La fabrique des récits de vie. Circulation des biographèmes de Vapereau à Wikipédia

« Le serrurier et la châtelaine » ou le « vécu » au cœur d’un procès littéraire

Table des matières

MÉLODIE SIMARD-HOUDE

Le développement des faits divers, au cours du XIXe siècle, fait surgir dans la presse « les acteurs quotidiens, les gens de la foule1 ». Par le biais de ces microrécits d’actualité, des individus inconnus du grand public, sans célébrité aucune, voient des bribes de leur vie, en particulier ses incidents inattendus, placés soudainement sous l’éclairage des journalistes. Au travers de cette forme de démocratisation de la visibilité médiatique se constitue un type particulier de biographème, qui n’appartient pas au récit de vie d’une célébrité, mais qui rapporte les fragments de vies ordinaires, dont la mise en circulation prend son origine dans les faits divers. Il s’agit bien d’une « mise en circulation », puisque, dans le cas que nous analyserons, le fait divers initie une chaîne discursive : en effet, il sera prolongé, tour à tour, par une chronique judiciaire, un manuscrit de roman puis des débats judiciaires sur le droit du romancier à s’inspirer d’un fait dit « vécu2 ».

Dans sa dissémination médiatique, la brève tranche de vie subit un processus d’amplification et de transformation. Par l’examen de la série diachronique de remises en récit d’un fait divers entre 1891 et 19343, nous mettrons en évidence les procédés qui transforment le biographème, au fil du temps et de sa prise en charge par divers énonciateurs. Malgré l’absence de notoriété des individus impliqués – une famille fortunée de province et un jeune jardinier –, ces procédés ne diffèrent pas fondamentalement de ceux qu’Olivier Bara et Marie-Ève Thérenty ont pu relever à propos des biographèmes portant sur des célébrités du XIXe siècle comme l’autrice George Sand et l’acteur Bocage4. Les biographèmes que nous étudierons ici ont toutefois la particularité d’attiser un débat sur la vie privée et le droit du romancier à s’inspirer du réel. 

Tout en considérant le processus de transformation du récit de fait divers dans les discours médiatiques et judiciaires, qui en accentuent progressivement la circulation et la fictionnalisation, nous interrogeons également ce qui, selon les commentateurs de l’époque, permet l’identification, alors perçue comme problématique, entre le biographème romancé dont s’empare l’écrivain Philippe Chaperon et le biographème d’origine qui l’a inspiré.

« Je l’aime ! Je l’aime ! » : un roman sentimental né dans les faits divers (1891)

À l’origine de notre propos se trouve un petit fait divers de province survenu à Dampierre-sur-Salon, à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Besançon, en octobre 1891. En deux jours, quelques quotidiens de la presse parisienne et régionale relaient, à peu près à l’identique, la brève nouvelle suivante :

Lons-le-Saunier. – Un nommé George, âgé de dix-neuf ans, jardinier, courtisait une jeune fille de dix-sept ans, Lucie Ettin [sic]. Comme il avait pénétré dans la maison qu’elle habitait à Dampierre, la mère de la jeune fille tira un coup de revolver sur le jeune homme, qui alla tomber, mortellement blessé, sur les rails du chemin de fer5.

Comme beaucoup de faits divers, ce microrécit est marqué par une extrême condensation narrative. Le peu d’explications logiques et la chute brutale – en quelques lignes, le jeune soupirant tombe « mortellement blessé » sur les rails d’un chemin de fer –, produisent un effet de tragique absurde, légèrement comique. Les trois acteurs – le jeune jardinier, la jeune fille courtisée et sa mère – apparaissent comme les personnages d’un drame sentimental en puissance, d’un amour impossible au dénouement fatal. L’identité des protagonistes, à ce stade, semble incertaine : l’expression « un nommé George », avec son article indéfini, signale l’anonymat du jeune homme avant le drame. Pour sa part, le patronyme de la jeune fille – « Éthis » et non « Ettin » – est mal orthographié dans les premiers articles de presse, une erreur qui souligne l’absence de notoriété de celle-ci.

Trois jours plus tard, le 11 octobre, le Journal des débats remet en circulation le biographème en lui faisant subir une légère amplification narrative. En plus de préciser le déroulement de l’incident, le rédacteur – anonyme – commence à développer la trame sentimentale qui l’a préparé. Le jeune homme découvert, y lit-on, « était couché sur le dos, en travers des rails et évanoui. Interrogé, Georges n’a pu que répondre : “Je l’aime ! Je l’aime !” / Ce jeune homme était follement épris de Mlle Lucie Ethis6. » Une erreur factuelle est rectifiée au passage : le soupirant « mortellement blessé » du récit initial reprend ici conscience pour proclamer son amour. Surtout, cette représentation cristallise une formule qui deviendra récurrente dans les versions ultérieures de l’incident, soit les paroles « Je l’aime ! Je l’aime ! » énoncées par le jeune homme. En outre, pour la première fois, la presse qualifie la passion d’Alfred Georges, qui est dit « follement épris7 ». Les noms des protagonistes sont rétablis et assortis de notations qui en affirment la réalité : on apprend que le père de Lucie Ethis est « rentier à Dampierre », et que Georges est un « jardinier, né à Besançon et demeurant à Dampierre8 ».

Le « sonnet d’Arvers » d’Albert Bataille (1892)

L’aventure du jeune jardinier n’aurait probablement jamais eu de suite si l’amoureux n’avait été, après la guérison de sa blessure, assigné pour violation de domicile. Condamné à six jours de prison par le tribunal de Dôle, le jeune homme voit son jugement réformé par la Cour d’appel de Besançon, qui « réduit [sa] peine à une amende de seize francs9 ». Six mois après l’incident initial, au lendemain du jugement de la Cour d’appel, soit en avril 1892, le chroniqueur judiciaire Albert Bataille fait paraître dans Le Figaro un article10 annonçant l’issue des deux procès. Or, cette chronique dit très peu de choses des procès eux-mêmes, dont l’enjeu et le dénouement sont expédiés en quatre phrases, au profit du développement narratif du roman d’amour. Ce récit opère deux grandes transformations du biographème initial : la typification des protagonistes et l’anecdotisation du scénario sentimental.

Albert Bataille adopte un ton empreint d’empathie envers le « pauvre garçon11 », Alfred Georges, et choisit de narrer son histoire en adoptant le point de vue de l’amoureux infortuné, dont il fait le personnage central du drame. Les qualifications et descriptions du jeune garçon mettent en évidence le motif du « fol amour12 », du désir irrépressible mais gardé secret : le « nommé George » du fait divers devient « un pauvre garçon qui a payé cher la folie du premier amour13 », un « insensé14 », un « pauvre amoureux15 », ou encore « l’amoureux de la petite châtelaine16 ». Comme le montre cette dernière mention, Lucie Ethis, auparavant désignée comme une « jeune fille de 17 ans », devient chez Bataille « la petite châtelaine17 » ou « la demoiselle18 » ; elle est caractérisée par le fait qu’elle « n’avait jamais eu pour [Alfred Georges] ni un mot d’encouragement ni un sourire19 ». Les protagonistes se fixent ainsi dans des rôles stéréotypés appartenant à un répertoire littéraire et sentimental, celui d’un amour idéal et courtois, où l’amoureux vénère en secret sa châtelaine puis assume « noblement20 », en cour, la responsabilité de ses actes. Comme on le voit, la typification des individus concernés par le biographème fait appel à la formulation, procédé qu’Olivier Bara et Marie-Ève Thérenty ont défini comme la circulation de formules figées21, soit, en l’occurrence, les appellations attribuées aux acteurs de l’affaire, « la petite châtelaine » et son « pauvre amoureux ».

De plus, la typification est appuyée par l’intertexte qu’Albert Bataille associe à l’affaire par le titre de son article, « Cour d’appel de Besançon : le sonnet d’Arvers ». Dans ce sonnet de Félix Arvers paru en 1833, le Je lyrique exprime un « amour éternel22 » et secret pour une femme :

Mon âme a son secret, ma vie a son mystère ;

Un amour éternel en un moment conçu :

Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire,

Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su.

 

Hélas ! j’aurai passé près d’elle inaperçu,

Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire,

Et j’aurai jusqu’au bout fait mon temps sur la terre,

N’osant rien demander et n’ayant rien reçu.

 

Pour elle, quoique Dieu l’ait faite douce et tendre,

Elle ira son chemin, distraite, et sans entendre

Ce murmure d’amour élevé sur ses pas ;

 

À l’austère devoir, pieusement fidèle,

Elle dira, lisant ces vers tout remplis d’elle :

« Quelle est donc cette femme ? » et ne comprendra pas23.

Mis en musique en 1868 par Georges Bizet24, plusieurs fois réédité et pastiché jusqu’au début du XXe siècle, le poème est sans doute suffisamment connu du lectorat mondain et bourgeois du Figaro pour que Bataille n’ait pas, dans son article, à expliciter davantage l’allusion. Celle-ci, au seuil de l’article, annonce d’emblée la typification d’Alfred Georges en héros sentimental et prépare le lecteur à voir en lui une actualisation de la figure de l’admirateur secret popularisée par le sonnet d’Arvers.


Fig. 1 : Gaston Lemaire, Sonnet d’Arvers, partitions pour piano et chant sur un texte de Félix d’Arvers, Paris, M. Mercier, 1914. Source : Gallica / BnF

En plus de transformer les protagonistes en types, Bataille fixe les motifs d’un récit sentimental qui perdurera. Il segmente en effet son récit en une série d’anecdotes, de détails et d’actions qui deviendront constitutives de l’identité du biographème, au point de servir plus tard d’arguments judiciaires. Ces anecdotes exposent d’abord la nature des hommages amoureux du jeune jardinier, qui consistent à « composer des vers pour celle qu’il aimait » et à « lui assembler […] de délicieux bouquets qu’il déposait de grand matin dans le parc25 » du château de Dampierre. Un autre motif concerne le besoin irrépressible du jardinier d’apercevoir l’élue de son cœur, besoin qui l’amène à se tenir « des après-midi entières embusqué près de la porte du château26 » puis à s’y introduire. Retenons que ce motif met en avant l’importance du regard, le désir de voir, sur lesquels nous reviendrons. Bataille signale aussi la « douleur » éprouvée par le jeune homme lors d’une scène précise, « certain jour [que la jeune fille] était venue à la messe avec un cousin, un grand collégien, aux manches trop courtes27 » – détail qui occupera plus tard les magistrats. Enfin, le chroniqueur reprend les paroles proférées par le blessé et déjà citées dans les faits divers : « Alfred Georges ne sortait de ses longs évanouissements que pour murmurer ces mots, toujours les mêmes : “Je l’aime ! Je l’aime28 !” » On observe là un troisième procédé, celui de la citation, définie par Olivier Bara et Marie-Ève Thérenty comme la fixation de paroles mémorables, censées résumer le sens de l’existence de l’individu biographié29.

L’amplification romanesque du biographème : L’Aumône suprême de P. Chaperon en procès (1893-1897)

« Un écrivain a-t-il le droit de s’emparer d’un drame judiciaire récent, d’un procès dont les acteurs vivent encore, de le charpenter, de le corser, de tirer du compte rendu judiciaire la mouture de trois cents pages, et de publier cette amplification en roman-feuilleton30 ? » C’est la question que pose un rédacteur de la Gazette des tribunaux, pour rendre compte, en décembre 1897, du procès en appel qui oppose le romancier Philippe Chaperon et Le Figaro.

Philippe Chaperon, né en 1853, collabore à divers journaux et revues (La Vie moderne, L’Indépendance française, le Courrier français31) ; il est déjà l’auteur d’un « drame en trois actes32 », de recueils de récits courts33 et de romans de mœurs prépubliés dans la presse34. Avant de rédiger L’Aumône suprême, manuscrit demeuré inédit qui sera l’objet du litige judiciaire, il avait fait paraître un autre roman inspiré d’un procès, Justice humaine (Paris, Lemerre, 1889), tiré de l’affaire Francey35.

En 1893, Chaperon fait parvenir au Figaro le manuscrit du roman L’Aumône suprême. En 1895, après une promesse de publication qui tarde à se réaliser, l’auteur relance le journal, qui se rétracte et refuse désormais de publier le récit. Chaperon reprend son manuscrit puis intente un procès en dommages et intérêts au Figaro. Les audiences ont lieu en janvier 1896 devant le Tribunal civil de la Seine. Le journal se défend à l’aide de trois arguments, à savoir : 1) que l’entente informelle de publication pouvait être résiliée puisqu’il y avait eu, entretemps, un changement à la rédaction à la suite du décès de Francis Magnard, rédacteur en chef avec qui Chaperon avait échangé en 1893-1894 ; 2) que le roman L’Aumône suprême ne pouvait être publié parce qu’il « cont[enait] des passages contraires aux bonnes mœurs36 » ; 3) enfin, que le roman ne pouvait être publié « parce que son apparition serait de nature à soulever les très légitimes réclamations d’une honorable famille37 », le lecteur du Figaro pouvant reconnaître dans les personnages du roman de Chaperon les membres de cette famille à la lumière de la chronique judiciaire d’Albert Bataille sur l’incident de Dampierre, elle-même publiée quelques années auparavant dans Le Figaro. Si, des trois arguments, le troisième surtout suscite un examen minutieux, il est néanmoins refusé par le Tribunal, qui rend un jugement en faveur du romancier et condamne le journal à lui verser 2000 francs de dommages et intérêts. À l’issue de ce premier procès, Chaperon prévoit toujours publier L’Aumône suprême en volume chez Alphonse Lemerre.


Fig. 2 : Publicité annonçant la parution de L’Aumône suprême, Bibliographie de la France. Journal général de l’imprimerie et de la librairie, 86e année, IIe série, n° 21, 22 mai 1897, p. 1060. Source : Gallica / BnF

Ce dénouement n’est que temporaire : un procès en appel se déroule devant la Cour de Paris à la fin de l’année 1897. Cette fois, la famille de Lucie Éthis, qui n’était pas impliquée dans le premier procès, intervient aux côtés du Figaro pour faire interdire la publication du roman. La Cour prend le parti de la vie privée en accédant à cette demande et en renversant le jugement de première instance. L’arrêt insiste sur la grande ressemblance entre le récit romanesque et l’affaire initiale, et limite le droit du romancier « par le respect de la vie privée des tiers, et par la défense de prêter à une personne, clairement désignée, des actes et une conduite qui sont de nature à porter atteinte à son honneur38 ». On juge en effet que certains ajouts faits par Chaperon à la trame initiale sont de nature à porter atteinte à l’honneur de la jeune fille39. La Cour estime aussi que le lecteur du roman, connaissant les « faits du procès », est incapable, de « discerner la réalité de la fiction40 ».

La défaite de Philippe Chaperon devant la Cour de Paris met un terme au projet de publication de L’Aumône suprême. En conséquence, la transcription des débats judiciaires et les commentaires journalistiques sur les procès constituent les seules sources pour appréhender ce roman. On sait que Chaperon en établit l’intrigue en reprenant l’essentiel de la trame du fait divers original. Cependant, il l’amplifie et y ajoute « un épilogue totalement imaginaire41 ». Tandis que le fait divers prend fin avec l’arrestation puis le procès du jeune homme, « [d]ans le roman […], la jeune fille, touchée de l’amour [du] malheureux garçon, le voyant blessé, bientôt mourant à cause d’elle, se sen[t] prise d’une immense pitié. Pour lui donner une consolation dernière, elle tomb[e] dans ses bras. C’[est] l’Aumône suprême […]42. » Cette trame fait subir une nouvelle amplification au biographème initial, amplification nettement plus fictionnalisante que celle d’Albert Bataille, puisqu’il ne s’agit plus seulement de broder sur la trame sentimentale initiale, mais de lui ajouter un prolongement « totalement imaginaire », une « conclusion […] inventée de toutes pièces43 », comme le signale un autre journaliste. De plus, la dernière partie du roman est potentiellement diffamante pour Lucie Ethis, dans la mesure où la fiction relate comment le personnage féminin initie une relation adultère avec l’ancien jardinier du château.

Le discours judiciaire, dont on retrouve des échos dans les journaux, précède notre analyse, en quelque sorte, puisqu’il étudie déjà, lors des procès, la transformation du biographème. Cette opération judiciaire vise à mettre en évidence les éléments qui permettent d’affirmer l’identité entre le roman et les faits rapportés par la chronique de Bataille, ou ce que les magistrats nomment la « donnée du drame44 ». Il s’agit, par cette comparaison, d’établir le caractère impubliable du roman de Chaperon (dont les clés seraient trop facilement lisibles). Résumons brièvement les arguments judiciaires avant de les commenter.

En plus d’avoir repris, tout en la prolongeant et l’infléchissant, la trame de l’événement, Philippe Chaperon a gommé l’identité des acteurs réels, dans un camouflage onomastique jugé cependant peu convaincant. Alfred Georges devient ainsi « Georges Elissein » dans le roman et Lucie Ethis, « Edmée Le Courtil ».


Fig. 3 : Comparaison des noms présentée par Albert Bataille, avocat du Figaro, dans sa plaidoirie à la Cour de Paris (Revue des grands procès contemporains, Paris, A. Chevalier-Marescq et Cie, t. XVI, 1898, p. 674 ; source : Gallica / BnF). On notera que les noms des acteurs réels sont réduits à leur seule initiale dans la transcription des débats judiciaires, par respect de la vie privée.

Les magistrats expliquent que la transformation des noms opérée par le romancier est transparente, notamment parce que le patronyme du jeune homme réel – « Georges » – devient le prénom du héros de fiction. On reproche aussi à Chaperon d’avoir caractérisé ses personnages en reprenant exactement l’âge et la condition sociale des acteurs réels, de même que la composition de leur famille. Magistrats et journalistes soulignent en cœur que si l’on ne saurait empêcher les romanciers de s’approprier un fait vécu pour le transposer en littérature, ce geste impliquerait, pour être acceptable, une anonymisation obligée45.

Cependant, un second point de comparaison est, pour les magistrats, plus parlant encore que l’onomastique : il s’agit de l’anecdotisation46 romanesque, procédé qui contribue à la fixation stéréotypée et à la circulation du biographème, et qui, à nos yeux, situe le roman de Chaperon dans la droite ligne de la chronique d’Albert Bataille. En effet, Chaperon reprend des motifs précis de la chronique judiciaire du Figaro, tels que les circonstances spécifiques et le dénouement de l’incident (une chaise qui tombe et révèle la présence du jeune homme sur les lieux, le coup de feu tiré sur celui-ci, etc.), les détails du récit sentimental ayant précédé l’incident (comme les bouquets de fleurs déposés sur les bancs du parc par le jeune jardinier, l’ardent désir de ce dernier de voir la jeune fille et sa jalousie à l’égard d’un collégien en visite, qui porte, dans le roman une « veste trop courte47 »). « Ce détail est piquant », affirme le substitut, avant de rappeler que dans la chronique, Alfred Georges devient jaloux d’un « collégien “aux manches trop courtes48” ». Le même magistrat mentionne aussi la reprise, par Chaperon, de la citation « Je l’aime ! je l’aime !49 », déjà donnée, nous l’avons vu, dans le fait divers du Journal des débats et la chronique d’Albert Bataille.

Dans l’ensemble, les magistrats – hormis l’avocat de Chaperon lui-même – s’emploient à mettre en relief la précision des détails que le romancier aurait repris de la chronique judiciaire. Chaperon ne gomme que légèrement les faits, affirme-t-on, de sorte que l’identification des personnages romanesques aux acteurs du fait divers est évidente. Plus encore, le substitut, qui présente ses conclusions, fait mine d’être dérouté par la parenté entre le roman et la chronique judiciaire : « Au point où j’en suis, Messieurs, la confusion des textes est telle dans mon esprit, que je ne sais plus si je vais continuer l’analyse du roman ou reprendre les faits de la chronique judiciaire50 », affirme-t-il, peu avant de conclure que Chaperon a fait ses personnages « identiques » aux acteurs réels, en les marquant de « signes particuliers51 ».

Ce commentaire judiciaire et médiatique du roman appelle deux remarques. Il faut noter, en premier lieu, l’insistance sur l’idée de « détail », de « signes particuliers », en somme sur la grande précision avec laquelle le roman reproduirait le réel. Ce discours est étroitement lié aux commentaires sur le genre de l’œuvre, décrite en cour comme un « roman de mœurs52 », un roman contenant des détails « réalistes53 ». De même, dans un recueil de jurisprudence, le commentaire de l’affaire Chaperon entraîne le juriste Edmond Meynial à réfléchir au roman contemporain :

Le souci du trait individuel, du détail insignifiant qui nous paraît donner la vie au personnage, pousse la littérature vers la photographie exacte du milieu où se meut le héros, vers la reproduction plus estompée, plus nuancée des particularités physiques ou morales du héros, presque des anomalies pathologiques, qui s’éloignent davantage de la passion abstraite et mathématique […]54.

Le roman de mœurs préfèrerait la « tranche de vie », la « réalité concrète et individuelle », à la mise en scène de « types 55». Pour ces commentateurs, le procès Chaperon est l’une des manifestations d’une forme assez neuve de mise en procès de la littérature, à la fin du XIXe siècle, qui serait liée à l’essor de ce que Jean Bosc, en 1908, nomme la « littérature d’observation56 ».

Si c’était le principe du roman de mœurs que d’emprunter au réel, il aurait pour devoir d’invisibiliser cet emprunt ; faute de l’avoir fait, Chaperon est condamné, par la mise en évidence des détails prélevés dans la chronique. L’insistance sur la notion de détail, c’est-à-dire la valeur heuristique et argumentative que le repérage des détails vécus acquiert dans les débats, n’est pas sans rappeler le paradigme indiciaire de Carlo Ginzburg. Celui-ci désigne par là un « modèle épistémologique57 » émergent dans les sciences humaines à la fin du XIXe siècle, modèle illustré par la « méthode morellienne ». Cette méthode vise à déterminer l’authenticité d’une œuvre picturale grâce à « l’examen des détails les plus négligeables où l’influence des caractéristiques de l’école à laquelle le peintre appartenait est moins marquée58 », comme la forme des lobes des oreilles, des ongles ou des doigts. Ginzburg établit des liens entre la méthode morellienne et d’autres champs du savoir, comme l’enquête policière, qui reposent pareillement sur une sémiotique de l’indice.

Or, on ne peut qu’être frappés par la mise en œuvre d’une telle sémiotique de l’indice dans le procès Chaperon. Les magistrats, comme nous l’avons montré, recherchent la signature du réel dans le roman à travers les caractéristiques des personnages (âge, statut social, famille), l’onomastique et les micro-événements narratifs – c’est-à-dire ceux qui sont de l’ordre de ce que Roland Barthes nommait les « fonctions » ou les unités, mêmes les plus petites, qui déterminent des enchaînements narratifs59, par exemple, en l’occurrence, la chaise tomba et révéla l’intrus. Ces indices jouent le rôle d’arguments judiciaires. En ce sens, la genèse de la notion de biographème proposée par Barthes, en ce qu’elle se définit par l’idée de fragment, de « détails », d’« inflexions60 », est peut-être – avançons du moins l’hypothèse – indissociable d’un certain contexte historique, celui, précisément, où l’indice devient primordial, où la littérature scrute le « trait individuel », à partir de cette seconde moitié du XIXe siècle où, dans le creuset de la culture médiatique, prennent forme de nouvelles écritures du « vécu » dont on cherche comment repérer le soubassement réel. L’identité du biographème, en tant que fragment de récit de vie en circulation, résiderait dans ses plus infimes détails – c’est en tout cas la conception historique que l’on peut tirer du discours sur le procès Chaperon, et il nous semble que la définition de Barthes s’inscrit dans la continuité historique d’une telle conception, en postulant qu’il reste quelque chose d’une personne réelle dans les « inflexions » les plus infimes tirées de sa vie.

En second lieu, il faut souligner que magistrats et journalistes ne discutent jamais le fait qu’Albert Bataille a, le premier, donné une grande visibilité à la vie privée des acteurs de l’incident de Dampierre en narrant les motifs qui composeront la trame du roman. Aucune accusation de publicité néfaste ne vise la chronique, ce qui peut paraître curieux au lecteur d’aujourd’hui. Plus encore, dans une sorte de transparence aux événements rapportés, la chronique est traitée non comme un récit, mais comme une restitution exacte de la « donnée du drame » en référence à laquelle on examine la part de fiction ajoutée par le romancier. Pourtant, comme nous l’avons vu, la chronique judiciaire contribue à fixer les personnages en types et à scénariser la trame sentimentale et, par sa diffusion, elle constitue certainement, bien plus que les premiers faits divers, la véritable matrice du biographème romanesque.

Si personne ne remet en question le droit du chroniqueur à narrer les faits réels, c’est que, rappelle l’avocat de Chaperon en appel, « [l]a publicité des débats judiciaires a été regardée comme une conquête de [la] société moderne61 ». Il semble entendu que le « compte rendu fidèle fait de bonne foi62 » présente un caractère factuel et utile qui accorderait à son auteur un droit narratif sur l’événement initial. Dans les faits, le compte rendu judiciaire bénéficie d’une exception, en vertu de l’article 41 de la loi de 1881 sur la liberté de presse, qui fixe les limites du droit des journalistes à évoquer la vie privée. Cette exception semble avoir aveuglé les magistrats quant à la mise en récit opérée par Bataille. Lors du procès en appel, Albert Bataille, loin d’être inquiété, agit même comme avocat du Figaro. Significativement, sa plaidoirie cite des biographèmes antérieurs à sa propre chronique et même aux premiers faits divers parus dans la presse, c’est-à-dire des extraits des procès-verbaux de gendarmerie établis à la suite de l’arrestation d’Alfred Georges, en octobre 1891, et des interrogatoires et dépositions du procès que subit ensuite le jeune homme63. Bataille convoque ces textes, semble-t-il, pour mieux affirmer l’identité entre le roman de Chaperon et l’incident de 1891, mais peut-être aussi pour faire oublier le rôle essentiel de médiation qu’a joué sa propre chronique, en tant que relais narratif du biographème.

Sans que cela ne soit explicité par Bataille, ces biographèmes antérieurs viennent absoudre en partie le chroniqueur, qui aurait été fidèle aux faits, puisqu’il s’avère qu’on retrouve déjà, dans ces pièces rédigées par les gendarmes et les magistrats, sinon l’intertexte du sonnet d’Arvers, du moins la majorité des motifs repris par la chronique – des bouquets déposés sur les bancs du parc aux fameuses paroles « je l’aime, je l’aime » –, à la différence que le chroniqueur a jugé bon d’ajouter un peu d’expressivité à la transcription des gendarmes, en agrémentant cette déclaration enflammée de points d’exclamation64.

Prolifération déformante des biographèmes (1896-1934)

La circulation du biographème qui nous occupe a été nettement favorisée par les deux procès impliquant Philippe Chaperon. En ce sens, l’affaire Chaperon et ses échos médiatiques mettent en lumière la « capacité [des biographèmes] à additionner, à finir par composer des formes de vies imaginaires, discontinues et morcelées65 ». Dans ce cas, il s’agit de vies déformées, mouvantes, à la chronologie embrouillée par l’accumulation des versions du biographème, la multiplication des énonciateurs et la fictionnalisation croissante du fait divers initial.

En effet, le procès lui-même a généré une panoplie de nouvelles versions du biographème, pris en charge par une pluralité d’énonciateurs, puisque chaque magistrat résume à son tour la trame romanesque et l’affaire réelle, afin de les comparer. Par cette double mise en discours plusieurs fois réitérée, les motifs et caractéristiques jugés identificatoires sont sans cesse reformulés par les magistrats, qui produisent chacun leur propre récit des faits initiaux, en regard duquel sont lus, en cour, des passages du manuscrit de L’Aumône suprême. Lorsque Me Léon Belin, avocat de la famille Ethis, donne sa propre version de l’affaire, il reprend lui aussi la citation d’Alfred Georges : « De ses lèvres mourantes s’échappent seulement, et cent fois répétés, ces mots : “Je l’aime ! Je l’aime66 ! »  Or, en l’introduisant de la sorte, il appuie le caractère tragique du moment (mis en relief par la synecdoque « de ses lèvres mourantes ») et accentue de façon hyperbolique l’importance des paroles rapportées, en les disant « cent fois répétées ». Chaque nouvelle version des faits est susceptible, semblablement, d’accentuer les plis narratifs du biographème, comme en une sorte d’origami à la chaîne, où les marques identificatoires entre roman et fait divers se feraient de plus en plus prononcées.

De plus, de multiples énonciateurs – c’est-à-dire l’ensemble des magistrats, au nombre de cinq, intervenant dans les deux procès67 – relaient des biographèmes antérieurs et produisent, ce faisant, des emboîtements narratifs qui brouillent la chronologie initiale de production des biographèmes. Par exemple, après avoir donné son propre récit de l’affaire, Me Léon Belin cite l’arrêt de la Cour de Besançon de 1892, qui introduit encore un autre récit de l’incident. Avant Albert Bataille, la Cour mentionnait la « violente passion » d’Alfred Georges pour une demoiselle de « condition sociale […] beaucoup plus élevée que la sienne », le tourment de sa « passion sans issue » et la scène tragique déjà évoquée, dont les paroles « Je l’aime, je l’aime68 ». Un nouveau chaînon narratif, intervenant entre le procès-verbal de gendarmerie et la chronique judiciaire, est ainsi introduit par Me Belin.

Ces emboîtements narratifs, tout comme la comparaison entre les biographèmes factuels et le biographème romancé, entraînent les magistrats à alterner rapidement de ce dernier aux premiers et parfois même à feindre, dans une visée rhétorique – nous l’avons vu –, une difficulté à s’y retrouver entre réalité et fiction. Il n’est pas surprenant, en ce sens, que les journalistes qui ont commenté l’affaire Chaperon aient relayé des versions de l’incident de Dampierre témoignant d’une contamination du biographème initial par la fiction. La circulation du biographème détermine ainsi des erreurs factuelles reproduites plusieurs fois, comme la transformation du jeune jardinier en « serrurier69 » par deux journalistes, dont l’un intitule même son commentaire du procès Chaperon « Le serrurier & la chatelaine70 ». L’erreur a pu provenir du fait qu’à un moment du procès en appel, un témoignage mentionne, de façon confuse, un « serrurier » qu’on avait fait quérir au château le soir de l’incident71. Mais peut-être aussi le rôle de serrurier a-t-il semblé, au journaliste qui, le premier, le mentionne, plus cohérent avec le délit de violation de domicile. Plus encore, peut-être est-ce un renvoi ambigu à l’audace du jeune homme qui force la grille du château et le cœur de la jeune fille… Quoi qu’il en soit, la déformation indique que le biographème initial, désormais quelque peu lointain, a été transformé par la médiation d’une série de discours.

Une autre erreur présente dans les deux articles mentionnant un serrurier témoigne de la contamination du biographème factuel par l’imagination du romancier. En effet, les circonstances de la violation de domicile sont modifiées dans le roman : dans les faits, Alfred Georges escalade le mur d’enceinte du parc puis pénètre dans le château par la porte de la cuisine72. Au contraire, dans le roman, Georges Elissein demeure à l’extérieur du château et tente d’apercevoir la jeune fille derrière les « “fenêtres ouvertes” » du rez-de-chaussée73. Or, dans le récit qu’il fait du fait divers, Georges Duval présente les circonstances romanesques comme étant véritables :

Voici les faits :

[…]

Le jeune serrurier […] n’a plus qu’une idée, revoir une dernière fois la fenêtre de la belle insensible et peut-être derrière cette fenêtre le profil de la bien aimée. Il pénètre dans le parc, tout comme un héros de Feuillet74 et stationne des heures, perdu dans un rêve de désespérance et d’amour. Sur ces entrefaites, arrivent des domestiques ou des gardes, la distinction est de maigre importance.

Si le jeune serrurier s’était muni d’une guitare, son état social de soupirant était établi et il en était vraisemblablement quitte pour une remontrance. Mais l’imprudent n’avait pas même de mandoline. On le prend pour un vulgaire filou – Cupidon, voilà bien de tes coups ! – on lui envoie un coup de fusil, il tombe, et le tribunal correctionnel lui inflige une amende 75.

Dans L’Estafette, on précise, en une variation du même motif, qu’Alfred Georges avait « longtemps chanté des sérénades sous les fenêtres de la belle châtelaine76 ». Dans le roman de Chaperon, le motif sentimental de la fenêtre par laquelle le jeune homme tente d’apercevoir l’objet de son amour exacerbe l’importance initiale accordée au regard d’Alfred Georges dans le récit du fait divers donné par Albert Bataille. C’est peut-être pour cette raison, se conformant eux aussi, après Bataille et Chaperon, à un imaginaire sentimental codifié et stéréotypé, que des journalistes reprennent le motif de la vision par la fenêtre, l’agrémentant au passage de sérénades, pour l’insérer, de façon erronée, dans le récit du drame réel. Du fait de cette transformation qui fait circuler un biographème déformé, où le détail romanesque l’emporte sur les circonstances premières, le récit journalistique semble aller tout à fait à l’encontre de l’objet même du procès, qui est de faire la part du réel et de la fiction, voire de garantir le réel contre la fiction.

La vie des biographèmes est ainsi faite d’oscillations subtiles, où le fil rouge de la « réalité » parfois s’estompe ou se transforme. Mais parfois encore, des filons s’en maintiennent avec une étonnante persistance, comme dans une chronique de 193277. Publié dans l’hebdomadaire Candide 35 ans après l’affaire Chaperon, ce nouveau récit de l’incident de Dampierre ne fait, assez curieusement, aucune allusion au procès entre le romancier et Le Figaro. Le journaliste, Pierre Varillon, se contente d’y raconter le biographème initial, en amplifiant son caractère sentimental. La distance temporelle gomme le devoir de discrétion : Varillon restitue les noms des acteurs réels, qui étaient réduits à des initiales dans les comptes rendus judiciaires. Il crée un effet d’intimité, en désignant le jeune homme et la jeune fille par leurs prénoms, « Alfred » et « Lucie ». Il brode sur les faits et amplifie le biographème dans la direction inverse de Chaperon, en remontant à la petite enfance d’Alfred, en évoquant les regards tôt échangés avec la « fillette », le caractère idéalisé de l’amour du jeune jardinier, les obstacles qu’on lui imposa. En dépit des inventions qu’il s’autorise, il est assez savoureux que dans cet ultime biographème, Varillon mentionne encore ces mots prononcés par le jeune « Roméo jardinier » : « Je l’aime ! Je l’aime78 ». La citation, qui constitue peut-être le seul détail invariablement réitéré de cette histoire vécue, du procès-verbal de gendarmerie jusqu’à la chronique de 1932, vient comme signifier la persistance de certaines bribes du « réel », à condition que celui-ci soit assez romanesque pour imposer son récit.


Notes

1 Laetitia Gonon, Le Fait divers criminel dans la presse quotidienne française du XIXe siècle, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2012, p. 17.

2 Le terme est employé à diverses reprises dans le corpus à l’étude, par exemple : « Attendu qu’un roman de mœurs, par cela seul qu’il repose sur un fait vécu et reproduit des scènes de la vie réelle […] » (Chaperon contre Le Figaro, Tribunal civil de la Seine, 5chambre, extrait du jugement du 28 janvier 1896, cité dans [s. a.], « Le roman et la réalité. Le droit de l’écrivain », compte rendu des audiences de la Cour de Paris (18, 25 novembre et 2 décembre 1897) et du Tribunal civil de la Seine (14, 21, 28 janvier 1896), Revue des grands procès contemporains, Paris, A. Chevalier-Marescq et Cie, t. XVI, 1898, p. 658. Nous soulignons.) Au sens de « qui s’est passé réellement », l’adjectif « vécu », par exemple dans l’expression « roman vécu », constitue alors un néologisme, selon Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, t. 15, Paris, 1866-1877, p. 822.

3 L’ensemble des biographèmes repérés grâce à une recherche de mots-clés dans les collections numérisées de la Bibliothèque nationale de France constitue un corpus d’une vingtaine de sources. Elles ont paru entre 1891 et 1934 dans des journaux d’information de Paris et de la province, de même que dans la presse judiciaire et, dans une moindre mesure, dans des revues et hebdomadaires.

4 Olivier Bara, Pierre-Carl Langlais et Marie-Ève Thérenty, « Sand-Bocage, la fabrique médiatique du récit de vie », séminaire Numapresse, 22 mars 2021, URL : http://www.numapresse.org/2021/03/29/la-fabrique-mediatique-des-recits-de-vie-sand-et-bocage-22-mars-2021-replay-du-seminaire/ (dernière consultation le 14 mars 2025).

5 [s. a.]., « Faits divers. Un coup de revolver », La Justice, 8 octobre 1891, p. 3.

6 [s. a.], « Nouvelles diverses », Journal des débats politiques et littéraires, 11 octobre 1891, p. 3.

7 Ibid., p. 3.

8 Ibid., p. 3.

9 Albert Bataille, « Gazette des tribunaux. Cour d’appel de Besançon : le sonnet d’Arvers », Le Figaro, 26 avril 1892, p. 3. 

10 Ibid., p. 2-3. Cet article est repris en volume la même année (Albert Bataille, Causes criminelles et mondaines, Paris, E. Dentu, 1892, p. 147-150). Nous citons l’article du Figaro.

11 Albert Bataille, « Gazette des tribunaux. Cour d’appel de Besançon : le sonnet d’Arvers », Le Figaro, 26 avril 1892, p. 2.

12 Ibid., p. 3.

13 Ibid., p. 2.

14 Ibid., p. 2.

15 Ibid., p. 3.

16 Ibid., p. 3.

17 Ibid., p. 2.

18 Ibid., p. 3.

19 Ibid., p. 3.

20 Ibid., p. 3.

21 Olivier Bara, Pierre-Carl Langlais et Marie-Ève Thérenty, « Sand-Bocage, la fabrique médiatique du récit de vie », loc. cit.

22 Félix Arvers, « Sonnet », Mes heures perdues. Poésies, Paris, Fournier Jeune, 1833, p. 71-72.

23 Ibid., p. 71-72.

24 Ma vie a son secret. Sonnet de Félix Arvers, musique de Georges Bizet, Paris, G. Hartmann, 1868.

25 Albert Bataille, « Gazette des tribunaux. Cour d’appel de Besançon : le sonnet d’Arvers », Le Figaro, 26 avril 1892, p. 3, ainsi que pour la citation précédente.

26 Ibid., p. 3.

27 Ibid., p. 3, ainsi que pour la citation précédente.

28 Ibid., p. 3.

29 Olivier Bara, Pierre-Carl Langlais et Marie-Ève Thérenty, « Sand-Bocage, la fabrique médiatique du récit de vie », loc. cit.

30 Intérim., « Gazette des tribunaux. Cour d’appel : Les romanciers et la vie », Le Figaro, 27 décembre 1897, p. 4. Nous soulignons.

31 Collaborations journalistiques mentionnées dans A. de Gubernatis, « Chaperon (Philippe) », Dictionnaire international des écrivains du jour, t. 1, Florence, L. Niccolai, 1888-1891, p. 590.

32 Un scandale, Paris, Barbré, 1879.

33 Nouvelles parisiennes, Paris, Charavay frères, 1883 ; Histoires tragiques et contes gais, Paris, Lemerre, 1884.

34 Notamment Mademoiselle Vermont, mœurs parisiennes, Paris, Lemerre, 1885 ; Argine Lamiral, Paris, Lemerre, 1886 ; Bon repos, Paris, Lemerre, 1887 ; Justice humaine, Paris, Lemerre, 1889 ; Daniel Servan, Paris, Lemerre, 1890 ; Misères de cœur, Paris, Lemerre, 1891 ; La Possédée, Paris, Lemerre, 1893.

35 Mentionné par Jean Bosc, « Le roman devant les tribunaux », Revue du Midi, 15 janvier 1908, p. 17. Par ailleurs, Jean-Michel Rodes a étudié la transposition ultérieure de l’affaire Francey en une émission télévisuelle dramatique diffusée en 1967 dans la série En votre âme et conscience (1rechaîne de l’ORTF). Il décrit comment le scénario de l’émission témoigne d’un double travail de reprise et de modification du compte rendu du procès Francey paru dans La Gazette des Tribunaux (27-28 mars 1885). Cette étude ne mentionne toutefois pas le travail préalable de fictionnalisation opéré par le roman de Philippe Chaperon (Jean-Michel Rodes, « Deux affaires Francey. Le juge et le scénariste », dans Loïc Cadiet, Frédéric Chauvaud, Claude Gauvard, Pauline Schmitt Pantel et Myriam Tsikounas (dir.), Figures de femmes criminelles de l’Antiquité à nos jours, Paris, Éditions de la Sorbonne, coll. « Homme et société », no 35, 2010, p. 145-159).

36 [s. a.], « Le roman et la réalité. Le droit de l’écrivain », art. cit., p. 652.

37 Ibid., p. 641.

38 « Cour d’appel de Paris (4e ch.). Présidence de M. Dupont. Audience publique du 2 décembre 1897 », Recueil de la Gazette des tribunaux : journal de jurisprudence et des débats judiciaires, 1er janvier 1898, p. 65.

39 Ibid., p. 66.

40 Ibid., p. 66.

41 Intérim., « Gazette des tribunaux. Cour d’appel : Les romanciers et la vie », art. cit., p. 4.

42 Ibid., p. 4.

43 [s. a.], « Portraits à clé », L’Estafette, 31 décembre 1897, p. 2, de même que pour la citation précédente.

44 [s. a.], « Le roman et la réalité. Le droit de l’écrivain », art. cit., p. 658.

45 L’argument se trouve dans le discours de presse issu du procès comme dans la plaidoirie de l’avocat de la famille Ethis, qui affirme à la Cour de Paris : « Un premier point certain, c’est qu’un écrivain en s’emparant d’un fait vécu doit s’abstenir de désigner clairement les personnes qui y ont été mêlées ; elles ont droit au secret de leur vie privée ; sous aucun prétexte un écrivain n’a le droit de les livrer à la publicité sans leur autorisation. » ([s. a.], « Le roman et la réalité. Le droit de l’écrivain », art. cit., p. 698)

46 À nouveau, nous reprenons ici l’un des procédés définis dans Olivier Bara, Pierre-Carl Langlais et Marie-Ève Thérenty, « Sand-Bocage, la fabrique médiatique du récit de vie », loc. cit.

47 [s. a.], « Le roman et la réalité. Le droit de l’écrivain », art. cit., p. 647.

48 Ibid., p. 647.

49 Ibid., p. 648.

50 Ibid., p. 647.

51 Ibid., p. 649.

52 Ibid., p. 658. Il en va de même dans Edmond Meynial, « Jurisprudence étrangère. Trib. Fédéral Suisse, 2 février 1895. Responsabilité, diffamation, romancier, cause criminelle, œuvre d’art, atteinte à la considération, préjudice », Recueil général des lois et des arrêts, 1er janvier 1897, p. 9. Dans L’Estafette, Chaperon est rangé parmi « les écrivains qui se sont donné la tâche de peindre nos mœurs et nos usages » ([s. a.], « Portraits à clé », art. cit., p. 2).

53 [s. a.], « Le roman et la réalité. Le droit de l’écrivain », art. cit., p. 657.

54 Edmond Meynial, « Jurisprudence étrangère. Trib. Fédéral Suisse, 2 février 1895. Responsabilité, diffamation, romancier, cause criminelle, œuvre d’art, atteinte à la considération, préjudice », art. cit., p. 10. Nous soulignons.

55 Jean Bosc, « Le roman devant les tribunaux », Revue du Midi, 15 janvier 1908, p. 9, de même que pour les deux citations précédentes. Cet article est un commentaire et une compilation de procès littéraires aux enjeux variés, parmi lesquels figure l’affaire Chaperon.

56 Jean Bosc, « Le roman devant les tribunaux », Revue du Midi, 15 février 1908, p. 87.

57 Carlo Ginzburg, « Traces, pistes. Racines d’un paradigme de l'indice », Le Débat, n° 6, 1980, p. 3.

58 Ibid., p. 4.

59 Roland Barthes, « Introduction à l’analyse structurale des récits », Communications, no 8, 1966, p. 8-9.

60 Ce sont les mots qu’emploie le critique : Roland Barthes, préface à « Sade, Fourier, Loyola », dans Œuvres complètes, t. III, 1974-1980, éd. É. Marty, Paris, Le Seuil, 1995, p. 706.

61 [s. a.], « Le roman et la réalité. Le droit de l’écrivain », art. cit., p. 715.

62 « Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse », article 41, Légifrance [En ligne], consulté le 7 janvier 2023, URL : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006070722.

63 [s. a.], « Le roman et la réalité. Le droit de l’écrivain », art. cit., p. 674.

64 En effet, le procès-verbal de gendarmerie cité par Bataille lors de sa plaidoirie devant la Cour de Paris contient cette forme : « Interrogé, le nommé G… n’a pu nous répondre que ces mots : “Je l’aime, je l’aime.” » (ibid., p. 674), sans les points d’exclamation figurant dans la chronique de Bataille déjà citée. On notera qu’avant Bataille, le fait divers du Journal des débats politiques et littéraires ([s. a.], « Nouvelles diverses », art. cit.) ajoutait lui aussi des points d’exclamation à cette citation.

65 Marie-Ève Thérenty, dans Olivier Bara, Pierre-Carl Langlais et Marie-Ève Thérenty, « Sand-Bocage, la fabrique médiatique du récit de vie », loc. cit.

66 [s. a.], « Le roman et la réalité. Le droit de l’écrivain », art. cit., p. 690.

67 La Revue des grands procès contemporains rend compte des plaidoiries des avocats Albert Bataille, Léon Belin et Robinet de Cléry en appel, de même que des conclusions du substitut Rome en première instance, et de l’avocat général Mérillon, en appel. Les plaidoiries des avocats en première instance ne sont toutefois pas rapportées.

68 [s. a.], « Le roman et la réalité. Le droit de l’écrivain », art. cit., p. 691-692.

69 Alfred Georges est en effet qualifié d’« apprenti serrurier » (Intérim., « Gazette des tribunaux. Cour d’appel : Les romanciers et la vie », art. cit., p. 4) et de « jeune serrurier » (Georges Duval, « Le serrurier & la châtelaine », L’Événement, 28 décembre 1897, p. 1).

70 George Duval, « Le serrurier & la châtelaine », art. cit., p. 1.

71 [s. a.], « Le roman et la réalité. Le droit de l’écrivain », art. cit., p. 675.

72 Le procès-verbal de gendarmerie et les pièces du procès de 1892 décrivent ces circonstances. Ibid., p. 676.

73 Ibid., p. 648 et p. 691.

74 Georges Duval pense probablement ici au Roman d’un jeune homme pauvre d’Octave Feuillet (1858), relatant l’amour d’un aristocrate ruiné, devenu intendant, pour une jeune héritière.

75 Georges Duval, « Le serrurier & la châtelaine », art. cit., p. 1.

76 [s. a.], « Portraits à clé », art. cit., p. 2.

77 Pierre Varillon, « L’âge d’aimer. Roméo jardinier devant les juges », Candide, 15 novembre 1934, p. 9.

78 Ibid., p. 9.

Pour citer ce document

Mélodie Simard-Houde, « « Le serrurier et la châtelaine » ou le « vécu » au cœur d’un procès littéraire», La fabrique des récits de vie. Circulation des biographèmes de Vapereau à Wikipédia, sous la direction d'Olivier Bara, Marceau Levin et Marie-Ève Thérenty Médias 19 [En ligne], Dossier publié en 2025, Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/la-fabrique-des-recits-de-vie-circulation-des-biographemes-de-vapereau-wikipedia/le-serrurier-et-la-chatelaine-ou-le-vecu-au-coeur-dun-proces-litteraire