Biographèmes de l’actrice romantique Marie Dorval, de Vapereau à Wikipédia : histoires d’un théâtre romantique, entre reconductions et recréations
Table des matières
MARJOLAINE FOREST
Marie Dorval ne jouit guère d’une grande notoriété en notre XXIe siècle, ni même au XXe siècle ; en témoigne peut-être au cours de ces deux siècles la rareté de ses biographies et de ses biographèmes. Il n’en est pas de même en son propre siècle : Marie Amélie Delaunay – dite Dorval, du nom de son premier époux – est « l’une des plus célèbres actrices françaises du XIXe siècle1 ». Le Dictionnaire des comédiens français, la désigne plus précisément comme « la plus grande actrice de l’époque romantique2 ». Elle s’est en effet illustrée d’abord dans le genre du boulevard, puis, surtout, dans le drame romantique, dont elle est « la souveraine sans rivale3 ». Pour l’ensemble de ses biographes, elle naît à Lorient le 6 janvier 1798, mais le Dictionnaire universel des littératures4 et le Dictionnaire des noms propres5 situent sa naissance en 17926. Pour tous ses biographes, elle meurt bel et bien le 20 mai 1849 à Paris.
Les premières lignes de la notice Wikipédia consacrée à Marie Dorval7 indiquent que « [s]es succès au théâtre et sa vie sentimentale bien remplie contribueront à en faire un mythe » : c’est cette recomposition de la vie de l’actrice8 et de la vie de l’individu que produisent, chacun à sa manière, les biographèmes du XIXe au XXIe siècle étudiés dans le présent article. L’expression médiatique de la fascination que Dorval exerce en son siècle mais aussi dans le nôtre apparaît dans la presse dès ses premiers rôles, en particulier ceux que lui offre le répertoire romantique9. D’un siècle et d’un support médiatique l’autre, les biographèmes de Marie Dorval nourrissent tantôt les récits d’une vie scénique ensorcelante, tantôt les récits d’une vie personnelle ardente, voire les récits d’une vie privée troublante ; ces textes laissent également transparaître tout un pan de l’histoire du théâtre romantique, à laquelle son interprète privilégiée est étroitement associée.
L’actrice
Parmi les biographies du XIXe siècle consacrées à Dorval ici recueillies, seuls le Dictionnaire universel des littératures10 et le Dictionnaire des noms propres11 retracent sa carrière avec une sobre objectivité : s’y retrouvent essentiellement les dates et lieux déterminants de son parcours, les titres de ses pièces les plus fameuses et les caractéristiques de son jeu. Mais la plupart des textes biographiques dix-neuvièmistes qui constituent notre corpus décrivent l’intensité de ses moments de vie en scène. Presque tous ces textes sont des articles nécrologiques publiés dans la presse peu de temps après sa mort, durant le mois de mai 1849 ; ils sont ensuite collectés par le critique dramatique Émile Coupy dans un ouvrage qu’il fait paraître en 1868, en hommage à l’actrice12. La nécrologie de celle-ci célèbre surtout la ferveur avec laquelle elle se donnait à ses rôles : pour le journal Le Siècle, « elle jouait avec son âme tout entière13 », selon le Journal des Débats, elle « s’abîmait […] dans les plus abondantes, les plus immenses et les plus incroyables douleurs14 ». Enfin, bien après le décès de Dorval, Théodore de Banville publie dans Le Figaro du 3 juin 1866 la deuxième série de ses Camées parisiens. Dans cette série de brefs portraits physiques ou de personnifications, reprise en volume cette même année 1866, c’est le corps de l’actrice en représentation qui rappelle sa présence en scène : Banville se remémore « l’expression divine, surhumaine de ce visage désolé, ces lèvres folles de passion, ces yeux brûlés de larmes, ce corps tremblant, palpitant, ces bras minces, pâles, brisés par la fièvre, et l’idéale musique de cette voix […]15 ».
Une telle intensité dans l’interprétation soumet le public de la période romantique à un « régime de confusion entre fiction et réalité, personne et personnage […], comme en témoigne le succès des comédiens Bocage ou Marie Dorval, identifiés corps et âme à leurs rôles16 ». La Revue et Gazette des théâtres affirme que « le débordement de toutes les émotions que [Dorval] éprouvait frappait d’autant plus juste que cette passion était réelle17 », La Patrie considère que l’actrice « ne feignait pas un sentiment, elle l’éprouvait sincèrement, avec naïveté18 » ; au XXe siècle, le Dictionnaire des comédiens français rapporte « la douleur vraie, [l]es angoisses sans artifice19 » exprimées sur scène par une « fougueuse actrice20 ».
En notre XXIe siècle, l’auteur d’un blog intitulé Tours et culture21 entreprend d’écrire des « articles biographiques22 » sur Dorval : ceux-ci sont constitués d’une documentation trouvée sur la notice Wikipédia de l’actrice et parmi les archives de Gallica et de la Bibliothèque nationale de France ; documentation que l’auteur du blog insère dans ses propres textes – plus ou moins paraphrastiques – sans toujours rappeler les références de ses sources. Toutefois, tandis que la presse contemporaine de l’actrice est toute admiration pour son talent, ce blog a le mérite de faire savoir aussi que Dorval sait allier le pragmatisme et l’art, en particulier lors de ses tournées en province : en ces périodes, l’actrice « s’occupe aussi bien de régler la mise en scène, les décors, la musique, que de compter la caisse23 ». Le 20 avril 2014, la version en ligne du quotidien breton Télégramme fait paraître, dans la rubrique « Histoire » de sa sous-rubrique « Loisirs », un article sur la vie et l’œuvre de « l’enfant du pays24 », appuyé à son tour sur une bibliographie dont on peut retrouver une partie sur la notice Wikipédia de l’actrice. Malgré un titre et des intertitres « accrocheurs » (« Une trajectoire hors-norme », « Une vie amoureuse tumultueuse », « Une série de drames », « Relation fusionnelle avec George Sand », « L’amante d’Alexandre Dumas »), l’article se montre d’une rigoureuse exactitude factuelle à propos des principales étapes de sa carrière : « enfant de la balle25 » qui suit précocement les traces de sa « famille d'artistes ambulants26 », « débuts au théâtre de la Porte-Saint-Martin27 », en 1827, « premier vrai triomphe avec Trente ans ou la vie d’un joueur28, où elle a comme partenaire l’acteur Frédéric [sic29] Lemaître avec qui elle va partager de nombreux succès professionnels30 », « difficultés financières » en raison desquelles « elle est contrainte d’enchaîner d’éprouvantes tournées en province31 ».
Cependant, à rebours du blog Tours et culture, cet article est circonscrit au destin singulier de Dorval, qui se trouve ainsi décontextualisé, détaché de l’histoire culturelle, intellectuelle et sociopolitique de son temps. Toute contextualisation disparaît également de l’argumentaire d’un « biopic théâtral32 » porté sur la scène du théâtre Darius Milhaud (Paris) de 2013 à 2017 ; intitulé Dans la loge de Marie Dorval, ce spectacle est inspiré des lettres écrites par l’actrice à Alfred de Vigny. L’argumentaire mêle bribes d’histoire littéraire à propos de « ses rencontres avec Dumas, Hugo33 », truismes sur « son enfance nomade et miséreuse34 » ou sur « son statut complexe d'actrice et de femme libre dans une société où l’une comme l’autre peine à se faire une place35 » et formulations peut-être supposées aguicheuses sur « son amitié ambiguë avec George Sand36 ». Relater sa carrière et son talent paraît une moindre préoccupation, cet argumentaire signalant seulement qu’« elle avait l'art de jouer vrai, de pleurer de vraies larmes et de vivre intensément les émotions de ses personnages37 ».
Marie Dorval : une héroïne ?
Le présent corpus raconte aussi la vie de Dorval « à la ville ». Au XIXe siècle, le Dictionnaire universel des littératures38 évoque sommairement son enfance, ses deux mariages, et demeure muet à propos de ses deux relations hors mariage : celle, bien sûr, qu’elle entretient avec Vigny et celle, moins connue, qui la lie au compositeur Alexandre Piccini.
Les articles nécrologiques collectés par Émile Coupy entreprennent quant à eux une héroïsation de la personne Dorval, empruntant parfois au registre pathétique, voire larmoyant. Dorval n’est alors pas sans ressembler à quelque héroïne de mélodrame édifiant, parée de toutes les vertus : il s’agit pour ses biographes contemporains d’élaborer sa « justification39 » afin de démentir « sa réputation de désordre40 » – moral, s’entend. Alexandre Dumas affirme ainsi que « ce qu’il y avait de plus admirable en elle, ce n’était pas le talent – c’était le cœur41 !… » et fait valoir la « vie de dévouement […]42 » de Dorval auprès des siens. C’est cette méritante créature que George Sand choisit de magnifier dans le chapitre d’Histoire de ma vie qu’elle consacre à son amie : « Mère de trois enfants et chargée de sa vieille mère infirme, elle travailla avec un courage infatigable pour les entourer de soins. […] elle végéta plusieurs années dans la fatigue et les privations43 ». La louange sandienne esquisse encore de Dorval quelques traits topiques, sinon caricaturaux, de l’héroïne romantique : « se heurtant sans cesse à des chagrins renaissants, à des déceptions nouvelles, elle vivait, elle aimait, elle souffrait toujours. Tout était passion, chez elle [...], son existence était d’une plénitude effrayante, d’une agitation au-dessus des forces humaines44 ».
La même veine est exploitée par Dorval elle-même dans l’une de ses lettres à Sand, en forme d’autohéroïsation45 ; à propos de son petit-fils qui vient de mourir en bas âge, la grand-mère désespérée écrit :
Je croyais que c’était ma récompense pour avoir été bonne fille, et bien dévouée toujours à toute ma famille dont la charge était bien chère ! mais aussi bien lourde à mes pauvres épaules […]. Je n’enviais rien à personne. Je luttais avec courage, dans une profession haïssable que je remplissais de mon mieux, et quand la maladie ne m’arrêtait pas, dans l’idée de rendre tout mon monde plus heureux autour de moi46.
Deux siècles plus tard, l’article du Télégramme rapporte quelques-uns des faits les plus connus de la destinée personnelle de l’actrice, qui ne vont pas sans nourrir sa légende d’artiste romantique maudite par un sort injuste : abandon de son père dans son enfance, mort de sa mère dans sa jeunesse, nombreuses épreuves sentimentales et familiales puis mort de Dorval elle-même dans « la dépression » et « l’épuisement47 ». L’article entretient également le souvenir sans doute jugé fascinant de sa liaison « passionnelle [… mais] aussi tumultueuse48 » avec Vigny et de leurs « six ans de passion, de jalousie et de suspicion49 ». De même, les « articles biographiques » de Tours et culture font la part belle à « la passion, la jalousie, la suspicion50 » qui scandent sa « liaison tumultueuse51 » avec Vigny52. L’argumentaire du « biopic » théâtral franchit un degré dans l’évocation de cette liaison53 : « dans l’intimité […] de sa loge », Dorval s’adresse « sans fard » à Vigny absent, et le public, d’emblée voyeur malgré lui, est « convié » à « entrer dans l’intimité d’une relation entre deux monstres sacrés » et à recueillir quelques « confidences ». C’est aussi à travers sa vie privée que Dorval devient une figure d’exemplarité socio-politique : en 2014, l’association LGBTQI+ Bi’cause publie sur son site un article intitulé « George Sand, Marie Dorval ou le scandale de la Liberté54 ? ». Accompagné d’un lien vers la page Wikipédia de chacune, cet article annonce une « Bi’Causerie » – c’est-à-dire une soirée thématique : il s’agira d’y réfléchir à « une relation qui ne cesse d’interpeller, d’embarrasser », qu’« [o]n ne sait comment évoquer et précisément nommer ». Il s’agira aussi d’étudier la correspondance entre les deux femmes, qui « a suscité mystère, curiosité et interprétations les plus variées ».
Marie Dorval et le théâtre romantique
Dans les textes biographiques ici présentés, Dorval n’est pas seulement considérée comme une interprète de génie, comme une héroïne de fiction ou comme une insoumise : est aussi rappelé le lien qui l’unit au drame romantique et moderne, scellé par le sens de la modernité (« Dans son jeu, dans ses allures, dans sa démarche, dans sa manière de dire, [un] je ne sais quoi d’excentrique, d’inattendu, d’inusité ; elle bouleversait toutes les habitudes reçues au théâtre [...]55 »). Est également saluée la prédisposition à dire « le vers nouveau, la parole hardie, la césure brisée du drame moderne [...]56 » de celle qui « voulait parler comme elle agissait, par bonds impétueux57 ». Rappelons-nous encore que Dorval meurt au terme d’une décennie durant laquelle le théâtre romantique perd peu à peu l’intérêt du public. Dans leurs articles nécrologiques, Gautier et Janin associent leur deuil de l’actrice, leur deuil du romantisme et le deuil de leur propre « jeunesse ». Gautier se désole : « une part de notre âme et de notre jeunesse descend dans la tombe avec elle [...]58 », et se demande « [...] où retrouver [...] cette belle époque, ce grand mouvement romantique qui [...] renouvela l’art de fond en comble [...]59 ». Quant à Janin, il pleure en Dorval « une amie, une camarade, un complice », mais il pleure aussi « l’éloquence, la vie et la passion de notre jeunesse poétique60 » représentées par l’actrice. « Le prince des critiques » se livre surtout dans cet article à une critique lugubre de l’art et des artistes contemporains : Dorval est « morte […] à cause de l’ennui qui nous tue et qui pèse sur les beaux-arts61 », elle a la bonne fortune d’être « partie […] au moment où la poésie est chancelante […], où le dieu des divines et éclatantes images poétiques se voile la face pour ne pas voir tant d’images de fantômes funestes, sorties des immenses vapeurs de l’ambition et de la perversité des ambitieux de bas étage62 ! ». Janin engendre lui-même la viralité de son article en le replaçant dans le sixième et dernier tome de son Histoire de la littérature dramatique, somme dont la publication s’étend de 1853 à 1858, c’est-à-dire entre la première parution de l’article dans le Journal des Débats et sa reprise par Émile Coupy. Dans le volume, Janin assombrit encore son propos : à présent, l’ennui « à cause » duquel Dorval est morte « pèse honteusement sur tous les arts ; […] l’éloquence et la passion [de l’actrice] [deviennent] une leçon sévère, à l’usage des comédiennes à venir63 ». Dorval elle-même devient « un exemple des misères de la comédienne, et de la destinée horrible qui l’attend64 ».
Les biographies du XXIe siècle que nous avons recueillies relaient diversement la place qu’occupa Dorval dans l’histoire du théâtre romantique français. Tours et culture et Le Télégramme la relèguent au rôle d’« égérie du nouveau courant du drame romantique », rôle quelque peu réducteur eu égard à la puissance créatrice de son jeu. Néanmoins, Tours et culture évoque les tournées en province qui font d’elle « un vecteur important de diffusion du romantisme en province65 ». De même, Le Télégramme rappelle qu’« [e]lle triomphe sur scène à Marseille, Toulon, Nantes, etc., et contribue, par là même, à la diffusion du romantisme en province66 ». D’autres médias figent en revanche l’interprète et le genre dans une simplification succincte, telle l’Encyclopédie Larousse en ligne : « Fille de comédiens, elle débuta très jeune sur scène et personnifia les héroïnes passionnées et malheureuses du drame romantique. Elle fut l’amie de Vigny, puis de Dumas père67. » L’entrée « Marie Dorval » du Robert encyclopédique des noms propres est rédigée de manière tout aussi brève et stéréotypée : « Interprète du drame romantique (Marion de Lorme de Victor Hugo, Chatterton de Vigny). Sa liaison houleuse avec Alfred de Vigny inspira à celui-ci Le Journal d’un poète et La Colère de Samson68 ».
Quelques jours après la mort de Dorval, son second époux, Jean-Toussaint Merle, écrit dans un article nécrologique : « [l]’histoire de sa vie est dans l’histoire de ses succès69 ». Au siècle de l’actrice, par-delà l’entremêlement proprement romantique du biographique et de l’artistique, cette « histoire » sait, dans l’espace restreint d’une rubrique nécrologique, honorer la mémoire de la disparue en restituant l’étendue et l’ampleur de son talent tout en s’attachant à préserver sa dignité d’individu et à lui reconnaître sa pleine part dans le succès du répertoire romantique et de ses créations.
De ces premiers biographèmes, les auteurs des biographèmes ultérieurs de Dorval que nous avons rencontrés semblent retenir surtout l’anecdotique, l’accessoire, voire les « coulisses ». Cet affadissement tend à établir quelque communauté de destins entre le théâtre romantique « devenu “classique”70 » et l’une de ses vedettes, réduite parfois au fil des siècles à une simple « égérie ».
Notes
1 Wikipédia. Une part de notre documentation provient des sources fournies par cette même notice : https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_Dorval(dernière consultation le 14 mars 2025).
2 Henry Lyonnet, Dictionnaire des comédiens français (ceux d’hier) : Biographie, bibliographie, iconographie. Tome 1, Genève, Bibliothèque de la Revue universelle internationale illustrée, 1912, p. 563.
3 Ibid., p. 564.
4 Gustave Vapereau, entrée « Dorval », Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1876, p. 651.
5 Jean-François Dupiney de Vorepierre, entrée « Dorval », Dictionnaire des noms propres, ou Encyclopédie illustrée de biographie, de géographie, d'histoire et de mythologie, Paris, Michel Lévy, 1876, p. 1253.
6 N’ayant pas retrouvé d’explications à cette divergence, nous serions tenté d’attribuer cette erreur au préjugé défavorable aux actrices qui a cours en particulier dans la seconde moitié du XIXe siècle : alors, « toute femme qui s’exhibe sur une scène est dangereuse, car le sexe parle à travers elle, en faits comme en mots. Objet des fantasmes et des peurs, elle est accusée de consommation sexuelle, de grossièreté, de perversité, et désignée comme un agent de désordre ». Anne Martin-Fugier, Comédienne. De Mlle Mars à Sarah Bernhardt, Paris, Le Seuil, 2001, p. 334.
7 Cette notice ne signale pas toujours ses emprunts, notamment au Dictionnaire universel des littératures.
8 Nous préfèrerons dans cet article le terme « actrice » à celui de « comédienne ». Au XIXe siècle, « [l’] usage des deux termes, acteur et comédien, n’était pas […] si tranché que cela […]. [Le terme comédien] s’émancipe peu à peu de l’acception très “Comédie-Française” qui l’oppose à celui de tragédien. […] Les deux termes apparaissent dans l’ensemble des dictionnaires de théâtre du XIXe siècle et sont distingués par deux traits. Le premier trait, toujours en vigueur […], distingue la dimension sociologique du terme comédien. Le comédien exerce un métier et s’inscrit dans un paysage social prenant en compte l’image du métier, longtemps négative. L’acteur, quant à lui, est l’artiste en jeu, en représentation, interprétant un personnage. Le terme acteur porte donc une dimension pragmatique dans le champ de l’art, alors que celui de comédien a trait à la profession. De ce fait […], le terme comédien se teinte d’une valeur négative, la profession de comédien ayant longtemps été une profession ignoble. En plus de cette première différence, le XIXe siècle apporte une distinction d’ordre qualitatif qui inverse ce jugement de valeur […] : le comédien est l’acteur de génie, l’artiste, le grand acteur, alors que l’acteur est plus souvent considéré comme un bon artisan, voire un faiseur, dénué de ce je-ne-sais-quoi qui fait le grand comédien. L’acteur est un comédien dénué de génie, incapable de se dépouiller de lui-même. » Olivier Bara, Mireille Losco-Lena et Anne Pellois (dir.), Les Héroïsmes de l’acteur au XIXe siècle, Lyon, PUL, coll. « Théâtre et société », 2015, « Introduction », p. 23.
9 « Les acteurs commencent à devenir, à l’époque romantique, de grandes vedettes du monde artistique. » Florence Naugrette, Le Théâtre romantique. Histoire, écriture, mise en scène, Paris, Le Seuil, coll. « Points-Essais », 2001, p. 97.
10 Voir Gustave Vapereau, entrée « Dorval », Dictionnaire universel des littératures, op. cit., p. 651.
11 Voir Jean-François Dupiney de Vorepierre, entrée « Dorval », Dictionnaire des noms propres, op. cit., p. 1253.
12 Émile Coupy, Marie Dorval, 1798-1849 : documents inédits, biographie critique et bibliographie, Paris, Librairie internationale, 1868.
13 Eugène Guinot, Le Siècle, 27 mai 1849, p. 2 ; repris dans Émile Coupy, Marie Dorval, 1798-1849, op. cit., p. 348.
14 Jules Janin, le Journal des Débats, 28 mai 1849, p. 2 ; repris dans Émile Coupy, Ibid., p. 388.
15 Théodore de Banville, Le Figaro, « Camées parisiens – Seconde série – Troisième douzaine », 3 juin 1866, p. 1 ; repris dans Émile Coupy, ibid., p. 416-417. « Bocage serait, avec sans doute Marie Dorval, l’exemple accompli du jeu romantique : celui-ci, s’arrachant parfois maladroitement aux codes héroïques de la tragédie classique, s’invente sur le vif avec les suggestions du corps et des affects. » Olivier Bara, « Bocage, acteur de la République : fulgurance d’un nouvel héroïsme théâtral en 1830 », dans Olivier Bara, Mireille Losco-Lena et Anne Pellois (dir.), Les héroïsmes de l’acteur au XIXe siècle, op. cit., p. 121-122.
16 Olivier Bara, « Les nouvelles émotions suscitées par les arts de la scène », dans Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello (dir.), Histoire des émotions, vol. 2, A. Corbin (dir.), « Des Lumières à la fin du XIXe siècle », Paris, Le Seuil, 2016, p. 365.
17 Eugène Laugier, Revue et Gazette des théâtres, 24 mai 1849, repris dans Émile Coupy, Marie Dorval, 1798-1849, op. cit., p. 371.
18 Jules de Prémaray, La Patrie, 27 mai 1849, repris dans Émile Coupy, Ibid., p. 358.
19 Henri Lyonnet, Dictionnaire des comédiens français, op. cit., p. 563.
20 Ibid., p. 564.
21 URL : https://toursetculture.com/ (dernière consultation le 14 mars 2025). Tours désigne ici la ville. Ce blog se présente comme un « webzine culturel en Touraine » et comme un « blog de voyages, théâtre, opéra, lecture, cuisine, zéro déchet… ».
22 https://toursetculture.com/tag/theatre-comedienne-marie-dorval/.
23 Ibid.
24 Anne-Claire Loaëc, « Marie Dorval. Une trajectoire hors-norme », Le Télégramme, 20 avril 2014 (https://www.letelegramme.fr/culture-loisirs/histoire/marie-dorval-une-trajectoire-hors-norme-7159.php. Dernière consultation le 14 mars 2025)
25 Ibid.
26 Ibid.
27 Ibid.
28 Trente ans ou la vie d’un joueur est un mélodrame de Victor Ducange et Prosper Goubaux, créé au Théâtre de la Porte-Saint-Martin le 19 juin 1827.
29 L’orthographe de ce prénom que se choisit Antoine-Louis-Prosper Lemaître est « Frédérick ».
30Anne-Claire Loaëc, « Marie Dorval. Une trajectoire hors-norme », art. cit.
31 Ibid.
32 https://www.billetreduc.com/175277/evt.htm (dernière consultation le 14 mars 2025). Écrit par Gilbert Soussen, ancien psychiatre, ce seul en scène est adapté de la pièce éponyme de cet auteur, parue en 2013 chez L’Harmattan. Dans cet ouvrage, la pièce portant sur Dorval est suivie d’une seconde pièce de Gilbert Soussen avec Sand pour héroïne, intitulée La plus noble conquête de la femme : « Sa vie, son œuvre littéraire, ses idées socialistes et féministes lui donnent une place éminente dans le paysage historique français. […] C’est avec un œil de psychiatre et une certaine dose d’humour que l’auteur a voulu dévoiler les différentes étapes de son épanouissement sexuel. » (Quatrième de couverture).
33 Ibid.
34 Ibid.
35 Ibid.
36 Ibid.
37 Ibid.
38 Voir l’entrée « Dorval » dans Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des littératures, op. cit., p. 651.
39 Anne Martin-Fugier, Comédienne, op. cit., p. 308.
40 Ibid.
41 Alexandre Dumas, Le Constitutionnel, 25 mai 1849, p. 1 ; repris dans Émile Coupy, Marie Dorval, 1798-1849, op. cit., p. 401.
42 Ibid., p. 1 et p. 404.
43 George Sand, Histoire de ma vie, tome 9, Paris, Michel Lévy frères, 1856, p. 127.
44 Ibid., p. 121.
45 Posture qu’elle adopte fréquemment dans ses lettres à Vigny, par exemple dans celle-ci à propos du public trop enthousiaste et exigeant : « c’est toujours la même chose […]. Ce sont des fanatiques, c’est un culte. Eh bien […], cela me fait peu de plaisir […]. J’ai l’émotion du moment le temps de remonter à ma loge, la rampe éteinte, tout est dit. Je me trouve le soir seule dans ma chambre, et triste comme la mort. […] Le théâtre m’est insupportable. J’en veux à ce public des efforts que je fais pour lui. Et puis il est odieux pour moi de penser que je me tue pour les autres, sans profit pour moi, et que c’est là ma destinée jusqu’à ce que je meure. » Lettre de Marie Dorval à Alfred de Vigny, Rouen, 28 août 1833, dans Madeleine Ambrière (dir.), Correspondance d’Alfred de Vigny. Tome 2 (août 1830-septembre 1835), Paris, PUF, 1991 p. 276.
46 Lettre de Marie Dorval à George Sand, Paris, 12 juin 1848, dans Simone André-Maurois, George Sand-Marie Dorval. Correspondance inédite, Paris, Gallimard, coll. « Nrf », 1953, p. 248. Sur les rapports entre George Sand et Marie Dorval, je me permets de renvoyer à mon article : « Lettres androgynes, ou l’amour des mélanges dans la Correspondance de George Sand et Marie Dorval », dans Stéphane Gougelmann et Jean-Marie Roulin (dir.), Écrire les homosexualités au XIXe siècle, Littérature n° 81, Toulouse, Presses Universitaires du Midi, 2019.
47 Anne-Claire Loaëc, « Marie Dorval. Une trajectoire hors-norme », art. cit.
48 Ibid.
49 Ibid.
50 https://toursetculture.com/?s=marie+dorval
51 Ibid.
52 Dans son édition de la Correspondance de Vigny, Madeleine Ambrière s’emploie pourtant à démythifier « dans sa vérité quotidienne et vite cruelle l’itinéraire de ces tumultueuses amours […], les contradictions et les déchirements, les intermittences du remords et les orages de la jalousie, sans oublier l’absence rongeuse qui conduira à la rupture. Les lettres […] disent surtout […] l’attente, le silence que l’imagination peuple de spectres inquiétants, tels que le doute, l’inquiétude, le soupçon, la colère, la jalousie… Au printemps 1835, que reste-t-il du bonheur ? […] Quand la présence n’apporte que reproches, l’absence que larmes douloureuses et amères, quand le bonheur semble avoir déserté, que sont les amours devenues ? De 1831 à 1835, les déceptions et les écarts – ceux de Marie mais aussi quelques incartades de Vigny –, les coquetteries et les jalousies représentent autant de germes mortifères qui prospèrent avec le temps, tandis que s’insère en filigrane dans cette histoire […] la mise en garde de Mme de Vigny à son fils de dix-huit ans contre les comédiennes, revivifiée par la maladie et surtout la mort (1837) de cette mère vigilante. » Madeleine Ambrière (dir.), Correspondance d’Alfred de Vigny. Tome 2 (août 1830-septembre 1835), op. cit., p. 7.
53 https://www.billetreduc.com/175277/evt.htm.
54 https://bicause.fr/bicauserie-george-sand-marie-dorval-ou-le-scandale-de-la-liberte/ (dernière consultation le 14 mars 2025).
55 Eugène Laugier, Revue et Gazette des théâtres, 24 mai 1849, repris dans Émile Coupy, Marie Dorval, 1798-1849, op. cit., p. 370.
56 Jules Janin, Le Journal des Débats, « Feuilleton », 28 mai 1849, op. cit., p. 2 ; repris dans Émile Coupy, Marie Dorval, 1798-1849, op. cit., p. 392.
57 Ibid.
58 Théophile Gautier, La Presse, 28 mai 1849, op. cit., p. 1 ; repris dans Émile Coupy, Marie Dorval, 1798-1849, op. cit., p. 382.
59 Ibid. et p. 383.
60 Jules Janin, Le Journal des Débats, « Feuilleton », 28 mai 1849, op. cit., p. 2 ; repris dans Émile Coupy, Marie Dorval, 1798-1849, op. cit., p. 388.
61 Ibid.
62 Ibid., p. 1. Au XIXe siècle, le journal est « un […] lieu où se dégagent des identités stylistiques, des manières d’écrire et tout un “faire” discursif qui appartiennent en propre à l’appareil médiatique ». Guillaume Pinson, L’Imaginaire médiatique. Histoire et fiction du journal au XIXe siècle, Paris, Classiques Garnier, coll. « Études romantiques et dix-neuvièmistes », 2013, p. 12.
63 Jules Janin, Histoire de la littérature dramatique, tome 6, Genève, Slatkine, [1853-1858], 1970, p. 152.
64 Ibid.
65 https://toursetculture.com/?s=marie+dorval
66 Anne-Claire Loaëc, « Marie Dorval. Une trajectoire hors-norme », art. cit. Dorval elle-même se félicite auprès de Vigny du succès qu’elle remporte à Rouen : « J’aurai fait une grande révolution ici, ils deviennent romantiques par moi ». Lettre de Marie Dorval à Alfred de Vigny, Rouen, 28 août 1833, dans Madeleine Ambrière (dir.), Correspondance d’Alfred de Vigny. Tome 2 (août 1830-septembre 1835), op. cit., p. 276.
67 Entrée : Delaunay, Marie, dite Mme Dorval : https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Marie_Delaunay_dite_Mme_Dorval/116957 (dernière consultation le 14 mars 2025).
68 Alain Rey (dir.), Robert encyclopédique des noms propres. Nouvelle édition, [1974] 2008, p. 673.
69 Jean-Toussaint Merle, L’Union, Feuilleton, 29 mai 1849, repris dans Émile Coupy, Marie Dorval, 1798-1849, op. cit., p. 349.
70 « Pendant la seconde moitié du XIXe siècle et jusque dans les années 1950, le théâtre romantique n’est plus à la mode. […] Dès après 1848, les romantiques eux-mêmes poursuivent leur carrière en ordre dispersé. […] il faut attendre le xxe siècle pour que le théâtre romantique, devenu “classique”, retrouve une nouvelle actualité. » Florence Naugrette, Le Théâtre romantique. Histoire, écriture, mise en scène, op. cit., p. 295 et p. 311.