La lettre et la presse : poétique de l’intime et culture médiatique

Chroniques parlementaires, chroniques alimentaires : le cas des « Lettres de Bordeaux » d’Émile Zola

Table des matières

ÉLOÏSE PONTBRIAND

J’envoie incognito au Sémaphore de Marseille une correspondance qui m’aide à faire bouillir ma marmite. C’est une de mes petites hontes cachées1.

Après la chute du second Empire et à la veille de la Commune de Paris, alors que l’Assemblée siège à Bordeaux, Émile Zola se lance dans la chronique parlementaire avec une série d’articles intitulée les « Lettres de Bordeaux ». Le gouvernement s’étant déplacé dans cette ville en février 1871, Zola n’est pas le seul à rendre compte des séances de la Chambre sous forme de correspondances pour la presse. Jules Claretie, notamment, envoie aussi à cette époque au quotidien LeSiècle une chronique du même nom2. Cependant, le cas des « Lettres de Bordeaux » produites par Zola se distingue, car ce dernier fait paraître ses articles à la fois à La Cloche, un journal radical parisien et au Sémaphore de Marseille, un organe plus modéré. Publiées de la mi-février à la mi-mars 1871, ces chroniques « alimentaires3 » relatent les faits saillants entourant la mise en place d’un nouveau gouvernement à Bordeaux après les élections imposées par Bismarck, jusqu’à la dernière séance du Parlement déplacé. Les deux versions des lettres traitent des mêmes événements, soit la défaite de la France par la Prusse, la formation de l’Assemblée nationale, les conditions de la paix et le choix de Versailles comme siège du pouvoir législatif.

L’intérêt des chercheurs s’étant dirigé vers les « Lettres de Versailles » et les « Lettres de Paris » rédigées par Zola pendant la révolte communarde qui suivra au printemps 1871, les « Lettres de Bordeaux » restent à ce jour peu étudiées4. De plus, sans doute parce que les deux versions de ces chroniques zoliennes se ressemblent au point où certains des articles publiés dans les deux journaux sont identiques, les « Lettres de Bordeaux » parues au Sémaphore de Marseille demeurent souvent dans l’ombre de leur pendant parisien. En effet, mis à part deux lettres présentées « à titre d’exemple », elles n’ont pas été reproduites dans la dernière édition des œuvres complètes du romancier5.  

Or l’étude du discours de Zola dans les « Lettres de Bordeaux » parues à La Cloche et au Sémaphore révèle des écarts qui illustrent l’habileté du journaliste à adapter son texte aux besoins de deux feuilles différentes, et démontre qu’il peut dans certains cas y adopter des prises de position opposées. Publiées à la veille de l’insurrection parisienne, les « Lettres de Bordeaux » nous fournissent en outre de précieux renseignements sur la façon dont Zola envisageait son travail à l’époque ainsi que sur sa perception de son rôle au sein de chacun des journaux. De plus, les dialogues épistolaires de cette période entre le chroniqueur et Louis Ulbach, directeur de La Cloche d’une part et les Barlatier, dirigeants du Sémaphore de Marseille, d’autre part, mettent également en lumière les motivations de Zola ainsi que de nombreux facteurs qui ont pu influencer sa production textuelle, apportant ainsi des précisions sur les origines de la pensée controversée de l’auteur.

Nous verrons comment ce corpus forme un véritable discours : les lettres échangées avec les directeurs des journaux qui nous renseignent sur les écrits parlementaires, et les chroniques, qui font écho — et répondent même parfois — aux échanges épistolaires.

Zola « physionomiste »

Zola se trouve à cette époque dans une situation financière précaire. Il quitte Paris assiégée le 7 septembre 1870, et, la publication de La Fortune des Rougon dans Le Siècle en suspens, il ne peut plus compter sur ses sources de revenus habituelles6. De plus, La Marseillaise, le journal qu’il avait fondé en grande pompe à son arrivée en province, s’éteint sans donner les résultats escomptés. La correspondance que l’écrivain entretient avec sa femme et sa mère ainsi qu’avec son ami Marius Roux, avec lequel il avait lancé La Marseillaise, démontre l’embarras dans lequel se trouve la famille7. Le poste de secrétaire du ministre Glais-Bizoin qu’avait obtenu Zola n’étant pas renouvelé lorsque celui-là perd son siège aux élections de février 1871, il ne fait aucun doute que pour le romancier en exil, la rémunération régulière de chroniqueur parlementaire à La Cloche et au Sémaphore tombe à point.

Saisissant l’occasion de reprendre son métier lorsqu’il est annoncé à la fin de janvier 1871 que le gouvernement de la Défense nationale siégera à Bordeaux, Zola offre ses services de correspondant parlementaire à Louis Ulbach en ces termes : « Voulez-vous que je vous adresse pour La Cloche, chaque jour, une physionomie de la Chambre, avec un résumé des débats, sans préjudice des menues nouvelles8? » L’offre envoyée à Émile Barlatier, directeur du Sémaphore reste, à ce jour, introuvable. Cependant, la réponse du père de ce dernier nous indique que cette offre est sans doute à peu près la même9. On reconnaît à la proposition de Zola qu’il aspire au rôle de « physionomiste ». Dans un genre relativement nouveau à l’époque, le physionomiste « [a]ssis dans la Tribune des journalistes, ou rôdant dans les couloirs parlementaires […] rédig[e] des comptes rendus des débats ». Faisant « revivre la séance […], [il] "personnalise" l’actualité parlementaire, soit à travers le choix des incidents et les portraits rapportés de visu, soit à travers l’expression de son propre parti-pris10 ». Nous pouvons donc supposer qu’Ulbach et les Barlatier avaient une idée très précise du genre de chroniques proposé par le romancier. Ils interprètent toutefois différemment la collaboration de Zola à leurs journaux respectifs.

L’intérêt des « Lettres de Bordeaux » ne réside pas que dans les différences textuelles notées entre les deux versions des articles. Outre les questions politiques, l’écrivain y aborde des sujets variés, dont la fascination des dames bordelaises pour le spectacle des débats de l’Assemblée bouleversant la routine de leur ville provinciale ainsi que les transformations de cette ville qui accueille le gouvernement et devient le témoin de débats politiques ayant de sérieuses répercussions sur l’avenir de la France. Les hasards de l’histoire ayant voulu que le gouvernement siège dans une communauté n’étant pas pourvue de l’infrastructure nécessaire pour recevoir la Chambre, les séances se tiennent au Grand-Théâtre de Bordeaux, métamorphosé pour la cause en palais législatif. Ce cadre sied au romancier qui, comme le note Colette Becker, « développe la métaphore du théâtre à tous niveaux » dans ses comptes rendus11.

Zola aborde également, thème qui lui est cher et qui nous concerne spécialement ici, la situation et le rôle de la presse dans la machine parlementaire. Il déplore le sort des journalistes, « que l’on reçoit presque à coups de crosse de fusil et que l’on entasse dans une tribune du second étage12… » Au demeurant, conscient du pouvoir non négligeable de la presse dans le succès de tout gouvernement postnapoléonien, Zola conteste l’accès limité accordé aux envoyés internationaux :

Cinq places, lorsque tous les grands journaux de l’Europe et de l’Amérique ont envoyé ici des collaborateurs ! Lorsque ces collaborateurs sont au moins au nombre de cinquante ! C’est se moquer de l’opinion chez nos voisins, c’est vouloir que pas un journal étranger ne prenne en main notre défense et ne dise tout haut nos efforts pour sortir dignement de la crise suprême que nous traversons13.

On sent dans le discours de Zola le désir d’accomplir un devoir qui n’est pas seulement le sien, mais celui de toute une profession : « Nous ne sommes pas à un concert, écrit-il, et, avant tout, on doit vouloir que la presse puisse donner aux graves débats qui s’agitent la plus large publicité possible14. » S’il défend avec conviction la liberté de la presse, Zola juge néanmoins que cette liberté n’implique pas l’obligation de tout dévoiler et doit à l’occasion faire place à des considérations de plus haute importance pour la nation française. Ainsi le 21 février, il s’autocensure : ayant promis la veille de partager « le résultat des travaux des huit commissions chargées de dresser un inventaire général des ressources de la France », il se rétracte. « [A]u moment de commettre cette indiscrétion, un scrupule me prend. La besogne des commissions doit rester secrète. […] La paix n’est pas conclue […]. Un sage patriotisme nous force donc à un silence complet15. »

Zola se positionne en ambassadeur de la presse, à laquelle il attribue deux rôles distincts : elle se doit, dans un premier temps, de servir et de véhiculer les positions de la France à l’étranger, et, dans un deuxième temps, de rendre compte des débats de la chambre afin de bien informer les Français. Cette démonstration de conscience professionnelle dans ses comptes rendus des séances confère une crédibilité au journaliste. Dans son article consacré à la version parisienne des « Lettres de Bordeaux », Corinne Saminadayar-Perrin relève d’ailleurs « l’éthique du franc parleur16 » adoptée par Zola et démontre que ce dernier « construit […] un éthos de l’authenticité, de la franchise et de la sûreté de l’information qui garantit la validité (sinon la vérité) de ses chroniques17 […] ».

Des « physionomies » différentes

L’étude des deux versions des articles révèle certains cas qui, s’ils avaient été relevés par les lecteurs de l’époque, auraient sans doute remis en question cette authenticité, puisque Zola produit des chroniques distinctes, voire, à certains moments, opposées politiquement, et ce, alors qu’il traite pourtant des mêmes sujets. Un grand nombre d’écarts entre les deux versions des lettres s’expliquent par des facteurs pratiques et démontrent le sérieux avec lequel le journaliste aborde son travail. Cependant, d’autres divergences entre les chroniques parisiennes et marseillaises se justifient plus difficilement sur le plan idéologique, car, lorsque Zola exprime une appréciation sur un fait précis dans l’un des journaux, il adopte parfois le point de vue inverse dans l’autre.

Une différence notable entre les « Lettres de Bordeaux » publiées à La Cloche et celles parues au Sémaphore de Marseille réside dans le nombre plus élevé d’articles de ce nom parus dans la feuille d’Ulbach18. Plusieurs raisons expliquent cet écart. D’abord, La Cloche est un quotidien, tandis que Le Sémaphore ne paraît que six jours par semaine. En outre, l’étude des échanges épistolaires démontre que Zola était rémunéré différemment d’une publication à l’autre. Le Sémaphore le paie 200 francs mensuellement pour un nombre précis d’articles19, tandis qu’à La Cloche, Ulbach, qui semble gérer moins étroitement son journal, affirmera : « Envoyez-moi ce que vous voudrez, ce que vous pourrez et je vous le [paierai] comme je le pourrai, c’est-à-dire le mieux possible20. »

Le nombre inégal d’articles entre les deux versions des chroniques altère de plusieurs façons le message véhiculé. D’abord, il arrive qu’une lettre parue au Sémaphore équivaille à deux articles à La Cloche. Lorsque cela se produit, les disparités dans la division du contenu orientent différemment l'attention du lecteur. Cela se remarque par exemple lorsque dans sa chronique publiée le 22 février dans le quotidien parisien, l’écrivain relate une intervention de Rochefort dès le début de son texte ; dans la feuille marseillaise, la réflexion sur cette affaire apparaît plus tard dans l’article, Zola discutant d’abord d’incidents déjà abordés dans le journal parisien, comme l’annonce de la nomination de Thiers à la tête du gouvernement21. L’effet produit d’un journal à l’autre n’est assurément pas le même. Indépendamment du fait que Zola relate différemment l’affaire Rochefort dans les deux articles, cet incident domine le texte publié à La Cloche alors qu’il paraît de moindre importance au Sémaphore. Par ailleurs, Zola écrit parfois à plusieurs reprises pour La Cloche le même jour comme le 25 février, où, dans l’attente des nouvelles au sujet des négociations de paix, il rédige un deuxième article qui paraît uniquement à La Cloche et dans lequel il offre une analyse plus poussée de la situation22.

D’autres réalités plus concrètes influencent différemment le travail de rédaction de Zola. La lenteur du service de la poste entravant le besoin de faire parvenir les chroniques le plus rapidement possible à Paris et à Marseille est, par exemple, l’un des aspects qui influent le plus sur les textes produits par le journaliste. En effet, dans leurs lettres à Zola, Barlatier et Ulbach reprochent tous deux au chroniqueur le retard de ses articles23. De façon générale, l’heure de la relève du courrier bouscule Zola et pose problème lorsque les séances de l’Assemblée se terminent à une heure tardive : « Je vous écris à bâtons rompus, très brièvement, parce que l’heure de la poste me presse et que je n’ai, d’ailleurs, aucun accident grave à vous signaler24 ». Comme il le mentionne à plusieurs reprises dans ses chroniques, il se voit parfois obligé de poster ses lettres avant la fin de la séance ou de ne les envoyer que le lendemain25. Dans son article portant sur la version parisienne des « Lettres de Bordeaux », Saminadayar-Perrin évoque d’ailleurs le « décalage temporel » entre l’écriture et la publication ainsi que la « rhétorique de l’urgence » adoptée par Zola et son style de « [r]eportage en direct […] compte tenu des moyens de l’époque26 ».

Dans la même veine, en comparant les chroniques parues La Cloche à celles du Sémaphore, on remarque certaines différences textuelles attribuables à la situation géographique des deux journaux. Les correspondances de Zola pour La Cloche arrivent plus tard à Paris que celles du Sémaphore à Marseille, puisque la capitale est plus éloignée de Bordeaux que ne l’est Marseille. Comme le mentionne Saminadayar-Perrin, lorsque le journaliste écrit pour La Cloche, il « ne peut offrir de scoops renversants27 » et part de l’idée qu’ayant lu les comptes rendus des séances, les lecteurs parisiens sont déjà au courant des événements. À La Cloche, Zola s’attarde donc à commenter les débats ; à révéler ce qui se passe dans les coulisses ou encore à « dévoiler l’envers de l’histoire contemporaine28 ». Par contre, étant publiées plus rapidement, les chroniques du Sémaphore sont en général plus factuelles.

Au-delà des différences géographiques, Zola doit de surcroît adapter sa production textuelle à deux lectorats différents. Ayant grandi en province, mais résidant normalement à Paris, Zola connaît bien les réalités locales et s’efforce de présenter des faits pertinents pour chacun des publics, tout en ajoutant une touche régionale à ses écrits. Le journaliste relate donc parfois la même situation à travers les yeux de deux groupes de lecteurs distincts comme c’est le cas lorsqu’il décrit la situation des réfugiés parisiens qui s’installent à Bordeaux. Le 13 février, il dépeint pour La Cloche une ville qui, après l’arrivée de ces exilés, rappelle un quartier de la capitale : « D’ailleurs, on se croirait à Paris, sur le boulevard des Italiens, quand on traverse ici la place de la Comédie. Un grand nombre de Parisiens sont venus se ravitailler à Bordeaux. On ne rencontre que visages connus29. » Par contre, dans Le Sémaphore de Marseille, il se plaint de la hausse des prix, ceux-ci ayant augmenté à Bordeaux depuis que les Parisiens s’y sont installés30.

Alors que la question de l’afflux des Parisiens à Bordeaux est anodine, les variations sur les questions politiques surprennent davantage. Parfois, il ne s’agit que de quelques mots qui changent le ton d’une version à l’autre, celle de La Cloche tendant fortement vers le sarcasme. Colette Becker note entre autres l’usage répété de certaines expressions :

Pour qualifier « ces messieurs de la droite » […], Zola utilise cet adjectif « honorable » comme une véritable épithète homérique. Mais à chaque occurrence, à peine l’a-t-il employé, qu’il dévoile la véritable nature de ces « honorables » représentants31

Il va sans dire que la formule n’est pas répétée au Sémaphore. Dans d’autres cas, les prises de position divergentes de Zola se présentent sous la forme d’un commentaire précis dans un journal qui, pour des raisons manifestes, ne peut être repris dans l’autre. Par exemple, il dresse pour la feuille parisienne le portrait des nobles campagnards qu’il décrit comme des « hobereaux du temps de Charles X et de Louis-Philippe soigneusement conservés, bien qu’un peu couverts de poussière », paradant avec des chapeaux « de toutes les formes »32.

Alors que les différences notées jusqu’ici pourraient, à la limite, être considérées comme des variantes, comme de simples ajouts permettant d’adapter le texte à un auditoire précis, Zola ne s’arrête pas là. Il adopte des prises de position politiques entièrement divergentes lorsqu’il relate, notamment, la proposition de nommer Thiers chef du pouvoir exécutif, faite le 17 février. Dans Le Sémaphore des 19 et 20 février, Zola annonce cette proposition et note qu’on en profitera pour crier au scandale :

Je vous signale ce fait parce qu’il sera sans doute exploité. Il y a des gens qui y verront un coup d’État en miniature. Songez donc, M. Thiers, prenant indûment le titre de président de la République ! Je vous affirme qu’il n’a besoin de rien usurper ; hier dans l’enthousiasme on l’aurait nommé ce qu’il aurait voulu tant il est populaire et tant la France lui a de la reconnaissance pour la lourde charge qu’il accepte33.

La Cloche n’ayant traditionnellement pas soutenu Thiers, Zola « exploite » justement le fait dans ce journal lorsqu’il y déplore cette nomination :

Mais ces messieurs sont aveugles, ils ont nommé M. Thiers chef du pouvoir exécutif, sous l’autorité de l’Assemblée et sous le contrôle des ministres qu’il est chargé de choisir.

Et voilà la première pelletée de terre jetée sur la fosse de la République. Nous les entendrons une à une sonner sourdement. Quand la bière sera cachée, on installera un trône sur le tertre funéraire34.

Ces prises de position contraires constituent par moment un véritable dialogue, où le journaliste se « répond » à lui-même de La Cloche au Sémaphore, les affirmations énoncées dans un journal annonçant le texte publié dans l’autre.

Seul à s’être intéressé jusqu’ici aux deux versions des « Lettres de Bordeaux », dans son article au sujet de l’idéologie de Zola sur la Commune de Paris, et ayant relevé à quel point les articles de Zola dans les deux journaux sont différents35, et parfois contradictoires, David Gross note le ton acerbe et le sarcasme présent dans les chroniques de La Cloche36. Il demande également comment Zola a pu adopter comme siennes des opinions aussi différentes et s’interroge sur la « vraie » position de Zola37.

Selon Gross, les pressions exercées par Alphonse Barlatier, directeur du Sémaphore dans ses lettres à Zola expliquent en partie les variations relevées dans les deux chroniques. Si ce facteur influence en effet les écrits du chroniqueur, il importe toutefois de nuancer cette hypothèse. Alors que Zola deviendra certainement le journaliste le plus prestigieux qui ait jamais contribué au journal, en 1871, les Barlatier encadrent rigoureusement leur correspondant. Ses chroniques, tout comme celles des autres contributeurs à l’organe marseillais, y sont publiées dans l’anonymat. De plus, comme le démontre une lettre du 14 mars dans laquelle ils remercient Zola « d’écrire à [leur] charge [leur] correspondance de Bordeaux38 », les dirigeants du Sémaphore, n’ont pas, de toute évidence, retenu les services du romancier pour son habileté à créer la polémique.

Ces derniers lui donnent en effet des lignes directrices très claires. Dans une lettre datée du 12 février, Alphonse Barlatier exhorte Zola à mesurer ses propos : « Vous connaissez les opinions modérées, mais libérales39 du Sémaphore, vous saurez par conséquent éviter toute exagération dans vos appréciations40. » Plus tard, le 14 mars, il ajoute :

Parfois aussi nous avons fait subir à vos lettres de légers retranchements. Vous en avez deviné le motif. Vous ne pouvez apprécier comme nous la limite qu’il convient de ne pas dépasser pour maintenir notre public. Et puis, permettez-moi de vous le dire, car cela fait votre éloge, vous êtes poète, trop poète parfois. […] Peut-être aussi, permettez-moi de vous le dire en toute franchise, votre critique des personnes est-elle parfois un peu trop sévère41.

Notant que Zola se plie à la demande de son employeur, Gross remarque de plus que, lorsque Zola rentre à Paris, ses chroniques ne seront pas publiées au Sémaphore42, et ce, pendant plusieurs semaines. Gross y voit l’effet d’une forme de censure : « [a] classic case, […] of the maintenance of bourgeois hegemony through ownership and control of the vehicles of communication – censorship43. » Il ajoute que ce type de censure a eu, à n’en pas douter, un effet sur la perception de la Commune de Paris par les contemporains de l’écrivain. Il suggère par ailleurs que ce double discours adopté par Zola pourrait avoir influé sur l’attitude de ce dernier envers les questions politiques44.

Mais alors que les coupures des Barlatier aux textes de Zola constituent certainement une forme de censure, l’hypothèse de Gross, selon laquelle ces derniers auraient choisi de ne pas publier les articles de Zola, semble peu probable. La note d’Alphonse Barlatier datée du 14 mars indique qu’il a accepté l’offre du journaliste de continuer sa correspondance. De même, Émile Barlatier, fils d’Alphonse, écrit, le 10 avril, s’enquérant sur le silence de son chroniqueur :

Voici longtemps que je n’ai reçu aucune lettre de vous, et pourtant nous désirerions tous avoir le plus souvent possible de vos nouvelles. J’ai vu par La Cloche que vous allez souvent à Versailles. Y seriez-vous installé et, dans ce cas, vos lettres ne pourraient-elles partir de cette ville ? Votre dernier billet est du 30 mars. Il m’est arrivé le 7 avril45.

Cherchant à justifier son absence prolongée à ses lecteurs marseillais, Zola s’explique dans le premier article qu’il publie au Sémaphore à la suite de sa chronique bordelaise :

Je trouve enfin un moyen de reprendre mes correspondances. Paris, grâce à la Commune qui promet, mais qui ne tient pas, ne peut envoyer le moindre billet aux départements. Il vient heureusement de se fonder une agence qui se charge d’aller jeter les lettres aux boîtes de Saint-Denis. Le blocus est donc en partie levé […]46.

S’il est difficile de confirmer qu’il s’agisse de la seule raison ayant causé une interruption dans la publication des articles de Zola au Sémaphore de Marseille, l’explication semble tout à fait plausible.

Par ailleurs, Gross, qui ne paraît pas avoir consulté la correspondance de Louis Ulbach à Zola, omet de relever que le journaliste modifie aussi son message à La Cloche. Ce journal fondé en 1869 par Ulbach se présentait initialement comme étant de gauche, opposé à l’Empire47. Le rédacteur en chef avait défini son approche éditoriale en qualifiant La Cloche de « journal qui représente[rait] la majorité radicale de Paris48 ». En février 1871, Zola se sent chez lui dans ce quotidien qu’il connaît bien et dans lequel il s’est distingué quelques mois plus tôt en offensant les autorités impériales49. Rédigeant ses « Lettres de Bordeaux » dans le même esprit, il critique les courants monarchistes en plus de faire de Thiers, qu’on s’apprête à nommer chef du pouvoir exécutif, la cible de sa plume incisive.

Zola, qui ne reçoit pas La Cloche à Bordeaux, ignore que les allégeances du quotidien ont changé. Mal informé de ce qui s’y passe, il dévie, comme l’explique Henri Mitterand, de la ligne politique du journal :

Il lui faudra près d’une quinzaine de jours pour comprendre que celle-ci est plus modérée qu’un an auparavant, et qu’Ulbach soutient la « gauche du bon sens », autrement dit Thiers et les républicains modérés, opposés à la fois aux monarchistes et aux « sociaux » de l’extrême gauche50

Le 22 février, afin de se distancier de son correspondant, Ulbach ajoute la note suivante en préface à l’article de Zola :

En publiant les « Lettres de Bordeaux », nous laissons à chacun de nos correspondants la responsabilité de son opinion. Si nous faisions rentrer dans la discipline étroite du journal des lettres écrites à distance, et sous le coup de l’émotion, nous leur enlèverions leur physionomie, leur intérêt. Voilà pourquoi nous laissons M. Zola écrire ce qu’il pense, quoiqu’il ne pense pas comme nous sur certains faits et sur certains hommes51.

Cette note pourrait laisser croire qu’à La Cloche, Zola est maître de ses écrits. Pourtant, l’étude de la correspondance entre les deux hommes dévoile une vérité plus nuancée. On ne connaît pas la date exacte à laquelle Zola réussit à obtenir le journal parisien, mais on sent un changement d’attitude marqué à propos de Thiers dans les chroniques des 24 et 25 février. Dans son article du 24, Zola présente Thiers comme « le seul homme qui fût désigné, par l’opinion en France et par l’Europe entière, pour signer la paix avec la Prusse » et affirme : « [V]raiment, je n’accorde pas à Thiers tant de calculs diaboliques. Je veux même croire à sa bonne foi52. »

Les échanges épistolaires et le changement noté dans le ton des articles portent à croire que Zola tente dorénavant de suivre la politique éditoriale de La Cloche, qui, plus modérée, se rapproche désormais de celle des Barlatier. Assumant la pleine responsabilité pour les égarements de sa plume, le journaliste écrit dans La Cloche du 4 mars : « [S]’il arrivait que j’eusse une opinion autre que celle du journal où j’écris, il faudrait m’en laisser la responsabilité, dans cette fièvre vive qui m’a pris et que je sens encore dans mes veines53. » On constate dès lors, un rapprochement entre les chroniques parues à La Cloche et au Sémaphorede Marseille : le clivage idéologique entre les deux journaux étant moins marqué, la nécessité d’adapter les articles ne s’impose plus aussi catégoriquement qu’auparavant.

Dans une lettre datée du 5 mars, Ulbach, qui a reçu les premières chroniques de Zola, l’avise qu’il s’est éloigné de l’orientation politique de La Cloche : « Quelques-unes [des chroniques de Zola] n’étaient pas dans l’esprit exact du journal ; mais avec une petite "précaution" oratoire, j’ai mis l’harmonie en vous laissant toute votre indépendance54. » Cette indépendance ne reste que relative puisqu’Ulbach, complimentant Zola sur son travail, précise toutefois : « [Q]uand vous serez à Paris, en causant un peu de ce qu’il faudr[ait] mettre dans l’ombre, vous serez, si vous voulez, pour La Cloche un excellent rédacteur du compte rendu de la Chambre55. »

Toujours dans sa lettre du 5 mars, Ulbach prie Zola de rapporter des « silhouettes des députés ruraux ». Le journaliste ne mentionne pas cette demande dans sa réponse à cette lettre datée du 8 mars, mais sert ce qu’on attend de lui dans sa chronique du lendemain lorsqu’il relate l’effet d’une intervention de M. Lorgeril, député provincial sur l’Assemblée : « Tout le monde se réveille. […] Les rires partent comme des fusées. C’est que vraiment M. de Lorgeril est le type du brave légitimiste qui a dormi depuis la chute de Charles X56. » Ayant manifestement saisi ce qu’on attend de lui, Zola rassure Ulbach en lui affirmant qu’ayant mis la main sur quelques numéros de La Cloche, il a « parfaitement compris [sa] ligne politique »57.

Dans ce va-et-vient de discours épistolaires et journalistiques, les deux hommes ont trouvé, pour le moment, un terrain d’entente, même si la correspondance démontre que l’année suivante, le directeur trouve à se plaindre d’un article de Zola sur le père Dufour, qui, d’après lui, pourrait rebuter les actionnaires et les abonnés du journal58. On voit donc qu’Ulbach qui, de prime abord, semble plus conciliant dans son rôle de rédacteur en chef, est, tout comme les Barlatier, avant tout soucieux de plaire à son lectorat.

Des « physionomies » différentes (bis) ?

L’Assemblée quitte la province pour tenir séance à Versailles à partir du 18 mars 1871. Le même soir, la tentative de l’armée de se réapproprier les canons de Montmartre échoue et les généraux Lecompte et Thomas sont assassinés. Dix jours plus tard, la Commune de Paris est proclamée. Elle prend fin au bout de deux mois avec les exécutions en masse de la Semaine sanglante. Rentré à Paris à la suite de la dernière séance du gouvernement à Bordeaux, Zola reprend ses chroniques à La Cloche le 22 mars où il rédige le compte rendu de l’Assemblée de Versailles. Il continue ses « Lettres de Versailles » pour ce quotidien jusqu’à sa suspension par l’administration de la Commune le 18 avril. Ayant, comme on l’a vu, réussi à faire parvenir ses articles à Marseille, il envoie ensuite à partir du 19 avril des « Lettres de Paris » au Sémaphore dans lesquelles il relate les événements de l’insurrection parisienne.

Zola poursuit dans les deux journaux la formule rédactionnelle adoptée dans les « Lettres de Bordeaux » : tandis que les événements changent et que la situation politique évolue rapidement, il continue de s’entretenir sur son travail de journaliste et sur le rôle de la presse en période de conflit. Encore une fois, des considérations d’ordre pratique influent sur le discours journalistique et deviennent partie intégrante du reportage. Recyclant des techniques de création romanesque comme la mise en abyme, Zola relate les circonstances entourant – ou entravant – la construction de sa production textuelle. Par exemple, le 22 mars, alors qu’il est censé commencer ses chroniques en provenance de Versailles, « un incident [qu’il] ne veut pas raconter », l’empêche de se rendre sur place. De connivence avec le lecteur, il admet avoir dû écrire son article à partir de témoignages de collègues59.

Rapportant le compte rendu des séances versaillaises dans La Cloche, journal parisien anticommunard, Zola se trouve dans une situation délicate, comme le rappelle Henri Mitterand : « Chroniqueur régulier d’un grand quotidien qui ne cache pas son hostilité à la Commune, mais accusateur virulent de la droite versaillaise, il s’attira des ennemis dans les deux camps60. » Cette situation pose problème au journaliste, ce dont il fait part à ses lecteurs dans sa chronique du 23 mars :

Aujourd’hui encore, j’ai bien failli ne pas assister à la séance. Cette fois, j’étais allé jusqu’à Versailles. Mais là, à la sortie de la gare, un commissaire a bien voulu me prendre pendant quelques instants pour un homme des plus dangereux. Quand il a eu la délicatesse de me rendre la liberté, la séance était déjà commencée. […]

Inquiété hier par le comité central, soupçonné aujourd’hui par le pouvoir exécutif, je me hâte, je fais avec anxiété mon examen de conscience, et je me demande si je n’agirais pas sagement en faisant mes malles. Ce qui me console, c’est qu’il n’existe pas un troisième gouvernement qui puisse m’arrêter demain61.

Rédigeant sa chronique à partir d’un compte rendu, Zola envoie de nouveau le 31 mars un article en partie de seconde main : « Nous sommes bloqués, et ce n’est pas de Versailles, aujourd’hui, que je vous envoie cette lettre. […] [C]e matin, à la gare Saint-Lazare, un garde national m’a dit fort rudement "qu’on n’allait plus à Versailles"62.» Encore une fois, Zola met de l’avant l’importance de son travail de journaliste lorsqu’il s’indigne de toute situation faisant obstacle à la pratique de ses activités professionnelles : « Et il m’a regardé avec un mépris si souverain, que j’ai senti profondément tout le mal que j’aurais commis en allant faire mon métier d’humble journaliste à l’Assemblée nationale63. » En expliquant comment il a pu obtenir le compte rendu de la séance livré par pigeon voyageur, Zola démontre à son lectorat que, passant outre les embûches administratives ou gouvernementales, l’information circule dans la sphère médiatique : « Je n’y ai point assisté [à la séance], mais je puis vous y faire assister. Il est bien nécessaire, vraiment d’arrêter les trains ! Il y aura toujours quelque oiseau qui passera64. »

Le romancier met une fois de plus à profit des procédés de rédaction assurant aux lecteurs l’authenticité de son discours. Comme il l’avait fait à La Cloche alors qu’il était à Bordeaux, Zola donne l’assurance d’un rédacteur, indépendant, sûr de ses prises de position. En effet, à la veille des élections parisiennes du 26 mars, il déclare : « [J] ne veux pas engager la responsabilité du journal où j’écris, mais je dis hautement que je voterai demain65. » Deux jours plus tard, il affirme encore : « Je dirai toute ma pensée : M. Thiers n’a pas eu seulement à combattre l’émeute, il a eu à dompter la Chambre66. » Le 15 avril, l’affirmation de son indépendance rédactionnelle se mue en véritable profession de foi journalistique :

En France, la passion nous ôte tout sens politique. Nous nous mettons d’un côté ou de l’autre en bloc, sans discussion, avec une incroyable intolérance. On est contre la Commune, donc on va se pâmer devant l’Assemblée. Je vous déclare que ce n’est pas là ma façon de voir. Je le répète, je n’ai pas à parler de la Commune, mais je crois qu’il m’est permis, même dans un journal qui se déclare contre elle, de conserver absolument mon allure indépendante67.

Ne signant plus ses articles par mesure de prudence – l’administration communarde ne tardera pas à bannir La Cloche –, Zola exagère la portée réelle de son autonomie dans l’engrenage journalistique et politique.

Le 19 avril, Zola reprend ses chroniques au Sémaphore de Marseille. Ici encore il s’entretient des fonctions de la presse. Il déplore d’abord la suspension de La Cloche, du Bien public, du Soir, et de L’Opinion68 et mentionne la perte d’emploi des « cinq ou six cents personnes qui vivaient des journaux supprimés69. » Il aborde ensuite la question des efforts de légitimation de la Commune qui, selon lui, essaie de « donner une apparence de légalité à ses actes » et a publié l’arrêté au sujet des quatre journaux dans le Journal officiel70. En discutant en outre dans sa lettre datée du 23 mai de la décision du Siècle de cesser de paraître, Zola met en lumière un problème rencontré par la presse en période de guerre civile. En exposant le choix difficile auquel est confronté Le Siècle, Zola fait entrer le lecteur à l’arrière-scène de la sphère médiatique et solidifie par le fait même sa propre position de journaliste expert et transparent :

Le Siècle a simplement arrêté sa publication. Certes, je ne voudrais pas médire de ce vénérable journal, mais sa décision me paraît d’une telle prudence, que je le soupçonne de s’être retiré de la discussion, juste au moment où il allait se compromettre aux yeux du gouvernement régulier, dont il comprend que le retour ne peut tarder. Le Siècle pendant deux mois a vécu dans les nuages. Il a publié des articles étonnants de restrictions. La netteté de la situation devenant de plus en plus embarrassante, il se trouvait pris dans cette alternative : prendre parti pour Versailles et se faire supprimer par la Commune, ou prendre parti pour la Commune et risquer de ne plus paraître du tout, lors du triomphe de Versailles71.

Comme c’était le cas pour les « Lettres de Bordeaux », les circonstances entourant la production des « Lettres de Paris » se révèlent plus complexes qu’il n’y paraît d’abord. Se sentant menacé par l’administration communarde, Zola quitte Paris le 10 mai 187172. Il continue ses chroniques parisiennes bien qu’il se trouve en fait à Bonnières. Jusqu’à son retour, le 26 ou 27 mai, le romancier fournit ainsi des articles écrits sur la base de témoignages ainsi que de ses lectures des journaux parisiens, et ce, sans jamais en faire part à ses lecteurs73. Tout comme pour le cas du double discours des « Lettres de Bordeaux », l’intégrité de Zola aurait pu être remise en question si son manège avait été dévoilé.

Conclusion

Zola l’imposteur en tête, nombreuses sont les études critiques des écrits et prises de position de l’auteur des Rougon-Macquart concernant la Commune74. Les « Lettres de Paris » publiées au Sémaphore de Marseille pendant l’insurrection ont particulièrement soulevé la controverse. Si ce n’est pas ici le lieu de reprendre les analyses idéologiques sur la pensée de Zola au sujet de la révolte parisienne, il est toutefois possible de mettre à profit les observations effectuées sur les « Lettres de Bordeaux » lorsque l’on considère les « Lettres de Versailles » et les « Lettres de Paris ».

L’étude de la correspondance « à » et « de » Zola à cette époque en conjonction avec celles de ses premières chroniques parlementaires fait ressurgir deux aspects de l’attitude de l’écrivain qui semblent, de prime abord, contradictoires. Comment le journaliste peut-il adopter des positions divergentes ? Et, pire encore, comment peut-il procéder de cette façon, alors même qu’il insiste sur l’importance de son rôle et de sa profession ?

On a vu à quel point Zola désire un revenu stable. Par ailleurs, les échanges épistolaires avec Ulbach et les Barlatier sont sans équivoque quant à leurs attentes à l’égard du chroniqueur. Ces considérations influent sur Zola qui, se cherchant un gagne-pain, choisit d’écrire pour des publications aux lignes politiques différentes et envoie donc à chaque feuille des articles uniques qui reflètent des besoins particuliers. Ainsi, des raisons géographiques et temporelles, le caractère régional des deux villes et l’idéologie des lecteurs de chaque région influencent la politique éditoriale des organes et donne le fil conducteur à Zola qui, en même temps qu’il manifeste un désir de professionnalisme, tente au demeurant de satisfaire son public. Cette méthode ayant fait ses preuves tandis qu’il se trouvait à Bordeaux, Zola n’aurait-il pas continué dans la même veine pendant la révolte communarde ?

L’analyse des « Lettres de Bordeaux » montre qu’à partir du moment où il décide de contribuer à des journaux aussi différents que ceux d’Ulbach et des Barlatier, Zola se doit de leur fournir des textes distincts. Du reste, la façon dont il construit son message laisse penser que nous ne connaîtrons jamais la pensée exacte de l’écrivain à cette époque, ce qui éclaire notre réflexion à propos de ses prises de position sur la Commune. Lorsqu’on étudie les « Lettres de Bordeaux » et que l’on considère les entretiens épistolaires entre Zola et les rédacteurs en chef pour lesquels il travaille, ne peut-on pas en effet se demander si les sentiments exprimés par le jeune romancier dans La Cloche ou Le Sémaphore de Marseille ne sont pas aussi, durant cette période difficile de l’histoire, tout autant motivés par des considérations alimentaires que par son devoir de chroniqueur parlementaire75 ?

(Université de Sherbrooke)

Annexes

Émile Barlatier, Lettres à Zola (BNF, MSS, n.a.f. 24511, fos 21-22.) du 14 mars 1871 :

Cher monsieur76,

J’ai reçu hier au soir, à une heure trop avancée de la soirée pour qu’il me fût possible d’y répondre, votre dernière lettre de Bordeaux à la date du 12 courant77. Je me hâte de vous écrire aujourd’hui.

Je dois d’abord vous remercier de l’obligeance que vous avez mise à vous charger de notre correspondance de Bordeaux. Celle que vous nous avez envoyée nous a été très utile et très agréable. Comme vous l’avez remarqué, elle nous est arrivée parfois beaucoup trop tard. Quand nous avions publié la veille le compte-rendu et une chronique parlementaire ­[omnibus], il était difficile de revenir sur la physionomie de la Séance78.

Parfois aussi nous avons fait subir à vos lettres de légers retranchements. Vous en avez deviné le motif. Vous ne pouvez apprécier comme nous la limite qu’il convient de ne pas dépasser pour maintenir notre public. Et puis, permettez-moi de vous le dire, car cela fait votre éloge, vous êtes poète, trop poète parfois. L’usage vous [entraîne] dans la description de vos séduisants tableaux, vous vous laissez emporter au point de sacrifier quelques fois le sérieux de l’effet. C’est un reproche que bien des gens voudraient mériter, car il n’est pas donné à tout le monde d’être assez poète et assez brillant littérateur pour faire oublier le côté sérieux des choses. Peut-être aussi, permettez-moi de vous le dire en toute franchise, votre critique des personnes est-elle parfois un peu trop sévère, dans un temps où la conciliation est à l’ordre du jour.

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Ce n’est en effet que par des [concessions] que l’on arrivera à sortir la France de la malheureuse situation qui nous opprime tous. N’allez pas conclure de ces légères observations que nous ne [sommes] pas satisfaits de votre correspondance. Au contraire, nous l’apprécions et nous désirons qu’il vous soit [?] possible de nous la continuer.

J’accepte à cet égard l’offre que vous voulez bien nous faire de nous envoyer des lettres datées de Versailles. Je dois seulement me réserver de ne pas [cesser] mes relations avec mes correspondants [anciens] de Paris. L’un d’eux a quitté la capitale après l’armistice et l’état de sa santé ne lui permet pas en ce moment de faire sa rentrée. Je n’ai pas de nouvelles du second. Après des relations de plusieurs années, je ne puis, vous le comprendrez, me séparer d’eux. [Alors] surtout qu’ils ont parfois souffert, je me réserve donc de vous écrire s’ils me demandent de continuer à envoyer des renseignements et des correspondances.

Je compte donc que vous voudrez bien nous adresser comme vous l’offrez quelques lettres datées de Versailles79.

Je termine, cher monsieur, cette trop longue lettre, par où j’aurais dû commencer. Je vous remets ci-inclus un chèque de 200 fr pour votre premier mois de correspondance. Je ne sais si vous serez content, vous ne m’avez rien fixé, vous m’avez embarrassé. J’ai tenu compte des circonstances et je vous envoie encore plus que nous n’avons jamais donné. Je désire que vous soyez satisfait. En [?] de feuilles déjà [?] vous sont malheureusement loin d’approcher de celles des feuilles de la capitale et nous ne faisons pas tout ce que nous voudrions.

Agréez, Monsieur, l’expression de mes meilleurs sentiments.

É. Barlatier

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Louis Ulbach, Lettre à Zola (BNF, MSS, n.a.f. 24524, fos 325-326), 5 mars 1871 :

Mon cher Zola80,

Je vous fais envoyer La Cloche et j’espère que vous la recevrez exactement81. Je vous remercie de la petite commission que vous avez faite auprès de Charles Simon82. Je vous remercie aussi de vos correspondances83. Quelques-unes n’étaient pas dans l’esprit exact du journal ; mais avec une petite précaution oratoire, j’ai mis l’harmonie en vous laissant toute votre indépendance84. Je trouve que vous faites cela très bien et quand vous serez à Paris, en causant un peu de ce qu’il faudr[ait] mettre dans l’ombre, vous serez, si vous voulez, pour La Cloche un excellent rédacteur du compte rendu de la Chambre85. Cela vous fera ainsi à La Cloche la situation que vous désirez. En attendant, faites ce que vous voudrez pour Le Sémaphore. Après ce litige épouvantable et ce qui s’ensuit, La Cloche nepeut pour le temps écoulé vous payer beaucoup ; je désire donc que vous trouviez une rémunération qui compense cette [ladrerie] forcée86. Mais croyez bien que je veux vous faire, si vous voulez, la part très honorable de [futures actions] à venir87. Je m’imagine que vous avez trouvé une veine et qui vous fera honneur.  

Quant aux actions, il faut bien faire comprendre aux gens de la gauche (du bon sens) qu’ils n’ont pas d’organe à Paris. Ils ne constituent pas fortement le parti de la République dans la presse. Ils [seront mangés par les [monarchiens]] et les sociaux à la première crise.  

À bientôt et rapportez-moi quelques silhouettes des députés ruraux en attendant que nous puissions les contempler de visu88.

À vous sincèrement,

L. Ulbach

Je vous fais envoyer 2 exemplaires. Faites remettre l’un à Simon ou faites-le circuler.

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Notes

1  Lettre à Flaubert datée du 9 avril 1874. Voir Zola, Correspondance, tome II. 1868-1877, B.H. Bakker (dir.), Montréal/Paris, Presses de l’Université de Montréal/Éditions du CNRS, 1980, p. 354. Les mentions subséquentes de la correspondance de Zola seront abrégées de la façon suivante : Corr., tome, numéro de la lettre, numéro de page.

2  Corinne Saminadayar-Perrin, « Les Lettres de Bordeaux : l’Histoire au jour le jour », Les Cahiers naturalistes, n83, 2009, p. 112.

3  Selon Jean-Pierre Leduc-Adine, qui qualifie de « journalisme alimentaire » les chroniques parlementaires de Zola parues au Sémaphore de Marseille. Voir Jean-Pierre Leduc-Adine, « Zola, Le Sémaphore de Marseille (17 février 1871-24 mai 1877), ou un "dossier préparatoire" aux Rougon-Macquart », Esquisses/Ébauches. Projects and Pre-Texts in Nineteenth-Century French Culture,Ed. Sonya Stevens, New York [etc.], Peter Lang Publishing, 2007, p. 186.

4  Si l’on considère l’énorme corpus d’études consacrées à la production romanesque de Zola ou à l’Affaire Dreyfus, les études portant sur les « Lettres de Bordeaux » sont particulièrement rares. Mises à part les introductions aux « Lettres de Bordeaux » parues à La Cloche dans les Œuvres complètes (Émile Zola, Œuvres complètes, Henri Mitterand (dir.), tome IV, Paris, Nouveau Monde éditions, 2002, et Émile Zola, Œuvres complètes, Henri Mitterand (dir.), 14 vols. Paris, Cercle du livre précieux, 1966-1969) et les analyses présentées dans les biographies de Mitterand et de Brown (Henri Mitterand, Zola, Tome I : Sous le regard d’Olympia 1840-1871, Paris, Fayard, 1999 et Frederick Brown, Zola: A Life, New-York, Farrar Straus Giroux, 1995) nous n’avons recensé qu’une seule étude consacrée entièrement aux «Lettres de Bordeaux ». Dans cette étude, Corinne Saminadayar-Perrin analyse le discours et les procédés journalistiques employés par Zola dans ses articles en provenance de Bordeaux parus à La Cloche. (Corinne Saminadayar-Perrin, « Les Lettres de Bordeaux », art. cit.).Nous n’avons trouvé aucune étude consacrée exclusivement aux «Lettres de Bordeaux » publiées à La Cloche et au Sémaphore de Marseille.La toute récente anthologie du travail journalistique de Zola (Émile Zola, Zola journaliste : articles et chroniques, Textes choisis et présentés par Adeline Wrona, Paris, Éditions GF Flammarion, 2010) ne traite pas non plus de la problématique des deux versions des « Lettres de Bordeaux ».

5  Patricia Carles et Béatrice Desgranges, « Les Lettres de Bordeaux », dans Émile Zola, Œuvres complètes, 2002,p. 309.

6  À moins d’avis contraire, les renseignements biographiques et historiques présentés dans cet article sont tirés de Mitterand, Zola, op. cit. ; de Émile Zola, Œuvres complètes, Henri Mitterand (dir.), vol. 4, Paris, Nouveau Monde éditions ; et de Corr.,tome II.

7  Voir à ce sujet, Corr., tome II, l. 102-119, p. 230-268 et les lettres de Marius Roux à Zola conservées dans les archives de la famille Zola.

8 Corr., tome II, lettre 124, p. 277.

9 « Je reçois aujourd’hui seulement la lettre que vous avez bien voulu écrire à mon fils Émile, pour lui offrir une physionomie de la Chambre et un résumé des débats » (Émile Barlatier, Lettres à Zola, BNF, MSS, n.a.f. 24511, fos 19-20).

10  M. B. Palmer, cité dans Corinne Saminadayar-Perrin, Les discours du journal : rhétoriques et médias au XIXe siècle(1836-1885), Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, coll. « Le XIXe siècle en représentation(s) », 2007, p. 36.

11  Colette Becker, « Les temps ne sont plus au rire ; mais vraiment », citée dans Saminadayar-Perrin, « Les Lettres de Bordeaux », art. cit., p. 120.

12  Émile Zola, Œuvres complètes, op. cit,lettre du 71/02/24, p. 335. Les références subséquentes aux articles de Zola parus dans La Cloche seront identifiées de la manière suivante : CL AA/MM/JJ.

13  CL 71/02/28. Sémaphore de Marseille, 71/02/26-27 (BNF, Périodiques Gr Fol. Lc2 10025). Les références subséquentes aux articles de Zola parus dans Le Sémaphore de Marseille seront identifiées de la manière suivante : SM AA/MM/JJ.

14  SM 71/02/22.

15  CL 71/02/26. Corinne-Saminadayar Perrin, qui note que la promesse initiale permet à Zola « de se poser […] en spécialiste de l’information », cite également cet exemple en se demandant : « Peut-être d’ailleurs la promesse de départ était-elle inconsidérée, le journaliste n’ayant pas les moyens d’accéder à l’information? » (Saminadayar-Perrin, « Lettres de Bordeaux », art. cit., p. 119, note 8).

16 Ibid., p. 118.

17 Ibid., p. 119.

18  Sur un total de 52 lettres de Bordeaux, 20 seulement seront publiées au Sémaphore. Voir Roger Ripoll, Bibliographie chronologique et analytique – II. Le Sémaphore de Marseille, 1871-1877, Paris, Les Annales littéraires de l’Université de Besançon, 1972, ainsi que Henri Mitterand et Halina Suwala, Bibliographie  chronologique et analytique – I. 1859-1881,Paris, Les Annales littéraires de l’Université de Besançon, 1968.

19  Émile Barlatier, Lettres à Zola (BNF, MSS, n.a.f. 24511, fos 21-22). Cette lettre est reproduite en annexe, en fin d’article.

20  Louis Ulbach, Lettres à Zola (BNF, MSS, n.a.f. 24524 fo 324).

21  Voir CL 71/02/22 et SM 71/02/19-20.

22  Voir CL 71/02/28.

23  Voir Émile Barlatier, Lettres à Zola ((BNF, MSS, n.a.f. 24511, fos 21-22), voir annexe) et Louis Ulbach, Lettres à Zola (BNF, MSS, n.a.f. 24524, fo 323).

24  CL 71/02/19. On trouve un discours semblable dans CL 71/03/04 et dans SM 71/02/22.

25  Voir entre autres CL 71/02/24, où Zola mentionne la fin de la séance précédente dont il n’a pas pu traiter la veille.

26  Saminadayar-Perrin, « Lettres de Bordeaux », art. cit., p. 114.

27 Ibid., p. 113, souligné dans le texte.

28 Ibid.

29  CL 71/02/19.

30  SM 71/02/17.

31  Colette Becker, « Les temps ne sont plus au rire », citée dans Saminadayar-Perrin, « Les Lettres de Bordeaux », art. cit., p. 124.

32  CL 71/02/20.

33  SM 71/02/18-19.

34  CL 71/02/22.

35  « They really are as different as night and day: in the Cloche, hostile to Thiers and the Right, openly pro-republican; in the Sémaphore, respectful toward Thiers, no sign of republicanism. » (David Gross, « Emile Zola as Political Reporter in 1871: What He Said and What He Had to Say », Literature and History, no 7, 1978, p. 37.). Gross relève également dans son article plusieurs prises de position opposées, dont celle au sujet de la séance du 17 février.

36 Ibid., p. 36.

37 Ibid., p. 37.

38  Émile Barlatier, Lettres à Zola (BNF, MSS, n.a.f. 24511, fos 21-22). Voir annexe.

39  Après avoir soutenu les orléanistes sous le régime impérial, le journal devient républicain modéré (Corr., tome II, p. 617).

40  Émile Barlatier, Lettres à Zola (BNF, MSS, n.a.f. 24511, fos 19-20). Gross cite également cet exemple : voir « Emile Zola as Political Reporter in 1871 », art. cit., p. 35.

41  Émile Barlatier, Lettres à Zola ((BNF, MSS, n.a.f. 24511, fos 21-22), voir annexe). Gross réfère également à cette lettre, voir David Gross : « Emile Zola as Political Reporter in 1871 », art. cit., p. 40.

42  La dernière chronique en provenance de Bordeaux avait été publiée dans Le Sémaphore du 14 mars 1871. Les chroniques de Zola ne reparaîtront qu’à partir du 25 avril 1871.

43  David Gross, « Emile Zola as Political Reporter in 1871 », art. cit., p. 40.

44  Gross croit que les deux types de position adoptés par Zola au sujet de la Commune de Paris pouvaient provenir en partie de la propre confusion du journaliste. De plus, Gross suggère que le fait que Zola ait affirmé des prises de position différentes aurait pu contribuer à l'aliéner de la sphère politique. Voir ibid., p. 41-42.

45  Émile Barlatier, Lettres à Zola (BNF, MSS, n.a.f. 24511, fo 23).

46  SM 71/04/25.

47 Corr., tome II, p. 604.

48  Cité dans Henri Mitterand, Zola Journaliste : de l’affaire Manet à l’affaire Dreyfus,Paris, Armand Colin, 1962, p. 116.  

49  À la suite de la publication de « Vive la France » dans La Cloche du 5 août 1870, Zola et Ulbach avaient été appelés à comparaître. Ils seront sauvés par la chute de l’Empire, puisque leur comparution n’eut jamais lieu.

50  Henri Mitterand, Zola, op. cit., p. 792.

51  CL 71/02/22.

52  CL 71/02/24.

53  CL 71/03/04.

54  Louis Ulbach, Lettres à Zola (BNF, MSS, n.a.f. 24524 fos 325-326). Cette lettre est reproduite en annexe, en fin d’article.

55 Ibid. Zola continue effectivement à écrire pour La Cloche en rentrant à Paris. Il y publiera 386 articles entre le 19 février 1871 et le 20 décembre 1872. Voir Mitterand et Suwala, Bibliographie, op. cit.

56  CL 71/03/13. Lettre écrite le 9 mars.

57 Corr., tome II, l. 129, p. 285.

58 Lettre de Louis Ulbach à Guérin, Lettres à Zola (BNF, MSS, n.a.f. 24524, fo 333).

59  CL 71/03/22.

60  Cité dans Pierre Cogny, « Le discours de Zola sur la Commune : étude d'un problème de réception », Les Cahiers naturalistes, no 54, 1980, p. 18.

61  CL 71/03/23.

62  CL 71/04/02.

63 Ibid.

64 Ibid.

65  CL 71/03/27.

66  CL 71/03/29.

67  CL 71/04/15.

68  SM 71/04/25.

69  SM 71/04/28.

70  Lettre écrite le 20 avril, publiée le 25. Voir SM 71/04/25.

71  SM 71/05/24.

72 Corr. tome II, l. 134, p. 293-294.

73  Voir à ce sujet Rodolphe Walter, « Zola et la Commune : un exil volontaire », Les Cahiers naturalistes, no 43, 1972, p. 25-37.

74  Julie Moens, Zola l’imposteur : Zola et la Commune de Paris, Bruxelles, Aden, 2004. Il y eu plusieurs autres études écrites sur le sujet, dont : Arthur Adamov, « Mars 1871 mars 1958. L'union sacrée des lettres contre les "Communeux" », Les Lettres françaises, no 713, 13 au 19 mars 1958, p. 1-7. ; Henri Mitterand, « Zola devant la Commune », Les Lettres françaises, no 732, 3 au 9 juillet 1958, p. 1-5 ; Pierre Cogny, « Le discours de Zola sur la Commune : étude d'un problème de réception », Les Cahiers naturalistes, no 54, 1980, p. 17-24 ; Rodolphe Walter, « Zola et la Commune », art. cit. ; et plus récemment Raymond Trousson, « Émile Zola chroniqueur de la Commune », Travaux de littérature, XVII, 2004, p. 449-468.

75  Cet article est rédigé avec le soutien du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada dans le cadre du programme de bourse doctorale Joseph-Armand Bombardier. Il est tiré et adapté de notre mémoire de maîtrise présenté au département d'Études françaises de l'Université de Toronto en 2010, sous la direction d'Anthony Glinoer, que nous remercions. Nous remercions également le professeur Dorothy Speirs pour ses précieux conseils au sujet de cet article et pour avoir influencé de façon marquée notre parcours au cours des dernières années.

76  Cette lettre est écrite sur papier à en-tête du Sémaphore.

77  La lettre de Zola n’a pas été retrouvée. La dernière chronique de Zola en provenance de Bordeaux, datée du 12 mars, fut publiée le 14.

78  Il y avait un délai de 2 à 3 jours entre l’envoi et la publication des lettres. Cela semble en effet poser des problèmes. Certains numéros du Sémaphore contiennent plus d’une lettre de Zola, par exemple les numéros du 19-20 février et du 22 février. D’autres contiennent des correspondances en provenance de Bordeaux qui ne semblent pas être de Zola, par exemple les numéros du 25-26 février et du 1er mars. Voir Ripoll, Bibliographie, op. cit.,p. 9-11. Voir supra, p. 6.

79  Zola n'a repris ses chroniques que le 19 avril 1871. Les raisons de ce retard ne sont pas entièrement claires, mais Zola affirme, lorsqu'il recommence ses chroniques pour le Sémaphore, qu'ayant trouvé un moyen de faire parvenir ses articles à Marseille, il peut reprendre ses chroniques (SM 71/04/25). De plus, les chroniques parviendront initialement de Paris. Voir supra, p. 10-11.

80  Cette lettre est écrite sur papier à en-tête de La Cloche.

81  Dans sa réponse datée du 8 mars, Zola affirme avoir reçu le journal (Voir Corr., tome II, l. 129, p. 284).

82  Dans une lettre non datée, Ulbach avait demandé à Zola de distribuer « des adhésions pour des actions à La Cloche » (BNF, MSS, n.a.f. 24524, fo 323).

83  C’est-à-dire les correspondances parlementaires en provenance de Bordeaux.

84  Ulbach avait ajouté la note suivante en préface de la chronique de Zola du 22 février : « En publiant les “Lettres de Bordeaux”, nous laissons à chacun de nos correspondants la responsabilité de son opinion. Si nous faisions rentrer dans la discipline étroite du journal des lettres écrites à distance, et sous le coup de l’émotion, nous leur enlèverions leur physionomie, leur intérêt. Voilà pourquoi nous laissons M. Zola écrire ce qu’il pense, quoiqu’il ne pense pas comme nous sur certains faits et sur certains hommes. » (CL 71/02/22). Voir supra, p. 12.

85  Zola continue effectivement à écrire pour La Cloche en rentrant à Paris. Il y publiera 386 articles entre le 19 février 1871 et le 20 décembre 1872. Voir Mitterand et Suwala, Bibliographie, op. cit.

86  Au sujet de la rémunération de Zola,Ulbach avait affirmé : « Envoyez-moi ce que vous voudrez, ce que vous pourrez et je vous le [paierai] comme je le pourrai, c’est-à-dire le mieux possible » (Louis Ulbach, Lettres à Zola (BNF, MSS, n.a.f. 24524 fo 324). Voir supra, p. 5-6.

87  On ignore si Zola reçut ces actions.

88  Zola semble en effet s’exécuter dans ses chroniques du 12 et du 13 mars. Voir supra, p. 13.

Pour citer ce document

Éloïse Pontbriand, « Chroniques parlementaires, chroniques alimentaires : le cas des « Lettres de Bordeaux » d’Émile Zola », La lettre et la presse : poétique de l’intime et culture médiatique, sous la direction de Guillaume Pinson Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/la-lettre-et-la-presse-poetique-de-lintime-et-culture-mediatique/chroniques-parlementaires-chroniques-alimentaires-le-cas-des-lettres-de-bordeaux-demile-zola