La Bibliothèque mobile de littérature québécoise réédite le roman de Madeleine, Anne Mérival, paru en 1927, et qui met notamment en scène les milieux journalistiques montréalais.
À l’automne 1927, la femme de lettres Madeleine fait paraître un roman-feuilleton dans La Revue moderne, un magazine qu’elle a fondé quelques années auparavant. Celle que le critique et historien de la littérature Camille Roy nomme la « reine incontestée au royaume de la chronique féminine » fait ici un pari audacieux : transposer les codes du récit sentimental mondain français dans le contexte québécois du début du XXe siècle. L’histoire se déroule en 1914, dans les rues et les salles de rédaction de Montréal, loin des forêts et des champs ardemment loués par les chantres du courant régionaliste qui domine la littérature québécoise d’alors. On y suit Anne, jeune journaliste éprise d’amour et d’eau fraîche, certes, mais qui rêve aussi d’une brillante carrière. Un dilemme apparaît dès les premières pages : l’héroïne acceptera-t-elle de se marier à son fiancé de toujours, Jean, et ainsi d’abandonner ses ambitions professionnelles ?
À sa manière, Madeleine rejoue les conventions esthétiques du roman canadien encore hanté par la figure de Maria Chapdelaine. L’histoire d’amour initiale, celle d’Anne et de Jean, est rapidement tenue en échec par le talent et la renommée de l’héroïne qui triomphe dans les salons mondains comme dans les réunions publiques. Auréolée de succès, la femme de lettres fictive ne peut se résoudre à la perspective du retour à Clair-Ruisseau, village natal synonyme d’un mariage que le personnage repousse de page en page. Il faut dire qu’une autre silhouette se dessine dans le cœur d’Anne, et il faudra attendre le déclenchement de la guerre, puis un véritable coup de théâtre romanesque, pour que se concrétise la voie d’un compromis entre réussite professionnelle et réussite amoureuse.
Misant sur un personnage féminin fort qui cherche à exister autant dans le regard des hommes que pour lui-même, Anne Mérival fait défiler une galerie de figures qui incarnent, chacune à leur manière, un modèle à suivre : l’artiste Henriette, dont la fin tragique ne peut que sublimer l’idéal amoureux ; la loyale Claire, dont le féminisme subjugue autant qu’il inquiète la protagoniste ; Henri, le compagnon de plume ; et Paul Rambert, personnage à l’aura sans aucune autre pareille qui fascinera Anne dès leur première rencontre. Femme d’idée et femme de presse, Madeleine tire les ficelles et profite des rencontres des uns et des désillusions des autres pour infuser dans le roman sa vision d’un monde en plein changement. L’art et la littérature, le féminisme et la place des femmes dans la société, l’amour de la patrie et la fascination pour la France sont autant de sujets qu’aborde à l’oblique la romancière dans ce texte qui constitue un des plus importants témoignages littéraires de la vie culturelle montréalaise du début du XXe siècle.
On trouvera le texte du roman et les notes bibliographiques à cette adresse :
https://www.bibliotheque-mobile.quebec/fiche/madeleine-anne-merival#description
Référence bibliographique :
Madeleine, Anne Mérival, Québec, Codicille éditeur (« Bibliothèque mobile de littérature québécoise »), 2024, https://doi.org/10.47123/KQIG7885. (ISBN : 978-2-924446-36-2)