La lettre et la presse : poétique de l’intime et culture médiatique

Le Supplément littéraire du Figaro « tripoté » par Paul Bonnetain

Table des matières

FRÉDÉRIC DA SILVA

Le 11 février 1888, le nom de Paul Bonnetain apparaît en première page du Supplément littéraire du Figaro avec la mention de « secrétaire de rédaction1 ». Responsable de la réalisation de l’hebdomadaire, Bonnetain, ainsi que le révèlent les témoignages de ses contemporains et surtout sa correspondance2, prendra rapidement comme un fardeau une fonction dans laquelle il ne pourra guère s’épanouir et qui le cantonnera à rester dans l’ombre d’Antonin Périvier son rédacteur en chef. Bonnetain était en effet loin de maîtriser tous les rouages d’une activité réglée par des manœuvres le plus souvent troubles.

Lorsqu’il entre au Supplément littéraire du Figaro, Paul Bonnetain a vingt-neuf ans et  possède déjà une expérience très riche du monde de la presse. Il y a fait ses débuts six ans plus tôt, après cinq années passées sous l’uniforme de l’infanterie de Marine. Successivement chroniqueur au Beaumarchais (mars 1881 à janvier 1883), à La Bataille (mai à juin 1882), secrétaire de rédaction de la revue Le Droit des femmes (août 1882 à février 1883) puis du quotidien éphémère La République radicale (février à avril 1883), ses collaborations au Réveil (mars à octobre 1883), au Figaro (janvier 1884 à novembre 1885), puis au Gil Blas (octobre 1886 à août 1887) l’imposent comme une des figures littéraires de son temps qui a ses entrées dans « les journaux hermétiquement clos à presque tous les écrivains de sa génération3. » Dans une certaine mesure, la position qui lui est offerte au Supplément lui donne l’opportunité de rompre avec la réputation sulfureuse qu’il garde depuis son premier roman, Charlot s’amuse, roman d’un naturalisme outrancier qui lui valut un procès en Cour d’assises4.

Les circonstances qui conduisirent Paul Bonnetain à prendre en charge le secrétariat de rédaction du Supplément littéraire sont encore mal connues. Malgré le scandale de ses débuts tapageurs, il gagne l’estime de Francis Magnard5 qui lui confie en janvier 1884 un reportage au Tonkin afin d’y suivre la conquête de l’Indochine naissante6. Au terme d’un second reportage (de janvier à novembre 1885), sa collaboration au Figaro reste régulière mais assez épisodique. Bien que sa prise de fonction officielle n’ait lieu qu’en février 1888, il y a de bonnes raisons de croire que Bonnetain, anonyme parmi la foule des petites mains qui s’activent autour de Périvier, soit chargé officieusement de menues tâches entre novembre et décembre7.

Son entrée dans l’équipe éditoriale du Supplément est à envisager dans l’immédiate continuité de la polémique littéraire à laquelle il venait d’être mêlé8. Le 18 août 1887 paraissait dans Le Figaro le Manifeste des Cinq, protestation collective contre Zola dont Bonnetain, qui passait alors pour le chef de file de la nouvelle génération naturaliste, était l’instigateur9. Par cette déclaration solennelle, cinq jeunes écrivains répudiaient le mouvement qui les avait vus éclore, arguant qu’ils ne voulaient plus être associés aux prétendus excès orduriers de son maître. Cette publication leva un tollé d’indignations, non tant à cause de l’indépendance que réclamaient des écrivains pour la plupart inconnus, mais à cause du parti pris injurieux avec lequel ils blâmaient Zola10. La critique signala tout particulièrement l’incongruité de reproches émanant de Bonnetain qui avait débuté avec un roman contenant plus d’une scène scabreuse11. Près de quatre mois plus tard, on le retrouve au Supplément littéraire du Figaro, où il signe une « Chronique des lettres » dans laquelle il reprend insidieusement, au détour d’une réflexion sur l’indifférence des artistes face à la politique, ses critiques contre Zola :

C’est au début de cette récente crise que La Terre a paru et l’écoulement de l’ouvrage s’en est fort ressenti. […]

Tout a été dit sur l’immense talent du père des Rougon, en même temps que sur sa vision grossissante et romantique, sa mémoire assimilatrice et son inaptitude à l’analyse des types sans affinités avec sa propre nature. À peine pourrait-on sans rabâchage noter son bel entêtement à défendre la réalité de sa « documentation ». Il écrit à chacun, il veut convaincre tout le monde […]12

Dans une certaine mesure ce texte annonce la teneur que prendra le Supplément qui, sous  l’impulsion de Bonnetain, va rallier les déçus du naturalisme et une cohorte d’écrivains qui passaient pour « révolutionnaires »13. En effet, l’arrivée de Bonnetain va apporter un sang neuf à un hebdomadaire qui est alors loin de se consacrer entièrement à la littérature et encore moins à ses nouveaux représentants comme ses concurrents directs14. Aussi à partir de la livraison du 7 janvier 1888, vont apparaître de nouveaux collaborateurs (entre autres : Gustave Geffroy, Jean Ajalbert, Lucien Descaves, Gustave Guiches, Paul Margueritte, Octave Mirbeau, Paul Hervieu, Abel Hermant, Marice Barrès et Jules Renard) qui, pour la plupart d’entre eux, ont débuté sous la bannière du naturalisme zolien et qui sont connus pour afficher leur admiration pour Goncourt15. C’est au même moment que le Supplément inaugure une nouvelle rubrique anonyme, le « Figaro-Bottin », qui raille les célébrités de l’époque et s’en prend plus particulièrement aux tenants de l’institution littéraire, notamment Brunetière16.

À la lecture de la première notice, Goncourt déclare que le Supplément est « tripoté par Bonnetain et Geffroy, sous la direction occulte de Daudet17. » On ne sait si Goncourt déplore cette prise de contrôle, dont il n’aura pourtant aucune raison de se plaindre18, ou s’il s’agit d’un témoignage de son mépris pour ce qui se trame dans les cuisines du journal, toujours est-il qu’il aura l’occasion d’y prendre part. En effet, Bonnetain ne tarde pas à solliciter son hôte du Grenier et à le mettre dans la confidence des dessous du Supplément :

Périvier maintenant me jette à la peinture !

Avez-vous lu par hasard notre question dans le dernier supplément ? « Quels tableaux choisiriez-vous pour une collection de 25 chefs-d’œuvre, de la Renaissance à nos jours ? »19

Bien entendu, je n’ai reçu que des réponses imbéciles. Et il me faut les résumer ! Cependant, j’aurais bien voulu donner, avec 2 lignes, en forme de lettres, la liste des 25 noms choisis par un vrai et grand artiste… Je vais être carré : Voudriez-vous, pourriez-vous être assez bon pour me l’envoyer demain jeudi, à mon nom au Figaro avant 5 h., en me disant si je dois signer ou non votre réponse20 ?

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Lettre de Bonnetain à Edmond de Goncourt, 1888

Bonnetain confirme bien sa participation à la fabrique du Supplément21, à travers la nouvelle rubrique du « Questionnaire du Figaro » qui venait d’être inaugurée le 21 janvier. Chaque quinzaine, la rédaction de l’hebdomadaire sollicitait la participation de ses lecteurs sur un thème particulier22. Comme il le précise à Edmond de Goncourt, Bonnetain est chargé de compiler les lettres afin de confectionner une réponse23. Goncourt accepte de prêter main forte à son protégé24, sous le pseudonyme d’« Un amateur d’estampes » :

D’abord, ces gravures, je ne les encadrerais pas et ne les accrocherais pas à la muraille. Je vois bien une galerie de tableaux, je ne vois pas une galerie de gravures. Une gravure est faite pour être prise à la main, pour être vue de près, pour être regardée en transparence par des yeux amoureux de l’impression, du papier, du filigrane, du bistre, de tout ce qui fait de la feuille rare à manier prudemment, mais à manier. Je mettrais donc, et je mets les estampes en carton […]25

La réponse de Goncourt, d’une précision pointilleuse, prend valeur de caution esthétique qui souligne l’ambiguïté d’une question peu claire et signale d’une certaine manière son inanité. Bonnetain dans sa lettre laissait entendre qu’il répugnait à tenir une rubrique fastidieuse mais précisait que son rôle de subalterne masquait des intentions bien précises : « Il était nécessaire […] de saisir l’occasion et de faire entendre la voix de l’art au milieu du concert de papotages bourgeois26. » La formule laisse entendre qu’il travaille dans l’ombre à des fins utiles, voire qu’il entreprend une mission visant à distiller une profession de foi esthétique bien ambitieuse.

Si l’entreprise trouvera grâce aux yeux de Goncourt, qui répondra toujours aux demandes de son protégé, Bonnetain ne fera pourtant pas l’unanimité parmi ses coreligionnaires qui lui reprocheront de se plier trop facilement aux exigences de son rédacteur en chef27. Ainsi de Maupassant qui déclare à Mirbeau : « C’est paraît-il, Bonnetain qui a tripatouillé ma préface, sur l’ordre de Périvier. Il y a mis les deux mains28. » Rien ne permet de déceler la patte de Bonnetain dans une pratique qui n’a rien d’exceptionnel. Le texte a en effet subi des coupes, qui entrent dans les prérogatives du secrétaire de rédaction, visant à le calibrer pour occuper le rez-de-chaussée des deux pages centrales29. Mais il est certain que le pouvoir conféré à Bonnetain, pourtant relatif, est perçu d’un mauvais œil par Maupassant qui suggère que ses interventions seront au mieux maladroites, au pire grossières. C’est dire que la position de Bonnetain est rendue d’autant plus délicate par une mauvaise réputation qu’il traîne comme « deux boulets aux moignons, aux fesses d’un cul-de-jatte qui voulait grimper30 ! » Ce désir de reconnaissance expliquerait des choix stratégiques pour le moins discutables. Car s’il désire de faire du Supplément littéraire du Figaro « une feuille vivante, ouverte aux jeunes »31, le résultat tourne vite au fiasco.

Bonnetain, qui a donc de réelles ambitions éditoriales, doit aussi composer avec ses mentors. D’une part il doit obtenir l’aval de Périvier, c’est pourquoi une rubrique comme le « Figaro-Bottin » débute assez modestement. D’autre part, il doit servir les intentions de Daudet qui, vraisemblablement entend contrer la suprématie de Zola. L’évolution du « Figaro-Bottin » est assez significative des forces en tension. La rubrique qu’il confectionne avec Geffroy se présente, à ses débuts, comme un annuaire humoristique des célébrités de l’époque. Le ton est volontiers boulevardier, brocardant des personnalités médiatiques avec esprit. Formule éculée qui est celle de la presse parisienne, elle a fait ses preuves dans les quotidiens par son côté plaisant32. Or, progressivement, les notices vont égrener une série de critiques qui prennent principalement pour cible Zola. Les attaques vont gagner en intensité plus particulièrement après la publication dans le Figaro du 22 mars d’une interview accordée par Zola au sujet de la soirée du Théâtre-Libre d’Antoine qui réunit sur scène le lendemain quatre des signataires du Manifeste des Cinq33. Zola, non sans ironie, laisse entendre que ce spectacle, dont la presse fait grande réclame, devrait permettre aux protestataires de faire valoir leurs prétentions littéraires. La riposte arrive le 7 avril 1888 à travers une nouvelle rubrique anonyme : « Petite chronique des Lettres ». Bonnetain s’adjoint cette fois la plume de Lucien Descaves pour rendre compte de l’actualité littéraire avec un ton nettement plus grinçant. Cette rubrique tire en partie sa virulence de l’amertume des deux auteurs dont la pièce vient d’essuyer un accueil déplorable34. La « Petite chronique des Lettres » est à l’image de la tournure radicale prise par le Supplément : de tribune ouverte aux jeunes qui accèdent difficilement aux feuilles de grande diffusion, elle se transforme en déversoir des frustrations d’une génération qui peine à s’imposer autrement qu’en se positionnant par rapport à Zola. C’est pourquoi la « Petite chronique des Lettres », en ressassant les mêmes griefs, n’est en somme qu’un prolongement du Manifeste des Cinq :

Fini le naturalisme ! Finies toutes les écoles en isme ! Les jeunes gens qui, à l’âge des imitations fatales et des enrôlements, se sont étiquetés ou laissés étiqueter naturalistes, ont renoncé bien vite à ces puérilités pour se mettre à de sérieuses besognes35.

Le message n’est pas nouveau et manque quelque peu de soubassements théoriques mais c’est par le martèlement qu’il entend convaincre.

Bonnetain sait sa position précaire, sans doute parce qu’il comprend que la mécanique qu’il a lancée lui échappe. Il confie d’ailleurs ses craintes à Goncourt, qui les rapporte dans son Journal à la date du  25 mars 1888 : « Et Bonnetain ne nous cache pas que, de par Zola, il sera fichu à la porte du Supplément du Figaro avant deux mois, qu’il a senti cela hier dans son entrevue avec Périvier36. » Il faut dire que les critiques systématiques contre Zola, souvent relayées par des allusions assez obscures pour les non-initiés37, sont mal venues alors que le créateur des Rougon-Macquart reçoit un accueil de plus en plus bienveillant dans la presse. D’où un certain acharnement particulièrement perceptible dans les chroniques du 19 et du 26 mai. Filant la métaphore commerciale qui se fait fort d’indiquer les « dissolutions de société » ou autre « déclarations de faillites », Descaves, qui agirait le plus souvent seul comme le suggère par ailleurs Goncourt38, se gausse plus particulièrement de ceux qui font acte d’allégeance envers Zola non pour son talent mais à cause du succès de ses ventes, ce qui serait seule cause des honneurs qui lui sont conférés39. Face à ce qui s’annonce comme une institutionnalisation du naturalisme, Bonnetain et ses émules vont proposer, à compter du 28 avril, les portraits des disciples de Zola à travers la série « Ceux de Médan ». Alors que  Huysmans et Hennique sont encensés à titres divers, Maupassant relativement épargné40, en revanche Céard et surtout Alexis sont éreintés avec une grande virulence, parce qu’ils représentent les plus fidèles disciples et amis de Zola. Le portrait d’Alexis, d’une rare cruauté, détermine ce que Zola qualifiera de « coup de balai du Figaro41 » et Céard de « nettoyage immédiatement opéré dans le supplément42. » Les différentes rubriques anonymes, que Bonnetain laissaient plus ou entre les mains de ses acolytes, sont suspendues à la demande de Magnard, ce dont se réjouit Céard :

L’aventure du supplément littéraire du Figaro a trouvé le dénouement depuis longtemps prévu : on vient de jeter tout le monde à la porte, et vous avez pu voir ce matin que le papier avait pris un autre ton. Le dernier numéro avait irrité les plus sceptiques et les plus indifférents en étaient blessés comme d’un manque de tenue. Ajoutez que le public ne comprenait rien à tous ces sous-entendus. Les réclamations tombaient dru chez Magnard et l’exécution ne s’est pas fait attendre43

Si Céard se félicite de cette reprise en main c’est sans doute qu’il est probablement l’un des instigateurs de ces protestations, lui que Goncourt dépeignait, au lendemain du Manifeste des Cinq, sous les traits d’un comploteur :

[…] aux gages de Zola, venant dans les journaux inspecter, avant leur apparition, les épreuves d’articles consacrés à la querelle littéraire du moment et s’efforçant d’en atténuer les attaques et travaillant à ne pas les laisser passer, ou au moins les apprenant par cœur pour faire son office de rapporteur44.

Loin de remplir ses enjeux littéraires, le Supplément est menacé par les basses manœuvres  et les rivalités. Toujours est-il que « le coup de balai » épargne Bonnetain qui est maintenu dans ses fonctions, sans doute grâce à la protection de Francis Magnard,  mais aussi parce qu’il a su se rendre utile, voire indispensable, notamment avec le succès rencontré par le « Questionnaire », qui perdure.

Bonnetain n’en abandonne pas pour autant son ambition de faire du Supplément une feuille à vocation littéraire. Volonté qui ressort d’une nouvelle lettre à Goncourt, datée du 26 juillet :

Mon cher maître,

Voudriez-vous nous faire l’honneur de nous donner quelques pages, quelques lignes pour notre supplément ?

« Fidèle à son habitude de demander aux grands écrivains le contraire de ce que seraient tentés de leur demander les autres directeurs, M. Périvier, puisque le roman n’est pas en question, désirerait… »

… Ce que vous voudrez, mon cher Maître ! Vous avez bien des miettes perdues dans vos tiroirs. Le 18e siècle et le Japonisme exceptés, ne pourriez-vous nous en donner une ? Je serais bien fier de publier quelque chose de vous. Si vous voulez bien accepter, dites-moi, je vous prie, combien vous désirez recevoir.

Respectueusement à vous et de tout cœur45.

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Lettre de Bonnetain à Edmond de Goncourt, 26 juillet 1888

Bonnetain ne cache pas que le sujet lui importe peu, c’est la caution littéraire de Goncourt qu’il cherche à obtenir, comme si elle avait valeur de programme et servait à justifier les prétentions littéraires du Supplément. D’ailleurs on retrouve bien la contribution de Goncourt mais, la formule évasive à laquelle elle était censée répondre a disparu46. Le texte, qui a la tête de la livraison, est présenté sans aucun chapeau47. L’hebdomadaire gagne ainsi en lisibilité (les morceaux littéraires sont distingués des rubriques régulières), mais perd d’une certaine manière toute volonté d’une cohérence d’intentions. Là réside l’écueil de la position de Bonnetain, et plus particulièrement après juin 1888, il n’est pas en position d’imposer ses choix sans l’agrément de Périvier. C’est ce qu’il confie à Gustave Geffroy :

Ta copie m’a été rendue […] avec cette phrase :

«  Rendez cela. Je veux bien publier des récits de voyage, mais des choses simples. C’est très bien fait, certes, trop bien fait même, mais trop littéraire48. Je ne veux pas publier des exercices de style, des choses travaillées comme un devoir etc. etc. »

Et voilà !

Il faut, vois-tu, toute notre naïveté pour espérer faire quelque chose ici49.

On constate que la rupture entre le secrétaire et son rédacteur est consommée50. La déception de Bonnetain est à la hauteur des illusions perdues et annonce sa résolution à renoncer à toutes nouvelles charges dans la presse. Dès lors, il redevient l’homme de paille de Périvier, dans la mesure où il voit son champ d’action restreint à la mise en page de l’hebdomadaire en fonction d’une ligne éditoriale dont il est exclu :

Je ne suis pour rien – je vous le jure – dans la non publication de vos articles, et je voudrais vous en voir bien persuadée.

Quant à vos épreuves, hélas ! mes tristes fonctions ici et mon expérience personnelle m’ont depuis longtemps persuadé qu’elles étaient fatales pour nous tous et que n’ayant pas les moyens de payer les distributeurs de renommée, nous sommes fous à lier d’écrire encore en espérant être lus51.

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Lettre de Bonnetain à Georges de Peyrebrune, 6 octobre 1888

Désillusionné, Bonnetain ne cherche pas à masquer les réalités d’une position intenable52 et, comme le rapporte Goncourt, dont il ne tire plus ni compensation, ni aucune satisfaction :

Il me parle tristement de sa position au Figaro, de sa position qu’il ne garde qu’à condition de ne plus écrire, de ne plus défendre ses amis et de faire les commissions de Périvier. Et je le pousse à sortir de cette position inférieure et à refaire du livre. Mais dépensier comme il est, les mille francs par mois du Figaro lui sont bien nécessaires53

Aussi, envisage-t-il de quitter le Supplément, mais Daudet lui recommande la prudence : « […] vous avez une fille et douze mille francs d’appointements : restez à Paris, vous regretterez un jour votre fuite54. » On ne sait si la recommandation de Daudet, du reste pleine de bon sens (mais erronée, quant aux montants) est totalement désintéressée, toujours est-il qu’elle parvient à convaincre Bonnetain.

Bonnetain garde une position devenue ingrate et dans laquelle il est sous étroite surveillance55. Néanmoins, il va tenir une nouvelle série d’articles, signés cette fois, dans lesquels il va dépeindre le monde de la presse et des lettres avec une ironie douloureuse. Le 23 juin, dans une chronique-nouvelle il met en scène ses propres dissensions au sein de la rédaction, concluant que le rédacteur « bien entendu, ne rédige rien56. » Les années qui suivent sont en effet marquées par une contribution écrite de plus en plus réduite.

La fin de son aventure au Supplément est amorcée, sinon précipitée, par les nouvelles tâches qui lui sont confiées en juin 189157. Bonnetain se voit charger de reprendre la « Revue des revues », dans laquelle son prédécesseur s’était imposé en évitant tout sujet polémique. Bonnetain s’y plie d’abord de bonnes grâces, détachant quelques articles, saluant les nouvelles revues qui se fondent58, sans pour autant renoncer aux polémiques59. Pourtant, dès le 15 août, la rubrique n’est plus constituée que d’extraits, Bonnetain se contentant de souligner complaisamment mais laconiquement les articles de ses amis60, signe de sa lassitude devant un exercice convenu et monotone dont il tente malgré tout de s’acquitter dans un esprit de camaraderie solidaire. Pourtant, il a perdu tout entrain et c’est la pratique de la compilation qui prévaut dans la rubrique. Aussi démissionne-t-il du Figaro en décembre 1891, après avoir déserté sa salle de rédaction depuis plus d’un mois. Face au dilemme qui opposait son indépendance et son appétence de créateur à son devoir de père de famille, Bonnetain ne s’est résolu à quitter le Figaro qu’après plusieurs années d’hésitation durant lesquelles il a échafaudé une fuite en briguant un poste dans l’administration coloniale. Ce poste, qu’il obtiendra en novembre 1892 après une nouvelle série de luttes, Bonnetain l’envisage comme un exil nécessaire qui lui offrira de nouvelles ressources tant financières que littéraires :

Aujourd’hui, mon parti est pris de la ruine absolue, de ma vie gâchée à jamais […] Maintenant, il faudrait partir, être nommé, m’en aller, et, littérairement, ne plus songer qu’au roman – 2 ou 3 pages par semaine, le bouquin tranquillement fait en 18 mois…

Il n’y a pas à se le dissimuler, je suis foutu s’il ne me nomme pas. Je suis trop bête, trop maladroit (et déjà trop vieux pour changer) pour vivre de la presse. Je ne pourrais enfin tenter la partie maintenant, n’ayant plus d’intérieur pour les miens, pas même un abri, et ne voulant ni contracter de nouvelles dettes, ni par mon retour ameuter mes créanciersqui me prêteraient, comme le mois passé, des gains prodigieux.

Partir, il faut partir, à tous points de vue61.

Son départ du Figaro, qui est aussi le résultat d’un dégoût de toute espèce de coterie littéraire et des mondanités parisiennes62, est effectif à la fin novembre 189163 mais n’est rendu officiel qu’avec la suppression de son nom de la première page du Supplément à compter du 2 janvier 1892. Périvier ne semble guère avoir cherché à le retenir, bien au contraire :

Des choses invraisemblables se passent au Figaro. Voici ce que me conte Maurice de Fleury. Mme Laguerre est la maîtresse de Périvier, et il l’entretient avec les 6 000 francs qu’il a retiré sur le traitement de 12 000 francs de Bonnetain, et avec les 12 000 qu’il avait promis à de Fleury à la mort de Marcade. Et c’est elle qui fait le supplément, un supplément fabriqué sur le modèle de L’Intermédiaire64.

Bonnetain semblait être la cible de bien des convoitises65 mais il faisait aussi l’objet d’une obscure animosité de la part de Marguerite Durand qui aurait « promis [s]a place (ce qu’il en reste) au jeune André Maurel66. » Bonnetain avait probablement rencontré la militante féministe lors de son passage au Droit des femmes de Léon Richer, mais on ne sait si leur inimitié date de cette période où si elle est liée à certaines attaques de Bonnetain contre Boulanger67. Quoi qu’il en soit, il accuse Marguerite Durand d’avoir favorisé son éviction en intriguant afin de le confiner à un rôle de subalterne et surtout d’avoir causé la diminution de ses émoluments de secrétaire de rédaction68. Autres manœuvres, autres tripotages dont Bonnetain ne pouvait se prémunir. Il n’en reste pas moins que le « Questionnaire du Figaro », qui n’est pas sans rappeler la collecte des documents humains chère aux naturalistes, perdurera69. C’est en somme que le journal, face visible d’un travail de l’ombre, l’emporte sur toutes les contingences.

Étape importante dans un parcours souvent chaotique, la participation de Paul Bonnetain au Supplément littéraire du Figaro, sa plus longue contribution dans la presse et aussi l’une de ses dernières, fut un échec pour un homme passionné, impétueux et insoumis70. Dupe d’un jeu d’influences souvent retorses, victime d’aspirations complexes, il ne sut pas plus se prémunir de ses débordements admiratifs (pour Daudet et Goncourt), de ses obsessions (contre Zola) que de ses amitiés71. De là cette souffrance de l’homme de lettres qui n’a pu s’imposer comme homme de presse et n’a su tenir, sur le devant de la scène littéraire et médiatique, le rang de chef de file qui lui était promis.

(University of Guelph)

Annexes

Lettre de Paul Bonnetain à Ernest Renan du 31 juillet 1888, B.n.F. Ms. N.a.f.14196, f°247 :

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Lettre de Paul Bonnetain à Théodore Maurer du 14 août [1888] ; B.n.F. Ms. N.a.f.24375, f°98-99 :

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Notes

1  Fonction qu’il partage avec Auguste Marcade en place depuis juillet 1885.

2  Celle-ci est encore en pleine constitution. On pourra en trouver un inventaire ainsi que la retranscription des lettres  retrouvées dans Frédéric Da Silva : Aux confins du naturalisme : Paul Bonnetain (1858-1899), Thèse de Doctorat, Université de la  Sorbonne Nouvelle-Paris 3, 2008, 748 p.

3  J.-H. Rosny, Torches et lumignons, Paris, Éditions de la « Force française », 1921, p. 60.

4  Sur ce procès on consultera René-Pierre Colin, « Chatouiller le dragon ou du bon usage des procès littéraires : Louis Desprez et Paul Bonnetain en Cour d’assises », Qu’est-ce qu’un événement littéraire au XIXe siècle, sous la direction de Corinne Saminadayar-Perrin, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2008, p. 267-275.

5  Sur les circonstances de ses débuts au Figaro on se reportera à F. Da Silva, « Révélations et désaveux : Octave Mirbeau, Paul Bonnetain et l’affaire Sarah Barnum », Cahiers Octave Mirbeau, n°17, 2010, p. 176-189.

6  Ses chroniques, qui eurent un grand succès, seront réunies et publiées en volume en novembre chez Havard puis chez Charpentier en 1887. Voir Au Tonkin, édition présentée par Frédéric Da Silva, Paris, L’Harmattan, coll. « Autrement mêmes », 2010.

7  C’est au cours du mois de novembre que se développe la rubrique « Autour du monde » – faite de nouvelles ou de récits rapportant des impressions de voyage – qui sera particulièrement fourni durant le secrétariat de Bonnetain. Il aura lui-même l’occasion de contribuer à plusieurs reprises à cette rubrique (3 décembre 1887, puis d’octobre 1889 à janvier 1890), qui est en quelque sorte sa spécialité.

8  Selon Bonnetain, Magnard encouragea cette publication. Voir « M. Paul Bonnetain », Jules Huret, Enquête sur l’évolution littéraire, édition établie par Daniel Grojnowski, Vanves, Thot, 1984, p. 210-211.

9  Le texte qui se présente sous la forme d’une lettre ouverte (« La Terre, à Émile Zola ») est rapidement baptisé  Manifeste des Cinq ; il est signé Paul Bonnetain, Lucien Descaves, J.H. Rosny, Gustave Guiches et Paul Margueritte. Sur ce sujet on consultera Frédéric Da Silva, « Paul Bonnetain et le naturalisme », Dossier collectif  Paul Bonnetain, Les Cahiers naturalistes, n° 85, 2011.

10  On consultera l’étude d’Henri Mitterand, assortie d’une bibliographie, dans La Terre, Émile Zola : Les Rougon-Macquart, tome IV, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1966, p. 1525-1541.

11  Voir notamment Henry Bauër, « L’excommunication de Zola », Le Réveil du 21 août 1887. Dans « Explication » (Le Figaro du 22 août 1887), Bonnetain, non sans panache, mettait un terme à la polémique en abandonnant ses droits d’auteur sur Charlot s’amuse au profit de la caisse de solidarité de la Société des gens de lettres.

12  10 décembre 1887.

13  Jean Ajalbert, Mémoires en vrac, Paris, Albin Michel, 1938, p. 313.

14  Notamment le Supplément illustré du Gil Blas ou encore la Vie Populaire.

15  Ce n’est pas un hasard si les cinq premiers seront membres de l’Académie Goncourt.

16  Connu pour ses critiques contre Zola, il n’est pourtant pas épargné.

17  Edmond et Jules de Goncourt, Journal. Mémoires de la vie littéraire, vol. 3, Paris, Robert Laffont, 1989,  8 janvier 1888, p. 87.

18  Dans cette même livraison du 7 janvier 1888, Daudet consacrait un article dithyrambique au Journal desGoncourt. Par la suite Bonnetain fera en sorte que les contributions de Goncourt soient toujours bien accueillies.  

19  La question avait été insérée dans le Supplément du 21 janvier.

20  Lettre à Ed. de Goncourt, s. d. [le 25 janvier ou le 1er février 1888], B.n.F., n.a.f., 22452, f°49.

21  On aura noté l’adverbe de temps qui suggère bel et bien une participation de Bonnetain antérieure à sa nomination officielle.

22  Un choix de chefs-d’œuvre, une sélection des romans qui ont parlé d’amour « le plus délicatement et le plus éloquemment » (questionnaire du 12 mai qui rencontrera un grand succès et pour lequel Bonnetain sollicitera Ernest Renan), ou une prise de position sur un fait de société comme l’adultère ou l’éducation des jeunes filles. Sur cette rubrique, voir la contribution de Yoan Vérilhac dans le présent dossier.

23  Questions et réponses étaient signées « X. »

24  Bonnetain avait envoyé Charlot s’amuse à Goncourt au lendemain de sa publication en janvier 1883. Goncourt lui réserva un accueil bienveillant et le reçu régulièrement dans son Grenier. Les nombreux témoignages laissés dans le Journal démontrent que leurs relations furent marquées par une grande sympathie qui dépassait le cadre littéraire.

25  4 février 1888. La liste proposée par Goncourt accorde une place de choix à Gavarni, Raffaëlli et aux graveurs du XVIIIe siècle; on notera qu’il mentionne encore une aquarelle par Jules de Goncourt.

26  Lettre à Goncourt du 25 ou 1er février 1888, précédemment citée.

27  Mirbeau déplorera l’importance accordée à Bourget, qu’il juge comme une concession faite au détriment du réalisme : « Je pense que lui aussi, Bonnetain,  est conquis par les ours de Bourget. » Lettre à Paul Hervieu datée du 30 août 1888,  dans Octave Mirbeau. Correspondance générale, t. I., Lausanne, L’Âge d’Homme, 2003.

28  Lettre à Mirbeau de janvier 1888, dans Octave Mirbeau. Correspondance générale, éd. citée. Le texte de Maupassant avait paru dans le Supplément le 7 janvier.

29  Ce sont les raisons invoquées par Périvier dans un entrefilet paru le 14 janvier qui ne dit rien du rôle de Bonnetain.

30  Lettre à Gustave Geffroy du 21 septembre 1893, retranscrite de manière incomplète par Anthony Greaves dans Paul Bonnetain, his life and works, thèse dactylographiée, University of Nottingham (G.B.), 1965, Annexe, n°42.

31  Selon Angelo de Gubernatis, Dictionnaire international des écrivains du jour, tome 1,  Florence, L. Niccolaï, 1888, p. 366.

32  Sur la place de la chronique boulevardière dans le panorama médiatique du XIXe siècle voir Alain Pagès, La Bataille littéraire, Paris, Librairie Séguier, 1989, p. 68-74.

33  « Zola  et les cinq » signé Parisis, pseudonyme du critique théâtral Émile Blavet. Francis Pruner a démontré que la réunion sur la même affiche de quatre des signataires du Manifeste (la pièce de Rosny n’étant finalement pas prête) a été voulue par Antoine lui-même, cf. Les Luttes d’André Antoine au Théâtre Libre, Tome 1, Paris, Minard, 1964. Qui plus est, Daudet s’impliqua particulièrement dans l’organisation de cette soirée puisque son salon accueillit les répétitions des pièces au programme. Sur ce point voir G. Guiches, Le Spectacle, Paris, éditions Spes, 1932.

34  La Pelote adaptation tirée par Bonnetain du roman Une vieille rate de Descaves, qui devait être le « clou » de la soirée du Théâtre-Libre.

35  « Petite chronique des lettres » du 28 avril 1888.

36  Journal, op. cit., p. 110.

37  Le « Figaro-Bottin » comme la « Petite Chronique des lettres » colportent divers ragots sur l’entourage et les connaissances de Zola, qui ne sont pas sans préfigurer une certaine presse qui se spécialisera dans la vie privée des personnalités.

38  Goncourt rapporte, en date du 20 mai 1888, l’amertume de Rosny après un article désobligeant de Descaves, Journal, op. cit., p.126.

39  Zola se présenta en vain à l’Académie française (de 1888 à 1897), en revanche il sera fait chevalier de la Légion d’honneur par le ministre de l’Instruction publique le 13 juillet 1888.

40  Tous les trois ont pris une certaine distance avec l’écriture zolienne.

41  Lettre à Henry Céard du 5 juin 1888, Émile Zola. Correspondance, tome VI (1887-1890), sous la direction de Bard H. Bakker, Paris/Montréal, CNRS/Presses de l’Université de Montréal, 1987.

42  Lettre à Émile Zola, du 6 juin 1888, Lettres inédites à Émile Zola, publiées et annotées par Colin Burns, Paris, Nizet, 1958, p. 361.

43  Lettre à Zola, du 2 juin 1888, Ibid., p. 359.

44  Goncourt, Journal, op. cit., 27 août 1887, p. 54.

45  B.n.F., Ms,  N.a.f.22454, f°41.

46  Le 29 septembre sera publié « Une écritoire de poche » signé Edmond de Goncourt.

47  L’intention est tout autre dans la lettre qu’il adresse à Ernest Renan à propos du « Questionnaire » du 12 mai  : « Quel est le livre qui a le plus délicatement et le plus éloquemment parlé de l’amour ? » Pour contenter les 12% de lectrices qui avaient plébiscité les livres religieux (La Bible, Les Évangiles et L’Imitation de Jésus Christ), Bonnetain sollicite l’auteur de La Vie de Jésus avec une formule qui n’est pas sans rappeler celle de sa lettre à Goncourt : « Ne regarderez-vous pas au fond de vos tiroirs, si vous n’avez pas le temps de rien écrire ? » (Lettre datée du 31 juillet 1888, B.n.F. Ms. N.a.f.14196, f°247). Le texte de Renan sera publié dans le Supplément du 11 août après un chapeau introductif qui revient sur les réponses du « Questionnaire ». Cette lettre est reproduite en annexe, à la fin de l’article.

48  C’est nous qui soulignons.

49  Lettre datée du 10 octobre 1891, retranscrite par Anthony Greaves, op. cit., n°10.

50  Dans une lettre du 22 août 1888, Bonnetain révèle encore au poète Théodore Maurer : « Comédie italienne, mon cher ami, me semble, je vous le répète une des plus jolies plaquettes de vers que j’ai lu. C’est vous dire si j’aurais bien volontiers plaidé pour elle auprès de M. Périvier (qui ne me laisse pas, hélas, faire ce que je veux) […] Des vers, d’abord, ça l’effraie, cet homme ! » (B.n.f. Ms, N.a.f.24375,f°98-99). Cette lettre est reproduite en annexe, à la fin de l’article.

51  Lettre à Georges de Peyrebrune datée du 6 octobre, sans millésime, mais probablement de 1888, conservée à la Bibliothèque municipale de Périgueux, Manuscrits : Correspondance Georges de Peyrebrune.

52  Mirbeau confie à Hervieu le 30 août 1888 : « Le Figaro m’irrite, et j’en suis avec Bonnetain presque aux gros mots. Figurez-vous qu’il ne publie pas mon feuilleton, et qu’il ne veut pas me le rendre. […] Je vais réclamer mon article par huissier. », Octave Mirbeau, Correspondance générale, tome 1 (1862-1888), édition établie et annotée par Pierre Michel et Jean-François Nivet, Lausanne, L’Âge d’homme, 2003.

53  Goncourt, Journal, op. cit., 27 août 1888, p. 150-151.

54  D’après une  lettre à Gustave Geffroy, Greaves, op.cit., n° 62.

55  À partir de juin 1888, Bonnetain  aura recours à des pseudonymes dès lors qu’il abordera des sujets par trop polémiques (notamment en faveur de l’anarchiste Jean Grave sous la signature de Quèsaco le 29 août 1891) ou bien réservera ses critiques à d’autres journaux ou revues (sur l’indépendance de l’Art dans la Revue d’Aujourd’hui du 1er janvier 1890).

56  «  À travers les Lettres », du 16 juin au 4 août 1888.

57  Après le décès d’Auguste Marcade.

58  Bonnetain entrera également en campagne contre les revues symbolistes qui, selon lui, cultivent un « décadentisme ridicule » : « À travers les revues » 1er août 1891.

59  Le 29 août est inséré l’extrait d’une lettre de soutien de Bonnetain à Jean Grave, directeur de la revue anarchiste La Révolte, poursuivi pour avoir reproduit des textes sans l’autorisation de la Société des gens de Lettres, alors présidée par Zola.

60  Ainsi à propos d’un article de Mirbeau accompagné du commentaire : « fort bon ».

61  Lettre à Gustave Geffroy du 8 mars 1892, reproduite partiellement par Greaves, op. cit, n° 17.

62  En 1890 il quitte Paris pour s’installer en banlieue à Sarcelles, où il mène une vie de reclus entouré de sa famille et de rares amis. Il déclarera à Geffroy : « Drouant à part, j’ai horreur de Paris, des salles de rédaction, des confrères. » Lettre du 27 juillet 1896, Greaves, op. cit., n° 66.

63  Il signe pour la dernière fois la rubrique « À travers les revues » le 21 novembre et dès le 13 décembre il renoue avec le Gil Blas.

64  Goncourt, Journal, 3 janvier 1892, op.cit., p. 650.

65  Dès le 8 juin 1888, Céard Déclarait à Zola : « Bonnières ayant l’ambition de diriger le supplément du Figaro, et supportant avec impatience la domination momentanée de Bonnetain […] » (voir Burns, op.cit., p. 364).

66  D’après une lettre de Bonnetain à Geffroy datée du 2 décembre 1891, donnée par Greaves, op.cit., n°13. André Maurel (1863-1943) était journaliste et écrivain proche de Maurice Barrès.

67  Marguerite Durand (1864-1936)  avait épousé en 1888 Georges Laguerre, avocat et député boulangiste. Elle  avait fait la même année ses débuts dans La Presse, journal dirigé par son mari.

68  C’est ce qu’il confiera à Geffroy dans une lettre datée du 22 juin 1893, conservée à la Bibliothèque de l’Arsenal, Mss 15170/1.

69  Dans une certaine mesure, il préfigure la rubrique « Courrier » que Marguerite Durand créera au Figaro en 1891, précisément.

70  La carrière coloniale de Bonnetain sera de même ponctuée des dissensions qui l’opposent à ses supérieurs hiérarchiques.

71  Très curieusement, il confesse à Jules Huret, au sujet de la tournure prise par le Manifeste des Cinq, avoir « cette originalité – la seule – d’être timide étant batailleur, et, par-dessus tout, de n’être pas peu l’ami de mes amis. » L’interview de Bonnetain est parue le 12 avril 1891 dans l’Écho de Paris. Voir Jules Huret, Enquête sur l’évolution littéraire, op. cit., p. 211.

Pour citer ce document

Frédéric Da Silva, « Le Supplément littéraire du Figaro « tripoté » par Paul Bonnetain », La lettre et la presse : poétique de l’intime et culture médiatique, sous la direction de Guillaume Pinson Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/la-lettre-et-la-presse-poetique-de-lintime-et-culture-mediatique/le-supplement-litteraire-du-figaro-tripote-par-paul-bonnetain