American Mysterymania

« L’Amérique envahit la France ». Les épigones de Nick Carter et la redéfinition de l’imaginaire criminel urbain à la Belle Époque

Table des matières

MATTHIEU LETOURNEUX

Dans son Atlas du roman européen, Franco Moretti postule que, dans les rapports de force culturels qu’engendre la circulation internationale des œuvres, nous aurions glissé d’une domination française à une domination américaine1. Selon les ouvrages, on situe la montée en puissance des productions culturelles américaines dans l’entre-deux-guerres ou même au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, sous l’effet du Plan Marshall. Pourtant, l’Histoire du récit criminel met en évidence un moment antérieur dans ce rapport de force culturel, quand Eichler importe en Europe les dime novels américains de la maison Street and Smith. En ces toutes premières années du XXe siècle, face au déferlement des aventures du détective américain Nick Carter, Paris voit contestée la domination culturelle qui était la sienne. Et quand bien même cette flambée américaine était appelée à rester de courte durée, elle initie les mutations des imaginaires au XXe siècle. Ce sont les prémisses du  passage de relais entre l’héritage de la ville d’Eugène Sue et des mystères urbains d’une part, et la cité américanisée de Nick Carter que je voudrais aborder ici.

La déferlante européenne des récits de détectives

Il convient de rappeler les étapes de l’arrivée de Nick Carter en France pour prendre la mesure de son importance dans l’histoire des imaginaires. D’abord, comme il se doit pour toutes les invasions du territoire français, les Allemands ont leur part. Tout débute en effet en 1904, quand Alwin Eichler, un éditeur de Dresde, rencontre à New York les responsables de Street and Smith, et obtient le droit de diffuser en Europe les séries de dime novels de Nick Carter et de Buffalo Bill2. C’est d’abord en Allemagne que paraîtront à partir de 1905 ces fascicules3, puis en France (1907) [Figure 1], mais aussi en Italie, dans les Pays-Bas, en Espagne, au Danemark, en Suède, en Pologne ou en Hongrie4. Il s’agit ainsi d’un phénomène de circulation européenne qui ne peut se comprendre que si on l’envisage à partir des logiques industrielles qui l’ont rendu possible. L’éditeur achète des droits pour toute l’Europe, fonde des succursales ou passe des accords avec des éditeurs secondaires ; il met en place une industrie de la traduction, avec la France comme très probable pivot vers les pays du sud. Dans ce processus industriel, ce que l’éditeur importe, c’est aussi un système éditorial, puisque les fascicules d’Eichler imitent le format des collections américaines, dont ils reprennent jusqu’aux couvertures illustrées d’origine. Enfin, ce qui est inité, c’est un usage du support périodique, proposant dans chaque numéro une aventure complète d’un personnage récurrent. Ce sont ces différents aspects, le principe du périodique offrant des récits complets et celui de la série à personnage récurrent, qui s’imposent dans toute l’Europe. En même temps, à travers les deux séries importées par Eichler, c’est un portrait contrasté de l’imaginaire américain qui est offert : à Buffalo Bill, le rôle de représenter la frontier et le Wild West ; à Nick Carter celui de tracer le portrait de la cité moderne américaine.

Figure 1

A la suite d’Eichler, les éditeurs populaires s’engagent très vite dans un processus d’imitation  qui se joue à la fois au niveau du support (on lance de nouvelles collections de fascicules) et au niveau des sujets (on débute des collections d’aventures dans l’Ouest ou des séries d’enquêtes américaines). Dans l’esprit du public, les logiques sérielles des genres et leur matérialisation dans les formats du fascicule sont indissociables. Genre et format vont se retrouver imités partout, donnant lieu à tout une série d’épigones locaux, d’abord en Allemagne puis dans tous les pays d’Europe5. Ces ersatz engagent un premier processus d’assimilation puisque, pour des raisons économiques, les éditeurs ne cherchent pas à acheter les droits de nouvelles séries américaines, ce qui serait trop coûteux, mais se contentent de les imiter. Or, imiter une œuvre étrangère, c’est opérer des choix en fonction de la signification que cette œuvre revêt dans le pays qui l’accueille. Il est clair que les faux Nick Carter nous en disent plus sur l’imaginaire des Français et des Européens que sur celui des Américains.

En France, les collections se partagent entre traductions de l’allemand (c’est le cas d’Ethel King, « le Nick Carter féminin », 1912, et de Nat Pinkerton, 1908 [Figure 2]) et séries françaises, comme Miss Boston (1909), dont le nom dit la nationalité, Tip Walter (1910) ou, dans des formats proches, en 1916, des Exploits du policier Jim Jackson par Hector Saintillac, puis ceux de John Strobbins « détective-cambrioleur », par José Moselli. Plus tard, ce seront encore Bob Wilson (1920), Todd Marvel (1923), Dick Cartter (sic,1924), Harry Dickson (1929) ou Le Roi des détectives (1926). Entretemps, seront nés quelques épigones de nationalité française, à l’instar de Toto Fouinard (1908) ou de Marc Jordan (1913)6.

Figure 2

Fascicules traduits de l’Américain ou de l’Allemand, démarcages français… On le voit, c’est un raz de marée qui se produit en quelques années. Son effet est encore accru par les prolongements médiatiques. A lui seul, Nick Carter connaît au moins deux adaptations théâtrales à Paris (à L’Ambigu en 1909–19107, par Alexandre Bisson et Guillaume Livet [Figure 3], et à l’Olympia en 1910, sous le nom de Pick Nick Carter). Il faut compter aussi les adaptations cinématographiques. Citons celles du fameux Victorin Jasset, grand rival de Louis Feuillade qui réalisera, outre la série des Nick Carter (1908 [Figure 4]) un Zigomar contre Nick Carter (1912). On évoquera encore les épigones cinématographiques du personnage, à l’instar de Nick Winter (Garbagni, 1910), qui connaîtra plus de vingt aventures. La quasi synchronicité des romans, pièces de théâtre et films, fait de Nick Carter, à l’instar de Fantômas ou de Zigomar, une des figures clé du basculement de la culture populaire dans la logique transmédiatique8.

Figure 3

Figure 4

On peut ainsi récapituler rapidement les traits définitoires du phénomène. Ce qui s’impose, c’est d’abord un type de support, le fascicule hebdomadaire ou bimensuel à couverture en couleurs inspiré des dime novels. A ce support s’associent des usages spécifiques, qui exploitent la périodicité via le principe d’un personnage-collection thématisant les logiques sérielles du support dans la diégèse. En outre, par son prix peu élevé, le fascicule peut être acheté par des enfants sans l’apport des parents, ce qui représente une véritable révolution dans les modes de consommation.

En même temps que le support, c’est un genre qui s’impose, le récit de détectives, dont Dominique Kalifa a bien montré l’importance et la genèse9. Il s’agit d’un récit d’enquête, à l’intrigue resserrée. Et pour les contemporains, Nick Carter et Sherlock Holmes représentent les deux figures prototypiques du genre, souvent associés dans les articles de l’époque à Arsène Lupin ou à Fantômas10. On voudrait prendre pour preuve de cette confusion l’intrigue du premier fascicule de la série des Miss Boston qui choisit de frapper fort, à travers un titre aux accents de manchette journalistique : « l’assassinat du plus célèbre détective ». Il s’agit en effet pour Miss Boston d’élucider « La mort de Sherlock Holmes ! L’assassinat du plus célèbre détective ! » C’est, pour le moins, une façon de convoquer ce parrainage des deux parangons du genre, Nick Carter et Sherlock Holmes11. Ce que révèle cette confusion, c’est que si l’imaginaire associé au genre se présente généralement comme américain, il est en fait anglo-saxon, voire cosmopolite. La référence à l’Amérique est en effet problématique : Harry Dickson, autre épigone de ces détectives de fascicules, est qualifié de « Sherlock Holmes américain » dans la version française (1929). Mais il était, dans la version originale allemande, tout simplement Sherlock Holmes lui-même, dont on nous offrait de découvrir les « dossiers secrets » (Detektiv Sherlock Holmes und seine weltberühmten Abenteuer, 1907). Quant à Ethel King, décrite comme « le Nick Carter féminin », elle était en Allemagne Ethel King, ein weiblicher Sherlock Holmes (1912-1915), preuve ici encore que les deux référents prototypiques étaient interchangeables. L’allusion à un modèle étranger vise davantage à produire un signe d’exotisme, voire un trait générique qu’à renvoyer à un univers référentiel bien déterminé12.

Collection de fascicules périodiques, série à personnages récurrents, genre du récit de détective et imaginaire transmédiatique sont autant de fils sériels entrelacés qui ne se croisent qu’en partie. Comme entité transmédiatique, Nick Carter sera associé à la vague des films à épisodes qui suit l’arrivée en France des Mystères de New York13. En littérature, il sera plutôt rapproché des autres personnages récurrents de la littérature criminelle, Arsène Lupin et surtout Sherlock Holmes, au point de multiplier les confusions entre les personnages14. Enfin, saisie par le biais du support et du mode de consommation, la série des Nick Carter est perçue comme le fer de lance du développement des fascicules pour la jeunesse, et condamnés pour leur immoralité, au même titre que les Buffalo Bill et les publications Offenstadt. On sait qu’Eichler et Offenstadt seront les cibles privilégiées de l’abbé Bethléem15. Si le monde de Nick Carter est condamné pour sa violence et sa perversité, ce n’est pas tant parce qu’il est plus transgressif que les romans criminels et judiciaires français qui l’ont précédé – il l’est même franchement moins – mais parce que cette violence s’associe à l’idée de lectures buissonnières d’enfants échappant au contrôle des adultes.

Mutation des imaginaires urbains

En faisant jouer ces différents niveaux de sérialité, on peut alors tenter de comprendre pourquoi Nick Carter a pu marquer les esprits, et en quoi il a contribué à transformer les imaginaires urbains. L’efficacité de la série tient d’abord à l’incroyable cohérence entre le nouveau format et le genre. Dans ces fascicules hebdomadaires de 32 pages, la régularité des parutions favorise la répétition des structures narratives. L’association du format court et du principe du personnage récurrent tend à imposer une intrigue resserrée, sans péripéties, qui se concentre alors sur un affrontement individualisé entre le héros et des criminels. Il y a donc de fait une concentration sur l’enquête et le crime qui évacue les autres thématiques développées auparavant dans les romans-feuilletons mettant en scène la criminalité : on ne retrouve plus les épisodes de mélodrame, les intrigues amoureuses, ou la mise en scène d’une victime et de ses malheurs. Par rapport aux romans-feuilletons, non seulement le sujet criminel se détache des autres thématiques, pour produire un pur récit du crime, mais la périodicité impose une structure très répétitive d’un épisode à l’autre, avec crime dans les premières pages, enquête et poursuites, et arrestation du criminel dans les derniers paragraphes. Autrement dit, le nouveau format impose un modèle architextuel différent.

En termes de représentation du monde, une telle logique conduit à évacuer la mise en réseau des personnages et des lieux, pour concentrer le récit sur un triangle du détective, du criminel et de la victime dans un espace limité à quelques lieux déterminés – bureau du détective, maison de la victime, repaire des brigands. Cela revient à faire refluer l’unité du tissu urbain au profit d’un très petit nombre de décors. Ce qui disparaît du même coup, c’est l’une des caractéristiques majeures du récit de mystères urbains à la française, faisant de la ville une métaphore des conflits sociaux à travers une multitude de personnages mettant en scène la collectivité. Mais cette réduction de l’univers est compensée par la dynamique de sérialisation : la multiplication des épisodes définit désormais le monde selon un principe de variation. À la variation des crimes d’un épisode à l’autre répond celle des fonctions sociales et des espaces visités : telle aventure se déroule dans un bal, telle autre lors d’une épreuve sportive ou au musée… De la même façon, on rencontre, d’un épisode à l’autre, des banquiers, des usuriers, des criminels, des milliardaires, des orphelines, etc. Mais désormais, contraints par la nécessité de séduire le lecteur à chaque épisode, dès la couverture, dès le titre, la plupart des lieux et des personnages apparaissent comme atypiques, sensationnels jusqu’à prendre des accents fantastiques [Figure 5]. Dans ces récits très brefs où l’effet est produit par le paratexte autant que par le texte, tout se joue de façon synthétique : il faut promettre dès la couverture et le titre un monde extraordinaire, qui manifeste son écart par rapport à l’expérience de la réalité. Le pittoresque de l’univers représenté entre en résonnance avec les crimes excentriques qui sont proposés [Figure 6].

Figure 5

Figure 6

C’est tout l’intérêt de cet imaginaire américain que de convertir en monde cette logique du tape-à-l’œil. Les villes américaines dans lesquelles on situe les récits valent pour leur exotisme par rapport au monde du lecteur, promesse de sensationnalisme et de pittoresque moderne. Et de fait, elles ne sont guère décrites, puisqu’il suffit qu’elles exhibent leur exotisme. Aussi se limitent-elles généralement à quelques très vagues indications. Les rues s’appellent « 7e avenue » ou « douzième avenue », des références sont faites au « post office » ou au « Down Town », quelques expressions en anglais sont mises en italiques (« hands up ! », « shake hand »…), c’est à peu près tout. Il n’y a pas vraiment d’évocations de l’architecture américaine ou de descriptions documentées sur les villes – quelques lignes sur le port de San Francisco ou sur la Grande Exposition de Saint Louis, très générales, rien de plus. Les auteurs méconnaissent manifestement les villes américaines dans lesquelles ils situent l’action, et elles ne les intéressent guère pour leurs caractéristiques réelles. Plus généralement, leur Amérique apparaît comme médiatique et architextuelle. On en voudrait pour preuve les couvertures offertes par la série des Dick Cartter [sic] [Figure 7]. Dans cette série entièrement française, on singe le titre anglais des couvertures de Nick Carter pour « faire américain » – même si manifestement, l’anglais est parfois un peu approximatif (un épisode s’intitule The Grenn Diamond [sic]), ce que confirme d’ailleurs la désignation de l’auteur, puisque les récits sont écrits « par the Captain Browning » dans un étrange hybride linguistique.

Figure 7

Ce que montre aussi ce dernier exemple démarquant les couvertures d’Eichler, c’est que l’univers américain n’a pas seulement valeur du cadre exotique, il a également une fonction de marqueur générique. Autrement dit, si la ville américaine reste un espace référentiel vague, limité à quelques notations pittoresques, c’est bien que cet univers de fiction sert moins à peindre une réalité qu’à typifier le récit. Tout comme la figure du détective, le cadre de la ville américaine synthétise le genre dont il est l’expression prototypique. Mais c’est à condition d’exhiber sa fonctionnalité métonymique. Celle-ci apparaît dès les couvertures de fascicules mettant en scène des trains, des automobiles, des aéroplanes, la chaise électrique (qualifiée de « fauteuil électrique ») [Figure 8]… Les couvertures témoignent que l’effet sensationnel recherché repose surtout sur un imaginaire de la modernité auquel renvoie cette Amérique de pacotille. Qu’on songe aux gratte-ciels au fronton du Roi des détectives, ou encore au frontispice de la série des Tip Walter, sur lequel le héros pose, téléphone à la main [Figure 9]. Dans les récits, on use sans cesse d’automobiles, de métros, de télégraphes, de « boutons électriques », de lampes électriques et de sonnettes électriques (tout paraît électrique dans ces œuvres). On se fait voler du radium (John Strobbins), on poursuit des bandits en aéroplane ou en voiture… Repérant cette modernité clinquante, la parodie théâtrale de Nick Carter, Pick Nick Carter et l’aéro-panne, met en scène un aéroplane (en panne, on l’aura compris), gage donné à la modernité.

Figure 8

Figure 9

Voitures, trains, avions, paquebots… si les transports jouent un rôle fondamental dans ces récits, c’est sans doute parce qu’ils correspondent à plusieurs titres à la tonalité recherchée. Ils renvoient en effet à deux traits fondamentaux du genre : une obsession de la rapidité (celles du détective, de ses ennemis, des machines, mais aussi d’un récit sans temps morts ni descriptions) et un goût pour le cosmopolitisme. Les récits multiplient les évocations de grands hôtels, d’étrangers en goguettes ou de « sleepings » internationaux. Les protagonistes sont souvent des milliardaires cosmopolites : on songe bien sûr à Todd Marvel, détective milliardaire de Gustave Le Rouge16 [Figure 10], ou à la série allemande de Jack Franklin, le détective du monde (Jack Franklin, Der Weltdetectiv). En réalité, les conditions de publication de ces séries en font des productions intrinsèquement cosmopolites : elles viennent d’Amérique, elles circulent dans toute l’Europe, elles sont diffusées par des éditeurs que l’abbé Bethléem et la presse catholique attaquent comme Allemands (Eichler) ou comme Juifs (les frères Offenstadt). Et de fait, la fascination des récits tient largement à ce caractère international : le jeune lecteur achète non seulement les fascicules pour les exploits du détective, mais pour participer à cet imaginaire de l’Amérique moderne, exotique, cosmopolite, rapide, dont le support, nouveau et coloré, est en soi porteur.

Figure 10

Influences et reterritorialisations

A travers les traits retenus pour caractériser la ville américaine, on peut comprendre le rôle joué par ces séries dans l’accélération des mutations des imaginaires au début du XXe siècle. Ce que le déplacement vers l’Amérique permet, c’est d’instituer un écart par rapport à la tradition de l’imaginaire de la ville hérité des « mystères urbains ». New York ou San Francisco ne sont pas Paris, leurs référents ne sont pas les tapis-francs, les apaches et la barrière d’octroi. Leurs automobiles et leurs aéroplanes balaient cet attirail qu’ils rendent brutalement désuet. Face au massif d’un siècle d’univers de fiction hérités du mystère urbain, c’est cette altérité qui fait sens : altérité de la ville américaine par rapport au modèle français, et altérité du nouveau support par rapport à ceux du feuilleton. Ces récits permettent ainsi d’évacuer la sédimentation des stéréotypes accumulés depuis le XIXe siècle qui pesait sur les représentations populaires de la ville, et qui conduisait encore certains feuilletonistes à proposer, dans les années 1890, des récits peignant les Bas-Fonds de 1845.

En ce sens, on peut penser que la série des Nick Carter – peut-être plus encore que celle des Sherlock Holmes dans laquelle cet aspect est également central – joue un rôle de pivot dans la mutation des imaginaires entre le XIXe et le XXe siècle. Car c’est bien la trace des romans à la Nick Carter qu’on trouve chez les épigones français de la série, comme Marc Jordan, qui reprend d’ailleurs la présentation matérielle de la collection. C’est également dans cette lignée que se situent des séries comme Zigomar (1909) ou Fantômas (1911), et pas seulement à cause de Thom Tweak, le détective américain de Zigomar ou de Tom Bob, le policier apache américain de Fantômas. Souvestre et Allain en particulier étaient fascinés par Nick Carter, et conservaient dans leur fameuse « armoire aux trucs » une coupure de presse consacrée à « L’école de Nick Carter ». Dans son traitement du récit comme dans son imaginaire, Fantômas hérite de la série américaine. Comme Nick Carter, c’est contractuellement une série périodique à personnage récurrent. Le héros, Juve, est qualifié de « Roi des policiers » expression qui marque la lignée générique17, et il multiplie comme Nick Carter les déguisements et le recours à des « trucs ». Enfin, et surtout, la série de Fantômas renouvelle en grande partie les poncifs du feuilleton criminel en les mâtinant de modernité tape-à-l’œil (voitures, électricité, téléphone, grands magasins) et de cosmopolitisme (les héros voyagent à travers le monde, ils fréquentent des Américains, des Russes, des Anglais, des Allemands). Sans faire de Fantômas un ersatz de Nick Carter, on peut relever combien il est marqué par la rupture qu’a représenté en France la série américaine. Simplement, les auteurs acclimatent les traits caractéristiques du genre au paysage parisien, non seulement en multipliant les références à Paris et à l’actualité (avec noms de rues, événements et lieux identifiables) mais en puisant aussi dans l’héritage des feuilletons (avec tapis-francs et révélations de lien de sang cachés)18. Surtout ils réintroduisent l’appréhension spatiale des affrontements qui était caractéristique du mystère urbain, avec sa mise en réseau des quartiers et des classes sociales. Mais la modernisation des structures narratives et des imaginaires permet aussi à Fantômas de mettre en scène de nouveaux espaces que les personnages investissent désormais en métropolitain ou en « taxauto », dessinant des représentations renouvelées de la ville.

Ce que montre l’exemple de Fantômas, c’est que le modèle initié par Nick Carter a été immédiatement pris dans une logique de reterritorialisation. C’est ainsi également que l’on peut interpréter le traitement de Jim Jackson (1916), le détective américain de Saintillac qui quitte très vite les Etats-Unis pour mener ses enquêtes en France. Non seulement les auteurs relocalisent leurs séries en France, mais ils cherchent à en redéfinir les traits suivant les héritages du roman criminel français. De même, si la série Marc Jordan évoque les Bas-Fonds de Paris, « le crime de Grenelle » et ressuscite « l’Auberge du crime », en parallèle le personnage fréquente le « Cosmopolitan Club », a appris « le jiu-jitsu japonais » et vit dans un appartement qui « avait à sa disposition tous les fils de téléphone et de télégraphe [et] qui était relié avec les capitales du monde entier ». Ce n’est plus l’Amérique qui est peinte, c’est Paris, mais un Paris américanisé.

Évolutions d’après-guerre

Ce processus de reterritorialisation va être accéléré avec la Première Guerre mondiale. On sait que la plupart des collections populaires s’arrêtent entre 1914 et 1916 et ne reprennent vraiment qu’en 1919. Un tel arrêt, en produisant un effet de tabula rasa, a facilité les mutations génériques et médiatiques. À partir de 1919, on perçoit une nette scission entre les productions pour la jeunesse, qui continuent de laisser une place au modèle du roman policier à l’américaine, et les collections pour adultes, qui délaissent largement ce modèle de récit d’action au profit de celui du récit d’enquête. Dans ce second cas, on constate en outre un net tournant patriotique, avec disparition du cadre américain et relocalisation des intrigues en France.

Un tel glissement peut se lire dans l’évolution du « Roman policier », la collection de Ferenczi. Lancé en 1916, « Le Roman policier » est encore très marqué par le modèle du récit d’action à la Nick Carter. Les premiers volumes sont Les Vampires de New York [Figure 11] et Les Mystères de Chicago, par un William Witkings, simple pseudonyme américain19. Le récit associe un détective à la Nick Carter et des référents cinématographiques, présents dès le titre, puisque celui-ci hybride Les Vampires et Les Mystères de New York. Ces romans sont suivis par plusieurs récits soit américains (Les Crimes de l’étrangleur d’Arthur Fontaine, 1916), soit marqués par un imaginaire cosmopolite (comme Les Treize de Woestyn, ou Le Poignard de cristal). Tous mettent en avant des traits thématiques et narratifs sous influence américaine. Entre 1916 et 1919, la collection s’arrête. Quand elle reprend en 1919, elle abandonne entièrement le modèle générique américain et l’univers de fiction qui l’accompagne, pour privilégier des récits d’énigme (modèle holmésien) dans un cadre français (glissement patriotique). Désormais, dans les collections populaires pour adultes, l’univers du crime se confondra largement avec celui du roman à énigme.

Figure 11

Quant au roman policier d’action à la Nick Carter, il se verra réservé aux collections pour la jeunesse, où il prendra la forme d’une simple variante des romans d’aventures géographiques : action, bandes criminelles, coups de feu, décor exotique répondront aux attentes du jeune lecteur de roman d’aventures. Ecrits par des auteurs français, ces récits investissent d’ailleurs les dynamiques du roman géographique, en présentant des détectives parisiens en voyage, ou en faisant de l’intrigue policière une simple étape dans un tour du monde.

Reste que si l’imaginaire américain des Nick Carter s’est vu cantonné dans les années 1920 aux collections pour la jeunesse, cela ne signifie pas pour autant que les mutations auxquelles il a participé ne se sont pas enracinées dans l’imaginaire français. Ainsi a-t-il imposé la structure de l’enquête dans les récits d’action. Il a également participé au resserrement des intrigues autour des imaginaires criminels. Le glissement est bien sûr facilité par les changements de logiques éditoriales, voyant le feuilleton et sa structure ouverte définitivement supplantés par le livre et le fascicule complet (ou prétendu tel). En outre, la série joue un rôle dans le travail de purge des imaginaires sédimentés du mystère urbain. S’impose alors un autre imaginaire de la ville, modernisé et américanisé, même quand le décor est français. Bien sûr, ce serait faire trop d’honneur à Nick Carter que de le croire responsable à lui seul d’une telle mutation : il n’est qu’un épiphénomène des transformations générales des représentations, et accompagne un mouvement qu’on rencontre déjà chez Sherlock Holmes ou Arsène Lupin, mais sans que ces derniers n’aient atteint son efficacité sérielle. En donnant la cohérence d’un genre à ces mutations, en les synthétisant à travers des structures et des thèmes identifiables, en les sérialisant, Nick Carter en a facilité l’assimilation par les imaginaires charriés dans les récits de fiction et, à travers eux, dans notre façon de raconter, de décrire et de penser le monde.  Et il permet de comprendre comment s’imposera l’imaginaire américain, via le cinéma cette fois, à partir de la fin des années 1920 : avant même les serials, Nick Carter aura préparé le terrain au film criminel.

On peut tirer plusieurs conclusions de cette description de la première invasion de récits criminels américains en France. D’abord, on se rend compte que la diffusion de ce nouvel imaginaire est indissociable de ses conditions de distribution : l’impact de la série a été d’autant plus grand qu’elle était portée par une politique éditoriale massive, inondant non seulement le marché français, mais aussi l’ensemble de l’Europe, et affirmant la domination d’un nouveau type de supports, par le biais desquels s’impose le genre. Ce que montrent le cas des Nick Carter et de leurs imitations, c’est le rôle convergent des logiques sérielles – genres et supports – dans la concrétisation des imaginaires. L’apparition de nouveaux supports ou de nouveaux genres permet d’assimiler les transformations des représentations en leur donnant forme lisible. De la sorte, ils accélèrent leur enracinement dans la société en les imposant comme vision dominante.

C’est autant à travers son support qu’à travers les thèmes qu’il charrie que Nick Carter s’impose dans sa nouveauté et peut, via le cadre exotique de l’Amérique, contribuer à solder les héritages sédimentés de près d’un siècle de mystères urbains français pour leur opposer un imaginaire de la ville américaine – une ville du XXe siècle déjà, exhibant sa modernité cosmopolite. Cet imaginaire est rapidement reterritorialisé, contribuant à redéfinir les représentations de la ville française dans la fiction criminelle, comme le montrera de façon frappante la série des Fantômas. Malgré l’effort des romanciers et des cinéastes de l’entre-deux-guerres pour en revenir aux imaginaires du feuilleton, le monde des mystères urbains aura basculé dans l’Histoire – comme en témoigne la vogue des films à épisodes criminels en costumes dans les années 1920. La flambée de l’univers de fiction américain et des intrigues qui lui étaient associées a été de courte durée. Mais malgré la dissolution du genre, la modernité des Nick Carter, à l’articulation du support, de ses modes de consommation et de l’univers de fiction, s’est imposée dans le paysage français, préparant le tournant américain de la fin des années 1920.

(Université Paris-Ouest, Nanterre)

[EN] « America Invades France ». Nick Carter’s Epigones and the Reinvention of the Criminal Urban Imaginary in Belle Époque France

In his Atlas of the European Novel, Franco Moretti suggests that the Western circulation of literary works reveals a shift in the power structure of cultural exchanges, from a French domination to a North-American one20. Cultural historians usually date the rising power of American cultural productions to the interwar period, or as late as the aftermath of the Second World War and the effects of the Marshall Plan. The history of popular crime fiction, however, unveils an earlier moment in the shift of cultural power, when the American dime novels from publishers Street and Smith invaded Europe, imported by the German publisher Alwin Eichler. At the dawn of the twentieth century, faced with the surge of the adventures of the American detective Nick Carter, Paris experienced the first contestation of its cultural domination. Although this American outbreak was short-lived, it initiated the mutations of cultural imaginaries in the twentieth century. In this article, I will focus on the first signs of the cultural passage from the old model of the urban mysteries, inherited from Eugène Sue’s city, on the one hand, to the Americanized, modern city of Nick Carter, on the other.

The European Surge of Detective Fiction

It is worth recalling the various steps of the arrival of Nick Carter in France, in order to measure its relevance in the history of cultural shifts and literary forms. First, and as customary when speaking about an invasion of French territory, the Germans played their part. Our story starts in 1904, when Alwin Eichler, a Dresden publisher, met the heads of the Street and Smith publishing house in New York, and secured from them the right to publish in all Europe the series of the dime novels featuring Nick Carter and Buffalo Bill21. It is in Germany that both publications first appeared, starting in 190522, then in France in 1907 [Figure 1], but also in Italy, the Netherlands, Spain, Denmark, Sweden, Poland, and Hungary23. This phenomenon of European circulation can only be understood by looking at the industrial logic that made it possible. The publisher (Eichler), who had bought copyrights for all of the European countries, created distribution offices all over Europe and made agreements with secondary publishers. He also put together a translating industry, with France as a likely transmission conduit toward countries of the South. In that industrial process, what the publisher imported was also an editorial system, since the Eichler booklets (in French « fascicules ») imitated the format of American collections, from which they even reproduced the original illustrated covers. What the process also inaugurates is the usage of the periodical medium, as every booklet offered with each issue the complete adventure of a reoccurring character. These same features spread all over Europe, imposing the same periodical principle with each issue offering a complete narrative and each series featuring a returning character. At the same time, the two series imported by Eichler presented a contrasting picture of the American social, cultural, and political imaginary: while Buffalo Bill represented the frontier and Wild West, Nick Carter outlined the portrait of the modern American city.

Figure 1

Following Eichler, the publishers of popular literature started an imitating process regarding, first, the publishing media – they launched new collections of periodical booklets – and, second, the topics covered – they created new collections of adventures in the Wild West or new series of American detective adventures. For the reading public, the serial logic of the genres and their materialization in the periodical booklets were one and the same. Genre and format were imitated everywhere, first in Germany, then in all European countries, generating a whole series of local epigones24. Such copies started an assimilation process since, for economic reasons, publishers did not seek to secure the expensive copyrights to new American series and pay translations, but rather chose to imitate them. Thus, imitating a foreign work entailed making choices according to the local meanings that each work had in the country that adopted it. Of course, the fake Nick Carter series is more revealing of French and European ideologies and manners than American ones.

In France, the collections include translations from the German (such as Ethel King, « the female Nick Carter », 1912, or Nat Pinkerton, 1908 [Figure 2]) and French series, such as Miss Boston (1909), whose name tells her nationality, Tip Walter (1910) or in  close formats, in 1916, the Exploits of Policeman Jim Jackson by Hector Saintillac, then those of the American John Strobbins « detective and burglar », by José Moselli. Later appearances include Bob Wilson (1920), Todd Marvel (1923), Dick Cartter (sic, 1924), Harry Dickson (1929) and The King of Detectives (1926). At the same time, epigones of French nationality were born, such as Toto Fouinard (1908) or Marc Jordan (1913)25.

Figure 2

In all there were booklets translated from the Anglo-American, as well as from German, along with French imitations of the initial Nick Carter matrix, and so on from there.  As we can see, a tsunami unfolded in a few years. Its effects were enhanced by remediation in other print or visual formats. Nick Carter, alone, moved to the stage at least twice (at the Ambigu Theater in 1909–191026, in a production by Alexandre Bisson and Guillaume Livet [Figure 3], and at the Olympia Theater in 1910, under the title of Pick Nick Carter). Film adaptations were also numerous. A telling example is the famous Victorin Jasset (Louis Feuillade’s archrival), who directed, in addition to the Nick Carter series (1908 [Figure 4]), a Zigomar against Nick Carter (1912). Other examples include the cinematic epigones of the Nick Carter character, such as Nick Winter (Garbagni, 1910), who features in more than twenty adventures. The synchronous timing of novels, plays, and films turns Nick Carter, similar to Fantômas and Zigomar, into one of the key figures of the move from popular culture to transmedial logic27.

Figure 3

Figure 4

One can thus reconstruct the main defining traits of the phenomenon. First, what matters is a specific material medium, the weekly or bimonthly magazine with a color cover, inspired by the dime novels. Second, deriving from this medium, particular uses capitalize on the periodical publication via the matrix of one « character-collection », which thematized the serial logic of the medium within the narrative itself. Moreover, due to its moderate price, the magazine allowed the purchase even by children, without aid from their parents, which truly revolutionized consumer behaviors.

At the same time as the new medium, it was also a new genre that became predominant, that of the detective story, whose importance Dominique Kalifa has demonstrated28. For Belle Époque readers, the figures of Nick Carter and Sherlock Holmes represented the two prototypes of the genre, and they are often associated in the articles of the times with Arsène Lupin or Fantômas29. One can take the plot of the first booklet in the Miss Boston series as evidence of such conflation, as it meant to strike hard with a title echoing journalistic headlines: « The murder of the most famous detective ». Yes indeed, the American Miss Boston had to solve the enigma of « The Death of Sherlock Holmes ! The Murder of the Most Famous Detective! ». Such strategy aimed to benefit from the sponsorship of the two leading figures of the genre, Nick Carter and Sherlock Holmes30. Such confusion reveals that, whereas the cultural and symbolic references of the genre point to North America, the true reference is rather an Anglo-Saxon one, or, even a cosmopolitan one. The North-American markers are indeed problematic: Harry Dickson, another epigone of the detective fiction leaflets, is called the « American Sherlock Holmes » in the French version (1929). And yet, in the original German version, Sherlock Holmes simply appears himself, and the public was invited to discover his « secret dossiers » (Detektiv Sherlock Holmes und seine weltberühmten Abenteuer, 1907). Regarding Ethel King, named « the Female Nick Carter », she was in Germany Ethel King, ein weiblicher Sherlock Holmes, a Female Sherlock Holmes (1912–1915), further evidence that the two prototypical characters were interchangeable. The reference to a foreign model signals more a sign of exoticism, even a generic feature, rather than pointing to a real geopolitical area31.

Collections of periodical booklets, series with recurring characters, detective fiction genre and transmedial imaginary constitute various serial threads that are partly intertwined. As a transmedial entity, Nick Carter was associated with a wave of movies with various episodes, which followed the arrival in French of The Mysteries of New York32. In the literary realm, he is brought together with the other recurring characters of criminal fiction, Arsène Lupin, to one extent, but mostly Sherlock Holmes, to the point of confusion between the two characters33. Lastly, if one considers their media articulation and mode of consumption, the Nick Carter series spearheaded the development of youth magazines, where they were condemned for their immorality, as were the Buffalo Bills and the Offenstadt publications. Indeed, Eichler and Offenstadt were the main targets of abbé Bethléem in his campaign against secular youth publications34. When the Nick Carter world is condemned for its violence and perversity, it is not because it is more subversive than the French crime and juridical novels that preceded it – it is actually quite less transgressive –, but rather because such violence comes with truancy and reading outside any adult control.

The mutation of urban imaginaries

Playing on different levels of seriality, we can now seek to understand why Nick Carter made such a lasting impression, and to what extent he transformed urban cultural imaginaries. First, the efficacy of the series derives from the incredible coherence between the new reading and publishing format and the genre itself. In these 32-page weekly booklets, regular publication fostered the repetition of narrative structures. The association of the short format with the principle of the recurring character tended to impose a concentrated plot, without subplots, which focused on an individualized confrontation between hero and criminals. In point of fact, the story focuses on the investigation and crime, and gets rid of the other themes developed in earlier French serialized novels staging urban criminality: one does not find any longer the melodramatic episodes, the love stories, or the tales of particular victims and their woes and misadventures. Compared to earlier serialized novels, the criminal focus of these booklets is severed from other thematics in order to produce a pure crime fiction, but the periodical temporality imposed a very repetitive structure from one episode to the next, with a crime in the very first pages, then investigation, the chase of the criminal and his/her arrest in the last paragraphs. In other words, the new format enforces a different architextual model.

In terms of world making and representation, such a logic tends to get rid of the close networking of characters and places one sees in earlier models, so much so that the narrative focuses on the triangle formed by the detective, the criminal and the victim in a space limited to a few specific places – office of the private eye, house of the victim, hideout of the criminals. As a result, the unified urban texture disappears in favor of a very small number of decors. What also disappeared are some of the major properties of the French nineteenth-century urban mysteries, such as the criminal city as spatial metaphor of social conflict, and the subplots and numerous characters as metaphor of collectivity. This reduction of the world and space, however, finds compensation in the dynamic of the serialization: from now on, the multiplication of episodes defines the world according to a principle of variation. To the variation of crimes, from one episode to the next, responds a variation in social functions and visited spaces: one adventure takes place in a ball, another one during a sport event or in a museum. Similarly, one meets, from one episode to the next, bankers, usurers, criminals, billionaires, female orphans, etc. Because of the necessity to seduce readers with each new episode, starting with the cover and the title, most places and characters appear as a-typical and sensationalized to the point of adopting fantastic and exotic features [Figure 5]. In such very brief narratives, in which the generated effect comes from the paratextual as much as the textual, everything is played out in a synthetic fashion. With the first glance, the cover and title must promise the discovery of an extraordinary world, which marks its departure from everyday experience. The picturesque world of the fiction resonates with the eccentric crimes that are narrated and solved [Figure 6].

Figure 5

Figure 6

The function of this pseudo-American imaginary and décor was to convert into a world such as flashy, sensational logic. The American cities in which all narratives take place are valued because of their exotic feature, compared to the world of the readers, and promises both colorful sensationalism and modern picturesque. As a matter of fact, the American cities are not really described, since exhibiting their exoticism suffices, with, generally few vague indications. The streets are vaguely designated as « Seventh Avenue » or « Twelfth Avenue » ; one finds references to « post office » or to « Down Town »; a few English words are italicized (« hands up ! », « shake hand »…): that is indeed all. There are no real evocations of American architecture or documented urban descriptions – just a few lines on the San Francisco harbor or the Great Exhibition in St Louis, a few generalities and nothing more. Clearly, the authors do not know the American cities in which they locate the actions of their stories, and they are not interested in the cities for their real characteristics. Some evidence for this includes the cover of the Dick Cartter series [sic] [Figure 7]. In this entirely French series, we find copycats of the Nick Carter covers with their English title, to « appear American »… even if the English is quite incorrect (one of the episodes is misspelled « The Grenn Diamond » [sic]). This rubbish American also appears in the mix of French and English associated in the author’s name, the stories being supposedly written « par the Captain Browning » [sic] (quite a strange linguistic hybrid).

Figure 7

 In addition, this last example, imitating the American Eichler covers, demonstrates that the American microcosm serves not only as an exotic framework, but also as a generic marker. In other words, if the American city remains a vague referential space, limited to a few colorful notations, it is because this fictional realm serves less to document a reality than to typify a narrative. Like the detective character, the setting of the American city encapsulates the genre of which it is the prototype, while exhibiting its metonymic function. Such a function appears with the covers, depicting trains, automobiles, airplanes, the electric chair (named « electric armchair ») [Figure 8]… Booklet covers testify to the fact that the sensationalist effect rests on a technological, modern imaginary, which this bogus and cardboard America represents. One thinks of the skyscrapers at the frontispiece of The King of Detective, or the frontispiece of the Tip Walter series, in which the hero poses, telephone in hand [Figure 9]. In the stories, one uses cars, subways, telegraphs, « electric switches », electric lamps and electric bells (everything seems electric in these works). A criminal steals radium (John Strobbins); criminals are chased by plane or car.… Taking notice of this flashy modernity, the theatrical parody of Nick Carter, Pick Nick Carter and the Air Pan-Pan (« airpanne », a portmanteau word combining airplane and breakdown), showcasing an airplane (a crashing one, of course), as a proof of modernity.

Figure 8

Figure 9

Modern technologies of transportation (trains, cars, airplanes, ocean liners) play such a central role in these narratives because they correspond in many ways to the ideal tone for such publications. They connote two essential features of the genre. First, they display an obsession with speed – not only the speed of the detective and his/her enemies, or the speed of machines, but the speed of a narrative, without pause nor description. Second, such stories connote a taste for cosmopolitanism. The narratives evoke grand hotels, foreigners in search of the gay Paris, and international « sleepings ». The protagonists are often cosmopolitan and international billionaires: one thinks of Todd Marvel, billionaire detective by Gustave Le Rouge35 [Figure 10], or the German series Jack Franklin, World detective (Jack Franklin, Weltdetectiv). Furthermore, in reality, the Nick Carter series were intrinsically cosmopolitan: they came from America, they circulated throughout Europe, they were disseminated by publishers whom Abbé Bethléem and the Catholic press attacked as Germans (Eichler) ... or Jews (the Offenstadt brothers). In point of fact, the fascination with such narratives came mainly from their international characteristic: a young reader could buy the booklets not only for the detective’s exploits, but also to take part in this fantasy of a modern, exotic, cosmopolitan and fast America, which was well served by the modern media, with its colors and images.

Figure 10

Influences and reterritorializations

Because of the features characterizing the American city, one can understand the role played by these series in accelerating the mutations of social imaginaries and cultural frames of reference at the dawn of the twentieth century. And what the displacement towards America promotes is a radical shift and differentiation from inherited frames of references and traditions of the « urban mysteries ». New York and San Francisco are not Paris, their typical locations and supporting cast are not shady cabarets (e.g. the Tapis-Franc of Sue’s Mysteries of Paris), the so-called apaches of Paris, and the tariff barrier marking the murky frontier of the city. The Nick Carter series swept away these old props and features, which cars and airplanes made completely obsolete. After a whole century of fictions developing the matrix of the urban mysteries, the radical novelty of the American model breaks new ground, combining the alterity of the American city compared to the French model, and the alterity of a new medium that was radically different from fiction serialized in newspapers. Such narratives helped get rid of the sedimented layers of stereotypes accumulated throughout the nineteenth century, which weighed on popular representations of the city, thus leading some authors to craft, as late as the 1890s, narratives featuring the shady underworld of 1845.

In this sense, one may suggest that Nick Carter – even more than the Sherlock Holmes series, in which this aspect is equally central – played a pivotal role in the mutations of cultural imaginaries between the nineteenth and the twentieth century. Indeed the Nick Carter mark appears in all the French epigones of the series, such as the Marc Jordan series, which also takes on the material presentation of the collection. We can trace the same lineage in series such as Zigomar (1909) or Fantômas (1911), and not only because of Thom Tweak, the American private eye in Zigomar or Tom Bob, the American Apache policeman of Fantômas. Pierre Souvestre and Marcel Allain (the creators of Fantômas), in particular, were fascinated by Nick Carter, and held in their famous « tool box » (« l’armoire aux trucs » in French) a press article dedicated to « the Nick Carter school ». In its narrative treatment and ideology, Fantômas is Nick Carter’s heir. Similar to the Nick Carter series, Fantômas is defined, in the contract with the editor, as a periodical series with a reoccurring character. Its hero, Juve, is termed « King of the Policemen », an expression that marks his generic lineage with Nick Carter36 ; similar to Nick Carter, Juve employs multiple disguises and makes use of various contraptions and devices. Last but not least, the Fantômas series renews almost completely the clichés of serialized crime fiction, by filling them with ostentatious signs of modernity (cars, electricity, telephone, large department stores) and a clear sense of cosmopolitanism as its heroes travel the whole world, hang around with Americans, Brits, Russians, and Germans. Without reducing Fantômas to a simple avatar of Nick Carter, one can still notice how influenced the series and cast were by the radical break the American series forced in France. The authors simply adapt the defining characteristics of the genre to the Parisian landscape, by accumulating references to Paris and French news (with clearly identifiable streets names, events, and places), and also by borrowing from the serialized urban mystery tradition (with shady cabarets and the revelation of hidden bloodlines)37. Most importantly they reintroduced the spatial setting of confrontations that were characteristic of the urban mystery novels, with its networks of social classes and neighborhoods. But the modernization of narrative structures as well as imaginative and ideological forces also allows Fantômas to stage new spaces, which the characters navigate by way of metropolitan subways and « taxauto », hence delineating renewed representations of the city.

The example of Fantômas thus demonstrates that the new model initiated by Nick Carter was immediately absorbed as a mechanism of re-territorialization. One can interpret in the same way the treatment of Jim Jackson (1916), Saintillac’s American detective who rapidly leaves the United States to lead his investigations in France. The authors not only relocate their series in France; they also redefine its features following the traditions of French crime fiction. Whereas the Marc Jordan series evokes the criminal Paris underground, the « Grenelle crime », and even resurrects the « Inn of the Crime » (in French, the famous « l’Auberge du crime »), at the same time, however, the character goes to the « Cosmopolitan Club », has learned « Japanese jiu-jitsu » and lives in a flat in which he had at his disposal « all the telephones and telegraph lines connected to the world capitals ».  It is not America that is portrayed there, it is Paris, but then again an Americanized Paris.

Postwar Trends and Evolutions

This re-territorialization process accelerated with the First World War. As is well known, most popular collections stopped between 1914 and 1916, only to start again in 1919. Such a stop, producing a tabula rasa effect, facilitated mutations in genre and media. Starting in 1919, one notices a clear break between youth cultural products, which were still opened to the American detective novel, and adult collections, which abandoned that model of action narrative for a narrative of detection. In the second case, one even notices a patriotic turn with a disappearance of the American setting and a re-localization of the plots in France.

Such a shift appears in the evolution of the « Roman policier » (detective fiction), the collection created by Ferenczi. Launched in 1916, « Le Roman policier » still bears features of the action novel à la Nick Carter. The first volumes are New York’s Vampires [Figure 11]and the Mysteries of Chicago, by William Witkings, a simple American pseudonym38. The plotline mixes a Nick Carter-like private eye with filmic references, as one can see from the title that combines The Vampires and Les Mystères de New York (the French title for The Exploits of Elaine). These novels were followed by a series of American stories (The Strangler’s Crimes, by Arthur Fontaine, 1916), and novels with pervasive cosmopolitan features (such as The Thirteen by Woestyn, or The Cristal Dagger). All put forward the thematic and narrative characteristics under American influence. The collection stopped between 1916 and 1919, but when the collection started again in 1919, it abandoned the generic American model and its attendant fictional realm, in order to privilege narratives of detection and enigma (on the model of Sherlock Holmes) in a French setting, thus marking a patriotic turn. From now on, in all the popular collection for adults, the world of the crime mimicked the world of detection and puzzler.

Figure 11

 Regarding the police thriller à la Nick Carter, this was reserved for a youth audience, in which the series took the shape of a simple variation of geographical adventure novels ; action, criminal gangs, gun shots, exotic decor responded to the expectations of the young readership of adventure fiction. Written by French authors, such fictions used the dynamics of geographical, exploratory novels by introducing traveling French sleuths, or by making the whodunit into a simple step in a world tour.

Although the American imaginary and ideological forces of the Nick Carter series were confined, in the 1920s, to youth collections, it does not mean that the mutations that the series generated did not get embedded in French imagination and ideologies. The Nick Carter model thus imposed the investigative structure on action novels. It also fostered the concentration of plotlines around criminal representations. The shift was facilitated by changes in editorial logics, which replaced the open structure of serialized fiction by the book and booklet, which contained completed (or supposed-so) stories. Moreover the Nick Carter series helped purge the sedimented layers of images, concepts, and characters inherited from the urban mysteries. Another vision of the city, modernized and Americanized, takes center stage, even when the setting remains French. Of course, it would give too much credit to Nick Carter to make it solely responsible for such a profound mutation; the American series is only a by-product of more general transformations of representations, and Nick Carter follows the same movement one finds in Sherlock Holmes or Arsène Lupin, although these characters never reached the generic and serial consistency of the  Nick Carter series. By bringing the coherence of a literary genre to such mutations in imaginative and ideological forces, by synthesizing them through identifiable structures and themes, and then by serializing them, Nick Carter facilitated the assimilation of the imaginative forces intrinsic to crime fiction, and inflected our ways of narrating, describing, and thinking the world. It thus allows us to understand the ways in which the American imaginary prevailed, via its cinema this time, starting with the late 1920s : and yet even before the serials, Nick Carter paved the way.

One can draw several conclusions from this first invasion of American crime fiction in France. First, one realizes that the dissemination of new imaginative and ideological forces cannot be separated from the conditions of distribution of such texts : the impact of the series was all the more major because it was supported by a massive editorial policy, resulting in a flooding of French literary market as well as European ones, thus affirming the domination of new kinds of media by which the genre was able to assert its leading role. The case of Nick Carter, along with its imitations, demonstrate the convergence of serialized logics, both economic and narrative, at the level of genre and medium, in the making of imaginative forces and cultural representations. The emergence of new media and new genres allowed for the assimilation of new representations and imaginaries by making them legible. As a result they were able to take root locally, in French society, by imposing them as dominant forces.

It is as much by its medium as through its themes that Nick Carter imposed its novelty and, though an American set of references and images, was able to contribute to the erasure of the older heritage of the urban mystery novels. The American series imposed the new representations and visions of the American cities, cities of the twentieth century, exhibiting their modern cosmopolitanism. Such an exotic imaginary was rapidly reterritorialized, thus contributing to redefining the representations of the French city in crime fiction, as the new Fantômas series soon showed. This cosmopolitan modernity, often glitchy, remained a feature of interwar crime fiction, erasing Sue’s imprint dating from the 1840s and 1850s. The quick blaze of American fiction and plots was short-lived. And yet, despite the disappearance of the genre, the modernity of Nick Carter, with its fictional universe, its new media articulation, and mode of consumption, remained deeply rooted in the French cultural landscape.

(Université Paris-Ouest, Nanterre)

Translated by Catherine Nesci and edited by Devin Fromm,
University of California, Santa Barbara

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Notes

1  Franco Moretti, Atlas du roman européen, 1800–1900, traduit de l’italien par Jérôme Nicolas, Paris, Seuil, 2000, p. 206.

2  Avant d’ouvrir sa propre maison d’édition, Alwin Eichler travaille pour l’éditeur allemand Munchmeyer, qui possède un bureau à New York, ce qui explique qu’Eichler connaisse les dime novels américains. Ensuite, il ouvre  sa propre maison d’édition, spécialisée dans les feuilles de musique et les fascicules. Il semblerait que son choix d’importer la fiction populaire américaine découle du succès du roman allemand d’aventures à la frontière américaine.  Ce succès s’accélère avec la tournée européenne du Wild West Show entre 1903–1906. Eichler essaie de bénéficier de ce courant porteur. Il demande au célèbre écrivain de westerns Karl May d’écrire pour lui un livre sur Buffalo Bill. Cependant, malgré sa promesse, Karl May n’écrivit pas même une ligne du livre en question. C’est ainsi qu’Eichler décide d’importer les histoires du « vrai » Buffalo Bill stories d’Amérique. En même temps, il achète les droits de la série des Nick Carter (y compris les images),  probablement parce qu’il les voyait comme un avatar populaire du très populaire Sherlock Holmes.

3  En 1905 pour les Buffalo Bill, puis en 1906 pour les Nick Carter.

4  F. Cristofori et A. Menarini, Eroi del Romanzo Popolare, Bologne, Edison, 1986.

5  Ce sera, en Allemagne, John Wilson, les carnets secrets d’un maître détective (John Wilson, Aus dem Geheimbuch des berühmten amerikanischen Detektivs), Nat Pinkerton, le roi des détectives (Nat Pinkerton, Der König der Detectivs). On citera encore le Détective John Spurlock, L’homme aux mille visages (Detektiv John Spurlock ; Der Mann mit den 1000 Gesichtern), dont la première partie s’intitule significativement « Dans les rues de New York » (« Unter den Strassen New Yorks ») ou encore Jack Franklin, un détective du monde (Jack Franklin, Weltdetectiv) au nom bien anglo-saxon tout de même. Voir Heinz J. Galle, Volksbücher und Heftromane, Passau, Erster Deutscher Fantasy Club, 1998, tome 2.

6  Sur ces imitateurs, voir Dominique Kalifa, Histoire des détectives privés en France (1832-1942), Paris, Nouveau Monde, 2007.

7  Le succès de ce Nick Carter fut tel qu’il fera une tournée dans toute la France, puis verra ses droits achetés pour la Belgique, l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, puis l’Italie. Voir La Lanterne, 24 février 1910.

8  Alain Carou et Matthieu Letourneux, Cinéma, premiers crimes, Paris Bibliothèques, 2015 et « Entre attraction, narration et culture médiatique, le premier cinéma criminel », 1895, printemps 2015.

9  See D. Kalifa, op. cit.

10  « Arsène Lupin, Nick Carter et autres héros ont enflammé les jeunes imaginations. Nous voyons leurs procédés mis en œuvre : audace stupéfiante, dédain des petits coups, rapides moyens d’exécution, autos de cent chevaux », La Revue franco-américaine, 1912.

11  Ethel King est quant à elle présentée dans le premier numéro par Nick Carter lui-même.

12  Symptomatique de cette confusion, on rappellera que Tom Bob, le fameux détective américain de Fantômas qui démarque évidemment Nick Carter dans Le Policier apache (puisque ce nom de « policier apache » avait été employé par la presse pour désigner un policier cambrioleur qui se faisait nommer… Nick Carter !), devient, dans l’épisode suivant, Le Pendu de Londres, un détective de Scotland Yard qui s’inspire d’un article anglais comparant la police britannique… à Sherlock Holmes.

13  Citons Le Trois de cœur (1915), Le Cercle rouge (1915), Le Masque aux dents blanches (1916) ou Les Exploits d’Elaine (1916). Voir Trebuil, Un cinéma aux mille visages ; Le Film à épisodes en France, 1915-1932, Paris : AFRHC, 2012. Sur les liens tissés entre ce cinéma et les fascicules de Nick Carter, on peut lire par exemple cette affirmation, parue dans Les Tréteaux en 1916 : « Les Mystères de New York n’est qu’un triste succédané des aventures de Nick Carter et de Nat Pinkerton, par quoi s’est enrichi, en France, l’éditeur boche Eichler » (31 juillet 1916).

14  « On annonce ce matin la mort du docteur Joseph Bell, qui passe pour être l’original de Sherlock Holmes. Ce malheur met en deuil les familles Arsène Lupin, Raffles, Rouletabille, Nick Carter, etc. », Le Figaro,6 octobre 1911.

15  Jean-Yves Mollier, La Mise au pas des écrivains ; L’impossible mission de l’abbé Bethléem au XXe siècle, Paris, Fayard, 2014. Bethléem s’en prend dans un même mouvement à la vulgarité des œuvres et à leur immoralité pousse-au-crime, condamnant leurs consommateurs au destin de ces jeunes criminels, « lecteurs assidus de romans policiers, ils ont voulu faire de l’Arsène Lupin, Sherlock Holmes ou du Nick Carter […] résolus à devenir des brigands célèbres », Romans-revue, 1911, « Les romans policiers ».

16  Dans cette Amérique de pacotille, l’évocation des sommes en dizaines de milliers de dollars est comme un passage obligé des récits.

17  Dick Cartter est lui aussi « roi des détectives », Tip Walter est « prince des détectives », Miss Boston résout dans le premier épisode l’affaire de l’assassinat du « roi des détectives », etc.

18  Loïc Artiaga et Matthieu Letourneux, Fantômas, Biographie d’un criminel imaginaire, Paris, Les Prairies ordinaires, « Singulières modernités », 2014.

19  L’auteur glisse malicieusement un indice sur son identité, puisqu’il évoque le nom du rival français de son détective, Florac. Florac est, chez Ferenczi, un détective récurrent créé par Marcel Vigier.

20  Franco Moretti, Atlas du roman européen, 1800–1900, trans. from the Italian by Jérôme Nicolas, Paris, Seuil, 2000, p. 206.

21  Before opening his own publishing house, Alwin Eichler worked for the German publisher Munchmeyer, who owned an office in New York. This explains why Eichler was familiar with the American dime novels. He then opened his own publishing house, specialized in sheet of music and booklets. It seems that his reason for deciding to import American popular fiction is related to the success of German adventure novels situated on the American frontier. This success was accelerated by the Wild West Show tour in Europe in 1903–1906. Eichler tried to benefit from this trend. He asked the famous western stories writer Karl May to write for him a book about Buffalo Bill. Yet, despite his pledge, Karl May never wrote a line of the book. So Eichler decided to import the « real » Buffalo Bill stories from America. At the same time, he purchased the rights of the Nick Carter series (including the images), probably because he saw it as a credible ersatz of the popular Sherlock Holmes.

22  In 1905 for the Buffalo Bills, then 1906 for the Nick Carters.

23  F. Cristofori et A. Menarini, Eroi del Romanzo Popolare, Bologne, Edison, 1986.

24  In Germany, it will be John Wilson, The Secret Notebooks of a Famous American Detective (John Wilson, Aus dem Geheimbuch des berühmten amerikanischen Detektivs), Nat Pinkerton, The King of Detectives (Nat Pinkerton, Der König der Detectivs). One can add  Detective John Spurlock, The Man with One Thousand Faces (Detektiv John Spurlock ; Der Mann mit den 1000 Gesichtern), the first part of which is significantly titled : « In the Streets of New York » (« Unter den Strassen New Yorks ») or Jack Franklin, World Detective (Jack Franklin, Weltdetectiv), still with quite an Anglo-Saxon name. See Heinz J. Galle, Volksbücher und Heftromane, Passau, Erster Deutscher Fantasy Club, 1998, tome 2.

25  On such imitators, see Dominique Kalifa, Histoire des détectives privés en France (1832-1942), Paris, Nouveau Monde, 2007.

26  The success of this Nick Carter production was such that it toured all over France, and saw its rights purchased in Belgium, Germany, Austria, Hungary, then Italy. On this, see the periodical La Lanterne, 24 February 1910.

27  Alain Carou and Matthieu Letourneux, Cinéma, premiers crimes, Paris Bibliothèques, 2015 ; and « Entre attraction, narration et culture médiatique, le premier cinéma criminel », 1895, printemps 2015.

28  See D. Kalifa, op. cit.

29  « Arsène Lupin, Nick Carter et autres héros ont enflammé les jeunes imaginations. Nous voyons leurs procédés mis en œuvre : audace stupéfiante, dédain des petits coups, rapides moyens d’exécution, autos de cent chevaux » (Arsène Lupin, Nick Carter, and other heroes have fired up young imaginations. We see the processes they put to work : astonishing boldness, disdain for little shots, fast means of action, autos with hundred-horse power), La Revue franco-américaine, 1912.

30  As far as Ethel King, she is introduced in the first issue by none other than Nick Carter himself.

31  Symptomatic of such confusion, it is worth noting that Tom Bob, the famous American detective of Fantômas, who is obviously a stand-in for Nick Carter in Le Policier apache (since this name of « Apache policeman » was used in the press to refer to a burglar-policeman who named himself … Nick Carter !), becomes, in the next episode, Le Pendu de Londres (The Hangman of London), a Scotland Yard detective who takes his inspiration from an English article comparing Great-Britain police to .. Sherlock Holmes.

32  Examples include Le Trois de cœur (1915), Le Cercle rouge (1915), Le Masque aux dents blanches (1916) or Les Exploits d’Elaine (1916). On this see Trebuil, Un cinéma aux mille visages, Le Film à épisodes en France, 1915– 1932, Paris, AFRHC, 2012. On the ties between cinema and the Nick Carter booklets, for example, one needs only read the following statement in the magazine Les Tréteaux in 1916 : « Les Mystères de New York n’est qu’un triste succédané des aventures de Nick Carter et de Nat Pinkerton, par quoi s’est enrichi, en France, l’éditeur boche Eichler » (The Mysteries of New York is but a sad substitute for the adventures of Nick Carter and Nat Pinkerton, by which, in France, the Kraut publisher Eichler got rich) (31 July 1916).

33  « On annonce ce matin la mort du docteur Joseph Bell, qui passe pour être l’original de Sherlock Holmes. Ce malheur met en deuil les familles Arsène Lupin, Raffles, Rouletabille, Nick Carter, etc. » (We heard this morning the death of Doctor Joseph Bell, who is supposedly the model for Sherlock Holmes. Such misfortune plunged into mourning the bereaved families of Arsène Lupin, Raffles, Rouletabille, Nick Carter, etc.), Le Figaro, 6 October 1911.

34  On this, see Jean-Yves Mollier, La Mise au pas des écrivains, L’impossible mission de l’abbé Bethléem au XXe siècle, Paris, Fayard, 2014. Bethléem, in the same movement, attacked the vulgarity of the works and their crime-inducing immorality, which condemned their consumers to the fate of young criminals, « lecteurs assidus de romans policiers, ils ont voulu faire de l’Arsène Lupin, Sherlock Holmes ou du Nick Carter […] résolus à devenir des brigands célèbres » (devoted readers of detective fiction, they wanted to act like Arsène Lupin, Sherlock Holmes or Nick Carter […] resolute to become famous criminals), Romans-revue, 1911, « Les romans policiers ».

35  In this bogus America, the mention of sums of money around ten thousand dollars is a prerequisite narrative element.   

36  Dick Cartter, too, is the « King of the Detectives », Tip Walter is the « Prince of the Detectives », Miss Boston solves, in the first episode, the murder of the « King of Detectives », etc.

37  On this, see Loïc Artiaga and Matthieu Letourneux, Fantômas, Biographie d’un criminel imaginaire, Paris, Les Prairies ordinaires, « Singulières modernités », 2014.

38  The author drops malicioulsy a clue on his identity, since he evokes the name of the French rival of his detective, Florac. Florac is, in the Ferenczi house, a returning detective created by Marcel Vigier.

Pour citer ce document

Matthieu Letourneux, « « L’Amérique envahit la France ». Les épigones de Nick Carter et la redéfinition de l’imaginaire criminel urbain à la Belle Époque », American Mysterymania, sous la direction de Catherine Nesci, avec la collaboration de Devin Fromm Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/american-mysterymania/lamerique-envahit-la-france-les-epigones-de-nick-carter-et-la-redefinition-de-limaginaire-criminel-urbain-la-belle-epoque