La construction de l’imaginaire vernien dans le Québec du XIXe siècle
Table des matières
JEAN-LOUIS TRUDEL
Si le Canada occupe une place importante dans l’œuvre de Jules Verne, Verne se classe, lui, parmi les auteurs les plus en vue dans la culture littéraire du Canada francophone au XIXe siècle1. La démonstration de cette seconde affirmation permettra d’explorer l’intégration de Verne à l’imaginaire du Québec de l’époque.
Il importe de poser d’emblée que le « Verne québécois » n’est pas et ne peut pas être le même que le « Verne français » ; il n’est pas connu de la même façon et il n’est donc pas imaginé de la même façon par ses lecteurs et ses contemporains. Le contexte influe aussi sur sa réception. En France, il est l’auteur qui raconte le reste du monde aux Français. Au Québec, il convie ses lecteurs à participer par procuration à l’occupation européennes de la planète, mais il est aussi un auteur qui décrit des paysages nord-américains familiers. Dans la mesure où son œuvre permet à ses lecteurs québécois d’être partie prenante de ce grand récit progressiste, ils accèdent au rang de sujets qui retirent de leurs lectures le sentiment de mieux connaître le monde. Quand ses romans se projettent en Amérique du Nord, ils deviennent des objets, pas nécessairement consentants, qui se reconnaissent plus ou moins dans les fictions verniennes.
L’importance de Verne au Canada
La connaissance de Verne au Canada passe d’abord par sa production. La plupart de ses titres sont offerts en librairie ou en bibliothèque. En outre, près de la moitié de ses romans et nouvelles connaissent une publication partielle ou complète dans la presse périodique québécoise, et parfois plus d’une fois, les dotant d’une seconde carrière littéraire en français. Ses pièces de théâtre sont jouées ou adaptées, et des auteurs du cru s’essaient à en adapter eux-mêmes.
La bibliographie québécoise complète de la production de Verne n’est pas encore établie. Toutefois, une recherche systématique mais non exhaustive des journaux québécois numérisés a entraîné l'identification d'une quarantaine de publications verniennes en sus de celles connues précédemment2. La liste complète est fournie en annexe.
Un récit exotique, Martin Paz, est le premier texte de Verne à paraître au Québec, repris en feuilleton en 1855 dans le Courrier de St-Hyacinthe, mais cette parution reste isolée. Pour que les lecteurs québécois s’intéressent à l’auteur nantais, il faut attendre sa découverte par les États-Unis, en commençant par une version un peu modifiée du Tour du monde en 80 jours dans Le Courrier des États-Unis de New-York du 28 décembre 1872 au 25 janvier 18733. Comme le Courrier des États-Unis était lu au Québec, cette parution n’est sans doute pas passée inaperçue. Le Courrier des États-Unis publie aussi « Le Docteur Ox » (du 10 au 16 juillet 1874), « Maître Zacharius » (du 3 au 6 novembre 1874) et Les Indes noires (du 23 mai au 8 juin 1877), ainsi qu'une version abrégée de l'essai « Les méridiens et le calendrier » le premier juin 1874. Au Massachusetts, une version tronquée de Vingt mille lieues sous les mers paraît dans le journal d'Honoré Beaugrand, L'Écho du Canada (du 16 janvier au 19 juin 1875), jusqu'au départ de celui-ci pour le Canada4. L'édition des aventures de Phileas Fogg dans Le Courrier des États-Unis serait la seconde de Verne en sol nord-américain et elle pourrait avoir donné un coup d'élan aux journaux canadiens, comme la publication des Mystères de Paris dans un supplément de la même publication en 1843 l'avait fait pour le feuilleton de Sue5.
En tout, sur 63 histoires associées aux « Voyages extraordinaires » ou parues en volume du vivant de Verne, ce sont 30 titres qui, en tout ou en partie, alimentent 53 parutions dans la presse périodique québécoise jusqu'en 1905. Cas spécial, le roman Le Tour du monde en 80 jours fait aussi l'objet d'au moins deux réimpressions en format poche dans la collection « La Bibliothèque moderne » créée en 1902 et disparue l’année suivante6. Ces parutions font suite à la course autour du monde de plusieurs journalistes du monde entier de mai à août 1901, La Presse de Montréal attribuant la palme à son représentant, Lorenzo Prince, et inscrivant son exploit dans la foulée du roman de Verne7.
Comme ces publications n’ont à peu près jamais été signalées par les bibliographes de Verne, il semble raisonnable de croire qu’elles n’ont pas été autorisées. Ces rééditions pirates sont-elles significatives, toutefois? Au XIXe siècle, les tirages connus des grands journaux québécois oscillent entre 5 000 et 10 000 exemplaires. Les feuilles plus polémiques ou régionales tirent moins, tandis que les grands quotidiens montréalais de la fin du siècle font mieux. Quant aux romans québécois édités au XIXe siècle, ils sont peut-être tirés à deux ou trois mille exemplaires, mais les données manquent cruellement8. La comparaison de ces chiffres laisse croire que l’effet de masse des éditions québécoises de Verne, jointes à sa production importée, suffisait en soi à le hisser parmi les romanciers les plus lus au Québec de son vivant.
D’autres indications l’attestent, même s’il faut garder à l’esprit que son indéniable popularité ne fait pas de lui un auteur universellement apprécié, aimé pour toute son œuvre ou suivi durant toute sa carrière. D’une part, Verne figure de son vivant parmi les auteurs les plus empruntés dans les bibliothèques québécoises ou cités dans la presse. À l'Institut canadien de Montréal, Verne arrive après Dumas, dans le classement des auteurs empruntés, mais avant Hugo9. À l'Institut canadien de Québec, Verne est le septième auteur qui circule le plus en 1891 (108 emprunts), après Gustave Aimard, Raoul de Navery [Eugénie Saffray], Maryan [Marie Cadiou], Mathilde Bourdon, Zénaïde Fleuriot et Paul Féval, et le même classement est reproduit en 1892 (avec 135 emprunts d'ouvrages verniens)10. En 1898, pour 5436 emprunts dans l'année, Verne est le cinquième auteur le plus sorti (130 emprunts), après Maryan, Aimard, Navery et Féval11.
D'autre part, même si Jules Verne est parmi les dix romanciers les plus lus au Québec à la fin du XIXe siècle et les trois feuilletonistes les plus publiés au Québec, après Raoul de Navery et Féval, ses romans ne représentent que 2% (15/672) des feuilletons recensés dans un échantillonnage systématique des journaux québécois du dernier quart du XIXe siècle12.
En ce qui concerne la lecture dans les collèges classiques au tournant du XXe siècle, le témoignage d’un émule québécois de Verne, Jules Jehin de Prume, rappelle l’enthousiasme que ses écrits inspiraient aux pensionnaires d’alors tandis que le Frère Marie-Victorin confesse avoir lu beaucoup de ses ouvrages13. Ringuet leur fait écho dans une nouvelle de 1946, « L’Étranger », qui évoque la lointaine jeunesse d’un lecteur :
« Il lisait avec un appétit glouton tous les livres de voyages imaginaires ou réels qu’il pouvait atteindre. Aussi bien la triste bibliothèque du collège où l’on nous envoya ne contenait-elle à peu près, à part de lamentables purées de Zénaïde Fleuriot et quelques romans de crimes dûment punis, signés Raoul de Navery, que des récits d’aventures terriennes ou maritimes.14 »
L’allusion à Verne semble probable. Dans le cas du pastiche (ou hommage parodique) d’Albert Robida, les Voyages très extraordinaires de Saturnin Farandoul, repris en feuilleton dans Le Canard en 1882-1883, elle est patente.
À sa popularité comme auteur s’ajoute un statut distinct vers 1875, celui de célébrité. Comme on le verra ci-dessous, les journaux n’hésitent plus à consacrer quelques lignes à ses écrits, ses anticipations techniques et même ses faits et gestes. Dorénavant, on s’attend à ce qu’un lecteur cultivé connaisse tant Le Tour du monde en 80 jours que Vingt mille lieues sous les mers. En 1883, un bateau qui porte son nom navigue même de Trois-Rivières à Nicolet15.
Une dernière confirmation de cette familiarité est fournie par la fréquence des mentions de son nom dans la presse. Le moteur de recherche en texte intégral des journaux québécois numérisés de la BANQ (Bibliothèque et Archives Nationales du Québec) a permis de recenser en mai-juin 2017 les occurrences du nom d'une cinquantaine d'auteurs français qui sont des contemporains de Jules Verne, c'est-à-dire qu'ils étaient vivants entre 1828 et 1905 et qu'ils ont publié durant cette période.
Ces chiffres sont à prendre avec des pincettes en raison des spécificités des algorithmes de recherche et de reconnaissance des caractères. Un nom trop long et compliqué (comme celui de Fortuné du Boisgobey) risquera de ne pas être retrouvé parce qu’il exige la reconnaissance sans faille d’une longue série de lettres. En revanche, un nom trop simple (comme celui de Pierre Loti) sera confondu par les algorithmes de recherche avec des mots usités trop semblables (« pierre » et « lots », par exemple).
Pour les noms d'une longueur moyenne et d'une spécificité minimale, cependant, les résultats devraient être comparables. Une fois éliminé Pierre Loti, les dix noms qui apparaissent le plus souvent sont, dans l'ordre, Victor Hugo, [Alphonse de] Lamartine, Louis Veuillot, Chateaubriand, Alexandre Dumas (ce qui amalgame le père et le fils), Jules Verne, Paul Bourget, [Honoré de] Balzac, Paul Féval et Émile Zola.
Le scandale fait recette. Ce palmarès inclut cinq écrivains dont les ouvrages sont peu ou prou à l'Index (Hugo, Lamartine, les deux Dumas et Balzac). L'apparition de Zola, dont les ouvrages ne se retrouvent pratiquement pas au Québec, souligne que la notoriété d'un auteur ne correspond pas toujours à sa popularité16. La poésie demeure prisée. Celle de Hugo et Lamartine leur mérite au moins autant l'estime que le reste de leur œuvre, et même Bourget a débuté comme poète. Le théâtre concourt aussi à la réputation des auteurs et Verne comme Hugo en profitent. En fait, si on ne retenait que les romanciers, Verne figurerait non seulement dans les dix premiers mais dans les cinq premiers. Parfois dédaigné comme un simple auteur à succès, Verne éclipse dans ce classement les grands romanciers populaires de son temps comme Féval, Eugène Sue, Ponson du Terrail ou Aimard, sans parler de George Sand ou René Bazin.
Illustration 1 : Jules Verne (Monde illustré, 18 juillet 1885)
La figure vernienne au Canada francophone
Afin de cerner ce qui lui vaut cette attention, il faut se pencher sur la substance des références qui le concernent. Le point de départ a été un recensement des 821 occurrences québécoises, principalement dans le corpus de la presse québécoise numérisée de la BANQ, soit du nom de Jules Verne soit de mentions de ses ouvrages, du vivant de l'auteur17. Exception faite de la reprise de Martin Paz en 1855, la première retrouvée date de 1865 et les dernières de 1905. Les occurrences depuis 1855 ont été réparties parmi les annonces (signalant souvent une parution), au nombre de 75, les articles (faisant de l'auteur ou d’un aspect de son œuvre leur sujet, de près ou de loin), au nombre de 27, les entrefilets (rapportant une nouvelle en rapport avec l'auteur ou son œuvre), au nombre de 75, les essais et les fictions de Verne lui-même, au nombre de 54, les publicités (réclames pour ses livres et pièces), au nombre de 317, et les références (mentions en passant de l’auteur ou de son œuvre), au nombre de 267. Le total inclut aussi un portrait de Verne (Illustration 1) et cinq lettres signées de Verne (dans quatre cas, il s’agit de la fausse lettre de Verne à Étienne Richet, dont le caractère frauduleux n’a pas été soupçonné avant 1907)18.
Les trois quarts environ (72%) de ces occurrences se retrouvent dans les périodiques francophones et le reste (28%) dans les périodiques anglophones. Bénéficiant d’un quasi-monopole de la réclame des libraires, les capitales politique et économique, Québec et Montréal, s’accaparent plus des trois quarts (78%) de ces occurrences, tandis que la capitale de la francophonie, Paris, apparaît en troisième place grâce à l’inclusion du journal « québécois » de Paris, le Paris-Canada d’Hector Fabre19. Jules Verne n’est pas non plus un inconnu pour les petites villes de la province, comme le démontre le Tableau 1.
Tableau 1 : Répartition par ville des occurrences (1866-1905)
Lieu de publication (-1905) |
Total |
Pourcentage |
Québec |
388 |
47,4% |
Montréal |
254 |
31,0% |
Paris |
38 |
4,6% |
St-Hyacinthe |
29 |
3,5% |
Trois-Rivières |
26 |
3,2% |
Sherbrooke |
20 |
2,4% |
Arthabaskaville |
18 |
2,2% |
St-Jean-sur-Richelieu |
13 |
1,6% |
Sorel |
12 |
1,5% |
Chicoutimi |
9 |
1,1% |
Shawville |
4 |
0,5% |
Ste-Anne-de-la-Pocatière |
3 |
0,4% |
St-Jérôme |
2 |
0,2% |
Waterloo |
2 |
0,2% |
Joliette |
1 |
0,1% |
Chacun des textes verniens (roman, nouvelle, essai ou extrait de sa plume) n'a compté que pour une occurrence, même s’ils étaient découpés en épisodes distincts. Toutes les autres occurrences ont été comptées séparément, même lorsqu'une annonce publicitaire était reproduite à l'identique dans plusieurs livraisons successives d'un journal.
Au début de ce dépouillement, le répertoire numérisé de la BANQ comportait 331 journaux et revues du Québec, remontant au moins à 1792. Comme la seule période 1884-1914 aurait compté plus de 373 quotidiens et hebdomadaires d'actualités politiques et générales et comme l'intégralité des numéros n'est pas toujours disponible, le corpus de la BANQ ne représente qu'un échantillonnage d’un ensemble plus vaste20.
L’importance des fluctuations d’une année sur l’autre est illustrée par l’Illustration 2, qui représente le nombre d’occurrences par année pour cinq catégories: les annonces, les articles et entrefilets, les fictions, les publicités et les références. (Les parutions de Verne aux États-Unis sont incluses, mais pas la publication de Martin Paz en 1855.)
Illustration 2 : Répartition par année des occurrences (1865-1905)
La période où l’intérêt pour Verne est le plus marqué s’étend de 1874 à 1881, environ. Elle concentre près de la moitié de ses rééditions nord-américaines (soit 23 sur 52) et des publicités repérées dans la presse québécoise (soit 154 sur 317). Les publicités sont les plus fluctuantes, mais aussi les plus significatives, puisque les libraires devaient choisir soigneusement les ouvrages qu’ils mentionnaient dans leurs annonces pour les journaux, d’une taille forcément restreinte. Sur la durée, par conséquent, ce sont les références qui sont les plus constantes. De 1875 à 1891, il n’y a qu’une année (1880) à en compter moins de cinq. Même si l’intérêt s’étiole à compter de 1893, il se maintient encore grâce aux progrès de l’aérostation, des sous-marins et des voyages autour du monde qui motivent l’invocation de Verne.
Les « Voyages extraordinaires » au Québec
Le corpus des occurrences et un dépouillement des catalogues de bibliothèques québécoises ont permis de constituer un indice approximatif de l’importance dans la conscience populaire de chaque titre. Le chiffre obtenu tient compte du nombre de réimpressions (complètes ou partielles) de chaque titre des « Voyages extraordinaires », de l’offre de chaque titre (selon le nombre de publicités retrouvées et d’inclusions dans les catalogues de bibliothèques), des adaptations et performances théâtrales et des autres mentions dans la presse. Aucune pondération n’a été appliquée puisqu’il est difficile de déterminer quelle composante aurait plus de poids qu’une autre. Les tirages des journaux ne déterminent pas le lectorat effectif des feuilletons et les ventes des livres importés ne sont guère connues. Quant aux bibliothèques de prêt, leur circulation est souvent modeste. Afin de tenir compte néanmoins de la disponibilité en bibliothèque, les catalogues de 43 bibliothèques de prêt ou institutionnelles et collections particulières, s’échelonnant de 1864 à 1903, ont été examinés afin de recenser les ouvrages verniens (liste fournie en annexe).
Six textes de la série n’ont été repérés nulle part : Le Comte de Chanteleine (1864), Les Révoltés de la Bounty (1879), Frritt-Flacc (1884), Gil Braltar (1887), Les Histoires de Jean-Marie Cabidoulin (1901) et L’Invasion de la mer (1905), soit un roman historique que Hetzel a refusé d’éditer en volume dans la série malgré sa publication en feuilleton, trois courts récits (inclus en volume avec Le Chancellor, Un Billet de loterie et Le Chemin de France respectivement) et deux romans tardifs. En ce qui concerne les parutions en volumes, il ne manque qu’aux bibliothèques québécoises que les six derniers romans jusqu’à L’Invasion de la mer.
Inversement, les titres les plus connus (signalés plus de 25 fois) sont donnés dans le Tableau 2. Exception faite du Rayon vert, dont le résultat est dopé par la publicité intensive d’un seul libraire en 1883-1884, et de Nord contre Sud, qui bénéficie également d’annonces répétées dans deux publications seulement, les titres qui ressortent correspondent aux titres les plus vendus du vivant de Verne. Des ouvrages français dont les tirages ont dépassé les vingt mille exemplaires, il ne manque dans ce palmarès que Le Chancellor, Les Indes noires, Un Capitaine de quinze ans et Les Tribulations d’un Chinois en Chine21. En revanche, le classement étonnamment élevé du Pays des fourrures est le seul signe d’une spécificité canadienne. (En France, dix titres moins favorisés au Québec avaient connu des tirages supérieurs à celui du Pays des fourrures.) Des autres titres verniens où figure le Canada actuel, les Aventures du capitaine Hatteras occupent un niveau équivalent en France et au Québec tandis que Famille Sans-Nom et Robur le Conquérant ont moins retenu l’attention, alors que Maître du monde est carrément absent de la compilation.
Tableau 2 : Principaux titres verniens au Québec selon le retentissement total
« Voyages extraordinaires », etc. (titre du roman ou recueil, parution) |
Réimpressions au Québec (par titre) |
Offre au Québec (disponibilité) |
Théâtre |
Mentions |
Total |
Le Tour du monde en 80 jours (1873) |
2 |
37 |
4 |
88 |
131 |
Vingt mille lieues sous les mers (1870) |
3 |
39 |
- |
46 |
88 |
Michel Strogoff (1876) |
4 |
35 |
12 |
33 |
84 |
Cinq semaines en ballon (1863) |
2 |
62 |
- |
17 |
81 |
De la Terre à la Lune (1865) |
2 |
45 |
- |
24 |
71 |
Le Rayon vert (1882) |
- |
66 |
- |
3 |
69 |
Les Aventures du capitaine Hatteras (1866) |
3 |
49 |
- |
7 |
59 |
Le Pays des fourrures (1873) |
2 |
21 |
- |
32 |
55 |
Voyage au centre de la Terre (1864) |
1 |
32 |
- |
18 |
51 |
Autour de la Lune (1870) |
2 |
35 |
- |
11 |
48 |
L'Île mystérieuse (1874-1875) |
1 |
37 |
- |
8 |
46 |
Les Enfants du capitaine Grant (1868) |
2 |
29 |
4 |
10 |
45 |
Le docteur Ox (1874) |
4 |
19 |
- |
13 |
36 |
Une ville flottante (1871) |
- |
29 |
- |
3 |
32 |
Aventures de trois Russes et de trois Anglais dans l'Afrique australe (1872) |
1 |
28 |
- |
2 |
31 |
Nord contre Sud (1887) |
1 |
9 |
- |
18 |
28 |
La réception de Famille Sans-Nom au Canada n’a jamais été complètement analysée. L’ouvrage était attendu, voire espéré22. L’arrivée du roman en volume est explicitement annoncée dans la presse après la fin de sa publication française en feuilleton de janvier à décembre 1888. En janvier 1889, un journal de Chicoutimi souligne que « le prochain roman de Jules Verne traitera un sujet canadien. L’illustre écrivain nous décrira la révolution de 1837-183823. » Un autre journal en fait bizarrement un bruit plutôt qu’un fait : « on dit que le prochain roman de Jules Verne aura pour sujet les événements de 1837 et sera illustré par [Tiret-Bognet] qui a visité le Canada il y a deux ans24. Même la presse anglophone signale la chose25.
Un an plus tard, le Monde illustré édite Famille Sans-Nom en feuilleton dans ses pages en rappelant : « Comme on le sait, la plupart des scènes de ce roman se déroulent au Canada, lors des événements de 1837-1838, ce qui lui donne un regain exceptionnel d’intérêt pour le public canadien26. » Les réactions semblent avoir été peu nombreuses, les critiques du cru préférant rester silencieux pour rester poli. Dès 1890, un critique laisse deviner le verdict général : « Nous devons à Jules Verne trop d'aimables récréations pour que nous songions à lui garder rancune des libertés qu'il a prises avec notre histoire nationale ; d'ailleurs, si cet écrivain nous fait sourire de pitié sur Famille sans nom, il en est d'autres qui ont su mettre à contribution les données héroïques de nos véritables annales et s'en servir à la fois pour leur gloire et pour notre avantage »27. En 1891, Georges-Alphonse Dumont aborde l’ouvrage dans un texte relativement détaillé qui ne se gêne pas pour recenser les bévues de l’auteur et il conclut ainsi : « Nous nous arrêtons ici. Peut-être pourrions-nous trouver encore plusieurs autres erreurs faites par M. Verne, si nous continuions, mais nous croyons en avoir relevé suffisamment pour faire voir au romancier français qu'il ne ferait pas mal de réviser son dernier ouvrage, après s'être procuré une histoire fidèle du Canada28. » Ceci concorde avec la réminiscence publiée dans le Paris-Canada de Fabre en 1902 à l’occasion de la mise en scène de l’adaptation théâtrale de Famille Sans-Nom par Théo Bergerat en France : « Lorsque le roman de Jules Verne parut dans Le Magasin d'Éducation et de Récréation, ce qui nous avait frappé, c'était l'inexactitude extraordinaire de tous les évènements historiques, une sorte de salmigondis de dates et une ignorance absolue de l'Histoire du Canada29. »
Comme l’autorité de Verne en géographie avait été battue en brèche en 1887 dans un débat centré sur la Société de géographie de Québec, le fiasco de Famille Sans-Nom aurait ensuite sapé son crédit comme historien30. La révélation du traitement parfois fantaisiste — ou à tout le moins contraire à un certain consensus québécois — des données objectives à la disposition de Verne décevait clairement une partie du public québécois et elle pourrait expliquer la désaffection relative à l’égard de son œuvre : hormis César Cascabel (1890), aucune autre fiction de Verne signée après Famille Sans-Nom n’a été rééditée au Québec. Si c’est parce que l’auteur n’est plus respecté pour ses qualités scientifiques, cela prouverait que ses ouvrages antérieurs étaient bien appréciés à la fois comme créations littéraires et comme ouvrages d’instruction géographique ou historique. Une fois ce dernier élément ramené à de plus justes proportions, Verne perd de son attrait, mais la presse persiste à le créditer d’anticipations techniques visionnaires. Pour un Verne imaginaire qui s’érode, il en subsiste d’autres.
Cette évolution se laisse voir dans les commentaires de la presse québécoise. Il convient de noter ici qu’ils sont aussi bien signés par des rédacteurs québécois qu’empruntés à des sources étrangères. Comme l’emprunt demeure tributaire de choix locaux, il révèle à la fois la nature de l’information fournie aux lecteurs québécois (fictive ou non, car l’époque est aux canards et canulars) et la perception de son intérêt potentiel par des journalistes du lieu.
Le succès de Verne en France ne se dément pas depuis presque dix ans lorsque la presse québécoise se rend compte qu’il lui faut présenter cette nouvelle étoile. Ainsi, au milieu des années 1870, la presse souligne d’abord la célébrité de Verne et la place qu’il a conquise dans le firmament littéraire. À Montréal, c’est le cas en anglais dès 1875 : « There is perhaps no French author so popular at present on this side of the water, as Jules Verne »31. De même, le Courrier du Canada annonce ainsi la publication des Forceurs de blocus dans ses pages en 1879 : « Nous recommençons aujourd'hui à publier des romans de Jules Verne, le roi des romanciers. (...) Jules Verne a reçu maintes fois les félicitations des écrivains les plus illustres, pour ses livres, notamment de Louis Veuillot, le premier polémiste du monde32. » En français, c’est aussi le chantre de la science qui suscite l’admiration en 1877 : « Jules Verne, surnommé à bon droit, le grand vulgarisateur de la science au 19e siècle, a frappé une veine bien féconde d'où son incommensurable talent a su tirer des œuvres aussi agréablement instructives sous le rapport de la science que savamment attachantes sous celui de l'intérêt qu'il sait y mettre33. » Sous une forme plus dédaigneuse pour les sciences, un journal anglo-montréalais lui fait écho en 1882 : « Jules Verne's writings have been and are still deservedly sought for and admired. The charming style of this original writer, and the varied and endless soarings of his wonderful imagination have moulded into a form at once inviting and dramatic the rudiments, dry and insipid, of such sciences as appear to be naturally the most tasteless of all. »
Vedette littéraire, Jules Verne justifie l’attention de la presse. Ses sorties en mer sont décrites par un journaliste du Temps qui note son refus d’en profiter pour pêcher et le reportage est repris à Saint-Hyacinthe34. Une lettre de l’Exposition universelle de Paris en 1878 note sa montée en ballon35. Un journal l’inclut parmi les « célébrités » dont on pourrait vouloir connaître l’âge36. On fait écho à sa candidature à un fauteuil de l’Académie française37. La tentative d’assassinat de l’auteur le 9 mars 1886 est signalée au Québec38. Même lorsque sa popularité retombe, il est cité en exemple autant pour ses récompenses (droits d’auteur, la Légion d’honneur) que pour sa discrétion (« M. Jules Verne déteste deux choses : la réclame et Paris. »)39. Et même son soixante-quatorzième anniversaire n’est pas passé sous silence en 190240.
Les journaux reproduisent à l’occasion des blagues et des rumeurs le concernant. Dans le registre de la plaisanterie, citons ce piètre calembour de 1888 : « Entre deux barbistes : « As-tu lu le Docteur Ox? — Non. —Bah! lis Verne. » », mais plusieurs autres saillies plaisantes sont recensées41. Dans celui de la rumeur, on remarque l’idée que Verne (qui préparait un voyage en Méditerranée) entreprendrait un tour du monde42. Quelques années plus tard, on lui assigne comme destination l’Arctique, voire l’Antarctique43. Dans la foulée, il serait « sur le point de faire paraître un nouvel ouvrage à propos du tremblement de terre de Krakatoa44. »
L’appréciation initiale de Verne est contrastée. Certaines plumes assimilent ses écrits aux fantaisies du baron de Münchhausen ou au fantastique d’Edgar Poe45. Il restera longtemps une pierre de touche pour les projets démesurés relevant du rêve, avant qu’une autre tendance se dessine, à la faveur de nouvelles soulignant la réalisation de certains des rêves verniens46.
En particulier, Vingt mille lieues sous les mers justifie souvent des références au génie prophétique de Verne, que l’on présente comme un pionnier de la navigation sous-marine. Un article de 1881 qui fait du Nautilus un précurseur n’est que le premier d’une longue série47. En 1886, un entrefilet sur les tests d’un submersible aux États-Unis soutient (au mépris de la chronologie) que « M. Tuck, l’inventeur du Peacemaker, a consacré 25 ans de sa vie à réaliser le rêve de Jules Verne48. »
Sinon, c’est De la Terre à la Lune qui est invoqué quand il est question de canons gigantesques49. Ou de voyages spatiaux plus ou moins sérieux50. Également dans le domaine technique, les avancées de l’aérostation s’accompagnent souvent d’une mention des Cinq semaines en ballon de Verne51.
Quant au Tour du monde en quatre-vingts jours, il sert de référence commode pour faire sentir l’accélération des transports à la fin du siècle. En 1875, un journal de Trois-Rivières note que l’exploit est désormais à la portée des voyageurs52. Il s’agit clairement d’un remplissage à bon marché : l’entrefilet est copié par une autre feuille la semaine suivante, puis répété mot pour mot par le journal d’origine53... D’autres voyageurs inspirent la même comparaison54. En 1885, un journal d’Arthabaskaville le relève : « On écrit de Londres que le tour du monde en 80 jours, accompli par les héros fictifs du roman de Jules Verne, ne sera plus cité comme un tour… de force55. » En 1886-1887, la faisabilité d’un tour du monde en deux mois ou moins semble avérée56. En 1888 (puis en 1891), Phileas Fogg est battu par... une carte postale57. C’est ensuite une voyageuse, Nellie Bly, qui ressuscite l’engouement pour le roman en complétant le tour de la planète en 72 jours, non sans passer par Amiens pour rencontrer l’auteur58. En 1895, elle est imitée par un millionnaire californien59. À la fin du siècle, les nouvelles liaisons du Canadien Pacifique et l’achèvement en cours du Transsibérien font miroiter la possibilité d’accomplir le tour du monde en un mois ou moins, suscitant de nombreux rapprochements avec le roman60. Quand ce n’est pas un globe terrestre géant dont les visiteurs de l’Exposition universelle de Paris en 1900 pourront faire le tour en une heure environ61...
En 1900, le Courrier du Canada le souligne encore : « Jules Verne, lorsqu'il écrivit son fameux livre, "Le tour du monde en 80 jours", ne pouvait guère soupçonner qu'aussitôt le chemin de fer russe de Saint-Pétersbourg à Vladivostok terminé, il ne faudrait plus que 33 jours pour ceinturer ainsi le globe »62. La même année, l’équipée d’un éclaireur appelé en renfort du Klondike jusqu’en Afrique du Sud pour la guerre des Boers est encore présentée en faisant de la fiction vernienne le standard à surpasser63.
Le contexte des autres références à Verne varie. Parfois, ce sont des inventions ponctuelles qui rappellent telle ou telle œuvre, un fusil sous-marin évoquant Vingt mille lieues sous les mers et un wagon à voile rappelant un épisode du Tour du monde en 80 jours64. Parfois, des situations extrêmes appellent la comparaison avec des péripéties verniennes — quand des collégiens de Montmagny sont pris au piège d’une plaque de glace sur le Saint-Laurent, ils se remémorent des récits de plusieurs auteurs, dont Verne, sans qu’il soit précisé s’ils songeaient au Pays des fourrures65. D’un navire pris dans les glaces du lac Supérieur, le porte-parole d’émigrants de Fall River (Massachusetts) en route pour le Manitoba écrit en comparant leur situation à celle du Nautilus coincé sous la banquise, ce qui pourrait s'expliquer par la parution récente (et inachevée) de ce roman dans un journal qui sortait à Fall River, à peine un an plus tôt66.
Des pêcheurs attaqués au large de Terre-Neuve par une sorte de pieuvre font immanquablement penser à une péripétie célèbre de Vingt mille lieues sous les mers, tout comme la capture d’une autre pieuvre gigantesque67. Même un simple plongeon en mer est prétexte à une référence : « Une heure après, je fais, comme Jules Verne, un petit voyage au fond de la mer, car mon grand bonheur, c'est de piquer une tête du haut d'un bateau qui reste à l'ancre, au large68. »
Lorsque le siècle s’achève, c’est la nostalgie qui se mêle au souvenir des premiers romans de Verne dans cette présentation d’un nouvel auteur en 1892 : « Comme jadis aux romans captivants de Jules Verne, dans L'Opinion publique, de regrettée mémoire, LE MONDE ILLUSTRÉ a droit de se promettre que les gourmets littéraires, dont il compte un si grand nombre dans sa clientèle d'élite, feront un enthousiaste accueil à ce genre nouveau des aventures, où Jacolliot est passé maître. (...) À l'instar de ceux de Jules Verne, les romans de Louis Jacolliot sont d'une moralité irréprochable, d'une lecture accessible à tous, même les enfants, et charmante pour tous69. » Même stratégie en 1897 pour recommander un nouvel auteur du Samedi : « L'intrigue est digne du fécond cerveau d'un Jules Verne et le lecteur suit, sans le perdre longtemps de vue, le trésor qui, de France en Allemagne, d'Allemagne en France, voyage, change de mains, se perd, se retrouve pour revenir, finalement, entre les mains de son légitime propriétaire70. »
Écrivain apprécié, pédagogue, futuriste et célébrité médiatique avant la lettre, Jules Verne doit l’ampleur de sa popularité au Québec à cette multiplicité. Les charmes de ses romans sont aussi amplifiés dans quelques cas par leur transposition au théâtre, qui élargit leur public et permet aux Québécois de s’approprier la matière vernienne en tant qu’acteurs de ses plus grands drames.
Verne au théâtre québécois
Les performances parisiennes du Tour du monde en 80 jours (1874), des Enfants du capitaine Grant (1878) et de Michel Strogoff (1880), signées par Adolphe d’Ennery et Verne, sont couronnées de succès et toutes éditées entre 1874 et 1881. En Amérique du Nord, des versions locales sont montées aux États-Unis par des troupes diverses et circulent au Canada, même si on n’a pas retrouvé de représentation au Québec avant le début des années 1880, lorsque la troupe Lytell’s en offre en anglais (par exemple, en mai 1885)71. La même année, un cercle dramatique de Lachine avait monté une représentation bénéfice de Michel Strogoff en anglais le 19 mars72.
Pour ce qui est du français, il faut s’intéresser aux amateurs d’abord. Étudiant au collège de Joliette, avocat, inspecteur des écoles et officiel de la Société des artisans canadiens-français, Joseph George Walter McGown (1847-1914) est un amateur de théâtre qui joue pour le Cercle Jacques-Cartier à Montréal. Il aime les pièces parisiennes de Verne (contrairement au public de Toronto, qui dédaigne le Tour du monde en 1876)73.
Entre 1875 et 1885, le Cercle Jacques-Cartier monte plusieurs adaptations par McGown de pièces populaires au Théâtre Royal à Montréal. Ses adaptations se débarrassent des rôles féminins (pour éviter que des jeunes hommes jouent des femmes ou avec des femmes) tout en réduisant le nombre de rôles, ce qui lui ouvre aussi la porte des collèges exclusivement masculins. Les grands ballets et de nombreux « tableaux » sont éliminés, les troupes d’amateurs au Québec n’ayant pas les ressources requises. La date exacte des adaptations de McGown demeure incertaine, mais elles sont sans doute réalisées entre 1881 et 1885; elles sont imprimées et publiées dès la fin des années 1880. Successeur du Cercle Jacques-Cartier, le Cercle Molière à Ste-Cunégonde a sans doute repris ces adaptations pour les présenter sur la scène74.
De fait, on constate une recrudescence de mises en scène de récits verniens durant la dernière décennie du siècle. Selon Larrue, d’Ennery domine les scènes commerciales francophones à cette époque, même si Larrue ne précise pas pour quelles pièces. Sa production (qui recouvre ses collaborations avec Verne) est également incontournable sur les scènes collégiales entre 1890 et 1900, tout en obtenant aussi les faveurs du théâtre amateur francophone puisque Larrue cite nommément le Michel Strogoff de McGown, d’Ennery et Verne comme un texte affectionné par ces troupes75.
En 1890, J. N. Marcil et J. Fournier créent Les distractions d’un géographe français, saynète comique extraite des Enfants du Capitaine Grant, et la monte à l’École Belmont de Montréal76. En 1891, des amateurs de Montmagny montent une version du Michel Strogoff d’origine en guise d’événement-bénéfice (au moins deux rôles sont tenus par des femmes)77. En 1893, l’Union dramatique St-Vallier présente Le Tour du monde en 80 jours à Québec78. En 1894, des collégiens d’Iberville montent Michel Strogoff (en suivant McGown, peut-être, mais les indications manquent)79. En 1895, la pièce Les Enfants du capitaine Grant est jouée à Québec80. En 1897, la pièce Michel Strogoff s’invite à St-Hyacinthe tandis que latroupe de la Société St-Vincent de Paul monte la version de McGown de Michel Strogoff à l’Académie de musique de Québec; la pièce sera présentée de nouveau en 1900, toujours au profit de la Société St-Vincent de Paul81. En 1899, c’est au tour d’une troupe locale de Plessisville de présenter Michel Strogoff82. À Montréal, le Théâtre des Variétés met deux fois Michel Strogoff à l’affiche, en octobre 1899, puis en février 190083. À Montréal aussi, le Théâtre National offre en septembre 1900 Le Tour du monde en 80 jours (sans doute en version d’origine) puis Michel Strogoff en janvier 190184. Comme la formule semble plaire, Germain Beaulieu (1870-1944) adapte et produit Famille-Sans-Nom pour le Théâtre National à Montréal le 21 avril 1902, pratiquement en même temps que la version dramatisée par Théo Bergerat en France et montée à Paris au début du même mois85. La pièce est présentée de nouveau en septembre 1903 par le Théâtre National86. En décembre 1903, enfin, Louis-Napoléon Senécal (1866-1929) adapte Les Indes noires pour la scène sous le titre Le Pénitent, mais aucune représentation n’est connue87.
S’il est permis de supposer que le public québécois assiste aux premières adaptations théâtrales de l’œuvre vernienne entre 1875 et 1885, son appropriation québécoise débute ensuite et s’étend sur près de vingt ans, utilisant soit les textes de d’Ennery et Verne, soit leurs adaptations par McGown, avant de donner lieu à des adaptations propres en 1902 et 1903. La semaine avant la mort de Verne, le Cercle de Laval présente Le Tour du monde en 80 jours à Québec88. Comme la presse ne répercute qu’une petite proportion des pièces jouées par des amateurs (et encore moins par des collégiens), il est difficile d’en dire plus, mais la vente des adaptations de McGown jusqu’après la mort de Verne confirment leur popularité durable auprès des amateurs de la province, lesquels représentent un public choisi mais qui ne recoupe pas nécessairement à 100% le lectorat de Verne89.
Conclusions
Verne a été un des auteurs les plus lus au Québec au XIXe siècle. Publié et vendu en français ainsi qu’en anglais au Québec, il est apprécié dans les deux langues. Il doit sa popularité prolongée à une exploitation habile de fantaisies scientifiques et de prédictions technologiques, qui font de lui l’auteur que l’on cite volontiers en rapport avec les progrès techniques. Il profite de sa singularité d’explorateur paradoxal : le progrès peut tout, y compris rendre les « voyages en chambre » convaincants.
De fait, on ne le cite pas ou très peu quand il est question de contrées lointaines ou de mœurs exotiques, même si les deux figurent dans ces récits. D’autres auteurs ont fait mieux. C’est la rapidité moderne de son voyage autour du monde qui est mémorable, ainsi que ses audaces techniques en prise sur les progrès contemporains. Quoiqu’il ait été imité, par des auteurs comme Alexandre de Lamothe ou Paul d’Ivoi, il s’est imposé dans l’imaginaire québécois comme celui qui osait imaginer un monde plus petit, mondialisé avant la lettre, dont les ultimes secrets exigeaient l’avènement de merveilles techniques inédites pour être dévoilés.
Même dans le contexte de ses anticipations techniques, l’invoquer reste longtemps un raccourci à double tranchant qui désigne tant les rêves sans fondement d’inventions ou de voyages extraordinaires que les extrapolations réalisées (le sous-marin) ou dépassées (le tour du monde en quatre-vingts jours). La réticence est d’ailleurs présente dans l’œuvre vernienne, dont les plus grandes réalisations techniques (le Nautilus, l’obus lunaire, l’Albatros, Standard-Island) demeurent sans lendemain ou tournent court.
Il transcende donc les clivages usuels entre culture française et empirisme anglais, entre littérature éprise du Beau et science vouée au Vrai, entre élitisme et populisme, entre foi religieuse et ouverture libérale. À l'instar de la science-fiction, Verne est un auteur hybride.
Sa popularité exceptionnelle s'expliquerait par son aptitude à résumer autant les forces que les faiblesses de la science-fiction avant la lettre. Même s'il est accessoirement l'incarnation d'une mondialisation dramatisée par le Tour du monde en quatre-vingts jours, ses grands romans concrétisent à la perfection le tiraillement entre un progrès technique désiré et un certain scepticisme face aux envolées les plus ambitieuses de l'inspiration romanesque.
Au Québec, la réception de l'auteur — qui échappe à l'ire des censeurs si ce n'est qu'en raison de la rareté ou de la marginalisation de ses personnages féminins — illumine en outre une facette négligée de la culture canadienne-française, celle d'un progressisme largement partagé. Ses romans sont réédités par des journaux conservateurs et libéraux. Même Tardivel le cite à l’occasion90. En 1875, Napoléon Legendre (1841-1907), qui a peut-être été le lecteur le plus passionné de Verne au Québec, livre une causerie où il fait le lien entre les anticipations de Verne et les réalisations techniques qui se succèdent depuis un siècle :
« On n'a pas encore trouvé, mais on trouvera ; et lorsque Jules Verne décrit la machine du Nautilus, il fait une description qui sera vraie, au pied de la lettre, j'en suis convaincu, dans trente ou quarante, peut-être dans dix ans. Le Nautilus n'existe pas, je l'admets, mais il existera ; et nous marchons si vite, dans ce siècle, qu'entre l'idée et le fait, on n'a que juste le temps de concevoir l'une avant de voir l'autre se dresser devant le regard étonné91. »
Au tournant du vingtième siècle, les données réunies jusqu’à maintenant permettent d’affirmer que Verne a fait partie de la culture québécoise de son temps. Ou, pour le dire autrement, que Jules Verne ne soit jamais venu au Québec ne signifie nullement qu’il n’y a pas été.
Annexe 1 : Bibliographie québécoise de Jules Verne jusqu'en 1905
1) Romans (dans l'ordre chronologique des éditions françaises)
Nota Bene : les variantes des titres ne sont indiquées que si elles diffèrent du titre d'origine de manière importante ; dans certains cas, les réimpressions emploient les titres des parties du roman original
Cinq semaines en ballon (1863) : dans Le Courrier du Canada (du 8 décembre 1877 au 27 mars 1878) et dans Le Monde illustré (du 8 mars au 1er avril 1902) puis l'Album universel (19 et 26 avril 1902), peut-être inachevé ou lacunaire
Voyage au centre de la Terre (1864) : dans Le Courrier du Canada (du 12 septembre au 7 décembre 1877)
De la Terre à la Lune(1865) : dans Le Canadien (du 27 juin au 4 août 1874) et Le Constitutionnel (du 17 novembre 1875 au 10 avril 1876)
Les Aventures du capitaine Hatteras (1866) : « Les Anglais au pôle Nord / Le Désert de glace », dans Le Canadien (du 13 août 1875 au 18 février 1876) ; « Aventures du Capitaine Hatteras », dans L'Opinion publique (du 6 juillet au 28 décembre 1876) ; « Les Anglais au pôle Nord (Aventures du capitaine Hatteras) », dans Le Courrier du Canada (du 5 février au 7 juillet 1879)
Les Enfants du capitaine Grant (1868) : dans L'Électeur (du 16 octobre 1886 au 19 avril 1887) et Le Journal des Trois-Rivières (du 7 décembre 1892 au 17 janvier 1893, interrompu)
Vingt mille lieues sous les mers (1870) : dans Le Canadien (du 2 avril au 4 août 1875), L'Opinion publique (du 6 janvier au 22 juin 1876) et Le Monde illustré (du 28 décembre 1901 au 15 mars 1902)
Autour de la Lune (1870) : dans Le Canadien (du 3 septembre au 21 octobre 1874) et Le Constitutionnel (du 14 juillet au 15 novembre 1876)
Aventures de trois Russes et de trois Anglais dans l'Afrique australe (1872) : « Un massacre de lions », dans La Gazette de Sorel (le 3 mars 1877, extrait sans doute emprunté au Figaro littéraire du dimanche du 28 janvier 1877)
Le Tour du monde en quatre-vingts jours (1873) : dans Le Canadien (du 20 mai au 24 juin 1874) et le Journal de Waterloo (du 10 juillet 1902 au 8 janvier 1903) ; deux tirages distincts dans la collection (numéro 7) de la « Bibliothèque Moderne » par Décarie, Hébert et compagnie à St-Henri puis à Montréal, 1902
Le Pays des fourrures (1873) : dans la Revue Canadienne (de mars 1876 à août 1878) et Le Courrier du Canada (du 8 juillet au 29 novembre 1879)
L'Île mystérieuse (1874-1875) : dans Le Courrier du Canada (du 28 mars au 31 décembre 1878)
Le Chancellor (1875) : « Literary Notices: The Wreck of the Chancellor », dans The New Dominion Monthly(le 1er octobre 1875, extrait d'une traduction anglaise)
Michel Strogoff (1876) : dans La Minerve (du 18 avril au 7 août 1877) ; « Michael Strogoff, or, The Courier of the Czar », dans The True Witness and Catholic Chronicle (du 4 juin au 27 août 1879, en traduction anglaise) ; dans le Journal de Waterloo (du 8 février au 9 avril 1887) ; « Aventures extraordinaires », dans L'Électeur (du 31 août au 12 décembre 1895)
Hector Servadac (1877) : dans Le Canada Français (du 28 octobre 1898 au 31 mars 1899)
Les Indes noires (1877) : dans Le Canadien (du 6 juin au 23 juillet 1877), « La Terre aux époques géologiques », L’Enseignement primaire (décembre 1891, extrait) et Le Canada Français (du 17 juin au 21 octobre 1898)
Un capitaine de quinze ans (1878) : « Une pêche effroyable », dans L'Opinion publique (le 26 février 1880, extrait) ; dans L'Opinion publique (du 16 décembre 1880 au 2 juin 1881, complet)
Les Cinq Cents Millions de la Bégum (1879) : « The Begum’s Fortune! », dans The Montreal Daily Witness (du 19 janvier au 28 février 1880, en traduction anglaise)
La Jangada (1881) : dans Le Courrier du Canada (du 10 octobre 1883 au 21 janvier 1884) et Le Journal des campagnes (du 25 octobre 1883 au 31 janvier 1884)
L'École des Robinsons (1882) : dans Le Courrier du Canada (du 22 janvier au 19 mars 1884) et Le Journal des campagnes (du 31 janvier au 27 mars 1884)
Kéraban-le-Têtu (1883) : « Aventures d'un excentrique », dans L'Électeur (du 11 mai au 10 août 1896)
L'Archipel en feu (1884) : « Le Banquier des pirates / L'Archipel en feu », dans La Bibliothèque à cinq cents (4 et 10 juin 1886)
Mathias Sandorf (1885) : « La vengeance du proscrit », dans L'Électeur (du 27 mars au 30 août 1895)
L'Épave du Cynthia (1885) : « L'Épave du Cynthia / Le Secret de Patrick O'Donoghan », dans La Bibliothèque à cinq cents (15 et 22 juillet 1886)
Robur le Conquérant (1886) : dans Le Canadien (du 8 février au 9 avril 1887) et La Justice (du 25 juillet au 12 septembre 1887)
Nord contre Sud (1887) : dans Le Cyclorama universel (du 17 avril au 10 juillet 1897, interrompu)
Famille-Sans-Nom(1889) : dans Le Monde illustré (du 1er février au 26 juillet 1890)
César Cascabel (1890) : dans Le Samedi (du 2 (?) juin au 1er décembre 1894)
2) Récits et nouvelles
« Un drame dans les airs » (1851) : dans Le Monde illustré (du 11 janvier au 1er février 1890)
« Martin Paz » (1852) : dans le Courrier de St-Hyacinthe (du 27 avril au 22 mai 1855)
« Maître Zacharius » (1854) : dans L'Union des Cantons de l'Est (du 4 juin au 9 juillet 1881)
« Un hivernage dans les glaces » (1855) : dans l'Album de la Minerve (du 13 février au 1er mai 1873)
« Les Forceurs de blocus » (1871) : dans L'Union des Cantons de l'Est (du 29 octobre au 26 novembre 1874) et Le Courrier du Canada (du 16 janvier au 4 février 1879)
« Une fantaisie du docteur Ox » (1871/1872) : « Le Docteur Ox », dans Le Franc-Parleur (du 24 juillet au 28 août 1874)
3) Théâtre (adaptations)
Le Tour du monde en quatre-vingts jours (pièce, 1874) : Le tour du monde en 80 jours : pièce en quatre actes et un prologue (7 tableaux), M. d'Ennery et Jules Verne ; arrangée pour les cercles de jeunes gens par J. G. W. Mc Gown, Montréal, 1890.
Les Enfants du capitaine Grant (pièce, 1878) : Les Enfants du capitaine Grant : pièce en quatre actes et un prologue (7 tableaux), par d'Ennery et Jules Verne ; arrangée pour les cercles de jeunes gens par J. G. W. Mc Gown, Montréal, Beauchemin, 1889; J. N. Marcil et J. Fournier, Les distractions d’un géographe français (extrait adapté et monté, 1890).
Michel Strogoff (pièce, 1880) : Michel Strogoff : pièce à grand spectacle en cinq actes et huit tableaux, par MM. A. d'Ennery et Jules Verne ; arrangée spécialement pour les cercles de jeunes gens par J. G. W. McGown, Montréal, [1888].
Les Indes noires (1877) : Louis-Napoléon Senécal, Le Pénitent (manuscrit, 1903)
Famille-Sans-Nom (1889) : Germain Beaulieu, Famille sans nom (roman adapté et monté, 1902)
4) Lettres et communications
« Les méridiens et le calendrier » (1873) : dans Le Journal de Québec (11 juin 1874).
« Le tour du monde de Nellie Bly » (1890) : dans Le Courrier de St-Hyacinthe (8 janvier 1890).
« L'Avenir du Canada » (1905) : « Revue », dans Paris-Canada (15 avril 1905); « Jules Verne. Une lettre inédite du maître », dans La Presse (15 avril 1905); « Jules Verne et l'avenir du Canada », dans La Vérité (22 avril 1905); « Jules Verne et le Canada », dans Le Courrier de St-Hyacinthe (5 juin 1905). Cette dernière lettre est, en ce qui concerne le Canada, un faux forgé de toutes pièces et publié le lendemain de la mort de Verne, mais elle est incluse ici parce que la preuve n’en a pas été faite avant 1907 et que le nombre de réimpressions en Amérique du Nord témoigne de l’affection que les francophones de tout le continent conservaient pour l’auteur au moment de sa mort.
Annexe 2 : Catalogues de bibliothèques québécoises consultés (1864-1903)
(en ordre chronologique)
Literary and Historical Society of Quebec (1864), Bibliothèque privée de Joseph Cauchon (1866), Société typographique de Québec (1866), Législature de la province de Québec (1869), Institut canadien de Montréal (1870), Institut canadien de Québec (1870), Législature de la province de Québec (1873), Académie du Plateau (1874), Législature de la province de Québec (supplément, 1874), Union typographique de Québec (1874), Législature de la province de Québec (supplément, 1875), Institut canadien de Montréal (1876), collection particulière (1878), Literary and Historical Society of Quebec (1878), collection particulière (1880), Institut canadien de Québec (1881), Législature de la province de Québec (supplément, 1881), Petit Séminaire de Québec (1881), Club canadien de Montréal (1883), collection particulière d'Honoré Beaugrand (1884), Législature de la province de Québec (1884), collection particulière de Philéas Gagnon (1885), collection particulière d'Oscar Dunn (1885), Congrégation des hommes de St-Roch (1886), collection particulière d'Elzéar Gérin-Lajoie (1887), collection particulière de Joseph Auclair (1888), Fraser Institute de Montréal (1891), Congrégation des hommes de St-Roch (1892), Élèves du Collège Ste-Marie (1894), Bibliothèque paroissiale de Lévis (1895), collection particulière (1895), collection particulière (1895), Bons Livres (37, rue d'Auteuil, Québec, 1895), Quebec News Company's Circulating Library (1896), collection particulière de Faucher de St-Maurice (1897), Bibliothèque paroissiale de Notre-Dame et du Cercle Ville-Marie (1898), collection particulière de Lawrence Stafford (1898), collection particulière du juge Irvine (1898), Institut canadien de Québec (1898), Bons Livres (37, rue d'Auteuil, Québec, 1899), Bibliothèque gratuite de l'Union catholique (1901), Bibliothèque Laviolette de Trois-Rivières (1901), Législature de la province de Québec (1903)
Notes
1 Pour un aperçu de la place du Canada dans l’œuvre vernienne, voir : Gérard Fabre, Les Fables canadiennes de Jules Verne (Ottawa : Presses de l’Université d’Ottawa, 2018). Pour quelques indications préliminaires de la renommée et de l’influence de Verne dans le Canada francophone, voir : Jean-Louis Trudel, « Les Enfants de Jules Verne au Canada : la génération étouffée » dans Lez Valenciennes (Les Contemporains de Jules Verne : Aux frontières de la légitimation littéraire), num. 40 (2007), pp. 163-198.
2 Trudel, 2007, pp. 178-180. Je remercie Moïra Rendace de m'avoir signalé les parutions dans La Bibliothèque à cinq cents et Le Monde illustré, ainsi que Frédérick Durand de m'avoir mis sur la piste des parutions de Michel Strogoff dans la Minerve et des Enfants du capitaine Grant dans le Journal des Trois-Rivières.
3 Alex Kirstukas, « How Phileas Fogg Reached America », communication au colloque de la North American Jules Verne Society, 10 juin 2017, Toronto, Canada.
4 François Ricard, « Chronologie », La Chasse-galerie et autres récits, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1989, p. 52 ; François Ricard, « Présentation », op. cit., p. 180.
5 Guillaume Pinson, « Les Mystères et le feuilleton : aux sources de la culture médiatique francophone transatlantique », Médias 19 [En ligne], dans Les Mystères urbains au XIXe siècle : circulations, transferts, appropriations, Dominique Kalifa et Marie-Ève Thérenty, dir., 2015, pp. 4-7; mis à jour le 2016-05-17, consulté le 2019-02-21, URL : http://www.medias19.org/index.php?id=17969.
6 Jacques Michon, Histoire de l'édition littéraire au Québec au XXe siècle : La naissance de l'éditeur, 1900-1939, Anjou, Fides, 1999, pp. 174-176. Selon les adresses indiquées, l’exemplaire conservé à la Bibliothèque nationale d’Ottawa daterait des débuts de cette collection et celui conservé à la Bibliothèque nationale de Montréal à une période ultérieure.
7 Charlotte Biron, « Deux Canadiens français dans la course autour du monde », Voix et images, vol. 42, num. 3 (printemps-été 2017), pp. 92-100.
8 Daniel Mativat, Le Métier d’écrivain au Québec (Montréal, Triptyque, 1996), pp. 85-87, 330.
9 Jean-Louis Trudel, « Les Enfants de Jules Verne au Canada : la génération étouffée », Lez Valenciennes (Les Contemporains de Jules Verne : Aux frontières de la légitimation littéraire), Numéro 40 (2007), pp. 177-178.
10 Ludovic Brunet, « Institut canadien : Détails intéressants sur le mouvement littéraire de l'an dernier », L'Électeur (10 février 1893), p. 4.
11 Ludovic Brunet, « Rapport du bibliothécaire », Catalogue de la bibliothèque de l'Institut canadien de Québec, Québec, Dussault et Proulx, 1898, p. 286.
12 Durand, 2003, p. 83.
13 Trudel, « Les Enfants de Jules Verne au Canada », 2007, pp. 184-186.
14 Ringuet [Philippe Panneton], « L’Étranger », L’Héritage, Montréal, Variétés, 1946, p. 104.
15 « Départs », Le Constitutionnel (8 juin 1883), p. 3.
16 Outre la présence tardive de deux titres de Zola à l'ICM et de trois titres dans la collection privée d'Honoré Beaugrand, les inventaires des bibliothèques publiques et personnelles dans le Québec du XIXe siècle se distinguent par l'absence du romancier naturaliste. Voir : Annie-Claude Prud'homme, « « Voyage autour d'une bibliothèque » : la littérature dans les catalogues de bibliothèques personnelles d'écrivains (1880-1910) », dans Lire au Québec au XIXe siècle, Yvan Lamonde et Sophie Montreuil, dir., Anjou, Fides, 2003, p. 169 ; Isabelle Monette, « L'offre de titres littéraires dans les catalogues de la librairie montréalaise (1816-1879) », dans Lire au Québec au XIXe siècle, Yvan Lamonde et Sophie Montreuil, dir., Anjou, Fides, 2003, p. 217 ; Isabelle Ducharme, « Les catalogues de bibliothèques de collectivités à Montréal (1797-1898) », dans Lire au Québec au XIXe siècle, Yvan Lamonde et Sophie Montreuil, dir., Anjou, Fides, 2003, pp. 260, 267 ; Trudel, 2007, p. 177.
17 Les six parutions aux États-Unis sont exclues, mais pas les mentions dans le journal Paris-Canada, que la BANQ classe avec les publications québécoises même s’il est édité à Paris.
18 Thomas Chapais, « L’Hon. Turgeon et L’Événement. La décision de l’honorable M. Thomas Chapais », Le Soleil (12 avril 1907), p. 1.
19 Daniel Chartier, « Hector Fabre et le Paris-Canada au cœur de la rencontre culturelle France-Québec de la fin du XIXe siècle », Études françaises, vol. 32, num. 3 (automne 1996), pp. 51-60.
20 Verrette, p. 150.
21 Dekiss, p. 167.
22 P. F., « Notes diverses », Paris-Canada (1er juillet 1886), p. 2.
23 « Çà et là », Le Progrès du Saguenay (3 janvier 1889), p. 2.
24 « Un autre artiste canadien », Le Courrier de St-Hyacinthe (8 janvier 1889), p. 1. En fait, la visite de Tiret-Bognet remontait à 1885.
25 « Literary Notes », The Dominion Illustrated (12 janvier 1889), p. 22.
26 « Nouveaux Feuilletons », Le Monde illustré (25 janvier 1890), p. 306.
27 D. de D., « Une Fête de Noël sous Jacques Cartier Par M. Ernest Myrand », Revue Canadienne (1er juillet 1890), p. 394.
28 « Famille-Sans-Nom, Par Jules Verne », Le Monde illustré (21 février 1891), pp. 672-673.
29 « Les Théâtres : La Quinzaine théâtrale », Paris-Canada (15 avril 1902), p. 4.
30 Jean-Louis Trudel, « Jules Verne as Scientist: Reconsidering Verne's Stories as Popular Science », communication, réunion de la Society for Literature, Science and the Arts, Toronto, novembre 2018.
31 « Jules Verne », Canadian Illustrated News (23 janvier 1875), p. 54.
32 « Nouvelles », Le Courrier du Canada (16 janvier 1879), p. 2.
33 « Jules Verne », La Gazette de Sorel (27 janvier 1877), p. 1.
34 « Informations », Le Courrier de St-Hyacinthe (9 octobre 1875), p. 2.
35 « Lettres de l’Exposition », L’Opinion publique (7 novembre 1878), p. 529.
36 « Nouvelles générales », Le Courrier de St-Hyacinthe (7 février 1882), p. 2.
37 « Choses et autres », L’Opinion publique (21 juin 1883), p. 293; « Échos du jour », Le Courrier de St-Hyacinthe (23 juin 1883), p. 3.
38 « Tentative d'assassinat sur Jules Verne », Le Courrier du Canada (11 mars 1886), p. 2; « Le Règne du Revolver », Le Courrier du Canada (28 avril 1886), p. 2.
39 « Personal », The Daily Witness (30 juin 1893), p. 1; « Écrivains et artistes », Le Maître de français (1er novembre 1893), pp. 16-17.
40 « Jules Verne », Bulletin de la Chambre de Commerce du district de Montréal (1er mars 1902), p. 134.
41 « Conte fantastique », Le Canard (17 novembre 1877), p. 1; « Mosaïques », Passepartout (3 novembre 1888), p. 5; « Variétés », Le Canada Français (26 octobre 1900), p. 7.
42 « Nouvelles », Le Courrier du Canada (31 mai 1878), p. 2; « Faits divers », Le Journal de Québec (25 juillet 1878), p. 2; « Faits divers », Le Constitutionnel (31 juillet 1878), p. 2; « Nouvelles diverses », La Gazette de Sorel (3 août 1878), p. 3.
43 « Personals », Morning Chronicle, Commercial and Shipping Gazette (24 janvier 1884), p. 2; « Petites nouvelles », Le Courrier du Canada (24 janvier 1884), p. 2; « Faits divers », Le Journal de Québec (24 janvier 1884), p. 2.
44 « Petite Gazette », Le Courrier du Canada (15 juillet 1884), p. 2. Même si Verne mentionne l’éruption du Krakatoa dans des romans tardifs comme Maître du monde, il ne semble pas lui avoir consacré d’ouvrage.
45 E. Y., « Revue scientifique », L’Écho du Cabinet de lecture paroissial (1er mai 1870), p. 362; « Les ballons du Siège de Paris », Journal de l’Instruction publique (1er mars 1872), p. 34.
46 « Dépêches télégraphiques », Le Courrier de St-Hyacinthe (21 février 1882), p. 2; « Étonnante Découverte », L’Union des Cantons de l’Est (24 octobre 1885), p. 3.
47 « Bateau destiné à se mouvoir sous les ondes », L’Union des Cantons de l’Est (30 juillet 1881), p. 3; « Actualités », L’Électeur (31 août 1888), p. 1; « Un nouveau bateau sous-marin », Le Courrier de St-Hyacinthe (15 décembre 1888), p. 2; « Nouvelles générales », Le Courrier de St-Hyacinthe (28 avril 1892), p. 2; « Under the Seas. Jules Verne’s Theory Put Into Practice », The Daily Witness (18 novembre 1893), p. 11; A. Deglaneur, « Les sciences, les arts et les hommes », Revue Canadienne (1er février 1896), p. 115; « Les bateaux sous-marins : L’invention de Fulton », Le Courrier de St-Hyacinthe (16 septembre 1897), p. 1; « États-Unis », Le Canada Français (1er avril 1898), p. 3; « Sub-Marine Warfare. France Looks to It, Britain Rejects It », The Quebec Chronicle (27 mai 1899), p. 3; « Les sous-marins commerciaux », Le Prix Courant (1er avril 1904), p. 53.
48 « Faits divers », Le Journal de Québec (29 novembre 1886), p. 2.
49 « Faits divers », Le Journal de Québec (25 juillet 1873), p. 2.
50 « Variétés », Le Journal de Québec (2 mars 1889), p. 1; « Petites Notes », La Vérité (27 octobre 1900), p. 7.
51 « Faits divers », Le Constitutionnel (12 août 1878), p. 2; « Les ascensions en ballon », Le Courrier de St-Hyacinthe (5 juin 1902), p. 3.
52 « Faits divers », Le Constitutionnel (13 octobre 1875), p. 2.
53 « États-Unis », L’Union des Cantons de l’Est (21 octobre 1875), p. 3; « Faits divers », Le Constitutionnel (21 octobre 1875), p. 4.
54 « Nouvelles diverses », Le Réveil (19 août 1876), p. 205; « Nouvelles diverses », La Gazette de Sorel (21 août 1877), p. 2.
55 « Jules Verne distancé », L'Union des Cantons de l'Est (12 septembre 1885), p. 1.
56 « Informations », Paris-Canada (1er septembre 1886), p. 3; « Notes on Navigation », The Daily Witness (12 octobre 1886), p. 5; Jean, « Le progrès matériel au XIXe siècle », L’Étudiant (1er février 1887), p. 29.
57 « Dernière édition », Le Courrier du Canada (29 décembre 1888), p. 3; C. J. Magnan, « Bulletin géographique », L’Enseignement primaire (1er avril 1891), pp. 107-108.
58 « Le Tour du monde », Le Courrier de St-Hyacinthe (10 décembre 1889), p. 1; « Le tour du monde de Nellie Bly », Le Courrier de St-Hyacinthe (8 janvier 1890), p. 3; « Autour du monde », Le Courrier de St-Hyacinthe (28 janvier 1890), p. 1; « The Lady Circumnavigators », The Daily Witness (30 janvier 1890), p. 2; « Échos d’Ottawa », L’Électeur (5 février 1890), p. 4; « Nouvelles générales », Le Courrier de St-Hyacinthe (8 mars 1890), p. 2; J. E. Martin, « Le tour du monde en 75 jours », Le Courrier du Canada (19 mars 1890), p. 1; « Nellie Bly on the Platform », The Daily Witness (9 avril 1890), p. 8; Joséphine Dandurand, « Chronique », Le Coin du feu (1er juin 1893), p. 165; « Excentricités sportives », Le Prix courant (3 janvier 1896), p. 712; « Dîner fin de siècle : M. Chas Baillargé et ses convives », Le Courrier du Canada (2 janvier 1901), p. 4.
59 « Le tour du monde en 92 jours vient d’être terminé par un jeune millionnaire de Californie », Le Courrier du Canada (4 septembre 1895), p. 4.
60 « Le tour du monde en 80 jours », Paris-Canada (29 novembre 1890), p. 4; Eugène-Melchior de Vogüé, « Discours de M. de Vogüé », Paris-Canada (21 avril 1891), p. 2; « Bulletin géographique », L’Enseignement primaire (2 janvier 1892), p. 141; « Le tour du monde », L’Électeur (23 juillet 1896), p. 2; « Petites Notes », Le Prix Courant (19 février 1897), p. 994; « Variétés », Le Samedi (5 février 1898), p. 28; « Le Canada à l’Exposition », Paris-Canada (1er septembre 1900), p. 2; « De Paris à Pékin par le Transsibérien », Le Prix Courant (19 décembre 1902).
61 Jules Demolliens, « Les clous de l’Exposition », L’Électeur (22 janvier 1896), p. 2; « Autour du monde », L’Avenir du Nord (28 février 1897), p. 3; Étienne Cartier, « Lettre sur l’Exposition universelle de Paris », Revue Canadienne (1er avril 1900), p. 268.
62 « Le tour du monde en 33 jours », Le Courrier du Canada (27 novembre 1900), p. 2.
63 « Plus fort que du Jules Verne », La Vérité (15 décembre 1900), p. 5.
64 « Expériences du général d’Uchatius », Le Constitutionnel (19 novembre 1877), p. 2; « Nouvelles diverses », La Gazette de Sorel (30 juillet 1878), pp. 2-3.
65 Max, « Une expédition sur les glaces », L’Électeur (26 février 1885), p. 3.
66 « En route pour [le] Manitoba », Le Courrier de St-Hyacinthe (6 juin 1876), p. 2.
67 « Faits divers », L'Opinion publique (18 décembre 1873), p. 605; « La pieuvre gigantesque récemment capturée », L’Opinion publique (1er novembre 1877), p. 518.
68 « Saint-Malo », Le Constitutionnel (24 octobre 1879), p. 2.
69 « Aux lecteurs », Le Monde illustré (5 novembre 1892), p. 324.
70 « Les Étapes d’un Million », Le Samedi (17 avril 1897), p. 4.
71 Louis Bilodeau, « Le théâtre de Verne au Québec », Jules Verne, num. 24 (1992), pp. 22-23; « Michael Strogoff! », La Presse (12 mai 1885), p. 4. Une allusion à des représentations de Michel Strogoff à Montréal en 1882 ne permet pas de savoir si elles sont en français ou en anglais. Voir : « Actualités », L’Électeur (24 août 1882), p. 1.
72 « Michael Strogoff », Daily Witness (20 mars 1885), p. 5.
73 E. Z. Massicotte, « Les théâtres et les lieux d’amusement à Montréal, pendant le XIXe siècle », in L’Annuaire Théâtral, Montréal, Geo. H. Robert, 1908, p. 92; Trudel, 2007, pp. 180-181; « Nouvelles diverses », La Gazette de Sorel (18 avril 1876), p. 2.
74 La date d’édition de son adaptation de Michel Strogoff est induite de l’inclusion dans une publicité contemporaine : « Catalogue des drames, comédies, vaudevilles, dialogues, chants, chansons, chansonnettes, proverbes, scènes enfantines, etc. », Le Propagateur des bons livres (1er février 1888), p. 174; Massicotte, 1908, p. 95.
75 Jean-Marc Larrue, Le Théâtre à Montréal à la fin du XIXe siècle, Montréal, Fides, 1981, pp. 48, 94, 99.
76 Georges-Henri Robert, L’Annuaire théâtral, Montréal, Geo. H. Robert, 1908, p. 200. Il s’agit sans doute de Joseph-Nazaire Marcil (1867-1938), que l’on retrouve avec J. Fournier au Cercle Molière de Ste-Cunégonde.
77 « Chronique montmagnienne », L’Électeur (3 janvier 1891), p. 4.
78 « Jolie soirée », L’Électeur (8 mai 1893), p. 4.
79 « Au collège d’Iberville », Le Canada français (3 mars 1894), p. 1.
80 « Une belle soirée », Le Courrier du Canada (23 novembre 1895), p. 4.
81 « Notes locales », Le Courrier de St-Hyacinthe (16 février 1897), p. 3 ; « Une belle soirée dramatique et musicale », Le Courrier du Canada (26 octobre 1897), p. 4; « Michel Strogoff, un drame émouvant », Le Courrier du Canada (30 octobre 1897), p. 4; « Demain soir, pour les pauvres », Le Courrier du Canada (2 novembre 1897), p. 4; « Une soirée intéressante », Le Courrier du Canada (4 novembre 1897), p. 4; « Soirées-concerts au profit de la Société St-Vincent de Paul », Le Courrier du Canada (15 novembre 1900), p. 4.
82 « Notes locales », L'Union des Cantons de l'Est (17 février 1899), p. 2.
83 « Théâtres, Concerts, Etc. », Le Passe-temps (28 octobre 1899), p. 394; « Théâtres », Le Monde illustré (17 février 1900), p. 683.
84 Programme : Le Tour du monde en 80 jours, Théâtre national français, Montréal, 1900, pp. 1-2; « Théâtres, Concerts, Etc. », Le Passe-temps (29 septembre 1900), p. 411; Programme : Le Roman d’un Jeune Homme pauvre, Théâtre national français, Montréal, 1901, p. 2.
85 Robert, 1908, p. 200; « Les Théâtres : La Quinzaine théâtrale », Paris-Canada (15 avril 1902), p. 4; « "La Famille Sans Nom". Un drame canadien au Théâtre National Français », La Patrie (22 avril 1902), p. 1.
86 Mario [Moïra] Rendace, « Les « Voyages extraordinaires » et les œuvres dramatiques canadiennes-françaises », dans Les Enfants du capitaine Verne. 1. Hier, Montréal, Éditions du Colporteur, 2005, p. 131.
87 Ibid., pp. 132-136.
88 « Auditorium », The Quebec Chronicle (18 mars 1905), p. 3.
89 Par exemple, deux des adaptations de McGown — Michel Strogoff et Les Enfants du capitaine Grant — sont encore offertes à la vente par la librairie Beauchemin en 1913. Voir : « Publications de la Librairie Beauchemin Limitée », dans Le Canada ecclésiastique, vol. 28, Montréal, La Librairie Beauchemin, 1913, p. [766].
90 Jules-Paul Tardivel, « Vive la science ! », La Vérité (7 février 1903), p. 7.
91 Napoléon Legendre, « Causerie de Québec », L’Opinion publique (20 mai 1875), p. 238.