Presse et scène au XIXe siècle

« Vous rendez les artistes si heureux par votre bienveillance. » Notes sur Charles Maurice

Table des matières

SYLVAIN LEDDA

Tous les chercheurs qui, de près ou de loin, s’intéressent au théâtre français au XIXe siècle ont croisé dans leur enquête le nom de Charles Maurice ; sa plume assassine et son sens de la polémique firent le sel et le fiel de ses comptes rendus. Ses haines furent en effet fameuses, à commencer par sa détestation de Rachel qu’il éreinta. Le cas « Charles Maurice » mérite qu’on s’y arrête, dans la mesure où la carrière de ce directeur de journal et de critique redouté fut parallèle à l’émergence du théâtre romantique, face auquel il se montra parfois curieux, mais le plus souvent hostile. Témoin de premier ordre de la vie théâtrale de son temps, il fut aussi un juge aux vues étroites, peu amène à l’égard des innovations trop spectaculaires, tout en recourant lui-même au sensationnel pour alimenter les colonnes des différents journaux qu’il dirigea. Dans l’un de ses derniers ouvrages de compilation, Le Théâtre français, monuments et dépendances1, il se présente même comme le « doyen de la presse théâtrale », établissant une chronologie des événements survenus à la Comédie-Française depuis sa création, omettant sciemment quelques dates, comme la première du More de Venise ou d’Hernani. Mais quelle est la place exacte de Charles Maurice dans le paysage théâtral français ? Se limite-t-elle à des agissements mesquins ? Quelle fut sa manière, son ton ? Quel est son apport dans la compréhension du théâtre vivant de la première moitié du XIXe siècle ? Comment s’articule la double carrière de Charles Maurice, critique dramatique lié au monde du spectacle et directeur de presse ? Il s’agira surtout de révéler l’influence et le pouvoir (de nuisance) d’un critique-entrepreneur de journaux.

Secrétaire et dramaturge

Charles Maurice, de son vrai nom Jean-Charles-François Maurice Descombes, est né en 1782 et meurt la même année que Lamartine, en 18692. Cette longévité lui donne un regard panoramique sur une bonne partie du théâtre de son époque, dont il a pu mesurer l’évolution, de ses débuts sous le Consulat à sa fin sous le Second Empire. Charles Maurice reçoit une très solide éducation classique et se destine rapidement aux lettres, menant de front une carrière de dramaturge et de secrétaire. À l’instar de nombreux débutants en littérature, il concilie la pratique de son art avec un emploi de fonctionnaire, jusqu’à faire de son état un éthos universel : « le spectacle a toujours été le délassement favori du Clerc d’Avoué, dont les occupations sérieuses contrastent avec les vifs aiguillons de ce plaisir », commente-t-il dans ses mémoires3. Jusque dans les années 1820, Maurice mène une double carrière de fonctionnaire et d’auteur : il est d’abord employé au Ministère des Cultes (1803) puis à l’Intérieur (1814). On le retrouve ensuite aux côtés de Guizot dont il est le secrétaire particulier, puis de Carnot pendant les Cent jours. Il fut proche des milieux libéraux de la Restauration, sans qu’on puisse dire avec certitude quelle fut l’évolution de ses opinions politiques, même s’il fut favorable aux Bourbons restaurés.

En lisant les pièces écrites par Maurice, on comprend qu’il ait abandonné la carrière de dramaturge. Médiocre versificateur, peu habile à nouer une intrigue franche, il fait partie de la masse des « quatrièmes dextérités » – expression chère à Gautier – qui imite la comédie néoclassique. Car c’est vers le genre cher à Molière que va la préférence de Charles Maurice, qui y aiguise son sens de la satire et son goût du pamphlet. Plusieurs exemples tirés de sa production en témoignent. Sa comédie, Le Luxembourg, est une pièce prétexte qui, dans le cadre du célèbre jardin, décrit les rivalités politiques, incarnées par des personnages-types4. L’opéra-comique en un acte Le Misanthrope, représenté le 27 juin 1818 salle Favart a peu de saveur, mais laisse transparaître le goût de Maurice pour la pointe critique. Avec M. Benoît, ou L’Adoption, représenté le 30 mai 1822 sur la scène de la Porte Saint-Martin, Charles Maurice se met au goût du jour en essayant le drame historique en prose. Il y évoque un épisode de la vie duprince Stanislas Leczinski, beau-père de Louis XV, non sans manifester sa sympathie pour les Bourbons, comme en témoigne l’édifiant dénouement de cette pièce :

VOLNY.

C’est qu’un roi juste et bienfaisant, un monarque tel que votre majesté, sire, devrait-être immortel.  (Tous lèvent les mains au ciel et le rideau tombe)5.

C’est après cette pièce, qui n’a pas laissé de traces dans les annales, que Charles Maurice se tourne vers la critique. Il revient pourtant au théâtre à la fin de sa vie, en publiant une petite comédie, L’Art de faire des vers à coups de poing, suivie de poésies diverses d’inspiration sentimentale et chrétienne6. Sa carrière théâtrale demeure sans écho ni éclat.

Charles Maurice est-il un auteur raté ? Et ce sentiment d’échec pourrait-il expliquer la tendance haineuse du critique quin’apparaît pas vraiment dans les pièces qu’il écrit ? On pourrait voir un lien de cause à effet entre l’abandon d’une carrière de dramaturge et ses débuts dans la presse. Sous Louis XVIII, il collabore d’abord à différents journaux, Le Mercure de France, la Gazette de France, le Journal de Paris où il tient les rubriques littéraires et dramatiques. Il signe alors ses articles du pseudonyme de Tricotel. Charles Maurice, comme Vautrin, a connu plusieurs incarnations en tant que directeur de presse. Il pilota d’abord Le Camp-volant, journal des spectacles de tous les pays (1818-1820) qui devint ensuite le Journal des théâtres, de la littérature et des arts (1820-1823). Ce périodique se transforma en Courrier des théâtres (1823-1842) puis enNouvelles des théâtres, de la littérature et des arts pour quelques semaines, et devint finalement Le Coureur des spectacles (1842-1849)7. Très vite, Charles Maurice trouve son style : attaque, perfidies à mots couverts, ragots. Infatigable entrepreneur de presse, sa réputation s’est surtout fixée pendant sa direction du Courrier des théâtres, organe de presse qui résista durant près de vingt ans. Cette réputation est surtout celle d’un personnage sans scrupule, se laissant graisser la patte, disait-on, et s’acharnant contre ceux qui refusaient de s’abonner ou de lui rendre quelque allégeance. Selon Auguste Vitu, qui collabora au Courrier des théâtres, la technique publicitaire et commerciale de Charles Maurice aurait été la suivante : il obligeait ses cibles récalcitrantes à s’abonner, sous peine de représailles. Dès lors qu’un artiste lui refusait l’abonnement, il s’en prenait à lui. Vitu parle de « coups d’épingles » qui, à force d’être données chaque jour, forment une plaie qui ne se referme pas. Cette triste gloire est d’ailleurs confirmée par une lettre du dramaturge Draparnaud, dans laquelle il fait le portrait d’un personnage peu sympathique :

Monsieur,

C’est bien à vous qu’on peut dire à juste titre :

Apparent rari nantes, in gurgite vasto.

Puisqu’au milieu du déchaînement de tant de passions furieuses, vous avez su rester fidèle à la vérité. Votre courage digne d’estime, n’en ressort que mieux par la hideuse  opposition que vient de vous fournir avec tant de joie le plus ignoble de tous les pamphlétaires : Charles Maurice. On m’a dit (car je ne lis jamais sa feuille infâme) que rien n’était comparable à l’atrocité des calomnies qu’il vient de vomir contre moi par allusions indirectes, précaution qui met le comble à sa lâcheté. Il y a longtemps que j’ai donné à cet homme mon adresse à l’entrée du Bois de Boulogne ; mais à chaque défi d’honneur, un lâche ne peut que répondre par le langage qui lui est propre. Puisqu’il n’y a plus aucune satisfaction à espérer de la part d’un libelliste qui a porté jusqu’au dernier excès les audaces de la calomnie, je vais, m’adresser, dès ce moment, à M. le garde des sceaux. Veuillez, monsieur, consigner dans votre estimable journal ma promesse, à laquelle il m’est trop aisé de rester fidèle pour que je néglige plus longtemps d’écraser la bassesse de mon ennemi sous le poids de la vérité.

Draparnaud8.

Cette lettre est sans appel. Elle fait de Charles Maurice le plus acide des critiques, qui surpasse en ce domaine les méchancetés d’un Gustave Planche ou les venimeuses attaques d’un Désiré Nisard. Charles Maurice incarnerait la haine journalistique dans toute sa mesquinerie, colportant les ragots les plus vils sur les comédiens (et surtout, comme nous le verrons, sur les comédiennes), jusqu’à l’acharnement dont il fait preuve envers certains artistes, certaines pièces ou certaines salles. « Il connaissait admirablement bien le théâtre, écrivait avec esprit et était un critique habile […] Les romantiques trouvèrent en lui un ennemi acharné », affirme Le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle9. Cette image est-elle parfaitement fidèle à la réalité ? Cette haine tous azimuts ne cache-t-elle pas une situation plus complexe ? Faut-il s’en tenir aux représentations de haine littéraire que le souvenir de Charles Maurice a véhiculées jusqu’à nous ? La « méthode Maurice », pour le moins discutable, est étroitement liée à la conception qu’il se fait de son travail. Dans l’autobiographie intellectuelle qu’il publie en 1856, il se présente en effet comme un bourreau de travail, rédigeant lui-même tous les articles, veillant de près à l’impression de son quotidien, répondant aux très nombreux courriers, et se rendant tous les soirs, ou presque, au théâtre. Une vie consacrée au théâtre, en somme, pour le meilleur et pour le pire…

Évolution de sa manière journalistique

Ces premiers points biographiques conduisent maintenant à étudier la manière dont Charles Maurice conçoit son journal, et la façon dont il le fait évoluer. Du Camp-volant de 1818 au Courrier des théâtres dernière version, on peut noter une très nette transformation. D’abord, Charles Maurice est parfaitement conscient des goûts et des modes de son époque, et c’est là l’une des contradictions intéressantes de ce journaliste plutôt réactionnaire. Il est attentif aux fluctuations esthétiques mais se montre souvent rétif aux innovations. Dès la première mouture du Journal des théâtres (paru en 1822-1823), il crée une rubrique qui sera, en quelque sorte, sa marque de fabrique : « Les Nouvelles de Paris », c’est-à-dire toutes les informations qu’il faut savoir sur la vie théâtrale à Paris, et même en province, quand il reçoit une information10. Par exemple, le 2 juillet 1822, il évoque un point technique important dans l’histoire du théâtre au XIXe siècle : « Il n’est pas encore décidé si l’éclairage au gaz sera employé au premier théâtre français, et si les quinquets seront réformés. Ces messieurs, comme on sait, ne sont point partisans des innovations et craignent surtout avec raison les réformes11. » Cet exemple montre assez bien la manière dont Charles Maurice s’approprie une information pour y ajouter un commentaire personnel, souvent polémique.

C’est cet art de la polémique qui va faire la réputation du Courrier des théâtres. Dans sa version 1830, le journal obéit à la composition suivante : une première page, au haut de laquelle figure la devise du journal celeritate viget, illustré par un postillon au galop, se hâtant de véhiculer l’information. À droite de l’illustration figure la mention suivante : rédigé par M. Charles Maurice et une Société de gens de lettres ; à gauche se trouvent la date et le numéro du journal. La première page affiche le programme des théâtres parisiens, dans un ordre qui ne changera guère : Académie royale de musique, Théâtre-Français, Opéra-Comique, Vaudeville, Variétés, Gymnase-Dramatique, Gaîté, Porte Saint-Martin, et enfin les plus petites salles comme le Théâtre du Luxembourg, ou le théâtre Séraphin, en 1833. La seconde page est réservée aux comptes rendus de spectacles. Les troisième et quatrième pages évoluent sensiblement à partir de 1832. Jusqu’à cette date, on lit des rubriques variées telles que des biographies (Dante en mars 1830), des esquisses littéraires (Keats), des bibliographies, des miscellanées ; la page 4 comporte les « Nouvelles de Paris », c’est-à-dire tous les bruits, les événements qui concernent la vie théâtrale parisienne. Mais à partir de 1834, les rubriques se diversifient, et Charles Maurice publie des séries sur les mœurs et la littérature étrangères, des historiettes concernant des contemporains célèbres, tel l’article consacré au fameux docteur Gall, le 27 mai 1834.

Après 1835, le journal s’enrichit de nouvelles chroniques qui nous renseignent sur la pente que suit Charles Maurice. La « morale » fait son entrée dans le journal avecdes rubriques inédites aux titres éloquents : « Bonnes actions », « Préjugés », « Tentatives sinistres » relatent des épisodes édifiants qui stigmatisent les mauvaises mœurs. La dernière incarnation de ce Vautrin du journalisme, c’est le Coureur des spectacles, qui devient bi-hebdomadaire (mercredi et samedi) et paraît entre 1842 et 1849. La forme change, et ne comporte plus qu’une seule rubrique intitulée « Nouvelles des théâtres ». Il ne s’agit plus que de nouvelles sur la vie des théâtres, les programmes, les acteurs, la dimension littéraire disparaissant de manière sensible. Après septembre 1848, le journal ne devient plus qu’une feuille de programme avec un rez-de-chaussée consacré au « feuilleton du coureur », avatar des « Nouvelles de Paris », où Charles Maurice continue ses coups de canif, ça et là, à l’image de cette formule lapidaire du 8 octobre 1848 : « La reprise de Britannicus, annoncée pour hier aux Français, n’y a pas été donnée. Respect de la tradition. »

Ces remarques sur la transformation du journal dirigé par Charles Maurice appellent quelques commentaires. Derrière l’évolution du contenu, se devine une préoccupation constante : attirer le lecteur par des actes sensationnels, faits divers des plus monstrueux aux plus cocasses ; aiguiser la lame de son esprit caustique aux pierres rugueuses de la calomnie la plus facile. Malgré l’apparente hétérogénéité des rubriques, se devine une pensée très cohérente de la part de Maurice. Son journal s’adapte aux goûts du temps comme aux effets de mode. En effet, Charles Maurice ne manque pas d’un certain flair quand il lance sa rubrique de faits divers, tous plus affreux les uns que les autres. Ce goût du sensationnel est à mettre en parallèle avec la manière dont il conçoit la critique théâtrale : une accroche sidérante, qui n’hésite pas à aller vers l’excès pour retenir son lectorat.

Où Maurice prend-il l’information ? Quels sont ses collaborateurs ? il est difficile de répondre à ces questions avec précision. Maints scandales relatés dans son journal ont pu lui être envoyés, comme le suggèrent les indications d’abonnement en bas de la dernière page, qui constituent en elles-mêmes une véritable incitation à la délation : « Une boîte, placée à la porte cochère, reçoit tout ce qu’on veut faire parvenir au journal. » Une telle incitation est la porte ouverte à toutes les vengeances. Charles Maurice collecte les détails croustillants qu’il livre en pâture à ses lecteurs. La part réservée au théâtre, quand l’actualité dramatique n’est pas très dense, est remplacée par une foule d’anecdotes dont on peine à imaginer qu’elles soient toutes exactes : archéologie, nécrophilie, scandales, tout y passe. Parmi ces miscellanées fangeuses qui occupent une large part dans le journal, se trouvent toujours des détails sordides :

Au village de Labreuille (Indre), commune de Nohant-Vicq, sous un hangar, a été trouvé le cadavre à demi-rongé par les chiens, du nommé Siguret, habitant ladite commune. Cet individu, qui était idiot, était disparu depuis plus d’un mois de la maison de son frère qui en prenait soin, sans qu’on sut ce qu’il était devenu. À cette époque, il était atteint de maladie. On pense que, par suite de son état d’idiotisme, il se sera renfermé sous les ramées renfermées dans le hangar et qu’il y aura trouvé la mort. 

Un jeune capitaine du 5e de ligne, du détachement d’Ancenis, ayant besoin de se purger, l’aide-major du corps lui fit une ordonnance portant sulfate de sodium. Le pharmacien délivra sulfure de sodium. Vingt minutes après avoir pris ce breuvage, le brave capitaine Bousquet avait cessé de vivre12.

Charles Maurice, recueillant de toute la France des anecdotes et des faits divers, les adapte à sa feuille et à son lectorat, dénonçant toutes les formes de l’immoralité, au premier rang desquelles le suicide, le vol, l’adultère. Les actes de bravoure sont par ailleurs salués. Le 4 octobre 1834, deux gestes héroïques sont racontés :

Hier, deux enfants, qui jouaient sur les bords de la Seine près du Pont-au-Change, sont tombés dans la rivière, où ils auraient péri sans le secours que leur a porté une femme qui, tout habillée, n’a pas craint de se jeter à la nage pour les sauver.

*

Nicolas Gérard, propriétaire à Ribeaucort (Meuse), fut attaqué, dans la prairie d’Ormesson, par un loup furieux. Quoique cet homme fût sans armes, il se défendit courageusement dans un combat terrible qui dura plus de dix minutes, et eut le bonheur de terrasser et d’étouffer la bête féroce.

Plus chanceux que la chèvre de monsieur Seguin, Nicolas Gérard et son aventure dévoilent la manière de Charles Maurice : valoriser les actes les plus braves, stigmatiser tout comportement déviant par rapport à la morale. Ce trait se retrouve dans ses critiques, et notamment dans sa détestation de la morale du « drame moderne ».

Techniques critiques

L’art du récit, aussi lapidaire qu’efficace, reflète bien la manière et le style de Maurice dans ses critiques. Son moralisme étroit, sa vertu effarouchée se déploient tout aussi bien face aux actes d’infanticide et de suicide qui peuplent les scènes romantiques. Sa technique n’a rien d’original13 : il résume acte par acte les pièces, quand celles-ci en comportent plusieurs, et dès qu’il note un détail qu’il juge immoral, il le stigmatise. À l’intérieur de ces résumés, il se montre souvent corrosif, comme dans l’article qu’il consacre à Marie Tudor, figurant dans le numéro du 8 novembre 1833 :

Première représentation. – « Marie Tudor, drame en trois journées et en quatre parties. » Malgré les distinctions que ce titre établit entre les journées et les parties, et bien plus encore malgré le romantisme de l’œuvre, nous procéderons classiquement, dans cette analyse par actes, comme le faisaient nos pères. À tous risques !

De manière générale, Charles Maurice mêle les remarques structurelles, des notes sur l’histoire du texte, et surtout des jugements d’ordre moral. C’est le cas, par exemple, de sa critique de Britannicus, donné à l’Odéon (second Théâtre Français), le 17 septembre 1822 : « Chose extraordinaire, dimanche le public était nombreux à l’Odéon ! d’où lui venait cette affluence ? Peut-être était-on curieux de voir plusieurs rôles de cette belle tragédie estropiés par de hardis comédiens. » Charles Maurice est en particulier habile dans la « technique du double coup ». Par exemple, il rédige une critique plutôt élogieuse d’Un caprice, puis, quelques jours plus tard, lance une ou plusieurs perfidies contre la pièce14. Mais il peut aussi faire l’inverse, ce qui se produit avec Il ne faut jurer de rien, qu’il juge sévèrement la première fois, avant d’accorder une phrase aimable quelques jours plus tard. Ainsi, concernant la pièce de Musset, il explique comment dans un premier temps, Musset a écrit un théâtre à lire, craignant la censure. Ce détail lui permet de digresser et de formuler un avis plus global sur une pratique. Il constate ensuite avec ironie que depuis l’abolition de la censure, les œuvres sont encore plus médiocres qu’avant. Dans la même feuille, il assassine les acteurs, et publie des scènes de Picard. Maurice ne manque cependant pas de pertinence dans certaines de ses remarques sur Musset. À notre connaissance, il est l’un des rares critiques à ne pas confondre le badinage mussétien avec le marivaudage, comme en témoigne cette perfidie contre la comédienne qui créa le rôle de madame de Léry d’Un caprice : « C’est madame Allan-Despréaux qui demande à remplir le rôle d’Araminte. À force de jouer dans Un caprice, cette dame aura pris Marivaux pour M. de Musset. C’est une grande erreur. »15 En égratignant l’actrice, il montre sa justesse de vue.

Charles Maurice est l’adepte de la caresse et de la gifle, en particulier avec un même auteur. Ainsi, il ne se montre pas systématiquement virulent contre Hugo, bien au contraire. Dans un premier compte rendu d’Hernani, il est même très élogieux, constate la nouveauté et la force du spectacle qu’il vient de voir. En revanche, le lendemain, le 1er mars, il reprend point par point le spectacle en donnant des avis dramaturgiques à Hugo. Cette technique du conseil d’écriture, habituelle pour l’époque, est un système pour Charles Maurice. À propos d’Hernani, sa culture littéraire lui permet de décrypter tout ce que le théâtre de Hugo doit au théâtre antique et à Shakespeare. En revanche, on s’étonne que le compte rendu de Lucrèce Borgia soit en tous points élogieux, dans la mesure où Hugo a été souventes fois taxé d’immoralité pour cette pièce. Charles Maurice commence son article en décrivant la cohue à l’entrée de la porte Saint-Martin, toutes les stalles ayant été louées. Après avoir résumé la pièce avec de nombreux détails passionnants pour l’étude de la mise en scène et pour le jeu des acteurs, il conclut en ces termes :

Un succès, un grand succès a couronné cette œuvre dont la conception a pour point de départ une réminiscence de La Tour de Nesle, mais s’en éloigne par des scènes de haut dramatique qui appartiennent en propre à l’auteur. Chaque acte en renferme une du plus grand effet ; celle du dénouement est d’un aspect aussi hardi que singulier, aussi touchant que terrible. Cent représentations sont acquises à cet ouvrage monté avec beaucoup de luxe et dont M. Victor Hugo (cette fois sage de style) a été proclamé l’auteur au bruit de la foudre16.

Reprise d’éloges le 4 février 1833 dans les « Nouvelles de Paris ». Charles Maurice précise que la pièce a été conçue avant La Tour de Nesle, et donc l’accusation de plagiat de Dumas ne vaut pas. Quelques mois après Lucrèce Borgia, il assassine Marie Tudor, et suit l’avis global de la critique, défavorable au drame de Hugo, en recourant à la « critique intertextuelle » avant l’heure :

Perinet Leclerc, Lucrèce Borgia et Christine ont fourni leur contingent à cet imbroglio dont nous n’offrirons pas une idée complète en rappelant ce qu’était Le Roi s’amuse. Si l’auteur a cru composer une pièce de théâtre, il s’est trompé ; s’il a voulu avilir la royauté et faire parler une reine comme la dernière femme du peuple, il a réussi ; s’il a pensé faire alternativement de l’énigme et du mélodrame primitif, il a touché son but. Si l’accomplissement de son œuvre est le résultat d’une gageure, il l’a gagnée. Un long étonnement, une formidable cabale, des rires et des sifflets successifs et enfin le nom de M. Victor Hugo lancé dans le tumulte d’une opposition bravée, telle [sic] a été le dénouement de cette inimaginable soirée. Les frais de mise en scène et la curiosité que doit inspirer une chose rare, dédommageront sans doute le théâtre de ses peines. Mais l’auteur, qu’aura-t-il17 ?

En revanche, le 9 novembre 1838, Charles Maurice rend compte très favorablement de Ruy Blas, pourtant assez méprisé par la critique, et il cite ensuite des vers du drame dans les numéros suivants :

Au premier acte, ce drame s’établit par des développements assez longs ; il chemine pendant les deux suivants et se repose au 4e acte où il nous montre une pièce à part, dont l’idée comique rappelle celle du Ramoneur-Prince. Mais le dernier acte nous ramène en plein dans une action chaude, saisissante, à la manière de l’auteur, et justifie un succès qui lance ce nouveau théâtre dans le chemin de la fortune. Le nom de M. Victor Hugo a été couvert d’applaudissements18.

Il n’y a rien de stable dans le rapport de Charles Maurice face à la dramaturgie hugolienne, soufflant tantôt le chaud, tantôt le froid, avec des arguments qui ne semblent pas seulement esthétiques. Avec Alexandre Dumas, Maurice se montre tout aussi réversible. Il accorde une longue série de commentaires au théâtre de Dumas dans son journal, qu’il le loue ou qu’il le condamne. Il éreinte, par exemple, Catherine Howard :

Voilà une pièce qu’il faut aller voir (et le Théâtre de la Porte Saint-Martin ne demande que cela) pour savoir dans quelles divagations dramatiques on peut se jeter, en empruntant des noms à l’histoire et en partant de la vieille tragédie pour arriver aux Ruines de Babylone. Par le temps littéraire qui court, ce spectacle est assurément un des plus curieux qui se puissent rencontrer, et nous persistons à croire que la pièce fera de l’argent. Il y a eu très peu de sifflets. On a nommé Alexandre Dumas. Le pauvre petit Racine recommence à grandir19

Après cette attaque, le lendemain, dans les « Nouvelles de Paris », Charles Maurice fait l’éloge du talent de Delafosse, qui interprète le rôle difficile d’Henri VIII d’Angleterre. En revanche, il s’en prend violemment à Ida Ferrier, qui tient le rôle-titre : « Cette actrice ne parle, ne marche ni ne joue. Elle roule, pousse des sons nasaux où l’on ne distingue pas une syllabe et croit avoir tout fait quand elle passe perpétuellement sa grosse main autour de son front, ou qu’elle l’a tenue sous son menton en regardant la rampe. »20 Pour terminer sa série, le 5 juin, il s’en prend à Lockroy dont il énumère les défauts. Or, sur la même page, on peut lire un feuilleton consacré au théâtre d’Alexandre Dumas qui, loin de ne comporter que des attaques, contient aussi bon nombre d’éloges, même s’il souligne son incroyable don de plagiaire, non sans une certaine admiration. Face à Alfred de Musset, Charles Maurice effectue une étonnante volte-face. En 1830, il prophétise l’anonymat au jeune dramaturge ; comme beaucoup de ses contemporains, il n’a pas apprécié la fantaisiste Nuit vénitienne :

Nous ne savons pas trop jusqu’à quel point il est permis à un directeur de théâtre de mystifier le public en annonçant fastueusement, sous le titre de comédie, un de ces ouvrages qui n’ont point de nom en littérature, et que le vulgaire qualifie au titre méprisant de rhapsodie. Cette soi-disant pièce a été jouée au milieu des huées et des sifflets du parterre ; nous croyons cependant avoir entendu le nom de M. Alfred de Musset. Voilà un nom qui ne sortira jamais de son obscurité21.

À vingt ans de distance, il se montrera nettement plus conciliant avec la dramaturgie mussétienne dans les articles qu’il consacrera à Un caprice et à Il ne faut jurer de rien – nous l’avons vu.

Haines et poisons

L’une des spécificités de la critique de Charles Maurice tient à certaines de ses obsessions haineuses, sur lesquelles il revient, inlassablement. Ainsi, à partir de 1832, le Théâtre des Variétés devient « Bouge-variétés ». Il n’est pas un numéro où cette salle ne soit stigmatisée, ainsi que les artistes qui y jouent. Par exemple dans la rubrique « Nouvelles de Paris », le 1er juillet 1834, Charles Maurice se déchaîne : « Le Bouge-Variétés, qui était déjà bien malade d’une recrudescence du mépris du public, est mort, mardi dernier, des suites d’une soi-disant pièce nouvelle. Le coroner a déclaré que ce suicide pouvait aussi s’appeler mort par imprudence…et nous ajoutons par bêtise. » Cet acharnement s’explique a priori pour des raisons esthétiques – Maurice juge médiocre la production des Variétés, mais il n’est pas le seul à cette époque –on peut aussi subodorer que des inimitiés personnelles l’incitent à un tel acharnement critique. Mais le Théâtre des Variétés n’est pas le seul à faire l’objet d’une « descente » systématique : l’éphémère Théâtre Nautique est aussi l’une des cibles du critique.

Les attaques ad hominem ne manquent pas non plus, et on ne s’étonnera guère de voir Charles Maurice s’en prendre aux frères Achille et Armand d’Artois, infatigables fournisseurs de vaudevilles pour les Variétés. Ainsi le 20 août 1834, il résume sa pensée sur l’art des deux frères :

Bêtes n’est pas le mot, absurdes est trop peu, stupides n’est point assez, archi brutes dit mal la chose (pardon de l’impolitesse, mais en vérité cela n’est point tenable !) il faudrait inventer un mot nouveau pour rendre les idées des frères d’Artois.

Sa technique journalistique revêt l’aspect d’un règlement de comptes et d’une destruction systématique de l’objet visé. Ainsi, il répète à qui veut l’entendre sa détestation de Fanny Elssler : « Mlle Fanny Essler [sic] joue ce soir. Première de toutes les bonnes nouvelles de Paris », note-t-il le 18 novembre 1838. Mais les méchancetés contre les frères d’Artois ou Fanny Elssler ne sont rien face aux torrents de boue qu’il déverse sur Rachel. Dans son pamphlet, La Vérité-Rachel, examen du talent de la première tragédienne française22 paru en 1850, il manifeste toute sa haine contre l’actrice. La démolition de Rachel permet à Charles Maurice de s’en prendre à tout le système dramatique français. Son attaque porte d’abord sur l’interprétation des classiques par Rachel. Pour les rôles d’Aménaïde, d’Hermione, de Roxane, de Laodice, d’Ériphile, de Chimène, de Bérénice, de Pauline, il considère qu’elle les joue comme « du mélodrame à grandes volées. Elle est toujours païenne ; elle saccade l’idolâtrie quand c’est l’Évangile qu’on devrait croire lui entendre dire »23.  Son analyse du rôle de Pauline trahit la mauvaise foi du critique, quand on sait que l’héroïne de Polyeucte ne se convertit qu’au dénouement de la tragédie et se montre assez violente envers lesdits Évangiles. Selon Maurice, Rachel « ne peut enfin être ni Agrippine ni Phèdre : son talent est trop superficiel ». Cet avis est absolument à l’opposé de celui formulé par Musset en 1838 et 1839, dans les deux articles qu’il consacre à la tragédienne24. Dans le chapitre intitulé « Fantaisies de mademoiselle Rachel », Maurice se montre extrêmement venimeux : « Je classe sous ce titre les velléités inintelligentes d’actrice à prétentions et sans frein, que s’est permise mademoiselle Rachel, dans le genre comique, sans en excepter celle par laquelle je débute »25. Après quelques lignes sur ses qualités, Charles Maurice énumère ses défauts : « elle n’a pas d’instruction » ; « Elle n’a qu’une forme extérieure » ; « Elle gâte sa voix » ; « Son jeu est partout le même » ; « Sa diction est incohérente » ; « Elle n’a pas de sensibilité » ; « Son énergie est plus nerveuse que profonde » ; « Elle n’a au théâtre, ni esprit, ni intelligence, ni goût » ; « Elle ignore les mœurs de la scène » ; « Elle n’a pas le feu créateur » ; « Elle ne peut remplir plusieurs emplois »26. Ces jugements, égrenés au fil du texte trahissent la partialité et la volonté de nuisance du journaliste. Au-delà des critiques d’interprétation et d’emploi, l’opus de Charles Maurice doit se lire pour ce qu’il est : un brûlot antisémite. Dans un chapitre intitulé « Les Juifs », il accuse ainsi les coreligionnaires de Rachel de préparer ses succès :

En est-ce assez de tous ces courtisans de la victoire ? Pas encore. Une autre division arrive sur le terrain pour secourir celui qui est le plus fort. Les coreligionnaires de la tragédienne, croyant l’honneur de leur temple intéressé à la perpétration de ses succès, ne l’ont pas quittée depuis ses débuts ils la tiennent toujours en chartre-privée, sous l’étreinte de leurs amitiés de synagogue.

Répandus au parterre, ils en couvrent la face27.

C’est par condescendance qu’ils y admettent les hordes de chrétiens, dont voici les mystères particuliers, et que célèbrent avec eux les enfants de Jacob. Il s’agit de secrets perfectionnements introduits pour mademoiselle Rachel dans les manœuvres de cette grande armée; il ne faut pas qu’une personne de cette qualité soit confondue avec le commun des martyrs... martyrs de la Claque28.

Après une telle démonstration de haine, Charles Maurice est indéfendable, même si le propos n’est pas aujourd’hui de faire un procès, mais de comprendre des procédés, si vils soient-ils.

Sa dernière manière consiste à brandir des preuves irréfutables de ses propos, sous la forme de manuscrits autographes. Ainsi, son Histoire anecdotique du théâtre, de la littérature et de diverses impressions contemporaines, tirée du coffre d’un journaliste avec sa vie à tort et à travers29 comporte de nombreux autographes qui attestent la bonne foi de l’auteur. Ces documents montrent que Charles Maurice a été un acteur décisif de la vie théâtrale, en ses moments les plus cruciaux. Il rappelle ainsi sa rencontre avec Hugo, au moment de la création d’Hernani :

Taylor m’a présenté aujourd’hui Victor Hugo (si ce n’est pas à Victor Hugo qu'il a présenté le journaliste). Ils sont venus me parler d’Hernani, que le théâtre français va donner, et, oserai-je dire, me le recommander ? Après les petites singeries d’usage, on m’a proposé d’ouïr un échantillon de la pièce ; et, d’une voix aussi assurée que grasseyante, le poète m’a récité le monologue de Charles-Quint… Ces deux messieurs m’ont fait l’honneur d’être contents de ma réception. Le seront-ils autant de mes articles ? (24 février 1830)30.

Non sans perfidie, Charles Maurice reproduit une série de lettres autographes d’auteurs dont certains seraient venus lui graisser la patte, comme il le laisse entendre dans ce poulet de Hugo qu’il reproduit :

Je suis allé hier pour avoir l’honneur de voir monsieur Charles Maurice. Lui a-t-on remis ce que j’ai laissé pour lui ? Toujours mille remerciements.

Vic. Hugo31.

S’ensuit une série de témoignages qui disent non seulement l’influence de Charles Maurice dans le paysage théâtral, mais son autorité de critique redouté, craint… et corruptible, comme en témoignent ces mots d’Alphonse Karr adressés au critique, en août 1832 : « je vous demande un service personnel… »32 Enfin, il semble que les sœurs Elssler aient dû se plier aux pressions de Charles Maurice, comme l’atteste cette étonnante lettre, sous la forme d’une véritable prière :

Veuillez, nous vous prions, monsieur, nous protéger comme vous l’avez fait jusqu’à présent. Vous êtes si bon ! vous rendez les artistes si heureux par votre bienveillance ! Vous trouverez toujours les deux sœurs toutes dévouées.

Fanny et Thérèse Essler [sic] (ce 11 août 1835)33

Documents véritables ou apocryphes ? Certains manuscrits autographes attestent la véracité des citations, mais tous les documents ne sont pas imprimés. La plupart des lettres reproduites par Maurice insistent sur la générosité et la probité du journaliste qui sans doute avait une réputation à reconquérir… Ces morceaux choisis contrastent pour le moins avec les haines déversées dans les articles. Toutefois, la réputation de Charles Maurice était telle qu’il pouvait effrayer les artistes, aussi n’y a-t-il rien de surprenant à trouver des lettres comme celle des sœurs Elssler.

Témoignent de cette crainte suscitée et de cette pression exercée par le patron de presse (sur les artistes non abonnés à son journal ?), cette page du roman de Pierre Véron, Les Gens du théâtre, où apparaît une liste imaginairement découverte sur le bureau du directeur du Phare dramatique :

Madame L…, rue Sainte-Anne. – Abonnement simple ; trois mois. Entre parenthèses, une main, celle de monsieur le directeur, sans doute, avait ajouté : - Quelques phrases de compliment banal à l’occasion.

Monsieur M…, ténor, rue des Martyrs. – N’a pas encore renouvelé. – Écrire au critique musical de lui consacrer une demi-colonne aigre-douce pour dimanche.

Monsieur N…, rue Saint-Honoré. – Désabonné à dater du 15. – Attaques hebdomadaires34.

*

Ce trop rapide survol pourrait se terminer par une morale sous la forme d’une lettre que Pixerécourt adressa à Charles Maurice à la mort de Boieldieu : « Puisque nous ne faisons que passer, pourquoi sommes-nous si méchants ? » La réponse est peut-être fournie par le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, qui revient sur la singularité de l’entreprise menée par Charles Maurice, non sans en mesurer les limites et les défauts :

On peut dire qu’à cette époque le journalisme n’existait point encore en France. On comprend donc qu’un petit journal quotidien, étant seul à donner le programme des spectacles du jour, était appelé d’avance à quelque succès. Mais son rédacteur, M. Charles Maurice, qui connaissait bien le public et qui le savait toujours friand de scandale, n’épargnait rien pour le servir à souhait sous ce rapport. Aussi le Courrier des théâtres était-il bien plutôt une sorte de pamphlet qu’un véritable journal, et il faut voir de quelle façon il traitait les artistes, les plus estimés, on peut dire les plus illustres, et jusqu’aux auteurs le plus en renom. Très adroit d'ailleurs, expert en ces matières spéciales, M. Charles Maurice savait merveilleusement découvrir le défaut de la cuirasse chez ceux dont il faisait l’objet de sa critique, et il tirait on ne peut mieux parti des qualités négatives de ses adversaires […]35

À la fin de son existence, retiré dans la proche banlieue, ce personnage contradictoire adopte le ton d’un patriarche qui aurait traversé le siècle en sage, dispensant à qui veut l’entendre son enseignement sur le théâtre du XIXe siècle.

(Université de Nantes)

Notes

1  Charles Maurice, Le Théâtre français, monuments et dépendances, Paris, Garnier, 1860.

2  Gustave Vapereau fournit la précision suivante : « M. Charles Maurice est mort le 10 septembre 1869, et sa mort fut l’occasion de la part de tous les feuilletonnistes dramatiques d’études rétrospectives, en général très sévères pour lui » (Dictionnaire universel des contemporains, t. 2, Paris, Hachette, 1870, p. 1234).

3  Charles Maurice, Histoire anecdotique du théâtre, de la littérature et de diverses impressions contemporaines, tirée du coffre d’un journaliste, avec sa vie à tort et à travers, Paris, H. Plon, 1856, p. 283.

4  Charles Maurice, Le Luxembourg, comédie-tableau, en un acte, en prose, représenté pour la première fois sûr le théâtre de S. M. l’Impératrice et reine, à l'Odéon, le lundi 14 mai 1810, Paris, Martinet, 1810.

5 Charles Maurice, M. Benoît, ou L’Adoption, acte III, scène 18, Paris, Quoy, 1822, p. 68. Comme le signale la distribution des rôles en fonction des emplois à la fin de la pièce, Charles Maurice se situe dans une perspective résolument néoclassique.

6 Charles Maurice, Poésies diverses, Paris, imprimerie de Rouge frères, Dunon et Fresne, 1868.

7   Les journaux dirigés par Maurice sont répertoriés de la manière suivante par la Bibliothèque nationale de France : « Le Camp-volant, journal des spectacles de tous les pays », n° 1 (2 novembre 1818)-n° 221 (2 avril 1820). Devenu : « Journal des théâtres, de la littérature et des arts », n° 1 (3 avril 1820)-6e année, n° 1595 (11 avril 1823). Devenu : « Le Courrier des théâtres : littérature, beaux-arts, sciences », 6e année, n° 1596 (12 avril 1823)-25e année, n° 8543 (14 mai 1842) – Devenu: « Nouvelles des théâtres, de la littérature et des arts », 13 juillet 1842-17 septembre 1842. Devenu : « Le Coureur des spectacles », 21 septembre 1842-31 mars 1849. Sur la presse de spectacle, voir Jean-Claude Yon, « La presse théâtrale » dans Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty, Alain Vaillant (dir.), La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde éditions, 2011, p. 375-382.

8  Lettre publiée dans La Lorgnette, journal des Théâtres, le 6 novembre 1825, p. 3. Nous devons cette trouvaille à la générosité de notre collègue Barbara Cooper, qui nous l’a confiée. La lettre est accompagnée d’une pièce justificative du tribunal qui oblige le Sieur Charles Maurice à payer 500 fr. d’amende.

9  Pierre Larousse, Le Grand Larousse universel du XIXe siècle, 1877, p. 1363.

10  Sur cette rubrique dans les journaux du XIXe siècle, voir Olivier Bara, «Les spectacles », dans La Civilisation du journal, op. cit., p. 1062.

11  Rappelons que l’éclairage au gaz a été inauguré à l’Opéra de Paris pour la création d’Aladin, ou la lampe merveilleuse, opéra-féerie en 5 actes de Charles-Guillaume Étienne, musique de Nicolas Isouard, décorations de Pierre-Luc Cicéri, le 6 février 1822.

12  Courrier des théâtres, 8 septembre 1834.

13  Sur l’écriture de la critique dramatique, voir Hélène Laplace-Claverie et Mariane Bury (dir.), Le Miel et le fiel. La critique théâtrale en France au XIXe siècle, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2008.

14  Le Coureur des spectacles, novembre 1847, passim.

15  Ibid., mardi 8 février 1848.

16  Courrier des théâtres, 3 février 1833.

17  Ibid., 7 novembre 1833.

18  Maurice donne ensuite la préface de la pièce imprimée, en série d’articles.

19  Courrier des théâtres, 3 juin 1834.

20  Courrier des théâtres, 4 juin 1834.

21  Courrier des théâtres, 2 décembre 1830.

22  Charles Maurice, La Vérité-Rachel, examen du talent de la première tragédienne française, Paris, Ledoyen, 1850. L’ouvrage comporte 32 brefs chapitres.

23 Ibid., p. 56.

24 Alfred de Musset, « De la tragédie, à propos des débuts de Mlle Rachel », Revue des deux mondes, 1er novembre 1838 ; « Reprise de Bajazet au Théâtre-Français », Revue des deux mondes, 1er décembre 1838.

25 Charles Maurice, La Vérité-Rachel, examen du talent de la première tragédienne française, op. cit., p. 67.

26 Ibid., passim.

27  Le vers cité est une déformation de : « Répandus sur la terre, ils en couvraient la face » (Racine, Esther, II, 1), où « ils » désigne bien les Juifs. C’est une méthode propre à Charles Maurice qui consiste à transformer des vers connus du lecteur de l’époque, afin de distiller son fiel.

28 La Vérité-Rachel, op. cit., p. 26.

29 Histoire anecdotique du théâtre, op. cit.

30 Ibid., p. 3.

31  Ibid., p. 4.

32  Ibid., p. 39.

33  Ibid., p. 124.On s’étonne que les sœurs Elssler signent en faisant une faute à leur nom de famille…

34  Cité par Jean-Claude Yon, loc. cit., p. 377.

35  Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1866, p. 368.

Pour citer ce document

Sylvain Ledda, « « Vous rendez les artistes si heureux par votre bienveillance. » Notes sur Charles Maurice», Presse et scène au XIXe siècle, sous la direction de Olivier Bara et Marie-Ève Thérenty Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/presse-et-scene-au-xixe-siecle/vous-rendez-les-artistes-si-heureux-par-votre-bienveillance-notes-sur-charles-maurice