La lettre et la presse : poétique de l’intime et culture médiatique

Les représentations du grand reporter par ses épistoliers : le cas d’Albert Londres

Table des matières

VALÉRIANE MILLOZ

Écrire aux grands reporters à la fin du long « siècle de la presse1 » est certainement un phénomène courant. Personnages médiatiques du fait même de leur profession, familiers par leur omniprésence dans les journaux et leur façon de s’adresser aux lecteurs, il est probable que les grands reporters, à la façon des grands auteurs du XIXe siècle2, aient reçu d’importantes masses épistolaires de leurs lecteurs. Celles-ci ont cependant rarement été conservées ou n’ont pas encore émergé des cartons d’archives ou des caisses des greniers de leurs descendants3. Albert Londres a fait l’objet de ce type d’envois et environ 280 lettres, postées entre 1923 et 1930 à son intention, sont parvenues aux Archives Nationales de France4. Comme nous le verrons dans cet article, ces lettres permettent d’apprécier la notoriété du reporter et de mieux comprendre la perception que s’en faisaient les lecteurs.

Entré dans le milieu journalistique par nécessité alimentaire alors qu’il voulait être poète, Albert Londres, après quelques années d’errance, connaît une carrière fulgurante5. D’un petit poste à la rédaction parisienne du journal Lyonnais le Salut public il passe au Matin, où il tient la rubrique des faits divers. C’est pour ce quotidien, qui l’envoie couvrir le bombardement de la cathédrale de Reims au début de la Grande Guerre, qu’il signe son premier article, paru à la une de surcroît. Il court ensuite au quatre coins du monde, à la poursuite de l’actualité brûlante et publie presque chaque jour des articles signés dans quelques-uns des plus grands quotidiens du moment. Du Matin, il passe au Petit Journal puis à l’Excelsior et au Quotidien, avant d’intégrer en 1923 Le Petit Parisien qu’il quitte en 1930. Avec son entrée au Petit Parisien, le grand reporter change de ligne éditoriale. Il abandonne presque totalement le reportage d’actualité. Entre 1924 et 1930, il n’en publie que trois6. Dans une lettre du 25 avril 1925 à Elie-Joseph Bois, directeur du Petit Parisien, Albert Londres affirme : « je ne désire pas faire du reportage courant ainsi que vous me l’avez demandé7. » Son objectif est, selon sa formule fameuse, de « porter la plume dans la plaie8. » Il se consacre alors à ce que Myriam Boucharenc nomme les « grandes enquêtes sociales9 », c’est-à-dire des reportages qui ont pour objet des situations d’injustice sociale ou d’oppression10.

À la période concernée par les lettres (1923-1930), Albert Londres est donc l’un des grands reporters les plus convoités du milieu journalistique. La plupart des grands quotidiens et magazines de reportage cherchent à l’employer, il est invité au Parlement ou dans des revues spécialisées pour parler des sujets sur lesquels il a enquêté11. Souvent, la parution des ses articles fait considérablement augmenter les tirages12. En outre, signe de cette reconnaissance, la plupart de ses reportages sont publiés sous formes de recueils qui se vendent à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires et sont fréquemment réédités13, traduits dans plusieurs langues14, et même adaptés au théâtre15. D’un point de vue formel, ses textes sont caractéristiques du genre littéraire que constitue le grand reportage, alors à son apogée, comme l’a montré Myriam Boucharenc16.

Si la notoriété de Londres est ainsi bien établie, il reste à comprendre comment elle est perçue et comment elle se construit concrètement chez les premiers concernés, les lecteurs. Il s’agit de chercher à savoir ce que révèlent les lettres sur les représentations que se font les lecteurs du reporter, de son statut et du journal en général, ainsi que la façon dont ils s’approprient ces reportages. Bien que sources précieuses pour qui s’intéresse à la presse, les lettres à Albert Londres n’ont jusque-là jamais été étudiées. Une présentation préalable du fonds permettra de mieux circonscrire le corpus.

Les lettres à Albert Londres : essai de typologie

Parmi les quatre-cent-cinquante lettres environ que contient le carton 76AS/2 des Archives nationales de France, deux-cent-quatre-vingt-deux entrent dans le cadre de cette recherche. Il s’agit de courriers envoyés au grand reporter par des individus qui ne le connaissent pas personnellement et avec lesquels il n’entretient pas de lien professionnel. Ce sont pour l’essentiel des lecteurs de ses reportages, dont certains qu’il a interviewés dans le cadre d’une enquête, mais avec lesquels il n’a pas maintenu de lien après son passage sur le terrain.

Ces deux-cent-quatre-vingt-deux lettres constituent l’ensemble des lettres de ce type parvenues jusqu’à nous. Elles ne représentent pas, en revanche, l’ensemble de celles reçues par le grand reporter au cours de sa carrière17. Cependant, l’importance numérique du fonds, la diversité des contenus des courriers et la présence de lettres critiques, offrent un champ d’observation varié de ces lettres d’anonymes, constituant par le fait même une source nouvelle et originale pour l’étude de la presse.

Afin de présenter le fonds et de constituer un échantillon sur lequel éprouver une méthode d’analyse qui sera appliquée ensuite à l’ensemble des courriers18, un tri a été effectué. Les lettres ont été regroupées selon le ou les reportages auxquels elles font référence. Ainsi, soixante douze lettres font référence au reportage « Au bagne » ; soixante-huit à celui intitulé « À Biribi chez les pégriots » ; quatre-vingt-dix-neuf à « Chez les Fous » ; seize font au moins une allusion à « Sur les traces de Dieudonné » ; quinze à « Terre d’ébène » ; six au reportage publié directement sous forme de livre, Le Chemin de Buenos Aires, la traite des Blanches19; trois à celui intitulé « Le drame de la race juive : des ghettos de Varsovie à la Terre promise » ; une fait référence à « Marseille Porte du sud ». Enfin, trois s’intéressent à des articles non encore identifiés20, sept ne font référence à aucun article en particulier mais parlent de « vos reportages », « vos articles » et vingt-trois ne parlent pas des reportages et n’y font aucune allusion. Une quinzaine de lettres sont inexploitables car trop usées ou illisibles.

Afin de resserrer notre réflexion et d’établir quelques lignes directrices plus précises, l’échantillon retenu, dans le cadre de cet article, porte spécifiquement sur les soixante-huit courriers faisant référence au reportage « À Biribi chez les pégriots21. » Publié au printemps 1924 dans les colonnes du Petit Parisien puis en juillet 1924 dans la collection des Grands Reportages chez Albin Michel sous le titre Dante n’avait rien vu, ce reportage est une enquête sur les bagnes de l’armée française d’Afrique du Nord, autrement appelés Biribi22.

Il se dégage sept types de lettres de l’ensemble du corpus, identifiés à partir de leur objet ; les exemples, comme les proportions de cette typologie sont pris dans l’échantillon « À Biribi ». Un premier groupe, que nous intitulerons lettres témoignages, rassemble les courriers envoyés par des individus qui racontent leur histoire ou l’histoire d’un proche, directement en rapport avec le thème d’un des reportages. Ce sont par exemples les lettres des prisonniers militaires qui racontent leur vie en établissement pénitentiaire. Ce type représente plus de la moitié de l’échantillon. Un deuxième ensemble, lettres témoignages de vie, constituant un peu plus d’un cinquième de l’échantillon, rassemble les courriers dans lesquels les épistoliers racontent un épisode de leur vie ou une situation sans lien direct avec le reportage. Un homme, par exemple, écrit à Albert Londres pour lui raconter les difficultés qu’il rencontre, lui et les autres parents de sa commune, avec l’instituteur de leur village. Un troisième type, les simples requêtes, correspondant à un dixième de l’échantillon, rassemble les courriers, souvent très courts, dont l’objet principal est d’émettre une demande au grand reporter. La lettre de M. Detheville, du 22 janvier 1925 est caractéristique :

Monsieur Albert Londres,

Vos articles sur Biribi m’ayant toujours intéressé, je vous demande par la présente pour une condamnation à 3 mois et 1 jour pour abus de confiance et prêt à partir au régiment [,] où l’on peut m’envoyer.

Recevez Monsieur mes sincères salutations.

Le groupe lettres commentaires, qui représente une part infime du total des lettres, rassemble les écrits d’épistoliers qui commentent le thème du reportage et apportent des solutions pour remédier aux problèmes soulevés par Albert Londres. Dans une lettre du 15 septembre 1924 un certain Robert Bagoue revient sur le reportage puis propose des solutions pour punir les sous-officiers chargés de la surveillance des prisonniers. Un cinquième type, les lettres critiques, qui représente également une infime part de l’échantillon, est constitué des écrits qui contestent les propos du grand reporter, souvent sur un aspect précis. Dans un article, Albert Londres explique que Biribi est peuplé en majorité d’individus issus de l’assistance publique. Un épistolier, qui signe « un ancien assisté », contredit vigoureusement cette analyse. Le sixième type (quelques courriers de l’échantillon) est constitué des lettres félicitations ; il regroupe les courriers dans lesquels les scripteurs se contentent de féliciter le grand reporter. Une épistolière écrit par exemple :

À Monsieur Londres, reporter au « Petit Parisien »

Soyez béni, Vous, le Bon, le Juste, le Défenseur des nobles causes, le Défenseur des plus malheureux qui soient : les captifs, qu’en France on fait souffrir à plaisir – après  « le Bagne » « Biribi » après « Biribi » « les maisons d’aliénés »! Par vous le monde saura ce qui se passe dans ces « enfers » ; par vous des milliers et des milliers retrouveront non seulement la liberté sans laquelle mieux vaut la mort, mais ne seront plus des martyrs qu’on « enfonce » à tout instant. Par vous, l’enfant d’une fille-mère, naissant dans une maison d’aliénés, n’y passera plus sa vie, sans jamais mettre un pied hors de là, sans jamais connaître le monde, Ô suprême injustice!

Vous êtes le Français le plus généreux de votre temps ; pour l’immense bien que vous faites, soyez béni à jamais!

Une de vos admiratrices.

Enfin, le groupe lettres opportunistes est constitué des lettres dans lesquelles les scripteurs, revendiquant une proximité de leur projet avec ce qu’ils ont lu dans le reportage d’Albert Londres, écrivent pour le lui exposer. Ce type représente également une infime part de l’échantillon. Par exemple, dans une lettre du premier mai 1924, après avoir parlé des prisonniers militaires, un agronome présente son plan d’organisation agricole de l’Algérie auquel les prisonniers militaires pourraient être associés.

Ainsi l’hétérogénéité du contenu des lettres à Albert Londres est-elle frappante. Une des seules caractéristiques communes à l’ensemble des courriers est donc l’individu auquel elles s’adressent, le destinataire : parlant à Albert Londres, les auteurs parlent aussi d’Albert Londres. Il s’agira ici d’interroger ce rapport des épistoliers au grand reporter et de dévoiler, à travers lui, les représentations que les scripteurs se font de celui à qui ils s’adressent.

Albert Londres, l’homme tout puissant

Écrire au grand reporter ne va pas de soi pour les épistoliers23. Ceux-ci éprouvent presque systématiquement le besoin de justifier leur démarche. La rencontre préalable avec le grand reporter semble constituer un argument imparable pour légitimer l’écriture. La lettre de l’ancien détenu Bergeot est tout à fait exemplaire à cet égard : « parce que je vous ai vu [et] entendu à Dar Bel Hamri, […] pour cela je viens à vous ». Même s’ils l’ont seulement aperçu et qu’Albert Londres ne les a pas vus, ils évoquent cette rencontre qui tient pour eux d’arguments justifiant l’envoi. Un jeune homme lui écrit : « J’ai eu l’occasion de vous entendre deux fois au Faubourg et de suivre la campagne que vous menez […] c’est pourquoi j’ai pris la liberté de vous écrire ». Si la rencontre préalable ne constitue pas un des arguments principaux justifiant l’envoi d’un courrier, elle vient aider à consolider la démarche. Après des félicitations, un scripteur écrit : « je suis l’ex détenu à lunettes que vous interrogeâtes au mois d’avril24, lors de votre enquête que vous fîtes au camp de Dahara ». En évoquant une proximité d’expérience similaire à ce que le reportage a raconté, les épistoliers souhaitent également attirer l’attention du reporter et justifier leur démarche. Un lecteur écrit par exemple : « je viens d’être libéré du pénitencier mixte de Bossuet où j’ai subi une peine de un an de prison pour désertion. À cet effet, je tiens à vous signaler les faits qui me sont reprochés. »

Cependant, tous les scripteurs ne peuvent se vanter d’une quelconque proximité avec l’auteur ou le sujet de son reportage. L’argument le plus fréquemment utilisé, qui peut parfois s’ajouter à celui de la rencontre ou du statut de prisonnier est la lecture du reportage. Un scripteur écrit à ce propos : « Je ne vous connais pas, je vous écris quand même, car lecteur du Petit Parisien, je vous ai lu et ai suivi vos articles sur Biribi (que je ne connais pas). » Aussi les épistoliers n’hésitent-ils pas à faire l’éloge de l’enquête menée par Albert Londres. Un épistolier parle par exemple de « vos pages généreuses », un autre la qualifie de « belle et grande campagne ». Ils signifient également leur fidélité au journal : « Lecteur du Petit Parisien, j’ai eu maintes fois l’occasion de prendre connaissance de vos articles […] » ; de nombreux autres témoignent qu’ils sont des « lecteur[s] assidu[s] du Petit Parisien ». Nombre d’épistoliers affirment aussi l’intérêt porté à ce reportage en particulier : « vos articles sur le bagne militaire m’ayant toujours intéressé […] ». Ils mettent également en exergue l’attention, l’effort de la lecture soutenue et régulière : « j’ai suivi avec la plus grande attention dans le Petit Parisien les enquêtes que vous avez fait paraître d’abord sur le Bagne, ensuite sur Biribi », écrit un épistolier. Enfin, les lecteurs signalent souvent l’émotion que le reportage a suscitée chez eux : « nous ne suivons pas sans une grande émotion les articles journaliers dus à votre plume et qui passent dans le journal en ce moment ». Fidèles, intéressés, attentifs, émus, les épistoliers semblent vouloir apparaître comme des lecteurs exemplaires. Pour cela, ils n’hésitent pas à évoquer une lecture rapide et enthousiaste : « en quelques heures, il fut lu et relu », écrit l’un. « J’ai suivi avec un intérêt croissant vos enquêtes sur le bagne et Biribi », explique un autre. Ainsi est-ce moins leur statut de lecteur que celui de bon lecteur qui est invoqué par les épistoliers pour légitimer leur démarche. Cependant, si la majeure partie des scripteurs usent de cet argument, cela ne veut pas dire qu’ils parlent ensuite du reportage : l’allusion au reportage est, dans une large majorité des cas, un prétexte à l’écriture. L’objet de la lettre est plutôt de dire sa douleur et d’appeler à l’aide.

Ainsi, nombreux sont les courriers qui formulent des requêtes, que l’on peut distinguer tantôt pour leurs caractères personnel et intime, tantôt pour leurs aspects collectif et social. À titre personnel, des individus demandent par exemples au grand reporter des renseignements sur divers règlements administratifs ; des adresses d’employeurs susceptibles d’embaucher dans les colonies mais aussi un rendez-vous « pour discuter » ; d’autres voudraient obtenir des précisions sur tel ou tel individu évoqué dans un article, ou même solliciter un appui auprès de certaines institutions. Ainsi, à l’humilité et aux précautions de départ, succèdent souvent des demandes très détaillées et précises. Il en va de même pour les demandes qui rejoignent des enjeux sociaux. Celles-ci peuvent par exemples tout aussi bien concerner l’amélioration du sort des enfants dans « les écoles laïques », que l’intervention du grand reporter en faveur « de forçats volontaires », « ceux-là qui n’ont commis d’autres crimes que celui d’être de modestes employés », ou encore le rétablissement de l’ordre social français :

Faites des enquêtes dans les logis des miséreux, dans tous les bas-fonds du XVe arrondissement [mot illisible] vous verrez les taudis où s’élève l’enfance, les futurs défenseurs du sol français. Secouez l’état, réveillez les bons sentiments du riche, faites-en sorte que l’ont sauve la future France, en sauvant l’infamie du présent [...].

Nombre de requêtes sont de véritables appels à l’aide, parfois pathétiques, qui font la preuve des espoirs que les lecteurs peuvent fonder envers le reporter :

Venez au secours des mères qui pleurent. Sauvez nos enfants condamnés pour des futilités aux bagnes militaires. Notre cœur est avec vous. Que votre voix fasse entendre bien haut nos misères et les mamans vous écriront. Pressez vous Monsieur, beaucoup sont usées d’avoir trop souffert. Qu’elles revoient une dernière fois leurs malheureux enfants.

Une maman qui meurt.

Dans l’attente de la réponse, les épistoliers insistent, à la façon de cette « maman qui meurt », sur la gravité de la situation vécue et sur la douleur ressentie. La rhétorique doloriste domine largement l’ensemble des écrits. La détresse est parfois si profonde, qu’il n’y a pas de mot pour la dire : « Oh ! comment vous faire comprendre ma détresse. Comment vous peindre l’affreuse situation dans laquelle je me trouve […] ». Le plus souvent, les épistoliers annoncent sans détour leur triste sort et se présentent comme porteurs d’une ultime requête, celle de la dernière chance : « je mets en vous mes derniers espoirs », affirme l’un ; « c’est le cri du naufragé qui appelle à l’aide », écrit l’autre, qui est légionnaire. Une femme qui a demandé une amnistie pour son mari explique : « C’est une mère au bord de l’abîme qui supplie le pardon ». La douleur maternelle est souvent convoquée : « Veuillez excuser une pauvre mère [...] », écrit l’une pour commencer sa lettre ; une autre implore le reporter de l’aider à « sauver [ses] quatre petits qui sont dignes de vivre ». Les épistoliers en appellent ainsi à la pitié du grand reporter, à la façon de ce prisonnier de l’armée qui écrit qu’à côté de sa situation, « l’affaire Dreyfus est un atome », et qui ajoute : « je suis séparé de ma famille depuis le 13 décembre 1923. J’ai même une petite de neuf mois que je ne connais pas ». S’il ne s’agit pas de leur propre douleur, c’est celles des autres qu’ils dépeignent au grand reporter. « C’est un affreux régime anachronique [que subissent] les malheureux aliénés [...]. » Le reporter est donc celui à qui les épistoliers s’adressent pour tenter d’améliorer leur sort, ou à tout le moins pour être écouté et compris. Certains épistoliers n’expriment pas de demande précise mais écrivent simplement pour se confier, à la façon de cette dame qui a pris la plume « pour [lui] dire la dernière page de [sa] vie [qui] constitue un gros livre dont chaque page est une tristesse [...] ». Londres est le « confident » — le mot apparaît dans différentes lettres — auprès de qui les épistoliers viennent se raconter le plus souvent dans l’espoir d’une réponse. Cet espoir est implicitement contenu dans toutes les lettres qui émettent une sollicitation, et il est parfois très clairement affirmé : « je n’ai jamais eu l’honneur d’écrire à un journaliste. Aussi serais-je heureux de savoir si ma lettre vous est bien parvenue et si vous l’avez lue ». Un d’entre eux va jusqu’à lui fournir le timbre : « ci-joint, un timbre pour la réponse ».

S’il est appelé à l’aide et fait confident de situations parfois des plus intimes, c’est qu’Albert Londres est perçu par les scripteurs comme un « humaniste » et un « défenseur des opprimés ». Les lettres énumèrent les qualités dont le grand reporter serait doté. Ces éloges constituent un autre moyen pour séduire le destinataire afin de s’assurer qu’il va les lire et éventuellement répondre à leur requête, mais pas uniquement. Ils traduisent aussi la façon dont les épistoliers perçoivent et admirent le grand reporter ; dans plusieurs cas les lettres ne sont accompagnées d’aucune demande précise. Ainsi Maurice Teyssaire, le 11 mai 1924, envoie une lettre dans laquelle il explique avoir lu « Au bagne » et « A Biribi » :

Monsieur,

J’ai suivi avec le plus grande attention dans le Petit Parisien, les articles que vous avez fait paraître d’abord sur le Bagne ensuite sur Biribi. Combien de Français au cœur humanitaire comme le vôtre, doivent vous avoir adressé depuis vos enquêtes, de chaleureuses félicitations. Jamais vous ne serez assez complimenté pour les bienfaits que vous apportez à l’humanité. Permettez moi monsieur, de vous adresser ici l’assurance de ma profonde considération. J’ose espérer monsieur, que vos écrits bienfaisants, que votre journal répand dans toute la France et ses colonies, feront naître sans aucun doute des jours meilleurs à tous ces malheureux. C’est de tout mon cœur que je le leur souhaite.

En vous réitérant ma profonde considération, je vous prie de croire, Monsieur Albert Londres, à mes sentiments les plus respectueux.

Cette lettre expose à elle seule une bonne part des qualités qui sont généralement attribuées à Albert Londres par les épistoliers, et par conséquent les pouvoirs qu’ils lui confèrent. Les épistoliers voient en lui un humaniste, le terme apparaît à de nombreuses reprises, animé par un souci de justice. Un épistolier invoque « son amour de la justice » et « sai[t] qu[’il] juger[a] justement », puisque « [son] œuvre est humaine et juste. » À ces qualités d’esprit s’ajoutent certaines compétences dont il serait doté, voire une véritable omniscience. « Mes chefs se sont déclarés incompétents pour éclaircir mon affaire », écrit un militaire qui demande ensuite des renseignements sur ses droits. Cette omniscience se couple à une influence sans faille au niveau le plus élevé des institutions politiques. Des épistoliers lui demandent appui auprès du Conseil d’État ou du Ministre de la Guerre, par exemple. Ce pouvoir supposé est en partie dû au fait que les épistoliers attribuent à Albert Londres la réforme de la transportation et des bagnes militaires, et donc de grands pouvoirs sociaux. Un épistolier écrit par exemple : « ayant pu apprécier vos remarquables articles sur le "Bagne" et "Biribi" qui ont permis de relever certaines erreurs sociales [...]25. » Mettant « son œuvre au service des malheureux, assassinés à tout moment », il a fait « connaître au public le régime honteux auquel, à [cette] époque, sont soumis certains hommes » ou encore il a travaillé à améliorer le sort « des victimes de tortionnaires dignes du Saint Office ». Pour certains autres, Albert Londres a toujours prouvé qu’il était prêt à « plaider pour les causes de l’humanité souffrante ». C’est pourquoi « [son] nom rayonne dans tous les foyers des opprimés ». Le reportage « À Biribi » est pour eux la preuve qu’il « connaît l’âme des malheureux » et « des petits ». Ainsi, le grand reporter a acquis au sein de son lectorat le statut de défenseur des opprimés.

Dans les tours les plus emphatiques, Albert Londres est élevé au rang « d’apôtre » dont « les bonnes paroles semées dans la foule porteront fatalement leur fruit », et est même considéré par un épistolier comme « une étincelle du grand immortel Victor Hugo – l’homme demi Dieu », ce qui ne fait plus de lui « un homme mais une Providence ». C’est pourquoi « tous les malheureux [le] bénissent et [le] vénèrent », et lui offrent toute leur confiance. Un détenu lui écrit : « j’ai confiance en vous » et ajoute : « j’ai foi en votre parole ».

Ainsi se dégage autour d’Albert Londres l’image de « redresseur de tort » dont parle Pierre Assouline dans sa biographie26, véritable Fandor incarné. Il n’est pas certain toutefois que tous les grands reporters aient fait l’objet de telles représentations de la part de leur lectorat ; des études complémentaires et comparatives seraient nécessaires pour mieux distinguer ce qui relève de la renommée propre à Londres de l’aura dont jouissent plus généralement les grands reporters. Il pourrait également être intéressant de vérifier si les reporters qui ne font pas d’enquêtes sociales sont aussi valorisés et appréciés de leurs lecteurs que ne l’était Londres.

Le pouvoir de la presse

En écrivant à Albert Londres, les épistoliers s’adressent à un journaliste, ce qui suppose que les lecteurs évoquent aussi en filigrane le lien qu’ils entretiennent plus généralement avec la presse. Ce corpus nous permet donc d’interroger ce rapport, et les effets qu’il induit : quels effets – d’adhésion et de conviction notamment – les reportages ont-ils sur leurs lecteurs ? Quels pouvoirs les scripteurs attribuent-ils à la presse ?

Les lettres à Albert Londres offrent en effet la possibilité de mesurer les effets sur les lecteurs du genre du reportage. Selon Myriam Boucharenc, les effets attendus du reportage consistent à informer, convaincre, divertir et émouvoir le lecteur27. La quasi-totalité des lettres à Londres portent les traces d’un ou de plusieurs de ces éléments, et permettent de confirmer les intentions de communication revendiquées par les lecteurs. Reprenons point par point les éléments identifiés par Boucharenc.

Le reportage a pour intention d’informer le lectorat. Les scripteurs semblent être dans une large majorité convaincus par le contenu informatif du reportage et par la précision de l’information. Un scripteur affirme que le reportage « Au bagne », est construit sur « une documentation complète et impartiale » ; un autre considère qu’Albert Londres a « vu et dépeint [...] clairement les lieux où geignent les humains ». Plusieurs autres épistoliers reviennent sur des informations contenues dans le reportage sans demander plus de précisions et cherchent à apporter des propositions pour améliorer le sort des détenus d’Afrique du Nord. Aussi, des scripteurs qui connaissent Biribi confirment la justesse de l’information contenue dans le reportage, même s’ils signalent que tout n’a pas été dit.

Le reportage doit également convaincre. Le fait que seules trois lettres soient des lettres critiques, qui émettent des doutes sur le contenu de l’information et sur les intentions de l’auteur permet de postuler l’adhésion générale des lecteurs au propos d’Albert Londres. Une des modalités de cette adhésion est l’appropriation par les scripteurs des termes et images utilisés dans le reportage. Par exemple, les scripteurs, reprenant et s’appropriant les termes du reporter, font de Biribi le lieu où atterrissent les jeunes issus de l’assistance publique, ces « pauvres petites êtres », ces « pauvres gosses » et ces « misérables abandonnés ». Aussi, l’auteur compare fréquemment les prisons militaires à l’enfer, conformément en cela à l’un des traits poétiques du grand reportage depuis la fin du XIXe siècle28. Or, le champ sémantique de l’enfer et de l’horreur parsème les propos de ceux qui parlent de Biribi, même dans les lettres de ceux qui ne sont ni prisonniers, ni proches de prisonniers. Certains d’entre eux parlent par exemple des surveillants comme des « tortionnaires digne du Saint Office », ou de Biribi comme une « géhenne », un lieu de « barbarie ».... De même, un des objectifs revendiqué par Albert Londres est de convaincre qu’il faut supprimer Biribi et son dernier article, du 10 mai 1924, est un plaidoyer en ce sens. Les lecteurs qui parlent du reportage adhèrent à sa proposition et la saluent.

Le reportage, enfin, doit divertir et émouvoir. Il semble que se soit cette intention de communication qui fonctionne le mieux dans ce reportage. L’émotion ressentie est, à maintes reprises, signalée par les scripteurs. Une épistolière raconte ainsi : « j’ai lu aussi avec émotion votre campagne des bagnes militaires et ceux que l’on nomme avec ironie, les Joyeux ». Cette émotion appelle à la compassion pour les prisonniers. Une autre correspondante écrit :

il y a quelques temps, j’ai lu dans le Petit Parisien, les articles relatant votre enquête "à Biribi". J’ai remarqué celui où vous parliez d’un jeune homme entraîné par de mauvais camarades et devenu voleur pour une fille de mauvaise conduite. Puisqu’il regrette de ne pas avoir de prêtre et qu’il voudrait avoir de meilleurs sentiments, je serais heureuse de correspondre avec lui, de l’encourager dans ses bonnes intentions.

L’émotion est souvent suscitée par l’indignation contre le système pénitentiaire. Un scripteur qualifie Biribi de « bagnes honteux pour la France ». Mais le reportage semble aussi remplir une vocation de divertissement, d’échappatoire – un mandat qui se distingue peut-être moins naturellement et que la correspondance peut aider à faire surgir. Un correspondant évoque certains souvenirs que les reportages « Au bagne » et « À biribi » lui ont rappelé : « vous savez merveilleusement évoquer pour l’homme qui a voyagé, le souvenir d’antan. »

Ces informations et ces réactions recueillies dans la correspondance au grand reporter permettent de conclure à l’efficacité du genre et à ses effets sur le lectorat. Le pacte fonctionne bien et les lecteurs manifestent des appropriations diversifiées mais toujours sensibles de ces reportages d’Albert Londres. Implicitement, les correspondants affirment et confirment ainsi le pouvoir de la presse sur ses lecteurs, sa capacité qu’ils lui reconnaissent à influencer la société.

Une « campagne » — le terme est utilisé plus fréquemment que celui d’enquête ou de reportage — a, selon les épistoliers, des effets concrets sur le cours des événements, les institutions ou les individus. Ainsi, la plupart des demandes formulées s’accompagnent-elles du souhait que les problèmes exposés soient résolus par une enquête dans les colonnes du Petit Parisien. Une femme, dont le mari déserteur travaille dans des ateliers de travaux publics, demande au reporter : « si vous pouviez mener une petite campagne dans le Petit Parisien, peut-être que l’on me rendrait mon mari. » Si la presse a tant de pouvoir, c’est qu’elle médiatise les situations ; « il serait grand temps qu’un tel état des choses soit au grand jour », écrit un épistolier qui raconte les atrocités du bat’ d’Af’. Cette médiatisation est la seule susceptible, selon ces lecteurs, de provoquer un changement bénéfique et une prise de conscience. Un épistolier sollicite ainsi Albert Londres pour qu’il réalise un reportage sur les asiles de fous : « une enquête est nécessaire avec toute la publicité propre à déclencher l’intervention du Parlement et l’élaboration d’un statut plus moderne et plus humain. » Parce que la presse est censée jouer son rôle de médiation et donner la parole à ceux qui ne l’ont pas auprès des institutions, un père de famille déjà évoqué, qui se plaint de l’instituteur de son village, explique : « malgré nos maintes réclamations, demandes d’enquêtes, l’inspecteur d’académie de l’Aube nous rejette la responsabilité à nous parents [...] et bien que les autorités [soient] au courant de notre protestation [elles] ne font rien pour changer l’état des choses actuel » ; puis le correspondant demande à Albert Londres d’intervenir directement. La presse est pour ces lecteurs de reportages une instance de dernier recours, une force qui peut interpeller l’autorité. Après avoir expliqué que personne n’a répondu à ses multiples requêtes, un homme écrit : « Je vous demanderais d’autres part de bien vouloir poser au Ministre par voie de Presse la question suivante : Pourquoi les hommes de la 2e escadrille du 37e d’aviation de Taza réintégrable ou plutôt rapatriable en France après 24 mois de présence effectif au Maroc ne le sont-ils pas ? »

La presse est perçue par les épistoliers comme un outils efficace, le lieu où peuvent s’exprimer à la fois les problèmes, qu’ils soient sociaux ou plus personnels, et leurs solutions. Elle fait émerger dans l’espace public les sensibilités, les inconforts et les malaises que les lecteurs peuvent ressentir face aux instances décisionnelles et aux institutions. Ainsi les épistoliers viennent-ils chercher auprès Albert Londres ce qu’ils ne parviennent pas à obtenir ailleurs : un confident, quelqu’un à qui se raconter, une source de renseignements administratifs, un défenseur, un juge... Le reporter est un être protéiforme, sensible à toutes les situations, par nature curieux des réalités ; son reportage, fondé sur des qualités de transparence et de restitution fidèle de la réalité, fonctionne alors comme une garantie que le correspondant sera compris et entendu. En s’adressant au reporter, le lecteur fait appel à l’être sensible qu’il a reconnu dans le reportage, à cette figure familière qu’il lui semble déjà connaître personnellement.

(Université de Paris 1)

Notes

1  Christophe Charle, Le siècle de la presse (1830-1939), Paris, Seuil, 2004.

2  Judith Lyon-Caen, La lecture et la vie. Les usages du roman au temps de Balzac, Paris, Tallandier, 2006. Dans cet ouvrage, l’historienne, qui travaille sur les lettres de lecteurs à Balzac et Sue, explique que « la "lettre à l’écrivain" constitue une pratique relativement courante dès les premières décennies du XIXe siècle » (p. 21). Les méthodes d’analyse des lettres à Albert Londres mises en oeuvre dans le présent article doivent beaucoup au travail mené dans ce riche ouvrage de Judith Lyon-Caen.

3   C’est en tout cas ce que nous invite à penser Judith Lyon-Caen : « la plupart du temps, [...], les lettres de lecteurs ordinaires ont été jetées — par les écrivains ou leurs héritiers » (ibid, p. 21).

4  L’association du prix Albert Londres a déposé l’ensemble des archives du journaliste, constitué par sa fille dès sa mort aux Archives Nationales de France. Le fonds est côté 76 AS. Les lettres se trouvent dans le carton 76 AS/2.

5  Pour une biographie complète d’Albert Londres voir Pierre Assouline, Albert Londres, vie et mort d’un grand reporter 1884-1932, Paris, Balland, 1989.

6  Un sur le tour de France de l’été 1924, l’autre sur les événements en Syrie en 1926 et le dernier à propos du lendemain des journées sanglantes de Varsovie en 1926.

7  Cité par Pierre Assouline, ibid, p. 426.

8  Albert Londres, « Terres d’ébène », Le Petit Parisien, 12 octobre au 11 novembre 1928.

9  Myriam Boucharenc, L’écrivain reporter au cœur des années trente, Villeneuve d’Ascq, Presse universitaire du septentrion, 2004, p. 100.

10  Ainsi signe-t-il une série d’articles sur le bagne en 1923, sur Biribi en 1924 et sur les asiles de fous en 1925, autant d’institutions qui existent depuis fort longtemps et où aucun événement particulier n’a lieu lorsqu’il décide d’y enquêter. De la même façon, aucun des reportages suivants n’a de lien avec l’actualité brûlante : à l’été 1926, il publie dans une série de 12 articles un portrait de Marseille ; en 1927 il rédige un reportage sur le bagnard Dieudonné, alors que sort son ouvrage Le chemin de Buenos Aires, la traite des Blanches ; de mi-octobre à mi-novembre 1928 il publie 25 articles sur l’Afrique Noire ; fin 1929 paraît enfin une série intitulée « Le drame de la race juive : des ghettos d’Europe à la Terre promise ».

11  En 1923, il est par exemple invité à un débat sur la transportation, organisé par la Société générale des prisons et de législation criminelle. Voir les retranscriptions de ce débat dans la Revue pénitentiaire et de droit pénal, 3ième trimestre 1923.

12  Pierre Assouline le confirme, « le tirage du journal ne cesse d’augmenter au fur et à mesure de la parution des vingt-six articles [de la série "au bagne"] » (op. cit., p. 301).

13  À partir du reportage « Au Bagne », les séries d’Albert Londres sont publiées sous forme d’ouvrage, d’abord dans la collection des Grands reportages chez Albin Michel puis dans d’autres éditions. Les papiers Albert Londres des Archives nationales, notamment le carton 76 AS/1, comptent de nombreux courriers signalant les sommes qu’il va recevoir pour la réédition de tel ou tel ouvrage.

14  AN, 76 AS /2 : en 1932, Albert Londres touche encore des droits de traduction pour l’ouvrage Au bagne, en allemand et en espagnol.

15  « Quelques années plus tard, Au bagne sera adapté au théâtre et joué au Nouvel-Ambigu. Un jour, un cinéaste envisagera même de le réaliser sous le titre Adieu Cayenne », (Assouline, op. cit.,p. 337).

16  Myriam Boucharenc, op. cit. Sur les origines du genre, voir Marie-Eve Thérenthy, La littérature au quotidien. Poétiques journalistiques au XIXe siècle, Paris, Seuil, 2007.

17  Certains scripteurs signalent avoir déjà écrit alors qu’une seule lettre à leur nom figure dans le fonds. Aussi, en septembre 1924, Albert Londres publie une lettre que des prisonniers militaires lui ont adressée, or, celle-ci ne figure pas non plus dans le carton d’archives.

18  Une étude de l’ensemble des courriers est en cours et mènera à une publication commentée d’une sélection de lettres, l’Association du prix Albert Londres a donné son accord à cette entreprise.

19  Il serait intéressant de comparer la réception d’un reportage suivant la forme sous laquelle il a été publié.

20  Albert Londres n’avait pas ou ne respectait pas de contrat d’exclusivité, il semble avoir écrit parfois quelques articles épars pour des journaux et revues variés.

21  « À Biribi chez les pégriots » puis « À Biribi avec les pégriots », Le Petit Parisien, 19 avril au 10 mai 1924, sauf les 24 et 30 avril. Pour l’explication sur le changement de titre voir Valériane Milloz, Un objet, des discours: les établissements pénitentiaires militaires d’Afrique du Nord, 1923-1925, Mémoire de master 2 (Dominique Kalifa, dir.), Université Paris1 Panthéon-Sorbonne, 2008, p.107 et suivantes.

22  Pour plus de précision sur ce thème voir Dominique Kalifa, Biribi. Les bagnes de l’armée française, Paris, Perrin, 2009 et Valériane Milloz, op. cit..

23  Il est difficile, à la lecture des lettres, de déterminer si les scripteurs ont le sentiment d’accomplir un acte incongru lorsqu’ils prennent la plume pour écrire à Albert Londres. Les marques les plus fréquentes qui tendraient à postuler en ce sens se trouvent en général dans les formules de politesse telles que : « je vous prie de bien vouloir me pardonner de la liberté que je prends [...] ». L’aspect très formel de ce type de formules, ne permet pas, selon nous, d’en arriver à de telles conclusions.

24  Cet ancien détenu évoque le mois d’avril 1924, qui est non pas celui où il a rencontré le reporter mais celui où est paru l’article dans lequel Albert Londres parle de lui.

25  Dans un cas comme dans l’autre, si Albert Londres participe à l’accélération de ces réformes, il n’en est pas à l’origine. Cf. Valériane Milloz, ibid.  p.208 et p. 187-193.

26  Pierre Assouline, op. cit., p. 373.

27  Myriam Boucharenc, op. cit., p.124.

28  À ce propos voir Marie-Ève Thérenty, « Dante reporter. La création d’un paradigme journalistique », Autour de Vallès, no 38, 2008, p. 57-72.

Pour citer ce document

Valériane Milloz, « Les représentations du grand reporter par ses épistoliers : le cas d’Albert Londres», La lettre et la presse : poétique de l’intime et culture médiatique, sous la direction de Guillaume Pinson Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/la-lettre-et-la-presse-poetique-de-lintime-et-culture-mediatique/les-representations-du-grand-reporter-par-ses-epistoliers-le-cas-dalbert-londres