Jules Verne : représentations médiatiques et imaginaire social

Les « Esquimaux » du Pays des fourrures : reconfiguration vernienne d’un modèle figé

Table des matières

NICOLAS GAUTHIER

En novembre 1877, il est inutile pour les Parisiens d’effectuer un long périple dans les contrées arctiques pour voir de leurs yeux des « Esquimaux » : se rendre au Jardin zoologique d’acclimatation, tout près du Bois de Boulogne, est alors suffisant. En effet, six « Esquimaux » y sont « exposés », succédant à un groupe de Nubiens et d’animaux du Soudan, arrivés en août de la même année. Ces initiatives se révèlent extrêmement populaires : Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire évoquent un « succès foudroyant [et indiquent que la] fréquentation du Jardin double et atteint cette année-là le million d’entrées payantes1 ». Ils ajoutent que les zoos humains, dont participent ces expositions, permettent d’identifier « le passage d’un racisme exclusivement scientifique à sa popularisation rapide en à peine un demi-siècle, à travers tout l’Occident2 ». En ce qui concerne spécifiquement les « Esquimaux », on constate ainsi que la présence de ce groupe de six individus s’inscrit dans une modification profonde de leur présence dans l’imaginaire français durant les dernières décennies du XIXe siècle. Un véritable modèle, à plusieurs égards problématique, se met en place, nourri par une visibilité accrue dans la sphère littéraire. Parmi les divers auteurs qui contribuent à ce mouvement, on trouve Jules Verne, qui apporte toutefois une contribution plutôt originale.

En effet, durant l’automne 1872, à l’ombre du si célèbre Tour du monde en 80 jours (Le Temps, 6 novembre au 22 décembre 1872), l’auteur des Voyages extraordinaires publie Le Pays des fourrures dans le Magasin d’Éducation et de Récréation (20 septembre 1872 au 15 décembre 1873), roman qui fait une large place aux « Esquimaux ». Comme c’est la norme chez lui, Verne ne se limite cependant pas au rôle de relais passif : il reconfigure le portait des « Esquimaux » en s’éloignant de celui qui apparaît presque systématiquement dans les productions contemporaines. C’est ce travail qui nous retiendra ici. Après avoir pris de nécessaires précautions à propos de l’usage du terme « Esquimaux », nous effectuerons un survol de sa présence dans la sphère discursive française autour de la décennie charnière de 1870. Nous pourrons ainsi examiner plus efficacement comment Verne construit les « Esquimaux » du Pays des fourrures et, plus précisément, comment il s’approprie cette composante de l’imaginaire nord-américain pour en offrir une mise en récit dissonante au cœur d’un réseau de représentations qui s’anime alors.

Une remarque sur le terme

Le terme « Esquimaux » est utilisé de façon répandue par Jules Verne et par ses contemporains. Selon l’encyclopédie Universalis, il désigne,

par référence à une culture et une famille linguistique particulière, […] un ensemble de populations de l’Arctique qui, depuis la Sibérie orientale, se sont disséminées progressivement, par migrations successives, à travers le détroit de Béring, le long des côtes sud-ouest de l’Alaska et vers le grand nord de l’Alaska, du Canada, jusqu’au Groenland.3

Jusque tard au XXe siècle, le terme « Esquimau » était traduit par « mangeur de viande crue ». Certains travaux récents ont toutefois remis en question cette traduction, notamment en posant que le mot serait d’origine innue et désignerait plutôt « quelqu’un qui lace des raquettes à neige 4». Néanmoins, c’est bien avec la signification « mangeur de viande crue » qu’il a longtemps été employé par les Occidentaux. En raison de son caractère péjoratif et offensant, cette appellation a ainsi été rejetée par plusieurs groupes au fil du XXe siècle, par exemple au Canada. Elle a été remplacée par l’endonyme « Inuit » dans la « charte du CCI [Conseil circumpolaire inuit], signée en 19805 ». Il est maintenant d’usage de recourir à ce mot pour désigner ces peuples. Ceci posé, le vocable « Esquimau » s’impose néanmoins ici. En effet, notre analyse ne porte pas sur les Inuits, mais sur le terme « Esquimaux » lui-même, puisque notre propos consiste précisément à éclairer ses usages et ses connotations sous la plume de Verne et de ses contemporains. Il ne saurait donc être question d’en faire l’économie. Il n’en demeure pas moins approprié de souligner, à nouveau, qu’il ne sera pas employé ici pour nommer des peuples ou des communautés bien réelles.

Autour du Pays des fourrures

Un coup de sonde dans la base de données « American and French Research on the Treasury of the French Language » (ARTFL) permet de constater que, sur les 169 occurrences du substantif « Esquimaux », une trentaine sont antérieures au XIXe siècle. Apparaissant parfois sous la plume d’auteurs bien connus (Voltaire, Rousseau, Mercier, Bernardin de Saint-Pierre), elles surgissent principalement dans des essais – comme Telliamed ou Entretiens d’un philosophe indien avec un missionnaire français sur la diminution de la mer de Benoît Maillet (1755) – et des récits de voyage – comme Voyage de La Pérouse de Jean-François de Galaup, comte de La Pérouse (1797). C’est toutefois au siècle suivant que le terme devient plus présent (100 occurrences sur 169) et que, toujours selon la base de données, l’on commence à observer l’emploi d’« Esquimau » au singulier (dix-sept mentions au XIXe siècle, douze au XXe).

On remarque cependant qu’aucune des occurrences repérées au XIXe siècle n’est tirée d’un ouvrage consacré spécifiquement aux Esquimaux. En fait, hormis certains cas comme Les Natchez de Chateaubriand (dix-neuf occurrences) et Laura de George Sand (dix-sept occurrences), le vocable « Esquimaux » apparaît rarement à plusieurs reprises dans un même ouvrage6. Ces mentions isolées signalent que les Esquimaux sont plutôt évoqués à propos d’autres sujets. Plus précisément, ils servent fréquemment de référent connu pour appuyer la description d’un comportement ou d’un personnage. On peut par exemple lire ceci dans LesHabits noirs de Paul Féval : « Le Parisien est fier de lui-même comme l’Esquimau et le Samoyède s’enorgueillissent de leur rang dans l’échelle des peuples. Il soudoie un grand nombre d’écrivains, chargés sans cesse de lui dire qu’il a seul de l’esprit, de l’honneur et de la beauté7 ». Le même type de mise à distance de l’Esquimau apparaît également chez un auteur fort différent de Féval, Jules Barbey d’Aurevilly, qui écrit dans Une vieille maîtresse :

[À] ses yeux aimés, quoique stupides, les choses de la pensée, les grâces souveraines de la parole, tout ce qui nous fait les rois des âmes, ne sont pas plus que les chefs-d’œuvre des arts dans les mains barbares d’un Esquimau ou d’un Lapon !...8

Les nombreux exemples similaires que contient la base de données laissent penser que, au moins dans les œuvres dépouillées, les mentions des Esquimaux servent très souvent de repoussoir face à un portrait de l’homme « civilisé », du point de vue des vêtements, du goût, de l’hygiène, etc.

Un second coup de sonde peut être effectué dans le catalogue de la Bibliothèque nationale de France. On y repère peu d’ouvrages indiquant le mot « Esquimau » dans le titre ou les sujets traités avant le dernier tiers du XIXe siècle. Les quelques cas rencontrés proviennent de textes religieux (dont des traductions faites pour les « Esquimaux »), de récits de voyage, de documents topographiques ou encore iconographiques présentant divers peuples. À partir des années 1870, le tableau change et les Esquimaux sont plus présents, notamment dans des travaux à vocation ethnographique. Retenons Mythes et légendes des Esquimaux du Groenland du chanoine L. Morillot, en 1874, Vocabulaire français-esquimaux et Monographie des Esquimaux Tchiglit du Mackenzie et de l’Anderson, tous deux du missionnaire oblat Émile Petitot en 1876. D’ailleurs, au fil de ses nombreuses explorations du Grand Nord canadien dans les années 1860 et 70, Petitot a visité le Cap Bathurst, lieu au cœur de l’intrigue du Pays des fourrures. Dans un registre un peu différent, Élie Berthet publie en 1878 Les petits écoliers dans les cinq parties du monde. Présentant un jeune Esquimau nommé Hans, Berthet met de l’avant des traits considérés comme typiques :

On m’enseignait la chasse aux pièges et aux filets, le maniement du fouet pour conduire les chiens attelés au traîneau, le lancement du harpon, la direction de nos barques de peau appelées kayaks, et grâce aux excellentes leçons de Metek, je commençais à faire des progrès dans ces divers arts indispensables à un Esquimau.9

L’énumération est révélatrice du portrait offert alors des Esquimaux, Berthet utilisant diverses idées reçues à leur sujet. Ainsi, Hans insiste sur sa gourmandise, évoquant « le gouffre sans fond » de son estomac, et en fait un « défaut commun à toute [sa] race10 ». Il ne résiste pas au délice de la viande crue : « Quand j’avais capturé et tué un certain nombre d’oiseaux, il m’arrivait parfois d’en distraire deux ou trois […] pour les croquer tout cru, sans m’inquiéter de la simplicité de l’assaisonnement11 ». Berthet combine la description d’un savoir-faire technique et la mention de traits moins « civilisés » ; cette combinaison est au cœur du portrait des Esquimaux à l’époque, comme le montrent d’autres exemples.

Célèbre pour ses romans d’aventures qui circulent abondamment en France12, le capitaine Mayne Reid fait paraître en 1885 Les Lapons et les Esquimaux. Il s’agit d’un extrait, traduit par Bénédict-Henry Révoil, d’un ouvrage publié en 1860 et intitulé Odd People. Being a Popular Description of Singular Races of Man. On y trouve des considérations générales sur les Esquimaux et une description de leurs outils, dans la construction desquels ils déploient « d’une façon éclatante [leur] intelligence13 », notamment le traîneau à chien, le kayak et les maisons de glace. L’auteur ne néglige pas les louanges quant aux talents des Esquimaux à cet égard. Néanmoins, son portrait n’est pas dépourvu de commentaires condescendants : « Ces créatures humaines attirent l’attention, bien moins sans doute par leur étrangeté, même par leur sauvagerie, en somme très relative, que par la différence bien tranchée due au climat rigoureux qu’elles habitent14 ». Le narrateur précise que les « Esquimaux ne sont pas beaux ; toutefois leur physionomie n’a rien de repoussant ; elle est même loin d’être désagréable15 ». Il poursuit ainsi :

Et cependant le caractère de ces peuples devrait leur concilier plutôt la sympathie. Bien moins sauvages que certains peuples mieux favorisés sous le rapport du climat et du sol, ils doivent tout à leur industrie et si le manque de propreté inspire souvent de la répugnance, il faut se demander ce que deviendrait telle autre race, transportée dans des régions où la vie matérielle est si pénible.16

On retrouve la même dualité dans un récit intitulé « Voyage à la mer libre du pôle arctique », écrit par un chirurgien américain nommé J. J. Hayes et publié en 1868 dans l’hebdomadaire Le Tour du monde d’Édouard Charton, que connaissait très bien Verne17. Ici encore, l’auteur décrit les Esquimaux en combinant la mention de compétences pratiques et des éléments marquant leur éloignement de la civilisation occidentale. Il donne toutefois un rôle plus important aux Esquimaux en en faisant des acteurs de premier plan dans l’intrigue. Certains sont des fourbes et des goinfres particulièrement malpropres, d’autres sont intelligents et droits aux yeux du narrateur occidental.

Ces exemples laissent voir l’existence d’un modèle plutôt figé de la représentation de l’Esquimau, caractérisé par des traits récurrents (le savoir-faire technique à propos du kayak, du traîneau, du fouet, des maisons de glace), la mise en relief d’une distance avec l’Occidental (la gloutonnerie, le manque d’hygiène, une apparence qui n’est pas belle) et une teinte plus ou moins appuyée de condescendance. Plusieurs textes font d’ailleurs preuve de moins de retenue que ceux qui ont été cités. Prenons par exemple cette description d’Esquimaux tirée de Laura de George Sand (1864) : « Il fut obéi instantanément, et cette répugnante fantasmagorie d’êtres basanés, trapus, difformes dans leurs vêtements de peau de phoque, ces figures à nez épatés, à bouche de morse et à yeux de poisson rentrèrent à ma grande satisfaction dans la nuit18 ». En fait, ce portrait, plus dépréciatif que ce que nous avons rencontré auparavant, s’apparente à ce que l’on retrouve dans le Grand Dictionnaire universel de Pierre Larousse.

Dans cet ouvrage si connu, l’article consacré aux Esquimaux s’ouvre sur des remarques à propos de leurs territoires et de leur « race » et offre un constat sans appel : « Le côté le plus repoussant des Esquimaux, c’est leur malpropreté infecte ; tous les voyageurs sont d’accord sur ce point19 ». On y trouve aussi mention de leur savoir-faire technique (habileté à manier le kayak). Cependant, la seconde moitié du texte privilégie plutôt des anecdotes soulignant leur « barbarie ». On y explique que, lorsque les parents sont trop vieux, ils sont étranglés par leurs enfants : « quand [le vieillard] avertit qu’il est prêt, deux de ses enfants viennent lui mettre une sangle autour du cou, et, se plaçant à l’opposé l’un de l’autre, tirent de toutes leurs forces, chacun de son côté, jusqu’à ce que le vieillard soit étranglé20 ». Selon un voyageur non identifié, les Esquimaux sont disposés à donner leurs femmes aux Occidentaux, parce qu’ils sont « persuadés que les enfants [ainsi conçus sont] supérieurs à ceux de leur nation21 ». Une troisième anecdote présente un Esquimau, à Londres, s’extasiant devant l’intelligence d’un éléphant et disant : « Éléphant a plus d’esprit qu’Esquimau22 ». Attribuer au « primitif » une langue hachée renforce sans subtilité la mise en scène de son inintelligence. Le ton condescendant observé plus haut est donc fortement accentué dans cette notice du Grand dictionnaire universel et le portrait est particulièrement dépréciatif, sans s’éloigner radicalement du modèle que nous avons évoqué. Celui-ci semble s’imposer, entre 1850 et 1880, dans les ouvrages ethnographiques, les œuvres littéraires, les témoignages et les travaux scientifiques23. C’est dans ce réseau qu’écrit Verne, qui offre une version bien vernienne de ce modèle.

Les Esquimaux dans Le Pays des fourrures

Le Pays des fourrures offre d’imposantes descriptions du Grand Nord, un rebondissement majeur qui fait du cap Bathurst où sont établis les explorateurs une île flottante à la dérive et de nombreuses péripéties, dont une attaque d’ours qui s’en prennent à la résidence du petit groupe. En comparaison, la présence des Esquimaux paraît plutôt discrète ; elle n’en demeure pas moins fondamentale. Les voyageurs rencontrent des Esquimaux à trois moments : lorsque deux d’entre eux sont sauvés par des pêcheurs en kayak (première partie, chapitre IX), lorsqu’une famille vient au fort Espérance (première partie, chapitre XIX, voir Fig. 1), et lorsque la jeune Esquimaude Kalumah les rejoint pendant qu’ils dérivent sur « l’île flottante » (deuxième partie, du chapitre VIII à la fin du roman). Les Esquimaux sont aussi mentionnés à de nombreuses reprises, le terme apparaissant une centaine de fois. Dans la moitié des cas, il désigne des personnages précis (« l’Esquimau », « la jeune Esquimaude »), dans un quart des cas, il évoque le peuple des Esquimaux en général, tandis que les autres occurrences renvoient au « cap Esquimau », nommé ainsi par les explorateurs et situé à peu de distance du fort Espérance.

Illustration du Pays des fourrures

Fig. 1. Illustration du Pays des fourrures, chapitre XIX (tirée de l'édition de G. Pinson et M. Prévost, Le Pays des fourrures. Le canada de Jules Verne I, Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 245). En légende sous l'illustration dans le texte de Verne : "Des êtres vivants sortirent de la hutte." 

Constatons d’abord que les échanges entre les Occidentaux et les Esquimaux donnent lieu à des remarques proches de celles rencontrées plus haut, où on trouve un ton quelque peu condescendant qui marque l’apparente sauvagerie des seconds. Le narrateur se donne la peine d’expliquer la signification de leur nom (ici « mangeurs de poissons crus24 ») et ajoute qu’un « grand régal consistait à boire ce sang chaud des amphibies dont les Esquimaux s’enivrent avec volupté25 ». Un personnage affirme qu’ils « ont toujours faim » et il est précisé qu’ils mangent « avec une sorte d’avidité bestiale26 ». Ces extraits pourraient provenir de la plume de Berthet ou de Hayes. Le paradigme semble inchangé, ce qui ne surprend pas si l’on se fie à cette conclusion de Lucian Boia quant au racisme vernien : « Verne reprend les informations et les représentations courantes à son époque ; il n’y a aucun motif de le blâmer d’avoir dépassé la mesure, ni de le complimenter d’avoir résisté au courant27 ». Toutefois, un examen plus appuyé révèle que la situation est plus complexe et plus nuancée qu’il n’y paraît.

Il importe d’abord de souligner que, lors de la première rencontre, les Esquimaux font preuve d’un héroïsme sobre et désintéressé : ils sauvent de la noyade deux des principaux personnages (le lieutenant Jasper Hobson, chef de l’expédition, et Paulina Barnett), les ramènent au fort où ils séjournent et refusent toute forme de récompense :

Quant aux courageux et dévoués Esquimaux, après avoir reçu flegmatiquement les affectueux remerciements du lieutenant et de sa compagne, ils n’avaient même pas voulu venir au fort. Ce qu’ils avaient fait leur semblait tout naturel.28

Des qualités identiques sont attribuées aux Esquimaux qui visitent le fort Espérance et à Kalumah qui, dans les derniers chapitres, intègre le groupe d’explorateurs occidentaux. En fait, les Esquimaux du Pays des fourrures peuvent être associés aux « Indiens américains » de Verne, en ce qu’ils affichent les mêmes qualités (« perspicacité, force de caractère, endurance physique, esprit d’indépendance29 »).

Toutefois, il est encore plus significatif de remarquer l’existence d’une tension dans la représentation des Esquimaux, tension qu’illustre particulièrement Kalumah. Elle est distinguée des membres de sa famille : au moment de manger, elle résiste à leur « avidité bestiale », « montr[e] une certaine réserve » et « m[e]t sa main devant sa bouche [après un léger accès de toux], d’après les règles les plus élémentaires de la civilité30 ». Le narrateur résume ainsi son portrait : « Cette jeune indigène semblait être, sinon supérieure, du moins plus civilisée que les autres31 » Esquimaux. Elle se lie d’amitié avec les explorateurs et risque sa vie lors d’une tempête pour les rejoindre sur l’île flottante. Elle devient membre à part entière du groupe, perfectionnant son anglais et aidant aux travaux. Le roman donne d’abord à penser que sa distinction découlerait du fait qu’elle a « servi pendant un an chez le gouverneur danois d’Uppernawik, dont la femme était Anglaise32 ». Ainsi, les qualités de Kalumah proviendraient de ce qu’elle est « moins » esquimaude et de ce qu’elle a appris au contact d’Occidentaux. Cependant, le récit prend ensuite une tangente différente.

En effet, si Kalumah est polie et peut communiquer avec les voyageurs grâce à son séjour dans la famille danoise, ce sont ses connaissances en tant qu’Esquimaude qui apportent une contribution appréciable à la communauté. Elle permet de renouveler la réserve d’huile qui baissait dangereusement en faisant « connaître le procédé employé par les Esquimaux pour capturer les phoques pendant l’hiver33 ». Elle guide aussi ses compagnons lors d’expéditions : « C’était merveille de la voir courir ainsi, sans une hésitation, sans une erreur, et suivre d’instinct pour ainsi dire, le meilleur passage dans ce labyrinthe d’icebergs. Elle allait, venait, appelait, et on pouvait la suivre de confiance34 ». Le narrateur, sans éviter une comparaison condescendante, souligne que le lieutenant

avait [une] entière confiance en Kalumah, et il s’en rapportait souvent à l’instinct naturel de la jeune Esquimaude, absolument comme un chasseur se fie à l’instinct de son chien. Kalumah, très intelligente, d’ailleurs, était familiarisée avec tous les incidents comme avec tous les phénomènes des régions polaires.35

Tard dans le récit, la jeune femme annonce la direction d’une débâcle, ce qui est un enjeu crucial pour la survie des voyageurs. Cependant, divers événements naturels paraissent indiquer qu’elle se trompe, au point que le lieutenant « Hobson, […] de plus en plus inquiet [,] la press[e] encore une fois d’arguments que les faits semblaient rendre irréfutables36 ». Sans se troubler, elle maintient sa position, contredisant le lieutenant et ses certitudes à la lumière de ce qu’elle a appris dans sa communauté. Le récit confirme finalement que « Kalumah avait eu raison37 ». Ce passage opposant les connaissances d’un habile Occidental et celles de Kalumah cristallise en fait que cette confrontation de savoirs est un enjeu essentiel dans ce roman.

L’exemple de Kalumah incite effectivement à relire les évocations générales des Esquimaux. On constate que, le plus souvent, ils sont mentionnés en lien avec des pratiques ou des compétences que les explorateurs ne possèdent pas. C’est le cas du maniement du fouet avec précision, que nous avons rencontré à maintes reprises dans les autres portraits. Il apparaît ici en négatif : un personnage comique est enivré par la vitesse du traîneau qu’il conduit et refuse d’écouter sa femme qui lui rappelle qu’il n’est pas « Esquimau ». Il se prend au jeu et stimule vigoureusement ses chiens. Malhabile, il en vient à s’enrouler le fouet autour du cou et, sans son bonnet, se serait arraché l’oreille. Il fait tout de même culbuter le traîneau et ses occupants « dans la neige. Très heureusement, la couche était épaisse, et les deux époux n’eurent aucun mal. Mais quelle honte pour le caporal ! Et de quelle façon le regarda sa petite femme ! Et quels reproches lui fit le lieutenant Hobson38 ». Il y a plus de peur que de dommage, mais c’est dorénavant sa partenaire qui tient les rênes du véhicule, « comme celles du ménage39 ». Le Pays des fourrures contient en fait plusieurs séquences reposant sur l’idée illustrée par ce segment : le savoir-faire des Esquimaux est un avantage dans ce milieu. Par exemple, des personnages veulent apprendre comment « construire un traquenard à rennes, suivant la méthode des Esquimaux » et un autre, « comme les Esquimaux, [peut] vivre pendant des mois entiers dans une maison de neige »40. Un des explorateurs résume ainsi la chose : « Dans les pays des Esquimaux, dit-il, rien de plus sage que de se conduire en Esquimau », avant de construire une « sorte de “‘snow-house”’ qui les préserverait fort bien du froid de la nuit41 ».

Le lecteur découvre aussi, tardivement, qu’une tradition des Esquimaux indiquait que le cap où s’établissent les explorateurs était fait de glace. Ils n’en disent rien à cause de la « déplorable réserve particulière à leur race42 » et, même s’ils avaient parlé, « ne reposant sur aucun document sérieux, [cette tradition aurait sans doute été considérée comme] une de ces nombreuses légendes de la cosmogonie hyperboréenne43 ». Néanmoins, nous retrouvons ici l’opposition entre les savoirs, celui des Esquimaux étant plus approprié. Ce schéma récurrent réoriente le modèle évoqué plus haut : dans Le Pays des fourrures, les connaissances des Esquimaux prennent le pas sur les idées reçues à leur endroit, ce qui donne à leur portrait un ton bien différent de ce que nous avons vu dans les autres exemples, et ce, malgré le fait que Verne a recours à plusieurs des mêmes composantes.

À ce stade, il n’est pas inutile de recadrer notre perspective. Comme bien des romans verniens, Le Pays des fourrures peut être pensé comme un défi à relever. Il est construit en deux mouvements : conquérir la Nature arctique (s’y imposer et en exploiter les richesses) et, deuxième mouvement, y survivre lorsque le cap devient une île à la dérive. L’œuvre offre ainsi un voyage « extraordinaire » en raison du lieu rarement exploré (le Grand Nord), des conditions difficiles qui y règnent et du fait que les personnages finissent par voyager sur un iceberg. Cependant, ces derniers, du point de vue du savoir technique et des outils, ne paraissent pas suffisamment équipés pour résister à la Nature, même avant d’être sur l’île flottante. Les comparaisons avec les Esquimaux et les contributions de Kalumah sont présentées de façon à souligner des compétences que les Occidentaux doivent leur emprunter. Sans échapper aux préjugés évoqués précédemment, ce travail donne un statut particulier aux Esquimaux parmi les peuples des Voyages extraordinaires. Verne semble fasciné par l’idée qu’ils détiennent la clé pour dompter le Grand Nord. Dans ses romans, la domination des éléments prend souvent la forme de prouesses techniques, comme un moyen de transport extraordinaire (pensons au Nautilus ou à l’Albatros). Dans Le Pays des fourrures, relever ce défi passe par le savoir-faire des Esquimaux.

Un autre cas particulier

L’originalité du Pays des fourrures peut aussi être mise en relief à l’aide d’un autre ouvrage, lui-même dissonant dans les représentations des Esquimaux : Voyage au pays des Esquimaux de Robert Michael Ballantyne qui paraît en France en 1881. Il s’agit de la traduction d’un roman intitulé Ungava : A Tale of Esquimaux-land, publié en Angleterre et aux États-Unis en 1857. La préface autographe annonce reprendre des événements vécus par des explorateurs de la Compagnie de la Baie d’Hudson, notamment des interactions avec des Esquimaux qui donnent lieu à un portrait inédit au sein de notre panorama. Le récit s’ouvre sur un épisode où l’auteur joue des idées reçues à propos des Esquimaux. Un personnage explique ainsi ce qu’est un « don » :

Eh bien ! c’est une sorte de voiture nautique que les Esquimaux attachent à la queue d’un dauphin ou d’un cheval de mer, lorsqu’ils désirent se promener. S’ils ne peuvent pas se procurer un cheval de mer, ils attrapent une baleine blanche endormie et l’éveillent, après avoir attaché le don à sa queue. Je suppose qu’ils ont des sorciers ou des enchanteurs parmi eux […].44

Un auditeur l’interrompt pour le qualifier de « Farceur » et un autre, nommé Massan, prend le relais. Il affirme avoir vu des Esquimaux utiliser la peau d’un Occidental pour faire un tel « don » :

Tout à coup, j’en aperçus deux d’entre eux traîner Peters sur le bord, et je vis, lorsqu’il passa, qu’il était mort. En moins de temps que je n’en mets à compter cent, ils l’écorchèrent, lui coupèrent la tête, lièrent ses bras et ses jambes comme un nœud, le remplirent de vent, jusqu’à ce qu’il fut ballonné, et le suspendirent à une branche pour le faire sécher au soleil. En fait, ils en firent un don.

Un long éclat de rire accueillit cette conclusion. Nous devons rendre à Massan cette justice que, quoiqu’il eût l’habitude d’amuser ses compagnons, en leur racontant des anecdotes exclusivement tirées de son imagination féconde, il ne les trompait jamais ; mais il leur donnait invariablement à entendre, soit par un regard, soit par la forme même de sa communication, que ce n’était pas un fait vrai, mais une fiction45.

L’extrait présente des personnages n’ayant jamais rencontré d’Esquimaux, mais ayant entendu diverses histoires à leur sujet. Ne sachant quoi penser, l’un d’eux s’exclame :

Lorsque nous lisons les ouvrages des voyageurs arctiques, nous voyons que, selon les uns, les tentatives de rapprochement avec les Esquimaux prouvent qu’ils ne sont que des voleurs et des menteurs invétérés ; tandis que d’autres en parlent comme d’un peuple honnête et fidèle. Lesquels croire ?46

Au fil du récit, le portrait s’éclaircit : le narrateur offre une représentation positive des Esquimaux qui forment une race « naturellement timide », mais qui « sont supérieurs aux Indiens Muskigons au point de vue de la force physique et de la force morale47 ». Il les louange à propos de divers traits qui nous sont maintenant familiers (adresse à manœuvrer le kayak, capacité à faire des maisons de neige48) et ajoute que le nom « mangeurs de chair crue […] leur a été donné par leurs ennemis49 », ce qui constitue une variante intéressante. De façon cohérente, leurs rencontres avec les explorateurs sont décrites comme cordiales et enrichissantes. Mieux, un groupe d’Esquimaux sauve héroïquement une jeune Occidentale, tandis qu’un Esquimau exceptionnel devient un des héros du récit alors qu’il tente de retrouver sa fiancée, enlevée par des « Indiens ». Nous n’avons observé nulle part ailleurs une telle héroïsation, sauf peut-être avec Kalumah, qui reste toutefois un peu plus en retrait des personnages principaux dans le roman de Verne. Ainsi, l’œuvre de Ballantyne annonce d’une certaine façon Le Pays des fourrures, tout en rappelant, par diverses péripéties, Le Dernier des Mohicans de James Fenimore Cooper (1826).

Voyage au pays des Esquimaux étonne de ce fait par sa mise en scène détaillée des incertitudes dans le portrait des Esquimaux : leur « sauvagerie », affirmée dans des sources consultées par les explorateurs (lesquelles ne sont pas toutes dignes de foi) est contredite par l’expérience des voyageurs et par le récit. Ce roman, qui constitue un cas particulier parmi les ouvrages examinés, fait aussi ressortir la spécificité du Pays des fourrures. Chez Ballantyne, le savoir technique des Esquimaux est louangé et est utilisé en parallèle à celui des Occidentaux. Chez Verne, il crée plutôt une tension qui bouscule les rôles puisque le voyageur est posé comme désavantagé par son savoir technique inadéquat pour le Grand Nord. Les explorateurs en viennent à se retrouver dans une position de dépendance face aux connaissances d’un personnage comme Kalumah, la jeune Esquimaude, ce qui déroge à la norme dans les romans coloniaux comme dans le roman vernien.

Au moment de conclure, notons que la spécificité du Pays des fourrures quant à la représentation des Esquimaux apparaît également au sein de l’œuvre de Verne, puisque les autres portraits qu’il en donne se distinguent de ce que nous avons observé ici. Prenons par exemple le peu connu César Cascabel, paru dans le Magasin d’Éducation et de Récréation en 1890. Verne avait envisagé le titre « Voyage à reculons » pour cet ouvrage50 relatant les aventures d’une famille qui tente de revenir en France à partir de l’Amérique en voyageant à roulotte par le détroit de Behring et la Russie. Le groupe rencontre des Esquimaux présentés de façon quasi utopique. Le narrateur explique qu’ils sont

beaucoup plus civilisés que le public ne le croit généralement. On se les figure comme des sortes de phoques de l’espèce parlante, des amphibies à face humaine, à en juger par les vêtements qu’ils ont l’habitude de porter […]. Il n’en est rien, et, à Port-Clarence, les représentants de la race esquimaude ne sont ni répugnants à voir ni désagréables à fréquenter. Quelques-uns poussent même le respect de la mode jusqu’à s’habiller presque à l’européenne.51

Le lecteur apprend ensuite que la « plus parfaite égalité règne parmi eux. Ils n’ont pas même de chefs de clan [et ils] ont des mœurs pures, un sentiment très développé de la famille, le respect des pères et mères, l’amour des enfants, la vénération des morts52 ». On ne rencontre jamais dans cette œuvre la contradiction profonde observée dans Le Pays des fourrures. Le récit ne retient que les qualités et les compétences techniques de ce peuple. En d’autres mots, si ces deux romans en offrent un portrait plutôt positif, il faut noter que Le Pays des fourrures n’illustre pas une approche systématique de Verne à l’égard des Esquimaux.

Comme c’est plutôt la norme chez lui, le Verne du Pays des fourrures ne se donne pas pour rôle de simplement relayer des idées reçues ; il les transforme. À la lumière du tableau esquissé ici, cette transformation s’explique moins par des considérations extérieures (c’est-à-dire les conceptions de Verne sur les races) que par les impératifs d’un projet romanesque axé sur le défi consistant à dompter le Grand Nord. En d’autres mots, la teneur positive de la représentation des Esquimaux est ici justifiée par leur savoir technique, parce que celui-ci constitue pour Verne un outil narratif fécond. Mieux, la mise en récit de leurs compétences rend leur portrait si louangeur qu’elle en vient à faire vaciller des idées reçues à leur sujet et à propos de leurs rapports avec les Occidentaux. Cela durant une décennie marquée par de multiples discours consacrés aux Esquimaux, mais où ces discours, présentés comme « scientifiques », s’en remettent souvent à des anecdotes simplifiant et soulignant les différences entre les races. De fait, dans Le Pays des fourrures, la fiction vernienne, par des chemins qui lui sont propres, se montre plus nuancée qu’une partie de la science qui lui est contemporaine.


Université de Waterloo

Bibliographie

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Notes

1  Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire, « Les zoos humains : le passage d’un ‘‘racisme scientifique’’ vers un ‘‘racisme populaire et colonial’’ en Occident », dans Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Éric Deroo et Sandrine Lemaire (dir.), Zoos humains : de la vénus hottentote aux reality shows, Paris, Éditions de la Découverte, « Textes à l’appui / histoire contemporaine », 2002, p. 64.

2 Ibid., p. 63.

3  Joëlle Robert-Lamblin, « Esquimaux ou Eskimo », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 13 janvier 2019. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/esquimaux-eskimo/ .

4  Voir Zach Parott, « Esquimau », Encyclopédie canadienne [en ligne], consulté le 13 janvier 2019 (dernière modification le 22 mai 2015). URL : http://encyclopediecanadienne.ca/fr/article/esquimau/ .

5 Ibid. « La charte du CCI définit les Inuits comme étant des membres indigènes de la terre natale inuite reconnus par les Inuits comme étant membres de leur peuple, et incluant les Inupiaks, les Yupiks (Alaska), les Inuits, les Inuvialuiks (Canada), les Kalaallits (Groenland et les Yupiks (Russie). En définissant ainsi les Inuits, ils rejettent l’usage des termes ‘‘Eskimo’’ ou ‘‘Esquimau’’ » (ibid.).

6  La situation n’est pas différente à propos du substantif employé au singulier : il n’apparaît à plusieurs reprises dans un même ouvrage que dans Oberman d’Étienne Pivert de Senancour (1804) et L’Homme et les sociétés. Leurs origines et leur développement (deuxième partie) de Gustave LeBon (1881).

7  Paul Féval, Les Habits noirs, dans Les Habits noirs, Paris, Robert Laffont, 1987, vol. I, p. 313.

8  Jules Barbey d’Aurevilly, Une vieille maîtresse, Paris, Alexandre Cadot, 1851, vol. 1, p. 218.

9 Élie Berthet, Les petits écoliers dans les cinq parties du monde, Paris, Furne, Jouvet et Cie, 1878, p. 126-127.

10 Ibid., p. 126.

11 Ibid., p. 128.

12  « À la fin des années 1860, Hetzel fait paraître une collection consacrée aux récits d’aventures exotiques du britannique Mayne Reid qu’il intitule ‘‘Aventures de terre et de mer’’ » (Matthieu Letourneux, Le Roman d’aventures 1870-1930, Limoges, PULIM, 2010, p. 31).

13  Thomas Mayne Reid, Les Lapons et les Esquimaux, traduction nouvelle par B.-H. Révoil, Limoges, E. Ardant, 1885, p. 42.

14  Ibid., p. 37.

15  Ibid., p. 39-40.

16  Ibid., p. 41.

17  J. J. Hayes, « Voyage à la mer libre du pôle arctique », Le Tour du monde, nouveau journal des voyages, 9e année, 1868, p. 113-160.

18  George Sand, Laura. Voyage dans le cristal, Paris, A.-G. Nizet, 1977 [1864], p. 109-110.

19  Pierre Larousse, « Esquimaux », Grand dictionnaire universel du XIXe siècle : français, historique, géographique, mythologique, bibliographique, etc., Paris, Administration du Grand dictionnaire universel, 1866-1877, vol. VII, p. 932.

20 Ibid., p. 933.

21 Ibid.

22 Ibid.

23  Un autre exemple provient du « Rapport de la commission nommée par la Société [d’anthropologie] pour étudier les Esquimaux du Jardin d’acclimatation », qui porte ainsi sur l’exposition évoquée en début d’article. Le texte d’A. Bordier (Bulletin de la Société d’anthropologie de Paris, IIe série, tome 12, 1877, p. 575-587 ; disponible sur Persée [URL : www.persee.fr/doc/bmsap_0301-8644_1877_num_12_1_3273 ; dernière consultation le 4 février 2019]) présente aussi une insistance sur les compétences techniques des Esquimaux, des remarques sur la pratique consistant à manger de la viande crue – évoquant à ce sujet Hayes, dont le texte a aussi été cité ici – et d’autres affirmations qui paraissent moins scientifiques, comme le fait que les Esquimaux se serviraient de leurs dents « paraît-il encore, pour racler la semelle de leurs bottes » (p. 585).

24  Jules Verne, Le Pays des fourrures, Paris, Hachette, 1979 [1872-73], p. 190.

25 Ibid., p. 196.

26 Ibid., p. 192.

27  Lucian Boia, Jules Verne : les paradoxes d’un mythe, Paris, Les Belles Lettres, 2005, p. 214.

28  Jules Verne, op. cit., p. 91.

29  Lucian Boia, op. cit., p. 218.

30  Jules Verne, op. cit., p. 192.

31  Ibid.

32  Ibid.

33  Ibid., p. 385.

34  Ibid., p. 395.

35  Ibid., p. 404.

36 Ibid., p. 408.

37 Ibid., p. 410.

38 Ibid., p. 47.

39 Ibid.

40 Ibid., respectivement p. 186 et p. 52.

41  Ibid., p. 280.

42 Ibid., p. 337.

43 Ibid.

44  Robert Michael Ballantyne, Voyage au pays des Esquimaux, traduit de l’anglais par Madame Samuel Frère, Rouen, Mégard et Cie, « Bibliothèque morale de la jeunesse », 1881,p. 19.

45 Ibid., p. 21.

46 Ibid., p. 206.

47 Ibid., p. 33-34.

48 Ibid., p. 261.

49 Ibid., p. 37.

50  Daniel Compère, Jules Verne : parcours d’une œuvre, Amiens, Encrage, 1996, p. 104.

51  Jules Verne, César Cascabel, Paris, J. Hetzel et Cie, « Bibliothèque d’éducation et de récréation », 1890, p. 185.

52 Ibid, p. 187.

Pour citer ce document

Nicolas Gauthier, « Les « Esquimaux » du Pays des fourrures : reconfiguration vernienne d’un modèle figé », Jules Verne : représentations médiatiques et imaginaire social, projet dirigé par Maxime Prévost et Guillaume Pinson Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/jules-verne-representations-mediatiques-et-imaginaire-social/les-esquimaux-du-pays-des-fourrures-reconfiguration-vernienne-dun-modele-fige