La fabrique des récits de vie. Circulation des biographèmes de Vapereau à Wikipédia

Les vies imaginaires d’Ann Radcliffe: la romancière de la terreur dans la culture médiatique française

Table des matières

FILIPPOS KATSANOS

Autrice vedette de romans gothiques de la fin du xviiie siècle, Ann Radcliffe fait figure de paradoxe dans une période où commencent déjà à se profiler des phénomènes littéraires de vedettariat qui connaîtront leur véritable essor avec le développement de la presse au siècle suivant. Ce paradoxe tient en la contradiction entre son positionnement comme autrice dans le marché éditorial de son époque où plus de 80 % des romans sont publiés anonymement ou sous pseudonyme1, et sa volonté de contenir la demande de médiatisation autour de sa personne créée par le succès de ses œuvres.

Si elle ne signe pas ses trois premiers romans, son nom commence à apparaître sur les pages de titre dès la deuxième édition de La Romance de la forêt, en 1792, et surtout après le début de sa collaboration avec l’éditeur radical George Robinson qui accepte de lui céder, comme l’a abondamment commenté la presse, la somme de 500 £ pour Les Mystères d’Udolphe publié deux ans plus tard. La popularité grandissante de ses œuvres, fait rapidement d’elle la « créatrice du genre sombre et terrible » du roman gothique, « non seulement dans sa patrie, mais dans toute l’Europe2 » comme le soulignent souvent les notices biographiques qui lui sont consacrées. Le nom d’Ann Radcliffe devient ainsi rapidement un véritable argument publicitaire : éditions pirates, fausses attributions, imitations, pseudo-traductions fleurissent partout. En France, entre 1799 et 1830, on ne recense pas moins de neuf supercheries littéraires usurpant le nom de la romancière britannique3 et cela sans compter tous les romans qui se revendiquent écrits « d’après Ann Radcliffe ».

Si le public voue un véritable culte à l’écrivaine britannique, celle-ci n’est néanmoins rien de plus qu’un nom sur une page de titre. Son succès n’est aucunement corrélé à l’exposition médiatique de sa personne et nous sommes encore loin des proportions que prend, au xixe siècle, le vedettariat littéraire des romanciers populaires comme Sue, Hugo ou Zola4. Cela est dû non seulement à l’état du système médiatique de l’époque mais aussi en partie au choix de l’écrivaine de fuir constamment le public, ce qui la conduit au silence après la parution de son roman L’Italien en 1796. Sa disparition brutale de la scène littéraire donne même alors libre cours à toutes sortes de spéculations concernant sa mort. L’auteur de La Nuit Anglaise semble, par exemple, dès 1799 croire à sa mort mais les rumeurs s’intensifient en février 1809 avec la mort de sa belle-mère, Déborah Radcliffe, événement créant une véritable confusion, la presse annonçant de façon erronée, la mort de la belle-fille qui ne surviendra que bien ultérieurement, en février 1823.

Quant à ses nombreux biographes, ils ne cessent d’insister sur le défaut d’informations concernant la vie de l’autrice ce qui rend leur tâche impossible. Pour Walter Scott, « la vie de mistress Ann Radcliffe, passée à l’ombre de l’intimité domestique et dans un échange continuel d’affections de famille, paraît avoir été aussi obscure et retirée que la réputation de ses ouvrages a été brillante et universelle5 ». De la même façon, la presse anglaise confirmait qu’« on ne savait rien d’elle si ce n’est son nom sur la page de titre de ses romans6 », tandis qu’un bibliographe français exprimait, à son tour, son désarroi : « les journaux anglais, en donnant l’avis de sa mort, n’y joignent aucun détail sur sa vie : rien n’a été publié sur elle, même en Angleterre7 ».

Circulations d’un biographème

Ce déficit d’éléments biographiques a rapidement laissé place à la circulation internationale de rumeurs qui ont construit la légende de l’écrivaine comme une femme folle, victime d’hallucinations générées par son imagination malade. C’est pour les combattre que la publication à titre posthume du roman Gaston de Blondeville, s’est accompagnée d’une biographie de l’écrivaine visant à préserver sa réputation. Non seulement Ann Radcliffe aurait conservé sa raison durant toute sa vie mais sa mort, avis du médecin à l’appui, serait la conséquence d’une crise d’asthme et non d’un quelconque état délirant aigu8. Toutefois, comme l’a montré la recherche actuelle, cette biographie écrite sous l’étroite surveillance du mari qui a voulu réhabiliter la réputation de sa femme, n’est sans doute pas entièrement fiable. Rictor Norton, dernier biographe de la romancière, constate que plusieurs éléments, dès 1809, confirment que l’autrice aurait succombé à un état dépressif, certes profond, mais sans doute pas suffisamment pour qu’il puisse gravement compromettre sa santé psychique9.

Quel que soit le degré de vérité de cette rumeur, elle n’a pas moins constitué le biographème central autour duquel s’est construite la réputation mondiale de l’écrivaine. En Angleterre, sa circulation est importante et s’intensifie en 1809 avec la publication des lettres d’Élizabeth Spence faisant état de la « profonde et incurable mélancolie10 » de l’autrice ou, un an plus tard, avec celle des poèmes de Wheelwright qui la représentent, dans le cadre d’une allégorie, en train de se libérer de l’emprise de la Folie pour ensuite tomber dans l’étreinte de la Mort11. Walter Scott en écrivant sa biographie avoue lui-même avoir été pendant un certain temps la crédule victime de ces rumeurs qui prétendaient que « l’autrice des Mystères d’Udolphe n’avait d’existence que comme pensionnaire d’une maison de fous12 ». En France, l’évocation de la folie d’Ann Radcliffe circule également dans la presse comme dans les ouvrages encyclopédiques même si elle est souvent traitée avec plus de circonspection. Tantôt les auteurs assument la vérité de cette rumeur ou l’invalident, tantôt ils choisissent de suspendre leur jugement :

On a dit qu’Anne Radcliffe avait la terreur dans son cœur et dans son esprit ; en effet, comme la Pythonisse sur le trépied sacré, Anne Radcliffe paraît plutôt, en écrivant, céder à la puissance d'une imagination en délire, qu’aux règles de l’art par lequel elle doit s’efforcer de plaire13.

Mme Anne Radcliffe est morte à Londres en 1823. On a affirmé qu’elle avait été frappée de démence aux dernières années de sa vie ; et que les spectres nés de sa fantaisie, – et auxquels elle croyait, – avaient dérangé sa raison. Nous n’affirmerons pas la vérité de ce bruit14.

Elle avait trente-trois ans lorsqu’elle se condamna au silence. On a prétendu depuis qu’elle avait perdu la raison et qu’elle mourut dans une maison d’aliénés. Ces faits sont entièrement faux15.

La prégnance de ce biographème assumé ou non est à interroger. On peut certes considérer qu’en l’absence de visage public de l’écrivaine, les discours sociaux ont procédé à une superposition de la vie et de son œuvre. C’est ce processus que résumait Joseph Méry dans un conte parodique en remarquant qu’Ann Radcliffe, « pour se livrer en conscience à l’étude du genre qu'elle exploitait, elle s’était retirée à l’écart, et se faisait une vie conforme à sa vocation d’auteur infernal16 ». C’est, de façon paradoxale, l’œuvre de l’auteur qui dicte a posteriori sa vie et dont la poétique sert à construire le biographème dominant.

Au centre des romans d’Ann Radcliffe, se trouve souvent une jeune fille, proie de son tuteur, enfermée dans une architecture aussi labyrinthique qu’hostile ; son imagination excitée par l’aspect de ce décor et par l’angoisse qu’elle éprouve constamment, lui fait perdre la raison en l’incitant à croire à la présence de fantômes et autres chimères terrifiantes. C’est cette considération des personnages comme des doubles de l’autrice qui inciterait à faire de la perte de la raison, le biographème central de la vie d’Ann Radcliffe. À ceci près que ce raisonnement est réducteur puisque l’écrivaine fait partie de la veine rationaliste protestante du « fantastique expliqué » comme le rappelait une bonne partie de la critique contemporaine17 ainsi que des ouvrages critiques récents18 : la perte de la raison n’est que momentanée et toujours résorbée par une explication rationnelle de toutes les horreurs qui paraissaient surnaturelles. La superposition de l’auteur et de l’œuvre ne semble donc pas être un facteur suffisant d’explication de la prégnance de ce biographème.

La large diffusion de celui-ci s’explique sans doute également par le fait qu’il rentre en résonance avec tous les imaginaires misogynes de l’époque qui représentaient les femmes écrivaines comme des êtres monstrueux. Cela revient à dire que la folie de Radcliffe, souvent présentée comme le fruit de son travail d’écrivaine, serait autant un biographème qu’un « socio-graphème » puisqu’elle cristallise tous les clichés présents dans les discours sociaux hégémoniques à propos des femmes qui tentaient de trouver leur place dans un champ identifié comme masculin. D’une certaine façon, Radcliffe est exemplaire du paradigme de « la folle recluse » analysé par Sandra Gilbert et Susan Gubar. Si l’isolement peut parfois relever du choix de la part des femmes autrices du xviiie siècle qui ne veulent pas connaître les affres de la célébrité, la question de leur folie est en revanche un prisme socialement imposé à travers lequel on lit leur vie et leurs œuvres. À l’époque, la lecture et, a fortiori, l’écriture d’œuvres de fiction étaient censées pervertir les femmes en excitant leur sensibilité et leur imagination19. Ces poncifs, véhiculés également par les discours médicaux, ne pouvaient que trouver leur justification en la personne d’Ann Radcliffe prétendument tuée par son imagination déréglée.

Feuilletons bio-parodiques

Que l’on attribue le biographème de la folie d’Anne Radcliffe à une réalité biographique, à un imaginaire social de l’écrivaine ou à un simple effet de lecture de son œuvre, on ne peut que constater qu’il circule de façon récurrente dans la presse. On le retrouve notamment dans les feuilletons déployant cette forme matricielle du rire médiatique qu’est la parodie20. Celle-ci en offrant « un redoublement joyeux du monde représenté par le média » pour reprendre la définition d’Alain Vaillant, se prête particulièrement bien au traitement voire à l’expansion fictionnelle des biographèmes : le mode parodique a besoin du réel pour opérer et ne l’occulte pas mais, en même temps, il déploie un ensemble de procédés de distanciation qui lui permettent de s’en affranchir, ouvrant la voie vers des possibilités infinies en termes de réécriture. Ainsi la folie d’Ann Radcliffe a, par exemple, servi de matrice narrative à deux feuilletons-nouvelles parodiques qui l’abordent de façon contradictoire et qui ont connu une circulation importante, y compris dans la presse anglophone.

Le premier est publié dans La Presse le 25 septembre 1838 et s’intitule « La Visionnaire ». Il est repris par d’autres journaux nationaux21, par de très nombreux titres de presse anglophones22 et, sous le titre « Une Anglaise », dans le recueil Fantaisies scientifiques de Sam (1862) de son auteur, S. Henry Berthoud, qui se spécialise dans la chronique scientifique. Le support de l’écriture est un fait biographique avéré : en été 1794, Ann Radcliffe quitte l’Angleterre en compagnie de son mari et voyage en Allemagne et en Hollande avec le projet de poursuivre son périple à travers la Suisse et la France, sans pour autant y parvenir23. Un voyage d’autant plus important qu’il est au centre de nombreuses rumeurs stipulant que l’autrice, fortement inspirée par son périple, aurait retouché son manuscrit des Mystères d’Udolpheà son retour24. Dans son feuilleton, Berthoud, élabore une fantaisie historique qui nous plonge dans la période tourmentée de la Révolution et dans laquelle apparaissent le révolutionnaire Jean-Lambert Tallien, alors membre du Comité général de sûreté, et son épouse, Mme Tallien. Il imagine ce qui aurait pu se passer si Ann Radcliffe avait réussi à traverser la frontière française. Son but est de remonter aux origines de la folie de l’écrivaine et d’expliquer ainsi la poétique particulière de ses romans gothiques.

Au début du feuilleton, Ann Radcliffe, en quête d’inspiration, tente de traverser la frontière française depuis la Suisse pour aller visiter le château d’Autrey dans lequel sire de Fayel aurait servi à son épouse, Gabrielle de Vergy, le cœur de son amant selon une chronique médiévale célèbre. Personne ne croyant à ce motif, elle est arrêtée, renvoyée vers Paris et emprisonnée dans la cellule de Marie-Antoinette à la Conciergerie. Le décor l’inspire tellement qu’elle commence à rédiger son célèbre roman A Sicilian Romance dont le garde se saisit aussitôt croyant qu’il s’agissait d’un rapport d’espionnage. Tombée dans les mains de Mme Tallien, bonne aristocrate maîtrisant l’Anglais, l’identité de la prisonnière est enfin dévoilée et Ann Radcliffe est libérée. Les deux femmes se lient alors d’amitié et entament une longue discussion jusqu’à ce que minuit sonne. C’est alors que le comportement de la romancière devient de plus en plus étrange et que le feuilleton endosse toutes les rumeurs circulant sur la folie de la romancière :

 

Un frisson parcourut les membres de l’étrangère, son visage se couvrit de pâleur, elle s’interrompit et porta autour d’elle des regards pleins d’effroi et d’égarement. On aurait dit que des fantômes se tenaient devant elle ; elle les suivait des yeux, elle tremblait, elle se cachait la tête sous les mains, et plus d’un quart d’heure s’écroula dans cette étrange agitation.

 

Quand la romancière indique à un certain Henry la porte de sortie, cette crise de démence s’achève par « une crise nerveuse » et de « violentes agitations ». Avant de regagner l’Angleterre, Ann Radcliffe donne la clé d’explication aussi romanesque qu’improbable de cette crise de démence. Dans sa jeunesse, elle est tombée amoureuse du fiancé de sa sœur. Quand sa sœur l’apprend, elle s’empoisonne et leur mère meurt ensuite de chagrin. Suite à ces deux morts, rongée par la culpabilité, Ann renonce à son amour pour Henry et celui-ci meurt à son tour pour devenir le fantôme qui revient hanter son existence quotidiennement à minuit. Le feuilleton s’achève par la réaffirmation de la folie d’Ann Radcliffe dont les romans sont « l’œuvre d’une imagination malade, dévergondée, pleine d’hallucinations et de folie » et qui « se maria en 1807, sans pouvoir, par son mariage, se soustraire aux hallucinations qui la poursuivaient ». Pour appuyer ce propos, le journaliste cite même « le New Monthly Magazine du mois de mai 1823, page 232 » :

 

La littérature anglaise vient de perdre mistress Anne Radcliffe, auteur de plusieurs romans estimés. Sa mort a été accompagnée de singulières visions qui l’avaient poursuivie depuis un événement romanesque de sa jeunesse.

 

Dès lors, la fiction feuilletonesque se présente comme le développement de cet intertexte médiatique britannique. Toutefois, si la référence à cet article est correcte et si celui-ci évoque effectivement la perte de raison de la romancière, la citation en elle-même est entièrement inventée : on n’y fait, dans cet article, nulle mention d’un « événement romanesque de sa jeunesse » qui aurait déclenché sa folie.

Le deuxième feuilleton intitulé « Le Tombeau » est l’œuvre d’un feuilletoniste marseillais, spécialiste du feuilleton-nouvelle, Marie Aycard. Il est publié un mois plus tard dans Le Courrier Français le 26 octobre 1838 et se présente, d’une certaine façon, comme la réfutation de celui d’Henri Berthoud. Il est non seulement repris à la fois par la presse régionale et francophone de l’étranger mais aussi traduit et adapté dans la presse étrangère, notamment américaine et allemande25. Encore une fois, c’est un fait réel qui sert de support à la fiction : en 1799 est publié Le Tombeau présenté comme un « ouvrage posthume d’Ann Radcliffe » par ses traducteurs qui en sont en réalité les auteurs26. Dans son feuilleton, Marie Aycard, fait sortir Ann Radcliffe de sa réserve légendaire pour la confronter aux instigateurs d’une supercherie très semblable.

La romancière britannique y sert de protagoniste dans une histoire brève qui épingle tous les travers de la culture médiatique montante dont deux tout particulièrement : le sensationnalisme d’une presse volontiers affabulatrice et la vénalité des éditeurs et des auteurs. Alors qu’elle a disparu de la scène littéraire et que tout le monde la croit morte, un jeune romancier, Robert Will, et un éditeur londonien, M. Davies, conspirent pour profiter de son succès en usurpant son nom : ils projettent de publier le roman The Grave en le présentant comme un « roman posthume d’Ann Radcliffe ». Mais la romancière se rend aussitôt à Londres, surgit devant le jeune écrivain terrifié qui la prend pour un spectre et jette son manuscrit dans les flammes, mettant fin à cette tentative de supercherie littéraire. La présentation faite d’Ann Radcliffe dans ce feuilleton prend le contrepied des rumeurs circulant sur sa folie : vivant retirée dans un petit village proche de Londres, celle-ci n’a pas seulement toute sa raison mais s’occupe « bourgeoisement à soigner sa basse-cour » et à faire « des succulents puddings » tout en se préoccupant de sa réputation littéraire. La presse et les critiques jaloux de son succès auraient finalement été les seuls à avoir contribué à l’altération de sa santé avec pour seule conséquence le renoncement de celle-ci à sa carrière d’écrivaine :

 

On déversa le ridicule sur la personne d’un auteur qu’on ne connaissait pas, et dès ce moment il n’y eut plus de terme aux suppositions haineuses ni aux calomnies. Mistress Radcliffe, ce bas-bleu, cette sorcière, cette Euménide, cette goule, qui vivait parmi les cadavres, qui buvait du sang dans des vases d’airain, se trouva tout d’un coup ainsi la proie des plus grossiers journalistes de Londres, et ce n’est pas peu de chose dans un pays où la plaisanterie est un dard triangulaire qui laisse du poison sur les trois côtés de la blessure.

 

La célèbre écrivaine n’est donc plus la martyre de son imagination malade qui l’aurait conduite à la folie mais bien celle d’une culture médiatique dominée par un capitalisme prédateur et par une presse œuvrant en dehors de tout cadre déontologique.

En dépit de leurs positionnements contradictoires, ces deux feuilletons-nouvelles sont emblématiques de l’usage du biographème dans le rez-de-chaussée des journaux. Le cadre parodique offre aux journalistes une totale liberté dans sa narrativisation en suspendant tout enjeu portant sur sa valeur de vérité. Que l’on croie à la folie d’Ann Radcliffe ou non, peu importe. S’appuyer sur les rumeurs des discours sociaux pour inventer un fragment de vie de la romancière vue tantôt comme une folle hantée par le fantôme de son amant, tantôt comme une parfaite ménagère ayant toute sa raison et défendant férocement son autorité littéraire, c’est dans les deux cas, une façon de rendre hommage à une figure dont le succès populaire a accompagné l’émergence de l’ère médiatique.

Une biofiction fantastique

Ces processus d’expansion fictionnelle des biographèmes dont nous venons de voir deux exemples deviennent plus complexes au fur et à mesure que le feuilleton bascule de plus en plus du côté de la fiction avec la généralisation progressive du roman-feuilleton. Dans la deuxième moitié du xixe siècle, au cœur d’une culture médiatique désormais triomphante, Ann Radcliffe refait son apparition dans le rez-de-chaussée des journaux français mais cette fois-ci en tant que protagoniste d’un roman-feuilleton : La Ville Vampire de Paul Féval publié du 12 septembre au 26 octobre 1874 dans Le Moniteur Universel. La critique a tout de suite perçu le caractère novateur de cette fiction « pastiche très amusant et très réussi des romans d’Anne Radcliffe » dont l’auteur « a eu l'idée originale de faire intervenir la célèbre authoress elle-même27 ».

Comme le feuilleton-nouvelle d’Henri Berthoud et peut-être en réponse à celui-ci, ce roman s’intéresse également aux origines de l’œuvre de la romancière. L’intrigue repose entièrement sur le biographème de la folie auquel elle donne un aspect bien plus romanesque. Ann Radcliffe serait « sujette à des crises de seconde vue depuis l’âge de neuf ans28 » et ce don serait directement impliqué dans une effrayante aventure qui aurait « tourné l’esprit placide et plutôt gai d’Ann Radcliffe vers le genre terriblement sombre qui caractérise son œuvre ». Dans celle-ci, Ann se trouve immergée dans un univers diégétique qui reprend le schéma narratif typique de ses romans. Le bonheur du couple formé par deux de ses proches amis, Cornelia et Ned, est perturbé par les intrigues du comte Tiberio qui veut s’emparer de l’héritage de la jeune fille. Il la fait enlever par un vampire qui est à son service, puis l’enferme dans un vieux château en espérant qu’un jour elle consente à l’épouser. Ann part à l’aventure pour venir en aide à ses deux amis et fait face à divers événements surnaturels : l’existence des vampires, êtres dotés de « dividualité » pouvant se dupliquer à l’infini et prendre simultanément le contrôle des corps de leurs victimes, un aubergiste sans visage, un chien à figure humaine, d’énormes araignées vertes qui se transforment en êtres humains, les merveilles de Sélène ville morte où le temps est immobile et qui réunit en elle tous les styles architecturaux existants. La fin du roman laisse penser que cette aventure incroyable ne serait que le fruit d’une de ces « crises de seconde vue » dont souffrait la romancière. Ann se réveille dans son lit le jour de son mariage et croit fermement à ce qu’elle a vécu. Toutefois, aucun de ses domestiques ou amis ne se souvient de cette bizarre péripétie à laquelle ils auraient pourtant tous participé.

Les sujets parodiés par ce roman sont multiples et concernent directement l’actualité culturelle de l’époque. Si l’on se place au niveau de l’histoire littéraire, Féval parodie toute une mode de la littérature vampirique déferlant en France dès les années 1820, suite au succès du Vampire de Polidori via ses adaptations françaises29. Si l’on se place au niveau de l’histoire des représentations, Féval propose, sous forme de roman, une physiologie de l’Anglaise dans un contexte de guerre éditoriale entre la France et la Grande-Bretagne. Après avoir assimilé les Britanniques à une nation de pickpockets littéraires30 qui pillent la production romanesque française, la charge contre la perfide Albion se poursuit inlassablement à travers l’élaboration du personnage d’Ann Radcliffe, le type de l’Anglaise aussi prude que chauvine.

Mais la relation parodique la plus intéressante est sans doute celle que ce roman établit avec la critique littéraire qui, dès 1829, promeut la vie de l’écrivain en facteur d’explication majeur de son œuvre, une théorie dont Sainte-Beuve a été le plus célèbre représentant. Pour le critique, il s’agissait, par l’écriture biographique, de « saisir, embrasser et analyser tout l’homme au moment où, par un concours plus ou moins lent ou facile, son génie, son éducation et les circonstances se sont accordés de telle sorte, qu’il ait enfanté son premier chef-d’œuvre31 ».

Or La Ville Vampire donne, par tous les moyens, l’impression de suivre cette méthode et pourrait en ce sens, malgré sa dimension fantastique, être qualifiée de « biofiction » au sens que donnait Alain Buisine à ce terme32. Le récit des aventures de la romancière est enchâssé dans une fiction-cadre qui imite l’enquête biographique et dans laquelle Paul Féval joue le rôle de biographe. Dans celle-ci, c’est Miss Jebb, petite cousine d’Ann Radcliffe désormais vieille dame, qui raconte à l’auteur, la façon dont celle qui n’était pas encore à l’époque mariée et qu’on appelait toujours de son nom patronymique de « Ward », devient la plus grande romancière de la terreur, après sa visite dans la ville des vampires. C’est, comme elle le souligne, lors de cette aventure que l’écrivaine trouve les modèles qui serviront à la création de son chef-d’œuvre, Les Mystères d’Udolphe33 : le château de Montefalcone aurait inspiré le château d’Udolphe, le personnage de Cornelia celui d’Émilie Saint-Aubert, le compte Tiberio celui de Montoni, etc. L’intention parodique travaille cependant à miner ce semblant d’enquête biographique en réduisant l’aventure vampirique, à la fin du roman, au statut de simple rêve, présent uniquement dans l’esprit de la romancière : le modèle de l’œuvre ne serait donc à trouver nulle part ailleurs que dans l’imagination de son auteur.

Ce jeu parodique, typique des poétiques médiatiques, qui consiste à brouiller les codes du récit factuel et fictionnel contribue non seulement à postuler la thèse de l’auto-engendrement de la fiction, irréductible au fait biographique, mais également à l’invention d’une nouvelle forme romanesque. Dans La Ville Vampire le biographème, point de cristallisation entre faits biographiques et imaginaires sociaux, sert de support à un métadiscours qui ne sépare plus « vie et œuvre » mais qui les mêle inextricablement pour rendre simultanément hommage à la personne de l’écrivaine et à sa poétique. Véritable agrégateur de fantasmes collectifs et de lectures critiques de son œuvre, cette fiction se nourrit de toute l’épaisseur historique des représentations de l’écrivaine et de leurs contradictions : tantôt Ann est représentée comme une folle sujette à des crises qui lui font perdre le sens des réalités, tantôt on y vante son rationalisme en insistant sur sa manie de « placer à la fin de ses compositions des pièces justificatives et explicatives34 ».

Il s’agit donc là d’une recette promise à un brillant avenir puisqu’elle fixe les règles d’assimilation des codes du récit de vie par les poétiques romanesques. L’objectif n’est plus tant de raconter fidèlement la vie d’un auteur que de la lire, voire de l’inventer en s’appuyant sur les imaginaires qui lui sont attachés et en s’affranchissant de toute contrainte d’exactitude factuelle. La culture médiatique contemporaine viendra, d’une certaine façon, parachever ce processus.

 

Transfictions d’écrivaines réelles

 

Le roman de Paul Féval resurgit dans l’actualité littéraire en 2018 quand il se trouve réédité sous un nouveau titre, Ann Radcliffe contre les vampires35, calqué sur la traduction française du titre de la célèbre série télévisuelle Buffy contre les vampires. Ce changement n’est pas anodin mais obéit à une stratégie éditoriale typique du système de communication de masse qui « invite à proposer des types de textes immédiatement identifiables36 ». Il permet de replacer le roman de Féval dans une nouvelle filiation générique afin d’en orienter la lecture : il ne s’agit plus d’y voir une parodie de biographie, ni la physiologie d’une Anglaise mais plutôt un roman fantastique d’aventures comme tant d’autres, au sein d’une culture contemporaine offrant une abondance de productions mettant en scène une jeune fille face à des monstres surnaturels.

La réactualisation de ce roman-feuilleton du xixe siècle n’est, en réalité, que la première étape d’un projet éditorial plus vaste. Ann Radcliffe contre Dracula37 est le premier roman original d’une série reprenant l’idée de Féval de faire d’une écrivaine réelle la protagoniste d’un roman fantastique. Mais cette fois-ci les règles d’écriture sont différentes. Le cadre énonciatif de l’enquête biographique existant dans le roman de Féval disparaît complètement au profit d’une narration de facture plus classique à la troisième personne. Ce roman est conçu comme la continuation de celui de Féval puisqu’il en constitue le prolongement sur le plan temporel : à la fin de La Ville Vampire, Ann se préparait à son mariage, tandis qu’au début d’Ann Radcliffe contre Dracula, elle est « tout récemment épouse Radcliffe ». Plusieurs personnages sont également repris à la fiction originelle, qu’il s’agisse du fidèle domestique d’Ann, Grey-Jack, ou d’Otto Göetzi, le vampire que celle-ci avait combattu lors de sa première excursion à Sélène. Quant à l’intrigue du roman, elle se noue autour d’un nouveau personnage emprunté à l’œuvre de Bram Stoker : Dracula. Celui-ci envoie à Ann une invitation à un grand bal organisé en son honneur, auquel elle sera contrainte de se rendre suite à l’enlèvement de son époux.

Dans cette fiction, les biographèmes sont certes présents. La question de la santé mentale de l’écrivaine resurgit à plusieurs reprises, lorsque, par exemple, son mari « sans la traiter de folle » se permettait de bien lui rappeler que si son métier était de raconter des histoires, elle « oubliait parfois qu’elle n’en vivait pas une ». De la même façon la date de juin 1794 qui marque, comme nous l’avons évoqué, l’unique voyage d’Ann Radcliffe en dehors de l’Angleterre est mentionnée dans le roman. Sauf que cette fois-ci, il ne s’agit pas d’un voyage en Hollande et sur la frontière occidentale de l’Allemagne et les bords du Rhin : la fiction fait dériver l’équipage bien plus à l’Est, en Valachie, dans la région des Carpathes. Quant aux autres romans de la série qui vont suivre, ils dialoguent également avec des biographèmes mais leur traitement reste toujours aussi sommaire et conforme à logique interne de la fiction. Le mystère de la disparition brutale d’Ann Radcliffe de la scène littéraire trouve, par exemple, son explication qui ne serait aucunement liée à état dépressif délirant. La romancière dévoile que si elle n’a plus jamais rien publié après L’Italien, c’est parce qu’elle voulait se « consacrer à la lutte contre le Mal » suite à une lettre posthume laissée par Mme Leprince de Beaumont lui indiquant qu’elle aurait un rôle capital à jouer dans ce domaine38. Tous ces biographèmes ne sont présents que sous forme d’allusions et ne jouent aucun véritable rôle dans la construction des intrigues si ce n’est de créer, de façon très superficielle, un effet de réel en rappelant que la protagoniste reste un personnage historique, malgré l’invraisemblance de ses aventures.

L’originalité de ces fictions contemporaines nées du feuilleton de Féval ne réside donc pas tant en leur reprise et développement. Elle consiste avant tout en la création de nouvelles représentations de l’autrice, en la mise en circulation de nouveaux imaginaires. Le plus emblématique d’entre eux qu’on retrouve également dans d’autres productions culturelles, c’est celui de la rencontre contrefactuelle entre écrivaines. Plus ancien, le biopic Becoming Jane (2007) mettait, par exemple, brièvement en scène Ann, romancière déjà reconnue et populaire, en train d’encourager la jeune Jane Austen dans ses entreprises littéraires en lui affirmant qu’il était toujours possible d’être femme et autrice, même si cela avait un coût dans une société où le patriarcat dominait le champ littéraire. Cette rencontre est également présente dans la série de romans inspirée de Féval, intitulée à posteriori La Ligue des écrivaines extraordinaires39 : Ann Radcliffe contre Dracula déjà mentionné est suivi de Mary Shelley contre Frankenstein, de Jane Austen contre le Loup-garou, et, surtout, de Anne Radcliffe, Jane Austen et Mary Shelley contre Carmilla. C’est le dispositif transfictionnel40explicite dans le titre du dernier volume qui permet à Ann Radcliffe, Jane Austen et Mary Shelley dunir leurs forces dans la lutte contre les vampires. Cette rencontre entre les trois écrivaines dont nous n’avons aucune trace relève, naturellement, du fantasme. Elle est d’ailleurs rendue possible par le registre fantastique puisque, dans le dernier roman de la série qui se déroule en 1822, Jane Austen, morte depuis 1817, ne seconde Ann Radcliffe que sous la forme de fantôme.

Si l’on cherche à motiver la création de ce « biographème imaginaire », il faut se tourner vers l’histoire littéraire contemporaine : d’une part, celle-ci ne se focalise plus sur l’histoire des auteurs mais se montre plus sensible aux relations transtextuelles en synchronie comme en diachronie41 ; et, d’autre part, elle se trouve en pleine refonte sous l’impulsion des études féministes dans l’objectif de faire une plus grande place aux autrices dont le travail a souvent été minoré42. Imaginer la rencontre de ces trois écrivaines relève donc à la fois d’une volonté de souligner les affinités entre leurs œuvres mais également de redessiner une filiation entre elles pour mieux mettre en valeur leur contribution collective dans la construction de la littérature actuelle.

La série de romans « La Ligue des écrivaines extraordinaires » peut être lue comme une histoire littéraire romanesque du fantastique féminin et plus précisément du genre contemporain de la bit-lit, une étiquette générique regroupant un ensemble hétéroclite d’œuvres dont le seul point commun serait « de mettre en scène des créatures surnaturelles aux prises avec des femmes de caractère, le tout dans un univers moderne et urbain43 ». Comme le souligne un essai publié par la même maison d’édition quelques années avant la parution de ces romans44, Ann Radcliffe, Jane Austen, Mary Shelley auraient chacune eu une part à jouer dans l’histoire de ce genre. La première en est la pionnière car elle a popularisé la trame de la prédation masculine dans le cadre d’un décor terrifiant. On comprend dès lors mieux pourquoi elle occupe le rôle central dans ces fictions ainsi que la raison du procès que lui font les vampires : « Vous avez révélé notre existence à travers votre littérature, vous fûtes écoutée, vous avez diffamé notre race45 », lui disaient-ils avant de prononcer sa condamnation à mort. La seconde, grande lectrice de la première – comme on le sait à partir de l’hommage qu’elle lui rend dans son pastiche Northanger Abbey – aurait transmis à la bit-lit l’importance du regard féminin aux prises avec la censure exercée par la société patriarcale ; quant à la dernière, son œuvre serait étroitement liée à l’émergence et au succès du « fantastique de la présence46 », ingrédient incontournable de la bit-lit mettant en scène des monstres de toutes sortes. La Ligue des écrivaines extraordinaires ne serait donc qu’une objectivation, grâce aux pouvoirs de la fiction, de la rencontre entre trois héritages littéraires dont la fusion a donné naissance à l’un des genres les plus populaires de la culture contemporaine dont Ann serait la fondatrice.

 

L’étude des récits de la vie d’Ann Radcliffe a donc permis de mettre en évidence la contribution de la culture médiatique dans le renouvellement des codes de l’écriture biographique dont la culture contemporaine est l’héritière. Au cours du xixe siècle, au moment même où règne le biographisme dans les colonnes de la critique, le feuilleton parodie ses discours, s’émancipe progressivement de son enjeu référentiel et le transforme en une fiction populaire où il ne s’agit plus tant d’expliquer l’œuvre par la vie de son auteur mais de rendre hommage à celui-ci en déformant sa vie à travers le prisme de son œuvre. Au centre de ce brouillage fondateur pour la culture médiatique entre faits et fiction, se place le biographème, véritable répertoire narratif ancré dans le réel mais en même temps ouvert à toutes les manipulations. Folle recluse, femme hantée par les fantômes de son passé, victime des journalistes de son pays, tueuse de vampires, acolyte de Jane Austen et de Marie Shelley, fondatrice d’un genre littéraire contemporain : les rumeurs sur la santé mentale de l’écrivaine ont ainsi ouvert une diversité de potentialités narratives aux auteurs permettant à chacun d’intégrer, dans sa fiction, ses propres représentations de l’autrice.

D’une certaine façon, on pourrait inscrire l’ensemble des textes abordés dans cet article dans ce qui a été identifié comme une tendance marquée de la littérature contemporaine : l’exofiction, cette « littérature qui mêle au récit du réel tel qu'il est celui des fantasmes de ceux qui le font47 ». À ceci près que, dans ces textes, le réel ne s’incarne pas dans la trame narrative générale qui adopte bien souvent des codes étrangers au réalisme ; on le retrouve seulement de façon plus ténue, sous forme de fragments, dans la mention épisodique de biographèmes. Il s’agit là peut-être d’un début de définition de ce que pourrait être un autre type d’exofiction : une exofiction de grande consommation, laissant plus de place à l’imaginaire qu’au travail documentaire, sans pour autant exclure ce dernier – une fiction qui, en somme, soumettrait le réel tel qu’il est à la fois aux codes du récit de genre et aux fantasmes de ses auteurs.

Notes

1 Voir James Raven, « The Anonymous Novel in Britain and Ireland, 1750–1830 », dans Robert J. Griffin (dir.) Faces of Anonymity: Anonymous and Pseudonymous Publication from the Sixteenth to the Twentieth Century, New York, Palgrave, 2003, p. 145.

2 Galerie historique des contemporains ou nouvelle biographie, vol. 8, Bruxelles, Wahlen, 1822, p. 10.

3 Voir Fanny Lacôte, Le Marché de la terreur : l’exportation, la traduction et la réception critique du roman gothique anglais et du roman noir en France : 1789-1822, thèse de doctorat à l’Université de Lorraine en cotutelle avec l’Université de Stirling, 2018, p. 393-422.

4 Voir Diana Cooper-Richet et Jean-Yves Mollier, « Le roman populaire du xixe siècle : à l’origine des rituels de participation et d’identification », dans Philippe Le Guern (dir.), Les Cultes médiatiques. Culture fan et œuvres cultes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2002, p. 53-65.

5 Walter Scott, Bibliographie des romanciers célèbres, vol. 4, Paris, Gosselin, 1826, p. 67.

6 « The Periodical press », The Edinburgh Review, vol. 38, mai 1823, p. 360.

7 Louis Gabriel Michaud, Bibliographie ancienne et moderne, vol. 35, Paris, Ch. Delagrave, 1842, p. 55.

8 Voir « Memoir of the life and writings of Mrs. Radcliffe », dans Ann Radcliffe, Gaston de Blondeville, vol 1, Londres, Henri Comburn, 1826, p. 103.

9 Voir Rictor Norton, Mistress of Udolpho, Londres et New-York, Leicester University Press, p. 203-249.

10 Elizabeth Isabella Spence, Summer excursions through Parts of Oxfordshire Gloucestershire, Warwickshire, Staffordshire, Herefordshire, Derbyshire and South Wales, Londres, Longman, Hurst, Rees et Orme, 1809, p. 164-165.

11 Charles Wheelwright, Poems, 1810, p. 275 (cité dans R. Norton, Mistress of UdolphoMistress of Udolpho, op. cit., p. 212).

12 Walter Scott, « Prefatory memoir to Mrs Ann Radclife », dans The Novels of Mrs Ann Radcliffe, Ballantyne’s Novelist’s library, vol. 10, 1824, p. xvii.

13 Antoine Vincent Arnault, Biographie nouvelle des contemporains, Paris, Babeuf, 1824, p. 204.

14 Timothée Trimm, « Mme Anne Radcliffe », Le Petit journal, 21 février 1864.

15 Grand dictionnaire universel du xixe siècle, vol. 13, Paris, Administration du grand dictionnaire universel, p. 620.

16 Joseph Méry, Les Nuits anglaises, Paris, Michel Lévy, 1854, p. 1.

17 Voir Joseph-Marie Chénier, Tableau historique de l’état et des progrès de la littérature française depuis 1789, Paris, Maradan, 1816, p. 228-229 : « Les divers romans d’Anne Radcliffe offrent des caractères fortement prononcés, des situations terribles […] Ces romans, considérés dans tout leur ensemble, se rattachent à une seule idée d’un grand sens. Partout le merveilleux domine ; dans les bois, dans les châteaux, dans les cloîtres, on se croit environné de revenants, de spectres, d’esprits célestes ou infernaux ; la terreur croît, les prestiges s’entassent, l’apparition acquiert presque de la certitude, et quand le dénouement arrive, tout s’explique par des causes naturelles. Délivrer les esprits crédules du besoin de croire aux prodiges est un but très philosophique. »

18 Voir Maurice Levy, Le Roman gothique anglais 1764-1824, Paris, Albin Michel, 1995.

19 Voir Sandra M. Gilbert et Susan Gubar, The Madwoman in the Attic: The Woman Writer and the Nineteenth-Century literary imagination, Londres et New Haven, Yale University Press, 2000, p. 3-93.

20 Alain Vaillant, La Civilisation du rire, Paris, CNRS Éditions, 2016, p. 311 et suiv.

21 Reprises dans la presse française : « La Visionnaire », L’Indépendant, 2 novembre 1838 ; « Aventures et mésaventures d’une Anglaise », Le Pays, 7 décembre 1850.

22 Reprises dans la presse anglophone : « An Anecdote of Mrs Radcliffe », The Ladies Companion, Londres, février 1852 ; « A Taste of French Dungeons », New Monthly Magazine, New York, avril 1852 ; « An Anecdote of Mrs Radcliffe », New Monthly belle assemblée, Londres, février 1852 ; « An Anecdote of Mrs Radcliffe », Godey’s Lady’s Book, and Ladies’ American Magazine, Philadelphie, septembre 1852 ; « An Anecdote of Mrs Radcliffe », Littell’s Living Age, New York, 9 avril 1853.

23 Voir R. Norton, Mistress of Udolpho, op. cit., p. 108-123. Ce voyage est raconté par Ann Radcliffe dans A Journey Made in the Summer of 1794, 2 vol., Londres, G. G. et J. Robinson, 1795.

24 Voir Walter Scott, Bibliographie des romanciers célèbres, vol. 4, Paris, Gosselin, 1826, p. 79.

25 Pour une liste des reprises de ce feuilleton, voir Jean-Luc Buard, À l’ombre du roman feuilleton. Marie Aycard et la circulation internationale du feuilleton-nouvelle parisien et de la variété (autour de 1840) : un acteur oublié de la communication de masse dans la sphère médiatique de son temps, thèse de doctorat soutenue à l’université Paris XIII, 2015, p. 270.

26 Le Tombeau. Ouvrage posthume d’Anne Radcliffe, auteur de l’Abbaye de Ste-Claire, des Mystères d’Udolphe, de l’Italien, etc., traduit sur le manuscrit par Hector-Chaussier, Paris, Barba, 1799.

27 « Notices bibliographiques », Revue de France, janvier 1875, p. 290.

28 Paul Féval, La Ville Vampire, Paris, E. Dentu, 1875, p. 366.

29 Voir Daniel Sangsue, « Nodier et le commerce des vampires », Revue d’Histoire littéraire de France, no 2, mars-avril 1998, p. 231-245.

30 Dès le début du roman, Féval commençait par dénoncer violemment les « actes d’effrontée piraterie dont les écrivains français sont victimes en Angleterre » ainsi que l’inefficacité, voire la malhonnêteté, d’une convention sur l’établissement d’un droit international d’auteur signée entre la reine Victoria et la République française. Il s’agissait sans doute de la convention du 3 novembre 1851 : par l’article IV, la reine permettait aux auteurs britanniques d’écrire des « imitations de bonne foi » (fair imitations), ce qui vidait la convention de sa substance.

31 Sainte-Beuve, « Histoire de la vie et des ouvrages de Pierre Corneille de Jules Taschereau », Le Globe, 12 août 1829, repris dans « Pierre Corneille », Portraits littéraires, vol. 1, Paris, Garnier, 1862, p. 31. Sur la critique biographique, voir José-Louis Diaz, « Aller droit à l'auteur sous le masque du livre », Romantisme, no 109, 2000, p. 45-67.

32 Voir Alain Buisine, « Biofictions », Revue des sciences humaines, no 224, 1994, p. 7-13.

33 Voir P. Féval, La Ville Vampire, op. cit., p. 27

34 Ibid., p. 369-370.

35 Paul Féval, Ann Radcliffe contre les Vampires, Bordeaux, Les Moutons électriques, 2018.

36 Mathieu Letourneux, Fictions à la chaîne, Paris, Le Seuil, 2018, p. 178.

37 Bénédicte Coudière, Ann Radcliffe contre Dracula, Bordeaux, Les Moutons électriques, 2020.

38 Voir Élisabeth Ebory, Anne Radcliffe, Jane Austen et Mary Shelley contre Carmilla, Bordeaux, Les Moutons électriques, 2020.

39 P. Féval, Ann Radcliffe contre les Vampires, op. cit. ; B. Coudière, Ann Radcliffe contre Dracula, op. cit. ; Cat Merry Lishi, Mary Shelley contre Frankenstein, Bordeaux, Les Moutons électriques, 2020 ; Marianne Ciaudo, Jane Austen contre le Loup-garou, Bordeaux, Les Moutons électriques, 2020 ; E. Ebory, Ann Radcliffe, Jane Austen et Mary Shelley contre Carmilla, op. cit.

40 La transfictionnalité est le « phénomène par lequel au moins deux textes, du même auteur ou non, se rapportent conjointement à une même fiction ». Voir Richard Saint-Gelais, Fictions transfuges. La transfictionnalité et ses enjeux, Paris, Le Seuil, 2011, p. 7.

41 Selon Antoine Compagnon, l’histoire littéraire moderne devait, par exemple, trouver « une autre manière de représenter la littérature, son histoire et sa géographie, qui soit plus fidèle à la fois à l’hétérogénéité de l’instant (l’asynchronie du contemporain) et à l’homogénéité de la durée (les persistances de l’ancien) ». Elle ne devait en aucune cas « se réduire à une histoire des auteurs » mais faire « le récit d’une vie qui change et qui dure, ou le roman historique de la littérature ». Voir « Histoire de la littérature ou histoire des auteurs ? », dans Brigitte Louichon et Jérôme Roger (dir.), L’Auteur : entre biographie et mythographie, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2002, disponible sur http://books.openedition.org/pub/5838 (dernière consultation le 14 mars 2025).

42 Voir Martine Reid (dir.), Femmes est littérature. Une histoire culturelle, 2 vol., Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2020.

43 Voir Sophie Dabat, Bit-Lit ! L’Amour des vampires, Bordeaux, Les Moutons électriques, 2016.

44 Ibid.

45 B. Coudière, Ann Radcliffe contre Dracula, op. cit.

46 Sur cette notion, voir Denis Mellier, L’Écriture de l’excès. Poétique de la terreur et fiction fantastique, Paris, Honoré Champion, 1999.

47 Philippe Vasset, « L’Exofictif », Vacarmes, no 54, hiver 2011, disponible sur https://vacarme.org/article1986.html (dernière consultation le 14 mars 2025).

Pour citer ce document

, « Les vies imaginaires d’Ann Radcliffe: la romancière de la terreur dans la culture médiatique française», Médias 19 [En ligne], Dossier publié en 2025, Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/la-fabrique-des-recits-de-vie-circulation-des-biographemes-de-vapereau-wikipedia/les-vies-imaginaires-dann-radcliffe-la-romanciere-de-la-terreur-dans-la-culture-mediatique-francaise