La révolution queer. Les Mystères de La Nouvelle-Orléans et leur cadre caribéen chez Ned Buntline et Ludwig von Reizenstein
Table des matières
MICHAEL GRAFALS
2018
The Mysteries and Miseries of New Orleans [Les Mystères et Misères de La Nouvelle-Orléans], de Ned Buntline (1851) et Die Geheimnisse Von New-Orleans1 [Les Mystères de La Nouvelle-Orléans] de Ludwig Von Reizenstein sont deux mystères urbains qui mettent en œuvre les relations de « la ville croissant » avec les Caraïbes, l’héritage de l’esclavage et la révolution haïtienne qui ont marqué l’histoire de cette région2. Les deux textes ébauchent ce que Fredric Jameson nommera plus tard une « cartographie cognitive » : les deux récits partent de l’espace urbain de La Nouvelle-Orléans pour cartographier de nombreuses connexions à travers les États-Unis et la région des Caraïbes. Ce faisant, ils mettent en scène et en fiction les coordonnées d’un système impérialiste états-unien que le texte soutient, dans le cas de Buntline, ou critique, comme le fait Reizenstein3. Ces mystères urbains dessinent un espace que les études culturelles explorent rarement aux É.-U., et suscitent deux questions essentielles. Quelle figuration la littérature non canonique du dix-neuvième siècle, diffusée dans l’espace états-unien, offre-t-elle des Caraïbes comme espace socioculturel ? Dans quelle mesure cette région, hantée par le spectre omniprésent d’Haïti, a-t-elle inspiré des visions de changement social aux États-Unis ? Nous verrons que ces mystères urbains nouent des liens implicites entre la menace d’une révolte noire, la fluidité raciale et ethnique spécifique à La Nouvelle-Orléans et la transformation progressive du genre et des identités sexuées.
La « Ville croissant » : Empire, créolisation, révolution
La Nouvelle-Orléans constitue la ville américaine des Caraïbes par excellence. En effet, comme le suggère Nathalie Dessens, au dix-neuvième siècle, « New Orleans unvaryingly appeared as the northernmost point of the Caribbean4 » [La Nouvelle-Orléans apparaît invariablement comme l’extrémité septentrionale des Caraïbes] où « [native], African and European cultural traditions had blended to produce a syncretic culture5 » [des traditions culturelles européennes et africaines se sont mélangées pour former une culture syncrétique]. Tandis que la majeure partie de l’Amérique anglo-saxonne repose sur une structure raciale binaire, La Nouvelle-Orléans conserve à cette époque une histoire de relations raciales héritées des colonisations française et espagnole, ce qui produit : « [a] continuum of racial categories ; a relatively high tolerance for interracial relationships [and a] relatively high tolerance for people of color in positions of wealth and power6 » [un continuum de catégories raciales ; une tolérance relativement grande pour les relations interraciales (et une) tolérance relativement grande pour la présence de gens de couleur riches et puissants]. Dès le premier dix-neuvième siècle, la ville est recréolisée par un afflux de réfugiés provenant de Saint-Domingue, ainsi que par des émigrés anglo-saxons venus de l’est des États-Unis et des immigrants européens qui s’y installent après la vente de la Louisiane7. Il est impossible de comprendre la force culturelle de La Nouvelle-Orléans sans prendre en compte sa proximité et son interaction avec les Caraïbes et leur histoire : des formes culturelles et artistiques telles que le jazz, le blues, ou le carnaval du Mardi-Gras, par exemple, ont émergé dans cet espace par des processus spécifiques à la région caribéenne. L’écrivain martiniquais Édouard Glissant définit ces processus sous le terme général de « créolisation », à savoir « la rencontre, l’interférence, le choc, les harmonies et disharmonies entre les cultures8 ».
Pour sa part, l’historien de la culture et sociologue jamaïco-britannique Stuart Hall précise que de violentes formes d’antagonisme social ont néanmoins structuré ces zones de transculturation : « Creolization always entails inequality, hierarchization, issues of domination and subalternity, mastery and servitude, control and resistance. Questions of power, as well as issues of entanglement, are always at stake9 » [Le processus de créolisation comporte toujours inégalité, hiérarchisation, questions de domination et de subalternité, de maîtres et d’esclaves, de contrôle et de résistance. Des questions de pouvoir ainsi que des problèmes d’intrication sont toujours en jeu]. Même si des formes coopératives et des alternatives de vie sociale interculturelle ont pu naître des contacts et des intrications que forment des groupes ethniques variés, diverses angoisses hantent toutefois ces processus de créolisation en ce que des rapports de force oppressifs continuent à modeler ces assemblages ethniques.
Les mystères urbains de Buntline et de Reizenstein mettent tous deux en scène le réel « refoulé » de l’antagonisme10 que constitue la réalité sociale créolisée de La Nouvelle-Orléans. En raison de l’esclavage et du système des plantations qui modèlent les formes de vie sociale de l’avant-guerre civile, la menace d’une violente révolution est omniprésente. Fait significatif, les deux textes pointent l’idée qu’une révolution contre les forces hégémoniques soutenant les inégalités raciales menace également de détruire les structures sous-tendant les inégalités de genre et de sexe. Dans ces romans, les Caraïbes agissent comme un territoire qui ouvre de nouveaux espaces de devenir social et politique, que ce soit en termes de l’affirmation, chez Buntline, d’une masculinité blanche impérialiste, ou bien du désir utopique, chez Reizenstein, pour de nouvelles formes de vie sexuelle et sociale naissant d’une révolution. Les aspirations politiques exprimées dans ces textes se mêlent à des projets de reconstruction des genres sexués. Tandis que pour Buntline les Caraïbes deviennent ce que Shelley Streeby appelle « [the] testing ground for U.S. manhood11 » [le terrain d’essai d’une virilité nord-américaine], pour Reizenstein, si une révolution menace les États-Unis depuis les Caraïbes, la moralité conventionnelle américaine est également remise en question par la solidarité implicite entre rébellion noire et sociabilité blanche lesbienne. Bien que les deux textes contiennent une dimension apocalyptique, la vision de Reizenstein est unique en ce qu’elle annonce la seconde venue d’un messie noir, en même temps que la survie de la race blanche par l’amour lesbien.
On l’oublie souvent, mais au dix-neuvième siècle, la frontière et les fantasmes d’expansion états-unienne ne se portent pas uniquement vers l’ouest. Les Caraïbes font aussi partie des politiques expansionnistes nord-américaines : de nombreux états du sud lorgnent des îles comme Cuba pour y étendre l’esclavage grâce à une annexion12. La Nouvelle-Orléans, ville à la frontière des Caraïbes et des États-Unis, a été profondément remodelée par l’exode massif de la population blanche de Saint-Domingue en 1801, lorsque Toussaint L’Ouverture déclare que l’ancienne colonie française sera désormais la république noire d’Haïti. La Révolution haïtienne représente l’une des rares rébellions d’esclaves couronnées de succès des temps modernes et a servi de révolution fondatrice, parmi d’autres révolutions, aux luttes pour l’indépendance dans les Amériques. Une telle révolution menaçait l’économie de plantation qui régnait sur le sud des États-Unis tout en redonnant espoir aux révolutionnaires noirs. Les Caraïbes sont ainsi devenues un espace ambigu pour de nombreux Américains : d’une part, elles alimentaient les rêves d’expansion états-unienne et la perspective d’une institution permanente de l’esclavage dans les Amériques ; d’autre part, elles étaient aussi source d’anxiété et ferment d’espoir pour une possible révolution noire panaméricaine. The Mysteries and Miseries of New Orleans de Buntline et Die Geheimnisse von New-Orleans de Reizenstein traitent ces questions transnationales selon des perspectives opposées.
La première Renaissance afro-américaine
Deux éléments essentiels permettent de mieux comprendre le contexte des deux œuvres, sur les plans littéraire et politique13. Les années 1850 constituent un tournant majeur pour la représentation littéraire de la résistance noire. Henry Louis Gates Jr. et Nellie McKay qualifient cette période de première Renaissance littéraire afro-américaine14. Uncle Tom’s Cabin d’Harriet Beecher Stowe (1852) et The Heroic Slave de Frederick Douglass (publié la même année) inaugurent cette renaissance. Le premier roman renforce le discours abolitionniste, tandis que le second reprend l’histoire de Madison Washington, esclave cuisinier, qui, en 1841, mène une révolte sur le navire négrier Le Créole, parti de Virginie à destination de La Nouvelle-Orléans. Washington prend le commandement du navire et ordonne de se diriger vers Nassau dans les Bahamas, où l’esclavage a été aboli en 1839. Cent vingt-huit esclaves recouvrent la liberté, ce qui fait de cette révolte d’esclaves la plus importante et la plus réussie de l’histoire des États-Unis. De manière similaire, Benito Cereno d’Herman Melville (1855) raconte l’histoire d’une révolte d’esclaves à bord du navire espagnol Le San Dominick – nom qui fait référence à la révolution haïtienne.
Les fantasmes maritimes d’émancipation noire ne s’arrêtent pas là. La fin de la décade voit la publication en feuilleton de l’un des romans afro-américains les plus radicaux du siècle ; il s’agit de Blake : Or, the Huts of America, de l’abolitionniste Martin R. Delany ; vingt-six chapitres sont publiés dans le Anglo-African Magazine en 1859 ; le Weekly Anglo-African publie le roman en feuilleton dans son intégralité entre novembre 1861 et mai 186215. Le roman suit l’histoire de Henry Blake, un noir cubain qui voyage vers l’Afrique en tant que marin sur un navire négrier, pour se retrouver réduit en esclavage par le colonel Stephen Franks, le propriétaire d’une plantation dans le Mississippi qui entretient des relations commerciales avec Cuba. Au début du roman, Blake s’échappe de la plantation suite à la vente injuste de sa femme à un esclavagiste américain qui réside à La Havane. Blake parcourt le sud des États-Unis, dont La Nouvelle-Orléans, organisant une massive révolte d’esclaves avant de fuir au Canada et finalement à Cuba, où il obtient la liberté de sa femme. À Cuba, Blake monte à bord d’un autre navire négrier en direction de l’Afrique en tant que quartier-maître, incognito cette fois, et refait ainsi, au sein de son grand projet pour se procurer de futures recrues, l’horrible « passage mitoyen16 ». Le roman inachevé s’arrête soudainement lorsque Blake projette d’envahir, avec l’aide d’un groupe de Cubains noirs révolutionnaires, le sud des États-Unis depuis La Havane.
Pour délaissé qu’il soit de nos jours, ce roman évoque l’abstraction utopique que Paul Gilroy appellera plus tard « l’Atlantique noir », qui valorise « des cultures rhizomorphiques, mobiles, diasporiques », en opposition aux définitions étroites de l’identité noire que Delany percevait dans les mouvements afro-américains d’émancipation. Selon Gilroy, « the topography of the black Atlantic world is directly incorporated into Delany’s tale17 » [la topographie du monde atlantique noir est directement incorporée dans l’histoire de Delany] et le chronotope du navire, si important chez Delany (comme dans les romans de Buntline et de Reizenstein), devient « the living means by which the points within [the] Atlantic world were joined18 » [le moyen vivant grâce auquel sont reliés les différents points du monde atlantique]. À l’instar des Mysteries of New Orleans de Reizenstein, comme nous le verrons, Delany imagine également les Caraïbes en tant que source d’une future et utopique révolution noire. Chez Delany et dans les autres romans cités, s’exprime la conscience du positionnement géographique des Caraïbes en tant que « pont insulaire », selon l’expression d’Antonio Bénitez-Rojo, reliant La Nouvelle-Orléans, ville septentrionale des Caraïbes, à l’Amérique du Sud et à l’Afrique19. Un navire rempli de révolutionnaires noirs, voguant vers les États-Unis, symboliserait une revanche, pour l’Atlantique noir, des fléaux subis de l’esclavage et du passage mitoyen. Toutefois, une révolte historique à laquelle le roman de Delany fait constamment référence fait écho à l’insurrection fictionnelle fomentée par Blake, fournissant un second cadre historique aux mystères urbains de Buntline et de Reizenstein.
En effet, la tentative et l’échec de l’aventurier vénézuélien Narciso López ont une grande importance politique. En 1851, celui-ci reçoit le soutien politique et financier de nombreuses personnes influentes du sud des États-Unis pour envahir Cuba, fomenter une révolution et annexer l’île pour le compte des États-Unis. Narciso López recrute plus de six cents mercenaires clandestins, mais l’expédition échoue, plusieurs de ses membres subissent la violence des prisons espagnoles ; lui-même est exécuté. Scandalisées par le traitement des prisonniers militaires, des foules soutenant Lopez envahissent même le consulat espagnol à La Nouvelle-Orléans. L’expédition de Narciso López est la première d’une longue liste de guerres clandestines américaines contre Cuba20. Cette expédition imprègne les deux mystères que nous allons analyser. Elle est également au centre du roman de Lucy Pickens, The Free Flag of Cuba, publié en 1854, qui raconte de manière romancée la tentative de López, l’acclame comme martyr et pleure l’échec d’une expansion méridionale.
Les masculinités déchues de Buntline
La tentative de López offre un cadre référentiel au récit de la seconde moitié du texte de Ned Buntline, The Mysteries and Miseries of New Orleans. Buntline est célèbre dans le genre des mystères urbains pour le succès de son roman Mysteries and Miseries of New York (1848). Tandis que ses mystères urbains new-yorkais s’étendent sur presque 600 pages, ses mystères néoorléanais ne forment qu’un mince roman d’une centaine de pages. Bien qu’empruntant certaines caractéristiques des mystères urbains, les mystères néoorléanais s’en éloignent en ce qu’ils ne contiennent aucun grand complot qui mettrait en scène les forces cachées de la vie urbaine. Toutefois, ce petit roman comporte des digressions qui s’écartent de l’intrigue principale pour peindre de courtes vignettes de la vie urbaine et des types urbains. Par exemple, la narration introduit deux policiers immigrés corrompus qui sont soudoyés par un pickpocket professionnel français et aristocrate libertin complotant pour séduire une actrice créole21 vertueuse, ainsi qu’un reporter yankee rusé et complice de crimes pour ses articles. La première moitié de l’intrigue suit l’échec du mariage de Charles Gardner et de sa femme Fanny, une Créole vertueuse. Négligeant Fanny, Charles se retrouve impliqué dans le milieu du jeu et ne retourne chez lui qu’après avoir bu et perdu beaucoup d’argent. Buntline représente un milieu où les joueurs se font passer pour des gens de la bonne société :
In the pleasant parlor of a professional gentleman, on Royal street, a very select party were assembled to play a game of cards…One of these, however, merits a description, for he is one of those genteel sharks, who, preying upon community, pass for gentlemen, living on a supposed fortune, when, in fact, they are nothing but gamblers, and have no income except it be gained by the chances or the trickeries of the gaming table. Every city in the Union, but particularly New York and New Orleans has a stock of these “gentlemen” ever on hand, to lead good men astray, make bad ones worse, and to bring ruin on parents by enticing young men to follow fashionable examples22.
[Dans l’agréable salon d’un gentleman professionnel, sur Royal Street, un groupe savamment sélectionné s’était réuni pour jouer aux cartes... L’un d’entre eux, toutefois, mérite description, en ce qu’il est l’un de ces requins distingués, qui, tourmentant la communauté, passent pour des gentlemen, vivant d’une fortune supposée, lorsqu’en fait, ils ne sont rien que des joueurs, et n’ont aucun revenu autre que ce qu’ils gagnent grâce aux risques et aux ruses de la table de jeu. Chaque ville de l’Union, mais particulièrement New York et La Nouvelle-Orléans, compte toujours un certain nombre de ces « gentlemen » en réserve, pour détourner les hommes bons du droit chemin, corrompre encore plus les hommes mauvais, et apporter la ruine de nombreux parents en incitant les jeunes gens à suivre ces exemples en vogue.]
La description de ces faux gentlemen ainsi que la débauche de Charles signalent les effets nuisibles de l’espace urbain néoorléanais sur une masculinité authentique. Le jugement que le narrateur porte sur Charles est sans équivoque : « [Who is the] woman can love him who comes reeling home in the late hours of night reeking with the sickening fumes of liquor and tobacco smoke… Blame not the woman who forsakes such a man. Woman, like a flower, must be attended and cultivated. Neglect her and she dies. » [Quelle femme peut aimer celui qui rentre titubant tard le soir, empestant les vapeurs écœurantes d’alcool et de fumée... Ne vous en prenez point à la femme qui abandonne un tel homme. De la femme, telle la fleur, il faut s’occuper et la cultiver. Négligez-la, et elle mourra] (p. 36). L’un de ces joueurs est le libertin Orrin Bird, qui parie qu’il peut séduire la vertueuse Fanny. La séduction est couronnée de succès et Fanny tombe amoureuse de Bird. Lorsque Charles découvre leur liaison, il tue Bird au cours d’un duel. Fanny jure une vengeance sanglante et Charles cherche à fuir La Nouvelle-Orléans pour éviter les représailles de l’entourage de Bird. S’ouvre alors la deuxième intrigue inattendue du roman, et le narrateur déclare ainsi :
[Charles] felt that he was not safe in those latitudes. So feeling he looked with the eye of thought for some other sphere of action. A new field of action was at that moment opening. Cuba and her wrongs was [sic] laid like a map before him. A land where the people were crushed by the despot’s heel – a soil stained with the blood of those who offered up their lives in freedom’s cause, was before him, and knowing a few of those who, for “God, Liberty and Lopez,” would raise the banner and draw the steel he volunteered. (p. 62)
[[Charles] sentait qu’il n’était pas en sécurité sous ces latitudes. Il chercha ainsi consciencieusement quelque autre champ d’action. Une nouvelle zone d’action s’ouvrait à ce moment-là. Cuba et ses torts s’étendaient telle une carte déroulée devant lui. Une contrée dont le peuple était écrasé sous le talon de leur despote – une terre tachée du sang de ceux qui avaient offert leur vie pour la cause de la liberté était devant ses yeux, et, connaissant certains de ceux qui, « pour Dieu, pour la liberté et pour Lopez », hisseraient l’étendard et dégaineraient leur épée, il s’engagea comme volontaire.]
Cette fuite implique non seulement une peur de représailles, mais aussi une possibilité de recouvrer une virilité perdue à cause de la négligence de devoirs maritaux. La campagne de López offre une échappatoire à la débauche générale de la ville, espace urbain où seuls les escrocs, les libertins, les journalistes sans scrupules et les policiers corrompus se sentent chez eux. La seconde partie du roman fait écho aux fictions d’aventure impériale dont Buntline a également été l’auteur, et surtout à son roman d’amour sur la guerre américano-mexicaine, The Volunteer : or, The Maid of Monterey (1847), dans lequel le personnage éponyme répond à une mère le suppliant de ne pas s’engager que « the call is for men ; you would yourself blush if I were so unmanly as not to respond to the call!23 » [l’appel aux armes est pour les hommes ; tu aurais toi-même honte si j’étais trop peu viril pour répondre à cet appel !]. De même, lorsque le narrateur décrit le bateau que Charles prend pour se rendre à Cuba, il déclare : « There were but 50 men aboard, but each was a man » [Il n’y avait que cinquante hommes à bord, mais chacun d’entre eux était un homme] (p. 62). La mise en valeur du terme « homme » fait ici écho à l’évaluation négative contenue dans le passage sur les « joueurs » qui essaient de se faire passer pour des gentlemen dans les salons de La Nouvelle-Orléans, signalant ainsi la foi du narrateur en une virilité authentique. Buntline exploite l’image d’un aventurier impérialiste machiste afin de s’approprier une forme de virilité et promouvoir une idéologie expansionniste. Théodore Roosevelt et les Rough Riders exploiteront la même idéologie lors de leur invasion de Cuba en 189824.
Pourtant, Charles ne recouvre sa masculinité que trop tard pour réparer les dommages causés à Fanny et à l’identité genrée qui lui est propre : le texte sous-entend que les actions de Charles ont aidé à créer un être monstrueux qui défie les normes de genre. Lorsque Fanny apprend la mort de Bird, elle jure à son mari : « Beware of me. [Bird], and he only was my true husband, for when I was forced to have you, I loved him. Remember this warning…I will be your death ! » [Prends garde à moi. [Bird], et lui seul fut mon véritable mari, car tandis que j’étais forcée à t’avoir, lui je l’aimais. N’oublie pas mon avertissement... Je serai ta mort !] (p. 61) Alors que Charles fuit vers Cuba, Fanny se déguise et le suit pour saboter son expédition, se travestissant même à un moment – comme si elle signalait ainsi le trouble dans son genre – pour monter à bord d’un bateau à vapeur en destination de La Havane. Lorsque Charles débarque à Cuba, une seconde chance amoureuse lui est donnée lorsqu’il courtise Guadaloupe, la fille d’un riche propriétaire de plantations. Toutefois, ses rêves de vie de famille dans les plantations sont contrecarrés lorsque Fanny va trouver le général en chef Concha, avec qui elle échange des informations au sujet des envahisseurs contre le privilège de voir son mari exécuté : « [He must die] in some low, dimly lighted dungeon, where no eyes but that of the executioner and mine might look upon his writhings, where no ear but the executioner’s and mine could hearken to his dying wail » [(Il doit mourir) au plus profond d’un sombre donjon, où seuls les yeux du bourreau et les miens témoigneront de sa douleur, où seules les oreilles du bourreau et les miennes pourront ouïr son dernier soupir] (p. 72). Le général en chef, horrifié par la trahison de celle-ci, déclare : « Nature erred in making you a woman, lady! You should have been a man » [La nature s’est trompée lorsqu’elle a fait de vous une femme, Madame ! Vous auriez dû être un homme.] (74). Comme l’explique Amy Greenberg dans son livre Manifest Manhood and Antebellum America, Fanny représente la femme américaine exclue du récit expansionniste agressif, « a controlling and destructive force that martial men were wise to try to escape, and foolish to allow in to the sanctum of the new frontier25 » [une force destructrice et dominante que les hommes belliqueux furent sages de tenter d’éviter, et stupides d’autoriser dans le sanctuaire de la nouvelle frontière].
Fanny dérange ainsi la séparation des rôles de genre qui relèguent les femmes dans la sphère de la vie familiale. Lorsqu’elle participe à l’aventure impérialiste de Charles et infiltre celle-ci, elle devient un personnage « queer », transgressant les normes de son genre de façon à ce que naisse chez elle une capacité d’agir politique, qui menace l’hégémonie patriarcale blanche. Fanny assouvit sa vengeance et le dernier paragraphe la dépeint montant à bord d’un bateau à vapeur en direction de « la métropole de l’État de l’Empire » où elle rejoindra, selon le narrateur, « the great whirlpool of society, which contains thousands of women of her stamp » [le grand tourbillon de la société, qui contient des milliers de femmes de son acabit] (p. 104). Le narrateur passe la majeure partie du dernier chapitre à justifier la vengeance de Fanny : cette dernière, explique-t-il, est le produit d’hommes qui, séduits par de viles formes de sociabilité urbaine, ne remplissent pas le rôle normatif qu’ils occupent dans le cadre du mariage hétérosexuel : « …what a low-souled hound must that man be who can prefer the society of loafers, thieves and drunkards which infest rum holes and gambling hells to that of the pure, intelligent and loving being whom he meanly leaves to pine and weep in her loneliness at home! » [...quel chien à l’âme damnée doit être cet homme qui peut préférer la compagnie de flâneurs, de voleurs et d’ivrognes qui infestent les bistrots et les tripots à celle de l’être pur, intelligent et aimant qu’il abandonne lâchement chez lui et laisse languir et pleurer dans la solitude !] (p. 103) Mais si les hommes et la ville expliquent l’existence de ces femmes naviguant en eau trouble, il existe toutefois chez Fanny un excès de liberté et de vitalité qui représente la ville comme un espace progressif qui libère des normes de genre. C’est ce qui apparaît bien plus clairement dans les mystères de La Nouvelle-Orléans de Reizenstein.
Dans le contexte d’un mystère urbain situé à La Nouvelle-Orléans, la libération des rôles de genre est étroitement liée à l’émancipation noire. Lorsque le général en chef engage le combat avec les forces de López, il les menace de désenchaîner la population noire des Caraïbes :
Rather than these pirates should triumph, I would free and let loose upon them the great horde of slaves which constitute the largest part of our population. I would cut them off from all hope of provision and plunder, by firing every plantation on the Island. (p. 73)
[Plutôt que de voir ces pirates triompher, je libérerai et relâcherai sur eux la grande horde d’esclaves qui constitue la plus grande partie de notre population. Je les isolerai de tout espoir de provisions et de pillages, en mettant le feu à toutes les plantations de l’île.]
Buntline fait ici référence au spectre de la révolution haïtienne, exposant ainsi les enjeux d’un manque d’endiguement de la menace noire. Incendier toutes les plantations de l’île provoquerait la ruine du pouvoir blanc et les esclaves libérés mettraient les frontières des États-Unis en danger. Comme le montrent les recherches de Robert May, les officiers espagnols menaçaient souvent de libérer les esclaves de Cuba et de leur donner des armes pour empêcher une invasion américaine26. Cette stratégie ne connut que des résultats mitigés en ce que ces menaces ne firent qu’inciter les expansionnistes du sud des États-Unis à demander une invasion de Cuba pour éviter « un autre Haïti » au large des côtes méridionales du pays27.
Une émancipation queer : les mystères de Reizenstein
Tandis que dans les mystères de Buntline, la perspective d’une révolution noire est effrayante, les opinions politiques qu’exprime le roman de Ludwig von Reizenstein, The Mysteries of New Orleans, sont plus ambivalentes. La description que Stephen Knight fait d’Eugène Sue est plus pertinente : « Only the great artists have the power to assemble texts which both appear to represent contemporary ideologies and also include the means of deconstructing those passing certainties28 » [Seuls les grands artistes ont le pouvoir d’assembler des textes qui semblent à la fois représenter les idéologies contemporaines et inclure des moyens de déconstruire ces certitudes passagères]. L’intrigue de Reizenstein fait écho aux récits de conspirations mises en scène dans les mystères urbains. Toutefois, sa conspiration est peut-être la plus étrange de toutes : Hiram, un mystérieux franc-maçon âgé de deux cents ans projette le deuxième avènement de Toussaint L’Ouverture ; messie noir, il libérera tous les esclaves et punira les États-Unis pour le crime de l’esclavagisme. L’utilisation de Toussaint comme figure messianique est d’une grande importance, puisque cela suggère une visée positive à l’égard de cette future révolution. L’historien Alfred Hunt l’a montré, Toussaint reçut un accueil majoritairement positif au cours du dix-neuvième siècle : aux États-Unis, à la fois ceux qui étaient pour et ceux qui étaient contre l’esclavage admirent et louent en général l’ancien esclave qui réussit à défier l’un des pouvoirs européens les plus puissants. Dans le sud des États-Unis, les propriétaires d’esclaves faisaient l’éloge des capacités de Toussaint pour stabiliser la main-d’œuvre après leur émancipation et applaudissaient la façon dont il traita les planteurs blancs29. Plus loin, Hunt précise :
As the slavery controversy gained emotional intensity in the early nineteenth century, Toussaint became an important symbol of stability and reason in a world seemingly dominated by anger, passion, and the threat of violence. Southern apologists for slavery, northern antislavery advocates, and free black abolitionists all relied upon Toussaint to reassure themselves30.
[Lorsque la controverse de l’esclavagisme acquit au début du dix-neuvième siècle une certaine intensité émotionnelle, Toussaint devint un important symbole de stabilité et de raison dans un monde qui semblait dominé par la colère, la passion et la menace de violences. Que ce soient ceux qui excusaient l’esclavagisme au sud, ceux qui prônaient une position contre l’esclavagisme au nord ou les Noirs libres qui en désiraient l’abolition, tous dépendaient de Toussaint pour se rassurer.]
La vision positive de Toussaint comme messie suggère que, si Reizenstein avait choisi Dessalines, le successeur de Toussaint qui commit un génocide contre la population blanche des créoles français, tout aurait été extrêmement différent. Selon Hunt, « [to] Americans, Dessalines was the sinister figure representing a long line of violent, vengeful rulers ; Toussaint represented stability and forgiveness31 » [pour les Américains, Dessalines représentait le sinistre symbole d’une longue lignée de souverains vengeurs et violents ; Toussaint représentait stabilité et pardon]. Toussaint était également un héros révolutionnaire pour de nombreux intellectuels noirs aux États-Unis. Le romancier noir le plus important de la période de l’avant-guerre civile, William Wells Brown, prophétise d’ailleurs l’avènement prochain d’un Toussaint aux États-Unis dans son essai « St. Domingo : Its Revolution and Its Patriots » [Saint-Domingue : sa révolution et ses patriotes], publié en 1855, période durant laquelle le roman de Reizenstein est publié en feuilleton : « Who knows but that a Toussaint…may some day appear in the Southern States of this Union…[The] day is not far distant when the revolution of St. Domingo will be reenacted in South Carolina and Louisiana32 » [Qui sait, peut-être qu’un Toussaint apparaîtra un jour dans les États du sud de cette union... Le jour où la révolution de Saint-Domingue sera reconstituée en Caroline du Sud et en Louisiane n’est pas éloigné de nous].
Il est impossible de savoir si Reizenstein a lu l’essai de Brown, mais le roman fait allusion aux sentiments ambivalents que les immigrants allemands éprouvaient à l’égard de l’esclavagisme et de la nouvelle nation qu’ils habitent désormais. Les personnages principaux du roman sont des immigrants allemands et l’intrigue principale suit la famille d’un aristocrate allemand, le comte de B*, et leur immigration à La Nouvelle-Orléans peu de temps avant l’épidémie de fièvre jaune qui frappe la ville en 1853. La plupart des membres de cette famille allemande seront tués par les machinations d’Hiram, qui les manipule tel un marionnettiste pour mettre son plan à exécution. Le roman s’ouvre sur l’arrivée récente à La Nouvelle-Orléans du fils du comte, Emil, de la femme de ce dernier, Jenny et de sa sœur, Frida. Peu de temps après, Emil quitte Jenny pour une mulâtre du nom de Lucy Wilson. Emil et Lucy rencontrent ensuite l’étrange Hiram, qui, par hypnose, les appelle à produire un messie métis, au cours d’un rituel quasi sacré à la source de la rivière Rouge au Texas. C’est aussi là qu’Hiram cultive la Mantis Religiosa, une mystérieuse plante dont il se servira pour infecter La Nouvelle-Orléans de la fièvre jaune jusqu’à ce que l’esclavagisme soit aboli. Dans les dernières pages apocalyptiques de l’œuvre, nous retrouvons La Nouvelle-Orléans, dévastée par la fièvre jaune, ce qui coïncide historiquement avec l’épidémie qui y tua un Allemand sur huit33. À la fin du roman, le nouveau Toussaint quitte la Nouvelle-Orléans sur un navire de guerre haïtien « to return in 1871 when the time will be ready for his revolution34 » [pour revenir en 1871 lorsque sera venu le temps de sa révolution].
Le roman de Reizenstein fait partie d’une série de romans mystères germano-américains qui circulent au milieu du dix-neuvième siècle. Les contributions germanophones au genre des mystères urbains dans leur veine américaine débutent avec la publication anonyme de Die Geheimnisse von Philadelphia (Les Mystères de Philadelphie, 1850) et incluent le texte de Heinrich Börnstein, Die Geheimnisse von St. Louis (Les Mystères de St.-Louis, 1851) ; celui de Peter H. Myer, Die Geheimnisse Von San Francisco (Les Mystères de San Francisco, 1854) ; Rudolf Lexow, Amerikanische Criminal-Mysterien oder das Leben der Verbrecher in New-York (Les Mystères criminels américains, ou la vie des criminels dans New York, 1854); ainsi que le texte, plus célèbre, d’Emil Klauprecht, Cincinnati oder, Geheimnisse des Westens (Cincinnati, ou les Mystères de l’ouest, publié en feuilleton entre 1854 et 1855), pour n’en nommer que quelques-uns35. Il s’agit là de textes que l’on continue toujours à découvrir et il n’existe pas encore d’étude définitive sur les contributions germano-américaines au genre des mystères urbains. Selon Barbara Lang :
Through the framework of the mystery-novel, the author presented America, the immigrant’s adopted home-country, as an enigmatic, mysterious underworld where dark forces and rules different from the immigrant’s old homecountry dominated… The mystery novel is an adequate framework for the dramatization of the impact of the new experiences with which immigrants were confronted upon arrival in their new environment36.
[À travers le cadre du roman-mystère, l’auteur présente les États-Unis, le pays d’adoption de l’immigrant, comme des bas-fonds mystérieux et énigmatiques où dominent des forces obscures et des règles bien différentes de celle du pays d’origine de l’immigrant... Le roman-mystère est un cadre adéquat pour dramatiser l’impact des nouvelles expériences auxquelles sont confrontés les immigrants à leur arrivée dans leur nouvel environnement.]
Souvent, ces textes présentent des protagonistes immigrants oscillant entre la tentation pour le matérialisme américain, la perte d’identité par leur assimilation et la menace de conspirations jésuites.
Le roman de Reizenstein fait office d’exception dans ce groupe de textes : là où les autres auteurs peignent les péchés de la ville d’une manière moralisatrice, pour Reizenstein, ces mêmes péchés ouvrent la voie à des formes alternatives de devenir. Comme l’explique le narrateur, « New Orleans has always been the leader in the United States in everything that heightens enjoyment of life and makes the dullest people into Epicureans » [La Nouvelle-Orléans a toujours été le leader états-unien pour tout ce qui intensifie les plaisirs de la vie ou transforme les gens les plus mornes en épicuriens] (p. 189), ou plus loin :
How many laws are trodden underfoot here?... Much is forbidden, but much is also tolerated. This makes New Orleans the freest city in the United States…We do not wish to sing New Orleans’ praises on this matter but simply to mention it against the straightlaced and hypocritical sinners of eastern and western cities, to whom New Orleans is nothing less than the Sodom and Gomorrah of the United States, richly deserving of a nice brimstone shower. (p. 130)
[Combien de lois sont ici piétinées ?... Beaucoup est interdit, mais beaucoup est également toléré. Cela fait de La Nouvelle-Orléans la ville la plus libre des États-Unis... Nous ne souhaitons pas chanter les louanges de cette ville à ce sujet, mais simplement le mentionner à ces pécheurs hypocrites et collet monté des villes de l’Est et de l’Ouest, pour qui La Nouvelle-Orléans n’est rien de plus que la Sodome et Gomorrhe des États-Unis, méritant grandement une jolie pluie de soufre.]
Les spécialistes des études queer, telle Jeannette H. Foster, citent souvent ce roman comme étant la première représentation positive de l’amour lesbien dans la littérature américaine. Dans un chapitre intitulé « Amour lesbien », Claudine, la femme française de l’un des membres de la famille allemande, a un rapport sexuel avec Orleana, l’une des performeuses créoles les plus célèbres de la ville. Bien que ces deux personnages ne fassent aucunement avancer l’intrigue, elles signalent le désir chez Reizenstein d’une révolution morale, et voit dans une révolution noire une solution possible. Lorsque Claudine et Orleana font l’amour, les liens entre sexe et révolution deviennent clairs, et Reizenstein fait d’ailleurs référence à la révolution allemande de 1848 qui causa son émigration et celle de nombreux de ses compatriotes vers les États-Unis :
How small and pitiful the nattering of parties seems, how petty the drama even of our own revolution, against the titanic struggle of sensuality against law and morality. « Revolution! » the nun cries out in her sleep, throwing her rosary in the face of the Madonna. « Revolution! » thunders the proletarian when he beholds the fair daughter of Pharaoh. « Revolution! » the slave rattles, when he sees the white child of the planter walking through the dark passageway of cypresses. « Revolution! » The horse whinnies, mutilated by greed. « Revolution! » the steer roars, cursing its tormentors under the yoke on its shoulders. « Revolution! » the women of Lesbos would storm, if we were to rebuke their love. (p. 151)
[À quel point les bavardages des soirées sont pathétiques et insignifiants, à quel point les drames, même ceux de notre propre révolution, sont sans importance face au combat titanesque que mène la sensualité face à la loi et à la moralité. « Révolution ! », s’exclame la nonne endormie, jetant son rosaire au visage de la Madone. « Révolution ! », tonne le prolétaire lorsqu’il aperçoit la jolie fille du pharaon. « Révolution ! », crie l’esclave en secouant ses chaînes lorsque l’enfant blanc du planteur marche à l’ombre des cyprès. « Révolution ! », hennit le cheval, mutilé par l’avarice. « Révolution ! », mugit le bœuf, maudissant ses tourmenteurs sous le poids du joug présent sur ses épaules. « Révolution ! », tempêteraient les femmes de Lesbos, si nous réprimandions leur amour.]
Ce passage rhapsodique articule l’intersection de plusieurs formes d’oppression d’une manière inédite dans la littérature américaine. Le « Memoranda for the Sympathetic Reader » [Note au lecteur bienveillant] que Reizenstein place au début de son roman nous fournit un indice pour la lecture de ce passage. Il y critique « Eugène Sue’s delicate Fleur-de-Marie [who] resisted the enticement of the “wedding night” with a prince… It is a decade too late to sow Fleurs-de-Marie » [la délicate Fleur-de-Marie d’Eugène Sue [qui] résiste à la tentation d’une « nuit de noces » avec un prince… Nous sommes en retard d’une décennie pour semer des Fleurs-de-Marie] (p. 1).
Dans un roman aux personnages d’apparence vertueuse – l’innocente Jenny par exemple, jeune aristocrate allemande fraîchement arrivée qui possède un jeune esclave et rêve d’une « tranquille idylle de plantation » pour rivaliser avec les riches belles des plantations du Sud –, l’amour de Claudine et d’Orleana semble le plus vertueux de tous, ce qui va à l’encontre du type conventionnel de femmes vertueuses que préconise le roman de Sue (p. 98). Reizenstein imagine La Nouvelle-Orléans comme la demeure d’une communauté utopiste de lesbiennes, qui « hold their mysterious gatherings, unhindered and unseen by the Argus-eyes of morality until now…[In] clubs of twelve to fifteen on the Hercules Quay, along the Pensacola Landing, and all along the entire left side of the New Basin » [tiennent leurs mystérieuses réunions sans être vues ni entravées par les yeux vigilants de la moralité jusqu’à maintenant… dans des groupes de douze à quinze personnes sur le quai d’Hercule, le long de Pensacola Landing, et tout au long du côté gauche du Nouveau Bassin] (p. 151). À un moment donné, le récit s’interrompt soudain en plein milieu du roman pour présenter une lettre de la part du quartier général des lesbiennes, suppliant le narrateur de ne pas révéler davantage de secrets sur leur société : « The majority of us are of German extraction, but we came into the world on the soil of Louisiana… Sir ! Please do not say anything further about our occasional gatherings and we will seek to honor your restraint by serving you the chalice of the Holy Grail and placing you at the same table with Arthur. » [La majorité d’entre nous est d’origine allemande, mais nous avons vu le jour sur le sol louisianais… Monsieur ! S’il vous plaît, ne parlez guère plus de nos réunions occasionnelles et nous verrons à ce que votre retenue soit honorée en vous servant le calice du Saint Graal et en vous plaçant à la même table que le roi Arthur] (p. 304–05) La référence au roi Arthur sous-entend le second avènement d’un autre messie, même s’il est possible d’avancer que cette référence et la prophétie d’un futur Toussaint renvoient au même messie syncrétique européo-caribéen. L’utopie d’une émancipation noire est ainsi présentée aux côtés d’une autre sorte d’utopie sexuelle qui cherche à se libérer du vieux régime.
Cette juxtaposition apparaît implicitement dans l’épilogue du roman, lorsqu’un « brick majestueux » vogue miraculeusement à contre-courant jusqu’à La Nouvelle-Orléans le jour de Mardi gras, affichant en lettres d’or le nom de Toussaint L’Ouverture, pour emmener Lucy et Emil en Haïti (p. 537). Cet événement préfigure la future invasion prophétisée par Hiram. Le narrateur déclare ensuite que « [on] the same day, as the result of a strange series of events, Cousin Karl [a German relative of Emil], the good-hearted man with solid German eyes, was named chief hostler by the lesbian ladies of New Basin » [ce même jour, suite à une étrange succession d’évènements, Cousin Karl [un des proches d’Emil, allemand lui aussi], l’homme généreux au regard fiable, fut nommé palefrenier en chef par les lesbiennes du Nouveau Bassin] (p. 538). C’est une phrase de bien mauvais augure qui clôture le roman : « Ruin awaits him who does not take heed! » [Celui qui ne prend pas garde court à sa ruine] (p. 538). Il est difficile de savoir à quoi le lecteur doit prendre garde, mais la présence simultanée d’un brick haïtien et d’une référence aux « lesbiennes » suggère que nous devrions prendre garde aux pouvoirs de ces deux groupes.
Pour en revenir à la lettre envoyée au narrateur par la société lesbienne, nous pouvons y lire que les femmes « [ont] vu le jour sur le sol louisianais », ce qui suggère que ce sont les libertés morales associées à la vie urbaine de La Nouvelle-Orléans qui ont permis l’émergence de leur identité sexuelle. Plus tôt dans l’œuvre, le narrateur explique ainsi que, pour les Européens, « the New World is the revenge of a repressed people » [le Nouveau-Monde est un lieu de vengeance pour les opprimés] (p. 95). Même si les terres du Nouveau-Monde font ressortir le pire chez certains des personnages comme le Comte Lajos, jadis officier chevaleresque en Hongrie, mais désormais violeur psychopathe et leader d’un gang de pyromanes à La Nouvelle-Orléans, cette ville concrétise également de manière positive la vie des lesbiennes allemandes. Dans l’un des passages les plus philosophiques du roman, le narrateur conclut : « It is an indubitable mathematical truth, established according to the reasoning of a human erotic, that wherever the highest moral decadence has marked the character, there the spirit also has its greatest triumph » [C’est une vérité mathématique incontestable, établie en accord avec le raisonnement de l’érotisme humain ; partout où la décadence morale la plus haute a marqué les personnalités se trouve également le plus grand triomphe de l’esprit] (p. 287). Nous pourrions peut-être spéculer que l’utopie germanique blanche de ces lesbiennes est une manière pour Reizenstein d’imaginer la survie du peuple blanc face à une révolution imminente (même si fictive) qui éclaterait en 1871. Il se pourrait que cela réprime un futur de mélanges raciaux potentiels, que Reizenstein trouve peut-être inquiétant. Il est clair cependant que la possibilité de nouveaux types de devenir donnée par La Nouvelle-Orléans permet l’émergence de nouvelles identités transgressives : la Fanny de Buntline ou les lesbiennes allemandes de Reizenstein, par exemple.
***
En conclusion, comme nous avons pu le constater, les Caraïbes agissent dans ces deux mystères néoorléanais comme espace révolutionnaire, comme zone frontalière permettant la configuration de nouvelles formes de devenir, que ce soit en termes de race, de genre sexué ou de sexualité. La place des femmes dans ces deux narrations révolutionnaires ainsi que leur devenir « queer » – qu’il s’agisse de la Fanny Gardner de Buntline ou des membres de la société secrète lesbienne de Reizenstein – sont d’une importance toute particulière. La flexibilité des relations interraciales offerte par La Nouvelle-Orléans et par les configurations sociales créoles que lui ont apportées ses liens avec les Caraïbes non seulement menaçaient et transgressaient les hiérarchies raciales de la période d’avant la guerre civile, mais produisaient également de manière indirecte des moyens d’imaginer des formes alternatives d’identité sexuelle et de genre à travers l’usage de la fiction. Les Caraïbes qui hantent ces deux romans néoorléanais nous permettent ainsi de retrouver les utopies perdues de l’imaginaire littéraire des États-Unis au dix-neuvième siècle.
(Florida International University)
Traduit de l’anglais par Jordan Tudisco et Catherine Nesci
[EN] Queer Revolution – Caribbean Frameworks in Ludwig von Reizenstein’s and Ned Buntline’s Mysteries of New Orleans
Ned Buntline’s The Mysteries and Miseries of New Orleans (1851) and Ludwig von Reizenstein’s Die Geheimnisse von New-Orleans (serialized in the German-language newspaper Louisiana Staats-Zeitung in 1854 and 1855) were two city mysteries written in the 1850’s that engaged the Crescent City’s relationship to the Caribbean, the legacy of slavery and the Haitian revolution that marked this region’s history37. Both texts practice an early form of what Fredric Jameson termed “cognitive mapping”: these narratives branch out of the city-space of New Orleans to map multiple connections across the United States and a wider Caribbean region, emplotting the coordinates of a U.S. imperial system that each text either upholds (for Buntline) or critiques (for Reizenstein)38. These city mysteries open an area of U.S.-American cultural studies that seems rarely explored. They prod us to ask: How was the Caribbean imagined as a cultural space in U.S. literature in the nineteenth century and in what ways did this region, with the specter of Haiti ever present, inspire visions of social change in the United States? I claim that these mysteries draw an implicit connection between the threat of black revolt, the racial fluidity particular to New Orleans and the progressive transformation of gender and sexual identities.
The Crescent City: Empire, Creolization, Revolution
New Orleans is considered the U.S. Caribbean city par excellence; as Nathalie Dessens states, in the nineteenth century “New Orleans unvaryingly appeared as the northernmost point of the Caribbean”, where “[native], African and European cultural traditions had blended to produce a syncretic culture”39. While most of Anglo-America was organized according to a bifurcated racial structure, New Orleans’ maintained a history of racial relations inherited from French and Spanish colonization that included, according to Angel Parham, the following: a more fluid "continuum of racial categories; a relatively high tolerance for interracial relationships [and a] relatively high tolerance for people of color in positions of wealth and power”40. By the early nineteenth century, the city was re-creolized by an influx of refugees from Saint-Domingue, as well as Anglo-Saxon migrants from the eastern United States and Europeans immigrants who settled in the city after the Louisiana Purchase41. Its cultural presence is unimaginable without its close proximity and interaction with the Caribbean and its history : the emergence of distinct creative cultural forms like jazz, blues, or Mardi Gras, for instance, emerged in the city through processes specific to the Caribbean region, what Martinican writer Édouard Glissant would term creolization, or “the encounter, the interference, the shock, the harmonies and disharmonies among cultures”42. Stuart Hall reminds us that violent forms of social antagonism nonetheless structure these zones of transculturation: “Creolization always entails inequality, hierarchization, issues of domination and subalternity, mastery and servitude, control and resistance. Questions of power, as well as issues of entanglement, are always at stake”43. While there is the promise of alternative and cooperative forms of cross-cultural social life emerging from the contacts and entanglements among various races and migrant groups, because oppressive power relations still very much shape these racial assemblages, anxieties haunt the processes of creolization.
Buntline and Reizenstein’s mysteries both engage what Slavoj Žižek would term the “'repressed' real of antagonism" that constitutes New Orleans’ creolized social reality44. With slavery and the plantation system shaping forms of social life in the antebellum period, the threat of violent revolution is ever present. Significantly, both texts appear to suggest that a revolution against a hegemony that upholds racial inequality also threatens to break down structures that keep in place gender and sexual inequalities. In these novels, the Caribbean acts as a territory that opens up new spaces of social and political becoming, whether in terms of Buntline’s assertion of white imperialist masculinity or in Reizenstein’s utopic desire for new forms of social and sexual life through revolution. The political aspirations expressed in these texts become enmeshed with projects of gender construction. While for Buntline, the Caribbean becomes what Shelley Streeby calls a “testing ground for U.S. manhood,” for Reizenstein, with the revolution that threatens the U.S. from the Caribbean, conventional U.S.-American morality is threatened by the implicit solidarity between black rebellion and white lesbian sociability45. While both texts have an apocalyptic dimension, Reizeinstein’s vision is unique in seeing in the second coming of a black messiah the survival of a white future in lesbian love.
What is often overlooked is that in the nineteenth century the frontier, and the fantasies of U.S. expansion, were not only located westward. The Caribbean was also part of the designs of the U.S.’s expansionist policies: many Southern states looked to places like Cuba to extend the reign of slavery through annexation46. New Orleans is a borderland city between the Caribbean and U.S., and it was significantly shaped by the mass exodus of the white French population from Saint-Domingue to New Orleans in 1801, when Toussaint L’Ouverture declared the former French colony to be the black state of Haiti. The Haitian revolution was one of the few successful slave rebellions in modern times and one of the founding revolutions of independence in the Americas. This revolution posed a threat to the U.S. southern plantation economy while also providing hope for black revolutionaries in the United States. The Caribbean became an ambiguous space for many Americans: on the one hand, it fueled dreams of U.S. expansion and provided hopes for the permanent institution of slavery in the Americas, and on the other hand, it was the source of anxiety and hope for the possibility of a pan-American black revolution. Ned Buntline’s The Mysteries and Miseries of New Orleans and Ludwig von Reizenstein’s Die Geheimnisse von New-Orleans address these trans-national concerns in seemingly opposing ways.
The First African-American Renaissance
There are two frameworks crucial to contextualizing these two texts: one literary and the other political47. In U.S. literature, the 1850s were watershed years for literary representations of black resistance. Henry Louis Gates Jr. and Nellie McKay term the 1850s the first African American literary renaissance48. It can be said to take off with both Harriet Beecher Stowe’s Uncle Tom’s Cabin (published in 1852) and Frederick Douglass’ The Heroic Slave (published the same year). The first text intensified abolitionist discourse, while the second one recreated the story of Madison Washington, an enslaved cook, who in 1841 leads a rebellion on the Virginia-based slave ship the Creole bound for New Orleans. Washington takes command of the ship and orders it to be sailed to Nassau in the Bahamas, where slavery was abolished in 1839. 128 slaves gained their freedom, generating the largest and most successful slave rebellion in U.S. history. Similarly, Herman Melville’s Benito Cereno (published in 1855) narrates a slave rebellion aboard the Spanish ship San Dominick (a reference to the Haitian revolution). Maritime fantasies of black emancipation do not end here, for the 1850s ends with one of the most radical black novels of the nineteenth century by abolitionist Martin R. Delany, who serialized twenty-six chapters of his Blake: Or, the Huts of America in the Anglo-African Magazine in 1859 and then, in its entirety, in the Weekly Anglo-African between November 1861 and May 186249.
The novel follows the protagonist Henry Blake, a black Cuban who travels to Africa as a sailor on a slave ship, only to find himself enslaved by Colonel Stephen Franks, a Southern planter from Mississippi with trade connections to Cuba. As the novel opens, Blake escapes the plantation after his wife is unjustly sold to a U.S.-American slave master who resides in Havana. Blake navigates throughout the Southern United States, including New Orleans, organizing a future mass revolt of slaves before escaping to Canada and finally to Cuba, where he secures his wife’s freedom. In Cuba, Blake boards another slave ship to Africa as a senior crewman, this time incognito, re-tracing the harrowing routes of the Middle Passage50 as part of his grand plan to secure future recruits. The unfinished novel abruptly ends just as Blake plans, with a group of black Cuban revolutionaries, to invade the U.S. South from Havana. A neglected work even today, it affirms the utopic abstraction of what Paul Gilroy would call the Black Atlantic, which valorizes “rhizomorphic, routed, diaspora cultures” against the narrow ethnic definitions of black identity Delany perceived in African-American liberation movements. Gilroy claims that “the topography of the black Atlantic world is directly incorporated into Delany’s tale” and the chronotope of the ship, so prominent in Delany’s novel (and I should add in Buntline and Reizenstein’s novels), becomes “the living means by which the points within [the] Atlantic world were joined.”51 As in Reizenstein’s Mysteries of New Orleans (as we will see below) Delaney also imagines the Caribbean as the source for a future utopian black revolution. There is an awareness in Delany’s and the other novels I examine of the geographic positioning of the Caribbean as (in Antonio Benítez-Rojo term) “an island bridge” connecting the northern Caribbean city of New Orleans to South America and Africa52. A ship filled with black revolutionaries, sailing for the U.S. would mean a symbolic reckoning from the Black Atlantic for the ills of slavery and the Middle Passage. But one historic revolt frequently referenced in Delany’s novel echoes and inverts the fictional insurgency planned by Blake and this provides the second crucial framework for contextualizing Buntline and Reizenstein’s mysteries.
Of political significance is the failed project of Venezuelan adventurer Narciso López, who in 1851 gains financial and political support from many influential Southerners to invade Cuba, foment a revolution and win the island for U.S. annexation. Enlisting over six hundred clandestine mercenaries for the invasion, the expedition fails, Narciso is executed and many members of his expedition are brutalized in Spanish prisons. Outrage over the treatment of the military prisoners even prompted pro-López mobs to raid the Spanish consulate in New Orleans53. The Narciso López expedition marks the first clandestine U.S. war against Cuba, just one of many in the years to come54. This expedition pervades the two mysteries I discuss and is even the subject of an 1854 novel by Lucy Pickens The Free Flag of Cuba, a romanticized account of the López expedition which hails him as a martyr and mourns the failure of southern expansion.
Failed Masculinity in Buntline’s Mysteries
The expedition provides a framework for the narrative of the second half of Ned Buntline’s The Mysteries and Miseries of New Orleans. Buntline is famous in the urban mystery genre for his successful 1848 publication Mysteries and Miseries of New York. While Buntline’s New York mystery spans almost 600 pages, his New Orleans mystery is a 100–page pamphlet novel that, although it borrows from the genre, deviates from the city mystery in that it has no large-scale conspiracy orchestrating the concealed forces of urban life. But it does have digressions from the main plot to show short vignettes of city life and descriptions of urban types: for instance, the narrative presents two corrupt immigrant policemen bribed by a professional French pickpocket, an aristocratic libertine scheming to seduce a virtuous Creole55 actress, and a shrewd Yankee reporter plotting his next item. The first half of the main plot follows the breakdown of the marriage between Charles Gardner and his virtuous Creole wife Fanny.
Neglectful of Fanny, Charles becomes enmeshed in New Orleans’ gambling scene, returning home only after much drinking and loss of money. Buntline represents a milieu where gamblers disguise themselves as gentleman of sociability:
In the pleasant parlor of a professional gentleman, on Royal street, a very select party were assembled to play a game of cards… One of these, however, merits a description, for he is one of those genteel sharks, who, preying upon community, pass for gentlemen, living on a supposed fortune, when, in fact, they are nothing but gamblers, and have no income except it be gained by the chances or the trickeries of the gaming table. Every city in the Union, but particularly New York and New Orleans has a stock of these “gentlemen” ever on hand, to lead good men astray, make bad ones worse, and to bring ruin on parents by enticing young men to follow fashionable examples.56
Buntline’s presentation of these counterfeit gentlemen and Charles’s dissipation signals the damaging effects of New Orleans’ urban space on a representation of authentic masculinity. The narrator’s judgment of Charles is clear when evoking the woman who “can love him who comes reeling home in the late hours of night reeking with the sickening fumes of liquor and tobacco smoke…Blame not the woman who forsakes such a man. Woman, like a flower, must be attended and cultivated. Neglect her and she dies” (p. 36). One of these gamblers is the libertine Orrin Bird, who makes a wager that he can seduce the virtuous Fanny. The seduction is successful and Fanny falls in love with Bird. When Charles uncovers Bird's affair with Fanny, he kills Bird in a duel. Fanny vows bloody revenge and Charles seeks to escape New Orleans to avoid retaliation from Bird’s entourage. This opens the unexpected second plot of the novel, for as the narrator states:
[Charles] felt that he was not safe in those latitudes. So feeling he looked with the eye of thought for some other sphere of action. A new field of action was at that moment opening. Cuba and her wrongs was [sic] laid like a map before him. A land where the people were crushed by the despot’s heel—a soil stained with the blood of those who offered up their lives in freedom’s cause, was before him, and knowing a few of those who, for “God, Liberty and Lopez,” would raise the banner and draw the steel he volunteered. (p. 62)
It is clear that his escape not only involves a fear of retribution but a possibility of recovering a lost sense of manhood caused by his neglect of his marital duties. Lopez’s campaign provides an escape from the pervasive dissipation of the city, an urban space where only con-artists, libertines, unscrupulous journalists and corrupt policemen seem at home. The second part of the novel echoes Buntline’s earlier imperial adventure fictions, especially his U.S.-Mexican War romance The Volunteer: or, The Maid of Monterey (1847), which has the title character, as his mother begs him not to enlist, reply that the "call is for men; you would yourself blush if I were so unmanly as not to respond to the call!”57. Similarly, when the narrator describes the ship that takes Charles to Cuba, he states, “There were but 50 men aboard, but each was a man” (p. 62). The strong emphasis on “man” here echoes the negative assessment quoted above of the “gamblers” who try to pass off as gentleman in the parlor rooms of New Orleans, signaling the narrator’s beliefs in an authentic masculinity. Buntline exploits the image of the macho imperialist adventurer as a strategy that appropriates masculinity to promote his expansionist ideology, an image later exploited by Theodore Roosevelt and the Rough Riders in their 1898 invasion of Cuba58.
Yet Charles newly recovered masculinity comes too late to repair the damage done to Fanny’s own sense of her “proper” gender identity: the text implies that Charles’ actions helped create a monstrous being that defies gender norms. When Fanny finds that Bird is dead, she vows to her husband: “Beware of me. [Bird], and he only was my true husband, for when I was forced to have you, I loved him. Remember this warning… I will be your death!” (p. 61). As Charles flees to Cuba, Fanny follows him in disguise to sabotage the expedition, at one point (as if signaling her troubled gender position) cross-dressing to board a steamer to Havana. When Charles lands in Cuba he gets a second chance at love when he courts Guadaloupe, the daughter of a wealthy plantation owner. But his dreams of plantation domesticity are thwarted when Fanny finds her way to Captain General Concha, with whom she exchanges information of the invaders whereabouts for the privilege of seeing her husband executed: “[He must die] in some low, dimly lighted dungeon, where no eyes but that of the executioner and mine might look upon his writhings, where no ear but the executioner’s and mine could hearken to his dying wail” (p. 72). The Captain General becomes horrified by her betrayal, declaring “Nature erred in making you a woman, lady! You should have been a man” (p. 74).
As Amy Greenberg argues in her work Manifest Manhood and Antebellum America, Fanny represents the excluded American woman in the aggressive expansionist narrative, “a controlling and destructive force that martial men were wise to try to escape, and foolish to allow in to the sanctum of the new frontier”59. Fanny troubles the separation of gender roles that relegate women to the sphere of domesticity. Her participation in and infiltration of Charles’ imperialist adventure queers her, troubling her gender in a way that activates a sense of political agency, thereby threatening the hegemony of white patriarchy. Fanny gets her revenge, and the last paragraph has her boarding a steamer bound for “the metropolis of the Empire State” where she will join, the narrator surmises, “the great whirlpool of society, which contains thousands of women of her stamp” (p. 104). The narrator spends most of the last chapter justifying Fanny’s revenge: Fanny, the narrator argues, is the product of men being seduced by debased forms of sociability in the city and not living up to their normative roles in heterosexual marriage: “…what a low-souled hound must that man be who can prefer the society of loafers, thieves and drunkards which infest rum holes and gambling hells to that of the pure, intelligent and loving being whom he meanly leaves to pine and weep in her loneliness at home!” (p. 103). But if men and the city are causes of these troubled women, there is an excess in Fanny’s vitality and sense of freedom that represents the city as a progressive space that liberates gender norms, as made clearer later on in Reizenstein’s New Orleans mystery.
In the context of a New Orleans’ city mystery, the liberation of gender roles intersects closely with black emancipation. When the Captain General engages López’s forces, he threatens them with unleashing black rule in the Caribbean: “Rather than these pirates should triumph, I would free and let loose upon them the great horde of slaves which constitute the largest part of our population. I would cut them off from all hope of provision and plunder, by firing every plantation on the Island” (p. 73). Buntline is referencing here the specter of the Haitian revolution, laying out the stakes involved in not containing the black threat. By setting fire to every plantation on the island, white order will crumble and the freed slaves would threaten the borders of U.S. rule. As Robert May’s research shows, Spanish officials often threatened to free Cuba’s slaves and arm them to prevent a U.S. invasion60. This strategy had mixed results, as these threats only incited southern expansionists’ calls for an invasion of Cuba to avoid “another Haiti” off the southern coast.
Queer Emancipation: Reizenstein’s Mysteries
While for Buntline’s mystery the prospect of black revolution is something to be feared, the politics in Ludwig von Reizenstein’s The Mysteries of New Orleans are more ambivalent. Stephen Knight’s description of Eugène Sue is apt here: “Only the great artists have the power to assemble texts which both appear to represent contemporary ideologies and also include the means of deconstructing those passing certainties”61. Reizenstein’s plot echoes the conspiratorial narratives of the city mystery genre. But Reizenstein’s conspiracy is perhaps the strangest of them all: Hiram, a mysterious two hundred year–old freemason is planning the second coming of Toussaint L’Ouverture, a black messiah who will free all the slaves and punish the U.S. for the crime of slavery. It is significant that Toussaint is used as the messianic figure, since it suggests a positive valence to the coming revolution. As Alfred Hunt argues, the reception of Toussaint in the U.S. was for the most part positive throughout the nineteenth century: Americans who were proslavery and those who were antislavery generally admired and praised the former slave who succeeded in challenging one of the strongest powers in Europe. Southern slave owners lauded Toussaint’s for his ability to stabilize the work force after emancipation and his treatment of white planters. As Hunt claims :
As the slavery controversy gained emotional intensity in the early nineteenth century, Toussaint became an important symbol of stability and reason in a world seemingly dominated by anger, passion, and the threat of violence. Southern apologists for slavery, northern antislavery advocates, and free black abolitionists all relied upon Toussaint to reassure themselves.62
The positive image that Toussaint as messiah suggests would have been decidedly different had Reizenstein chosen Dessalines, Toussaint’s successor who committed genocide against the white population of French Creoles. In Hunt’s formulation, to “Americans, Dessalines was the sinister figure representing a long line of violent, vengeful rulers; Toussaint represented stability and forgiveness”63. Toussaint was also a revolutionary hero for many black U.S. intellectuals. William Wells Brown, the antebellum period’s most prominent black novelist, prophesied about the future coming of a Toussaint in the United States in his essay “St. Domingo: Its Revolution and Its Patriots,” published in 1855, one of the years in which Reizenstein’s novel was serialized: “Who knows but that a Toussaint…may some day appear in the Southern States of this Union… [The] day is not far distant when the revolution of St. Domingo will be reenacted in South Carolina and Louisiana”64.
It is impossible to say whether Reizenstein read Brown’s essay but the novel hints at the ambivalent feelings newly-arrived German immigrants had towards slavery and their newly adopted nation. The main characters of the novel are recent German immigrants, with the main plot following the family of a German aristocrat, the Count of B*, and their immigration to New Orleans just prior to the yellow fever epidemic that plagued the city in 1853. Most of the members of this German family will be killed off by the machinations of Hiram, who manipulates the family like a puppet master for his master plan. The novel begins with the recent arrival to New Orleans of the Count's son Emil, his wife Jenny and her sister Frida. Emil soon leaves Jenny for a mulatto woman named Lucy Wilson. Emil and Lucy soon meet the strange and ageless Hiram, who conscripts them through hypnosis to producing the mixed race messiah, in a quasi-sacred ritual at the source of the Red River in Texas. Also at this source, Hiram is growing the mysterious plant called Mantis Religiosa, which he will use to infect the city of New Orleans with yellow fever until slavery is abolished. In the final apocalyptic pages, we find New Orleans devastated by yellow fever, which coincides historically with the disease which killed off one out of every eight Germans in the city65. At the novel’s end, the new Toussaint leaves New Orleans on a Haitian warship “to return in 1871 when the time will be ready for his revolution”66.
Reizenstein’s novel can be seen as part of a series of German-American mystery novels that circulated in the mid-nineteenth century. The German language contributions to the American urban mystery genre begin with an anonymous Die Geheimnisse von Philadelphia (The Mysteries of Philadelphia, 1850) and includes Heinrich Börnstein’s Die Geheimnisse von St. Louis (The Mysteries of St. Louis, 1851), Peter H. Myer’s Die Geheimnisse von San Francisco, (The Mysteries of San Francisco,1854), Rudolf Lexow’s Amerikanische Criminal-Mysterien oder das Leben der Verbrecher in New-York (American criminal mysteries, or the life of criminals in New York, 1854) and Emil Klauprecht’s successful Cincinnati oder, Geheimnisse des Westens (Cincinnati, or the Mysteries of the West, serialized between 1854 and 1855), to name a few67. These are works that are still being discovered and there has not yet been a definitive study of the German-American contributions to the genre. As Barbara Lang states:
Through the framework of the mystery-novel, the author presented America, the immigrant’s adopted home-country, as an enigmatic, mysterious underworld where dark forces and rules different from the immigrant’s old homecountry dominated […] The mystery novel is an adequate framework for the dramatization of the impact of the new experiences with which immigrants were confronted upon arrival in their new environment.68
Often these texts presented immigrant protagonists navigating between the lures of American materialism, the loss of identity through assimilation and the threat of Jesuit conspiracies.
Reizenstein’s novel is an outlier among this group of texts: where other mystery writers depict the sins of the city in a moralizing manner, for Reizenstein the sins of the city provide an opening for alternative forms of becoming. As the narrator states, “New Orleans has always been the leader in the United States in everything that heightens enjoyment of life and makes the dullest people into Epicureans” (p. 189) or as he says elsewhere:
How many laws are trodden underfoot here? ... Much is forbidden, but much is also tolerated. This makes New Orleans the freest city in the United States… We do not wish to sing New Orleans’ praises on this matter but simply to mention it against the straightlaced and hypocritical sinners of eastern and western cities, to whom New Orleans is nothing less than the Sodom and Gomorrah of the United States, richly deserving of a nice brimstone shower. (p. 130)
Scholars of queer studies like Jeannette H. Foster often cite the novel as being the first positive representation of lesbian love in American literature69. In a chapter called “Lesbian Love” Claudine, the French wife of one of the German family members, has a sexual encounter with Orleana, one of the city’s most popular Creole performers. Although these two characters do not advance the plot in significant ways, they point to Reizenstein’s desire for a moral revolution of which black revolution is part of the cure. As Claudine and Orleana are making love, the links between sex and revolution become clear, as Reizenstein makes a reference to the 1848 revolution in Germany, which caused him and many others to emigrate to the U.S.:
How small and pitiful the nattering of parties seems, how petty the drama even of our own revolution, against the titanic struggle of sensuality against law and morality. “Revolution!” the nun cries out in her sleep, throwing her rosary in the face of the Madonna. “Revolution!” thunders the proletarian when he beholds the fair daughter of Pharaoh. “Revolution!” the slave rattles, when he sees the white child of the planter walking through the dark passageway of cypresses. “Revolution!” The horse whinnies, mutilated by greed. “Revolution!” the steer roars, cursing its tormentors under the yoke on its shoulders. “Revolution!” the women of Lesbos would storm, if we were to rebuke their love. (p. 151)
This rhapsodic passage articulates the intersection of forms of oppression in a manner unprecedented in U.S. literature. Reizenstein’s “Memoranda for the Sympathetic Reader,” which opens the novel, provides us a clue into reading this passage. Here he denigrates “Eugène Sue’s delicate Fleur-de-Marie [who] resisted the enticement of the ‘wedding night’ with a prince… It is a decade too late to sow Fleurs-de-Marie” (p. 1).
In a novel with seemingly virtuous protagonists, including the innocent Jenny, a newly arrived German aristocrat who owns a slave boy and dreams of a “quiet idyll of a plantation” to compete with wealthy southern plantation belles, Claudine and Orleana’s lesbian love seems the most virtuous of them all, going against the conventional, virtuous woman-type espoused by Sue’s novel (p. 98). Reizenstein imagines New Orleans to be the home of a utopian community of lesbians, who "hold their mysterious gatherings, unhindered and unseen by the Argus-eyes of morality until now…[In] clubs of twelve to fifteen on the Hercules Quay, along the Pensacola Landing, and all along the entire left side of the New Basin” (p. 151). At one point, the narration breaks off abruptly mid-novel to introduce a letter from the Headquarters of the Lesbian Women, entreating the narrator not to reveal more secrets of their society, “The majority of us are of German extraction, but we came into the world on the soil of Louisiana…Sir! Please do not say anything further about our occasional gatherings and we will seek to honor your restraint by serving you the chalice of the Holy Grail and placing you at the same table with Arthur” (p. 304–05). The reference to King Arthur implies the second coming of another messiah (although it may be argued that the reference to King Arthur and the prophesy of a future Toussaint may perhaps refer to the same figure, a syncretic European-Caribbean messiah).
The utopia of black emancipation is thus juxtaposed with another kind of sexual utopia that breaks free from the old regime. This juxtaposition is implicitly made in the novel’s epilogue, when a “stately brig” miraculously flows upstream to New Orleans during Mardi Gras, bearing in gold letters the name Toussaint L’Ouverture, to pick up Lucy and Emil to take them to Haiti (p. 537). The event prefigures the future invasion prophesied by Hiram. The narrator then states that “[on] the same day, as the result of a strange series of events, Cousin Karl [a German relative of Emil], the good-hearted man with solid German eyes, was named chief hostler by the lesbian ladies of New Basin”. The novel ends with the ominous sentence, “Ruin awaits him who does not take heed!” (p. 537). It’s ambiguous what exactly readers are to take heed of, but the juxtaposition of the Haitian brig and the reference to the “lesbian ladies” suggests we should take heed of the powers of both groups.
Returning to the letter sent to the narrator by the lesbian society, we read that the women “came into the world on the soil of Louisiana,” which suggests that the moral freedoms associated with New Orleans’ urban life has allowed for the emergence of their sexual identity. As the narrator claims in an earlier passage, for Europeans “the New World is the revenge of a repressed people” (p. 95). Although the New World soil brings out the worst in characters like Count Lajos, who was once a chivalric officer in Hungary but who emerges in New Orleans as a psychopathic rapist and leader of a gang of arsonists, New Orleans also positively brings to fruition the lives of the German lesbians. In one of the novel’s most philosophical passages, the narrator reasons: "It is an indubitable mathematical truth, established according to the reasoning of a human erotic, that wherever the highest moral decadence has marked the character, there the spirit also has its greatest triumph” (p. 287). Perhaps we may speculate that the white Germanic utopia of lesbians is Reizenstein’s way of imagining white survival in the face of an impending (albeit fictional) revolution that would occur in 1871. Perhaps it represses the possibility of imagining a future of racial mixture that Reizenstein may find troubling. But it is clear that the possibility of new becomings provided by the space of New Orleans allows for new transgressive identities like Buntline’s Fanny or Reizenstein’s Germanic lesbians to emerge.
***
To conclude, we see how the Caribbean acts as a revolutionary space in these two New Orleans mysteries, a borderland zone for a reconfiguration of new forms of becoming, whether in terms of race, gender or sexuality. The position of women in these revolutionary narratives is especially significant, especially the queering of these women, whether it’s Fanny Gardner in Buntline’s novel or the lesbian secret society in Reizenstein’s. The flexibility of trans-racial relations offered by New Orleans, with its creolized social configurations brought about through its connections to the Caribbean, not only threatened and transgressed the racial hierarchies that constituted the antebellum period, but also indirectly provided a means to imagine alternative forms of gender and sexual identity through fiction. The Caribbean that haunts these two New Orleans novels offers us ways to recover lost utopias of the nineteenth century U.S.-American literary imagination.
(Florida International University)
Œuvres citées/Works Cited
Sources imprimées/Primary Sources
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Notes
1 Le texte est publié en feuilleton dans le journal germanophone Louisiana Staats-Zeitung entre 1854 et 1855.
2 La comparaison pourrait également inclure deux autres exemples écrits en français : de Charles de la Gracerie, Les Mystères des bords du Mississippi, feuilleton inachevé paru dans Le Courrier de la Louisiane entre le 18 novembre 1844 et le 22 janvier 1845; de Charles Testud, Les Mystères de La Nouvelle-Orléans (1852–1853). Sur la politique raciale de La Gracerie, je renvoie à l’excellent article de Clint Bruce, « Caught between Continents : The Local and the Transatlantic in the French-Language Serial Fiction of New Orleans’ Le Courrier de la Louisiane, 1843–45 », Transnationalism and American Serial Fiction, (dir.) Patricia Okker, New York et Londres, Routledge, 2012, p. 12–35.
3 Fredric Jameson, « Cognitive Mapping », Marxism and the Interpretation of Culture, (dir.) Cary Nelson et Lawrence Grossberg, Urbana (Illinois), U. of Illinois P., 1988, p. 349.
4 Nathalie Dessens, Creole City : A Chronicle of Early American New Orleans, Gainesville (Floride), U. of Florida P., 2015, p. 140.
5 Dessens, op. cit., p. 209.
6 Angel Adams Parham, « Caribbean and Creole in New Orleans », American Creoles: The Francophone Caribbean and the American South, (dir.) Martin Munro et Celia Britton, Liverpool, Liverpool UP, 2012, p. 59-60.
7 Sur l’afflux des nouvelles populations, les peurs qu’elles engendrent et les nouvelles pratiques urbaines, voir l’étude de l’historienne Sandra Frink, « “Strangers are Flocking Here”: Identity and Anonymity in New Orleans, 1810–1860 », American Nineteenth Century History, no 11.2, 2010, p. 155–81.
8 Comme l’écrit Dominique Chancé, « the encounter, the interference, the shock, the harmonies and disharmonies among cultures »; « Creolization: Definition and Critique », The Creolization of Theory, (dir.) Françoise Lionnet et Shumei Shi, trans. Julin Everett, Durham (NC), Duke UP, 2011, p. 265.
9 Stuart Hall, « Créolité and the Power of Creolization », Créolité and Creolization, (dir.) Okwui Enwezor et al., Ostfildern-Ruit, Hatje Cantz, p. 31, italiques de l’auteur.
10 Pour suivre la formulation de Slavoj Žižek, « [the] “repressed” real of antagonism », dans son essai : « The Spectre of Ideology », The Žižek Reader, (dir.) Elizabeth Wright et Edmond Leo Wright, Oxford (UK), Blackwell, 1999, p. 77.
11 Shelley Streeby, American Sensations ; Class, Empire, and the Production of Popular Culture, Berkeley (CA), U of California P, 2002, p. 141. Dans son livre, Teresa Goddu montre comment le Sud est figuré en autre rejeté de la nation américaine; voir Gothic America. Narrative, Nation, History, New York, Columbia UP, 1997.
12 Voir sur ce point l’étude classique de Robert E. May, The Southern Dream of a Caribbean Empire : 1854–1861, Baton Rouge, Louisiana State UP, 1973.
13 Pour le contexte général de l’explosion des mystères urbains dans la période de l’avant-guerre civile et la place de La Nouvelle-Orléans dans ces mystères, je renvoie à la thèse pionnière de Paul Erickson, Welcome to Sodom, The Cultural Work of City-Mysteries Fiction in Antebellum America, thèse de doctorat, University of Texas at Austin, 2005.
14 Henry Louis Gates, Nellie Y. McKay (dir.), « The Literature of Slavery and Freedom, 1746-1865 », The Norton Anthology of African American Literature, NY, Norton, 1997, p. 134.
15 Sur ces points, voir Paul Gilroy, The Black Atlantic, Modernity and Double Consciousness, Cambridge (MA), Harvard UP, 1993, p. 21; et l’article de Jean Lee Cole, « Mobility and Resistance in Antebellum African American Serialized Fiction », Transnationalism and American Serial Fiction, (dir.) Patricia Okker, New York & London, Routledge, 2012, p. 64–83.
16 L’expression « Passage du milieu » fait référence à la deuxième partie du voyage tripartite du commerce triangulaire des esclaves, partie durant laquelle les esclaves africains étaient transportés à travers l’océan atlantique vers les Amériques. Le premier passage concerne le transport de biens de l’Europe vers l’Afrique tandis que le troisième passage désigne le voyage-retour vers l’Europe avec des navires remplis de produits venus des colonies. Sur ce point, voir Gregory E O’Malley, Final Passages, The Intercolonial Slave Trade of British America, 1619–1807, Chapel Hill, U of North Carolina P, 2014, p. 8.
17 Gilroy, op. cit., p. 27.
18 Gilroy, op. cit., p. 16.
19 Antonio Bénitez-Rojo, The Repeating Island, The Caribbean and the Postmodern Perspective, trad. James Maraniss, Durham, Duke UP, 1996, p. 2.
20 Sur ce point, voir Tom Chaffin, Fatal Glory, Narciso López and the the First Clandestine U.S. War against Cuba, Charlottesville, University of Virginia P, 1996.
21 À cause de l’ambiguïté que contient le terme de « créole » dans le contexte des Amériques, précisons que ce terme fait ici référence, comme dans cet essai, aux descendants des colons européens (et surtout français) qui se sont installés en Louisiane avant qu’elle ne soit vendue aux États-Unis en 1803. Bien que Buntline et Reizenstein parlent de créoles blancs lorsqu’ils se servent de ce terme, il peut aussi désigner les descendants des personnes de couleur qui étaient libres alors que l’esclavage existait toujours en Louisiane. Pour en savoir plus sur la complexité de ce terme dans le contexte de la culture louisianaise, voir Kenneth Randolph Aslakson, Making Race, The Role of Free Blacks in the Development of New Orleans’ Three-Caste Society, 1791–1812, thèse de doctorat, The University of Texas at Austin, 2007.
22 Buntline, The Mysteries and Miseries of New Orleans, NY, Akarman & Ormsby, 1851, p. 28 ; les italiques sont dans le texte original, comme dans toutes les citations ultérieures. Désormais, nous indiquerons la pagination directement après les citations.
23 Passage cité par Streeby, op. cit., p. 143.
24 Voir Christine Bold, « “The Frontier Story”: The Violence of Literary History », A Companion to American Fiction, 1865–1914, (dir.) Robert Paul Lamb, Malden, Blackwell Publishing, 2005, p. 205.
25 Amy Greenberg, Manifest Manhood and the Antebellum American Empire, Cambridge (UK), Cambridge UP, 2005, p. 220–21.
26 Robert E. May, The Southern Dream, op. cit., p. 32.
27 May, op. cit., p. 35.
28 Stephen Knight, The Mysteries of the Cities, Urban Crime Fiction in the Nineteenth Century, Jefferson et Londres, McFarland, 2012, p. 54.
29 Alfred N. Hunt, Haiti's Influence on Antebellum America, Slumbering Volcano in the Caribbean, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1988, p. 86.
30 Hunt, op. cit., p. 87-88.
31 Ibid., p. 91.
32 Cité dans Hunt, op. cit., p. 100.
33 Patricia Herminghouse, « The German Secrets of New Orleans », German Studies Review, no27.1, 2004, p. 2.
34 Ludwig Von Reizenstein, The Mysteries of New Orleans, trad. Steven W. Rowan, Baltimore, Johns Hopkins UP, 2002, p. 304. Dans les citations qui suivent, nous indiquerons la pagination dans le corps du texte entre parenthèses.
35 Pour un bref panorama de ces romans, voir Barbara Lang, The Process of Immigration in German-American Literature from 1850 to 1900, A Change in Ethnic Self-Definition, München, W. Fink, 1988, p. 41–63; aussi la thèse de Paul Erickson, Welcome to Sodom, op. cit., p. 236–37.
36 B. Lang, op. cit., p. 47.
37 The comparison could also include two other examples written in French: Charles de la Gracerie’s Les Mystères des bords du Mississippi, an unfinished serialized novel published in Le Courrier de la Louisiane between 18 November 1844 and 22 January 1845 ; Charles Testud’s Les Mystères de La Nouvelle-Orléans (1852–1853). On La Gracerie’s racial politics, see the excellent article by Clint Bruce, “Caught between Continents : The Local and the Transatlantic in the French-Language Serial Fiction of New Orleans’ Le Courrier de la Louisiane, 1843–45,” Transnationalism and American Serial Fiction, (dir.) Patricia Okker, New York & London, Routledge, 2012, p. 12–35.
38 Fredric Jameson, “Cognitive Mapping,” Marxism and the Interpretation of Culture, Urbana, U of Illinois P, 1988, p. 349.
39 Nathalie Dessens, Creole City: A Chronicle of Early American New Orleans, Gainesville, University of Florida, 2015, p. 140, p. 209.
40 Angel Adams Parham, “Caribbean and Creole in New Orleans,” in American Creoles: The Francophone and the American South, ed. Martin Munro and Celia Britton, Liverpool, Liverpool UP, 2012, p. 59-60.
41 On the influx of the new populations, the fear that they precipitated and emerging urban practices, see the study by historian Sandra Frink, “‘Strangers are Flocking Here’: Identity and Anonymity in New Orleans, 1810-1860,” American Nineteenth Century History, no 11.2, 2010, p. 155–81.
42 Dominique Chancé, “Creolization: Definition and Critique,” The Creolization of Theory, ed. Françoise Lionnet and Shumei Shi, trans. Julin Everett, Durham (NC), Duke UP, 2011, p. 265.
43 Stuart Hall, “Créolité and the Power of Creolization”, Créolité and Creolization, ed. Okwui Enwezor et al, Ostfildern-Ruit, Hatje Cantz, 2003, p. 31.
44 Slavoj Žižek, “The Spectre of Ideology,” The Žižek Reader, ed. Elizabeth Wright and Edmond Leo Wright, Oxford, Blackwell, 1999, p. 77.
45 Shelley Streeby, American Sensations: Class, Empire, and the Production of Popular Culture, Berkeley, U of CA P, 2002, p. 141. In her book, Teresa Goddu has shown how the South was turned into the rejected other of the American nation, Gothic America. Narrative, Nation, History, New York, Columbia UP, 1997.
46 See Robert E May, The Southern Dream of a Caribbean Empire: 1854-1861, Baton Rouge, Louisiana State UP, 1973.
47 For the general context on the explosion of urban mysteries in the Antebellum period and the place of New Orleans within these mysteries, see the pioneering thesis by Paul Erickson, Welcome to Sodom, The Cultural Work of City-Mysteries Fiction in Antebellum America, doctoral thesis, University of Texas at Austin, 2005.
48 Henry Louis Gates and Nellie Y. McKay (dir.), “The Literature of Slavery and Freedom, 1746-1865,” The Norton Anthology of African American Literature, NY, Norton, 1997, p. 134.
49 Paul Gilroy, The Black Atlantic: Modernity and Double Consciousness, Cambridge, Harvard UP, 1993, p. 21; also see the article by Jean Lee Cole, “Mobility and Resistance in Antebellum African American Serialized Fiction,” Transnationalism and American Serial Fiction, (dir.) Patricia Okker, New York & London, Routledge, 2012, p. 64–83.
50 The term “Middle Passage” refers to the second leg of the three-part journey of the Atlantic triangular slave trade, when enslaved Africans were transported across the Atlantic to the Americas. The first passage involved the transportation of trade goods from Europe to Africa, while the third passage involved the journey from America back to Europe with colonial staples. See Gregory E O’Malley, Final Passages : The Intercolonial Slave Trade of British America, 1619-1807, Chapel Hill, U of North Carolina P, 2014, p. 8.
51 Gilroy, op. cit., p. 27, p. 16.
52 Antonio Benítez-Rojo, The Repeating Island: The Caribbean and the Postmodern Perspective, trans. James Maraniss, Durham, Duke UP, 1996, p. 2.
53 See May, op. cit., p. 30.
54 See Tom Chaffin, Fatal Glory: Narciso López and the the First Clandestine U.S. War against Cuba, Charlottesville: U of Virginia P, 1996.
55 Because of the ambiguity surrounding the term “creole” in the context of the Americas, “creole” will refer here and elsewhere in this essay to people descended from European (especially French) colonial settlers of Louisiana from the period before the Louisiana Purchase (1803). Although Buntline and Reizenstein mean white creoles when they use the term, the term “creole” can also include descendants of free people of color when slavery still existed in Louisiana. For more on the complexity of the term in the context of Louisiana’s culture see Kenneth Randolph Aslakson, Making Race: The Role of Free Blacks in the Development of New Orleans’ Three-Caste Society, 1791-1812, PhD dissertation, University of Texas at Austin, 2007.
56 Ned Buntline, The Mysteries and Miseries of New Orleans, NY, Akarman and Ormsby, 1851, p. 28 (Buntline’s emphasis). From now on, we will indicate the pagination directly after each citation.
57 Quoted in Streeby, op. cit, p. 143.
58 See Christine Bold, “‘The Frontier Story’: The Violence of Literary History,” A Companion to American Fiction, 1865-1914, ed. Robert Paul Lamb, Malden, Blackwell Publishing, 2005, p. 205.
59 Amy S. Greenberg, Manifest Manhood and the Antebellum American Empire, Cambridge (UK), Cambridge UP, 2005, p. 220–21.
60 See May, op. cit., p. 32.
61 Stephen Knight, The Mysteries of the Cities: Urban Crime Fiction in the Nineteenth Century, Jefferson et Londres, McFarland, 2012, p. 54.
62 Alfred N. Hunt, Haiti’s Influence on Antebellum America: Slumbering Volcano in the Caribbean, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1988, p. 87–88.
63 Hunt, op. cit., p. 91.
64 Quoted in Hunt, op. cit., p. 100.
65 Patricia Herminghouse, “The German Secrets of New Orleans,” German Studies Review, no 27.1, 2004, p. 2.
66 Ludwig von Reizenstein, The Mysteries of New Orleans, trans. Steven W. Rowan, Baltimore, Johns Hopkins UP, 2002, p. 304. From now, we will indicate the pagination directly after each quotation.
67 For a brief overview of these novels, see Barbara Lang, The Process of Immigration in German-American Literature from 1850 to 1900, A Change in Ethnic Self-definition, Munich, W. Fink, 1988, p. 41–63; see also Paul Erickson’s doctoral thesis, Welcome to Sodom, op. cit., p. 236–37.
68 Lang, op. cit., p. 47.
69 See Jeannette H. Foster, Sex Variant Women in Literature : A Historical and Quantitative Survey, London, F. Muller, 1958.