La fabrique des récits de vie. Circulation des biographèmes de Vapereau à Wikipédia

Du biographème au mythe. Le cas Roland Barthes entre médiatisation et mise en récit

Table des matières

FABIO LIBASCI

La vie et la mort de Roland Barthes ne cessent de susciter de l’intérêt et de la curiosité, voire de la fabulation. De 1980 à aujourd’hui, un bon nombre d’amis, d’élèves, d’intimes s’efforcent de restituer « Barthes », de le faire connaître davantage. Chacun a le sien et semble parier sur la justesse de son portrait ou sur la vérité d’un souvenir le liant au sémiologue. Ces récits plus ou moins biographiques ne font qu’accentuer le caractère fuyant mais combien intéressant de Roland Barthes, l’homme et le critique étant multiple et pluriel. Par ailleurs, ces témoignages participent de plus en plus à la mise en récit d’un critique ayant proclamé la mort de l’auteur. Pour comble de paradoxe, c’est la vie de Roland Barthes qui devient de plus en plus fascinante, sa mort de surcroît, au détriment de son œuvre, quelque peu délaissée.

Pour ces raisons, je voudrais revenir au cas Roland Barthes, à cette légende construite au fil des décennies, grâce au concours de nombreux acteurs littéraires, par des moyens différents et avec de multiples enjeux. Comment fut-il possible de transformer le désir de l’écrivain de voir sa vie réduite à quelques biographèmes1 en une suite de publications qui n’arrêtent pas de revenir à l’homme, à Roland, à l’ami, au maître ?

Pour ce faire, j’évoquerai des articles parus dans la presse française immédiatement après sa mort, puis je relirai les opérations de fictionnalisation réalisées par Sollers et Kristeva. Ensuite, il sera question de commenter les souvenirs d’anciens élèves, Compagnon, Marty et Thomas ayant eu leur part dans la construction de ce mythe. Ce panorama ne saurait être complet sans l’évocation, en conclusion, du livre de Laurent Binet, La Septième Fonction du langage, et de la nouvelle de Thomas Clerc, L’Homme qui tua Roland Barthes. De sa mort à la mise en récit de sa vie, du souvenir à la mythologisation, Roland Barthes traverse une production textuelle plurielle capable de construire le « cas Barthes » et de lui assurer une postérité sans égale dans le panorama de la critique du XXe siècle.

Roland Barthes à la une

Le jeudi 27 mars 1980, Le Figaro annonce par trois articles la mort de Roland Barthes. Gérard Guillot, André Brincourt et Claude Jannoud s’efforcent de le restituer aux lecteurs. Guillot ne manque pas de souligner la difficulté de dresser un portrait du disparu : « Il est difficile de dire qui était Roland Barthes. Philosophe, sémiologue, sociologue, écrivain, critique… […], il a tenu tous ces rôles, et souvent simultanément2. » Brincourt le désigne avec une périphrase, le grand perturbateur, et il en fait l’éloge dans ces termes : « les grands écrivains sont de grands perturbateurs. Il ne faut pas manquer de le reconnaître dans les occasions graves […]. Nous devrons à Roland Barthes d’avoir découragé l’écriture et de nous avoir engagé à lire avec d’autres yeux. Malheureusement – mais c’est un autre problème – tout le monde veut écrire et plus personne ne lit3 ». De Guillot à Brincourt, le profil de Barthes se précise et le moraliste fait son apparition à côté de l’écrivain. De Brincourt à Jannoud, le traqueur du pouvoir du langage se laisse deviner. C’est ainsi que la postérité le gardera, le plus grand critique de notre temps, celui qui par « ce nouveau mode de lecture sensuel et intellectuel qu’il nous a enseigné4 » a renouvelé notre conception de la littérature. Pour les trois journalistes, la posture de Barthes l’emporte sur l’œuvre, la pluralité de l’approche critique sur les sciences humaines qu’ils aidèrent à s’affirmer.

Le même jour, Libération annonce aussi la mauvaise nouvelle. Deux photos couvrant la une attirent l’attention du lecteur : à la gauche de la page, se découvre une photographie de Robert Mapplethorpe tirée du dernier livre de Roland Barthes, La Chambre claire, paru en janvier 1980, et à la droite une petite photo de Barthes assis à sa table semble lui faire face. C’est le seul journal à annoncer la mort de Barthes par une demi-page et par deux photographies. À y regarder de près, le journal rend l’hommage à sa manière, publiant des fragments tirés du Barthes par Roland Barthes, le livre paru en 1975 dans la collection « Écrivains de toujours » aux éditions du Seuil. En bas de la page, Gérard Mordillat revient à La Chambre claire, à ses qualités, à son sens profond : « on l’aura compris, La Chambre claire parle de la mort, et c’est là le symbole incontournable. Le plus profond de ce livre ne vient pas de la théorie mais d’une description lente et précise de la vie qui fuit, peu à peu remplacée par des photographies5 ». Par le choix de ces deux ouvrages, Libération met en avant l’écrivain plus que le critique, l’évolution récente de son parcours sur les recherches et les publications des années cinquante et soixante, la rigueur scientifique cédant le pas à la voix singulière.

Le lendemain, le 28 mars 1980, soit deux jours après la mort de Roland Barthes, Le Monde annonce la mauvaise nouvelle avec deux articles signés par Bertrand Poirot-Delpech et Jacques Cellard. Poirot-Delpech donne le ton par cette phrase : « ainsi un écrivain de premier ordre, et cher à une foule de gens, peut disparaître sans rime ni raison à cause d’une automobile6 ». Le journaliste ne s’est pas trompé : il considère Roland Barthes comme un écrivain et il le répète : « plus qu’un autre Saussure, il aura été un nouveau Gide7 ». Dans la suite de l’article, Poirot-Delpech souligne le glissement de Barthes vers l’autobiographie indirecte, détournée, vers l’art du fragmentaire et de la digression, de plus en plus à l’encontre de son goût personnel8. L’homme l’emporte sur le chercheur, le sensualisme érudit sur la critique professionnelle, semble écrire et revendiquer déjà le journaliste. Jacques Cellard, quant à lui, donne le ton dès le titre : « L’émerveilleur ». Soulignant sa carrière journalistique, Cellard fait de Barthes un polémiste drôle et impertinent, picaresque et lucide, un veilleur surtout. Ces qualités, Barthes « les a eues à l’extrême de ses forces9 ». Dans les deux articles parus dans « Le Monde », l’écrivain prime encore une fois sur le critique, l’intellectuel sur le clerc, le journaliste sur le sémiologue et par-dessus tout sur le professeur au Collège de France, rôle que Barthes a tenu depuis 1977. Comme si la chaire n’était rien dans ce parcours singulier et pluriel à la fois.

Dans la semaine qui suit la mort de Roland Barthes, Le Nouvel Observateur et L’Express, entre autres, s’empressent de dresser le portrait du disparu. Jean Daniel et Jean-Paul Enthoven pour Le Nouvel Observateur et Max Gallo pour L’Express signent trois articles retentissants et prophétiques. Jean Daniel, proche de Roland Barthes des années durant, livre un portrait à la fois intime et discret, cherchant à résumer en quelques lignes un homme insaisissable, un « chercheur dans l’insolite, dilettante dans l’absolu, défricheur solitaire10 ». Jean-Paul Enthoven quant à lui ne renonce pas pour autant à définir l’essence Barthes : il serait surtout un écrivain classique cédant par bonté aux confuses avant-gardes « le prestige dont elles l’avaient investi11 ». Enthoven ne manque pas de dire un mot sur cette mort dont les amis croient tout savoir, sur laquelle on ne finira plus d’écrire, sur l’héritage laissé par Barthes. Enthoven ne nie aucune image successive ou simultanée de Barthes : sémiologue, brechtien, journaliste, maoïste à un moment, car il sait bien que « Barthes était trop digne, trop élevé, pour n’imposer qu’une seule image de lui-même. Il nous laisse libres de l’aimer à notre guise12 ». Ce portrait rapide, qui ne manque pas de lancer des piques aux adversaires, se termine par le plus personnel des adieux : « J’aimais sa façon d’aimer la musique, le cinéma. J’aimais son exquise politesse. J’aime son dernier livre, cette “Chambre claire” […]. J’aime son visage et sa voix grave dans un plan des “Sœurs Brontë13. »

Max Gallo, dans L’Express, s’efforce de faire le portrait de Barthes sans oublier le fond, c’est-à-dire la France. La singularité, la liberté d’investigation, le critique les doit « non seulement à l’intelligence de ses analyses et à l’actualité des sujets qu’il aborde […] mais au fait qu’il est un nouveau type de chercheur jouant de sa culture sur le clavier de la presse14 ». Gallo fait de Barthes un révélateur des variations du climat français : tour à tour marxiste, structuraliste, freudien un temps, Barthes aura été foucaldien aussi lors de sa Leçon au Collège de France. Mais il y a plus : le désir avoué de création romanesque place Barthes au centre d’un tournant dont on mesurera l’ampleur plus tard, « comme si la subjectivité, le plaisir, longtemps investis et masqués dans la critique des grands récits ou le commentaire, osaient s’exprimer15 ». Gallo n’en doute pas : la mort est venue au moment où Barthes allait oser la création nue « mais la vie ne laisse jamais le temps16 ». Approché à la loupe, cet article révèle une énième réflexion sur Barthes mais combien symptomatique de la décennie qui commence : « Barthes s’était convaincu que l’écrivain ne pouvait plus exister. Ce que Barthes crée dès lors, ce qu’il nous donne à lire, ce ne sont bien que des “fragments” d’une œuvre17. »

Annonçant la mort de Barthes, ces articles en profitent pour sonner le glas de la décennie qui s’achève avec son lot de rigueur et de radicalité. Sans oser attaquer directement les sciences humaines, les journalistes en profitent pour les mettre en doute. Barthes l’éveilleur, le traqueur du pouvoir du langage aura vu le premier la fin des grands récits18, la mort des avant-gardes19, l’inconsistance de l’annonce de la mort de l’homme20. On n’ose pas encore dire de lui qu’il était un antimoderne21, mais on revendique pour lui la posture de classique, d’un moraliste qui avance dans le doute22et dans l’indifférence de toute modernité23 vers la lumière de la création. Ce que ces articles mettent en lumière, ce qu’ils véhiculent avec soin, c’est la démarche d’un homme se libérant des postures, comme si toute rigueur était un masque et tout système une fraude envers soi-même. Annonçant la mort de Barthes, ces articles disent le regret pour un homme mort au seuil de la création. De là au mythe il n’y a qu’un pas. Il faut seulement en savoir plus sur l’homme, le mettre en récit, le faire accéder à la fiction.

Barthes est une fiction

Ce n’est pas un hasard si l’héritage de Barthes fait dès lors couler beaucoup d’encre, car d’un côté il y a l’œuvre à laquelle les revues spécialisées rendent hommage dans les deux années qui suivent sa mort, Poétique24 en 1981, L’Esprit créateur25, Critique26 et Communication27 en 1982, mais de l’autre côté il y a l’homme qui hante les amis et leurs fictions. En 1983 Roland Barthes commence déjà son chemin vers la mythologie littéraire28, malgré lui ; il ne pouvait pas savoir que le pape de « Tel Quel », un certain Philippe Sollers, deviendrait l’auteur de Femmes. Barthes n’a pas su que cet auteur jusque-là symbole de l’avant-garde et des éditions du Seuil serait en quelques années le symbole d’un retournement fébrile. Dans les premières pages de Femmes, il s’agit de présenter la matière du livre, la fresque d’un changement de régime survenu au début des années 1980 : l’accident de Werth, l’assassinat commis par Lutz, l’effondrement de Fals, et tout cela en quelques mois à peine. Au fil des pages, il n’est pas difficile de reconnaître, sous la mince pellicule de fiction, Barthes, Althusser, Lacan. Les pages ne font que multiplier les indices : « Je me rappelle ce que m’avait confié Werth qui avait un peu fréquenté le cabinet de Fals dans un de ses moments névrotiques : “il vaut mieux se garder des voitures”. Lui qu’une voiture a précisément renversé29. » Cette phrase non seulement dévoile la clé du personnage Werth, mais révèle d’un coup un contenu qui, à l’époque, n’était pas connu, à savoir la tentative de Barthes de se faire analyser par Lacan après la mort de sa mère en 197730. À Werth-Barthes sont dédiées une dizaine de pages à la fin du deuxième chapitre. Ce sont globalement les dernières années de Barthes que Sollers passe en revue, et qui vont de la mort de sa mère à l’accident mortel qui l’emporta. Brutalement, l’homosexualité de l’ami est affichée et Werth-Barthes finit par ressembler à Charlus : « il se laissait glisser, de plus en plus, dans des complications des garçons, c’était sa pente, elle s’était brusquement accélérée, il ne pensait plus qu’à ça, tout en rêvant de rupture, d’ascèse, de vie nouvelle, de livres à écrire, de recommencement31 ». D’un coup Barthes, l’ami, n’est plus un individu mais une espèce : « beaucoup d’homosexuels m’ont donné, à un moment ou à un autre, la même impression étrange, celle d’être comme mangés de l’intérieur32 ».

Sollers nous offre d’abord le portrait d’un homme à la dérive dont le succès public calmait un peu la fatigue et le dégoût, puis l’accident et les visites à un homme qui s’éloigne de la vie irrémédiablement : « il va retrouver sa mère33 », lui dit Deb-Kristeva. Le narrateur surenchérit : « tout le monde, là encore, avait menti. Il n’allait pas si mal, l’accident n’était pas si grave… En réalité il était perdu tout de suite34 ». Il me semble que Sollers agit selon deux voies : d’un côté il dévoile un secret qui n’en était pas vraiment un et, de l’autre, il propose une interprétation de la mort de Barthes, à savoir le doux consentement d’un homme sans issue.

Quelques années plus tard, en 1990, c’est le tour de Julia Kristeva avec Les Samouraïs. Là encore, c’est dans les premières pages qu’un certain Bréhal fait son apparition : « Bréhal parlait de Sodome et Gomorrhe ; il découpait le texte de Proust phrase après phrase, mot à mot35. » On a sans doute reconnu le célèbre séminaire sur Sarrasine que Barthes a tenu pendant deux ans, et qui est à la base du S/Z paru en 1970. Kristeva ne choisit pas au hasard de substituer Sarrasine avec Sodome et Gomorrhe, roman de l’homosexualité dans lequel seule la connaissance du code donne accès à la vérité du personnage. Là encore, il ne s’agit pas d’évoquer son œuvre ou l’apparence de son œuvre, il s’agit plutôt de restituer l’homme : « cet homme portait en lui une excentricité domestiquée. Il ne semblait pas croire à son existence propre, il la déplaçait dans les textes des autres. Olga – le double de Kristeva – sentait obscurément […] que cette soustraction avait un goût de mort. Bréhal fragile et serein, maître gratuit36 ». Bréhal refait son apparition à la fin du livre, car « l’annonce de l’accident de Bréhal à la radio avait ranimé toute l’histoire du séminaire37 ». De ce fait, Bréhal-Barthes devient une sorte de guide discret, témoin de la vie et de la carrière d’Olga-Kristeva. Lors d’une visite, elle passe en revue le cercle amoureux évoqué plus haut, « amants anciens, actuels, potentiels, prétendants abandonnés, impossibles, classiques, romantiques ou faux mais sincèrement terrorisés, car Armand distribuait sa bonté et chacun, en dette par rapport à sa vie, se sentait agrippé à sa mort38 ». La beauté de ce morceau nous invite à nous poser la question : pourquoi vouloir révéler sous cette mince pellicule de fiction la vie intime de Barthes ? Justement parce qu’il la cachait ? Il est vrai qu’entre-temps les Incidents ont été publiés non sans clameur en 1987 et que Renaud Camus parle explicitement de la sexualité de Roland Barthes dans son journal39, ou qu’Hervé Guibert publie des fragments de Roland Barthes qui lui sont adressés40. Mais on ne peut pas ne pas se demander si la gloire de Barthes doit tenir désormais à l’existence de ce cercle intime dévoilé ou aux circonstances de sa mort41. Olga-Kristeva ne peut qu’appuyer la version donnée par Sollers : il était déprimé, le deuil de la mère l’avait tué, il ne luttait pas du tout42. Bréhal se laissait aller avec cette fermeté douce et indiscutable qui était la sienne, dit-elle encore avant de passer à un autre registre, à tout autre argument : la postérité. « De toute façon, ils le redécouvriront. Tôt ou tard. Tu sais pourquoi ? Parce qu’il a écrit comme il a vécu : en sursis. Le sursis rabaisse les choses et met de la musique dans les paroles43. » En effet, lorsque Kristeva écrit Les Samouraïs, Barthes n’est pas vraiment à la mode. Ce n’est qu’avec la publication des Œuvres complètes et des séminaires à l’École des Hautes Études et au Collège de France que Barthes s’élève au rang de classique, consécration que le déluge de publications l’année du centenaire de sa naissance en 2015 ne fait que confirmer.

Sollers ne manque pas cet anniversaire avec la publication de L’Amitié de Roland Barthes. Comme le titre l’indique, c’est l’ami que Sollers évoque au fil des pages, son corps, sa manière d’être et cela à partir de la mort de Barthes sur laquelle s’ouvre le livre : « la mort de Roland Barthes, le 26 mars 1980, a été un choc considérable pour moi, et c’est quelque chose qui dure, qui ne s’en va pas44 ». Il reprend la phrase attribuée à Deb dans Femmes : « au fond, il est allé rejoindre sa mère […]. Il était marié à son écriture, mais d’abord à sa mère45 » ; Sollers renchérit : « il a vécu au paradis, Barthes, au paradis avec sa mère. C’est tout le côté absolument déchirant de ce deuil46 ». Il évoque à nouveau l’homosexualité, ces soirées désormais connues du public grâce à la publication des Incidents, puis de manière cocasse les aventures en Chine en 1974 touchant encore une fois la sexualité, le désir de l’ami : « à l’opéra on pouvait craindre l’incident diplomatique, en voyant Barthes regarder intensément un de ses jeunes voisins chinois impassible. Le passage à l’acte aurait peut-être été révolutionnaire, mais peu souhaitable, à moins de désirer confusément une reconduite rapide à l’aéroport47 ».

On l’aura compris : dans Femmes, comme dans Les Samouraïs et dans le récent L’Amitié de Roland Barthes, on évoque l’ami selon deux axes, l’homosexualité plus ou moins vécue discrètement et le deuil : le désir et le manque, si ce n'est pas la même chose. En effet, Sollers dans l’ouvrage paru à l’occasion du centenaire fait le lien : « la mort de sa mère a été un cataclysme […]. Tout cela redoublé du drame qui aurait eu lieu si sa mère avait appris son homosexualité48 ». Dans cette page parue initialement dans « Le Monde », Sollers parle d’une limite politique de Barthes, d’une conception de l’homosexualité forcément non militante, d’un désir qui le laissait souvent insatisfait. On comprend et on ne comprend pas pourquoi en parler autant, car Sollers et Kristeva se limitent à raconter des anecdotes, oubliant de parler de l’œuvre de Barthes qui contient de très bonnes réflexions à ce sujet, de nombreux fragments dédiés à la pluralité du désir, à la sentimentalité comme ultime transgression, au neutre, à la discrétion en tant que droit49. Si on relit la notion de biographème telle que Barthes la définit dans Sade, Fourier, Loyola, on se rend compte que quelque chose diverge. Il me semble que Femmes, Les Samouraïs ou L’Amitié de Roland Barthes ne vont pas dans la direction du biographème tel que Barthes le souhaitait : « si j’étais écrivain et mort, comme j’aimerais que ma vie se réduisît, par les soins d’un biographe amical et désinvolte, à quelques détails, à quelques goûts, à quelques inflexions, disons : des biographèmes […] une vie trouée, en somme50 ». Au contraire, ils s’efforcent de ramener Barthes vers un centre constitué par la sexualité et le deuil, le placard et la mort, participant de ce fait à l’esquisse d’une mythologie littéraire à l’aide de la prétendue autofiction.

Roland intime

On serait tenté de formuler l’hypothèse suivante : pour répondre aux amis et à leurs fictions, pour retoucher un portrait de plus en plus médiatisé, les élèves prennent la plume et livrent leurs souvenirs. Entre 2006 et 2015, soit des années après l’œuvre de fictionnalisation conduite aux dépens de Roland Barthes, trois anciens élèves décident d’esquisser un portrait de l’auteur à l’aide de mémoires, de lettres, de souvenirs communs. Éric Marty dans Le Métier d’écrire paru en 2006 et dont la première partie, Mémoire d’une amitié, s’inscrit dans le genre mémorial ; Antoine Compagnon dans L’Âge des lettres paru en 2015 et dont la jaquette ou bande51 indique au lecteur : avec Roland Barthes ; Chantal Thomas avec Pour Roland Barthes, toujours en 2015, s’efforcent de reconstituer et de restituer, au lecteur, Barthes tel qu’ils l’ont connu. À y regarder de près, les trois élèves conduisent cette opération chacun à sa manière : Mémoire d’une amitié n’est que la première partie d’un livre qui s’efforcent de restituer l’ami, l’œuvre, le séminaire ; L’Âge des lettres, paru dans la collection « Blanche » de Gallimard, met en scène une quête proustienne, une recherche de Roland qui est aussi une manière de lever toute ambiguïté quant à son rapport avec le sémiologue, tandis que Chantal Thomas, dans Pour Roland Barthes,livre, comme elle-même l’admet, un exercice d’admiration. Les trois livres ont tout de même quelque chose en commun : ils essaient de dire l’essence Barthes et de léguer cet héritage au lecteur. Si Chantal Thomas y parvient facilement, Marty et Compagnon y réussissent au prix d’un effort de mémoire constituant la trame et la beauté de leur texte. Dans les trois livres, Barthes se révèle être une proie peu facile, un maître dont les mots s’échappent sans cesse. Relisant le livre de Marty, c’est surtout le quotidien d’une amitié maître-disciple que le lecteur apprend, la relation toujours difficile entre un maître qui en sait trop et un disciple qui ne sait pas encore assez. D’un bout à l’autre, c’est l’homosexualité de Barthes qui nourrit cette partie : Marty révèle être malgré lui une présence dans les Soirées de Paris, quand Barthes rôde autour du Flore : « j’ai à mes côtés un Virgile à la démarche moins sûre que le guide de Dante. Il me semble les entendre prononcer son prénom. Il les connaît tous à l’évidence, et tous le connaissent52 ». Marty dans le présent de l’écriture parle des garçons, des gigolos comme d’un problème crucial53 pour Barthes, ce que sa jeunesse avait empêché de comprendre alors : « ce qui me trouble encore aujourd’hui, c’est d’avoir, à la fin, été si peu conscient de la chute mélancolique. Je ne voyais rien54 ». Quelques pages plus loin il écrit tout le regret : « il m’est impossible de raconter la chute de Barthes, cette dérive liée à l’amour des garçons, puisque je ne l’ai pas vue55 ». Tout au long du livre, le rapport à Barthes ne cesse de se préciser et l’axe de la relation maître-disciple vient rejoindre l’axe du portrait de l’écrivain en chute mélancolique :

Qu’est-ce que l’amitié entre un vieil écrivain et un jeune homme ? […]. La relation au maître est toujours profondément libidinale, autant qu’il y ait en effet une confusion, même légère, de l’éros et du logos ; autant que le savoir, même de manière oblique, soit chargé de désir. Rien n’a lieu entre le maître et le disciple, mais ils vivent tout de même dans la sphère où Éros et Logos échangent parfois leur voix, par instant leur regard, et quelquefois un geste56

La relation maître-disciple se dessine comme le côté lumineux d’une homosexualité vécue au noir, manière d’ajuster le portrait d’un critique trop semblable au Charlus proustien. Cette tentative est encore plus évidente quand il s’agit de parler de la mort du maître : « on a dit à l’époque qu’il s’était laissé mourir. Sa blessure n’était pas si grave ; en réalité, il est mort d’une infection nosocomiale. On ne l’a pas dit car, à l’époque, on ne parlait pas de cela57 ».

Marty est aussi à l’origine de l’entreprise de Compagnon ; l’auteur même admet qu’« Antoine Compagnon avait une place particulière dans le groupe58 ». Le temps venu, Marty demandera au professeur du Collège les lettres pour un Album Barthes à composer et dont la sortie sera prévue pour le centenaire. La quête de ces lettres, le désir de les retrouver, la crainte de les avoir perdues ou jetées ou pire, qu’elles aient été volées, ponctuent les premières pages du récit tandis que la lecture de certains extraits en rythme la suite. Il ne s’agit pas de tout dire, du moins tout le dicible : Compagnon ne veut le faire ni avec Samoyault, qui était en train d’écrire la biographie que l’on connaît, ni sur la page ; il s’agit d’aller à l’essentiel, à l’essence : « auprès de lui, j’ai été un apprenti, j’ai fait mon apprentissage sur le tas. Qu’ai-je appris ? La discipline, le métier, le tour de main59 ». Compagnon revient aussi, comme Marty l’a fait, aux habitudes, aux rituels (se voir une fois par semaine pour dîner au Bonaparte60), à cette vague tristesse qui accompagnait le maître sans cesse. Il y évoque le Colloque de Cerisy61 que Barthes lui avait confié : « on s’était demandé qui était cet inconnu. Son secrétaire ? Son chouchou ? Son favori ? Je n’étais ni l’un ni l’autre et je ne sais pas pourquoi Roland me désigna pour organiser son colloque62 ». La sempiternelle question de l’homosexualité est là ; Compagnon l’aborde d’abord en douce par le biais d’une conversation avec Marc Fumaroli qui évoque le temps de l’amitié avec Barthes et Robert Mauzi : « j’ignorais qu’ils étaient autant vus […]. Marc les conduisait à Pigalle où il les déposait, car ils y avaient leurs habitudes. J’imagine que celles-ci les ramenaient à La Nuit, au coin de l’impasse Guelma, ce bar doublé d’une maison de rendez-vous que j’ai encore connu, mais où je ne suis jamais entré et qui a disparu depuis longtemps ». En bon narrateur proustien, Compagnon indique avec précision une scène de laquelle il s’exclut. Eux, ils fréquentaient la maison de rendez-vous, les autres le prenaient pour le favori, mais lui, il ne l’était pas, homosexuel, bien sûr. Plus loin, il dit que par jalousie d’indépendance il n’a jamais fait partie de la cour barthésienne. Au fur et à mesure que le récit court à sa fin, il me semble que cette dénégation y est pour quelque chose, comme un désir d’en finir avec les on-dit : Compagnon ne fut que l’ami, un disciple ignorant « ses chasses compulsives aux garçons […]. Quand je le raccompagnais au bas de son immeuble, je croyais qu’il montait se coucher pour lire les Mémoires d’outre-tombe ou Le Comte de Monte-Cristo en écoutant France Musique, comme il le racontait63 ». Certes, il savait qu’il était homosexuel, « sa façon distraite de suivre des yeux, sans le fixer, le jeune homme qui traversait la salle, cela n’aurait trompé personne64 », mais « ses plaisirs m’étaient inconnus, même si je les soupçonnais et si j’avais refusé de trop me lier à la bande aux manières ostentatoires qui l’entourait. Relisant ses lettres, je suis sensible à la pudeur avec laquelle il suggère ses inclinations, parce qu’il sait qu’elles seront peu contentées65 ». À nouveau il réaffirme son exclusion de la scène homosexuelle : aucune confusion légère d’éros et logos, nulle obliquité, ni regard ou geste, au contraire de ce que Marty écrit avec tant de poésie. Néanmoins, Compagnon rejoint Marty dans la version de la mort de Barthes, non sans se demander pourquoi cette agonie a fait de Barthes un personnage de fiction : parce qu’il n’est pas mort sur le coup66 ? Le professeur lance des piques : « certains ont prétendu que Roland Barthes s’était laissé mourir, que son décès dans sa soixante-cinquième année avait été une forme de suicide. Ce n’est pas mon idée […]. [il avait] attrapé une infection, une maladie nosocomiale, comme on dit, et les antibiotiques, plusieurs antibiotiques successivement tentés, restaient sans effet67 ». Une mort beaucoup plus ordinaire, privée de toute psychologie, voire de mythe, la même qui nourrit les fictions de Sollers et Kristeva.

Chantal Thomas, quant à elle, se tait sur le corps du maître et ses goûts pour se concentrer sur la voix, la musicalité, la douceur, la nostalgie dont elle était empreinte : « l’extraordinaire présence de la voix de Roland Barthes et le soin de sa diction ont été, pour moi, une des leçons majeures du séminaire. Et j’y venais d’abord pour écouter, pour apprendre à écouter, à m’écouter68 ». Comme Thomas ne fréquentait pas Barthes en dehors du séminaire, elle n’a aucun secret à livrer, aucune version à confirmer ou à infirmer ; elle ne peut que réaffirmer ce qu’elle sait : que le séminaire, en outre de la voix de Barthes, représenta la jeunesse des écouteurs, que la singularité de ce théoricien qui a rêvé peut-être d’écrire sa vie tenait au fait de « ne pas séparer la maîtrise d’une recherche intellectuelle du bouleversement des émotions69 ». Chantal Thomas ne cesse de le répéter, de l’écrire, pour Roland Barthes : 

[…] l’intelligence barthésienne est profondément impure. Elle est toujours prête à se laisser impressionner, troubler, par ce qui la menace et la disqualifie, par tout ce sur quoi elle vient buter, ou par ce qui la traverse. Dans son désir de lucidité, elle reste liée à la vie mutique du corps […]. C’est pourquoi l’intelligence barthésienne se situe entre deux extrêmes ou entre deux opacités : la contrainte aveugle de l’instinct et le savoir étouffant de l’érudition70

De ces deux pôles, seul l’instinct semble exister dans les fictions et les souvenirs écrits par les amis et les élèves de Barthes, se souciant moins du critique que de leur propre parcours, moins de l’œuvre du maître que de leur « Je ». Il est indéniable que leur propre trajectoire, le fait d’être devenus Antoine Compagnon, Éric Marty et Chantal Thomas, est pour quelque chose dans l’écriture, comme il est indéniable que leur « Roland intime » répond à une stratégie qui s’oppose point par point aux fictions de Sollers et Kristeva, sans pour autant réussir à le sortir du mythe romantique de l’homme voué à la mort.

Le centenaire de la naissance de Barthes en 2015, auquel ces livres participent à des degrés divers, fut le moment d’une mythologisation sans précédent. Nul critique n’a jamais joui d’un Album71, d’une biographie remarquable72 et d’une multitude de publications en même temps. Peu importe si l’homme, ce retour amical de l’auteur73, vole la vedette à l’œuvre, surtout à celle écrite entre les années quarante et la première partie des années soixante-dix.

Vers la mythologisation

Ce panorama ne serait pas complet sans une brève évocation de la nouvelle de Thomas Clerc, L’Homme qui tua Roland Barthes, et du livre de Laurent Binet, La Septième Fonction du langage. Étant nés en 1965 et en 1972, ces auteurs ne connaissent de Barthes que les œuvres et les discours qui circulent sur ses livres et sa personne depuis sa mort. Ce n’est pas un hasard si, de manière différente, c’est la mort de Barthes que mettent en marche la nouvelle de Clerc et l’étrange polar de Binet, livre à succès publié en 2015, couronné par le Prix Interallié et dont la couverture de l’édition de poche est constituée par une célèbre photo de Roland Barthes et la phrase : « qui a tué Roland Barthes ? ». Dans l’un comme dans l’autre cas il s’agit de revivre et de réécrire cette mort causée par une camionnette. Dans L’homme qui tua Roland Barthes, Clerc met en scène le conducteur de la fourgonnette, impuissant, incapable d’arrêter la voiture, sans responsabilité donc : 

[…] soudain devant mon aile gauche, un homme âgé de soixante ans est apparu, il sortait du Collège de France en dévalant les marches par degrés, grand et lourd avec un profil romain, le menton tombant, les cheveux poivre et sel, une sacoche au bras qu’il serrait contre son imperméable, il avait l’air de flotter. Je roulais vers lui vite sans qu’il prête attention à moi, il allumait un cigare jetant son allumette à terre, l’air las et distrait, ennuyé et soulagé, seul et plein de monde dans la tête […], une date apparut dans le tableau de bord, clignota sur 25-2-80, et le grand traversa la rue sans prendre garde et je lui passai sur le corps74

À y regarder de près, l’homme ne tua pas Roland Barthes, pas plus que Roland ne se tua : un jeu de hasard, le mauvais Kairos. Comme dans n’importe quel roman, une minute de plus ou de moins et cet accident ne se produirait pas. Dans La Septième Fonction du langage il s’agit au contraire d’une enquête suscitée par une question : et s’il s’agissait d’un assassinat ? À partir de cette question Binet construit un polar savamment structuré et dans lequel le commissaire Bayard, aidé par le jeune sémiologue Simon Herzog, interroge au passage Foucault, Eco, Kristeva, Todorov, des gigolos et le Tout-Paris. Binet forge un objet bizarre, un divertissement où l’on retrouve les faits connus de la vie du critique mêlés aux citations tirées directement de ses ouvrages, les on-dit et les vérités attestées, les romans et les souvenirs construits sur lui. Il passe et repasse sur l’hypothèse du suicide par procuration, du deuil qui l’aurait tué à petit feu ; il réfléchit sur cette mort qui hante les vivants, sur cette discipline, la sémiologie dont Barthes, semble-t-il, voulait se défaire à la fin : « le 25 février 1980 n’a pas encore tout dit. Vertu du roman : il n’est jamais trop tard75 ». Bayard est convaincu de l’existence d’un document, disparu, consacré à la « septième fonction du langage » et qui donne le pouvoir de persuader les autres à celui qui la possède. Cette septième fonction du langage ne va pas sans rappeler le schéma de Jakobson. Le succès du roman de Binet publié en 2015, l’année du centenaire de la naissance de Barthes et aussitôt traduit en italien, attire l’attention sur le sémiologue disparu en 1980. En Italie, surtout, la presse goûte ce roman dans lequel la vie de Barthes, ses habitudes, ses mœurs sont passés au crible76.

Je m’arrête là non sans un constat qui précède les conclusions. Dans un fragment de Barthes par Roland Barthes, le critique écrit : 

[…] c’est en effet lorsque je divulgue mon privé que je m’expose le plus […]. Cependant le « privé » change selon la doxaà laquelle on s’adresse : si c’est une doxa de droite, c’est le privé sexuel qui expose le plus. Mais si c’est une doxa de gauche, l’exposition du sexuel ne transgresse rien : le « privé », ici, ce sont les pratiques futiles, les traces d’idéologies bourgeoises dont le sujet fait la confidence77

Barthes de son vivant a joué avec les deux doxas : livrant discrètement quelques détails à qui savait les entendre, exposant le confort de son quotidien et son emploi du temps78 dans un autre fragment du même Barthes par Roland Barthes. Je me demande alors pourquoi cette compulsion à écrire sur Barthes, à livrer le privé de l’ami, du maître, à ne livrer que les goûts sexuels et la mort, l’accident et son l’interprétation dans une démarche qui, s’inspirant peut-être du biographème, finit par le trahir, car la répétition et l’insistance sur ces traits finissent par imposer une image de Barthes, un imaginaire par-dessus tout : un homme à la dérive, un honteux promis à la mort.

Par ailleurs, ce privé exposé par autrui nous amène à considérer l’usage de la vie, le rapport entre privé et public, la médiatisation du statut de l’auteur dans notre régime contemporain, la vitesse et la voracité avec lesquelles ces biographèmes circulent et s’imposent car ils sont sans cesse relancés. Barthes est de ce point de vue exemplaire : grâce à ses amis ou à cause de ses amis et de ses élèves, biographes et romanciers, il est devenu un mythe, un brand. On connaît tout de ses soirées, des années précédant sa mort et même des instants qui l’annoncent, mais on connaît à peine l’œuvre bâtie patiemment le long des décennies. Les universitaires, il est vrai, s’efforcent de l’étudier, mais avec le soupçon qui pèse sur un critique trop people ou avec la nonchalance de ceux qui se sentent légitimes à l’aborder dans tous les sens et les contresens, au deuxième degré le plus souvent.

Il est vrai aussi, et on ne saura pas le nier, que si on passe et on repasse sans cesse par son homosexualité et sa mort, c’est que ces deux aspects nous intéressent de près ; c’est que la sexualité et la fin de vie nous interrogent de plus en plus, cela depuis le début des années quatre-vingt au moins, depuis ce temps où encore une fois la sexualité et la mort ne furent qu’une seule chose par le biais d’une nouvelle maladie : le sida.

La presse, depuis lors, se nourrit de ces récits, peu lui importe s’il s’agit de vies majuscules, moyennes ou minuscules. Au fond, la sexualité et la mort sont nos mythologies. Barthes se serait peut-être amusé à les écrire, à traquer leurs images et leurs mots. Il aurait peut-être écrit un texte sur le « cas Roland Barthes ».

Notes

1 Voir Roland Barthes, Sade, Fourier, Loyola [1971], dans id., Œuvres complètes, t. III, 1968-1971, Paris, Le Seuil, 2002, p. 706.

2 Gérard Guillot, « Professeur, écrivain, philosophe », Le Figaro, 27 mars 1980, p. 13.

3 André Brincourt, « Le grand perturbateur », Le Figaro, 27 mars 1980, p. 13.

4 Claude Jannoud, « Traquer l’indéfinissable », ibid.

5 Gérard Mordillat, « Le dernier livre de Roland Barthes », Libération, 27 mars 1980, p. 6.

6 Bertrand Poirot-Delpech, « Le plaisir des sens », Le Monde, 28 mars 1980, p. 1

7 Ibid.

8 « Vient peut-être maintenant l’âge d’une autre expérience : celle de désapprendre, de laisser travailler le remaniement imprévisible que l’oubli impose à la sédimentation des savoirs […]. Cette expérience a, je crois, un nom illustre et démodé, que j’oserai prendre ici sans complexe, au carrefour même de son étymologie : Sapientia : nul pouvoir, un peu de savoir, un peu de sagesse, et le plus de saveur possible. » Voir R. Barthes, Leçon [1978], dans id., Œuvres complètes, t. V, 1977-1980, Paris, Le Seuil, 2002, p. 446.

9 Jacques Cellard, « L’émerveilleur », Le Monde, 28 mars 1980, p. 27.

10 Jean Daniel, « Roland Barthes », Le Nouvel Observateur, n. 803, du 31 mars au 6 avril 1980, p. 80. 

11 Jean-Paul Enthoven, « La liberté d’aimer », art. cit., p. 81.

12 Ibid.

13 Ibid.

14 Max Gallo, « Barthes le Français », L’Express, du 5 au 11 avril 1980, p. 53. 

15 Ibid.

16 Ibid.

17 Ibid.

18 Jean-François Lyotard, La Condition postmoderne, Paris, Minuit, 1979.

19 Philippe Forest, Histoire de « Tel Quel » 1960-1982, Paris, Le Seuil, 1995 et id., Rien n’est dit. Moderne après tout, Paris, Le Seuil, 2023. 

20 Michel Foucault, Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966. 

21 Philippe Roger, Roland Barthes, roman, Paris, Grasset, coll. « Le livre de poche », 1990 [1986], p. 291-300 ; Antoine Compagnon, Les Antimodernes. De Joseph de Maistre à Roland Barthes, Paris, Gallimard, 2005, p. 404-440. Voir aussi, P. Forest, Rien n’est dit. Moderne après tout, op. cit., p. 31-34. 

22 « Toujours cette pensée : et si les Modernes se trompaient ? S’ils n’avaient pas de talent ? », R. Barthes, Incidents [1987], dans id., Œuvres complètes, t. V, 1977-1980, op. cit., p. 980. 

23 « Tout d’un coup, il m’est devenu indifférent de ne pas être moderne », R. Barthes, Délibération [1979], dans ibid., p. 668.  

24 Poétique, n. 47, 4e trimestre 1981.

25 L’esprit créateur, n. 22, printemps 1982.

26 Critique, n. 423-424, août-septembre 1982.

27 Communications, n. 36, 4e trimestre 1982.

28 Renaud Camus, Roman roi, Paris, P.O.L, 1983. 

29 Philippe Sollers, Femmes, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2002 [1983], p. 104. 

30 Tiphaine Samoyault, Roland Barthes, Paris, Le Seuil, 2015, p. 621-625. Samoyault anticipe, preuves à l’appui, la tentative de cure analytique avec Lacan au 1975. 

31 P. Sollers, Femmes, op. cit., p. 145. 

32 Ibid., p. 146.

33 Ibid., p. 152.

34 Ibid., p. 153.

35 Julia Kristeva, Les Samouraïs, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1992 [1990], p. 24. Voir aussi, id., Sens et non-sens de la révolte. Pouvoirs et limites de la psychanalyse I, Paris, Fayard, 1999 [1996], p. 283-325 ; id., La Révolte intime. Pouvoirs et limites de la psychanalyse II, Paris, Fayard, 2000 [1997], p. 128-188. 

36 Ibid., p. 26. 

37 Ibid., p. 403. 

38 Ibid.

39 Renaud Camus, Journal romain 1985-1986, Paris, P.O.L, 1987. R. Camus en parle à nouveau dans L’esprit des terrasses. Journal 1990, Paris, P.O.L, 1994. 

40 Roland Barthes, Fragments pour H [1977], dans id., Œuvres complètes, t. V, 1977-1980, op. cit., p. 1005-1006. Hervé Guibert publie pour la première fois les Fragments pour H dans un numéro de L’Autre journal, n° 4, 19 mars 1986. Ils seront publiés en annexe du dernier tome des Œuvres complètes de Roland Barthes en 2002. 

41 Philippe Roger, Roland Barthes, roman, Paris, Grasset, 1990 [1986], p. 193-290. Voir aussi, Louis-Jean Calvet, Roland Barthes 1915-1980, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2014 [1990], p. 280-315. 

42 J. Kristeva, Les Samouraïs, op. cit.,p. 404-405. 

43 Ibid., p. 408. 

44 Philippe Sollers, L’Amitié de Roland Barthes, Paris, Le Seuil, 2015, p. 9. 

45 Ibid., p. 15.

46 Ibid., p. 27.

47 Ibid., p. 163.

48 Philippe Sollers, « L’antifascisme de Barthes », propos recueillis par Josyane Savigneau, « Roland Barthes, l’Inattendu », Le Monde, 2015, dansid., L’Amitié de Roland Barthes, op. cit., p. 171.

49 Roland Barthes, Barthes par Roland Barthes [1975], dans id., Œuvres complètes, t. IV, 1972-1976, Paris, Le Seuil, 2002, p. 640-645, p. 648 et p. 659. Voir aussi, id., Fragments d’un discours amoureux [1977], dans id., Œuvres complètes, t. V, 1977-1980, op. cit., p. 27-296. Voir enfin, Éric Marty, Le Sexe des modernes. Pensée du Neutre et théorie du genre, Paris, Le Seuil, 2021. 

50 Roland Barthes, Sade, Fourier, Loyola [1971], dans id., Œuvres complètes, t. III, 1968-1971, op. cit., p. 706.

51 Voir Gérard Genette, Paris, Seuils, Paris, Le Seuil, coll. « Points », 2002 [1987], p. 32. 

52 Éric Marty, Roland Barthes, le métier d’écrire, Paris, Le Seuil, 2006, p. 42. 

53 Ibid., p. 71.

54 Ibid., p. 74.

55 Ibid., p. 84.

56 Ibid., p. 80.

57 Ibid., p. 103.

58 Ibid., p. 101.

59 Antoine Compagnon, L’Âge des lettres, Paris, Gallimard, 2015, p. 24. 

60 Ibid., p. 51.

61 Voir Antoine Compagnon (dir.), Prétexte : Roland Barthes. Colloque de Cérisy, Paris, 10/18 éditions, 1978.

62 A. Compagnon, L’Âge des lettres, op. cit., p. 64. 

63 Ibid., p. 120.

64 Ibid., p. 122.

65 Ibid., p. 131-132.

66 Ibid., p. 136.

67 Ibid., p. 136-137.

68 Chantal Thomas, Pour Roland Barthes, Paris, Le Seuil, 2015, p. 28. 

69 Ibid., p. 109.

70 Ibid., p. 122.

71 Voir d’Éric Marty (dir.), Roland Barthes. Album. Inédits, correspondance et varia, Paris, Le Seuil, 2015. 

72 Voir Tiphaine Samoyault, Roland Barthes, Paris, Le Seuil, 2015. 

73 Voir Roland Barthes, Sade, Fourier, Loyola [1971], dans id., Œuvres complètes, t. III, 1968-1971, op. cit., p. 705.

74 Thomas Clerc, L’Homme qui tua Roland Barthes, Paris, Gallimard, 2010, p. 31.

75 Laurent Binet, La Septième Fonction du langage, Paris, Grasset, 2016 [2015], p. 189.

76 Voir Daniele Abbiati, « La morte di Roland Barthes è un giallo. Semiologico », Il Giornale, 2 aprile 2018 ; Gianfranco Marrone, « Un metaromanzo esilarante » Doppiozero, 1 maggio 2018 ; C. Biondi, « Tutto il potere alla semiotica: giallo al logos club », Il Manifesto, 13 maggio 2018.

77 Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes, dans id., Œuvres complètes, t. IV, 1972-1976, op. cit., p. 659.

78 Ibid., p. 658-659. 

Pour citer ce document

Fabio Libasci, « Du biographème au mythe. Le cas Roland Barthes entre médiatisation et mise en récit», La fabrique des récits de vie. Circulation des biographèmes de Vapereau à Wikipédia, sous la direction d'Olivier Bara, Marceau Levin et Marie-Ève Thérenty Médias 19 [En ligne], Dossier publié en 2025, Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/la-fabrique-des-recits-de-vie-circulation-des-biographemes-de-vapereau-wikipedia/du-biographeme-au-mythe-le-cas-roland-barthes-entre-mediatisation-et-mise-en-recit