La lettre et la presse : poétique de l’intime et culture médiatique

Clemenceau américain, journaliste et épistolier

Table des matières

SYLVIE BRODZIAK

En  1865, Clemenceau jeune diplômé de la faculté de médecine part précipitamment aux États-Unis. Après une halte en Angleterre, à Liverpool, pour rencontrer Stuart Mill, pilier anglo-saxon de la réflexion positiviste, auteur de l’ouvrage August Comte and Positivism qu’il vient d’accepter de traduire en français pour les éditions Germer-Baillière, le futur Père la Victoire découvre le 28 septembre 1865, du pont du steamer Etna, la baie de New York.

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Clemenceau aux États-Unis en 1868. Cliché du Musée Clemenceau.

Un chagrin d’amour est l’unique raison de cette fuite vers le Nouveau Monde. Pendant longtemps, jugeant que celui qui allait entrer, à la fin de sa vie, au Panthéon des Grands hommes, ne pouvait être, même à 24 ans, léger et romantique, les biographes ont tenté de justifier plus raisonnablement ce départ en forme de « coup de tête » : lassitude des tracasseries policières après l’incarcération de Mazas, désillusion amicale et politique face à la jalousie de Blanqui, souci financierdû à son peu d’envie d’exercer à la campagne, désir d’aventure et attirance idéologique pour l’Amérique ont été les arguments proposés1. Après la publication de sa correspondance en 2008, nul doute n’est plus permis. Refusé par Monsieur Kestner, grand industriel alsacien, père d’Hortense, jeune fille dont il est amoureux, elle-même belle-sœur de son grand ami Scheurer Kestner, Clemenceau humilié part aussi loin que possible :

Lettre à Auguste Scheurer Kestner, Paris, 10 février 1865 :

Sans doute vos deux lettres expriment plus d’amitié que je n’en peux reconnaître. Vous ne doutez pas que je n’aie en vous l’aveugle confiance que vous réclamez. Mais je n’ai rien à vous dire, mon pauvre ami, que vous ne sachiez déjà. Et me connaissant mieux, vous m’auriez épargné toutes ces questions. Le soir où je suis parti de Thann vous rappelez vous ce que je vous ai dit. Je n’ai ni un mot à y ajouter ni à un mot à en retrancher et je m’étonne d’avoir à vous le répéter. Vous savez pourquoi je pars. Que me demandez-vous de plus ? Ce que je vais faire ? Mais je n’en sais rien. Je pars – voilà tout. Le hasard fera le reste. Peut-être chirurgien dans l’armée fédérale. Peut-être autre chose. Peut-être rien. Je ne laisse derrière moi qu’un vrai chagrin c’est celui de mon père. Un soir, je vous disais qu’il me pardonnerait et vous m’avez répondu que je ne me pardonnerais pas. Si vous êtes mon ami, ne souhaitez-vous pas que ce jour arrive jamais. Enfin une fois ce dernier déchirement consommé, je serai libre de toute attache (qui pourrait dire si c’est un bien ou un mal ?) et je m’en irai où le vent me poussera.
Vous me permettrez, mon cher ami, de ne pas pousser plus loin l’étude psychologique que vous m’avez demandée. Outre qu’elle serait inutile, la dissection deviendrait douloureuse. D’ailleurs, je ne veux apitoyer personne et je n’ai pas besoin qu’on me plaigne – Si je suis lâche ou brave devant la douleur, où je vais, ce que je pense, ce que j’éprouve, ce que je fais : tout cela n’est plus qu’une affaire entre moi et moi. Je trouve un grand charme (je ne sais quel mélange d’orgueil et d’amertume) à me renfermer à moi même et à ne m’ouvrir à personne. C’est là ma dernière consolation. Il ne serait plus d’un ami de chercher à me l’enlever2.

Si la justification du voyage est pour Clemenceau d’ordre intime, il n’en demeure pas moins qu’en 1865 les États-Unis continuent à fasciner les Français. Cette Union américaine représente, dans la première moitié du XIXe siècle, la projection de la France à venir, unie et républicaine. De la Démocratie en Amérique de Tocqueville publié en 1835, fige durablement cette image dans l’imaginaire français. Renforcée sous le Second Empire par l’expérience d’un pouvoir autoritaire, cette représentation fait des États-Unis la terre de la liberté et de la démocratie. Clemenceau, lui aussi, part avec en poche De la démocratie en Amérique, parue, cette même année 1865, sous la forme de trois volumes chez Lévy.

Une fois à terre, Georges Clemenceau incarne en partie le profil classique de l’aventurier : un amour déçu, des dettes à Paris non remboursées, un père fatigué de le financer, une mère et des amis inquiets, des rêves de pionnier3. Mais à la différence de Ragged Dick de Horatio Alger4, il n’est pas isolé. Clemenceau est accompagné par son ami Dourlen et logé près de Greenwich Village et de Washington Square, il retrouve très vite des compatriotes ou d’anciennes relations parisiennes, tel Edward Howard House, critique dramatique au New York Tribune, qui l’introduit auprès de son patron Horace Greeley. Clemenceau rapidement n’est plus dépaysé dans ce New York en pleine croissance, décrit, quelques mois auparavant, par Duvergier de Hauranne :

16 juin 1864. On parle trop des splendeurs américaines. Le premier aspect de New York est rebutant et vulgaire. C’est un grand village né d’hier, sans monuments, sans souvenirs, sans limites, envahissant la campagne à mesure qu’il lui faut des maisons et des magasins. Les pavés effondrés, les rues boueuses, les squares pleins d’herbes et de broussailles, les omnibus, disgracieux wagons qui roulent sur des voies ferrées, les maisons irrégulières, bariolées d’affiches colossales, enfin la population maussade, affairée, soucieuse, qui se coudoie et s’encombre parmi les camions et les charrettes, ont la laideur négligée d’un bazar en plein vent. Broadway, Wall Street et toute la basse ville sont chaque jour pendant 10 heures le rendez-vous universel. On n’y voit que bannières flottantes, enseignes monstrueuses, oripeaux flamboyants.5

Fréquentant les centres politiques, l’Union League Club ou Tammany Hall, siège du Parti démocrate, les bibliothèques comme l’Astor Library, les pubs et les restaurants, notamment le Pfaff à Broadway, il pénètre cette société et intelligentsia new-yorkaises.

Peut-être est-ce au cours de ces rencontres qu’on lui propose d’envoyer quelques chroniques au Temps, journal libéral français ? Au départ, ces articles sont anonymes et non payés ; à partir de 1867 il est rémunéré à la ligne, puis grâce à l’intervention de son ami Lafont, salarié à raison de 150 francs par mois, il peut être désormais appelé journaliste ou correspondant à l’étranger.

Toutefois, ces Lettres d’Amérique, même non signées, remplissent leur mission cognitive et informative d’une façon très particulière. Même si le genre journalistique de la lettre n’a pas pour intention originale l’objectivité de l’information puisque écrite par des personnalités et des caractères, il n’en demeure pas moins que les Lettres d’Amérique de Georges Clemenceau transgressent de façon intéressante la situation d’observateur du journaliste.

Ponctués d’appréciations personnelles, écrits à la première personne comme le veut le genre dans lequel ils s’inscrivent, mis en regard de la correspondance intime de la même époque, ces articles narrent la découverte de la Grande République d’Outre-mer, en pleine Reconstruction, par un jeune homme futur fondateur de la Troisième République.

L’article de journal comme littérature de soi

En premier lieu, à la lecture de ces 95 Lettres d’Amérique écrites entre le 11 octobre 1865 et le 1er août 1870, et en parcourant les détails contenus dans la correspondance générale, le travail journalistique n’apparaît pas forcément programmé par les évènements que connait l’Amérique sous Johnson. Le choix des papiers n’est pas systématiquement commandé par l’actualité. Bien au contraire, les évènements privés, déjà à l’origine de ce voyage aux États-Unis, ne cessent de ponctuer et d’ordonner les déplacements de notre journaliste. La correspondance au Temps est très irrégulière. Lacunaire, elle est étroitement soumise à la vie privée de Georges Clemenceau et est interrompue par des retours mystérieux en France comme l’atteste la chronologie suivante : fin de printemps, été 1866 : retour en France, séjour à l’Aubraie ; fin de l’été 1866 : retour à New York ; 1868 : Professeur de français et d’équitation au Collège de jeunes filles de Miss Aiken, à Stamford, Connecticut ; juin 1868-juin 1869 : deux mystérieux voyages en France6 ; 20 juin : 1869 : mariage avec Mary Plummer à New York ; et enfin, 26 juin 1869, départ des jeunes époux pour la France.

Pour exemple, les Lettres d’Amérique publiées entre le 24 juin 1869 et le 1er août 1870 ont été rédigées après le retour en France et sans doute d’après des dépêches reçues par les agences ou les journaux.

En conséquence, la tâche médiatique demandée s’accomplit à la fois selon des critères qui se veulent strictement professionnels mais également selon les envies et les goûts personnels du journaliste. La correspondance intime à la famille ou aux amis le précise :  

Lettre à Louise Jourdan, New York, 10 mars 1867.

Eh bien non, ce ne sera pas encore aujourd’hui que je vous écrirai cette fameuse lettre tant promise où je vous donnerai des raisons. La raison pour laquelle je m’abstiens de raisons, c’est que me revoilà un pied en l’air et que j’ignore de quel côté le vent me fera tourner. J’ai un ami qui est en ce moment à Savannah et qui revient dans une quinzaine. À son retour je déciderai d’une façon définitive si j’irai au sud ou non. D’un autre côté on me fait des propositions pour aller en Californie et cela me sourirait à moitié. Je ne sais pas encore ce que je ferai. Peut-être resterai-je encore quelque temps à New York – je ne sais – quoi qu’il en soit aussitôt que j’aurai pris un parti quelconque je vous écrirai et vous donnerai clairement la raison de ma conduite, et n’en doutez pas vous m’approuverez. Vous verrez que je suis plus raisonnable et plus sensé que vous ne supposez. J’avoue que j’ai été rêveur et fantasque comme tous les gens dont le système nerveux est un peu trop excitable et excité, mais l’expérience  me corrige un peu tous les jours de ce défaut. Vous me tancez bien vertement de ma manie de courir le monde. Quoi que vous puissiez croire, je peux cependant vous assurer que c’est contre mon goût. J’aimerais à vivre tranquillement et régulièrement dans un petit coin. C’était mon sentiment avant de quitter Paris, et plus je vais plus je me réfugie dans l’espérance de m’emprisonner dans une vie calme et régulière. C’est ici le cas de me répéter votre question et de me demander après quoi je cours. Je vous le dirai et vous me donnerez raison.  Personne n’est moins ambitieux que moi, mais je voudrais être indépendant afin de n’avoir besoin de personne (mes amis exceptés) et de pouvoir mépriser tout le monde à mon aise (à l’exception des susdits). Voilà mon idéal. Vous voyez que ce n’est pas très compliqué.  Y arriverai-je cependant ? La route est longue et incertaine. Pour ce qui est de laisser mes os dans ce pays, qu’importe ! Ne faut-il pas toujours finir par les laisser quelque part.

Cette liberté accordée dans le choix des sujets à traiter pourrait également s’expliquer par la notoriété, la renommée du journaliste puisqu’il s’agit ici d’un genre d’écrits spécifique au grand journal qu’est le Temps qui tenait à s’assurer comme correspondant étranger les services de personnages connus, brillants ou promis à de grandes destinées, tel Louis Blanc qui publie régulièrement à la même époque des « Lettres de Londres ».

Cette explication est toutefois fragile. En effet, en 1865, Clemenceau n’est pas vraiment connu comme un personnage public ou perçu comme un grand homme en devenir. Jeune républicain libéral, opposé au Second Empire, ancien détenu à Mazas pour « attentat », surveillé étroitement par la police de Napoléon III en raison de sa réputation et de celle de son père, Clemenceau ne peut être « naturellement » pressenti pour écrire dans le journal fondé par Auguste Nefftzer en 1861, fusse-t-il libéral. Ses seuls faits d’arme dans la presse ont été accomplis dans des feuilles éphémères du Quartier Latin pendant ses études de médecine. De plus, c’est recommandé par Lafont qu’il est enfin « titularisé » dans l’emploi en 1867. Clemenceau, qui deviendra fondateur et rédacteur à La Justice, journal tribune en 1880, est encore dans les limbes.

Lettre à Madame Jourdan, New York, 6 septembre 1867

Lafont m’a écrit dernièrement. Le pauvre garçon va se marier. Il me propose de faire la correspondance américaine du Temps. Ne soyez pas trop surprise si vous voyez de ma prose dans votre journal.

Ainsi, proposée par hasard, cette fonction de correspondant à l’étranger est acceptée volontiers par Clemenceau, au-delà des considérations pécuniaires, non seulement parce qu’elle lui permet de découvrir le pays, de continuer à s’occuper de « ses propres affaires » et notamment de ses soucis d’argent, mais aussi parce que la lettre de l’étranger est un exercice moins codifié que la critique ou la chronique. À mi-chemin entre celle-ci et le reportage qui va naître au début du siècle suivant, le journaliste peut mêler sujets et évènements. Il a une réelle latitude. C’est cet investissement personnel qui séduit Georges Clemenceau. Dans les Lettres, il peut choisir ses sujets, s’engager et émettre ses opinions : « Je laisse au télégraphe le soin de vous transmettre les dernières nouvelles politiques, peu importantes du reste, et auxquelles je ne saurais ajouter que fort peu de commentaires » (Le Temps, 2-3 janvier 1866).

Ce dévoilement de soi souhaité et pratiqué dans l’article de journal est renforcé à la fois par l’exercice imposé de l’anonymat mais aussi par l’existence de la censure postale encore en vigueur sous Napoléon III. Certes, depuis la réforme postale de 1848, la pratique du Cabinet noir s’éteint tant il est devenu difficile de manipuler le courrier intérieur désormais très volumineux. Mais la censure sur le courrier venu de l’étranger continue volontiers à s’exercer surtout lorsque le destinateur est un opposant déclaré au régime.  

Cette peur de la censure ajoutée à la situation de quasi rupture familiale7 dans laquelle il se trouve fait que Clemenceau donne peu de nouvelles et que, même dans sa correspondance amicale, il s’arrange pour ne parler que très évasivement des États-Unis.

Lettre à Louise Jourdan, New York, 10 mars 1867

Je ne vous parle pas politique. La politique française ne m’intéresse pas et la politique américaine ne vous intéresserait guère. D’ailleurs je ne suis pas encore en mesure d’être juste envers les Américains. Nous en causerons quelque jour d’une façon détaillée.

Par là même, les lettres d’Amérique ne peuvent être lues et approchées comme de simples articles de journaux. Une double lecture s’impose. Elles sont non seulement informations et documents sur cette difficile période qu’est la Reconstruction après la guerre de Sécession, et de ce point de vue elles intéressent un vaste public, mais elles s’adressent également à un public plus limité : l’entourage de Clemenceau qui, à travers ces lignes particulièrement subjectives, voit  un jeune homme, voyager, découvrir, murir et faire son apprentissage de la démocratie, un jeune homme qui n’est pas encore médiatisé.

De la Démocratie en Amérique selon Georges Clemenceau

Ce second niveau de lecture – qui est de l’ordre de l’intime – est légitimé par l’importance des deux grands évènements que Clemenceau a à cœur de couvrir : d’une part, il découvre le racisme et l’esclavage en suivant l’adoption du XIIIe amendement, d’autre part, en matière de politique étrangère, il suit l’intervention française au Mexique pour soutenir la création d’un empire mexicain en faveur de l’archiduc Maximilien, frère de François-Joseph et fusillé en 1867, ce qui lui permet de se prononcer sur l’attitude impériale.

Dans les deux cas, Clemenceau non seulement écrit les évènements de façon très personnelle mais sa grille de lecture des faits demeure française, en harmonie avec les lecteurs – supposés républicains – du Temps, et les membres de sa famille, et de ses amis.  

De fait, Clemenceau lit et narre les événements américains à travers le prisme de la Révolution Française et de son opposition à l’Empire. Sur les lettres concernant la question noire et la Reconstruction, le sceau de la devise « Liberté, Egalité, Fraternité » peut être appliqué : « Que les Noirs aient bientôt le droit de vote, du moment que l’esclavage est aboli, cela ne fait de doute pour personne. Cela doit être et cela sera » (Le Temps, 10 janvier 1866).

Dès la première lettre, Clemenceau rappelle ses convictions républicaines en matière de  suffrage. Lui qui le connaît universel depuis 1848 s’étonne quelque peu des interrogations américaines :

Je remarque que dans toutes les discussions, il n’est point question de suffrage universel ; on veut laisser à chaque État le droit de réglementer le droit électoral ; on veut seulement que, dans cette réglementation, il ne soit point fait de distinction entre noirs et blancs. Horace Greeley8, l’éditeur de la Tribune, ne demande point lui-même le suffrage universel pour les noirs : « Nous consentirons volontiers, écrivait-il, ces jours derniers, à ce que ceux-là seulement votent qui savent lire, écrire, ou qui paient des taxes, ou qui se livrent à quelque métier. Nous acceptons n’importe quel critérium qui restreigne le droit de suffrage à ceux qui sont capables et méritants. » Mais les règles les restrictions au suffrage doivent être, dans sa pensée, les mêmes pour tout le monde. Il y a beaucoup de petits blancs dans les États du Sud qui ne sont pas plus capables d’exercer des droits électoraux que les noirs les plus abrutis9 (Le Temps, 11 octobre 1865).

L’accès à la citoyenneté est ainsi présenté comme un devoir, source de paix durable dans un État de droit :

L’occasion est unique, en effet, pour régler cette question tant controversée de la couleur et de faire disparaître à jamais les derniers vestiges de l’esclavage. Égalité absolue de tous les citoyens, sans exception, devant la loi, tel doit être le dernier mot de cette guerre de 40 ans que Harrison ouvrit en 1831 et que le 40e Congrès terminera, nous l’espérons bien, en 1867. Si par malheur, le Président réussissait, appuyé par le Sud, par la Cour Suprême et par le parti démocrate du nord, à ajourner encore cette solution conforme à la justice, s’en est fait de la paix intérieure du pays pour de longues années. On sait par expérience combien est précaire l’apparente tranquillité qui repose sur la négation du droit (Le Temps, 29 janvier 1867).

Découvrant l’esclavage et le racisme, Clemenceau revendique l’universelle humanité et l’identité des aptitudes :

Cette guerre des races est une vieille affaire ; elle a commencé le jour où un homme blanc s’est approprié un homme noir. [...] Oui sans doute, il y a une guerre de races : mais qui l’a commencée ? et qui la poursuit ? Un seul fait qui répond aux calomnies des démocrates contre la race noire : dans l’État de Virginie, l’année dernière, 10 000 nègres adultes (les enfants ne sont pas compris dans cette statistique) ont appris à lire et à écrire (Le Temps, 29 novembre 1867).

Ce passage révèle, chez Clemenceau, l’implantation définitive de la valeur de l’égalité des races. Vingt ans après, il la déclinera dans son combat anti-colonialiste, et la revendiquera de façon magistrale dans son célèbre discours « Races inférieures, races supérieures », prononcé à la Chambre, contre la politique coloniale de Jules Ferry, le 30 juillet 1885.

En conséquence, les Lettres prônent l’octroi de la citoyenneté qui permet indiscutablement la représentation du peuple, l’aboutissement de la démocratie et ouvre la voie du bonheur :

À vrai dire, c’est une chose pénible pour les représentants de l’oligarchie blanche que de se résoudre à voir dans leurs anciens esclaves non plus des nègres c’est à dire un genre non classé par les naturalistes, et qui doit prendre sa place quelque part dans l’échelle animale entre l’homme et le singe, mais des hommes, ayant, suivant la parole de Jefferson, un droit égal au libre développement de leurs facultés et à la poursuite du bonheur ou en d’autres termes, des citoyens leurs égaux concourant par leur juste part au gouvernement de tous par tous (Le Temps,15 mai 69).

En insistant longuement sur l’apprentissage et sur l’exercice de la citoyenneté, Clemenceau valorise avec ardeur les institutions américaines, critique à peine voilée du Second Empire :

Si les Noirs veulent être les égaux des Blancs, qu’ils le deviennent. Les dernières barrières sont maintenant tombées qui gênaient leur libre expansion. Ils ont le droit au travail dans les mêmes conditions que les Blancs, qu’ils travaillent ; ils ont enfin les droits civils et politiques, qui est une arme efficace et puissante, qu’ils se défendent […]. Ils sont des affranchis, qu’ils deviennent des hommes (Le Temps, 23 novembre 1869).

Les lettres se rapportant à la procédure d’impeachment contre le Président Johnson participent à la construction de la représentation collective des États-Unis et de la France de la fin du XIXe siècle. Les Français sont les héritiers de la Révolution, source de plus de justice et les Américains, eux, ont su par leurs institutions et leur Constitution œuvrer pour plus de liberté.

Clemenceau admire de nombreux aspects de la démocratie américaine et ses remarques sont autant de coups de boutoir au régime impérial. Voilà ce dont il rêve pour la France :

Liberté d’expression :

Liberté absolue de parler et d’écrire, de se moquer, d’insulter, de médire, d’exciter à la haine et au mépris de qui et de quoi que ce soit : et non pas une liberté platonique, mais une liberté réelle et vivante dont chacun use à ses risques et périls et dans la mesure qui lui convient (Le Temps, 15 novembre 67).

Liberté de presse, même si elle peut être source de scandales :

Et que dire de la presse, de ses attaques sans mesure, de ses médisances, de ses calomnies, de ses caricatures qui s’en prennent à la vie privée et ne respectent absolument rien (Le Temps 23 septembre 1868).

Et une constitution solide capable d’empêcher la mise en place d’un pouvoir autoritaire. L’allusion au 2 décembre 1851 est évidente :   

Il y a des procédés indiqués par la Constitution pour amener le Président à la barre des représentants du peuple, l’obliger à rendre compte de sa conduite et à être déposé ou absout suivant le cas (Le Temps 1er mai 1869).

Le traitement du contentieux mexicain10 entre les États-Unis et la France est incontestablement favorable à la politique américaine, tout en devinant les vues impérialistes des États-Unis partisans de la « doctrine de Monroe »11. Néanmoins, Clemenceau n’ose pas dénigrer les sympathies impériales pour le Sud des États-Unis et pour Maximilien. Faisant preuve d’une rare discrétion, il apparaît peu dans l’énonciation sinon pour approuver le retrait des troupes impériales.

Les États-Unis n’entendent pas imposer la forme républicaine au gouvernement mexicain : respectant l’opinion chez eux-mêmes, ils entendent la respecter chez les autres, et en tiendront compte aussitôt qu’il leur sera prouvé qu’elle se manifeste librement. Que Maximilien règne paisiblement sans la présence de nos troupes, et son ambassadeur sera tout aussitôt reçu par le président Johnson, en même temps qu’un ministre de la grande République présentera ses lettres de créance à l’empereur du Mexique. Le discours impérial constate que le pouvoir de Maximilien est solidement assis sur la volonté populaire, et que nos troupes n’ont plus, en réalité, d’ennemi à combattre. Du moment qu’il en est ainsi, l’occupation du Mexique devient pour la France une charge inutile, et la présence de ses soldats sur le sol le plus voisin des États-Unis retarde la reconnaissance de l’état de choses que nous y avons établi. Telle est, du moins, la logique américaine

Il est certain que le rappel de nos troupes, loin d’être pour la France un sujet d’inquiétude, doit être considéré par elle comme le plus sûr moyen de consolider son œuvre au Mexique. Si le gouvernement de ce dernier pays n’a plus réellement à combattre que des hordes de brigands décorés du nom de guérillas. Ce que la neutralité des États-Unis les oblige à faire tant qu’ils reconnaissent les juaristes comme belligérants, c’est-à-dire l’encouragement moral que donne à ces derniers la présence à Washington d’un ministre de la République mexicaine ; l’entretien sur les frontières du Texas d’une armée dont les sympathies sont incontestablement pour ceux qu’elle appelle encore les libéraux ; les protestations du général Weitzel contre les actes du général Mejía12 exécutant les ordres de Maximilien – protestations dont on ne peut se dissimuler le mauvais effet ; tout cela tombe naturellement par le seul fait du rappel de nos soldats. Toute la question se résout donc à savoir si, dans l’opinion du gouvernement français, l’empire du Mexique est à l’abri, non pas d’une attaque de la part des États-Unis, mais d’un mouvement intérieur, qui nécessiterait la présence des troupes étrangères.

Le discours impérial tranche cette question. Il n’y a rien à craindre des Mexicains, nous dit-il ; dans ce cas, répondent les États-Unis, les Mexicains n’ont rien à craindre de nous (Le Temps, 27 février 1866).

Seule, une lettre de la correspondance privée vient contredire l’objectivité sereine et le détachement professionnel du journaliste. Écrite à madame Jourdan le 6 septembre 1867, cette lettre, dont un des passages est d’une rare violence, révèle combien fut grande l’énergie qu’a dû déployer Clemenceau pour analyser si sobrement dans le journal et de façon si laconique la mort de Maximilien et la folie de sa femme. Voici d’abord un extrait de l’article :

Le sentiment de douloureuse surprise produit par l’exécution de Maximilien13 n’a pas été de longue durée. Le public américain qui, sous la première impression, avait poussé un cri de réprobation, est revenu aujourd’hui à d’autres idées. Il trouve tout naturel maintenant que les Mexicains se soient débarrassés d’hommes dont l’existence eût été une menace perpétuelle contre la république. Ce revirement d’opinion doit être attribué, en grande partie, aux discours prononcés ces jours derniers devant le Congrès des États-Unis. Plusieurs membres de la Chambre, en effet, se sont fait résolument, en cette occasion, les apologistes de Juárez et ont soutenu que la mort de Maximilien était un acte non seulement excusable mais nécessaire (Le Temps, 27 juillet 1867).

Puis la lettre :

Lettre à Madame Jourdan, New York, 6 septembre 1867.

Nous avons une querelle à vider cependant. Que diable allez-vous vous imaginer des Maximilien et des Charlotte. Mon Dieu, oui, je le sais, ces gens-là sont toujours charmants. Cela était convenu d’avance : il y a cinq ou six mille ans qu’ils sont comme cela. Ils ont la recette de toutes les vertus et le secret de toutes les grâces. Sourient-ils : c’est délicieux. Pleurent-ils : c’est touchant. Vous laissent-ils vivre : quelle exquise bonté. Vous écrasent-ils : c’est le malheur de leur situation. Eh bien, je m’en vais vous dire une chose. Tous ces empereurs, rois, archiducs et princes sont grands, sublimes, généreux et superbes, leurs princesses sont tout ce qu’il vous plaira, mais je les hais d’une haine sans merci, comme on haïssait autrefois en 93, alors qu’on appelait cet imbécile de Louis XVI l’exécrable tyran. Entre nous et ces gens-là il y a une guerre à mort. Ils ont tué dans des tortures de toute espèce des millions d’entre nous, et je ne parierais pas que nous en ayons tué deux douzaines. Il est vrai grande est la classe des exploiteurs de l’imbécillité  humaine, mais ils sont à leur tête et comme tels c’est eux qu’il faut viser. Je n’ai point de pitié pour ces gens-là. Plaindre le loup, c’est commettre un crime envers les moutons. Celui-là voulait commettre un vrai crime : ceux qu’il voulait tuer l’ont tué. J’en suis ravi. Sa femme est folle : rien de plus juste : cela me ferait presque croire à une Providence. C’est l’ambition de cette femme qui avait poussé cet imbécile. On a tué bien des hommes pour que votre Charlotte fut saluée du nom d’impératrice. Il paraît cependant qu’on en a pas tué assez. Tenez, je regrette qu’elle soit folle et ne puisse pas comprendre que son mari est mort par elle et que c’est un peuple qui se venge – d’ailleurs ne rejetez pas la responsabilité sur autrui.  Si Maximilien n’a été qu’un instrument, son rôle est plus vil (car il y a de la grandeur dans un beau crime bien prémédité) mais n’en est pas moins coupable.

Vous croyez que je suis féroce. Ce qu’il y a de pire c’est que je suis intraitable et que sur cet article-là je ne changerai jamais. Je m’aperçois que ma tirade est un peu longue. Mais aussi pourquoi diable distinguez-vous entre ces gens là. Croyez-moi, tous se valent. Si par impossible il y avait un enfer et qu’il n’y eut pas une cuve spéciale pour eux, le bon dieu descendrait dans mon estime. Je doute qu’il y ait un autre athée qui regrette autant que moi l’absence d’une Providence : j’abandonnerais tout à sa justice suprême et cela me dispenserait de haïr. Mais penser que tous les misérables s’endorment du même sommeil que les bons, c’est dommage.

Ainsi, cette lettre révèle toute la haine de la monarchie et le culte de la Révolution Française chez ce jeune républicain élevé à Michelet et à Victor Hugo. Elle est en écho avec l’article sur le quatorzième volume de l’Histoire de France de Michelet, paru le 2 février 1862 dans Le Travail, journal de jeunesse où il commit ses premiers écrits. Elle annonce, dans l’action politique, son parti pris pour les plus faibles et bien entendu, son premier grand ouvrage La Mêlée Sociale, compilation d’articles de journaux, publié en 1895.

Le ton passionné qu’il emploie – il s’agit presque d’un appel au meurtre – mérite cependant quelques explications puisqu’ici Clemenceau, qui sait que sa correspondance peut être examinée, perd toute prudence. L’attachement profond à Madame Jourdan, à « sa mère parisienne » en est la cause : Clemenceau ne peut supporter que cette femme qu’il aime d’un amour quasi filial puisse être à ce point midinette. D’autant plus que Madame Jourdan et son mari furent des républicains de la première heure et que la mort de son directeur de conscience, Gustave Jourdan, en 1866, l’a profondément affecté.

Conclusion 

Ces Lettres d’Amérique s’achèvent par une dernière lettre qui, à elle seule, justifie la double lecture ici menée.

Le dernier article de Clemenceau daté du 12 avril 1870, rédigé après l’admission du Texas dans l’Union et la ratification du XIXe amendement (accordant le droit de vote aux femmes) est une véritable déclaration d’amour vis-à-vis des États-Unis, mais également il coupe, le voyage achevé, le cordon ombilical avec Tocqueville. Parti en 1865 avec en poche De la démocratie en Amérique, Georges Clemenceau revient, fort de son expérience, avec une appréciation plus actuelle et toute personnelle :

Tocqueville qui certainement ne manquait ni de sagacité dans l’observation ni d’habileté dans la patiente analyse des causes des événements, s’est ici totalement trompé. Il pensait que le conflit entre le Nord et le Sud au sein de l’Union était un problème à venir, mais il se méfiait « d’un patriotisme conscient basé sur l’intérêt personnel » et il prédisait audacieusement que la supériorité du gouvernement fédéral tomberait à la première attaque. En outre, il ne croyait pas que l’esclavage ait créé dans le Sud des intérêts opposés à ceux du Nord. Tocqueville était donc loin de prévoir l’approche de la révolution sanglante qui était déjà toute proche. Il y a un fait qui nous donne le droit de dire que la guerre d’émancipation est terminée : le terrible déni de justice qui en était la cause a été puni et expié. Car, à la gloire de la nature humaine, il faut dire que tant qu’on fermera les yeux à l’injustice, l’esprit vengeur continuera à vivre, et il n’y a qu’un moyen de trouver une solution à toutes ces questions et à tous ces problèmes : il faut les résoudre selon les principes de la justice (Le Temps 12 avril 1870).

Ici, sur le papier, l’homme de conviction et le journaliste se confondent. La lettre, littérature de soi, et l’article, littérature pour les autres, fusionnent laissant entrevoir la silhouette du futur homme d’Etat.

Dans la vie, il vient d’épouser Mary Plummer, une jeune fille aux yeux noirs rencontrée à Stamford, dans une institution du Connecticut.

La prochaine lettre d’Amérique qu’il écrira sera en anglais, parlera d’amour mais ne paraîtra pas dans le journal.

(Université de Cergy-Pontoise)

Notes

1  À la décharge des biographes, Clemenceau avoue une autre cause plus noble à la fin de sa vie comme en témoigne le passage suivant :

« - Moi : [ici Jean Martet:] Je voudrais savoir pourquoi vous êtes parti en 65 pour l’Amérique.
- M. Clemenceau : Oh ! Oh ! grosse question ! Parce que je venais de passer ma thèse de médecine. Je sentais que la démocratie allait avoir son heure chez nous. J’ai dit à mon père : “ Je voudrais aller voir comment elle fonctionne là-bas. ” Il m’a dit : “ Va ” J’y suis allé, j’ai vu… » Jean Martet, M. Clemenceau peint par lui-même, Paris,Albin Michel, 1929,  p. 93-94.

2  Georges Clemenceau, Correspondance (1858-1929), édition établie par Sylvie Brodziak et Jean-Noël Jeanneney, Paris, Robert Laffont, collection Bouquins, 2008, p. 116-117.

3  Clemenceau pensa, quelque temps plus tard, s’installer dans un ranch dans le Middle West. Il demanda l’argent à Benjamin son père, qui trouva l’idée déplacée et lui coupa les vivres.

4  Horatio Alger Jr., (1832-1889), auteur américain, a écrit plus de cent livres qui ont inspiré la jeunesse américaine depuis la fin de la Guerre Civile jusqu’à la fin du XIXe siècle. Ses romans exaltent la fidélité, le courage, le travail dur et honnête, et ont captivé l’imaginaire des jeunes Américains leur donnant un modèle d’espoir et de réussite face à l’adversité. Son héros principal est Ragged Dick.

5  Extrait de Huit mois en Amérique à la fin de la Guerre, lettres et notes de voyages par M.E. Duvergier de Hauranne, Revue des Deux Mondes, septembre, octobre 1865.

6  Jean-Baptiste Duroselle, l’un des principaux biographes de Clemenceau, voit dans le premier voyage le besoin de revoir les siens, et de réfléchir à une union possible avec la jeune Mary Plummer, dans le second, le désir de se réconcilier avec son père.

7  Clemenceau, à l’époque, doit faire face à des dettes contractées en France.

8  Horace Greeley (1811-1872) : Fondateur et patron en 1841 du journal New York Tribune, il combattit pour l’abolition de l’esclavage.

9  A prendre au sens premier du terme : personne dont les facultés intellectuelles sont temporairement amoindries par un agent extérieur.

10  Après avoir pris ses fonctions à Mexico en juin 1864, Maximilien se heurte à l’opposition du libéral Benito Juarez qui mène, avec l’appui de la majorité de la population, une guérilla dans le nord du pays. Les critiques se multiplient à l’encontre de la cour impériale, jugée trop dépensière. En tentant maladroitement de se rapprocher des libéraux, Maximilien qui bénéficiait pourtant du soutien des conservateurs perd peu à peu tous ses appuis politiques. Isolé et ne remplissant que des fonctions administratives, il fait appel à la France qui dépêche le Général Bazaine. Celui-ci intrigue contre Maximilien et lui inspire en 1865 un décret très impopulaire prévoyant l’exécution sans jugement de tout opposant pris les armes à la main. Devant la dégradation de la situation militaire et l’adhésion de toutes les villes à la cause juariste, Napoléon III décide de mettre fin à la guerre du Mexique en rappelant en France le corps expéditionnaire. Maximilien décide pourtant de rester au pouvoir. Pris au piège par les juaristes au nord-ouest de Mexico, à Quérétaro, il est emprisonné et fusillé avec ses généraux le 19 juin 1867.

11  Enoncée le 2 décembre 1823 par le Président des États-Unis Monroe, elle comporte trois points principaux : 1) Les États-Unis ayant reconnu en 1822 l’indépendance des nouvelles républiques latino-américaines, l’Amérique du Nord et du Sud ne sont plus ouvertes à la colonisation européenne. 2) Les États-Unis regarderont toute intervention de la part des Européens dans les affaires du continent américain comme une menace pour la paix. 3) En contrepartie, Les États-Unis n’interviendront jamais dans les affaires européennes.

12  Tomas Mejia : Général mexicain conservateur soutenu par la marine française gardien de la ville de Bagdad, allié de Maximilien.

13  Après avoir pris ses fonctions à Mexico en juin 1864, Maximilien se heurte à l’opposition du libéral Benito Juarez qui mène, avec l’appui de la majorité de la population, une guérilla dans le nord du pays. Les critiques se multiplient à l’encontre de la cour impériale, jugée trop dépensière. En tentant maladroitement de se rapprocher des libéraux, Maximilien qui bénéficiait pourtant du soutien des conservateurs perd peu à peu tous ses appuis politiques. Isolé et ne remplissant que des fonctions administratives, il fait appel à la France qui dépêche le Général Bazaine. Celui-ci intrigue contre Maximilien et lui inspire en 1865 un décret très impopulaire prévoyant l’exécution sans jugement de tout opposant pris les armes à la main. Devant la dégradation de la situation militaire et l’adhésion de toutes les villes à la cause juariste, Napoléon III décide de mettre fin à la guerre du Mexique en rappelant en France le corps expéditionnaire. Maximilien décide pourtant de rester au pouvoir. Pris au piège par les juaristes au nord-ouest de Mexico, à Quérétaro, il est emprisonné et fusillé avec ses généraux le 19 juin 1867.

Pour citer ce document

Sylvie Brodziak, « Clemenceau américain, journaliste et épistolier », La lettre et la presse : poétique de l’intime et culture médiatique, sous la direction de Guillaume Pinson Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/la-lettre-et-la-presse-poetique-de-lintime-et-culture-mediatique/clemenceau-americain-journaliste-et-epistolier