Presse et scène au XIXe siècle

Martainville, journaliste et auteur de théâtre (1776-1830), ou la politique entre presse et scène

Table des matières

BARBARA T. COOPER

Tel écrivain auquel les vrais connaisseurs et les hommes sages assigneraient un rang très honorable, devient, grâce à la politique, plus qu’un géant pour son parti, et moins qu’un pygmée pour l’autre. N’est-ce pas une injustice déplorable, un spectacle bien affligeant ? Mais, dira-t-on, le temps fait justice de tout ; c’est lui seul qui assigne enfin leur véritable place aux hommes et aux choses. Ce qui est vrai dans les circonstances ordinaires, cesse de l’être en révolution. Ce n’est pas au milieu de l’exagération qui nous entraîne, sous l’influence d’opinions opposées et absolues, à travers le choc de partis violents et toujours exclusifs, que l’on peut espérer cette justice lente, mais immuable, sous laquelle se retranchaient jadis les hommes qui se bornaient à mériter des succès littéraires, sans aspirer à ceux de l’intrigue.

R. C. G. de Pixérécourt, « Préface », Œuvres inédites de Florian, t. 1er, Théâtre, Paris, A. Boulland & Cie, 1824, p. vii.

Pourquoi ranimer aujourd’hui le souvenir d’un homme dont le succès dramatique se résume à une seule œuvre et dont les écrits journalistiques portent le sceau d’une opinion partisane,désuète et souvent immodérée1 ? Quel intérêt sa carrière peut-elle avoir pour ceux qui veulent étudier les rapports entre presse et scène dans la période qui s’étend de la Révolution de 1789 à celle de juillet 1830 ? Voilà les questions que nous serons amenés à nous poser au fil de cette étude, nullement exhaustive, d’Alphonse Martainville, homme qui fut tout à la fois auteur dramatique, chroniqueur théâtral et polémiste passionné. C’est précisément cette articulation étroite, intime même, entre les prises de parole publiques, à portée politique, la critique dramatique et les œuvres théâtrales que nous voudrions cerner. Peut-on parler de relais idéologiques entre presse et scène, d’inflexions ou de continuités dans les modalités de la dénonciation politique ?

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Si le nom d’Alphonse-Louis-Dieudonné Martainville, Français né à Cadix (Espagne) en 1776 et mort à Sablonville (aujourd’hui Neuilly-sur-Seine) en 1830, n’a pas entièrement disparu des histoires du théâtre du XIXe siècle, c’est sans aucun doute à cause d’une seule pièce, Le Pied de mouton, féerie en trois actes composée avec César Ribié et jouée avec succès au Théâtre de la Gaîté le 6 décembre 18062. L’œuvre, plusieurs fois reprise au cours du XIXe siècle, fut désignée par Alphonse Leveaux comme la première féerie dramatique moderne, mais en dehors d’un petit cercle de spécialistes elle n’est pas beaucoup lue de nos jours3. La carrière journalistique de Martainville est tout aussi oubliée en dépit du fait que ce chroniqueur figure brièvement dans Illusions perdues d’Honoré de Balzac. Royaliste dans l’âme, à la fois défenseur et critique de la monarchie restaurée, Martainville a fondé Le Drapeau blanc après avoir collaboré au Conservateur, à La Quotidienne et la Gazette de France ainsi qu’au Journal de Paris4.

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Ses prises de position politiques ont-elles déteint sur son œuvre littéraire ? Ont-elles coloré son travail de critique dramatique ? Examinons quelques textes représentatifs pour en juger.

Du pamphlet au théâtre : la lutte antijacobine

Martainville entre dans la vie littéraire et politique à l’époque fort tumultueuse de la Révolution française5. Pris tout de suite dans le tourbillon des opinions et des partis qui se succèdent à ce moment-là, le jeune homme se trouve immédiatement impliqué dans des conflits idéologiques. Ainsi, dans un pamphlet au titre provocateur, Donnez-nous leurs têtes ou prenez les nôtres (1794), Martainville annonce son intention de « faire brûler sur le bûcher de l’opinion publique » certains hommes politiques qu’il n’hésite pas à désigner par leurs noms6. À la même époque, dans certaines de ses pièces, le jeune auteur dénonce et tourne en ridicule ce qu’il voit comme les abus du jour. Les Suspects et les Fédéralistes, vaudeville en un acte joué pour la première fois au Théâtre des Variétés (Maison Égalité) le 4 floréal, an 3 [23 avril 1795] est un bon exemple de cette tendance7.

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La pièce commence le plus traditionnellement du monde avec un couple de villageois qui se plaint du temps que met le père de la jeune femme, lequel est aussi le maire de sa commune, à consentir à leur mariage. La première scène se termine avec l’accord du père au mariage tant désiré de sorte que la scène deux voit arriver tout le village pour participer à la cérémonie. Mais avant que le mariage ne puisse avoir lieu, Claudinet, le niais de la pièce, arrive avec une circulaire destinée à toutes les communes. Ses répliques sont parsemées des mots « citoyen », « république », « patrie » et « département » – mots qui, en l’absence de toute autre indication didascalique, nous fixent sur l’époque et le contexte politique dans lequel l’action se passe. Le texte du mandat, lu à haute voix par le maire, est encore plus précis à ce sujet8 :

Mathurin. « Citoyen, Pour l’exécution de la loi du 17 septembre (style esclave) (Avec étonnement.) Style esclave9... c’est égal... tu es averti de désigner et de réunir sur-le-champ tous les gens suspects de la commune. Dans une heure d’ici un administrateur ira les prendre pour les conduire à leur destination ; tu y joindras aussi les fédéralistes » (sc. iii, p. 10).

Or, il se trouve que personne au village ne comprend le sens des mots « suspect » et « fédéraliste » et que l’on en est réduit aux conjectures. Imaginant qu’un suspect est un titre qui distingue quelqu’un qui a montré un maximum de patriotisme, Lubin, l’amoureux de la fille de Mathurin, déclare : « Moi j’dis qu’il suffit pour êt’ suspect /Que l’on soit honnête homme » (sc. iii, p. 13). C’est à partir de cette définition intentionnellement ironique que trois hommes sont alors désignés « suspects » : le maire, un honnête homme qui sait lire ; un vieillard qui a recueilli trois orphelins pauvres dans sa chaumière ; et un vétéran des guerres révolutionnaires quinze fois blessé (sc. v, p. 16-17). Puis Claudinet se nommera fédéraliste pour avoir assisté à la fête de la fédération de 1790, ce qui est aussi un contresens voulu par l’auteur (sc. vi, p. 18). Sur ce, l’administrateur mentionné dans la circulaire arrive et demande qu’on lui livre les suspects et les fédéralistes. Déçu de ne pas pouvoir faire des centaines de prisonniers dans le village, l’administrateur finit par comprendre qu’il y a eu un quiproquo et fournit la bonne définition d’un suspect : c’est le riche et le pauvre, l’égoïste et le généreux  (sc. vii, p. 21-22), c’est-à-dire tout le monde et n’importe qui. Quant au mot « fédéraliste », dit-il, cela « veut dire ensemble royaliste, /Girondin et conspirateur », mais il avoue aussitôt après qu’il ne trouve pas l’idée très claire (sc. vii, p. 22). Il s’en va alors, les mains vides, jurant de faire son compte ailleurs. La pièce finit par le mariage annoncé dès la fin de la première scène et par des remarques adressées par la mariée au public : « Justine. L’auteur de cette bagatelle, /A voulu mettre sous vos yeux, /La peinture rapide et fidelle [sic], /Des abus les plus monstrueux » (sc. viii, p. 24).

Cette pièce n’est donc guère autre chose qu’un pamphlet politique, malgré sa forme dialoguée et chantée, ses personnages, son scénario matrimonial et sa représentation sur une scène de théâtre. L’agencement dramatique de l’œuvre et l’aspect stéréotypé, voire caricatural, des personnages et de l’intrigue permettent à Martainville d’exposer à la risée de son public l’idéologie et la dictature jacobines auxquelles il est profondément hostile de sorte que si, entre pamphlet et pièce, la forme est différente, le but est identique10. Deux autres vaudevilles de Martainville datant de cette époque, Le Concert de la rue Feydeau, ou l’Agrément du jour (1795), écrit avec Hector Chaussier, et Les Assemblées primaires, ou les élections (1797), comprennent le même mélange du politique et du dramatique11.

Pièce et feuilletons anti-bonapartistes

Bien plus intéressant que les vaudevilles que Martainville écrira au début du XIXe siècle12 est le texte intitulé Buonaparte, ou l’abus de l’abdication, pièce historico-héroïco-romantico bouffonne, en cinq actes et en prose, ornée de danses, de chants, de combats, d’incendies, d’évolutions militaires, etc., etc., etc. publiée en 1815 à la suite des Cent-Jours et du retour de Louis XVIII13.

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L’œuvre, qui marque la fin de la carrière d’auteur dramatique de Martainville, n’a jamais été jouée et ne pouvait sans doute pas l’être à cause des nombreuses attaques diffamatoires contre des personnes en vue qu’elle contient14. Le titre de la pièce, avec le nom de famille de l’Empereur déchu orthographié « Buonaparte », annonce l’idéologie politique qui sous-tend le texte et le lie à de nombreux autres écrits de l’époque qui fustigeaient « l’ogre corse », sa famille, ses amis et toutes les « girouettes » qui ont viré de bord pendant le bref retour de Napoléon sur le sol français.15

En effet, dans Buonaparte, le but principal de Martainville est d’insister sur l’illégitimité d’un homme qu’il considère comme un usurpateur et l’incarnation du mal ainsi que sur la vénalité de ses partisans. Dans sa pièce, le dramaturge condamne aussi la conscription et les guerres napoléoniennes qui, à son avis, ont décimé la population et vidé la trésorerie (acte IV) et il condamne la distribution des places et des honneurs à des gens sans mérite qui ne pensent qu’à leur profit ou avancement personnel16. Il critique également la soumission de l’Institut, des Chambres et du clergé à la volonté de l’empereur. Mais Martainville réserve son attaque la plus virulente à la mise en place et au maintien de contrôles étatiques sur la presse. Ainsi, par exemple, à l’acte II, scènes viii et ix, nous voyons Buonaparte à Lyon, en route pour Paris, en train de dicter ou de faire dicter aux autorités municipales et à la presse des textes favorables à son retour (p. 42-46). À l’acte III, scène x, l’auteur fait intervenir Charles-Guillaume Étienne afin de lui faire lire à haute voix un écrit sur l’empereur publié dans Le Moniteur qui est présenté comme l’écho de l’opinion « populaire » (affirmation que le dramaturge nie dans une note)17. Un peu plus loin, dans un discours fait devant les pairs, les représentants et d’autres personnalités, Martainville fait dire par Buonaparte : « Vous aurez la liberté de la presse, celle des journaux, mais sous l’inspection d’Étienne, s’il veut bien encore s’en charger ; et il fera comme par le passé, il n’approuvera que ce qui ne blessera ni mon ombrageuse délicatesse, ni son amour-propre » (III, xxiii, p. 119)18. Pour le dramaturge, cette déclaration, qui fait de la presse une arme politique, est une preuve accablante, indubitable, de l’hypocrisie et de la tyrannie de Napoléon.

L’inimitié profonde que Martainville manifeste à l’endroit de l’empereur dans cette pièce ne devait sûrement pas étonner les lecteurs du feuilleton dramatique qu’il faisait régulièrement paraître dans le Journal de Paris. Bien au contraire. Dans un compte rendu publié dans ce journal le 27 octobre 1814, le critique royaliste avait déjà profité de la création de Charles le Téméraire ou le Siège de Nancy, mélodrame de René-Charles Guilbert de Pixerécourt, pour dénoncer celui qui, à peine six mois plus tôt, fut encore empereur de la France. Aussi l’analyse de cette pièce à sujet historique révèle-t-elle une lecture et une réception dictées tout d’abord par les opinions politiques du chroniqueur et une optique toute circonstancielle qui laisse deviner le nom de Napoléon derrière celui de Charles.

Hélas ! [écrit Martainville,] il ne faudrait pas appeler à son secours d’anciens souvenirs pour tracer le portrait le plus vrai et le plus effrayant d’un de ces atroces héros qui, s’il faut admettre pour base de comparaison et pour mesure de gloire la plus grande somme de maux répandue sur la terre, a surpassé de beaucoup Charles le Téméraire, mieux nommé le Dévastateur, dont les dernières fureurs et la mort trop méritée forment le sujet du mélodrame représenté hier au théâtre de la Gaieté [sic]. Ce Charles dont l’ambition extravagante tendait à changer la face de l’Europe, en se créant un empire immense ; ce Charles, qui ne connaissait pas de plaisir plus vif que de se promener sur un champ de bataille couvert de cadavres, trouva le terme de ses fureurs et de sa vie sous les murs de Nancy. Il mourut au moins les armes à la main.

Le dévouement sublime et l’inébranlable fidélité des habitan[t]s de Nancy pour le duc René, leur prince légitime, est un des plus beaux traits conservés par l’histoire. Cette ville a eu l’honneur d’arrêter le torrent qui menaçait de ravager presque toute l’Europe19

La même critique acerbe de l’empereur, le même éloge de la fidélité au monarque légitime que l’on découvre dans ce compte rendu de Charles le Téméraire, la même condamnation des « girouettes » et de la censure journalistique que l’on a rencontrée dans Buonaparte se retrouvent aussi dans un autre article que Martainville fait paraître dans le Journal de Paris le 21 juillet 1815, c’est-à-dire, à peine huit jours après la seconde restauration de Louis XVIII. Dans son feuilleton ce jour-là, Martainville félicite Louis-Auguste Huet, acteur-chanteur au Théâtre Royal de l’Opéra-comique (appelé aussi Théâtre Feydeau), d’avoir préféré la loyauté à son intérêt personnel et d’avoir suivi le roi en exil (en Belgique) pendant les Cent-Jours. Aussi, écrit Martainville, « Pendant son absence, il fut, dit-on, question de séquestrer ses [Huet] fonds de sociétaire, et de joindre la confiscation à l’ostracisme ; mais le prompt retour du proscrit [royal] lui a rendu tous ses droits et lui en assure de nouveaux à la faveur publique20 ». Le journaliste érige ainsi l’acteur en contre-exemple de ceux qui ont abandonné Louis XVIII au retour de Napoléon et approuve l’accueil flatteur que lui réserve le public dès son retour sur la scène parisienne.

Un autre homme de théâtre, le dramaturge Antoine-Vincent Arnault, grand ami de Napoléon qui le nomma ministre de l’Instruction publique pendant les Cent-Jours, est, en revanche, pris comme cible de l’antipathie politique de Martainville. Condamné à l’exil lors de la seconde Restauration et radié de l’Académie en 1816, Arnault ne rentrera en France qu’en 1819. Cependant, la proscription du dramaturge n’empêchera pas la création, au Théâtre-Français (le 22 mars 1817), de sa tragédie Germanicus. L’événement fournira à Martainville une nouvelle occasion de critiquer Arnault – homme qu’il avait déjà voué au mépris dans Buonaparte21. Le premier article que le journaliste écrit sur Germanicus paraît dans la Gazette de France le 23 mars 1817 et définit le contexte dans lequel l’ouvrage a été joué :

Les souvenirs qui se rattachent au nom de l’auteur, la situation où il se trouve aujourd’hui, le zèle avec lequel certaines personnes ont prôné d’avance cet ouvrage, et combattu tous les obstacles qui pendant quelque temps ont paru s’opposer à ce qu’il fût représenté ; les espérances que ces mêmes personnes paraissaient fonder sur le succès de la pièce ; enfin mille circonstances toutes étrangères à la littérature avaient fait naître et entretenu dans les salons et dans les lieux de réunion publique une rumeur, une fermentation, qui semblaient annoncer plutôt l’approche d’un grand événement politique que la première représentation d’une tragédie22.

Revenant sur la pièce dans un deuxième article publié le lendemain, Martainville clôt son analyse par cette perfidie qui poussera un des fils du dramaturge, Étienne Arnault, à provoquer le critique en duel :

Si elle eût été l’ouvrage d’un poète laborieux et modeste qui eût toujours rempli dans sa sphère paisible les devoirs de bon citoyen et de sujet fidèle, elle eût à peine obtenu un succès d’estime. Il appartenait à notre âge d’enseigner aux poètes le moyen d’assurer à leurs productions, au moins pour un instant, une vogue scandaleuse ; c’est de mériter l’exil23.

Martainville se présentera comme « victime » de la « rage » des partisans d’Arnault (et à travers lui, de Napoléon) dans un troisième article publié le 29 mars, tout en se félicitant de leurs attaques. « Je le[s] méritais sans doute par le zèle, et j’ose ajouter par le courage avec lequel j’ai servi de toutes mes forces, de tous mes moyens, la cause de la légitimité, dont les ennemis sont et seront toujours les miens », écrit-il24.

Cet épisode, trop bien connu pour qu’on s’y attarde plus longuement, n’est pas le seul exemple de la circulation des mêmes idées entre l’œuvre dramatique et l’œuvre journalistique de Martainville. Les contemporains de Martainville, qui ne furent pas toujours moins partisans que lui, n’hésitèrent pas à dénoncer ses préjugés idéologiques. Aussi, dans une « Lettre » sur les spectacles parue dans les Lettres normandes en janvier 1818, trouve-t-on une allusion à la hargne que Martainville continue à manifester vis-à-vis de Charles-Guillaume Étienne.

Le grand Opéra débite avec assez d’avantage ses Fleurs enchantées, quoique M. Martainville, pour qui une pièce de M. Étienne ne peut être bonne, ait déclaré qu’elles n’avaient qu’une vertu soporifique. Le public s’est obstiné à ne point dormir aux représentations de Zéloïde, se promettant sans doute un long sommeil après la lecture du feuilleton de la Gazette de France25.

On ne s’attend certes pas à voir disparaître les préjugés monarchiques des articles que Martainville confiera au Conservateur ou au Drapeau blanc26 et, en effet, ils n’en disparaissent pas, comme en témoignent ces remarques qui parurent dans Le Drapeau blanc, le 6 novembre 1819, lors de la création, au Théâtre-Français, de la tragédie Louis IX de Jacques Ancelot :

On assure [écrit Martainville], et nous avons quelques raisons de croire que beaucoup de gens étaient venus à cette représentation avec des intentions malveillantes et de perfides desseins [...]. Le succès le plus brillant et le mieux mérité a couronné la hardiesse du jeune auteur qui aujourd’hui a osé se montrer royaliste et chrétien, et à offrir à l’admiration et à la reconnaissance des Français un des plus grands et des meilleurs Rois qui aient régné sur leurs pères, le modèle de toutes les vertus chrétiennes et royales27.

Le feuilletoniste brocardé au théâtre

Comme nous l’avons vu, les preuves ne manquent pas de l’ingérence de la politique dans les analyses et dans les œuvres dramatiques de Martainville. Mais avant de terminer cette étude, faisons un petit détour par une pièce de théâtre de Jules Scandinave (pseudonyme d’Édouard d’Eliçagaray). L’ouvrage, publié en 1830 et intitulé Le Comité directeur, n’a jamais été joué et semble être, à certains d’égards, le pendant libéral de Buonaparte28.

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Scandinave y dénonce les ultras les plus sectaires et les plus fielleux. Aussi Martainville figure-t-il en bonne place dans cette pièce. En effet, le chroniqueur dramatique paraît dès la scène trois de l’acte premier où il se trouve en compagnie d’Antoine-Eugène Genoude, royaliste endurci comme lui et, comme lui, collaborateur au Conservateur et à la Gazette de France29. Dans cette scène, les deux hommes assistent à la création de Catherine de Médicis aux États de Blois, de Lucien-Émile Arnault, tragédie jouée pour la première fois à l’Odéon le 2 septembre 182930. Martainville, présenté comme un homme acariâtre et goutteux, siffle la pièce sans arrêt de sa place au balcon. À la fin du spectacle, lui et Genoude quittent le théâtre pour aller dénoncer au conseil le « comité directeur » qu’ils tiennent responsable de la rédaction ainsi que de la représentation de la pièce et qu’ils imaginent repérer partout – sans vraiment le voir (I, iii, p. 16-18). Or, pour bien comprendre le ridicule dont on veut taxer Martainville en lui attribuant cette accusation – accusation où, encore une fois, la politique se trouve mêlée à la critique dramatique –, il faudrait se rapporter aux journaux de l’époque où la question de l’existence d’un « comité directeur » qui cherchait à miner l’autorité du gouvernement légitime fut souvent évoquée31. Nous n’avons pas l’intention d’entrer ici dans cette polémique, ni de suivre le personnage de Martainville dans le reste de la pièce de Scandinave32. Notre but, en évoquant ce texte peu connu, est tout simplement de montrer que les contemporains de Martainville voyaient en lui un critique foncièrement méchant et partisan, incapable de faire abstraction de ses opinions politiques et de ses haines personnelles quand il examinait une pièce de théâtre. Cette réputation a déterminé sa place dans l’histoire de la critique dramatique journalistique.

Alors, pourquoi étudier l’œuvre dramatique et critique de Martainville aujourd’hui ? Ce ne serait ni pour réhabiliter l’homme ni pour placer l’ensemble de son théâtre dans un quelconque panthéon littéraire, même si certaines pièces – Le Pied de mouton et Roderic et Cunégonde, par exemple – sont toujours dignes d’intérêt33. La meilleure raison que nous avons de retenir le nom de Martainville, c’est que l’on peut voir en lui une des figures emblématiques de toute une époque. En effet, comme beaucoup d’auteurs qui écrivirent pour le théâtre et pour la presse entre 1789 et 1830, Martainville est préoccupé, obsédé même par la politique. À ce propos, un des confrères de Martainville à la Gazette de France rappelle, dans son compte rendu de Catherine de Médicis aux États de Blois, le grand nombre de pièces à sujet « historique » datant de cette période qui se sont prêtées aux allusions, aux déclamations politiques. Et il observe :

On ne voit pas ce que la gloire nationale peut gagner à cette dégradation de ses grandes figures historiques, à ce mépris brutal de toutes les belles traditions du passé […]. Peut-être que cela rentre-t-il dans le système suivi avec tant de persévérance par la presse périodique ; mais alors c’est transporter le journalisme sur la scène […]34.

Transporter le journalisme sur la scène, faire de la critique dramatique journalistique et de la création théâtrale une arme politique, voilà comment on pourrait caractériser le travail de Martainville qui s’obstina ainsi à rapprocher presse et scène tout au long de sa carrière et qui paie le prix de son opiniâtreté auprès de la postérité35.

(Université du New Hampshire)

Notes

1  Victor Hugo disait déjà dans Les Misérables, « Ce monde n’est plus. [...]. Il a disparu sous deux révolutions. Quels flots que les idées ! Comme elles couvrent vite tout ce qu’elles ont mission de détruire et d’ensevelir, et comme elles font promptement d’effrayantes profondeurs ! /Telle était la physionomie des salons de ces temps lointains et candides où M. Martainville avait plus d’esprit que Voltaire ». Victor Hugp, Les Misérables, IIIe partie : Marius, Paris, Pagnerre, 1862, livre 3e, chap. 3, p. 133-134.

2  Voir Hélène Laplace-Claverie, Sylvain Ledda et Florence Naugrette (dir.), Le Théâtre français du XIXe siècle - histoire, textes choisis, mises en scène, Paris, L’Avant-Scène théâtre, 2008, p. 270-271 et p. 526. Dans l’édition originale, la pièce est désignée sur la page titre « mélodrame-féerie-comique en trois actes, à grand spectacle » (Paris, chez Mme Masson, 1807). Déjà, en 1850, lors d’une reprise du Pied de mouton, Jules Janin demandait : « Qui penserait à Martainville sans Le Pied de mouton ? ». J. J., « La Semaine dramatique » (Journal des débats, 28 janvier 1850, p. 2, feuilleton).

3  Alphonse Leveaux, Nos Théâtres de 1800 à 1880. La tragédie, le drame, la comédie, Paris, Tresse et Stock, 1881-1886, p. 194. Voir aussi Roxane Martin, La Féerie romantique sur les scènes parisiennes 1791-1864, Paris, Champion, 2007, p. 104-125.

4  On trouvera une liste de quelques feuilletons dramatiques que Martainville publia en 1815-1816 dans La Quotidienne dans Helen Maxwell King, Les Doctrines littéraires de La Quotidienne, 1814-1830, Paris,  Champion, 1919, p. 230-231.

5  L’histoire de la vie de Martainville est présentée dans tous les dictionnaires biographiques du XIXe siècle. Pour une étude plus détaillée et scientifique de sa vie, voir Paul Ginisty, « Un pamphlétaire : Martainville », Revue hebdomadaire, 19e année, t. 5 (mai 1910), p. 300-315, et Henri Corbel, « Figures du passé. Martainville (1777-1830) », Bulletin de la commission municipale historique & artistique de Neuilly-sur-Seine, 8e année (1910 [1911]), p. 44-66. Ce dernier document est disponible sur Google books. Plus court, mais non moins intéressant, sont les témoignages sur Martainville que l’on doit à Jules Janin, « La Semaine dramatique », Journal des débats, 3 sept. 1860, p. 1-2, feuilleton et à Taxile Delord, « L’Année littéraire. Chapitre xl. 25 septembre 1860 », Le Magasin de librairie : littérature, histoire, philosophie..., Paris, Charpentier, 1860, t. 12, 46e livr., p. 296-299. La date de naissance de Martainville est diversement donnée comme 1776 ou 1777.

6  Alphonse Martinville, Donnez-nous leurs têtes ou prenez les nôtres (Paris, imp. du Journal du soir, s.d. [1794]), p. 2. Je citerai le texte d’après l’exemplaire reproduit sur le site Gallica de la BNF dans The French Revolution Research Collection, Oxford, UK, Pergamon Press, 1989. Voir aussi C[appot de] Feuillide [Jean-Gabriel], « La Physiologie du journalisme en France. VI. Le Journalisme et les journalistes. Réaction thermidorienne », La Presse, no 274 (14 avr. 1837), p. 2, feuilleton ; l’auteur parle ainsi des écrits journalistiques de Martainville à cette même époque : « La terreur eut ses journaux orduriers, qui poursuivaient de leurs bons mots et de leurs railleries de taverne en prose et en vers les contre-révolutionnaires jusque sur l’échafaud ; la réaction eut aussi son Journal des Rieurs, son Démocrite français, dans lequel Martainville, par exemple, adressait aux jacobins traqués, assommés, poignardés des vers dans le goût relevé des suivants, dont la citation seule peut être permise à la sévérité historique de cet article. /Fraternisons, chers Jacobins, /Long-temps je vous crus des coquins /Et de faux patriotes ; /Je veux vous aimer désormais, /Donnons-nous le baiser de paix /J’ôterai mes culottes ».

7  Le C[itoy]en Alphonse Mart[a]inville, Les Suspects et les Fédéralistes, Paris, Barba ; Marchand, an III [1795]. Toute citation de l’ouvrage sera notée dans le texte, entre parenthèses. Le texte de la pièce est disponible sur le site internet de la bibliothèque de l’Univ. de Warwick (Angleterre), dans la Collection Marandet (époque révolutionnaire).

8  Votée par la Convention, la loi des suspects (le 17 septembre 1793) a déclenché la Terreur. Furent considérés suspects tous les opposants de la Révolution. Cette loi fut abrogée en octobre 1795, donc à peu près six mois après la création de la pièce de Martainville. Les fédéralistes sont ceux qui se sont opposés à la dominance politique de Paris et ont été accusés de vouloir créer de petites républiques en province. Des insurrections fédéralistes ont duré de juin à décembre 1793. Le calendrier républicain fut adopté le 5 octobre 1793. La France fut découpée en départements au début de 1790 ; les départements furent ensuite remaniés en 1795.

9  L’expression « style esclave » n’est pas une invention de Martainville. Voir la lettre datée du 30 mars 1794 citée dans l’article sur Dièche (Antoine-Claude), dans Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne, nouvelle éd., Paris,  Mme C. Desplaces, 1855, t. XI, p. 38.

10  Martainville n’est évidemment pas le seul auteur de l’époque à écrire ce que Michel Biard appelle « la pièce-pamphlet » dans son article : « Des violences populaires sur la scène théâtrale, ou l’impossible représentation (1789-1792) », dans Philippe Bourdin (dir.), La Révolution, 1789-1871 : écriture d’une histoire immédiate, Clermont-Ferrand, Presses de l’Université Blaise-Pascal, 2008, p. 259.

11  Pour en savoir davantage sur ces deux pièces, voir Théodore Muret, L’Histoire par le théâtre, 1789-1851. Première série : La Révolution, le Consulat, l’Empire, Paris, Amyot, 1865, p. 155-162 et 329-333.

12  Dans La Féerie, Paris, L. Michaud, [1910], Paul Ginisty déclare : « Le Consulat et l’Empire éteignent la verve politique de Martainville. Il se tourne vers le vaudeville. La production vaudevillesque de l’ancien railleur des Jacobins sent l’improvisation et la facilité excessive, et sa gaîté certaine ne laisse pas de paraître grosse aujourd’hui. [...] Ce sont des bulles de savon dont il ne reste rien. Mais, en ce temps où l’on n’a plus le droit de penser tout haut, Martainville peut-il faire autre chose que des vaudevilles ? Toute allusion au régime nouveau n’est-elle pas interdite ? » (p. 91-92). La Banqueroute du savetier, vaudeville en un acte joué pour la première fois au théâtre Montansier le 5 thermidor an 9 [24 juillet 1801] est un parfait exemple de ce genre de texte inconséquent, mais je ne résiste pas à la tentation de citer ce passage où le savetier éponyme compare son travail à celui d’un journaliste (sc. xi, p. 18) : « Leur travail comme le nôtre, /Est de pièce et de morceau ; /Et nous vendons l’un et l’autre /Plus de vieux que de nouveau [...] ». Je cite l’édition publiée à Paris, marchands de nouveautés, 1810, dont la version numérique se trouve sur le site internet de la bibliothèque de l’Univ. de Warwick (Angleterre), dans la Collection Marandet.

13  Il y eut deux éditions de la pièce publiée à Paris, chez Dentu, en 1815. La première fut annoncée dans la Bibliographie de la France du 9 septembre ; la deuxième, dite revue et augmentée, y fut annoncée le 4 novembre. Napoléon a abdiqué pour la deuxième fois le 22 juin ; Louis XVIII est de nouveau rentré en France le 8 juillet. Selon Eugène Hatin, Histoire politique et littéraire de la presse en France, Paris,  Poulet-Malassis et de Broise, 1861, t. 8, p. 202 : « Il était réservé aux révolutions de 1814 de le [Martainville] transformer en un personnage politique. Cette époque si fertile en métamorphoses n’en offre point de plus bizarre. Nous avons vu l’auteur du Pied de Mouton devenir sérieusement publiciste, le rédacteur du Grivoisiana érigé en champion de la religion et des mœurs. Mais, il faut le dire, en acquérant tant de vertus nouvelles, il avait perdu tous les agréments de son esprit : sa débonnaireté même s’était fort affaiblie ».

14  Martainville prétend que la pièce est injouable à cause du grand nombre d’acteurs et de machines que la représentation aurait nécessités, mais il suffit de lire La Queue du diable, mélodrame-féerie de Martainville et César Ribié, joué à la Gaîté en 1807 (Paris, Hénée et Dumas, 1807), pour constater que le nombre de machines et d’acteurs n’était pas le véritable obstacle à la mise en scène de Buonaparte. Voir aussi cette note de l’éditeur de la pièce : « Les partisans des unités seront peut-être un peu choqués de voir tous ces changemen[t]s de lieu et ces longs intervalles de temps dans un même acte. Nous en avons fait faire l’observation à l’auteur ; il nous a répondu que ce petit défaut était une des propriétés distinctives du genre romantique, lequel ne semble guère avoir pour but que la ruine de ces trop gênantes et trop raisonnables unités. Cette raison nous ayant paru bonne, nous avons passé outre. Puisse-t-elle agréer de même à nos lecteurs, et ne pas attirer à cette pièce, d’ailleurs intéressante, de trop amères censures ! » (op. cit., III, vi, 65, note en bas de la page ; texte souligné dans l’original). On peut se demander si cette remarque est vraiment de Dentu ou plutôt de Martainville lui-même. De toute manière, la critique ne vaut que par rapport à une pièce « sérieuse » (tragédie ou drame) puisque dans les féeries, les unités sont constamment violées.

15  Pour Paul Ginisty, La Féerie, op. cit., p. 109, cette pièce « c’est le travestissement haineux de l’histoire depuis le départ de l’île d’Elbe ». Selon Théodore Muret, L’Histoire par le théâtre, 1789-1851. Deuxième série : La Restauration, Paris, Amyot, 1865, p. 33-35, aucune pièce commémorant le retour de Napoléon ne fut écrite ou jouée pendant les Cent-Jours. Voir, pourtant, le pot-pourri Cadet Buteux législateur ou la constitution en vaudevilles (Paris, principaux libraires du Palais-Royal, mai 1815). Charles Maurice, dans Histoire anecdotique du théâtre, de la littérature (Paris, Plon, 1856, t. I, p. 57-60) raconte comment Martainville a vite composé une pièce à la louange du général Bonaparte lors de son passage par Lyon à son retour d’Égypte. Le texte ne fut jamais publié. Pour toutes les pièces où Martainville met en scène Napoléon Bonaparte, voir Lecomte, L.-Henry, Napoléon et l’Empire racontés par le théâtre, 1797-1899, Paris, J. Raux, 1900, p. 7, 29-30, 99-100, 269 (cette dernière page est consacrée à Buonaparte). Voir aussi les Philippiques à Napoléon, Paris, Les marchands de nouveautés, 1815 et Sibire, Sébastien-André, La Buonapartiade, ou Le Portrait de Buonaparte, poème en un seul chant […], 2e éd., Paris, A. Egron, 1815, et [Chambert père], Bonaparte à Lyon, ou Mon rêve de la nuit du 9 au 10 mars dernier, en 5 actes, scènes burlesques, prélude d'une grande tragédie par l'Idiot, le visionnaire (Lyon, Chambet,  [décembre] 1815). Comme la pièce de Martainville, ce dernier ouvrage est hostile à l'Empereur et se moque des journalistes serviles (voir II, i-ii, p. 13-16).

16  Selon Émile Souvestre, Causeries littéraires sur le XIXe siècle (1800-1850) (Paris, H. Paulin, 1907, p. 123-124), « Grâce à lui [Martainville], on savait que la Révolution était un effet sans cause, que tous les hommes qui avaient illustré la République ou l’Empire devaient être considérés comme des bandits, mis hors la loi, et, pour le prouver, il entassait sur eux les calomnies, il épuisait les formules d’anathèmes ».

17  Selon Henri Welschinger, La Censure sous le premier Empire (Paris, Charavay frères, 1882, p. 70), à partir de 1811, Étienne « fut chef de la troisième division de la police, chargée de la surveillance de l’imprimerie, de la librairie, des théâtres et des journaux ». On lira avec profit les pages qui suivent cette citation où il est question du travail d’Étienne dans ce poste. Étienne fut aussi auteur dramatique et rédacteur au Journal de l’Empire. Voir Wicks, Charles Beaumont, Charles-Guillaume Étienne, Dramatist and Publicist (1777-1845), Baltimore, MD, Johns Hopkins P. & London, Oxford UP, 1940. Martainville et Étienne ont écrit en société Histoire du Théâtre-français depuis le commencement de la Révolution jusqu’à la réunion générale, Paris, Barba, 1802, mais la politique les a brouillés par la suite.

18  Voir aussi Jean-Pons-Guillaume Viennet, Épître aux chiffonniers sur les crimes de la presse, Paris, A. Dupont, 1827, p. 11 ; l’auteur écrit que [Napoléon] « met la presse aux fers, proscrit la vérité, /Dans les bras de la gloire endort la liberté ».

19  Alphonse Martainville, « Théâtre de la Gaieté. Première représentation de Charles le Téméraire [...] », Journal de Paris, no 300 (27 oct. 1814), p. 3. La pièce fut créée la veille.

20  Je cite cet article d’après Muret, op. cit., t. II, p. 345. Les mots en italiques sont le fait de Martainville. Voir aussi l’article « Huet » par Guillaume le flâneur [pseud., Amable Vilain de Saint-Hilaire] dans la Petite Biographie dramatique : silhouette des acteurs, actrices, chanteurs, Paris, Lemonnier, 1821, p. 128-129 ; l’on y condamne les journalistes qui jugent les artistes selon qu’ils partagent ou non leur opinion politique.

21  Dans Buonaparte, Arnault est désigné par le nom « Ar... » ou « M. A[r]... » ainsi que par la précision « membre de l’Institut impérial ».

22  Alphonse Martainville, « Théâtre-Français. Première représentation de Germanicus», Gazette de France, n82 (23 mars 1817), p. 322, feuilleton.

23  Alphonse Martainville, « Théâtre-Français. Germanicus, tragédie anonyme de M. Arnault», Gazette de France, n° 83 (24 mars 1817), p. 328. C’est parce qu’on n’a pas nommé l’auteur à la fin de la première représentation que Martainville écrit « tragédie anonyme », mais le nom de l’auteur n’était un secret pour personne.

24  Sur la confrontation et le procès entre Étienne Arnault et Martainville, voir « Variétés », La Gazette de France, n° 88 (29 mars 1817), p. 346-347, feuilleton, et Raymond Trousson, Antoine-Vincent Arnault (1766-1834). Un homme de lettres entre classicisme et romantisme, Paris, Champion, 2004, chap. xii.

25  « Lettre VIe. À Madame de Sénanges. Les spectacles », Lettres normandes, t. 2 (janvier 1818), p. 49. L’opéra Zéloïde, ou les Fleurs enchantées, dont le livret fut écrit par Étienne et la musique composée par Louis-Sébastien Lebrun, fut joué pour la première fois à l’Académie Royale de Musique le 19 janvier 1818. Voir, aussi, « Lettre XVIIIe. À Madame de Sénanges. Les spectacles », Lettres normandes, t. 1 (novembre 1817), p. 103. « Quoique les ennemis du talent et encore plus du caractère de M. Duval aient fait beaucoup de bruit, et que M. Martainville, effarouché sans doute par quelques idées libérales semées dans la pièce, se soit livré à d’injustes déclamations, la Manie des grandeurs a obtenu un succès complet [...] ». (C’est l’auteur de l’article qui souligne.)

26  Selon Pierre-Louis-Pascal de Jullian, Galerie historique des contemporains (2nde éd., Bruxelles, Wahlen et Cie, 1822, t. 7, p. 2, article Martainville) : « Cette feuille, écrite dans le style de Marat, et où la bassesse, l’impudence et la calomnie suppléent au talent, est devenue l’égout où viennent aboutir toutes les immondices rejetées par Le Conservateur, La Quotidienne et les autres journaux de l’émigration. S’il s’agit d’insulter au malheur d’un proscrit ; de justifier un bourreau de 1815 ; de calomnier une victime de cette sanglante époque ; de flétrir la mémoire d’un guerrier français, Le Drapeau blanc est ouvert à toutes les diffamations ».

27  Alphonse Martainville, « Théâtre Français. Première représentation de Louis IX [...] », Le Drapeau blanc, no 144 (le 6 novembre 1819), p. 1, feuilleton. Sur cette pièce, je me permets de renvoyer à mon article, Barbara T. Cooper, « Ancelot’s Louis IX and The Definition of National Identity in Restoration France », dans Buford Norman (dir.), French Literature Series, Amsterdam & Atlanta, Rodopi, 1999, t. 26, p. 51-70.

28  Jules Scandinave, Le Comité directeur, Paris, chez les marchands de nouveautés, 1830.

29  Voyez, sur Genoude, le texte de Maurizio Melai dans ce dossier et l’article de [Eugène] Lerminier, « La Presse légitimiste depuis 1789 », RDDM, t. 8 (15 novembre 1844), p. 634-642. (L’article commence p. 615.)

30  Ce Lucien-Émile est un autre fils d’Antoine-Vincent Arnault.

31  Voir, par exemple, l’article titré « Paris, 9 septembre », Journal des débats, 10 sept. 1829, p. 1 : « Les publicistes du ministère ont une véritable monomanie de comité directeur. Chaque soir, ils y reviennent avec de nouvelles déclamations. C’est l’hydre que M. de la Bourdonnaye doit abattre de la massue ; c’est le fléau contre lequel la monarchie doit s’armer de mesures extraordinaires. Mais qui prétend-on désigner par ce mot phantasmagorique de comité directeur ? Quel est le signalement de ses membres ? [...] Que signifient donc ces reproches de conspiration [...] ? Rien; sinon que l’on veut tout obscurcir, tout confondre, élever un nuage autour du trône, et préparer par la calomnie des prétextes à la violence ». La Gazette de France offre sa réponse à cet article dans son numéro du 10 sept. 1829. Voir aussi l’article « comité » dans le Dictionnaire de la conversation et de la lecture (2nde éd., Paris, Michel Lévy frères, 1853, t. 6, p. 115) : « En dehors des assemblées délibérantes, dans les cercles royalistes de la Restauration, on fit longtemps grand bruit d’un prétendu comité directeur, constitué par les chefs du parti libéral, et dont les ramifications se seraient étendues sur toute la France. C’était le Croquemitaine de l’époque ».

32  Il y a une descente en enfer scatologique pendant laquelle Martainville est transformé en saucisse noir et un voyage scabreux à l’intérieur du corps de l’éléphant du Cirque-Olympique.

33  Roderic et Cunégonde, ou l’Hermite de Montmartre, ou la Forteresse de Moulinos, ou le Revenant de la galerie de l’Ouest, galimathias [sic] burlesco-mélo-patho-dramatique en quatre actes sans entr’actes, lardé de combats et d’enlèvements, enjolivé de cavernes et de voleurs, égayé par un fantôme et réchauffé par un incendie (Gaîté, 30 juillet 1805 ; repris le 8 février 1807) : cet ouvrage mériterait bien d’être lu à côté d’autres commentaires critiques sur le mélodrame (Paris, Barba, an XIV [1805]).

34  Z., « Théâtre royal de l’Odéon. Catherine de Médicis aux États de Blois…», Gazette de France, no 612 (4 sept. 1829), p. 1, feuilleton.

35  Je tiens à exprimer ma gratitude la plus profonde à Olivier Bara qui s’est dévoué pour me chercher des textes journalistiques de Martainville que je ne pouvais pas obtenir aux États-Unis. Je voudrais aussi remercier Burt Feintuch, directeur de l’Humanities Center à l’Université du New Hampshire, pour une subvention qui m’a permis de participer au colloque « Presse et scène ».

Pour citer ce document

Barbara T. Cooper, « Martainville, journaliste et auteur de théâtre (1776-1830), ou la politique entre presse et scène », Presse et scène au XIXe siècle, sous la direction de Olivier Bara et Marie-Ève Thérenty Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/presse-et-scene-au-xixe-siecle/martainville-journaliste-et-auteur-de-theatre-1776-1830-ou-la-politique-entre-presse-et-scene