outside of certain places. The author is careful to frame such transgressions in places that possess as much immoral repute.

These kinds of urban spectacles that take place within Mysteries and Miseries function as a corporal indexicalization of speech, marginal ethnic and racial groups, and the lower classes since there is a repeated conflation of all three on the part of the writer. In any case, for Buntline, Lermina, and Sue, language infuses space with certain moral indexes while the location indexes the language used there and vice versa. This indexical exchange further reflects the moral integrity of the speakers, with the author serving as the interface between reader and reality since access to slum-life is (theoretically) forbidden to the intended readership.

Conclusion

The inclusion of criminal/popular argot and slang by their respective bourgeois authors elicits questions of representation, of audience and of novelistic aesthetics. The appearance of slang in nineteenth-century American and French literature was both a bottom-up and a top-down process. This appearance simultaneously subverted and reinforced the dominant ideologies regarding “proper” language. By virtue of their presence in literature these words and expressions, while undergoing the harsh condemnation of the writers that placed them in their works, were undermining the standards set in place by regulatory institutions (especially in France) as well as by codification tools like dictionaries. The inability of the lower classes to self-represent in the same way as the upper classes due to their educational and social circumstances, especially in the first half of the nineteenth century, in addition to a literary market run by writers who were predominately bourgeois and male, indubitably incites the modern reader’s curiosity regarding the source of these authors’ representations. However, I have deliberately shied away from this avenue of inquiry, because it would be impossible to authenticate the claims and representations these authors make. Thus, it is best to disregard an interest in (dis)proving the authenticity of the source, and instead to focus on how Sue, Buntline, and Lermina (in addition to their many contemporaries) used argot and slang in their respective works to represent the criminal and working classes by rendering their way of speaking indexical of that milieu through the textual encounter between the oral and the written. The blurring of these modalities onto the page, in addition to reinforced images of the slang speaker as incarnating certain characteristics, which their language indexed to a nineteenth-century public.

The indexical shifts that argot and slang underwent in urban mystery fiction during the nineteenth century in order to reference a criminal class and later, a popular one, highlights the cultural context to which expressions and ways-of-speaking are inevitably susceptible. Sue, Buntline, and Lermina use non-referential indexes to their advantage and do not hesitate to reinforce associations between slang, social status, morality, gender, place, ethnicity, race, and sexuality. In addition to generating social meaning, these constant associations function comprehensively to render both standard and non-standard forms of language bounded by a specific social context. At the same time, these associations legitimize the non-standard language, albeit slowly, not only through its presence in fictional works, but also through the inclusion of slang glossaries, in-text footnotes, parentheses and italics, etc., that not only help the reader acquire a working knowledge of slang, but to codify the language and thus, make it more “standard” in appearance.

On a micro-level, the use of argot and slang in literature, in spite of each author’s denunciation of it, also favors their personal literary styles. The bourgeois fascination with and repulsion of the representation of the lower classes in literature speaks for itself through the market success of the urban mystery genre, demarcating a shift in collective literary preferences overall. This mysterymania following the commercial success of Sue’s Mystères de Paris was one that extended across the globe.80 While it is to be acknowledged that the formulaic nature of the genre in addition to major advances in the press industry catalyzed the production and mass distribution of the city mysteries, there is also a large part of the genre’s success that springs from the public’s attraction to the stories themselves. And although it can be argued that these stories were not principally motivated by aesthetics but by economic and even political objectives, as Paul Erickson points out, “popular fiction that is produced with the primary goal of wide sale rather than aesthetic distinction is especially worthy of study, since its success and endurance is more closely linked to the broader cultural mood81.” The representation of social types in the city mysteries nearly covered the entire gamut (indeed, there is an obvious lack of central female and African-American characters) and, in spite of an authorial monopoly, writers like Sue, Lermina, and Buntline truly wrote for a nineteenth-century audience, one that could self-identify with certain characters of the mysteries themselves. The genre fed the narcissistic tendencies of the bourgeoisie and a part of the working class by catering to the audience’s need to self-indulge and simultaneously self-identify.82

The narcissistic-driven voyeurism of the upper classes is part of a larger social mechanism that reveals the position of power from which they are able to (ostensibly) suppress and contain society’s so-called untouchables, since the desire to experience another life vicariously does not deny the desire to shield oneself from evil. The literary representation of this lower-class Other, who dwells within the same society, is not simply “written” but includes an oral and vocal aspect that makes for a different type of othering, one in which the linguistic component is essential to its portrayal. While it is difficult, perhaps impossible, to see an aesthetic pull in the urban mysteries, I believe there is a beauty, not in the stylistics, but (I dare say) in the content. As Erickson states, “City life had the capacity to both delight and horrify, a duality that authors of city-mysteries exploited to the hilt” (18). This duality highlights a sort of Hugolian and Baudelairean aesthetic of the urban in which the sublime, in the form of self-identification within an overarching Story of Modernity, is drawn precisely from the grotesque. Ironically, each city mystery attempted to render the unreadable readable, a feat that could never be wholly achieved but one that both author and public continued to pursue throughout the nineteenth century. The new trinity of Writer-Audience-City continuously informed the other and, through literature, molded the definitions of emerging social phenomenon and types, sometimes to such an extent that they needed language infused with a historically and socially bounded context.

 (University of Colorado, Boulder)

Œuvres citées/Works Cited

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THÉRENTY, Marie-Ève, « Mysterymania, Essor et limites de la globalisation culturelle au XIXe siècle », Romantisme, no160, 2013, p. 53–64.

Notes

1  Voir les travaux de Louis Chevalier à ce propos, Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris, pendant la première moitié du XIXe siècle, Paris, Hachette / Pluriel, 1984.

2 J’ai mis le mot « lieu » entre guillemets pour souligner le fait que le terme de « bas-fonds », pétri d’ambiguïté, désigne une variété de repaires physiques que les déviants fréquentaient ou étaient supposés fréquenter dans l’imaginaire social. Comme le signale Dominique Kalifa, ces lieux se divisent en deux catégories : d’une part, les quartiers pauvres et en déclin, constitués de taudis; de l’autre, les établissements légitimes (estaminets, maisons closes, prisons, workhouses, etc.). Voir Les Bas-Fonds : Histoire d’un imaginaire, Paris, Seuil, 2013, p. 32.

3 Sauf mention contraire, nous renvoyons pour Les Mystères de Paris à l’excellente édition de Judith Lyon-Caen, Paris, Quarto-Gallimard, 2009, p. 35. La pagination sera donnée dans le corps de l’essai.

4 Le linguiste M.A.K. Halliday définit une antisociété comme « a society that is set up within another society as a conscious alternative to it » [une société qui se forme dans une autre société en se posant comme une alternative à celle-ci] (p. 570). À l’intérieur de ces antisociétés existent un certain nombre d’antilangues qui répertorient « an alternative social reality » [une réalité sociale alternative] (p. 572) : « It is this metaphorical character that defines the anti-language. An anti-language is a metaphor for everyday language » [C’est ce caractère métaphorique qui définit l’antilangue. Une antilangue sert de métaphore à la langue quotidienne] (p. 578). Voir son article « Anti-Languages », American Anthropologist, no 78.3, 1976, p.  570–83.

5 Le terme désigne en anglais la descente dans les bas-fonds, voire le tourisme des bas-fonds, phénomènes bien étudiés par Seth Koven, Slumming : Sexual and Social Politics in Victorian London, Princeton, Princeton UP, 2004 ; et Dominique Kalifa, Les Bas-Fonds, op. cit.

6 Cela devient moins fréquent dans les œuvres de fiction ainsi que dans les dictionnaires d’argot qui apparaissent dans le courant de la seconde moitié du dix-neuvième siècle en France.

7 Je remercie la linguiste Mary Bucholtz de ces exemples du concept d’ordre indiciel selon Silverstein.

8 Un autre exemple d’indexicalité serait le pronom français « vous ». À un ordre n donné, il s’agit d’un pronom qui marque la pluralité. À l’ordre n+1, « vous » indexe la déférence et la distance entre les interlocuteurs.

9 L’anthropologue linguistique Elinor Ochs fait la distinction suivante entre ordres indiciels référentiels et non-référentiels : « The pronouns ‘I’ and ‘you’ are referential indexicals. They both index the communicative context (i.e., the presence of speaker and addressee) and they contribute to the referential meaning of propositions in which they appear. Choices of one dialect or one language rather than another, on the other hand, can be nonreferential indexes, in that code choices may index the communicative context (e.g., the social status of the speaker or the social relationship between speaker and addressee), but do not contribute to the referential or literal meaning of propositions. » (p. 293) [les pronoms « je » et « vous » sont des déictiques référentiels. Ils indexent tous deux le contexte communicatif (à savoir la présence du locuteur et de l’interlocuteur) et ils contribuent au sens référentiel des propositions dans lesquelles ils apparaissent. Les choix d’un sociolecte ou bien d’une langue plutôt que d’une autre, peuvent être des indices non-référentiels en ce que les choix de code peuvent indexer le contexte communicatif (par exemple, le statut social du locuteur ou la relation sociale entre locuteur et interlocuteur), sans pour autant contribuer à la valeur référentielle ou littérale d’une proposition]. Elinor Ochs, « Indexicality and Socialization », Cultural Psychology: Essays on  Comparative Human Development, (dir.) Gilbert Herdt, Richard A. Shweder et James W. Stigler, Cambridge, Cambridge UP, 1990, p. 287–308.

10 Patricia Cline Cohen, Timothy J. Gilfoyle et Helen Lefkowitz Horowitz, The Flash Press : Sporting Male Weeklies in 1840s New York, Chicago, University of Chicago Press, 2008, p. 2.

11 Ibid., op. cit., p. 2.

12 “The whole of them are English; their language is flash” [Ce sont tous des Anglais; leur langue est le flash] (p. 35).

13 Ned Buntline, The Mysteries and Miseries of New York : A Story of Real Life, 5 vols, New York, Edward Z. C. Judson, 1848, t. I, p. 39. Je ne préciserai plus la tomaison, car toutes les citations renvoient au premier tome.

14 William Cobb [Jules Lermina], Les Mystères de New-York, Paris, Librairie Sartorius, 1874, p. 96. Je renvoie au riche commentaire d’Amélie Chabrier sur ce mystère : « Jules Lermina, Les Mystères de New York, commenté par Amélie Chabrier », Médias 19 [en ligne], France, Les Mystères urbains, Anthologies, mis à jour le : 19/02/2015, URL : http://www.medias19.org/index.php?id=15585.

15 Lesley Milroy et James Milroy, Authority in Language, Investigating Language Prescription and Standardisation, Londres, Routledge, 1985, p. 27.

16 La codification de l’argot était déjà en vigueur à cette époque. Au dix-neuvième siècle, en France et aux États-Unis, les dictionnaires d’argot sont à la mode. Beaucoup sont publiés et connaissent un grand succès, comme l’indiquent les multiples éditions des œuvres au cours du dix-neuvième siècle et même au début du vingtième siècle.

17 Note de l’auteur, reprise dans l’édition Robert Laffont : « Que vous ne parlez pas argot » (Sue, Mystères de Paris, p. 77). J’ai repris les italiques de l’édition originale dans le feuilleton du Journal des débats, 25 juin 1842.

18 Note de l’auteur, reprise dans l’édition Robert Laffont : « Hommes simples » (Sue, Mystères de Paris, p. 77).

19 Pierre Bourdieu, « Reproduction culturelle et reproduction sociale», Sociologie de l’éducation, déc. 1969, p. 47.

20 Stephen Knight, The Mysteries of the Cities, Urban Crime Fiction in the Nineteenth Century, Londres, McFarland & Company, 2012, p. 161.

21 Le texte commente plutôt largement l’apparence physique de Rodolphe : « Le défenseur de la Goualeuse (nous nommerons cet inconnu Rodolphe) paraissait âgé de trente à trente-six ans; sa taille moyenne, svelte, parfaitement proportionnée, ne semblait pas annoncer la vigueur surprenante que cet homme venait de déployer dans sa lutte avec l’athlétique Chourineur./Il eût été très difficile d’assigner un caractère certain à la physionomie de Rodolphe; elle réunissait les contrastes les plus bizarres./Ses traits étaient régulièrement beaux, trop beaux peut-être pour un homme. /Son teint d’une pâleur délicate, ses grands yeux d’un brun orangé, presque toujours à demi fermés et entourés d’une légère auréole d’azur, sa démarche nonchalante, son regard distrait, son sourire ironique, semblaient annoncer un homme blasé, dont la constitution était sinon délabrée, du moins affaiblie par les aristocratiques excès d’une vie opulente » (p. 46).

22 Après leur présentation initiale, le Chourineur s’adresse à Rodolphe en employant l’expression « Monseigneur », titre dont il se sert ironiquement et qui révèle la dissociation visible entre l’apparence de Rodolphe et sa façon de parler : « Excusez, monseigneur… vous couchez à six sous, vous! dit le Chourineur en portant la main à son bonnet… Ce mot monseigneur, dit ironiquement par le Chourineur [...]. » (p. 51)

23 « – Mais en se dédisant, il m’a observé… / – Il vous a fait observer… / – Diable… vous êtes à cheval sur la grammaire. / – Maître d’école, c’est mon état » (p. 122).

24 Seth Koven, Slumming, op. cit., p. 1.

25 Edward, R. Tannenbaum, « The Beginnings of Bleeding-Heart Liberalism: Eugène Sue’s Les Mystères de Paris », Comparative Studies in Society and History, no 23.3, 1981, p. 493.

26 Rapprocher le narrateur d’un paléontologue, zoologue et anthropologue effectue une comparaison anachronique pour les années 1840. En ce qui concerne l’usage de la paléohistoire dans le genre policier plus tardif que nos textes, voir Andrea Goulet, Legacies of the Rue Morgue. Science, Space and Crime Fiction in France, Philadelphia,  University of Pennsylvania Press, 2016, et en particulier sa première partie : « Archaeologies ».

27 M. A. K. Halliday, art. cit., p. 570.

28 Halliday, art. cit., p. 576.

29 Stephen Knight, The Mysteries of the City, op. cit., p. 30–31.

30 Sur les tensions entre philanthropie et action militante d’une part, et pur voyeurisme d’autre part, voir Koven, Slumming; Dominique Jullien, Les Amoureux de Schéhérazade. Variations modernes sur les Mille et Une Nuits (Genève : Droz, 2009), premier chapitre; Kalifa, Les Bas-Fonds, chapitre V, « Le Prince déguisé » (171–203).

31 La Goualeuse exprime plusieurs fois son amour de la nature à Rodolphe : « [J]’aime tant les champs! les arbres… les prés… » (Sue, p. 61); « – Monsieur Rodolphe, quel bonheur!... de l’herbe! des champs! Si vous vouliez me permettre de descendre… il fait si beau!... J’aimerais tant à courir dans ces prairies… » (Sue, p. 90).

32 « La fermière est ma nourrice, j’ai été élevé ici... » (Sue, p. 105).

33 Même si le narrateur recommande au lecteur de visiter les taudis eux-mêmes : « We actually are afraid that some of our readers will doubt that this description of misery in the “Five Points“ is true; but we only ask them to go to the places which we describe, and see for themselves » (88) [Nous craignons au vrai que certains de nos lecteurs mettent en doute la véracité de la description de la misère qui règne dans “Five Points ; mais nous leur demandons seulement de se rendre aux endroits que nous décrivons et de constater par eux-mêmes]; « [B]ut [the readers] have not seen real misery, not can they, until they visit the spot which we have only commenced describing » (p. 92) [Mais [les lecteurs] n’ont pas vu la véritable misère, et ils ne sauraient le faire, tant qu’ils n’auront pas visité l’endroit que nous commençons à peine à décrire].  

34 Tobin, the Frenchman : « Mon Dieu, my ver dear sir, what shall zis mean? I nevare see such dam rascale, nevare! Are you ver much damage, eh? » (Buntline, p.  17); The Dutchman: « He preak mine feet first, den he preak mine head last! » (p. 17); Pete, le propriétaire de bar afro-américain : « My God, Massa, Bill, dis is too much!...you nebber comes in here without raising up a rumpus! » (p. 81) [Note des traducteurs : nous avons laissé ce passage en anglais, car sa transposition, à savoir l’oralisation du français à partir de différents accents, nous paraissait par trop périlleuse.]

35 Même si l’œuvre de Lermina ne fait aucun lien entre slang et corps, l’auteur renforce toutefois la relation entre argot et performance. Par exemple, la cave de la Maison Rouge, connue sous le nom des Jardins d’Armide, sert de repaire local pour divers voleurs, vagabonds et meurtriers, et c’est là que l’on « entend des chansons obscènes ou des ballades argotiques, incompréhensibles aux non-initiés » (p. 140).

36 Andrea Goulet, « Apache Dancers and Savage Boxers: Criminal Choreographies from Les Mystères de Paris to The Wire », Les Mystères urbains au XIXe siècle, Circulations, transferts, appropriations, (dir.) Dominique Kalifa et Marie-Ève Thérenty, 2015, p. 26 (de la version PDF).

37 Gustave, Dictionnaire de la danse, Historique, théorique, pratique et bibliographique depuis l’origine de la danse jusqu’à nos jours, Paris, Librairies-Imprimeries Réunies, 1895, p. 72.

38 « The twain now turned to the outer room, where they found that the general dancing had ceased a moment ; for a “juba dancer” was on the floor. He was a young mulatto, and to the liveliest tune which “the band” could play, he was “laying it down”, in a dance, where every step in the hornpipe, fling, reel, &c., was brought in ; double shuffles, heel and toe tappers, in-and-out winders, pigeon-wings, heel-crackers; and, then, to close up, the richest step of all that evr was danced, the winding-blade was footed » (p. 91); « Within the room where Mr. Precise found occasion to admire the wonderful agility of Pete Williams’ Juba dancers, one of that colored gentleman’s most fashionable hops was going on. The steam was up, and rich sounds, sights, and smells hailed the ears, eyes, &c., of all who entered » (p. 79).

39 Marie-Ève Thérenty rend compte des traductions suivantes des Mystères de Paris au cours du dix-neuvième siècle : « [O]n compte au moins 20 traductions en anglais (dont 10 en Angleterre et 9 aux États-Unis), 12 traductions répertoriées en espagnol, 12 en italien, 7 en allemand, 6 en portugais, trois en catalan, quatre en danois » (p. 55); Thérenty, Marie-Ève, « Mysterymania, Essor et limites de la globalisation culturelle au XIXe siècle », Romantisme, no160, 2013, p. 53–64.

40 Paul Erickson, Welcome to Sodom, The Cultural Work of City-Mysteries Fiction in Antebellum  America, thèse de doctorat, University of Texas at Austin, 2005, p. 24.

41 Même si la majeure partie des classes populaires en France et aux États-Unis connaissent une alphabétisation avancée vers la fin du dix-neuvième siècle grâce aux réformes de l’instruction des cinquante années précédentes, le taux d’alphabétisation n’est pas aussi élevé lorsque le genre des mystères urbains connaît son plus grand succès (1830–1840). Il est également essentiel de prendre en compte la définition de l’alphabétisation au dix-neuvième siècle. Martyn Lyons  a pleinement étudié cette question en France où l’alphabétisation représentait simplement la capacité d’une personne à signer son nom. Dans tous les cas, même si la majorité des classes populaires est alphabétisée à la fin des années 1890, on décourage ces dernières de lire les mystères urbains ainsi que les autres romans de distraction. Les intellectuels des classes populaires lisent, écrivent et se familiarisent avec les formes canoniques de littérature de l’époque, principalement Rousseau, Voltaire et Victor Hugo.

42 On this topic see the classic work by Louis Chevalier, Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris, pendant la première moitié du XIXe siècle, Paris, Hachette/Pluriel, 1984.

43 I put the term place in quotations in order to highlight the fact that the bas-fonds, a term brimming with ambiguity, points to a variety of haunts that social deviants frequented or were thought to frequent in the social imaginary. As Kalifa points out, these places can be categorized as either poor, depressed areas of the city (slums) or legitimate establishments such as dive bars, brothels, prisons, workhouses etc. (Les Bas-Fonds : Histoire d’un imaginaire, Paris, Seuil, 2013, p. 32).

44 Unless otherwise indicated, all references in parentheses are from : Les Mystères de Paris, éd. Judith Lyon-Caen, Paris, Quarto-Gallimard, 2009.

45 In his article, “Anti-Languages”, linguist M. A. K Halliday defines an anti-society as “a society that is set up within another society as a conscious alternative to it” (p. 570). Within these anti-societies exist anti-languages that index an “alternative social reality” (p. 572): “It is this metaphorical character that defines the anti-language. An anti-language is a metaphor for everyday language” (p. 578). See his article, « Anti-Languages », American Anthropologist, no 78.3, 1976, p.  570–83.

46 In English “slumming” refers to the descent into the urban underworld, a kind of tourism through seedy neighborhoods, two phenomena well studied by Seth Koven, Slumming : Sexual and Social Politics in Victorian London, Princeton, Princeton UP, 2004 ; and Dominique Kalifa, Les Bas-Fonds, op. cit.

47 This became less frequent in fictional works, as well as in argot dictionaries that appeared in the second half of the nineteenth century in France.

48 I thank linguist Mary Bucholtz for this explanation of Silverstein’s indexicality.

49 Another example of indexicality would be the French pronoun vous. At the n-th order, it is a pronoun that marks plurality. At the n+1st order, vous indexes deference and distance between speakers, etc.

50 Linguistic anthropologist, Elinor Ochs, distinguishes between referential and nonreferential indexical orders as follows: “The pronouns ‘I’ and ‘you’ are referential indexicals. They both index the communicative context (i.e., the presence of speaker and addressee) and they contribute to the referential meaning of propositions in which they appear. Choices of one dialect or one language rather than another, on the other hand, can be nonreferential indexes, in that code choices may index the communicative context (e.g., the social status of the speaker or the social relationship between speaker and addressee), but do not contribute to the referential or literal meaning of propositions.” (p. 293) Elinor Ochs, “Indexicality and Socialization,” Cultural Psychology: Essays on  Comparative Human Development, (dir.) Gilbert Herdt, Richard A. Shweder, and James W. Stigler, Cambridge, Cambridge UP, 1990, p. 287–308.

51 I will quote the English version from the most recent translation of The Mysteries of Paris by Carolyn Betensky and Jonathan Loesberg (NY: Penguin, 2015), immediately after the French text. Pages numbers will refer to this edition.

52 Ned Buntline, The Mysteries and Miseries of New York : A Story of Real Life, 5 vols, New York, Edward Z. C. Judson, 1848, t. I, p. 114. I will only indicate the volume number when referring to other volumes than the first one.

53 Patricia Cline Cohen, Timothy J. Gilfoyle, and Helen Lefkowitz Horowitz, The Flash Press : Sporting Male Weeklies in 1840s New York, Chicago, University of Chicago Press, 2008, p. 2.

54  “The whole of them are English; their language is flash” (p. 35).

55 William Cobb [Jules Lermina], Les Mystères de New-York, Paris, Librairie Sartorius, 1874, p. 96. For a rich commentary of this urban mystery, see Amélie Chabrier, « Jules Lermina, Les Mystères de New York, commenté par Amélie Chabrier », Médias 19 [en ligne], France, Les Mystères urbains, Anthologies, mis à jour le : 19/02/2015, URL : http://www.medias19.org/index.php?id=15585.

56 Lesley Milroy et James Milroy, Authority in Language, Investigating Language Prescription and Standardisation, Londres, Routledge, 1985, p. 27.

57 It is important to note that the codification of argot and slang was already in effect at this time. During the nineteenth century in France and in the United States, argot and slang dictionaries were an up-and-coming trend. Many were published and were quite successful, as indicated by the various editions released throughout the nineteenth century and even into the twentieth.

58 Author’s footnote, from the Robert Laffont edition : “Que vous ne parlez pas argot” (Mystères de Paris, p. 77). I have kept the original typography and the italics for slang term as in Le Journal des débats, edition of 25 June 1842.

59 Author’s footnote, from the Robert Laffont edition : “Hommes simples” (Mystères de Paris, p. 77).

60 Pierre Bourdieu, « Reproduction culturelle et reproduction sociale », Sociologie de l’éducation, déc. 1969, p. 47.

61 Stephen Knight, The Mysteries of the Cities: Urban Crime Fiction in the Nineteenth Century, London, McFarland & Company, 2012, p. 161.

62 The text gives a fairly extensive commentary on Rodolphe’s physical appearance; we only quote here the English edition: “Songbird’s protector (we’ll give this stranger the name Rodolphe) seemed to be between thirty and thirty-six years of age. His average, slender, perfectly proportioned build did not suggest the surprising strength of the man who had just defeated the athletic Slasher in a struggle. It would be very difficult to ascribe a particular character to Rodolphe’s face. It combined the stranger contrasts. His features were regular and beautiful—too beautiful for a man perhaps. His pale, delicate complexion, his large, burnt-orange irises that were ringed with blue in eyes that were almost always half closed, his nonchalant bearing, distracted gaze, and ironic smile all seemed to betoken a blasé man whose constitution was, if not broken, at least weakened by the aristocratic excesses of an opulent life.” (p. 11-12)

63 Following their initial introduction, le Chourineur addresses Rodolphe as “monseigneur,” a title he employs ironically and that further reveals the detectable misalignment between Rodolphe’s appearance and his manner of speaking : “Excusez, monseigneur… vous couchez à six sous, vous! dit le Chourineur en portant la main à son bonnet… Ce mot monseigneur, dit ironiquement par le Chourineur […]” (p. 51) [“Excuse-me, my lord… You pay six sous a night for your room? asked the Slasher, touching his cap with his hand. /The ironic term the Slasher used when he said ‘my lord’ […]” (p. 16)].

64 “ – Mais en se dédisant il m’a observé… / – Il vous a fait observer… / – Diable… vous êtes à cheval sur la grammaire. / – Maître d’école, c’est mon état” (p. 122) [“Well, between you and I, as he changed his mind […] “You mean, ‘between you and me’.” / “Well, you are up on your grammar.” / “The Schoolmaster, at your service.” (p. 95)].

65 Seth Koven, Slumming: Sexual and Social Politics in Victorian London, Princeton, Princeton UP, 2004, p. 1.

66 Edward R. Tannenbaum, “The Beginnings of Bleeding-Heart Liberalism : Eugène Sue’s Les Mystères de Paris.” Comparative Studies in Society and History, no 23.3, 1981, p. 493.

67 I am aware that the comparison of the narrator to a paleontologist, zoologist, or anthropologist is still an anachronistic one in reference to the 1840s. For the use of paleohistory in later crime fiction, see Andrea Goulet, Legacies of the Rue Morgue, especially Part I: Archaeologies.

68 M. A. K. Halliday, “Anti-Languages,” American Anthropologist, no 78.3, 1976, p. 570.

69 Halliday, “Anti-Languages,” p. 576.

70 Stephen Knight, The Mysteries, p. 30-31.

71 On the tensions between philanthropy and militant action, and pure voyeurism, see Koven, Slumming; Dominique Jullien, Les Amoureux de Schéhérazade. Variations modernes sur les Mille et Une Nuits, Genève, Droz, 2009, chapter 1; Kalifa, Les Bas-Fonds, chapter V, “Le Prince déguisé” (p. 171-203).

72 La Goualeuse discloses her love of the countryside to Rodolphe many times : “[J]’aime tant les champs! les arbres… les prés…” (p. 61) [“how I love fields, trees, and prairies !” (p. 270)]; “ – Monsieur Rodolphe, quel bonheur!... de l’herbe! des champs! Si vous vouliez me permettre de descendre… il fait si beau!... J’aimerais tant à courir dans ces prairies…” (p. 90) [“Monsieur Rodolphe, I’m so happy! Grass! Fields! Can I get out? It’s so beautiful! I would so love to run through the meadows” (p. 58)].

73 “La fermière est ma nourrice, j’ai été élevé ici” (p. 105) [“The mistress of the farm is my old nurse” (p. 75)].

74 Although the narrator does urge the reader to experience the slums firsthand: “We actually are afraid that some of our readers will doubt that this description of misery in the ‘Five Points’ is true; but we only ask them to go to the places which we describe, and see for themselves” (p. 88); “[B]ut [the readers] have not seen real misery, not can they, until they visit the spot which we have only commenced describing” (p. 92).

75 Tobin, the Frenchman: “Mon Dieu, my ver dear sir, what shall zis mean? I nevare see such dam rascale, nevare! Are you ver much damage, eh?” (Buntline, t. 2, p. 17); The Dutchman: “He preak mine feet first, den he preak mine head last!” (t. 2, p. 17); Pete, the African American bar owner: “My God, Massa, Bill, dis is too much!...you nebber comes in here without raising up a rumpus! (t. 2, p. 81).

76 While Lermina’s text lacks the bodily associations with slang, the author does reinforce the relationship between argot and performance. For example, the basement of la Maison Rouge, known as Les Jardins d’Armide, serves as the local haunt for thieves, vagabonds and murderers, and it is where “on [...] entend des chansons obscènes ou des ballades argotiques, incompréhensibles aux non-initiés” (p. 140) [one […] can hear obscene songs or argotic ballads, incomprehensible to the non-initiated].

77 Andrea Goulet, « Apache Dancers and Savage Boxers: Criminal Choreographies from Les Mystères de Paris to The Wire », Les Mystères urbains au XIXe siècle, Circulations, transferts, appropriations, (dir.) Dominique Kalifa et Marie-Ève Thérenty, 2015. En ligne : Médias 19 http://www.medias19.org/index.php?id=17039.

78 Gustave Desrat, Dictionnaire de la danse, Historique, théorique, pratique et bibliographique depuis l’origine de la danse jusqu’à nos jours, Paris, Librairies-Imprimeries Réunies, 1895, p. 72.

79 “The twain now turned to the outer room, where they found that the general dancing had ceased a moment; for a ‘juba dancer’ was on the floor. He was a young mulatto, and to the liveliest tune which ‘the band’ could play, he was ‘laying it down,’ in a dance, where every step in the hornpipe, fling, reel, &c., was brought in; double shuffles, heel and toe tappers, in-and-out winders, pigeon-wings, heel-crackers; and, then, to close up, the richest step of all that evr was danced, the winding-blade was footed” (t. 1, p. 91); “Within the room where Mr. Precise found occasion to admire the wonderful agility of Pete Williams’ Juba dancers, one of that colored gentleman’s most fashionable hops was going on. The steam was up, and rich sounds, sights, and smells hailed the ears, eyes, &c., of all who entered” (t. 2, p. 79).

80 Marie-Ève Thérenty accounts for the following translations of Les Mystères de Paris during the nineteenth century : “[O]n compte au moins 20 traductions en anglais (dont 10 en Angleterre et 9 aux États-Unis), 12 traductions répertoriées en espagnol, 12 en italien, 7 en allemand, 6 en portugais, trois en catalan, quatre en danois” (p. 55) [One counts at least twenty translations in English (with 10 in England and 9 in the US), 12 translations recorded in Spanish, 12 in Italian, 7 in German, 6 in Portuguese, three in Catalan, four in Danish]. From : Marie-Ève Thérenty, « Mysterymania, Essor et limites de la globalisation culturelle au XIXe siècle », Romantisme, no 160, 2013, p. 53–64.

81  Paul Erickson, Welcome to Sodom, The Cultural Work of City-Mysteries Fiction in Antebellum America, doctoral thesis, University of Texas at Austin, 2005, p. 24.

82 Although by the end of the nineteenth century much of the working class in both France and the United States possessed advanced literacy thanks to education reforms that accumulated over the previous fifty years, the literacy rates were not as high during the breakout years of the city mystery genre (1830s-1840s). Also, it is important to be aware of what actually constituted as “literacy” during the early nineteenth century. Martyn Lyons has done extensive work on this realm in France in which “literacy” simply signaled the capacity to sign one’s name. In any case, even if the majority of the working class was literate by the 1890s, the city mystery and other “leisurely” genres were highly discouraged amongst the working class. The small percentage of working-class intellectuals read and wrote (autobiographies, poetry, etc.) and familiarized themselves with the canonical literature of the time, mainly Rousseau and Voltaire, and Victor Hugo.

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Eliza Jane Smith, « Argot, flash et slang : ordres indiciels dans les Mystères de Paris et de New York (Eugène Sue, Ned Buntline, Jules Lermina) », American Mysterymania, sous la direction de Catherine Nesci, avec la collaboration de Devin Fromm Médias 19 [En ligne], Dossier publié en 2018, Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/american-mysterymania/argot-flash-et-slang-ordres-indiciels-dans-les-mysteres-de-paris-et-de-new-york-eugene-sue-ned-buntline-jules-lermina