American Mysterymania

Fantasmes de lecture dans Les Mystères de Paris d’Eugène Sue

Table des matières

CAROLYN BETENSKY

Dans sa biographie de Sue et son introduction aux Mystères de Paris, Jean-Louis Bory déclare que le roman est le produit d’une collaboration entre son auteur et ses correspondants de la classe ouvrière; et selon lui, un tel effort conjoint aurait nourri, voire provoqué la Révolution de février 1848. À la suite de Bory, les chercheurs ont essayé de déterminer en quoi le roman peut être perçu comme une œuvre collaborative et dans quelle mesure on peut lui accorder d’avoir déclenché le grand soulèvement populaire1. La caractérisation que Bory établit du lectorat des Mystères et de son potentiel politique est à l’origine d’importantes études, telles celles de Louis Chevalier, Umberto Eco et Peter Brooks. Plus récemment, des chercheurs, en particulier Brynja Svane et Christopher Prendergast, ont examiné les données de la réception de plus près et ont remis en question l’identification des correspondants de Sue avec la classe ouvrière ou les couches populaires. Prendergast, notamment, se montre sceptique quant à la possibilité d’établir une relation causale directe entre le roman et les soulèvements de 1848. Inversement, d’autres chercheurs (dont Jean-Pierre Galvan, Judith Lyon-Caen, et dans une certaine mesure Claire Parfait) défendent la thèse selon laquelle cette association par-delà les frontières de classes a joué un rôle majeur dans la production du roman. Galvan et Dominique Jullien, parmi d’autres, continuent à mettre en avant le lien existant entre Les Mystères de Paris et « l’esprit de 1848 »2.

Dans le présent essai, je me tourne une fois de plus vers les déclarations de Bory concernant l’identité des lecteurs et coauteurs supposés de Sue, ainsi que l’impact politique de leur lecture du roman. Plutôt que de chercher à démêler qui furent réellement les correspondants de Sue et s’ils eurent réellement une influence non négligeable sur le processus d’écriture du roman, ou encore si ces partenaires apparemment issus de la classe ouvrière contribuèrent à déclencher ou dessiner les événements de 1848, j’aimerais envisager la manière dont ces questions qui occupent la critique reflètent elles-mêmes, et répètent en quelque sorte, ce que le roman produit sur le plan culturel. Comme l’a montré Prendergast, les conditions de production et de réception du roman en font un cas exemplaire non seulement pour l’histoire du livre et la sociologie de la lecture, mais aussi pour l’étude des engagements politiques et culturels des vingtième et vingt et unième siècles. Pourquoi faut-il déterminer avec exactitude si les correspondants de Sue étaient principalement des ouvriers et artisans ou des bourgeois? Pourquoi faut-il savoir si ces correspondants eurent une influence mesurable sur le roman de Sue? Enfin, pourquoi les chercheurs se montrent-ils si soucieux d’attribuer l’autorité de la Révolution de février 1848 à Sue et à ses correspondants?

Il va sans dire que le souci qui m’anime lorsque je m’interroge sur l’enjeu de ces questions ne signifie pas que les réponses qu’on leur apportera constituent un objet de recherche inutile ou sans pertinence. J’aimerais néanmoins souligner que la place centrale de ces questions dans tant de travaux universitaires, ainsi que la fréquence avec laquelle elles reviennent, devraient susciter une réflexion approfondie. À l’époque de Sue, signaler la composante ouvrière ou populaire de son lectorat et suggérer que de tels lecteurs aient joué un rôle dans la production du roman revenait à discréditer l’auteur et à remettre en question son autorité, ainsi que le mérite de son œuvre. De nos jours, on affirme le contraire. Admettre que les lecteurs de Sue provenaient principalement des classes populaires et leur reconnaître un rôle significatif dans la composition des Mystères de Paris revient en effet à les magnifier et à renforcer la crédibilité et l’importance de Sue et de son roman3. Que cherche-t-on à affirmer exactement lorsqu’on lit un roman, ne serait-ce que partiellement, à travers ses lecteurs supposés? Quelle valeur confère-t-on aux lecteurs dès lors qu’on reconnaît en eux des auteurs, et quelle valeur confère-t-on aux auteurs lorsqu’on les identifie à leurs lecteurs? Que symbolisait – ou que symbolise toujours – l’assignation à une classe sociale spécifique au sein de systèmes critiques de classification et de valeur littéraires? Dans quelle mesure la lecture en tant qu’activité peut-elle devenir, implicitement, un lieu porteur d’espoir, d’inquiétude et de désir?

Ces questions, qui tiennent à la réception du roman et au potentiel que la lecture de ce dernier libère chez ses lecteurs, supposent le désir idéalisé d’un certain type d’auteur, lequel est aussi désir idéalisé d’un certain type de lecteur. Comme l’explique Michel Foucault dans son essai « Qu’est-ce qu’un auteur? », l’être que nous nommons « l’auteur » est le dépositaire commode de tout un faisceau de désirs. « L’auteur » est tout à la fois une construction, une projection et l’objet d’un fantasme collectif. Quand les chercheurs passent la correspondance de Sue au peigne fin en quête de quelque indice concernant l’influence que ses lecteurs auraient eue sur lui et lui sur eux, ce qui ressort de cette quête est d’abord la projection d’un désir collectif. Alors que pour Foucault la fonction-auteur est avant tout un principe de classification permettant de hiérarchiser textes et savoirs et de conférer de la valeur à certains plus qu’à d’autres, la fonction-auteur constitue, dans le cas de Sue et des Mystères, un faisceau de désirs différent. Elle fonctionne plutôt comme principe d’investissement en un pouvoir exécutif omniscient, en un sujet pleinement capable d’agir. La version que donne Sue de la fonction-auteur, à l’image de son protagoniste Rodolphe, permet de concrétiser des fantasmes en ce que l’auteur passe de l’idée à sa réalisation et fusionne si parfaitement avec ses lecteurs qu’il peut désormais les lire, les absorber et contrôler leur comportement4. Tout naturellement, ce désir d’un certain type d’auteur suppose en même temps le désir d’un type particulier de lecteur, un lecteur capable de faire une lecture suivie, prévisible, moins nuancée, mais aussi plus orientée vers l’action que celle du lecteur réel, car le lecteur réel est affranchi de toute promesse que l’émotion produite par le roman devrait logiquement provoquer5.

Que Les Mystères de Paris mettent en scène un scénario du type « pour le peuple, par le peuple » n’est pas une coïncidence au regard des pouvoirs potentiels de la narration. Le roman pose en fait les mêmes questions que posent ceux qui cherchent à définir l’identité des lecteurs des Mystères de Paris et les conséquences de leur lecture. Tout au long du roman, Sue explicite en effet l’intérêt qu’il porte à la manière dont les classes sociales se transforment au contact les unes des autres et sont en retour transformées par leur expérience qu’elles font du récit. La capacité des récits à captiver et pacifier leur auditoire semble de plus exercer une certaine fascination sur lui. C’est particulièrement le cas pour la scène où Pique-Vinaigre raconte son histoire à la prison de la Force, mais cette tendance est aussi au cœur du projet de réhabiliter Clémence d’Harville que poursuit Rodolphe. Pour autant, bien plus que ces cas explicites qui attestent d’une volonté de discipliner, contrôler et orienter autrui, Sue s’intéresse plus généralement aux pouvoirs transformateurs du récit. Sur le plan idéologique, bien que Sue offre à ses lecteurs, dans Les Mystères de Paris, un faisceau de fantasmes visant l’accomplissement de leurs désirs, ces fantasmes ne relèvent pas seulement des domaines de la philanthropie et du contrôle social, contrairement à ce qu’affirment Marx et Engels, et ne se situent pas d’abord, contrairement à ce que prétend Eco, au double niveau de la clôture narrative et de la satisfaction des attentes (du lectorat)6. Ce que Sue offre à ses lecteurs, de manière significative, ce sont aussi des fantasmes concernant les pouvoirs de la littérature et, plus précisément, de la lecture, comme activité capable de provoquer un changement social. Ces fantasmes concernent donc la valeur des compétences de ses lecteurs en tant que lecteurs, et la possibilité de configurer, ou tout du moins de faire naître chez le lecteur populaire, une subjectivité qui se projetterait de manière bienveillante sur l’intériorité d’un sujet bourgeois idéalisé7. Enfin, l’un des succès idéologiques des Mystères de Paris est la manière dont le roman réussit à s’écrire, puis à orchestrer sa circulation et sa réception comme quelque chose de monumental. Aux côtés d’autres romans du dix-neuvième siècle que, de manière anachronique, l’on pourrait qualifier d’« engagés », le roman de Sue contribua à former l’idée, peut-être irréaliste, que nous nous faisons des récits engagés et de leur impact tangible sur les questions sociales8.

Retour sur la lecture : le lecteur enrôlé  

Avant de poursuivre plus avant, j’aimerais préciser ce que j’entends par « lecture » dans cet essai. Ma vision de ce que peut produire la lecture au niveau culturel dans Les Mystères de Paris se fonde sur une source théorique majeure, probablement peu connue des chercheurs en littérature française. Dans Dear Reader : The Conscripted Audience in 19th-Century British Fiction, Garrett Stewart avance l’idée que les romans de l’époque victorienne figurent dans leurs pages des scènes de lecture explicites et métaphoriques qui mettent en forme et guident la réponse du lecteur, médiatisant ainsi une emprise idéologique par le biais de la lecture littéraire. Selon Stewart, le lecteur est un sujet dont l’être même et la participation sont à la fois convoqués et exigés dans l’expérience de lecture. À la différence du « lecteur tacite » que Booth et Iser contribuèrent à conceptualiser, ou du « lecteur idéal » de Riffaterre, le lecteur conscrit/enrôlé est intégré au roman même qu’il lit : « le lecteur n’est pas seulement celui à qui l’on raconte, mais aussi celui qui est raconté » dans le texte même9 :

In the event of a reading, fictional structure commandeers a response that it may also structure in replica as a described event.  The rhetoric of narration passes thereby to the narration of rhetorical efficacy itself.  Whether through direct address or structural parallel, at such times you as reader are not simply inscribed by prose fiction.  Instead, as member of an audience, your private reading – along with that of every other reader – is actually convoked and restaged, put in service to the text.  Either as an identifying notation or as a narrative event, this reading in of your reading – or of you reading – is what I mean by the notion of a conscripted response10.

[Dans l’acte de lecture, la structure fictionnelle exige une réponse qu’elle peut incorporer comme image dans un événement décrit. La rhétorique de la narration cède dès lors le pas à la narration de l’efficacité rhétorique elle-même. Que cela se fasse par le biais d’interventions directes ou de parallélismes de structure, dans de telles instances, vous, en tant que lecteur, n’êtes pas simplement inscrit par/dans la fiction. En tant que membre d’un lectorat, votre lecture personnelle – ainsi que celle de chaque autre lecteur – est en fait convoquée et mise en scène, au service même du texte. Qu’elle constitue un élément permettant l’identification ou bien un événement narratif, cette lecture de votre propre lecture – ou de vous-même dans l’acte de lecture – est ce que j’entends par réponse conscrite.]

Les lecteurs participent ainsi au processus par lequel ils sont eux-mêmes transformés en sujets lisant, non seulement en se soumettant volontairement à la lecture, mais aussi en suspendant la conscience qu’ils ont de leur propre participation à cet acte. Un élément de non-reconnaissance est inscrit au cœur même de l’inscription du lecteur dans le roman.

Dans l’analyse que fait Stewart des romans « classiques » britanniques du dix-neuvième siècle, lesquels partagent nombre de traits distinctifs avec les romans français de la même période, la conscription du lecteur se fait par le biais de l’apostrophe (« Cher lecteur »), de même que par le recours à l’analogie et à la parabole. Bien que le lecteur soit régulièrement interpellé dans le roman – notamment à travers un nombre important d’apostrophes le flattant et le remerciant à l’avance de remplir sa fonction, qui consiste à se soumettre à la lecture du roman – ma propre lecture des Mystères de Paris se fonde davantage sur le mode de conscription parabolique mis à jour par Stewart. Celui-ci fournit une longue liste de topoï qui contribuent à inscrire de manière subtile, mais continue, l’image de l’acte de lecture dans le texte :

the oral recitation of biographical story (Dickens) ; the global trope of life as an inwardly audited silent tale (Charlotte Brontë) ; the world stage as itself an epitomizing volume of human effort, foible, and defeat (Thackeray, Meredith, Schreiner, Hardy) ; the posthumous intensity of expressive impulsive released from all textual encumbrance (Eliot); or, increasingly toward the end of the Victorian century, all manner of vicarious, voyeuristic, mesmeric, and vampiric phenomena in which psychic usurpation, somatic doubling, or perversely gendered otherness doubles for the aesthetic distance – and transacted gap – between reader and read11.

[La récitation orale de récits biographiques (Dickens); le trope de la vie comme conte silencieux que l’on écoute intérieurement (C. Brontë); la scène du monde comme volume illustrant les efforts, obsessions et échecs propres à l’homme (Thackeray, Meredith, Schreiner, Hardy); l’intensité posthume d’une force expressive impulsive libérée de tout fardeau textuel (Eliot); ou encore, de plus en plus vers la fin de l’époque victorienne, toutes sortes de phénomènes par procuration, voyeurisme, hypnotisme, ou vampirisme, dans lesquels l’usurpation psychique, le dédoublement somatique ou l’altérité sexuée constituent un double de la distance esthétique – et de l’écart négocié – entre lecteur et lecture.]

J’ai cité cette liste de scènes de métalecture sur lesquelles travaille Stewart afin de rendre compte de la variété des formes que peuvent prendre de telles paraboles qui, bien qu’implicites, n’en demeurent pas moins récurrentes. J’aimerais ainsi souligner la présence de tropes similaires dans le roman de Sue. Dans Les Mystères de Paris, de telles scènes de lecture mises en abyme, qui ne sont pas reconnues comme telles, constituent davantage des scènes d’exégèse plutôt que de lecture à proprement parler – bien que l’acte de lecture apparaisse de manière significative tout au long du texte. Le lecteur conscrit des Mystères de Paris se trouve face à des paraboles qui désignent différents types de lectures et de lecteurs, chacune répétant et affirmant ainsi avec plus de vigueur la valeur de la lecture elle-même. Par le biais de ces paraboles, le lecteur en vient à percevoir sa propre lecture comme quelque chose ayant autant de valeur dans le monde extérieur au roman que ce qui lui est montré à l’intérieur. Sa valeur désormais naturalisée et présentée comme allant de soi, la lecture devient en dernier lieu, en soi, une forme de réponse aux problèmes rencontrés dans le monde.

La réception des Mystères de Paris 

Aussi sceptique qu’il soit, Prendergast reconnaît que le lectorat des Mystères de Paris fut immense et peut-être sans précédent. Bien qu’il remette en question la validité des témoignages et des documents d’archives sur lesquels se fonde la thèse de la composante ouvrière du lectorat, il admet que nous disposons d’informations relatives à la circulation du roman provenant d’archives liées à la publication qui laissent entendre que Les Mystères de Paris touchaient un très grand nombre de lecteurs. Le Journal des débats vit son nombre d’abonnés s’enrichir de milliers de lecteurs grâce aux Mystères de Paris et, par la suite, plus de 60 000 exemplaires du roman, de formats variés et publiés dans des maisons d’édition différentes, furent lancés en concurrence sur le marché en France et en Belgique. Prendergast mentionne l’estimation établie par Pierre Orecchioni à partir de ces statistiques, et d’autres encore, selon laquelle le roman aurait eu entre cinq et dix fois plus de lecteurs en France que le nombre d’abonnements ou d’impressions le laisserait d’abord supposer, avoisinant un total de 400 000 à 800 000 lecteurs12. Pourtant, la réputation légendaire des Mystères de Paris comme étant un roman « pour le peuple, par le peuple », ainsi que le comprirent Bory, puis Chevalier par la suite, se fonde moins sur de telles statistiques que sur un nombre important de témoignages d’époque, qui attestent du large éventail de lecteurs dont le roman jouissait, et sur un dépôt secret abritant la correspondance de Sue et de ses lecteurs. C’est en grande partie sur les éléments révélés par cette correspondance, publiée récemment dans un recueil édité par Galvan, que les chercheurs ont fondé leur thèse concernant l’origine sociale des lecteurs de Sue.

La première expression du souci de déterminer à la fois qui lisait Les Mystères de Paris et ce que produisait cette lecture date de l’époque même où le roman se publiait encore en feuilleton. Si l’on suit l’argument de Judith Lyon-Caen selon lequel les inquiétudes relatives au potentiel subversif du roman-feuilleton en France précédèrent de loin celles que suscita le roman de Sue, on est en mesure d’affirmer que Les Mystères de Paris ont désamorcé des appréhensions préexistantes concernant les lecteurs de la classe ouvrière. Les témoignages attestant de la popularité des Mystères de Paris sont innombrables et un grand nombre de sources insistent tout particulièrement sur ses lecteurs populaires, avec crainte ou dédain la plupart du temps, mais parfois aussi avec surprise ou approbation. Certains contemporains, comme Barbey d’Aurevilly, affirment que l’on trouve par exemple des cochers ou des ouvriers lisant « avec ivresse et dans l’ivresse et pour des raisons qui n’ont rien de littéraire13 ». Théophile Gautier rapporte que même ceux qui ne savent pas lire ont accès au roman et en connaissent bien les personnages : « Les gens qui ne savent pas lire se sont fait réciter Les Mystères de Paris par quelque portier érudit et de bonne volonté; les êtres les plus étrangers à toute espèce de littérature connaissent la Goualeuse, le Chourineur, la Chouette, Tortillard et le Maître d’École ». (Il ajoute même, comme on le sait, que les mourants retenaient leur dernier souffle, soucieux qu’ils étaient de connaître le dénouement des différents fils de l’intrigue, et que la Mort elle-même dut se plier au calendrier des publications de Sue)14. Le critique littéraire le plus influent de la période, Sainte-Beuve, va dans le même sens lorsqu’il déclare en 1843 que chaque fois que Sue ne publie pas un épisode comme prévu et laisse passer un jour, autant les femmes des classes supérieures que leurs femmes de chambre s’indignent jusqu’à ce qu’il fasse savoir à ses lecteurs qu’il n’était pas dans son assiette15. Sainte-Beuve, notons-le, est l’un des premiers contemporains à attester l’existence d’une correspondance volumineuse entre Sue et ses lecteurs.

Lyon-Caen a défendu l’idée selon laquelle on comprend mieux la réception des Mystères de Paris lorsqu’on les replace dans le contexte historique spécifique de la culture du roman français. Évoquant des critiques tels Alfred Nettement qui écrit en 1841 que le roman-feuilleton est, depuis son lancement dans les années 1830, profondément contraire à la cohésion sociale, elle affirme : « Si le roman vise une consommation de masse et emprunte des voies de circulation inédites, sa nocivité change de nature : il ne corrompt plus seulement les individus, mais menace aussi l’ordre social tout entier. C’est au nom d’un tel raisonnement que le roman-feuilleton devient, au cours des années 1840, une affaire d’ordre public16 ». Avant même les bouleversements de 1848, le Baron de Chapuys-Montlaville, représentant de Saône-et-Loire, fait part de ses inquiétudes vis-à-vis du roman-feuilleton devant la Chambre des députés, montant une campagne contre lui17. Son aversion pour le roman-feuilleton se fonde sur la manière dont ce dernier laisse libre cours à un mauvais goût littéraire en affichant une tendance certaine à promouvoir l’immoralité, etc., mais ce qui l’inquiète davantage, ce sont les effets nocifs qu’aurait le roman sur la fabrique sociale, plus particulièrement la façon dont il « déclasse » (ou « surclasse ») ses lecteurs des couches populaires : « On se persuade trop dans les campagnes et dans les ateliers que l’égalité consiste à porter le même habit que son voisin, et à lui être semblable par la fortune. Ce n’est pas la richesse qui fait et donne le rang dans ce pays; c’est l’intelligence, la probité et le travail18 ». En associant l’accès à la lecture au comportement « déclassé » qui s’ensuivrait, Chapuys-Montlaville établit une correspondance directe entre la consommation du roman-feuilleton par les couches populaires et la déchéance absolue – voire pire encore :

Il leur faut de la lumière, de l’éclat, de la puissance, des plaisirs, de l’or, et c’est pour cela qu’ils accumulent effort sur effort pour sortir de la condition de leur père et s’élever vers les sommités; et comme chez la plupart les forces manquent à de tels desseins, ils retombent épuisés, ou bien ils se jettent dans les partis extrêmes et cherchent à ébranler les bases d’une société qui n’a pas été assez généreuse pour leur donner à chacun des portefeuilles et des millions19.

Il est significatif que l’idée selon laquelle la lecture des Mystères de Paris pouvait mobiliser les lecteurs contre la propriété privée ne provienne pas d’une quelconque célébration parmi les révolutionnaires et les adeptes de la littérature populaire, mais ressemble fortement à un mouvement de panique conservateur20. Car s’il est vrai que tout le monde lit le roman, les lecteurs populaires, en particulier, alarment les contemporains, surtout en réaction à la perspective que soulève Chapuys-Montlaville selon qui de tels lecteurs sont fatalement en voie de radicalisation politique.

Le fantasme d’un lectorat ouvrier mobilisé ne se cristallise donc pas à la suite de la Révolution de février 1848. Comme nous pouvons le voir, bien au contraire, ce fantasme précède toute mobilisation supposée. En d’autres termes, le fantasme selon lequel les réactions aléatoires du lectorat peuvent être anticipées et contrôlées est en place avant même que le roman et la Révolution ne voient le jour. Le fait que ce fantasme, doublé de frayeur, d’un lectorat populaire mobilisé se manifeste avant que ne se produise l’événement fantasmé et craint tout à la fois nous permet de comprendre comment l’attribution de ce type d’autorité politique à Sue satisfait un besoin culturel préexistant qui en appelle à un Auteur à même de comprendre, représenter, interpréter, contrôler et provoquer les masses;  préexiste aussi l’idéal d’un lectorat de masse que l’on pourrait toucher et guider par le biais d’un mécanisme, cette fois culturel, plutôt que purement répressif. Étant donné ce fantasme d’un lectorat ouvrier puissant et celui, sous-jacent, d’une littérature capable dans une certaine mesure d’orchestrer une telle mobilisation, comment ne pas accuser Sue d’avoir fomenté la Révolution de février 1848 et d’avoir contribué à l’éclipse de la Seconde République21 ? De plus, face à l’attrait que continue d’exercer ce fantasme concernant les pouvoirs de la littérature, comment ne pas attribuer de nos jours l’autorité partielle de cette même Révolution à Sue?

Quand les concepts de lecture et de sujet extratextuel s’accordent de manière si évidente, comme si l’un supposait l’autre, les spécialistes des Mystères de Paris trouvent un terrain d’entente, quand bien même ils seraient en désaccord. Les critiques de Sue du dix-neuvième siècle et ses admirateurs du vingt et unième siècle s’accordent alors d’une seule et même voix. Chaque camp s’entend pour reconnaître le pouvoir et le champ d’action des auteurs et des lecteurs. C’est pourquoi, malgré les politiques paternalistes et réactionnaires qui abondent dans le roman, la présence d’éléments servant des intérêts explicitement bourgeois n’est en fin de compte que de peu de poids dans le cadre d’une étude idéologique du roman. Les représentations que donne Sue de la lecture, et les allégories auxquelles le roman a recours pour la désigner, fondent de manière cruciale l’intérêt idéologique du roman, et ce bien plus que les politiques disciplinaires et philanthropiques qui y sont affirmées explicitement.

Dans la section suivante, je me concentre sur deux illustrations de l’acte de lecture dans le texte. Je commence par une analyse de l’épisode qui a lieu dans la prison de la Force, avant d’envisager le rôle subtil joué par la lecture dans certains épisodes mettant en scène le Prince Rodolphe de Gerolstein, tapi dans l’ombre, tel un double du lecteur. Entreprendre une étude de la lecture, qui occupe d’ailleurs une place centrale tout au long du roman, nous permet de prendre pleinement conscience de la façon dont cette dernière sert de médiateur entre les divisions de classe qu’elle contribue à neutraliser et à remettre en question.

La lecture en action

Les longs chapitres des Mystères de Paris qui se tiennent dans la prison de la Force font partie des plus riches en suspense22. François Germain, jeune employé au sein de l’étude du sadique notaire Jacques Ferrand, est envoyé en prison suite à l’acharnement de ce dernier qui l’accuse d’un vol qu’il n’a pas commis. Malgré les recommandations de Rigolette, la jeune femme à laquelle il s’est fiancé, et d’un garde de prison, Germain ne semble pas disposé à se mêler aux autres forçats. Le garde fait part de ses craintes à Rigolette, indiquant que la distance que maintient Germain vis-à-vis de ses camarades de prison pourrait être perçue comme du mépris par ces derniers et que cela les inciterait à l’isoler pour le passer à tabac. C’est exactement ce qui se produit, bien que, de manière ironique, le passage à tabac se produise le jour même où il se résout à être plus sympathique. On a découvert, parmi les prisonniers, que Germain avait révélé un complot en vue de braquer une banque, ce qui lui vaut le surnom de « mouchard » et pousse un certain nombre d’entre eux à exercer leurs penchants meurtriers; menés par le monstre qu’ils surnomment le Squelette, ils cherchent à faire de Germain un exemple. Le Squelette, déjà condamné à la guillotine (son autre sobriquet est « Mort-d’avance »), s’est porté volontaire pour avoir l’honneur d’étrangler Germain de ses deux mains osseuses.

Le complot repose sur la capacité des conspirateurs à exploiter les talents de conteur de Pique-Vinaigre, qui a promis de régaler son auditoire avec le conte de Gringalet et Coupe-en-Deux. L’idée consiste à ce que le garde laisse seuls les prisonniers le temps d’aller dîner après s’être assuré que ceux-ci sont absorbés par le conte. Bien entendu, le Squelette et sa bande ne s’attendent pas à ce que le récit de Pique-Vinaigre soit convaincant au point que le garde lui-même ne cesse d’écouter et que le complot soit quasi déjoué. Quasi, parce que le Squelette parvient finalement à porter ses mains à la gorge de Germain et aurait réussi à le tuer sans l’intervention du Chourineur, malfrat réhabilité, qui s’est infiltré à la Force afin de sauver le jeune homme.

L’histoire de Gringalet et Coupe-en-Deux elle-même – à savoir le récit de Pique-Vinaigre – est un conte de bande dessinée avant l’heure, naïf et violent, qui met en scène un orphelin chétif atrocement exploité par un trafiquant d’enfants et d’animaux alcoolique. Gringalet a le cœur sur la main et tente de libérer des créatures sans défense, comme les insectes, aussi souvent qu’il le peut. Alors qu’il s’apprête à être tué par Coupe-en-Deux, il est sauvé par une mouche. En fin de compte, la cruauté de Coupe-en-Deux se retourne contre lui lorsqu’il est tué par le singe diabolique auquel il avait donné l’ordre de se débarrasser de Gringalet. Tous les autres enfants, et la ville tout entière avec eux, finissent par faire la fête au garçon et au singe, qui n’est plus désormais diabolique, au cours d’un défilé qui célèbre la fin du règne terroriste de Coupe-en-Deux.

Pique-Vinaigre fait lui aussi partie, à l’origine, du complot contre Germain bien qu’il ne sache pas que les autres prisonniers ne comptent pas seulement blesser le jeune homme, mais ont en fait l’intention de le tuer, et le roman le montre déjouant activement le plan de départ à mesure qu’il prolonge son conte autant que possible pour maintenir le garde à proximité. Comme l’a souligné Dominique Jullien, cette scène s’inscrit dans la tradition de Schéhérazade en ce que le conteur déroule ici sa fiction comme le fait l’héroïne-narratrice des Mille et une nuits, à savoir dans le but d’écarter la menace de la violence aussi longtemps que possible. La narration fonctionne alors comme une arme au service de l’homme intelligent, mais vulnérable; et, dans le cas de Pique-Vinaigre, il se pourrait bien qu’en fin de compte la plume ne soit pas plus forte que l’épée, bien qu’elle lui en donne pour son argent. La volonté du plus fort, numériquement et physiquement, cette volonté qui a la prétention de mettre fin à la narration, devra recourir à la force, pure et brutale.

Bien que le récit de Pique-Vinaigre ne parvienne pas à éloigner le garde de sa soupe assez longtemps pour empêcher que Germain ne se fasse attaquer, Sue donne à voir les effets que ce conte moralisateur a sur son auditoire, au sein duquel le Chourineur est le plus expressif. À mesure que se déroule la narration, celui-ci fait part de ses commentaires au sujet des personnages et de l’intrigue. Ainsi, tôt dans le récit, alors que Pique-Vinaigre introduit l’un des bons personnages, le doyen de la ville qui s’oppose au diabolique Coupe-en-Deux, le Chourineur ne se fait pas prier pour partager son approbation : « Farceur de doyen! J’aime le doyen, moi! », ce à quoi le garde acquiesce, déclarant, « Et moi aussi » (p. 971). Un peu plus loin, lorsque Pique-Vinaigre s’attarde sur la faiblesse du malheureux Gringalet et sur les privations dont il souffre, s’étendant largement sur le sujet pour plaire à son auditoire, le Chourineur intervient à nouveau : « Pauvre moutard, il me semble le voir! […] il y en a d’enfants comme ça… sur le pavé de Paris, des petits crève-de-faim » (p. 972). Cette fois, Germain intervient après que le garde déclare son intention de rester un peu plus longtemps : « Vraiment, c’est très intéressant » (p. 973). Ce commentaire sur le récit de Pique-Vinaigre, qui a lieu dans la diégèse, se poursuit, les personnages offrant leur propre interprétation quant à sa signification, son sens, sa vraisemblance. Tandis que les prisonniers délibèrent sur les mérites du récit, suivant l’exemple du petit-bourgeois Germain et de l’honnête garde issu lui aussi des couches populaires, ils en ralentissent le cours, en étirent la trame et offrent à Pique-Vinaigre des idées tirées de leurs propres expériences.

Force est de reconnaître, dans cet épisode, la représentation élaborée par Bory sur la manière dont fut écrit et lu le roman : Pique-Vinaigre y fonctionne comme double de Sue, les prisonniers évoquent quant à eux ses coauteurs des couches populaires. Claudine Grossir déclare d’ailleurs au sujet de cet épisode qu’il constitue une

véritable mise en abyme de l’écriture et de la lecture du roman. Le texte fournit alors son propre mode d’emploi, indiquant la fonction de la fiction et de la littérature dans le processus d’appréhension de la réalité et son pouvoir de transformation du monde : les forçats, émus par le sort de Gringalet, auquel ils identifient inconsciemment François Germain, refusent de devenir les bourreaux du jeune homme23.

Cet épisode a en effet une fonction autoréférentielle, mais ce qu’il reproduit en miniature me paraît moins une image de l’écriture et de la lecture du roman telles qu’elles ont lieu, qu’un puissant fantasme de ce que la lecture et l’écriture sont capables de produire. Or, ce puissant fantasme va bien au-delà de la capacité du récit à manipuler, discipliner et rebuter la force physique.

Revenons à présent sur les remarques préliminaires que fait Sue/le narrateur juste avant que ne débute l’épisode, car c’est là qu’il expose explicitement sa fascination pour la façon dont le récit est absorbé par ses lecteurs. Lorsqu’il s’exprime sur la réception du récit de Gringalet et Coupe-en-Deux, il révèle en effet son intérêt pour la lecture en tant que mécanisme de pouvoir social– et lorsque j’écris « lecture », j’entends ici le terme au sens métaphorique, en ce que les « lecteurs » à la prison de la Force sont en fait les auditeurs du récit de Pique-Vinaigre. Avant même que Pique-Vinaigre ne se lance, Sue s’interroge sur la nature de la réponse du lecteur, non seulement celle des forçats, mais aussi celle des masses de manière générale :

Avant d’entamer le récit de Pique-Vinaigre, nous rappellerons au lecteur que, par un contraste bizarre, la majorité des détenus, malgré leur cynique perversité, affectionnent presque toujours les récits naïfs, nous ne voudrions pas dire puérils, où l’on voit, selon les lois d’une inexorable fatalité, l’opprimé vengé de son tyran, après des épreuves et des traverses sans nombre.  

Loin de nous la pensée d’établir d’ailleurs le moindre parallèle entre des êtres corrompus et la masse honnête et pauvre; mais ne sait-on pas avec quels applaudissements frénétiques le populaire des théâtres du boulevard accueille la délivrance de la victime, et de quelles malédictions passionnées il poursuit le méchant ou le traître? (p. 969)

Ce qui constitue un curieux contraste chez les criminels – le fait qu’ils soient cyniques et pervers, mais affectionnent néanmoins les contes moralisateurs – conduit Sue à exprimer sa reconnaissance de ce qui constitue pour lui la commune sensibilité des pauvres honnêtes, qui affectionnent eux aussi de tels contes. Nonobstant l’hypocrisie d’une affirmation telle que – « [l]oin de nous la pensée d’établir d’ailleurs le moindre parallèle entre des êtres corrompus et la masse honnête et pauvre » –, ce sont les pauvres honnêtes qui forcent l’intérêt de Sue. Il poursuit ainsi :

On raille ordinairement ces incultes témoignages de sympathie pour ce qui est bon, faible et persécuté… d’aversion pour ce qui est puissant, injuste et cruel.  

On a tort, ce nous semble.  

Rien de plus consolant en soi que ces ressentiments de la foule.  

N’est-il pas évident que ces instincts salutaires pourraient devenir des principes arrêtés chez les infortunés que l’ignorance et la pauvreté exposent incessamment à la subversive obsession du mal? (p. 969)

« Rien de plus consolant en soi » : l’existence parmi les couches populaires d’une sensibilité à la lecture qui soit saine et morale est, en soi, une source de consolation. Consolation pour quoi ou pour qui, pourrait-on se demander. J’y reviendrai dans un instant. Sue poursuit en donnant à voir son admiration pour les masses et pour le bon sens moral qui guide leur lecture, et lecture à laquelle on peut se fier : « Comment ne pas tout espérer d’un peuple dont le bon sens moral se manifeste si invariablement? D’un peuple qui, malgré les prestiges de l’art, ne permettrait jamais qu’une œuvre dramatique fût dénouée par le triomphe du scélérat et par le supplice du juste? » (p. 969)

L’idée d’une sensibilité morale sur laquelle on pourrait s’appuyer, et qu’une large gamme de réponses à la fiction permettrait de convoquer, semble être remise en cause par le fait que ceux-là mêmes que Sue identifie comme des êtres cyniques et pervers partagent cette sensibilité avec ceux en lesquels il place tous ses espoirs. Pour autant, c’est précisément le fait que la lecture puisse être mobilisée et mobilisable qui offre une consolation aux lecteurs des Mystères de Paris. C’est la lecture elle-même qui offre une consolation – pas tant, dans le cas présent, à ceux qui, dans la diégèse, lisent le conte de Gringalet et Coupe-en-Deux, qu’à ceux qui lisent (et interprètent) ceux qui lisent, à savoir les lecteurs du récit-cadre des Mystères de Paris.

Pourtant, si ceux qui lisent ceux qui lisent le conte de Gringalet et Coupe-en-Deux peuvent se consoler grâce à cette lecture populaire – laquelle exprime un fantasme disciplinaire faisant de la lecture un instrument de contrôle de tout sentiment hostile qui mènerait les lecteurs des couches populaires à retourner leur violence contre les classes dominantes –, la consolation se situe encore à un autre niveau, c’est une consolation à venir qui provient de la place centrale occupée par la lecture elle-même. Car avant même de conclure sa digression relative à la réception littéraire pour tourner à nouveau son regard vers la Force et offrir à Pique-Vinaigre l’occasion d’entamer son récit, Sue revient sur ses pas et s’intéresse alors au bon sens moral tapi dans le cœur de ces criminels endurcis, mais d’une manière qui englobe plus largement l’humanité tout entière :

En un mot, puisque les gens endurcis dans le crime sympathisent encore quelquefois au récit et à l’expression des sentiments élevés, ne doit-on pas penser que tous les hommes ont plus ou moins en eux l’amour du beau, du bien, du juste, mais que la misère, mais que l’abrutissement, en faussant, en étouffant ces divins instincts, sont les causes premières de la dépravation humaine? (p. 970)

Si cette affirmation sur la bonté naturelle du genre humain résonne d’accents rousseauistes, elle signifie bien plus que cela. Sue défend l’idée que le récit aurait le pouvoir non seulement de déclencher, mais aussi de faire naître ces qualités de bonté, de beauté et de justice. La lecture que font les lecteurs fonctionne comme indice de leur âme. Lire cette lecture – pas uniquement celle que font les lecteurs-criminels, ni seulement celle que font les lecteurs pauvres et honnêtes, mais aussi, potentiellement, et c’est crucial, celle que font les lecteurs plus aisés – permet à ceux qui sont lus d’être vus à leur avantage, en tant que ce qu’ils pourraient être ou auraient pu être, ou encore en tant que ce qu’au fond, en un sens, ils sont réellement, malgré leurs conditions de vie et leur état social.

Les Mystères de Paris s’appuient ainsi sur deux fantasmes de ce que la littérature est capable de produire, deux fantasmes différents qui s’alimentent néanmoins l’un l’autre. D’une part, la littérature peut provoquer, freiner ou discipliner le lecteur; d’autre part, elle peut lui permettre d’être lu. Si le premier fantasme se manifeste plus fortement lors de la mise-en-abyme qu’offre l’épisode de Pique-Vinaigre, le second, qui apparaît bien en évidence, se fraye un chemin tout au long du récit lors des lectures que fait Rodolphe des pauvres honnêtes et souffrants qu’il poursuit, épie et met à l’épreuve, ainsi que dans la réception qui est faite de ces lectures parmi ceux qu’il lit. C’est le fantasme, en d’autres termes, de la lecture de Rodolphe qui serait lue et appréciée à sa juste valeur par les pauvres qu’il a d’abord lus. (Je devrais ajouter que je parle ici de « Rodolphe », mais ses partenaires aristocrates, ainsi que les personnages des classes populaires qu’il engage pour travailler à ses côtés, fournissent eux aussi le même type de support à ce fantasme.) Le type de lecture auquel s’adonne Rodolphe ne le discipline pas, il lui permet au contraire de révéler en lui ce superlecteur quasi divin capable de prendre note des singularités de chacun. Ce type de lecture est donc par nature stratégiquement différent du type auquel se livrent les prisonniers de la Force. Pourtant, tout comme le premier type de fantasme, celui-ci se fonde aussi sur une structure autoréférentielle, une mise en abyme, qui se trouve renforcée à mesure que le lecteur du récit-cadre accède à la lecture des pauvres qu’effectue Rodolphe et enregistre le spectacle de la réception gratifiante que ses lectures suscitent parmi ses lecteurs pauvres.

L’un des nombreux exemples du second type de fantasme – celui qui voudrait que notre propre lecture soit lue par un tiers et révèle par là notre humanité – a lieu lorsque nous sont présentés pour la première fois les Morel, une famille souffrant d’extrême pauvreté, de la maladie, d’un manque de chauffage et d’habillement, entre autres problèmes. Le patriarche, Jérôme Morel, est un lapidaire qui taille diamants et autres pierres précieuses dans la même pièce que celle où dépérit sa famille. Alors que lui et sa femme, Madeleine, se plaignent de leur sort et que Madeleine fustige les riches pour leur cœur de pierre, Morel prend la défense de ces derniers, expliquant que les riches ne sont pas plus insensibles que tout un chacun, et que leur seule faute est de ne pas savoir ce qu’est la pauvreté : « Ça naît heureux, ça vit heureux, ça meurt heureux : à propos de quoi veux-tu que ça pense à nous? Et puis, je te dis… ils ne savent pas » (p. 403). Un peu plus tard, après avoir reconnu la gentillesse de leur voisine Rigolette, et le lien entre cette gentillesse et la pauvreté de cette dernière, il ajoute, « [C]omme je dis toujours : Si les riches savaient! » (p. 404). Ce que lui ne sait pas, c’est que les riches, que représente Rodolphe, savent et se sentent concernés (dans le texte) et absorbent son récit tandis qu’il s’exprime. Rodolphe assiste à cet épouvantable drame tout à fait par hasard et finira par devenir ce lecteur omniscient, riche et tant désiré—j’écris « finira » parce qu’une éternité semble s’écouler avant qu’il ne se décide à agir. Il faudra qu’une grand-mère soit menacée d’un fouet, qu’un enfant meure, que Morel soit assailli par les huissiers qui veulent l’embarquer en prison, et que la fille de Morel, Louise, rentre à la maison et soit accusée d’infanticide, pour qu’il sorte finalement de sa cachette. Il en émerge néanmoins, au moment où le lapidaire s’écrie que Dieu n’est pas juste, pour exprimer son désaccord : « Si, Dieu est juste… il a toujours pitié des honnêtes gens qui souffrent » (p. 420). Lorsque Morel se jette aux pieds de Rodolphe en un geste de gratitude et de soumission qui caractérise bon nombre des bénéficiaires de sa générosité, et déclare « Ah, monsieur, vous nous sauvez la vie! À qui devons-nous ce secours inespéré? », Rodolphe lui répond « À Dieu; vous le voyez, il a toujours pitié des honnêtes gens » (p. 422).

Le roman abonde en scènes de ce type. On n’y voit pas toujours Rodolphe littéralement caché, épiant par une serrure, assistant au spectacle de la souffrance des autres, mais il emprunte néanmoins tout au long du texte toutes sortes de déguisements et de subterfuges dans le but d’avoir accès à des récits dont leurs auteurs ne s’attendent pas à ce que lui, ou quiconque, les lise. Tout du long, Rodolphe est porté aux nues de manière démesurée. Fleur-de-Marie, tout comme le Chourineur, se montre excessive dans sa façon d’exprimer sa reconnaissance pour son omnisciente bienfaisance. Dans le cas du Chourineur, Rodolphe est glorifié pour avoir discerné quelque chose en lui, « du cœur et de l’honneur », quelque chose que le Chourineur n’avait jamais décelé en lui, et surtout que personne n’avait lu en lui auparavant. La perspicacité de Rodolphe en tant que lecteur du caractère du Chourineur transforme ce dernier à jamais. Dans le cas présent, insistons-y, la lecture que fait Rodolphe des pauvres souffrants est de manière récurrente lue et louée par les pauvres eux-mêmes. C’est au lecteur des Mystères de Paris – peut-être pas exclusivement, mais en tous cas principalement, la base bourgeoise d’abonnés au Journal des débats – qu’il est donné de lire, encore et encore, cette lecture excessive et gratifiante des lectures de Rodolphe.

C’est là que se trouve, à mon avis, le pari idéologique des Mystères de Paris. Au fantasme d’une lecture populaire de la lecture du lecteur bourgeois se trouve intégré celui d’une lecture bourgeoise qui aurait un impact, ferait une différence du seul fait qu’elle ait lieu, une lecture bourgeoise qui entrerait en scène, réclamant reconnaissance, soutien et gratitude d’une populace potentiellement dangereuse. Si le lecteur des classes ouvrières offre une consolation ou une raison d’espérer aux lecteurs bourgeois auxquels s’adresse explicitement Sue dans son texte, cela tient à ce que ce lecteur fantasmé, imaginé, capable de sensibilité, est à même d’apprécier, par le biais du fantasme, la sollicitude dont témoignent les lecteurs à la Rodolphe, par le simple fait de leur lecture.

Je ne prétends pas affirmer que les lecteurs des couches populaires ou de la classe ouvrière ne lurent pas Les Mystères de Paris, ou qu’ils n’offrirent à Sue ni encouragement ni matière à fiction. Toutefois, il est temps de reconnaître que la thèse selon laquelle le roman aurait été lu et coécrit par les lecteurs populaires constitue aussi, voire plutôt, un fantasme de satisfaction de nos propres désirs, fantasme à la fois mis en scène et soutenu dans les pages du roman lui-même. Comme nous l’avons vu, c’est un fantasme prédatant l’apparition des Mystères de Paris, mais qui semble aussi lui avoir survécu.  

(Université du Rhode Island)

Texte traduit par Frédérique Guy et Catherine Nesci

 (EN) Reading Fantasies in Eugène Sue’s The Mysteries of Paris

Ever since Jean-Louis Bory claimed, in his 1962 biography of Sue and in his introduction to The Mysteries of Paris, that the novel was the product of a joint effort between the author and his working-class correspondents and that this joint effort fed, if not led to, the Revolution of 1848, scholars have debated whether the novel could be considered a collaborative work and whether it could be credited with having produced the popular uprising.24 Bory’s characterizations of the novel’s readership and political potency served as starting points for important subsequent scholarship by Louis Chevalier, Umberto Eco, and Peter Brooks. Upon closer examination of the evidence, more recent scholars such as Brynja Svane and Christopher Prendergast have challenged Bory’s characterization of Sue’s correspondents as preponderantly working-class, and Prendergast is especially unconvinced that we can establish any direct causal relationship between the novel and the events of 1848.  Other scholars, in the meantime (Jean-Pierre Galvan, Judith Lyon-Caen, to a certain extent Claire Parfait, to name a few), have argued for the centrality of this cross-class partnership to the novel’s production, while Galvan and Dominique Jullien, among others, continue to insist on the link between The Mysteries of Paris and “l’esprit de 1848.”25

In this essay I return to Bory’s claims regarding the identity of Sue’s readers and co-authors (if such they be) and the political impact of their reading of the novel.  But instead of asking who Sue’s correspondents really were, whether they really had a considerable impact on the writing of the novel, or whether these putatively working-class collaborators helped to trigger or shape the events of 1848, I wish to consider the way these critical concerns themselves reflect and repeat a kind of cultural work the novel does.  As Prendergast has demonstrated, the peculiar circumstances of the novel’s production and reception make for a terrific case study in the history of the book and the sociology of reading. However, they also make for a terrific case study of twentieth- and twenty-first-century cultural and political investments. Why do we need to establish whether Sue’s correspondents were primarily working-class or bourgeois?  Why does it matter whether these correspondents had a measurable influence over the novel he ended up writing? And finally, why are critics so eager to attribute authorship of the Revolution of 1848 to Sue and his correspondents?  

It should go without saying that my interest in asking what is at stake in these questions does not imply that I think that determining their answers is in any way a fruitless or inappropriate scholarly pursuit. I do wish to suggest, however, that the centrality and repetition of these concerns in so much scholarship should invite our further reflection. In Sue’s day, to single out the working-class component of Sue’s readership and to suggest such readers had a hand in the production of the novel was to disparage Sue and to challenge both his authority and his novel’s value.  In our own time, the very opposite is true: to identify Sue’s readers as hailing preponderantly from the working classes and to assign them a significant role in authoring The Mysteries of Paris is effectively to elevate such readers and to boost Sue’s credibility and significance along with the novel’s.26 What are we saying when we read a novel, however partially, through its readers?  What kind of value is conferred upon readers when they are called authors –  and upon authors when they are fused with their readers?  How did – and how does – social class signify within critical systems of literary classification and value, and how does reading itself function, in mostly unspoken fashion, as a locus of hope, dread, and desire?  

These questions relating to the reception of the novel and the potential its reading unleashes in its readers imply a longing for a particular kind of author, as well as a particular kind of reader. As Foucault makes clear in “What is An Author?,” the entity we call “the author” is a convenient repository of a cluster of desires; “the author” is a construct, a projection, an object of collective fantasy. As scholars scour the traces of Sue’s correspondence for clues as to the influence his readers had on him and he on them, what emerges is indeed a projection of collective desire.  Whereas for Foucault the author-function is primarily a principle of classification, one that helps us organize and confer value upon certain texts and knowledge and not others, here the author-function represents a different cluster of desires.  The author-function operating here is rather a principle of investment in an omniscient executive, a subject who can get things done.  Like his protagonist Rodolphe, this author-function version of Sue can bring fantasies to fruition, moving from idea to enactment, fusing so successfully with his readers that he can read them, incorporate them, and direct their behavior.27  Naturally, this longing for a particular kind of author implies a longing for a particular kind of reader, as well – a reader who is understood to read in a regular, predictable, less nuanced, but more action-oriented fashion than the actual reader, for the actual reader is unbound by any promises her emotional response to the novel might logically seem to elicit.28

It is no coincidence that The Mysteries of Paris itself stages the “for the people, by the people” scenario regarding the potential powers of storytelling.  Indeed, the novel poses the same sorts of questions as those who seek to establish the identity of the readers of The Mysteries of Paris and the consequences of their reading.  Throughout the novel, Sue demonstrates tremendous interest in the ways different classes of people metabolize and are transformed by their experience of narrative.  He tends to be most clearly fascinated by the power of stories to bring their audiences to heel; this is most patently the case in the Pique-Vinaigre storytelling scene in la Force prison, but it’s also at the crux of Rodolphe’s plan to rehabilitate Clémence d’Harville. The transformative power of narrative interests Sue beyond these cases of explicit discipline, restraint, and reorientation, however.  For if what Sue has to offer his readers, ideologically speaking, in The Mysteries of Paris is a cluster of wish-fulfillment fantasies, these fantasies are not just in the domain of philanthropy and social control, as Marx and Engels would have it, nor primarily, as Eco claims, at the level of narrative closure and delivery of expectations.29 What Sue offers his readers are also, importantly, fantasies regarding the power of literature, and specifically of reading, to create social change. These are fantasies regarding the value of his readers’ expertise as readers, and fantasies regarding the possibility of configuring or at least conjuring a working-class readerly subjectivity that will reflect kindly on the internal life of an idealized bourgeois subject.30 Ultimately, I want to suggest that one of the defining ideological successes of The Mysteries of Paris is the way it manages to model and then package itself and its own reception as monumental. In partnership with other nineteenth-century novels that we could anachronistically call “engaged,” it had no small role in shaping our perhaps wishful notions of what socially engaged narratives and the act of reading them can do.31

Back to Reading: The Conscripted Reader

Before I go any further, a word about what I mean by “reading” in this essay.  Undergirding my understanding of the cultural work reading does in The Mysteries of Paris is an important theoretical source that may be unfamiliar to scholars of French literature.  In Dear Reader: The Conscripted Audience in Nineteenth-Century British Fiction, Garrett Stewart argues that Victorian novels feature both explicit and figurative scenes of reading within their pages, which model and guide their responses, culminating in a specifically literary ideological event. For Stewart, the reader is a subject whose being and participation are both appealed to and compelled in the experience of reading. As opposed to the “implied reader” theorized by Booth and Iser or the “ideal reader” posited by Riffaterre, the conscribed reader is written into the novel she reads: “the reader is not only narrated to but also narrated” within the text32:

In the event of a reading, fictional structure commandeers a response that it may also structure in replica as a described event. The rhetoric of narration passes thereby to the narration of rhetorical efficacy itself. Whether through direct address or structural parallel, at such times you as reader are not simply inscribed by prose fiction.  Instead, as member of an audience, your private reading – along with that of every other reader – is actually convoked and restaged, put in service to the text.  Either as an identifying notation or as a narrative event, this reading in of your reading – or of you reading – is what I mean by the notion of a conscripted response.33

Readers participate in the process of their own formation as reading subjects, not only by willingly reading, but also by suspending their awareness of their participation.  An element of misrecognition is built into the building-in of the reader within the novel.

In Stewart’s analysis of “classic” nineteenth-century British novels – which shared many of their salient features with French novels of the same period – the conscription of readers takes place through apostrophe (“Dear Reader”) as well as through analogy, or parable.  Although the novel is full of direct invocations of the reader – including many apostrophic instances that flatter and thank the reader in advance for performing the important function of reading the novel itself – my reading of The Mysteries of Paris here relies most heavily on Stewart’s parabolic mode of conscription. He offers a broad and somewhat counterintuitive list of topoi that subtly but persistently figure the reader’s own reading within the text:

the oral recitation of biographical story (Dickens); the global trope of life as an inwardly audited silent tale (Charlotte Brontë); the world stage as itself an epitomizing volume of human effort, foible, and defeat (Thackeray, Meredith, Schreiner, Hardy); the posthumous intensity of expressive impulsive released from all textual encumbrance (Eliot); or, increasingly toward the end of the Victorian century, all manner of vicarious, voyeuristic, mesmeric, and vampiric phenomena in which psychic usurpation, somatic doubling, or perversely gendered otherness doubles for the aesthetic distance – and transacted gap – between reader and read.34

I have quoted this list of meta-reading scenes Stewart works with in order to suggest the potential range and diverse shapes of such implicit but reiterated parables. I wish to make a case for the presence of similar formations in Sue’s novel. In The Mysteries of Paris, such self-reflexive but misrecognized scenes of reading tend more to be scenes of “reading” than reading – although the act of reading does make significant appearances throughout the text. The conscripted reader of The Mysteries of Paris encounters parables for different kinds of reading and readers, all of which reiterate and reinforce the value of reading itself. Through these parables, the reader comes to understand her own reading activity as being as valuable within the world outside the novel as it is shown to be within it. Its value naturalized and self-evident, reading ultimately becomes, in and of itself, something to do in response to problems in the world.

The Reception of The Mysteries of Paris

Even the skeptical Christopher Prendergast concedes that the readership of The Mysteries Paris was huge, and perhaps unprecedented. While casting doubt on the anecdotal and archival evidence regarding the class composition of the novel’s readership, he acknowledges that what we do know about the circulation of the novel from publication records suggests The Mysteries of Paris had many, many readers.  The Journal des Débats boosted its subscription base by thousands of readers thanks to The Mysteries of Paris, and over 60,000 copies of the novel came out concurrently and subsequently, in France and Belgium, in different book formats and editions.  Prendergast cites Pierre Orecchioni’s estimates from these and other statistics that the novel likely had five to ten times more readers in France than the subscription or print runs alone would indicate, totaling somewhere between 400,000 and 800,000.35  Yet the legendary reputation of The Mysteries of Paris as a novel “for the people by the people,” as Bory and then later Chevalier understood it, is based less on such statistics than on numerous contemporaneous anecdotes attesting to the range of readers it had and on a cache of correspondence between Sue and his readers. It is largely on the evidence of the dossier of this correspondence, recently published in a collection edited by Galvan, that scholars have made their arguments regarding the class affiliations of Sue’s readership.   

The ongoing interest in knowing who read The Mysteries of Paris and what this reading did found its earliest expression as the novel was still in serial publication.  If we follow Judith Lyon-Caen in her contention that anxieties concerning the subversive potential of the roman feuilleton in France long preceded the ones Sue evoked, The Mysteries of Paris could be said to have triggered already-existing worries about working-class readers. Anecdotes attesting to the popularity of The Mysteries of Paris were legion, and many sources made a special point of citing its working-class readers, often with anxiety or disdain but sometimes with bemusement or approval.  Observers such as Barbey d’Aurevilly claimed that one could find coachmen and laborers who were reading it “avec ivresse et dans l’ivresse et pour des raisons qui n’ont rien de littéraire”, for instance.36 Théophile Gautier wrote that even those who could not read had access to the novel and were acquainted with its characters : “Les gens qui ne savent pas lire se sont fait réciter Les Mystères de Paris par quelque portier érudit et de bonne volonté; les êtres les plus étrangers à toute espèce de littérature connaissent la Goualeuse, le Chourineur, la Chouette, Tortillard et le Maître d’École” (People who cannot read had The Mysteries of Paris recited to them by an erudite and good-willing doorman; human beings who are foreign to any kind of literature know Songbird, the Slasher, the Owl, Tortillard, and the Schoolmaster). (He went on famously to add that the dying postponed their last breaths in order to know the outcome of the novel’s various threads, and that Death itself was forced to oblige Sue’s publication schedule).37 The period’s most important literary critic, Sainte-Beuve, wrote similarly in 1843 that when Sue didn’t publish an installment on schedule and missed a day, women of the upper classes and their chambermaids alike would all get worked up together about it, until he let his readers know that he was feeling under the weather38. It was Sainte-Beuve, incidentally, who was one of the earliest observers to attest to the existence of a voluminous correspondence between Sue and his readers.

Lyon-Caen has argued that the reception of The Mysteries of Paris is best understood in the context of a historically specific French culture of the novel. Citing such critics as Alfred Nettement, who had written in 1841 that the roman-feuilleton was, from its inception in the 1830s, deeply antisocial, she writes : “Si le roman vise une consommation de masse et emprunte des voies de circulation inédites, sa nocivité change de nature : il ne corrompt plus seulement les individus, mais menace aussi l’ordre social tout entier. C’est au nom d’un tel raisonnement que le roman-feuilleton devient, au cours des années 1840, une affaire d’ordre public”39 (If the novel targets a mass consumption and uses new circulation networks, the nature of its toxicity changes : it does no longer corrupt individuals only, but rather threatens the whole social order. On behalf on such reasoning, the serialized novel became, in the 1840s, a fully public matter). Even before the events of 1848, one Baron de Chapuys-Montlaville, the representative of Saône-et-Loire, had brought his concerns about the roman feuilleton into the Chamber of Deputies and mounted a campaign against it.40 His opposition to the serial novel was based on its encouragement of bad literary taste and its tendency to promote immorality, etc., but he worried most about the deleterious social effects of the novel:  specifically, the way it “declassed” its working-class readers.  “On se persuade trop dans les campagnes et dans les ateliers que l’égalité consiste à porter le même habit que son voisin, et à lui être semblable par la fortune. Ce n’est pas la richesse qui fait et donne le rang dans ce pays; c’est l’intelligence, la probité et le travail”41 (In the countryside and workshops, we become convinced that equality means to wear the same costume as our neighbors, and to become similar to them by wealth. But it is not wealth that makes and gives social ranking in our countru; it is intelligence, probity, and work). Connecting their reading with the declassed behavior he expected would ensue, Chapuys-Montlaville sees a direct correspondence between a working-class consumption of the roman-feuilleton and utter despondency – or worse:  

Il leur faut de la lumière, de l’éclat, de la puissance, des plaisirs, de l’or, et c’est pour cela qu’ils accumulent effort sur effort pour sortir de la condition de leur père et s’élever vers les sommités; et comme chez la plupart les forces manquent à de tels desseins, ils retombent épuisés, ou bien ils se jettent dans les partis extrêmes et cherchent à ébranler les bases d’une société qui n’a pas été assez généreuse pour leur donner à chacun des portefeuilles et des millions.42

[They must have light, brilliance, power, pleasures, gold, and that is why they accumulate effort after effort to get out of the condition of their father and to rise toward the top and its luminaries; and since most lack forces for such goals, they fall exhausted, or they throw themselves into radical parties and seek to undermine the foundations of a society that has not been generous enough to give each of them ministries and millions.]

Significantly, the idea that their reading of The Mysteries of Paris would mobilize its readers to commit destructive acts against property did not have its origins in any sort of celebration among revolutionaries or aficionados of popular literature, but rather, in something more akin to a conservative panic.43 For if it is true that everyone was reading the novel, it was specifically its working-class readers who frightened such observers, and specifically the prospect Chapuys-Montlaville raises that such readers were ripe for radicalization.   

I want to pause here to stress the fact that the fantasy of a mobilized working-class reading did not crystallize in the aftermath of the Revolution of 1848: as we can see, on the contrary, the fantasy of a mobilized working-class reading preceded any putative mobilization. In other words, the fantasy that one could anticipate and control the vagaries of readership was in place well before the novel or the Revolution came along. The fact that this combination of fantasy of dread and for a mobilized working-class readership made itself visible prior to the fantasied/dreaded event gives us the opportunity to see how the ascription of this kind of political authorship to Sue met a preexisting cultural demand for both an Author who could understand, represent, interpret, control, and incite the masses, and a mass readership who could be reached and directed through a cultural, as opposed to a purely repressive, mechanism.  Given this fantasy of a potent working-class reading – and its supporting fantasy of a literature that could somehow engineer such mobilization – how could Sue not be blamed for the Revolution of 1848 with the eclipse of the Second Republic?44 And given the continuing allure of such a fantasy about the powers of literature, how could Sue not be credited, in our day, with partial authorship of the same revolution? When notions of reading and extra-textual agency run together in a self-evident fashion as if each implies the other, analysts of The Mysteries of Paris will agree, even when they disagree.  Nineteenth-century critics of Sue and his twentieth-century admirers are on the same page:  both camps concur on the power and purview of authors and readers.  This is why I contend that, while the novel is certainly rife with paternalistic and reactionary policies, its explicitly bourgeois self-interested aspects are low-hanging fruit for ideological analysis.  Sue’s representations of and allegories for reading are more central to the novel’s ideological pull than his more clearly “ideological” philosophies of punishment and philanthropy.  

In the following section of this essay, I focus on two figurations of reading in the text.  I begin with an analysis of the la Force prison episode before considering the subtle role of reading in scenes featuring Prince Rodolphe of Gerolstein, hiding in closets, as the reader’s avatar.  Analyzing reading as it is given pride of place across the novel allows us to appreciate the ways it mediates and naturalizes divisions of social class at the same time as it challenges them.   

Reading in Action

The lengthy chapters of The Mysteries of Paris that take place in La Force prison are among the novel’s most suspenseful.45  François Germain, a young clerk in the office of the sadistic solicitor Jacques Ferrand, has landed in prison thanks to Ferrand’s determination to charge him with a theft he hasn’t committed. Despite the urging of Rigolette, the woman who becomes his fiancée, and a concerned prison guard, Germain cannot seem to bring himself to behave collegially with the other inmates. The guard has communicated his fears to Rigolette that Germain’s aloof behavior will be perceived as contempt on the part of his fellow prisoners, and that this will cause them to single him out for rough treatment – which is exactly what happens, even though, ironically, the rough treatment arrives on the very day he’s resolved to be friendlier. It’s been discovered among the prisoners that Germain had earlier revealed a plot to rob a bank, which gets him labeled a “mouchard” (a police informant, a snitch), and this has spurred a murderous gang of them, led by the fiend they call le Squelette (the Skeleton), to want to make an example of him.  Le Squelette is already facing the guillotine (his other sobriquet is “Mort-d’avance” [Dead Already]), so he’s volunteered to do the honors of strangling Germain with his own two bony hands.  

The murder plot revolves around the ability of the conspirators to exploit the story-telling talents of Pique-Vinaigre (Bitters), who has promised to regale his audience with the tale of Gringalet (the Runt) and Coupe-en-Deux (Chops-Him-in-Two). The idea is that the guard will leave the prisoners alone and go off to eat his dinner when he sees how entranced they all are by the story. Of course, the Skeleton and company don’t reckon on Bitters’s story being so good that the guard himself doesn’t want to stop listening to it, and thus their plot is almost foiled.  Almost:  the Skeleton does manage to get his fingers around Germain’s neck, and he would have succeeded in killing him were it not for the intervention of le Chourineur (the Slasher), an already rehabilitated criminal who has planted himself in La Force for the express purpose of saving the young man.

The story of the Runt and Chops-Him-in-Two itself – Bitters’s story, that is – is a naïve, violent, comic-book-like tale that features a puny orphan boy who’s exploited horribly by a drunken trafficker in children and animals.  The Runt is warmhearted and tries to save helpless creatures like insects whenever he can. When he’s about to be killed by Chops-Him-in-Two, he’s rescued by a fly. Eventually, Chops-Him-in-Two’s cruelty ends up backfiring on him, and Chops-Him-in-Two is killed by the evil monkey he’d instructed to kill the Runt.  All of the other children and the whole town, too, end up celebrating the boy and the no-longer evil monkey in a parade that celebrates the end of Chops-Him-in-Two’s reign of terror.  

Bitters is in on the prisoners’ plan to hurt Germain, though he doesn’t know that they actually intend to murder the young man, and the novel shows him actively counterplotting by drawing his tale out as long as he can to keep the guard on hand.  As Dominique Jullien has written, this scene belongs to the tradition of Scheherazade, and it’s certainly true that the story-teller deploys his fiction like the heroine-narrator of the Thousand and One Nights to stave off the violence as long as possible. Narrative works here as a weapon of the clever, but vulnerable; in Bitters’s case, the pen may not be mightier than the sword, in the end, but the pen will give the sword a run for its money.  The will of those who are more numerous and physically more powerful, this will that presumes to put the narrative to its own ends, will have to resort to pure, brute force.   

Although Bitters’s story does not keep the guard away from his soup long enough to prevent Germain from getting attacked, Sue takes great pains to show the effects of the morality tale on its listeners, the most vocal of whom is the Slasher. As the tale proceeds, the Slasher offers feedback on the characters and plot. Early on in his narrative, when Bitters introduces a good-guy character, the town leader who stands up to the villainous Chops-Him-in-Two, the Slasher is quick to share his approbation : “Farceur de doyen! J’aime le doyen, moi!” [“What a character that elder was! I like that elder!”]. And the guard agrees, saying, “Et moi aussi” (p. 971) [“So do I” (p. 1075)]. A little further on, when Bitters dwells on the weakness and deprivations of the hapless Runt and really milks it for his audience, the Slasher pipes up again : “Pauvre moutard, il me semble le voir! […] il y en a d’enfants comme ça… sur le pavé de Paris, des petits crève-de-faim” (p. 972) [“Poor kid! It feels like I see him now […] There are a lot of children like that on the streets of Paris, little starvelings” (p. 1076)]. This time, Germain chimes in after the guard expresses his intention to stay a bit longer, saying, “Vraiment, c’est très intéressant” (p. 973) [“Really, it is very interesting” (p. 1076)]. This commentary on Bitters’s narrative that takes place in the text’s diegetic real time continues, with different characters offering their readings of its significance, its direction, its verisimilitude. As the prisoners weigh the merits of the narrative, along with the petit-bourgeois Germain and the honest working-class guard, they slow it down, draw it out, and give Bitters ideas for the tale suggested by their own experience.   

One could be forgiven for thinking that this prison episode sounds much like Bory’s influential representation of the way this novel was written and read, with Bitters standing in for Eugène Sue, and the prisoners as analogues for Sue’s working-class co-authors.  And indeed, Claudine Grossir has written of this episode that it is a

véritable mise en abyme de l’écriture et de la lecture du roman. Le texte fournit alors son propre mode d’emploi, indiquant la fonction de la fiction et de la littérature dans le processus d’appréhension de la réalité et son pouvoir de transformation du monde : les forçats, émus par le sort de Gringalet, auquel ils identifient inconsciemment François Germain, refusent de devenir les bourreaux du jeune homme.46

[true mise-en-abyme of writing and reading the novel. The novel provides its own reading instructions, specifying the function of fiction and literature in the process of catching reality and its power of transforming the world: the convicts, moved by the fate of the Runt, to whom they unconsciously identify François Germain, refuse to become the executioner of the young man.]   

I agree with Grossir that the episode does function recursively, but what it reproduces in miniature is less the actual writing and reading of the novel than a potent fantasy of what reading and writing can do, and this potent fantasy, as we shall see, goes far beyond narrative’s potential to manipulate, discipline, and repel physical force.  

I want to return to the prefatory remarks Sue makes right before the episode itself begins, for this is where he explicitly sets out his fascination with the way narrative gets metabolized.  He reveals his interest in reading as a mechanism of social power – and when I say reading, I mean it figuratively here, for the “readers” in la Force Prison are taking in Bitters’s narrative by ear – when he writes of the reception of the Runt and Chops-Him-in-Two story.  Before he even has Bitters begin, however, he muses on the nature of reader response among not only the incarcerated but also the masses, generally:  

Avant d’entamer le récit de Pique-Vinaigre, nous rappellerons au lecteur que, par un contraste bizarre, la majorité des détenus, malgré leur cynique perversité, affectionnent presque toujours les récits naïfs, nous ne voudrions pas dire puérils, où l’on voit, selon les lois d’une inexorable fatalité, l’opprimé vengé de son tyran, après des épreuves et des traverses sans nombre.   

Loin de nous la pensée d’établir d’ailleurs le moindre parallèle entre des êtres corrompus et la masse honnête et pauvre; mais ne sait-on pas avec quels applaudissements frénétiques le populaire des théâtres du boulevard accueille la délivrance de la victime, et de quelles malédictions passionnées il poursuit le méchant ou le traître? (p. 969)


[Before we begin Bitters’s story, we must remind the reader that, in strange contrast with what one might expect, most prisoners, in spite of their cynical perversity, almost universally favor naïve, not to say puerile, stories in which an inexorable fate, after trials and travails without number, avenges the oppressed on those who tyrannize against them. Far be it from us to establish any sort of parallel between these corrupt beings and the poor and honest masses, but we all know with what deafening applause the common audiences in the theaters of the boulevard greet the victim’s deliverance and the hissing and booing they rain down on the villain or the traitor.] (p. 1072)

What makes for a peculiar contrast with respect to the criminals – the fact that they’re cynical and perverse but favor morality tales – leads Sue directly into an appreciation of what is for him the unsurprising sensibility of the honest poor, who also favor such tales. The disingenuousness of “Far be it from us to establish any sort of parallel between these corrupt beings and the poor and honest masses” aside, it’s the honest poor who compel Sue’s notice.  He continues :

On raille ordinairement ces incultes témoignages de sympathie pour ce qui est bon, faible, et persécuté… d’aversion pour ce qui est puissant, injuste et cruel.  
On a tort, ce nous semble.  

Rien de plus consolant en soi que ces ressentiments de la foule.  

N’est-il pas évident que ces instincts salutaires pourraient devenir des principes arrêtés chez les infortunés que l’ignorance et la pauvreté exposent incessamment à la subversive obsession du mal? (p. 969)

[People often look down upon these vulgar manifestations of sympathy toward those who are good, weak, and persecuted, and of aversion toward those who are powerful, unjust, and cruel. We think this to be an error. There is nothing more inherently encouraging than these popular feelings. Is it not clear that this healthy instinct could become firm principles to these unfortunate people whose ignorance and poverty expose them constantly to a subversive obsession with evil?] (p. 1072)

“There is nothing more inherently encouraging”: a healthy, moralizing, readerly sensibility among the working classes is, in and of itself, a source of consolation. Consolation for what, we might ask, or for whom?  I’ll get back to these questions in a moment. Sue goes on to offer his admiration for the masses for the morally dependable character of their reading : “Comment ne pas tout espérer d’un peuple dont le bon sens moral se manifeste si invariablement? D’un peuple qui, malgré les prestiges de l’art, ne permettrait jamais qu’une œuvre dramatique fût dénouée par le triomphe du scélérat et par le supplice du juste?” (p. 969) [“How can one not have high hopes for a people whose good moral sense manifests itself so consistently? Of a people who, in the face of any pompous claims of artistic value, would never stand for a dramatic work to conclude with the triumph of the scoundrel and the agony of the good?”] (p. 1072)  

This idea of a moral sensibility to be mobilized by a variety of narrative reception that you can rely on would seem to be challenged by the fact that the very people Sue has characterized as cynical and perverse share it with those in whom he places all his hopes – but it’s precisely the idea of a mobilized and mobilizable reading that offers consolation to the readers of The Mysteries of Paris. It is reading itself that brings consolation – not so much, in this instance, to those who read the tale of the Runt and Chops-Him-in-Two within the tale, but to those who read those who read, which is to say, the readers of the frame narrative of  The Mysteries of Paris.   

Yet if those who read those who read the tale of the Runt and Chops-Him-in-Two are consoled by this working-class reading – which is essentially a disciplinary fantasy that features reading as a check on any hostile feelings that might lead working-class readers into committing acts of violence against the dominant classes – there is still another layer of consolation ahead that derives not from discipline but from the centrality of reading itself.   For before he concludes his excursus on narrative reception and returns to la Force Prison to give Bitters the chance to begin his tale of the Runt and Chops-Him-in-Two, Sue loops back to consider the good moral sense lurking within the hearts of his hardened criminals, but he does so in a move that gestures toward humanity much more broadly:

En un mot, puisque les gens endurcis dans le crime sympathisent encore quelquefois au récit et à l’expression des sentiments élevés, ne doit-on pas penser que tous les hommes ont plus ou moins en eux l’amour du beau, du bien, du juste, mais que la misère, mais que l’abrutissement, en faussant, en étouffant ces divins instincts, sont les causes premières de la dépravation humaine? (p. 970)

[In brief, since hardened criminals still sympathize now and again with the recounting and expression of elevated sentiments, shouldn’t we conclude that all people contain within them appreciation of the beautiful, the good, and the just and that, by distorting and stifling these divine instincts, poverty and degradation are the first causes of human depravation?] (p. 1073)

While this may sound much like a garden-variety Rousseauian pronouncement about the natural goodness of humankind, it is more than that. Sue is making a claim for the power of narrative not only to trigger but also to reveal these qualities of goodness, beauty, and justice.  The reading readers do is an index on their souls.  Reading this reading – not just the reading criminal readers do, not just the reading honest, poor readers do, but also, potentially and crucially, the reading better-off readers do – allows those who are read to be seen at their best, to be seen for what they could be or could have been, or for what they somehow, deep down, really are, in spite of their circumstances.  

What I’ve been saying here is that The Mysteries of Paris offers two different but mutually sustaining fantasies regarding what reading can do: it can trigger or restrain or discipline the reader, on the one hand, and it can allow the reader to be read, on the other.  If the first fantasy makes its most pronounced appearance in the mise-en-abyme of the Bitters  episode, the second fantasy insinuates itself most prominently throughout the narrative in the readings Rodolphe does of the honest, suffering poor whom he tracks down and spies on and tests; it is also present when those whom he reads gain access to these readings done of them. This is the fantasy, in other words, of Rodolphe’s reading being read and valued by the poor he has read.  (I should add that I’m saying “Rodolphe” here, but his aristocratic affiliates, as well as those working-class characters whom he deputizes to work with him, provide the same kind of platform to support the fantasy.)  Rodolphe’s reading does not discipline him: it reveals him to be the godly super-reader who takes note of every singularity. This reading is thus strategically quite different in nature from the reading the prisoners do at la Force. Yet like the first fantasy of what reading can do, this one, too, is supported by a recursive structure that gets reinforced as the reader of The Mysteries of Paris reads Rodolphe’s readings of the poor and absorbs the rewarding reception his readings achieve among his poor readers.  

One of many examples of the second kind of fantasy, the fantasy of one’s reading being read and revealing one’s humanity, occurs when we are first introduced to the Morels, a family suffering from extreme poverty, illness, lack of heat and clothing, and a host of other problems. The patriarch, Jérôme Morel, is a gem-cutter who works on diamonds and other precious stones in the same room in which his family languishes. As he and his wife, Madeleine, commiserate over their fate, Madeleine lashes out at the rich for their hard hearts.  Morel defends them, saying that the rich are no more callous than anyone else – they just don’t know what poverty is.  “Ça naît heureux, ça vit heureux, ça meurt heureux : à propos de quoi veux-tu que ça pense à nous? Et puis, je te dis… ils ne savent pas.” (p. 403) [“They’re born happy, live happy, and die happy. Why should they think of us? And then, you know what? They just don’t know”] (p. 419). A moment later, after acknowledging the kindness of their neighbor Rigolette and its relation to the fact that she is poor herself, he adds, “[C]omme je dis toujours : Si les riches savaient!” (p. 404) [“As I always say, ‘If the rich only knew!”] (p. 419). What he does not know himself is that the rich, represented by Rodolphe, do know and do care (in the text, I mean, of course), and are taking in his story as he speaks. Rodolphe is peeping in on this horrible drama and will eventually reveal himself as the desired rich, omniscient reader.  I say “eventually” because it feels like an eternity before he does so – he waits for a grandmother to be threatened with a whip, for a child to die, for Morel to be cornered by bailiffs who want to haul him off to prison, and for Morel’s daughter Louise to come home and be charged with infanticide before he leaves his hiding place. Nevertheless, he does emerge, just at the moment when the gem-cutter has cried out that God is not just, to disagree with him: “Si, Dieu est juste… il a toujours pitié des honnêtes gens qui souffrent” (p. 420) [“Yes, God is just. He always takes pity on good people who are suffering”] (p. 439). And when Morel throws himself at Rodolphe’s feet, in a gesture of gratitude and submission that characterizes many of the recipients of his largesse, and says, “Ah, monsieur, vous nous sauvez la vie! À qui devons-nous ce secours inespéré?” [“To whom do we owe this unhoped-for help?”], Rodolphe answers him, “À Dieu; vous le voyez, il a toujours pitié des honnêtes gens” (p. 422) [“To God. You see, he always takes pity on good people”] (p. 441).  

This kind of scene abounds in the novel. Rodolphe is not always to be found literally hiding and spying through key-holes to bear witness to the sufferings of others, but throughout the text, he adopts various forms of disguise and subterfuge in order to obtain access to narratives whose authors do not expect him, or anyone, to read them. And throughout the text, the praise for Rodolphe is over the top. Fleur-de-Marie is extravagant in her appreciation of his all-knowing benevolence, as is the Slasher; especially in the case of le Chourineur, Rodolphe is praised for having discerned something in him, “du cœur et de l’honneur” [courage and a good heart, and honor], that the Slasher had never known about himself, let alone had anyone else read in him before, and Rodolphe’s acuity as a reader of the Slasher’s character changes him forever. The point I want to make here is that Rodolphe’s reading of the suffering poor is repeatedly read and lauded by the poor themselves. And it is the reader of The Mysteries of Paris – if not exclusively the bourgeois subscriber base of Le Journal des Débats, then primarily the bourgeois subscriber base of Le Journal des Débats -- who gets to read this extravagant, rewarding reading of Rodolphe’s reading, over and over again.  

This, I want to argue, is where we find the ideological jackpot of The Mysteries of Paris. Embedded in the fantasy of a working-class reading of the bourgeois reader’s reading lies a fantasy of a bourgeois reading that matters, a bourgeois reading that makes a difference in its mere act of accomplishment, a bourgeois reading that comes in for notice and endorsement and gratitude on the part of the potentially threatening populace. If the working-class reader offers consolation or cause for hope to the bourgeois readers Sue explicitly addresses with his text, it is because this spectral reader can appreciate, in fantasy, the caring that bourgeois readers demonstrate, à la Rodolphe, by reading.  

I am not claiming that working-class readers did not read The Mysteries of Paris, nor that they gave no encouragement or material to Sue. However, it is time we acknowledged that the idea that the novel was read and coauthored by working-class readers is – at least also if not instead – a wish-fulfillment fantasy both modeled and marketed within the pages of the novel itself.  It is a fantasy that predated the existence of The Mysteries of Paris, as we have seen, but one that seems to have survived it, too.  

(The University of Rhode Island)

Bibliographie/Bibliography

Sources imprimées (Primary Sources)

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---. The Mysteries of Paris, traduction de Carolyn Betensky et Jonathan Loesberg, NY, Penguin, 2015.

Bibliographie critique (Secondary Sources)

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SVANE, Brynja, Le Monde d’Eugène Sue, Les Lecteurs d’Eugène Sue, Copenhagen, Akademisk Forlag, 1986.

Notes

1  « On ne peut nier qu’ [Eugène] Sue est certainement en partie responsable de la Révolution de février 1848. Février 1848 fut comme une sorte de Saturnale irrésistible célébrée par les héros de Sue, les classes ouvrières et dangereuses du Paris des Mystères de Paris », écrit Jean-Louis Bory (Eugène Sue, Le roi du roman populaire, Paris, Hachette, 1962, cité par Umberto Eco, The Role of the Reader : Explorations in the Semiotics of Texts, Bloomington, Indiana UP, 1979, p. 141).

2  See Jean-Louis Bory, Eugène Sue : le roi du roman populaire;  Louis Chevalier, Classes laborieuses, classes dangereuses à Paris, pendant la première moitié du XIXe siècle, Paris, Hachette/Pluriel, 1984; Umberto Eco, The Role of the Reader:  Explorations in the Semiotics of Texts; Peter Brooks, Reading for the Plot:  Design and Intention in Narrative, Cambridge, Harvard UP, 1992; Brynja Svane, Le Monde d’Eugène Sue, Copenhagen Akademisk Forlag, 1986; Christopher Prendergast, For the People by the People? Eugène Sue’s Les Mystères de Paris : A Hypothesis in the Sociology of Literature, Oxford, Legenda, 2003; Jean-Pierre Galvan, « Les Mystères de Paris » : Eugène Sue et ses lecteurs, 2 vol., Paris, L’Harmattan, 1998; Judith Lyon-Caen, « Un magistère social : Eugène Sue et le pouvoir de représenter », Le Mouvement social no 224, vol. 3, 2008, p. 75-88, et La Lecture et la vie : les usages du roman au temps de Balzac, Paris, Tallandier, 2006; Claire Parfait, « The Nineteenth-Century Serial as a Collective Enterprise : Harriet Beecher Stowe’s Uncle Tom’s Cabin and Eugène Sue’s Les Mystères de Paris », Proceedings of the American Antiquarian Society, 2004, p. 127-152; Dominique Jullien, Les Amoureux de Schéhérazade : Variations modernes sur les Mille et Une Nuits, Genève, Droz, 2008.

3  Bien que ce ne soit pas là son propos, Jullien signale la convergence de la droite et de la gauche dans leur reconnaissance du potentiel révolutionnaire du roman : « En somme, si la droite condamne le roman-feuilleton parce qu’il fomente la révolution, la gauche le condamne parce qu’il empêche la révolution » (Les Amoureux de Schéhérazade, p. 40).

4  Voir Jullien et Grossir pour leur discussion sur la manière dont Sue fusionne avec son protagoniste dans l’imaginaire populaire; Claudine Grossir, « Du feuilleton à l’Assemblée nationale : Eugène Sue et Les Mystères de Paris », Romantisme, no 141, vol. 3, 2008, p. 107–118.

5  Si Foucault élabore dans son essai la théorie de la fonction-auteur de manière explicite, ses conclusions n’en ont pas moins de fortes implications relativement au concept de lectorat. Si l’on perçoit la fonction-auteur comme un principe de catégorisation posant l’existence d’une entité à l’origine de ce à quoi l’on accorde de la valeur, il ne devrait pas être difficile de concevoir « le lecteur » comme une entité similaire sur laquelle sont projetés des fantasmes culturels et historiques spécifiques; voir « What is an Author? », Language, Counter-Memory, Practice, Selected Essays and Interviews by Michel Foucault, éd. Donald F. Bouchard, Ithaca, Cornell UP, 1977, p. 113-138.

6  Karl Marx-Friedrich Engels, The Holy Family, or Critique of Critical Critique, Moscou, Foreign Languages Publishing House, 1956; Eco, The Role of the Reader, p. 138.

7  Pour une excellente discussion au sujet de la crise institutionnelle que la perspective d’un accès démocratisé à la lecture posait aux critiques littéraires, voir l’introduction de Lise Dumasy, La Querelle du roman-feuilleton : Littérature, presse et politique, un débat précurseur (1836-1848), Grenoble, ELLUG, 2000, p. 5-21; ainsi que La Lecture et la Vie de Judith Lyon-Caen.

8  Lyon-Caen retrace la trajectoire du roman dans les années 1840, depuis son statut initial et sa position extérieure au regard des critiques professionnels, jusqu’à son déplacement sur le devant de la scène politique. C’est sous la Monarchie de juillet que les romans, et plus particulièrement les romans-feuilletons, exigent que soit reconnue leur pertinence politique (Lyon-Caen, La Lecture, p. 71). Lyon-Caen considère pourtant que la notion selon laquelle les romans auraient eu quelque pouvoir en soi perd de sa force à la fin du dix-neuvième siècle. Je suggérerais pour ma part que cette notion ne perd pas complètement de sa vigueur. Il semble plutôt qu’elle se transforme en une autre notion, laquelle répond de manière plus apte aux besoins présents, et peut-être plus que jamais à nos besoins universitaires actuels.

9  Garrett Stewart, Dear Reader, The Conscripted Audience in Nineteenth-Century British Fiction, Baltimore, Johns Hopkins UP, 1996, p. 7.

10  Stewart, Dear Reader, op. cit., p. 8.

11  Stewart, Dear Reader, op. cit., p. 18-19.

12  Christopher Prendergast, For the People, op. cit., p. 66.

13  Cité par Jean-Louis Bory, Eugène Sue, op. cit., p. 270.

14  Bory, op. cit., p. 272-273.

15  Jean-Pierre Galvan, « Les Mystères de Paris », op. cit., p. 9.

16  Judith Lyon-Caen, La Lecture, op. cit., p. 66.

17  Alors que Les Mystères de Paris firent l’objet d’une attaque menée par des conservateurs de tous bords – ce qui n’a pas de quoi surprendre – il s’en fut de peu avant que le roman se trouve sous les feux de la gauche et de la presse ouvrière. Contrairement aux journaux ouvriers La Ruche populaire et Le Populaire qui ne touchaient qu’un lectorat limité et se montraient tout à fait mielleux dans les éloges qu’ils faisaient de Sue, L’Atelier critiquait quant à lui le roman du fait qu’il ne rendait pas compte de la nature proprement systémique de la pauvreté et n’offrait par conséquent que d’« insignifiants palliatifs » aux maux sociaux plutôt qu’une étude poussée de ces derniers et des plans d’action qui pourraient y remédier. Voir Prendergast, For the People by the People?, p. 113. On sait aussi que Marx et Engels se moquèrent largement des prétentions réformistes du roman dans La Sainte Famille (1845). L’aspect le plus marquant de leur attaque concerne sans doute la suggestion que fait Rodolphe à Clémence d’Harville de prendre part à des travaux philanthropiques en vue de se divertir : « Le mystère de la philanthropie imaginé par Rodolphe, ce dandin de Paris, le trahit quand, après la danse, il invite sa cavalière à souper : “Ah, madame! ce n’est pas assez d’avoir dansé au bénéfice de ces pauvres Polonais… Allons souper maintenant au profit des pauvres!” » Marx et Engels, La Sainte Famille, p. 229 [dans le texte d’origine, en allemand, les expressions en italiques étaient en français].

18  Cité par Judith Lyon-Caen, La Lecture, op. cit., p. 83.

19  Cité par Judith Lyon-Caen, La Lecture, op. cit., p. 84.

20  Il est bon de remarquer que Chapuys-Montlaville était théoriquement un réformiste, ou ainsi que le propose Lyon-Caen, un représentant de « la gauche dynastique » (Lyon-Caen, La Lecture, p. 81). Il fut critiqué pour ce que l’on nommerait aujourd’hui son classicisme par un journaliste contemporain, Louis Desnoyers, qui déclarait dans Le Siècle en 1847 : « Comme on le voit, M. de Chapuys-Montlaville est foncièrement hostile au déclassement des individus. C’est une anomalie de plus dans les doctrines de l’honorable démocrate. Il ne veut pas que les enfants s’efforcent de s’élever au-dessus de leur condition native; il ne faut pas même qu’ils aspirent jamais à professer en Sorbonne » (cité Dumasy, La Querelle, op. cit., p. 130).

21  D’après Bory, Charles Menche de Loisne accusa directement Sue, qui à cette époque servait en tant que représentant socialiste à l’Assemblée, d’avoir déclenché l’insurrection en ayant écrit Les Mystères de Paris (Bory, Eugène Sue, op. cit., p. 349-50).

22  Je citerai l’édition de Judith Lyon-Caen (Quarto/Gallimard, 2009), et donnerai les références au roman dans le corps de l’article.

23  Claudine Grossir, « Du feuilleton à l’Assemblée nationale », art. cité, p. 111.

24  “It cannot be denied that [Eugène] Sue is certainly in part responsible for the revolution of February 1848.  February 1848 was like an irresistible saturnalia celebrated by Sue’s heroes, the laboring classes and the dangerous classes in the Paris of Les Mystères”, Jean-Louis Bory writes in  Eugène Sue, Le roi du roman populaire, Paris, Hachette, 1962 (quoted by Umberto Eco, The Role of the Reader: Explorations in the Semiotics of Texts, Bloomington: Indiana UP, 1979, 141).  

25  See Jean-Louis Bory, Eugène Sue : le roi du roman populaire;  Louis Chevalier, Classes laborieuses, classes dangereuses à Paris, pendant la première moitié du XIXe siècle, Paris, Hachette/Pluriel, 1984; Umberto Eco, The Role of the Reader:  Explorations in the Semiotics of Texts; Peter Brooks, Reading for the Plot:  Design and Intention in Narrative, Cambridge, Harvard UP, 1992; Brynja Svane, Le Monde d’Eugène Sue, Copenhagen Akademisk Forlag, 1986; Christopher Prendergast, For the People by the People? Eugène Sue’s Les Mystères de Paris : A Hypothesis in the Sociology of Literature, Oxford, UK: Legenda, 2003; Jean-Pierre Galvan, « Les Mystères de Paris » : Eugène Sue et ses lecteurs, 2 vol., Paris, L’Harmattan, 1998; Judith Lyon-Caen, “Un magistère social : Eugène Sue et le pouvoir de représenter, ” Le Mouvement social no 224, vol. 3, 2008, p. 75-88, and La Lecture et la vie : les usages duroman au temps de Balzac, Paris, Tallandier, 2006; Claire Parfait, “The Nineteenth-Century Serial as a Collective Enterprise : Harriet Beecher Stowe’s Uncle Tom’s Cabin and Eugène Sue’s Les Mystères de Paris,” Proceedings of the American Antiquarian Society, 2004, p. 127-152; Dominique Jullien, Les Amoureux de Schéhérazade : Variations modernes sur les Mille et Une Nuits, Genève, Droz, 2008.

26  Although she is making a different point here, Jullien notes the confluence of right and left in their appraisal of the revolutionary potential of the novel : “En somme, si la droite condamne le roman-feuilleton parce qu’il fomente la révolution, la gauche le condamne parce qu’il empêche la révolution” (Les Amoureux de Schéhérazade, op. cit., p. 40).

27  See Dominique Jullien and Claudine Grossir for their discussions of the way Sue fuses with his protagonist in the popular imagination ; Claudine Grossir, « Du feuilleton à l’Assemblée nationale : Eugène Sue et Les Mystères de Paris », Romantisme, no 141, vol. 3, 2008, p. 107-118.

28  While Foucault’s essay explicitly theorizes the author-function, it also has profound implications for notions of readership.  If we understand the author-function as a principle of categorization that posits an entity at the origin of what we value, it should not be difficult to conceive of “the reader” as a similarly entity upon whom culturally and historically specific fantasies are projected.

29  See Karl Marx and Friedrich Engels, The Holy Family, or Critique of Critical Critique, Moscou, Foreign Languages Publishing House, 1956; Eco, The Role of the Reader, 138.

30  For an excellent discussion of the institutional crisis the prospect of democratized reading posed to literary critics, see Lise Dumasy’s introduction to her Querelle du roman-feuilleton:  Littérature, presse et politique, un débat précurseur (1836-1848), Grenoble, ELLUG, 2000, p.5-21, as well as Lyon-Caen’s La Lecture et la Vie.

31  Lyon-Caen charts the novel’s trajectory in the 1840s from its former position out from under the purview of academic critics and onto the political main stage.  It was during the July Monarchy that novels, particularly romans-feuilleton, claimed political relevancy for themselves (Lyon-Caen, La Lecture, p. 71).  Yet Lyon-Caen sees the notion that novels were powerful in and of themselves as having waned by the end of the nineteenth century.  I am contending that this notion did not wane entirely.  It seems rather to have morphed into one that suits our current needs – and perhaps more than ever, our current academic needs.

32  Garrett Stewart, Dear Reader, The Conscripted Audience in Nineteenth-Century British Fiction, Baltimore, Johns Hopkins UP, 1996, p. 7.

33  Stewart, Dear Reader, op. cit., p. 8.

34  Stewart, Dear Reader, op. cit., p. 18-19.

35  Christopher Prendergast, For the People, op. cit., p. 66.

36  Bory, Eugène Sue, p. 270.

37  Bory, Eugène Sue, p. 272-273.  

38  Jean-Pierre Galvan, « Les Mystères de Paris », p. 9.

39  Judith Lyon-Caen, La Lecture, p. 66.  

40 While The Mysteries of Paris came under attack unsurprisingly from conservatives of various stripes, it didn’t take long for the novel to be blasted from the left or by the working-class press, either.  Unlike the less widely read workers’ newspapers La Ruche Populaire and Le Populaire, which were unctuous in their praise for Sue, the newspaper L’Atelier was critical of the novel on the grounds that it did not reflect the systemic nature of poverty and thus offered “insignificant palliatives” for social ills instead of any real analysis of them or substantive plans for addressing them (See Prendergast, For the People by the People?, p. 113).  Marx and Engels also famously scoffed at the novel’s reformist pretentions in The Holy Family (1845).  Perhaps the most memorable aspect of their takedown concerned Rodolphe’s suggestion to Clémence d’Harville that she engage in philanthropy for the sake of amusement: “The mystery of the philanthropy he has hatched is betrayed by the Paris fop who invites his partner to supper after the dance in the following words: ‘Ah, Madame, it is not enough to have danced for the benefit of these poor Poles.... Let us have supper now for the benefit of the poor!’” Marx and Engels, The Holy Family, p. 257.

41  Judith Lyon-Caen, La Lecture, p. 83.   

42  Judith Lyon-Caen, La Lecture, p. 84.

43  It is worth noting that Chapuys-Montlaville was nominally a reformist, or as Lyon-Caen puts it, a representative of “la gauche dynastique” (the established left-wing) (Lyon-Caen, La Lecture, p. 81).  He was called out for what today would be called his classism by a contemporary journalist, Louis Desnoyers, who wrote in Le Siècle in 1847:  “Comme on le voit, M. de Chapuys-Montlaville est foncièrement hostile au déclassement des individus.  C’est une anomalie de plus dans les doctrines de l’honorable démocrate. Il ne veut pas que les enfants s’efforcent de s’élever au-dessus de leur condition native; il ne faut pas même qu’ils aspirent jamais à professer en Sorbonne” [As one can see, M. de Chapuys-Montlaville is fundamentally hostile to social climbing. It is one more anomaly in the doctrines of the honorable democrat. He does not want that children strive to elevate themselves out of their native condition; they must not even aspire to become a Sorbonne professor]. Quoted in Dumasy, La Querelle du roman-feuilleton, p. 130.

44  According to Bory, Charles Menche de Loisne directly charged Sue, who was at that time serving as elected socialist representative in the Assemblée, with having instigated the insurrection with his authorship of The Mysteries of Paris (Bory, Eugène Sue, Le roi du roman populaire, p. 349-50).

45  I will quote from my translation with Jonathan Loesberg of Sue’s Mysteries of Paris (New York, Penguin, 2015), and will give the pagination of quotations in the body of the essay.

46  Claudine Grossir, « Du feuilleton à l’Assemblée nationale », p. 111.

Pour citer ce document

Carolyn Betensky, « Fantasmes de lecture dans Les Mystères de Paris d’Eugène Sue », American Mysterymania, sous la direction de Catherine Nesci, avec la collaboration de Devin Fromm Médias 19 [En ligne], Dossier publié en 2018, Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/american-mysterymania/fantasmes-de-lecture-dans-les-mysteres-de-paris-deugene-sue