La fabrique des récits de vie. Circulation des biographèmes de Vapereau à Wikipédia

Un coup de «dais»… chez Victor Hugo. Lieux de vie et de séjour des écrivains: la fabrique d’un imaginaire biographique situé (fin XVIIIe siècle - XXIe siècle)

Table des matières

MARIE-CLÉMENCE RÉGNIER

Le 30 mai 1885, Pierre Véron écrit dans Le Monde illustré : « Une curieuse étude à faire ne serait-elle pas celle qui aurait pour titre : “Victor Hugo raconté par ses demeures”1? » Dans cet éloge funèbre que le journaliste et écrivain place à l’enseigne du récit anonyme conduit par Adèle Hugo pendant l’exil – Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie2 –, Véron s’emploie à raconter une vie qui est déjà entrée dans la légende du siècle, mais sous un angle particulier : celui du « parcours des demeures » qui éclairerait le « parcours des honneurs » de l’écrivain. L’auteur rejoint là un projet biographique entamé par Charles Hugo au sujet d’Hauteville-House3 et un essai d’Alfred Barbou4, richement illustré, dont les images recouvrent partiellement celles qui accompagnent également un article du « Courrier de Paris5 » dans la même veine (voir ill. 1). La demeure d’un écrivain – terme solennel et d’usage littéraire, hautement connoté6 – constitue en effet un monument de pierre et de papier, sacralisé depuis la Renaissance, d’autant plus qu’il s’agit, pour ce qui concerne notre propos, de la maison mortuaire de Hugo.


Fig. 1 :  montage figurant des lieux de vie de Hugo (salon de la place Royale en haut, au centre), les maisons et paysages de l’exil par ailleurs : « Les habitations de Victor Hugo » par Florian Beltrand Dété, Le Monde Illustré, 1885, gravure sur bois, Maison de Victor Hugo - Hauteville House, n° d’inventaire 2017.0.3710, CC0 Paris Musées / Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey

Or, un point d’achoppement se fait jour, dans l’article de Véron, autour d’une « légende7 » qui entoure un élément sémiotique très riche : l’auteur mentionne un « trône8 » auquel les contemporains, puis les commentateurs, de façon posthume, ont attribué une éminente fonction symbolique, l’associant littéralement au « sacre de l’écrivain9 ». Alors que se joue précisément la sacralisation de Hugo dans la vie littéraire et nationale française à sa mort10, sacralisation amorcée dès 1881 dans l’espace public avec le pèlerinage universel organisé à son domicile, « avenue Victor Hugo11 », Véron soulève effectivement la viralité du trait biographémique12, connu de tous (« Qui n’a lu quelque part », voir ci-dessous), mais difficile à attribuer :

[…] D’abord la place Royale. Les contemporains nous ont conservé la description du salon d’où partait le mot d’ordre littéraire de l’avenir. Les ennemis d’alors lui voulaient donner une solennité quasi despotique. Qui n’a lu quelque part la légende du trône sur lequel le Maître – un jeune homme encore – trônait après son précoce avènement13 ?

C’est donc autour de cet élément mobilier, du décor du salon, place Royale, que l’on se propose d’enquêter. Car, en réalité, ce n’est pas tant le « trône » qui pose question qu’un « dais » – deux tissus en réalité : l’un surmontait l’assise en question (un baldaquin acheté par Hugo dans le Marais et qui aurait appartenu à Madame de Maintenon), l’autre un « dais » algérien (offert à Hugo et ornant un mur, un peu plus loin, à gauche de la cheminée) (voir ill. 2). Raymond Escholier, conservateur de la Maison de Victor Hugo à partir de 1913, esquisse le décor et son histoire en ces termes :

Pour mobilier, des consoles de bois doré, un divan de bois sculpté et le fameux grand canapé surmonté [d’une] bannière ottomane provenant de la prise d’Alger, offert au poète par le lieutenant Eblé. La rumeur perfide fait de ce canapé à baldaquin le « trône » de Victor Hugo régnant sur l’école romantique qui se presse dans ce salon14.

Qui serait responsable de cette « légende » (Véron), de cette « rumeur perfide » (Escholier) ? Faut-il y voir une forme de cabale contre la suprématie de Hugo ? Pourquoi ce trait biographique lui porterait-il préjudice ? Aurait-on affaire alors à un « anti-biographème » pour ainsi dire, à un trait biographique qui n’aurait pas dû se fixer, car il ne représenterait rien de réel, d’avéré, de légitime ? À partir d’un corpus d’étude constitué de souvenirs littéraires15 et d’articles de presse principalement, la présente analyse retrace la formation du biographème dans un premier temps, avant d’envisager ses reconfigurations successives, qui incluent les contestations dont il a fait l’objet, enfin sa portée dans la vie littéraire contemporaine pour comprendre la fabrique médiatique de récits de vie fondamentalement marqués, depuis le xixe siècle, par un imaginaire situé.

Gautier versus Zola ? La réification du sacre de l’écrivain en question

Qui se cache derrière le « on » qu’emploie Véron et pourquoi mettre l’accent sur l’intérieur et certains des éléments décoratifs qui le composent ? Il convient d’abord de voir dans le pronom indéterminé « on » les contemporains de l’écrivain qui se passionnent pour les intérieurs en général, ceux des célébrités et des créateurs en particulier16. L’intimité, dont l’intérieur domestique serait la traduction réifiée et tangible17, constitue en effet une valeur refuge18 ; la célébrité et la gloire modernes reposent sur la constitution de biographèmes « intimes », exposés paradoxalement dans les médias et la sphère publique19. Sanctuarisant les lieux de vie et de mort des écrivains dans l’héritage de la fin du XVIIIe siècle autour d’un Voltaire ou d’un Rousseau, par exemple, le romantisme procède au sacre de l’écrivain à travers la monumentalisation de ses domiciles qui assoit sa gloire et sa singularité dans la société postrévolutionnaire du XIXe siècle. De surcroît, la critique beuvienne légitime cette approche en expliquant l’écrivain et son œuvre par l’homme, observé dans l’intimité de ses intérieurs, objet de curiosité et d’analyse qui façonne une école critique promise à un bel avenir20.

C’est ainsi que les adresses des lieux de naissance, de séjour, de résidence et de mort des écrivains intègrent les divers supports et genres biographiques dans une toponymie à géographie variable, allant de la mention du nom de la région à celle de la commune, en passant par l’adresse complète, ou son abrégé (nom de la rue) : en témoignent les notices du Dictionnaire Vapereau21comme les notes scolaires d’un jeune élève, Jean-Paul Léon, sur son cahier de classe22, jusqu’à Wikipédia concernant Victor Hugo et ses « domiciles23 ». Ces derniers sont détaillés dans des fiches thématiques complémentaires traitant, en particulier, des maisons-musées qui ont vu le jour dans ses logements. Aussi les traits biographémiques liés aux « demeures » des écrivains posent-ils les contours, de prime abord, de biographèmes domiciliaires : ceux-ci localisent les adresses des écrivains à la manière d’une fiche d’état civil. Ils dessinent une carte patrimoniale et touristique de lieux plus ou moins connus et reconnus. Au sein de ce répertoire d’adresses, Victor Hugo, « en son avenue » et en ses nombreux lieux de mémoire, occupe une place de premier ordre, et parmi ces éléments biographiques, la légende du trône et du dais le couronnant apparaît récurrente, proprement « biographémique24 ».

Derrière le pronom indéfini se cache plus précisément Théophile Gautier, admirateur hugolâtre de la première heure. L’auteur d’Émaux et Camées a développé une conscience aiguë du rôle des monuments dans la mémoire collective et dans l’espace public : dans le poème « L’art25 », il défend l’idée selon laquelle le monument reste après celui auquel il est consacré, contribuant à son passage à la postérité dans une société bourgeoise où paraître et être richement et confortablement installé se recouvrent et sont gages de reconnaissance26. Ses souvenirs littéraires portent l’empreinte profonde de sa réflexion sur le sujet, en particulier autour du cas d’école que constitue Hugo, princeps inter pares : Gautier n’a de cesse, tout au long de sa vie, de montrer Hugo dans sa gloire pendant les rencontres du cénacle romantique, place Royale, où se réunissait la fine fleur romantique autour du maître. Doté d’un goût certain pour la mise en scène, le disciple opère une cristallisation d’ordre symbolique et une focalisation réductrice27 de l’écosystème littéraire observé autour de meubles et d’ornements, métonymiques et métaphoriques28 du « sacre de l’écrivain », porteurs de récits, où se fixent les souvenirs, les signes et les valeurs dans une logique sérielle. Aussi Gautier répète-t-il la référence à l’ameublement dans une « économie scripturale fort rentable » entretenant un « capital mémoriel29 », celui des romantiques à partir du foyer de la place Royale, milieu qu’il fait « renaître30 ». Dans sa correspondance, dans la presse et dans Histoire du Romantisme, Gautier revient de manière obsessionnelle sur les riches heures du cénacle ; il se prête avec complaisance au « rituel de sociabilité » littéraire à l’économie du don /contre-don de la « visite au grand écrivain31 », qui construit une géographie de la vie littéraire où Hugo représente un rayonnant épicentre en marge duquel situer les cafés, les garnis et soupentes de la bohème, les « tours d’ivoire » solitaires et aristocratiques d’un Vigny ou d’un Lamartine32. C’est ainsi que Gautier, en témoin privilégié, en voisin de Hugo, place Royale, consacre des passages empreints de verve et d’admiration au « Jupiter romantique », dans « sa gloire et son triomphe33 ». Toutefois, nulle trace du « trône » et du dais dans les différents extraits que Gautier reprend ici ou là.

Pour repérer son rôle dans la diffusion de la légende du dais, il faut se tourner vers Arsène Houssaye qui prête à son ami, dans ses propres souvenirs littéraires, un bon mot, un jeu et une pratique de sociabilité littéraire dont il souligne à l’évidente la portée humoristique, un tantinet satirique peut-être aussi :

̶̶  Tu verras, me dit Théo le dimanche matin, tu verras par l’ameublement de Victor Hugo que, s’il a du génie dans ses livres, il est tout plein d’exaltation et d’extravagance dans son ameublement ; tu ne t’étonneras pas de trouver un trône dans son salon.

̶  Comment ! un trône !

̶  Pourquoi pas ? C’est le roi de l’esprit. Il est plus roi que le roi des Français. Rassure-toi ! Chez lui, ce ne sera pas un dîner de roi, mais un simple dîner de poète34.

D’après les recherches menées par R. Escholier, c’est aussi à Gautier qu’il faudrait attribuer la trouvaille d’une formule à succès (« dais du dey »), favorisant la circulation du biographème : le poète du Doyenné serait à l’origine du calembour qui associe le dais au dey d’Alger et introduirait une confusion dans la restitution des éléments composant le décor, puisque le dais ne surmonte pas le trône-sofa mais un baldaquin35, comme en atteste un dessin de 1847 (voir ill. 2). À son corps défendant, Gautier est donc à l’origine de l’opération de cristallisation qui entoure le biographème du dais. Mais il n’est pas le seul responsable : Hugo et ses proches ont eux-mêmes contribué à façonner cette manière de voir le sacre de l’écrivain-roi, en érigeant les demeures d’exil au rang d’emblème du sacerdoce littéraire, en particulier autour des monogrammes saturant les murs d’Hauteville House et autour d’un antique fauteuil qualifié de « fauteuil des ancêtres36 ».


Fig. 2 : anonyme, dessin au crayon figurant le salon de la place Royale chez Hugo, 1847 : le « dais du dey » à droite, le « dais royal » ou « baldaquin » à gauche, Maison de Victor Hugo – Hauteville House, n° inventaire 2013.0.12. Les deux étoiles ont été ajoutées pour situer les deux éléments analysés dans leur environnement.

La réification du sacre de Hugo constitue ainsi un jeu dangereux, à double tranchant : elle donne des armes aux contempteurs du culte que ses disciples vouent à un Hugo, très tôt critiqué et moqué pour sa mégalomanie37. Le biographème du dais devient en effet au fil du temps un emblème de la domination de Hugo dans le monde des Lettres.

Le dais emblème de la domination de Hugo et étalon des rangs et des succès dans la vie littéraire

Francis Magnard reprend dans Le Figaro du 4 août 1869 un article du National : il y mentionne le dais en simplifiant la référence par décontextualisation. L’article défini « le » désigne le dais, familier des lecteurs à l’époque. « Le dais de M. Victor Hugo » est considéré comme un repère commode pour parler du sacre de l’artiste romantique, aux côtés de deux autres représentants du génie romantique : Beethoven et Wagner38. Caustique cette fois, et critique, la référence de Paul Arène au dais pour le Paris illustré du 1er mai 1870 : Arène s’ingénie à souligner l’infortune de François Coppée en regard du règne de Hugo, que l’évocation de son « dais rouge » symbolise39. Arène est l’un de ces agents et nœuds de diffusion du biographème, l’un de ces « farceurs des petits journaux [qui] avaient imaginé de dire que ce dais était placé au-dessus d’un trône destiné à Victor Hugo », comme le note Banville, avec acrimonie40.

Jules Barbey d’Aurevilly déplace la portée de la référence pour sa part : de façon remarquable, il ouvre le biographème à une lecture politique et idéologique. Dans un article qui traite de Gérard de Nerval paru dans Le Constitutionnel du 20 août 1868, Barbey évoque un lit magistral acheté par l’auteur des Filles du feu, meuble « digne d’une reine » et dont son entourage aurait parlé, comme dans le cas du « dais du dey » et du trône de Hugo. Le polémiste voit dans ce meuble l’image plaisante et métonymique des heurs et des malheurs de Nerval qu’il met en regard avec le « dais royal » du roi des Lettres, Hugo, comme si l’ameublement des écrivains situait leur position sur l’échiquier littéraire. Notons également que Barbey opère un raccourci sous cette expression de « dais royal » puisqu’il désigne par elle l’acquisition du baldaquin surmontant le trône-sofa, et non le dais d’Alger. Il renvoie à la provenance supposée du tissu décoratif qui aurait appartenu à l’épouse secrète de Louis XIV, lequel se serait assis dessous à Saint-Cyr. Avec une ironie larvée, Barbey observe ainsi que l’« orgueilleux » Hugo du « dais royal » est un royaliste, harmonieusement sis en la place… Royale, non pas le républicain qu’il deviendra par la suite ! Perfide, Barbey ne manque donc pas de relever les changements de bord de l’écrivain. Partant, il note incidemment le décalage d’usages entre la période romantique (Restauration, Monarchie de Juillet), et la période en cours pour lui (le Second Empire), condamnant du même coup les uns et les autres.

C’est dans cette brèche qu’Émile Zola s’engouffre en 1881, l’année même où le « patriarche de la République », comme on surnomme Hugo, célèbre son entrée dans son quatre-vingtième printemps. Dans un portrait qu’il consacre à l’écrivain, Zola commence par prêter allégeance au maître auquel il attribue les honneurs de la « royauté littéraire » et ses regalia, « influence souveraine », « sceptres », « vie de gloire », à l’instar de Voltaire pour le siècle précédent41. Mais Zola ne manque pas de mots non plus pour caractériser le pouvoir qu’exerce Hugo sur les Lettres, de façon despotique selon lui : il infléchit la référence de Barbey à la monarchie du Roi-Soleil pour la tourner vers le système féodal, subordonnant des vassaux à un seigneur. En filigrane, il convoque le récit du jeune Gautier à contre-emploi, celui où le jeune impétrant attend de voir son idole dans les escaliers (Histoire du Romantisme). Zola façonne là une hypotypose satirique de la cour romantique soumise au despote du Marais ! Cependant, ni le dais, ni le trône-sofa ne sont mentionnés : reste le décorum du salon de la place Royale, convoqué dans l’évocation fallacieuse – légendaire – des rituels du Cénacle :

Place Royale surtout, il trônait au milieu d’une cour enthousiaste et respectueuse ; les jeunes poètes, débarqués de la veille à Paris, lui étaient présentés comme des vassaux qui lui devaient hommage ; et les pauvres enfants s’évanouissaient presque dans l’escalier, tant leurs cœurs battaient fort. Des écrivains de grand talent venaient eux aussi s’incliner. Louis XIV n’a certainement pas eu des courtisans plus fidèles ni plus humbles. On officiait devant ce roi littéraire ; ceux mêmes qui essayaient de plaisanter derrière son dos, pâlissaient et se courbaient en sa présence42.

Il faut dire que Zola ne force pas le trait, ces « quelques traits » biographiques, sans raison : en 1881, le « roi littéraire » trône « en son avenue ». Le projet de l’hôte d’Hauteville House de se faire construire un monumental hôtel particulier par Leidenfrost43, aux allures de château (ou quasi), ne lui donne d’ailleurs pas complètement tort non plus et apparaît comme à contretemps vis-à-vis de la posture symbolique que l’auteur des Misérables a acquise à la veille de sa mort44.

Toutefois, Zola a sans doute beau jeu de se moquer du règne de Hugo en son palais en des termes si vifs. Car le maître naturaliste n’exerce-t-il pas aussi une influence sur ses disciples des « soirées de Médan » ? Ne se prête-t-il pas, avec non moins de complaisance mégalomaniaque que Hugo, au tour du propriétaire qu’il fait faire à ses visiteurs dans sa maison de villégiature justement ? Ne fait-il pas aménager les lieux à l’enseigne des spectaculaires intérieurs historicistes romantiques qu’il admire tant45 ? L’iconographie qui se déploie autour du bureau de Zola à Médan, comme les souvenirs littéraires qui lui sont associés, mettent l’accent sur ces similitudes, quand bien même l’auteur des Rougon-Macquart s’emploie, avec ses disciples46, à jouer tour à tour les campagnards, les « bourgeois » travaillant avec application derrière leur comptoir ! Ce sont là autant de rôles de composition qui ne masquent guère les ambitions d’un Zola aspirant à devenir le nouveau roi littéraire pour le siècle à venir. Cependant, le romancier naturaliste ne peut ignorer que l’époque n’est plus favorable à ces aspirations d’un autre âge dont il est d’ailleurs devenu le fossoyeur avec sa doctrine littéraire.

L’obsession pour le biographème du trône et du dais de Hugo, chez Zola comme chez les autres, serait en fait le symptôme d’une prise de conscience qui se dit publiquement, par voie de presse, au sujet de la remise en cause du sacre de… la Littérature, dans une société où la figure de l’« intellectuel » se substitue à celle de l’écrivain, dépassée aussi en un sens par celle du savant, à la fin du siècle47. Les divers rôles que joue Zola à Médan, dans la presse, à rebours du sacre de l’écrivain, ne traduisent-ils donc pas le repli des hommes de lettres dans leurs intérieurs où ils règnent en maîtres certes, mais à défaut de pouvoir encore exercer un magistère moral en dehors du monde littéraire ? Après 1848 et en régime médiatique de singularité et d’égalité démocratique48, il n’est sans doute plus acceptable de penser l’écrivain – même Hugo ! – trônant chez lui et sur les Lettres.

Mystification, démystification de la légende du trône et de celle du dais

Du reste, l’entourage même de Hugo a pris très tôt acte du caractère problématique et gênant que revêt la « légende » du dais, du vivant même de Hugo et, de façon très nette, au moment des festivités de 1881 et des funérailles de 1885 : le décorum républicain a beau honorer son héros avec emphase et faste, l’heure n’est plus aux rituels d’aspiration trop explicitement monarchique. Arsène Houssaye, Théodore de Banville, Alfred Barbou ou encore Jules Claretie : tous démystifient – non sans mélancolie ni nostalgie des riches heures de la place Royale – les affabulations entourant le trône, le baldaquin et le dais d’Alger. Mieux : le biographème du dais est retourné pour signifier la simplicité déconcertante du grand homme, affable et bonhomme en toutes circonstances. Et c’est vers une autre perspective encore qu’est orientée la légende du dais à la fin du siècle : il est réhabilité avec l’ensemble du salon et de l’appartement de la place Royale pour mettre à l’honneur le caractère extraordinaire d’un intérieur merveilleux où se donne à voir le génie précurseur de Hugo.

Cette reconfiguration, consensuelle, clôt la réception du biographème sur la reconnaissance de la figure du « législateur du goût49 » en lequel certains reconnaissaient déjà l’éminente stature dès le mitan du siècle, à l’instar de Théophile Gautier et d’Eugène de Mirecourt. Le premier fait paraître une ode au poète fraîchement exilé et au « poème domestique50 » qu’il avait aménagé place Royale dans un article de presse où il annonce la « vente du mobilier de Victor Hugo ». Le second loue le talent visionnaire de « celui qui nous [a] rendu le goût des ameublements historiques51 », remarque précédée d’une description des lieux. Pierre Véron a sans doute lu le texte de Mirecourt, quand il caractérise l’intérieur de Hugo en ces termes : « Le trône était un simple fauteuil du vieux temps, que Victor Hugo avait acheté par amour du bibelot archéologique. Mais alors la mode n’était pas venue encore de ces mobiliers rétrospectifs52. »

Plus largement, c’est l’atmosphère enchantée régnant autour de l’appartement qu’évoque Banville : là, le « superbe » intérieur de Hugo apparaît en osmose avec les extérieurs enchanteurs de la place Royale, spectacle « ravissant 53 ». La décoration de l’appartement familial du Marais constitue ainsi l’étape liminaire au grand-œuvre qu’accomplit Hugo à Hauteville House vers laquelle convergent tous les regards, admiratifs vis-à-vis de l’auteur d’une œuvre totale à nulle autre pareille. Le critique littéraire et critique d’art Henry Houssaye met ainsi à l’honneur le génie créateur d’un Hugo « architecte, ébéniste, tapissier, peintre d’ornement, sculpteur en bois54 ». L’iconographie accompagne aussi, semble-t-il, l’infléchissement constaté : dans deux illustrations datées de la décennie 1880 (voir ill. 3 et 4), le point de vue a changé depuis l’image de 1847. Il valorise l’ensemble décoratif avec un plan large qui inclut le sofa, le baldaquin mais aussi la cheminée, les assises, les hautes tentures aux fenêtres et l’immense tapis qui recouvre l’intégralité de la pièce. Le changement de perspective, au propre comme au figuré, est remarquable, puisque le « dais du dey » n’est (presque) plus visible (est-il plongé dans l’ombre de la cheminée, à gauche ?).


Fig. 3 : anonyme, gravure sur bois figurant le salon de la place Royale, vers 1885, Maison de Victor Hugo – Hauteville House, n° inventaire 2017.0.3687.5


Fig. 4 : Gustave Fraipont, dessin à l’encre et à la plume figurant le salon de la place Royale, vers 1882, Maison de Victor Hugo – Hauteville House, n° inventaire 740

Valoriser la légende du dais au plan esthétique et poétique permet, enfin, de déplacer la portée du biographème pour rendre compte des sociabilités littéraires sur la scène semi-publique du cénacle romantique55 afin d’envisager la solitude créatrice dans laquelle Hugo vit, place Royale comme dans d’autres pièces que le célèbre salon rouge. Aussi est-ce le cabinet de travail, ou même la chambre-bureau où Hugo se livre au sacerdoce littéraire corps et âme, qui deviennent les points de fuite de nombreux portraits d’intérieurs et de Hugo dans ses intérieurs dans l’héritage des remarques discrètes, formulées par Samuel-Henri Berthoud, en 184056. Dans Le Monde illustré, Pierre Véron clôt ainsi le tour d’horizon des demeures de Hugo par l’évocation de son « labeur quotidien », de sa retraite érémitique où il peut s’abîmer dans l’écriture. Cette scénographie constitue l’un des schèmes mythiques où s’exprime le fantasme d’une singularité propre à la figure du créateur et d’un « habiter en poète57 ».

Encore aujourd’hui, on imagine l’écrivain vivre et travailler à l’écart du monde, dans des espaces aux allures de retraite. Ces représentations se fixent d’autant plus au moment où l’écrivain acquiert une visibilité publique et se voit reconnu, à l’occasion de la remise d’un prix littéraire par exemple, comme en témoigne la pléthore de reportages et d’entretiens réalisés au domicile de l’écrivain dans les médias. L’exposition publique de l’écrivain dans ces circonstances constitue d’ailleurs un enjeu de réappropriation très important du statut auctorial, notamment pour tisser un lien entre le lieu, les conditions de création et l’œuvre elle-même58. Ainsi ces figurations de l’écrivain participent-elles de l’élaboration d’une image d’auteur éligible à la patrimonialisation et au passage à la postérité, conformément à des représentations collectives ancrées dans la référence érémitique selon laquelle l’écrivain se retranche dans une solitude farouche pour écrire son grand-œuvre. L’image publique du contemplatif Michel Tournier se trouve étroitement corrélée à son presbytère à Choiseul, dans la vallée de Chevreuse59. Michel Houellebecq est couramment renvoyé à sa tour du XIIIe arrondissement, à Paris, « sémaphore seventies60 » d’où il vivrait en misanthrope et en cynique… Quant à Annie Ernaux, sa maison de Cergy est devenue la traduction tangible de son parcours littéraire et social, de son statut de transfuge de classe. À l’occasion du Prix Nobel, la presse n’a d’ailleurs pas manqué de proposer un tour des lieux ernaniens (café-épicerie d’Yvetot – celui de La Place –, maison de Cergy, hypermarchés…). Du reste, dans des entretiens61, Annie Ernaux a achevé d’intégrer à sa légende certains lieux, sa maison de Cergy en tête, son bureau en particulier, d’où elle rejoint le « vrai lieu » : l’espace de l’écriture. Depuis un « e-musée » a vu le jour, qui « expose » les lieux de vie, de séjour, les lieux de passage marquants de l’écrivaine62. Que dire, au terme de cette galerie d’écrivains et de biographèmes domestiques de celui-là même qui pensa successivement la « mort de l’auteur » et les biographèmes, Roland Barthes ? Marqué par la disparition de sa mère et réfléchissant à sa propre postérité, l’auteur de Mythologies trouve dans certains lieux biographémiques un universel individuel, une expérience personnelle et intime partageable qui prend racine, pour ce qui le concerne, dans sa retraite familiale du Pays-Basque, son « gochokissime », mot-valise renvoyant à la matrice maternelle63.






Ce que l’on pourrait appeler le « biographème du dais » enseigne, autour d’un cas d’étude certes délimité, mais très dense, un certain nombre de points qu’on peut penser communs à une double catégorie de biographèmes se rapportant à l’intimité des écrivains, à leurs lieux de vie et de séjour : les biographèmes domiciliaires d’une part, les biographèmes domestiques d’autre part. Situant la biographie de l’écrivain à la manière d’une carte d’identité qui enregistre les lieux de naissance et de mort de l’individu, le biographème domiciliaire contribue aussi à définir un « parcours des honneurs » à partir d’un « parcours des demeures » où sont repérables foyers et marges culturels, sociaux, politiques… Les biographèmes domestiques, plus complexes, plus denses au plan sémiotique et symbolique, convoquent des représentations individuelles qui, on l’a vu, s’informent au contact de représentations individuelles et collectives, marquées par des scéno-mythographies domestiques. Le biographème du dais n’est pas de ces scéno-mythographies intimistes, souvent centrées sur le cabinet de travail où se joue un rapport personnel à l’écriture : il désigne l’écosystème des sociabilités littéraires romantiques, organisées autour du « roi littéraire » du xixe siècle en France, Victor Hugo.

Polémique, problématique, il prend forme au sein des intimes de Hugo, au détour d’une plaisanterie (le roi des poètes trône en son salon) et d’un bon mot (le « dais du dey ») dont Gautier serait à l’origine tout en signifiant son admiration vis-à-vis de son idole. Attirants, modulables, symptomatiques de la mégalomanie de Hugo et de l’art de la surenchère que pratiquent les romantiques pour promouvoir leur « singularité » d’« élite-artiste » et le caractère sacré de leur sacerdoce, substituable au pouvoir religieux et politique, cette blague et cette formule sont très vite accommodées par la petite presse satirique qui y voit un moyen pratique de s’amuser des usages romantiques jusqu’à ce que le sujet se politise après 1848. La crispation qui entoure le biographème du dais souligne alors la crise de valeurs et de représentations qui agite le monde littéraire, déchu de son piédestal avec l’échec républicain et celui de ses représentants littéraires. À partir de 1881 et après 1885 a fortiori, ces tensions s’accentuent à mesure que les références au biographème se multiplient dans les souvenirs littéraires et les portraits consacrés à la disparition de Hugo, dans lequel s’abîment certainement le « sacre de l’écrivain », ses rituels, son décor et son décorum : il faut faire, avec le deuil de l’auteur de La Légende des siècles qui incarne la Littérature, celui du magistère moral de l’Écrivain.

La viralité du biographème du dais tient à la densité du réseau formé par les romantiques au sein desquels circulent les témoignages et les souvenirs, aux récupérations qu’en font la petite presse, puis la presse d’informations à la lumière de l’actualité. Enfin, si le biographème du dais prend forme, s’enracine et devient si viral dans la mémoire littéraire, c’est assurément parce qu’il est multifonctionnel et polysémique. À géométrie variable, il sert à ses différents « utilisateurs » selon les besoins de la cause défendue. Le dais, associé au trône-sofa, revêt une fonction pratique (le trône est une assise), il remplit une fonction symbolique et mythique (le trône renvoie au sacre de l’écrivain), une fonction polémique et satirique (il permet de dénoncer la mégalomanie hugolienne, romantique, « artiste »). Parmi ces fonctions, celle qui s’affirme renvoie à la fonction décorative de l’objet. Iconographie, contexte, formule, anecdote valorisent l’objet saillant. Le processus d’essentialisation, de simplification, de répétition et de décontextualisation (d’effacement des origines) s’amorce avec le temps et favorise le trait le plus consensuel, éligible à l’admiration et à la valorisation collectives. En ce sens, la viralité du biographème a trait à la « cristallisation », telle que la définit Stendhal : « opération de l’esprit qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l’objet aimé a de nouvelles perfections ». Voilà Hugo, tapissier de génie et précurseur par un « coup de dais » !

Notes

1 Pierre Véron, « Courrier de Paris », Le Monde illustré, 30.5.1885, p. 362. 

2 Anonyme [Adèle Hugo], Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, Paris & Leipzig & Bruxelles, Lacroix & Verboeckhoven & Cie, 1863-1864.

3 Anonyme [Charles Hugo], Chez Victor Hugo par un passant, avec 12 eaux-fortes par M. Maxime Lalanne, Paris, Cadart et Luquet éditeurs, 1864.

4 Ces images éclairent les lieux marquants de la vie de Hugo dans le texte de Barbou : « Façade de la maison natale de Victor Hugo, à Besançon » (p. 5), « Jardin des Feuillantines » (p. 25) à Paris, « La chambre de la rue du Dragon » (p. 81) à Paris, « Maison habitée par Victor Hugo place Royale » (p. 205), « Le salon de la place Royale » (p. 207), « La chambre à coucher de Victor Hugo à Marine-Terrace. / (D’après un croquis de Ch. Hugo.) » (p. 255), « La serre à Marine-Terrace » (p. 256), « Le look-out de Hauteville-House » (p. 289), « La galerie de chêne de Hauteville-House » (p. 293), « Le salon de l’avenue d’Eylau  / Croquis d’après nature, par Scott » (p. 440), « Victor Hugo à son bureau, avenue d’Eylau / Croquis d’après nature, par M. Regamey » (p. 445), « Le jardin de l’avenue d’Eylau », (p. 449), « La maison du poète / le jour de son anniversaire (27 février 1881) » (p. 457), Alfred Barbou, Victor Hugo et son temps, Paris, Charpentier, 1881.

5 Une illustration concerne le dais dont il va être question mais il n’est pas visible à l’image (correspond à l’illustration 3).

6 Daniel Fabre, « Maison d’écrivain. L’auteur et ses lieux », Le Débat, 2001, n° 115, p. 172-177.

7 Pierre Véron, « Courrier de Paris », art. cit., p. 362.

8 Ibid.

9 Paul Bénichou, Le Sacre de l’Écrivain, 1750-1780. Essai sur l’avènement d’un pouvoir spirituel laïque dans la France moderne, Paris, José Corti, 1973.

10 André Comte-Sponville, Emmanuel Fraisse, Jacqueline Lalouette, Philippe Régnier, Tombeau de Victor Hugo, Paris, Éditions Quintette, 1985. 

11 Chantal Martinet, « Les hommages publics. La France fête l’aïeul sublime… », dans Pierre Georgel (dir.), catalogue de l’exposition « La Gloire de Victor Hugo », 1er octobre 1985-6 janvier 1986, Galeries nationales du Grand Palais, ministère de la Culture, Éditions de la Réunion des Musées nationaux, 1985, p. 282 et suiv. ; Françoise Chenet, « L’entrée de Hugo dans sa quatre-vingtième année ou “La Fête de Victor Hugo” », communication au Groupe Hugo du 17 mars 1990, http://groupugo.div.jussieu.fr/groupugo/90-03-17chenet.htm. Page consultée le 21 mars 2016.

12 Roland Barthes, Œuvres complètes, t. III, Paris, Le Seuil, 2002, p. 706.

13 Pierre Véron, « Courrier de Paris », art. cit., p. 362. Je souligne.

14 Raymond Escholier, Victor Hugo, cet inconnu, présentation de l’ameublement du salon rouge par Gérard Audinet, directeur de la Maison de Victor Hugo. Merci beaucoup à G. Audinet justement et à Jean-Marc Hovasse de m’avoir conseillée pour ce travail : https://www.maisonsvictorhugo.paris.fr/fr/musee-collections/place-des-vosges-paris/visitez-lappartement-au-temps-de-victor-hugo(dernière consultation le 14 mars 2025).

15 Vincent Laisney (dir.), Les Souvenirs littéraires : Actes du colloque du 2-4 juin 2016 à l’université de Paris Nanterre. Nouvelle édition [en ligne], Liège, Presses universitaires de Liège, 2017 : https://doi.org/10.4000/books.pulg.2649 (dernière consultation le 14 mars 2025).

16 Marie-Clémence Régnier, Vies encloses, demeures écloses : le grand écrivain français en sa maison-musée, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2023.

17 Benjamin Walter, « Exposé de 1935. Louis-Philippe ou l’intérieur », Paris, capitale du XIXe siècle. Le livre des passages, Paris, Éditions du Cerf, coll. « Passages », [1939 ; 2e éd.] 1989. 

18 « [C]’est dans l’intimité qu’est désormais scénarisée l[a] mémorable exemplarité : la privatisation de la grandeur fixant les règles de l’éligibilité patrimoniale, le classique en robe de chambre supplante le classique en majesté. » Stéphane Zékian, L’Invention des classiques. « Le siècle de Louis XIV existe-t-il ? », Paris, CNRS Éditions, 2012, p. 261.

19 « Le développement médiatique […] met en échec l’étanchéité de la sphère privée » […] à mesure que se diffusent des images du privé, et plus tard de l’intime […]. Le paradoxe veut que plus les temps et les espaces de la vie privée se développent, plus augmente la consommation d’images publicisées de l’intime. Comme si la “privatisation” avait pour tradition communicationnelle une expansion spectaculaire. » Adeline Wrona, Face au portrait : de Sainte Beuve à Facebook, Paris, Hermann, coll. « Cultures numériques », 2012, p. 73.

20 « J’avais le goût des habitudes intimes des convenances privées, du détail des maisons […]. » Ce goût se traduit par le soin que prend l’auteur des Lundis à faire le portrait de l’homme « sur le vif, saisi dans l’intérieur et dans la familiarité ». Charles-Augustin Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, I, 240, cité par José-Luis Diaz dans « “Aller droit à l’auteur sous le masque du livre”, José-Luis Diaz (dir.), Romantisme, « Sainte-Beuve ou l’invention de la critique », n° 109, 2000, p. 45-67 (p. 51). 

21 « HUGO (Victor-Marie, comte) célèbre poète et homme politique français, ancien pair de France, sénateur, membre de l’Institut, est né à Besançon, le 26 février 1802 […]. » Dictionnaire universel des contemporains : contenant toutes les personnes notables de la France et des pays étrangers… : ouvrage rédigé et continuellement tenu à jour, avec le concours d’écrivains et de savants de tous les pays par Gustave Vapereau, Paris, L. Hachette, 1880 [5e édition], p. 960 et suiv., https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2992011/f1039.image.r=Victor%20Hugo

22 Cahier donné au Musée national de l’Éducation (Rouen) pour la littérature des « XVIIe-XIXe s. » : il comprend une mention de la ville natale de Besançon, et précise l’attachement de l’écrivain à Paris, aux îles de Jersey et de Guernesey et son exil à Bruxelles. Inv. 2015.27.11 (1927-1928), [n. p.]., Rouen, Musée National de l’Éducation.

23 https://fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Hugo : Maison natale (Besançon), Place des Vosges (Paris), Marine Terrace (Jersey), Hauteville House (Guernesey), Avenue Victor-Hugo (Paris).

24 Au sujet de la place Royale (place des Vosges aujourd’hui) : « L’écrivain y reçoit ses amis et disciples assis sur un divan surmonté d’un dais doré provenant de la Kasbah d’Alger. », https://www.terresdecrivains.com/Victor-HUGO,94 (dernière consultation le 14 mars 2025). S’y trouvent le lit où il est mort le 22 mai 1885 ainsi que « le dais du Dey » offert à Victor Hugo par le lieutenant Eblé après la prise d’Abd-el-Kader. https://www.parisladouce.com/2021/09/maison-de-victor-hugo-une-maison-musee.html

25 Théophile Gautier, « L’art », Émaux et Camées, 1852.

26 Marie-Clémence Régnier, « La mise en œuvre des intérieurs de Balzac dans la “Grande Étude” de Théophile Gautier », L’Année balzacienne, n° 18, 279-296, 2017, https://doi.org/10.3917/balz.018.0279.

27 « Réduction de l’histoire littéraire au destin d’un individu, de la vie et de la personnalité d’un homme à quelques événements ou traits significatifs, la biographie peut être comprise comme le modèle le plus ancien mais aussi le plus ambivalent et le plus décrié de cet art de la figuration. » Ann Jefferson, « La fiction biographique littéraire comme “matière à croyance” », dans Anne-Marie Monluçon et Agathe Salha (dir.), Fictions biographiques (XIXe-XXIe s.), Toulouse, université Du Mirail, 2007, p. 21, 23.

28 Marie-Ève Thérenty, « La littérature en gilet rouge : les objets dans l’histoire littéraire » dans Marie-Ève Thérenty et Adeline Wrona (dir.), Objets insignes, objets infâmes de la littérature, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2018, p. 3-14 ; Marta Caraion, Comment la littérature pense les objets. Théorie littéraire de la culture matérielle, Ceyzérieu, Champ Vallon, coll. « Détours », 2020 ; 

29 Brigitte Diaz, avant-propos à la rubrique « intimité », dans « L’art de la récup’ », Le Magasin du XIXe siècle, 2021, n° 11, p. 256.

30 Vincent Laisney, « L’upcycling du souvenir », dans « L’art de la récup’ », ibid., p. 258-262 (p. 261).

31 Olivier Nora, « La visite au grand écrivain », dans Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire II. La nation, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque illustrée des histoires », 1986, p. 563-587.

32 Les deux écrivains sont consacrés par l’inclusion de leur patronyme au nom de la localité où se trouvaient leur château et leurs terres : Milly-Lamartine (Saône-et-Loire) et Champagne-Vigny (Charente).

33 Théophile Gautier, Histoire du romantisme, Paris, G. Charpentier et Cie, libraires-éditeurs, 1874, p. 7.

34 Arsène Houssaye, « Chez Victor Hugo, - Place Royale », Souvenirs de jeunesse 1830-1850, Paris, Ernest Flammarion, 1896, p. 146.

35 Soirée du 29 août 1831 chez Hugo, évoquée par Antoine Fontaney : « Calembours à perte de vue sur le Dey pendant le dîner. » : « Et le trône, dont parlent les petites gazettes ? Ce trône, cette estrade, où le pape de l’Église romantique recevrait les hommages de ses fidèles […] ? Ni marches, ni estrade, ni trône. Face aux fenêtres, un grand dais à lambrequins, lequel aurait appartenu à Mme de Maintenon : - Le dais du dey ! dit Gautier qui, pas plus que le maître ne répugne aux calembours. » Raymond Escholier, Victor Hugo, cet inconnu, Paris, Plon, 1951, p. 199. 

36 Une cordelette sanctuarisait le meuble, qui représentait la filiation de Hugo avec ses aïeuls et dans lequel d’aucuns y ont vu l’image d’un énième trône. Voir Chantal Brière, Victor Hugo et l’art architectural, Paris, Honoré Champion, coll. « Romantisme et Modernités », 2007.

37 Ségolène Le Men, « Victor Hugo et la caricature », dans L’Œil de Victor Hugo (actes du colloque du musée d’Orsay, 2002), Paris, Éditions des Cendres, 2004.

38 « Cela est aussi fort que le célèbre dais de M. Victor Hugo » ; au sujet des traits de Wagner : Francis Magnard, Le Figaro, 4 août 1869, p. 2.

39 « Coppée n’a plus ce rôle difficile de siéger seul sous un dais rouge comme Victor Hugo […] » : Paul Arène, Paris illustré, 1er mai 1870, p. 138.

40 Théodore de Banville, Mes Souvenirs, Paris, Charpentier, 1882, p. 446, extrait reproduit dans Le Rappel, 8 mai1882 à partir d’un numéro Gil Blas.

41 Émile Zola, Documents littéraires, études et portraits, Paris, Charpentier [1881], 1926, p. 43.

42 Ibid. p. 47. Nous soulignons.

43 Dessin de la maquette du projet d’hôtel particulier que Hugo comptait se faire construire par Leidenfrost, L’Illustration du 22 juin 1935, p. 293.

44 « Volontiers on se représente Victor Hugo comme une espèce de demi-dieu difficile accessible, abrupt, concentré en lui‑même, parlant peu, rendant des oracles […]. C’est le portrait conventionnel, vrai peut-être, mais d’une vérité de légende […] » : Jules Claretie, « Nos gravures. Chez Victor Hugo », L’Illustration, 5 mars 1881, p. 144.

45 Guy de Maupassant, Contes et nouvelles : Les Dimanches d’un bourgeois de Paris, Louis Forestier (éd.), préface d’Armand Lanoux, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1974, p. 146-147.

46 « Puis [Manet] rentre dans son intérieur et y goûte les joies calmes de la bourgeoisie moderne, derrière un comptoir », Émile Zola, Mes haines, causeries littéraires et artistiques. Mes haines, Mon Salon, Édouard Manet, Paris, G. Charpentier, 1879, p. 334.

47 Claire Salomon-Bayet, « La gloire de Pasteur », Romantisme, n° 100,‎ 1998, p. 159-169.

48 Nathalie Heinich, De la visibilité. Excellence et singularité en régime médiatique, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Sciences humaines », 2012 ; L’Élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique, Paris, Gallimard/nrf, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 2005.

49 Manuel Charpy « L’Ordre des choses. Sur quelques traits de la culture matérielle bourgeoise parisienne, 1830-1914 », Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 34, 2007, p. 105-128 (p. 123).

50 Théophile Gautier, « Vente du mobilier de Victor Hugo », La Presse, 7 juin 1852, p. 127.

51 Eugène de Mirecourt, Victor Hugo, Paris, G. Havard, 1859, coll. « Les contemporains », p. 23 et suiv.

52 Pierre Véron, « Courrier de Paris », art. cit.

53 Théodore de Banville, Mes Souvenirs, Paris, Charpentier, 1882, p. 447.

54 Henry Houssaye, « Variétés. De Marine-Terrace à Hauteville- House [sic] (Jersey et Guernesey). Deuxième et dernier article. » Journal des débats politiques et littéraires, 18 septembre 1885, [n. p.] p. 3.

55 Anthony Glinoer et Vincent Laisney, L’Âge des cénacles. Confraternités littéraires et artistiques au xixe siècle, Paris, Fayard, 2013.

56 Samuel Henry Berthoud, « Études biographiques. Victor Hugo », Mercure de France, 15 mai-15 juin 1840, repris dans Le Musée des familles, t. VII, p. 285-286

57 Martin Heidegger, « L’homme habite en poète », dans Essais et conférences (Vorträge und Aufsätze, 1936-1953) (trad. André Préau, préf. Jean Beaufret), Paris, Gallimard, coll. « Tel », n° 52, 1993 [1958], p. 224-245.

58 Cyril Barde, « Robert de Montesquiou en ses miroirs limpides », Babel [En ligne], 34 | 2016, http://journals.openedition.org/babel/4641(dernière consultation le 14 mars 2025). 

59 Par exemple, « Michel Tournier dans sa maison de Choisel, au mois de septembre dernier ». Un presbytère qu’il habite seul depuis près d’un demi-siècle (Jean-Christophe Marmara/Le Figaro) » : https://www.lefigaro.fr/livres/2011/10/05/03005-20111005ARTFIG00714-tournier-mon-passe-m-est-devenu-de-plus-en-plus-present.php(dernière consultation le 14 mars 2025).

60 Ariane Chemin, « Six vies de Michel Houellebecq : la tour et le territoire « Le Monde » explore l’univers d’un écrivain à côté du monde et au cœur de son époque, épisode 1, article publié le 12 août 2015, https://www.lemonde.fr/societe/article/2015/08/17/six-vies-de-michel-houellebecq_4727644_3224.html(dernière consultation le 14 mars 2025). L’écrivain se met en scène chez lui et loge dans sa tour le protagoniste : voir Marie-Clémence Régnier, « Périls en la demeure ! Regards de Benoît Galibert, Jean-Philippe Toussaint et Michel Houellebecq sur la fin d’une mythologie du lieu de vie et d’écriture de l’écrivain », dans Thierry Poyet (dir.), Vivre et travailler au même endroit : personnages, écrivains et peintres confinés, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, coll. « littératures », 2022, p. 229-245.

61 Annie Ernaux, Entretiens avec Michelle Porte : Le vrai lieu, Paris, Gallimard, 2011.

62 https://annie-ernaux-emuseum.com/(le lien n’est plus actif en mars 2025 ; le site était annoncé n février 2021 : https://www.annie-ernaux.org/fr/2021/02/05/lancement-du-e-musee-annie-ernaux/ Consulté le 14 mars 2025). 

63 Roland Barthes, « Grand fichier », 1er mai 1978.

Pour citer ce document

Marie-Clémence Régnier, « Un coup de «dais»… chez Victor Hugo. Lieux de vie et de séjour des écrivains: la fabrique d’un imaginaire biographique situé (fin XVIIIe siècle - XXIe siècle)», La fabrique des récits de vie. Circulation des biographèmes de Vapereau à Wikipédia, sous la direction d'Olivier Bara, Marceau Levin et Marie-Ève Thérenty Médias 19 [En ligne], Dossier publié en 2025, Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/la-fabrique-des-recits-de-vie-circulation-des-biographemes-de-vapereau-wikipedia/un-coup-de-dais-chez-victor-hugo-lieux-de-vie-et-de-sejour-des-ecrivains-la-fabrique-dun-imaginaire-biographique-situe-fin-xviiie-siecle-xxie-siecle