Je privé Je politique dans les Souvenirs dans l’exil de la princesse Christine Trivulce de Belgiojoso
Table des matières
MAURICE GASNIER
Après la chute de la République romaine consécutive à l’expédition française ordonnée par Louis Napoléon Bonaparte, président de la IIe République, le 3 juillet 1850, la princesse lombarde Cristina Trivulzio di Belgiojoso1, journaliste, femme de lettres et femme politique, qui avait dirigé pendant le siège de Rome un hôpital au Quirinal, voit sa vie menacée et doit, comme beaucoup de « patriotes » libéraux italiens, quitter son pays. Elle s’embarque, avec sa fille Marie et sa gouvernante Mrs Parker, le 31 juillet à bord du bateau le Mentor2, pour Malte, première étape de son périple qui la conduira au Moyen-Orient.
Cette figure du Risorgimento entretenait avec une amie de Paris, Caroline Jaubert3, une correspondance, qui ne nous est pas parvenue directement. Nous ne la connaissons que par la médiation du journal le National, qui a publié sous la forme d’un feuilleton les lettres de Cristina. Celles-ci passent ainsi de la correspondance privée au feuilleton journalistique, mais leurs caractéristiques génériques restent repérables dans les Souvenirs dans l’exil4, malgré de nécessaires transformations. Ce passage du privé au public, souhaité par Cristina, qui n’a connaissance du feuilleton qu’après sa publication, entraîne les réactions d’un lectorat hétérogène, sensible certes aux révélations de l’intime, et de sa vie mondaine, mais critique aussi à propos de ses réflexions sur la condition de l’Italie. La princesse se voit malgré elle entraînée, dans une polémique dans laquelle je politique et je privé apparaissent difficilement dissociables, tant sa vie se confond avec la cause italienne.
Les Souvenirs dans l’exil entre correspondance privée et feuilleton journalistique
Les caractéristiques de l’épistolaire sont identifiables en effet dans le feuilleton publié par le National. Certes la datation des lettres n’est pas conservée, même si elle est évoquée indirectement par la première d’entre elles : « La date de cette lettre vous rassurera sur mon sort. Je ne la fermerai que lorsque je serai débarquée à Malte » (I)5. Pour les autres, seule la date du journal où elles sont publiées apparaît. Mais leur chronologie pourrait cependant être globalement reconstituée.La localisation géographique est indiquée dans les en-têtes du feuilleton, et renvoie aux différents étapes du voyage de la princesse : En vue de Malte ; Malte ; Egine ; Athènes ; À bord du Télémaque ; Constantinople ; Orta-Kur.L’expression appellative « chère amie » est mentionnée, au moins dans les deux premiers numéros du feuilleton. Les marques de l’interlocution propre à la correspondance se retrouvent de même dans ce texte. Les réponses aux lettres de Cristina sont citées dans ses propres lettres. Ainsi dit-elle à Caroline : « Vous m’écrivez que vous ne comprenez rien au rôle de météore que Vincent Gioberti6 a joué dans notre révolution » (XII). Mais c’est l’impression de dialogue qui domine dans cette correspondance, comme l’écrit Cristina à son amie alors qu’elle navigue : « En cet endroit, le capitaine du navire vint mettre un terme à notre causerie, qui sentait un peu le coin du feu parisien, et me plaisait pour cela » (XIX).
Elle sait rendre ses lettres particulièrement vivantes en jouant sur un certain nombre d’effets. Conversation interrompue7: « Et est-ce là ce que je voulais vous dire? Point du tout. J’avais une foule de choses à vous raconter, dont je ne vous ai pas dit le premier mot. Ce sera pour la prochaine fois, si le sort, les circonstances, le hasard, et quoi encore? la fantaisie et le caprice veulent bien le permettre » (VI). Interactions simulées, Cristina prête en effet à Caroline de nombreuses réflexions8 : « Oui, mon amie, vous avez raison, il faut changer le cours de mes idées et briser momentanément avec la politique » (IV). Injonction : « Je vous en prie ! nommez-moi ceux qui, quelques fois, vous parlent de moi. L’oubli n’est-ce point une mort prématurée ? » (XV). Demande de lecture de sa lettre : « Lisez ce passage [de ma lettre], je vous en prie, à Henri Heine, c’est ma réponse à ce qu’il me fait écrire – qu’il souhaite vigoureusement la mort, et que cette curiosité de l’avenir social, qui le soutenait dans sa lutte avec la souffrance l’a maintenant abandonné » (VIII). Anticipation à une objection : « Mon appréciation des Turcs me donne une teinte un peu matérielle, j’en conviens ; mais je me hâte, mon amie, d’ajouter que je ne ferais pas choix d’un héros de roman parmi eux » (XXI). Apport d’une précision9 : « Remarquez bien le lieu d’où je date ma lettre et si je vous mande que je suis accablée de fatigue, vous ne devinerez guère d’où me vient cette lassitude. Apprenez donc qu’il faut l’attribuer au concert instrumental que je viens de subir à Constantinople même » (XXIII). Les très nombreuses interactions simulées présentes dans le texte concourent à constituer une sorte de correspondante idéale, qui joue un rôle de faire-valoir pour Cristina, qui ne peut exister sans le regard d’autrui. Caroline devient un miroir nécessaire à celle qui écrit : « Si, à cette heure avancée de la nuit, je sacrifie le repos du lit au plaisir de m’entretenir avec vous, où est le désintéressement ! N’est-ce pas l’amour de moi bien entendu » (III).Enfin on relève dans ce texte les marques d’affection qui clôturent habituellement la lettre :« J’aurais donc été privée à la fois du plaisir de vous raconter le danger auquel j’ai été exposée, et celui bien plus précieux de vous exprimer ma tendresse vive et durable » (XI).
De plus ces lettres publiées en feuilleton présentent une mise en scène de l’écriture épistolaire. Le lieu de l’écriture est souvent rappelé : « À cette heure je vous écris à bord du Mentor » (I) ; « je suis logée [à la Valette…], d’où je vous écris » (II), etc…, et l’acte d’écrire lui-même est souligné à de multiples reprises : « Je reprends la plume après deux jours d’intervalles. J’ai fait une excursion curieuse, j’ai voyagé, ou du moins j’ai vu du nouveau sans presque changer de place. Je fus interrompue, lorsque je vous écrivais par la visite d’une famille anglaise avec laquelle je suis en relations depuis huit jours » (II) ; ou bien : « Si un acte de courage donne quelque droit à cette décoration, j’ose y prétendre en vous écrivant dans l’état présent de l’atmosphère » (XXIII).
Ces différents indices nous permettent donc de conclure à l’existence, à l’origine des Souvenirs dans l’exil, d’une véritable correspondance privée, dans laquelle peut s’exprimer une intimité, et dont la publication n’est pas prévue.
Cette correspondance va, circonstances obligent, changer de statut. En effet, contrainte à l’exil, Cristina Trivulzio di Belgiojoso doit subvenir à ses besoins matériels. Elle demande donc à Caroline Jaubert de publier ses lettres, rédigées en français, dans le National, journal républicain, dirigé en 1850 par Léopold Duras10. Son tirage11 se situe certes loin derrière ceux de La Presse ou du Journal des Débats, mais son influence, comme journal d’opposition, est importante. Les débuts de cette publication semblent difficiles, la princesse étant habituée certes à écrire des articles dans la presse, mais des articles politiques. Or, le National doit pouvoir satisfaire ses lecteurs en les informant mais aussi en les divertissant. Elle écrit ainsi à Caroline Jaubert : « Chère amie, je vous en prie, ne perdez ni patience ni courage, et ne me découragez pas. Cela viendra à mesure que je me familiariserai avec le public ; mais, en attendant, faites de votre mieux ; fouillez dans mes lettres, tirez-en tout ce qui peut vous aller, et cousez les fragmens. – Je vous promets que cela viendra. » Et ceci encore : « Et, à propos, avez-vous besoin de me demander mon autorisation pour faire ce que vous voulez de mes lettres? Elles sont bien à vous, ces pauvres lettres, et vous pouvez en disposer comme bon vous semblera ; vous avez CARTE BLANCHE pour cela, et pour tout ce qu’il vous plaira12. » La princesse – et Caroline Jaubert – vont très vite apprendre à satisfaire le public du National, et ces lettres vont se transformer en feuilletons, 23 au total, du 5 septembre (soit un mois après le départ de Cristina de Rome) au 12 octobre 1850. Ce passage de la correspondance au feuilleton entraîne une modification de l’énonciation. Cristina, rédactrice des lettres privées, devient Mme Christine Trivulce de Belgiojoso dans le National, Caroline se transforme en Madame J… ; Cristina retrouve donc son personnage public (mais perd son titre de princesse), à Caroline, personne privée, se substitue une anonyme Madame J…13, coquille vide qui peut être remplie par un lectorat. Le National offre par conséquent à une femme politique vaincue le moyen de se faire entendre de nouveau.
Les Souvenirs dans l’exil vont ainsi jouer continûment sur ces deux registres du privé et du public, sur la voix de Cristina et sur celle d’une princesse déchue, au nom francisé, Christine Trivulce de Belgiojoso.
Je privé
Ce texte hybride nous propose plusieurs approches de l’intime. Les mots intime ou intimité apparaissent en effet à plusieurs reprises dans les Souvenirs, et recoupent certains aspects de la vie privée de Cristina.
L’intime c’est d’abord le cercle des proches. Se rappelant les jours heureux qu’elle avait passés à Paris en 1830 lors de son premier exil, elle nous précise qu’elle avait eu « le bonheur de vivre assez long-temps dans l’intimité de Mme Récamier14, pour éprouver une douce émotion à la description de l’intérieur d’un de ces hôtels du faubourg St-Germain, qui avaient avec le sien une si grande ressemblance » (VI). Ou bien : « pour qui n’a pas vécu dans l’intimité du général [Lafayette], rien ne peut donner une idée exacte du charme de cet esprit fin, délicat, plein de saillie, allié au cœur le plus noble et le plus généreux » (XXII).Ou encore : « En vain vient-on m’interrompre et prendre mes ordres de départ pour un voyage en Asie ; en cet instant, c’est à Paris ou à Marly, au milieu de mon cercle intime, que mon cœur et mon esprit se transportent » (XXIII). L’intime c’est bien sûr l’amitié : « L’abbé Gioberti paraissait, suivi de ses secrétaires, et de quelques amis intimes » (XXII). C’est aussi la sexualité. Évoquant le personnel qu’elle avait recruté pour servir dans son hôpital à Rome, Cristina précise : « Après avoir bien épluché mon personnel, je jouai le rôle d’une duègne sévère, armée de lunettes, me promenant un jonc à la main, pour mettre subitement fin aux conversations qui pouvaient devenir trop intimes » (IV).Et encore : « la jeune favorite n’était nullement timide. – Aussi, à peine se vit-elle établie dans l’intimité du pacha, qu’elle l’interrogea sur ses idées, ses projets, ses espérance et sa puissance » (X). L’intime renvoie de plus aux vanités intimes, aux faiblesses : « Les femmes, pour captiver, exercent l’art de flatter les vanités intimes. Elles persuadent à l’un qu’il est grand poète ; à l’autre, le plus éloquent des orateurs ; à un troisième qu’il est beau ! Les hommes sont très accessibles à cette dernière flatterie » (XX). A contrario l’absence d’intimité empêche la sociabilité. « Mme de Plaisance a des opinions bizarres, des goûts étranges, qui la placent dans une sorte d’hostilité vis-à-vis le monde ; ce sont des aspérités dont le contact s’oppose à la formation de toute intimité » (VII).
Au fil de ses lettres Cristina évoque divers domaines de sa vie privée. Ses souvenirs d’enfance témoignent déjà d’un caractère rebelle :
Notre instruction est tellement imprégnée d’histoire grecque et d’histoire romaine, que nous marchons en Grèce sur nos souvenirs de classe. Pour moi, l’enfance et l’antiquité sont si bien mêlées, que je ne puis séparer l’une de l’autre. Ainsi, Alcibiade n’est pas simplement pour moi le disciple de Socrate, l’ami, le rival de Périclès, l’homme éminemment politique et guerrier, mais il est surtout le mauvais sujet qui m’attirait de vertes semonces, parce que je le préférais au vertueux Aristide. – Aspasie me rappelle de suite tous les commentaires que je me permettais de faire sur sa position, qui piquait singulièrement ma curiosité (XIV).
Elle sait se mettre en scène, de façon directe ou indirecte. L’autodérision apparaît ainsi dans le rôle ridicule de l’amie consolatrice qu’elle joue, sur les instances de Liszt, auprès d’une Nélida15 fort surprise de sa démarche. Elle fait même allusion indirectement à son mariage : « Le temps de compter jusqu’à vingt doit suffire pour toucher le cœur de deux femmes, lorsque le jeune premier est beau garçon, et qu’il possède une voix de ténor délicieuse » (XI), ce qui était le cas de son mari, le prince de Belgiojoso. Et le fiasco de ce mariage est évoqué de façon tout aussi cryptée :« ne voyons-nous pas sans cesse des femmes qui sont aimées par des motifs pris en dehors d’elles-mêmes? La comtesse Guiccioli, par exemple, était entourée d’adorateurs qui témoignaient ainsi de leur culte pour lord Byron » (XI). Seuls les amis intimes pouvaient comprendre le propos, la comtesse Guiccioli étant la maîtresse d’Emilio Belgiojoso.
L’intime se traduit également dans une parole de femme et une parole d’exilée. Elle adopte en effet dans ce texte une perspective particulière, personnelle, en rupture avec l’image convenue que l’on attendrait d’une femme, car elle veut ses propos exemplaires. Elle se moque d’elle-même se qualifiant de « poupée de salon » (II) lors de sa période mondaine, revendique un « dédain des convenances de salon » (XIII), et lorsqu’elle parle de l’Orient écrit : « Dégagée des préjugés puérils, qui se trouvent mêlés souvent à l’éducation des femmes, j’ai acquis avec le temps le courage de dire sincèrement mes opinions » (XX). Elle use dans les Souvenirs d’une écriture ironique dont ses contemporains seront les dupes et les lecteurs du National les complices. On pourrait multiplier les exemples. Le point de vue choisi pour relater son voyage en Orient participe plus d’une entreprise de démystification de la Grèce (et de la Turquie) que de l’habituel récit de voyage. Athènes est située en Béotie – on n’y connaît pas Liszt – c’est un pays où règne la superstition, et le brigandage16, les maison, mal construites, s’écroulent régulièrement, les Athéniennes sont maquillées comme les clowns du cirque Franconi et Marathon n’est connu, comme chacun sait, que par une variété de gros oignons qui y poussent… Cependant, même si elle se veut dégagée des préjugés féminins, elle témoigne malgré tout des préjugés d’une occidentale du XIXe siècle dans sa description de la Turquie17. Ces Souvenirs seront également une relation de la vie mondaine parisienne qu’elle a connue et bien sûr de la politique, toujours présentée sur le même mode ironique. Ainsi nous rapporte-t-elle cette anecdote à propos d’un Bellini superstitieux que Henri Heine, ami de Cristina et exilé comme elle, prenait plaisir à apeurer :
Il avait vite découvert les faiblesses de Bellini, et la mort était le texte perpétuel de ses plaisanteries. Ainsi, le voilà qui commence à s’apitoyer sur le sort qui attendait infailliblement le jeune compositeur, s’il était, comme on l’assurait, doué de génie. Ils meurent tous si jeunes, disait-il, avec un attendrissement moqueur, ces hommes de talent ! Voyons quel âge avez-vous? trente-deux ou trente-trois? hum ! Mozart n’a vécu que trente-cinq (XI)18.
Cristina flétrit aussi M. de Corcelles19, qui contribua au rétablissement du pouvoir temporel du pape Pie IX. Elle imagine le dialogue qu’aurait pu avoir le général Lafayette et celui qui avait épousé sa petite-fille :
Quel juge redoutable eût attendu M. de Corcelles à son retour, lorsque le général de La Fayette, avec l’autorité d’une conscience et d’une vie irréprochables, l’interrogeant sur sa conduite, lui aurait dit : – Qu’avez-vous fait, une fois entré dans Rome? Quelle part, vous, M. l’envoyé de France, avez-vous prise aux emprisonnemens, à l’exil, à la persécution des honnêtes gens? aux mauvais traitemens prodigués aux blessés? au massacre de la population juive?... Son petit-fils n’eût-il pas senti la rougeur lui monter au front, et quelle autre réponse eût-il pu faire, si ce n’est, – en baissant les yeux, – de garder le silence (XXII) ?
Quant à Gioberti, présenté comme le « représentant de la monarchie italico-fédérative une-temporelle-spirituelle » (XII), il devient, à Florence, la marionnette d’un théâtre de Guignol…
Cette attitude de « grande dame20 » dira Henry James, correspond à la définition donnée par une critique de l’ironiste qui reste dans le monde qu’il raille par la connivence, et hors de ce monde qu’il satirise21. Le sujet ironisant, « se particularise, s’individualise, s’émancipe. L’ironiste se distingue dès lors par sa démarcation, qui le projette dans une étrangeté au monde et aux autres. Il portera donc les stigmates de l’exil et de la solitude. La conscience ironique est avant tout fracture22 ». Être dans le monde qu’on raille et hors du monde qu’on satirise, c’est bien là un aspect de ces Souvenirs. Cristina adopte dans son œuvre une attitude de rupture qui la met à l’écart de ses contemporains. Elle juge, de haut, tous ceux qu’elle a fréquentés ou qu’elle rencontre. D’où les risques d’ailleurs d’être mal comprise. Dans une lettre au baron de Vitrolles, le 27 septembre 1850, Félicité de Lamennais écrivait : « Lisez-vous dans le National les Souvenirs de la P[rin]cesse Belgiojoso? Elle dit du mal de tout le monde, et c’est en dire de soi plus que nul autre n’en pourrait dire. Si j’avais à peindre le diable, je le peindrais sous les traits d’une vieille femme méchante. Je ne sache rien de plus hideux dans la création23. » Lamennais, on le voit, n’aimait pas la princesse. Certes elle ne cesse d’ironiser, mais, contrairement à ce que dit Lamennais, elle aime ses contemporains autant qu’elle-même, même si elle les exaspère par son « cabotinage24 ». Mais la théâtralisation du moi ne doit pas révoquer en doute la sincérité de cette femme, dont les aveux touchent au pathétique quand elle écrit à Caroline Jaubert : « Ce qui m’inspire de l’horreur, c’est l’oubli. Je vous en prie ! nommez moi ceux qui, quelques fois, vous parlent de moi. L’oubli n’est-ce point une mort prématurée ? » (XV). « Parlez de moi à ceux qui ne m’oublient pas; car l’oubli me fait positivement mal » (I). Cependant si la princesse se livre au long de ces Souvenirs, il reste un seuil du secret qui ne sera jamais franchi : sa liaison avec Auguste Mignet25, père de sa fille Marie.
Je politique
Les Souvenirs dans l’exil vont entraîner des réactions non seulement en France, bien sûr, mais encore en Italie et en Grèce, pour une raison principalement : la princesse avait écrit dans son feuilleton du 8 septembre 1850 qu’à « Rome, le peuple n’a pas le moindre vernis de civilisation ; on le croirait sorti d’hier des forêts de l’Amérique ; il n’obéit qu’aux instincts ; de là, vous pouvez deviner quelles sont les mœurs des femmes » (IV). Ces accusations : manque d’éducation et prostitution, allaient provoquer un tollé chez les réfugiés italiens en Grèce comme chez les réfugiés italiens en France et entraîner une polémique avec le National.
En réponse aux attaques des réfugiés italiens en France, Cristina, le 29 septembre 1850, écrivit en effet dans le journal italien la Concordia une lettre ouverte, en italien, où elle faisait un procès d’intention au journal le National : « je déclare hautement, disait-elle, que rien, à mon avis, n’est plus faux que la vieille accusation de barbarie et d’immoralité par laquelle les Français ont l’habitude d’excuser leurs actes vis-à-vis de nous. » Elle développait son argumentation en s’en prenant – maladroitement – à la rédaction du quotidien : « Pour qui sait comment les choses se passent dans les journaux français, comment les articles qu’on leur envoie sont tantôt allongés, tantôt raccourcis, comment de trois ils en font deux, et de deux trois, remplissant les lacunes et faisant des sutures suivant leur fantaisie, le fait de ce malheureux feuilleton s’expliquera facilement. » Enfin elle terminait sa lettre en précisant : « Je ne retrouve plus ma pensée dans le feuilleton du 9 septembre26, et je dois dire que non seulement on a publié CE QUI DEVAIT RESTER CONFIDENTIEL, mais même qu’on a TRAVESTI et mal compris ma pensée27. » Cristina se posait ainsi en victime de la rédaction du journal et de la société masculine de son temps, comme en témoigne la modification de l’énonciation dans cette lettre à caractère polémique dans laquelle le passage du "je" au "nous" permet l’assimilation de la personne privée à la cause des femmes : « Vous savez aussi combien de calomnies on a répandues contre nous, pauvres femmes28. »
Cette lettre aurait pu rester sans suite ; mais la machine médiatique se met en marche, lorsque la lettre de Cristina est reprise par la presse conservatrice française, le Journal des Débats, et la presse catholique, L’Univers. Léopold Duras, rédacteur en chef du National se voit donc dans l’obligation de répondre à Cristina. Il le fera aussi par le moyen d’une lettre ouverte, parue dans le National le 25 octobre 1850. Il précise qu’il a toujours laissé toute liberté à la princesse pour écrire ce qu’elle voulait29, même s’il ne partageait pas ses opinions sur la Grèce et la Turquie, et qu’il n’a rien changé aux propos qu’elle a écrits dans sa lettre à Caroline Jaubert, lettre qu’il cite in extenso, mettant en vis-à-vis sur deux colonnes la lettre originale de Cristina30 et le feuilleton. Certes l’on passe de la lettre au récit, mais les modifications sont minimes, et l’essentiel demeure, le jugement de Cristina sur les Romains. Quant au propos de la princesse qui considérait qu’« on a publié CE QUI DEVAIT RESTER CONFIDENTIEL », il est démenti de même par Léopold Duras, qui écrit : « Hélas ! Madame, quoiqu’il nous en ait coûté, c’est encore dans votre correspondance intime qu’il a fallu aller chercher la justification de ce reproche [de publier des lettres personnelles]. La gravité et la précision de l’accusation n’autorisaient que trop cet indiscret regard jeté sur des lettres qui ne nous étaient pas adressées. » Et il présente quelques extraits de ces lettres de Cristina à Caroline Jaubert que nous avons rappelés plus haut : « fouillez dans mes lettres, tirez-en tout ce qui peut vous aller, et cousez les fragmens. » Et ceci encore : « vous avez CARTE BLANCHE31 » pour faire ce que vous voulez de mes lettres. Enfin Léopold Duras conclut : « Il nous paraît regrettable qu’un débat tout intime s’élève aux proportions d’une discussion publique », montrant bien là la limite de l’intime et du public. Pour avoir livré aux lecteurs l’arrière-boutique journalistique, Cristina se mettait hors jeu.
Le débat se poursuivra dans la correspondance, toute privée cette fois, de Cristina avec son ami Augustin Thierry. Elle confie à son « cher frère » n’avoir « aucun souvenir d'avoir écrit, par exemple, que le peuple romain n'était pas plus civilisé que les sauvages de la mer du Sud » tout en rajoutant : « Il se peut pourtant que j'aie écrit le mot, accompagné de plusieurs autres signifiant le contraire, comme il arrive, lorsqu'on laisse courir la plume au lieu de la surveiller » et rajoute : « Ce qui est positif, c'est que ma lettre n'était pas destinée à la publicité et que je n'eusse jamais permis qu'on la publiât telle que je l'avais écrite32. » Elle fait ainsi preuve de la même mauvaise foi que dans sa polémique avec le National, et met de surcroît en cause son amie Caroline Jaubert, qui lui écrira une lettre indignée : « elle me parle, écrira Cristina à Augustin Thierry, comme je croyais qu'on ne parlait plus au dix-neuvième siècle. Ceci, seulement entre nous, car elle-même ne se rend certainement pas compte des expressions qu'elle a employées33. »
L’idée de l’ignorance des Romains est présente dans de très nombreux articles de la princesse; c’est un constat et aussi un appel à l’éducation de ce peuple, c’est une revendication politique ; mais cette fois là elle soulignait le manque d’éducation d’un peuple vaincu, et qui plus est, comme le soulignera Mazzini, en français, donc dans la langue de l’ennemi, ce qui pouvait justifier l’indignation des Italiens. Cette polémique aura pour conséquence de lui fermer les colonnes du National34, et de la priver de nécessaires ressources pécuniaires35. Augustin Thierry essaiera bien d’aider sa « chère sœur », mais en vain :
J'ai fait auprès de M. de la Guéronnière, rédacteur en chef de la Presse, chargé par M. de Girardin de toutes les affaires de ce journal, la commission que vous m'avez donnée. Il m'a été répondu que pour le présent, le personnel de la rédaction et la somme des matériaux se trouvaient au plus grand complet, de telle sorte qu'il était impossible d'offrir, même à vous, une espérance d'admission pour quelque travail que ce fût36.
C’est finalement Buloz et de Mars, le « butor tout cru » et le « butor pommadé37 » qui lui ouvriront les portes de la Revue des Deux Mondes pour la publication de ses premiers récits de voyage en 185538. Quant à la rupture avec Caroline Jaubert, elle sera évitée grâce à une lettre que Cristina, sur l’injonction d’Augustin Thierry, lui adressera39…
Avant son différend avec le National, elle en avait eu un autre, avec Pie IX, qui lui reprochait de même, le 8 décembre 1849, dans une encyclique, donc une lettre circulaire, la présence de prostituées à l’hôpital de Rome et le fait que des soldats étaient morts sans le secours de la religion. Dans sa réponse, publiée dans le Giornale di Gorizia, où le pape est la cible de son ironie40, elle se fera la porte-parole des femmes : « J’ai respectueusement répondu aux accusations contenues dans l’Encyclique de Votre Sainteté parce que je crois avoir contracté l’obligation de le faire envers les accusées qui ne souhaitent, ne peuvent ni ne savent comment répondre41. » Grâce à la lettre ouverte42, elle multipliait là encore les destinataires et se dédoublait, passant de la femme privée à la porte-parole des ignorants et des femmes, prostituées certes, mais plus douées d’humanité, selon elle, que les Camaldules qu’elle visita à Rome (V)…
Malgré sa polémique maladroite avec le National, elle était familière du monde de la presse. Henry James ne parlait-il pas de « son éternelle immersion dans l’encre d’imprimerie, sa manière de sans cesse fonder, mener, soutenir, renflouer, inspirer des journaux de propagande français et italiens43 ? » Elle avait très vite compris l’importance de la presse pour la défense de ses idées politiques. N’avait-elle pas écrit de très nombreux articles dans la Démocratie pacifique, dirigé ou fondé plusieurs journaux (la Gazetta italiana, L’Ausonio, Il Crociato…) pour la défense de la cause italienne? Elle faisait ainsi entendre une voix, féminine, dans le monde politique de son temps. Ses contemporains connaissaient ses actions en faveur de l’unité de l’Italie, sa résistance à l’occupant autrichien, son premier exil en 1830 à Paris, où elle se lia d’amitié avec Lafayette, son entrée le 6 avril 1848 à Milan avec 200 volontaires, son action à l’hôpital de Rome… En fait il faudrait retracer toute sa vie, tant son action politique se confond avec sa propre existence. « Le véritable centre de gravité de la personnalité de Cristina, c’est sa passion pour la politique44 » qui l’institue finalement comme mère de la patrie. Elle s’était identifiée à la cause des Italiens et des Romaines, les libéraux italiens qu’elle rencontre lors de son voyage vers l’Orient l’identifient à la cause italienne : alors que son bateau est à l’ancre, elle entend le chant de guerre des Lombards, puis son « nom prononcé au milieu des plus vives acclamations. Les Italiens réfugiés à Smyrne, ayant appris mon passage, étaient venus spontanément me saluer, suivis d’une musique qui exécutait nos airs nationaux. […] À leur tour, les matelots français demandèrent la Marseillaise : nos musiciens la jouèrent avec verve ; matelots et réfugiés fraternisèrent, et de cordiales poignées de main furent échangées » (XVIII). On comprend mieux pourquoi ses contemporains la surnommèrent la Nouvelle Bradamante45.
Le passage de la correspondance privée au moule médiatique conduit logiquement à la création d’un espace public, dans lequel se font entendre les échos d’une vie intime, mondaine et politique, où se confondent Je privé et Je politique. Tout au long de ces Souvenirs se reconnaît une même voix, caractérisée par une nécessaire écriture oblique, celle d’une femme, dans toute sa vérité, qui trouva dans la politique « son aliment principal46 ». La polémique avec le National ou avec le pape, non voulue,devenait alors pour elle une aubaine, puisqu’elle lui redonnait la maîtrise de la parole. Polémiquer c’est agir, par la plume, comme elle le fit régulièrement dans la presse, malgré les tentatives nombreuses pour étouffer sa voix : dans son pays, à cause de la censure47, au Québec, mondialisation de la presse oblige, où ses « réflexions quelque peu trop démocratiques et sociales » subirent les foudres du clergé48, en France où la légende d’une princesse nécrophile, chère à un romantisme noir49, occultera, et pour longtemps, la contribution à la cause italienne de cette aristocrate, monarchiste et révolutionnaire.
Examinée de près, comme l’écrivait Henry James, elle présenterait probablement l’intérêt de nous rappeler que le grand agitateur politique ou social est souvent un oiseau au curieux plumage, dont toutes les plumes, même les plus étranges, jouent leur rôle dans son combat. Nous devons le prendre, quel que soit son sexe, comme la forêt sauvage l’a produit ; il ne faut pas le plumer comme s’il allait passer au four50.
(Université de Bretagne occidentale – CNRS UMR 6563)
Notes
1 1808-1871.
2 Bateau français.
3 Caroline d’Alton-Shee (1803-1882), sœur aînée d’Edmond Alton-Shee, marraine d’Alfred de Musset.
4 Nous préparons l’édition de ces Souvenirs dans l’exil, ainsi que de l’essai sur la Condition des femmes de la princesse Belgiojoso.
5 Le numéro entre parenthèses renvoie désormais au numéro d’ordre des feuilletons publiés dans le National : I, 5 septembre ; II, 6 septembre ; III, 7 septembre ; IV, 8 septembre ; V, 12 septembre ; VI, 13 septembre ; VII, 14 septembre ; VIII, 15 septembre ; IX, 19 septembre ; X, 20 septembre ; XI, 21 septembre ; XII, 22 septembre ; XIII, 26 septembre ; XIV, 27 septembre ; XV, 28 septembre ; XVI, 29 septembre ; XVII, 3 octobre ; XVIII, 4 octobre ; XIX, 5 octobre ; XX, 6 octobre ; XXI, 10 octobre ; XXII, 11 octobre ; XXIII, 12 octobre.
6 Vincenzo Gioberti (1801-1852), philosophe et homme politique italien. Il écrivit en 1843 Il primato morale e civile degli italiani, appelé « la Marseillaise du Risorgimento ». C’est un des livres fondamentaux du néo-guelfisme, qui assigne au pape la fonction de régénérer l’Italie, sous la forme d’une confédération d’États.
7 Voir Catherine Kerbrat-Orecchioni, « L’interaction épistolaire », dans Jürgen Siess (dir.), La lettre entre réel et fiction, Paris, Sedes, 1998.
8 « Pendant que vous vous inquiétiez de moi et de mon voyage, je me tourmentais de sa durée. » (II) « Vous croyez peut-être que je suis aux frontières de l’Asie ou bien encore à deux pas de vous, en Grèce, séparée de Paris par quelques centaines de lieues seulement » (XIII).« L’air est doux et transparent, pas de nuages, et pourtant le soleil ne brûle pas. Je vous défie d’expliquer ce phénomène autrement que par ma bonne étoile » (XVII).
9 « Je suis depuis dix jours à Constantinople, et demain je pars pour m’établir dans ma maison de campagne, louée sur les rives du Bosphore. C’est vous indiquer que je ne suis point fascinée par les splendeurs de cette capitale » (XX).
10 Léopold Duras (vers 1815-1863), journaliste français, né à Limoges.
11 Son tirage moyen en 1846 est de 4280, et le nombre présumé des abonnés de province de 3144, ce qui le situe loin derrière les grands journaux de l’époque. Le Siècle tire à plus de 32000 et le Journal des Débats autour de 9000.
12 Lettre de Cristina à Caroline Jaubert, publiée dans Le National, 25 octobre. Les italiques et les majuscules figurent dans le journal.
13 L’expression appellative « chère amie », disparaît après le feuilleton II, les feuilletons III et IV n’ont pas de destinataire et les dix-neuf autres sont adressés à Madame J…
14 Jeanne Françoise Julie Adélaïde Bernard, Mme de Récamier (1777-1849). La princesse entretint avec elle une correspondance.
15 Marie d’Agoult.
16 Ce qui n’est d’ailleurs pas faux, le Courrier d’Athènes en parle dans chacun ou presque de ses numéros.
17 « Mais lorsque le canot m’eut déposée à terre, je fus consternée à la vue de ces rues sombres et infectes, où se presse une population bruyante et grossière. Un drogman juif me saisit au passage, et, pour deux francs et demi, offrit de me faire les honneurs de la ville, ce qui a consisté à me promener durant trois heures au travers des défilés les plus immondes » (XVIII). Elle conclura par ces mots ce voyage en Turquie : « Ce n’est point, dans l’Orient, des ouvrages des hommes, mais des beautés de la nature qu’il faut attendre quelqu’émotion. Aussi je vais faire une excursion en Asie, visiter de superbes pays, où l’on ne rencontre plus aucune trace du travail des humains » (XXIII).
18 Voir Henri Heine, « Les Nuits florentines », Revue des deux mondes, tome sixième, quatrième série, 1er avril 1836, p. 202-226. Repris dans H. Heine, Reisebilder, Tableaux de voyage, nouvelle édition revue, considérablement augmentée et ornée d’un portrait de l’auteur, précédée d’une étude sur H. Heine par Théophile Gautier, II, Paris, Michel Lévy frères, 1856 [contient Les Nuits florentines]. L’anecdote sera reprise par Caroline Jaubert dans ses Souvenirs, Paris, Hetzel, 1881.
19 Claude François Philibert Tircuy de Corcelles, 1802-1892.
20 Henry James, William Wetmore Story and his friends, Edinburgh and London, William Blackwood and sons, 1903, t. I, p. 161. L’expression « grande dame » est en français dans le texte.
21 Voir Violaine Géraud, « L’ironie au siècle des Lumières », L’Information grammaticale, n° 83, octobre 1999, p. 6, cité par Ingrid Astier, « Splendeurs et misères de l’ironie chez E. M. Cioran », dans Mustapha Trabelsi (dir.), L’ironie aujourd’hui : lectures d’un discours oblique, Clermont-Ferrand,Presses universitaires Blaise Pascal,2006, p. 158.
22 Ingrid Astier, op. cit., p. 158.
23 Félicité de Lamennais, Correspondance générale, t. VII, 1841-1854, textes réunis, classés et annotés par Louis Le Guillou, Paris, Armand Colin, 1981, p. 696.
24 Voir Henry James, op. cit., p. 162. Le mot est en français dans le texte.
25 François Auguste Mignet (1796-1884), avocat et historien.
26 En fait le feuilleton est daté du 8 novembre.
27 Les italiques et les majuscules sont dans le journal.
28 Cette lettre publiée dans la Concordia est reprise et traduite en français dans le National, le 25 octobre 1850. Les italiques sont dans le texte.
29 Une exception cependant, lorsque la princesse relate sa visite à Louis Napoléon Bonaparte au fort de Ham, et considère qu’il ne souhaite pas s’évader, à cause d’une femme, Alexandrine Vergeot, « la belle sabotière », dont il eut deux fils. Le propos fut censuré, mais les marques de la censure figurent dans l’article sous forme de pointillés.
30 Cette lettre est datée 30 juin 1849.
31 Le National, 25 octobre. Les majuscules sont dans le texte.
32 Lettre de Cristina à Augustin Thierry, Ciaq-Maq-Oglou-Chifflik, le 1er janvier 1851, citée par Albert Augustin-Thierry, Une héroïne romantique : la princesse Belgiojoso, Paris, Plon-Nourrit, 1926, p. 188-189.
33 Ibid., p. 190
34 Le numéro du 25 octobre annonce que « les personnes qui s’abonneront à partir du 1er novembre pourront faire réclamer gratis » dans les bureaux, du National les Souvenirs dans l’exil.
35 La princesse a visiblement besoin d’argent. On retrouve par exemple un épisode des Souvenirs, « le récit du cheval arabe », dans le Journal des haras, chasses, et courses de chevaux, d’agriculture appliquée… édition belge, quatrième série, tome III, n° 5, novembre 1850, p. 273-274, ainsi que dans le Journal d’agriculture pratique et de jardinage, troisième série, tome 1er, janvier à décembre 1850, p. 680.
36 Lettre d’Augustin Thierry à Cristina, Paris, le 27 mars 1851, Albert Augustin-Thierry, op. cit., p. 199.
37 Lettre de Cristina à Augustin Thierry, Ciaq-Maq-Oglou, 24 avril 1851, ibid., p. 205.
38 Angora, Les Montagnes, Le Touriste, Les Européens.
39 Albert Augustin-Thierry, op. cit., p. 198.
40 La princesse use ironiquement dans sa lettre de la parabole de Marie-Madeleine et écrit : « Personne ne peut reprocher à ces femmes un mot ou un acte qui n’ait été convenable et chaste. Je les aurais peut-être néanmoins renvoyées si je n’avais adoré le précepte de Dieu qui, sous sa forme humaine, n’a pas repoussé cette femme aux habitudes perverses quand elle lui a oint les pieds et les a séchés avec ses longs cheveux. » Elle termine sa lettre ainsi : « Je saisis cette occasion pour déposer aux pieds de Votre Sainteté l’humble révérence de ma respectueuse vénération. » Beth Archer Brombert, La Princesse Belgiojoso ou l’engagement romantique, Paris, Albin Michel, 1989, p. 226-227. On se souvient que la princesse avait une longue chevelure noire…
41 Voir Beth Archer Brombert, op. cit., p. 226-227.
42 « Le destinataire visé est démultiplié au-delà du seul destinataire postiche dans la lettre ouverte, qui présente également l’intérêt de remettre en cause le caractère secret ou protégé de la correspondance. » Jean-Michel Adam, « Les genres du discours épistolaire. De la rhétorique à l’analyse pragmatique des pratiques discursives », dans La lettre entre réel et fiction, op. cit., p. 45.
43 Beth Arch Brombert, op. cit., 222. B. A. Brombert cite là un extrait du livre de Henry James, op. cit., p. 161-162. William Wetmore, écrivain et sculpteur américain, visita l’hôpital de Rome dirigé par la princesse.
44 Christiane Veauvy, Laura Pisano, Paroles oubliées, Les femmes et la construction de l’Etat-nation en France et en Italie (1789-1860), Paris, Armand Colin, 1997, p. 88.
45 Voir A. Augustin-Thierry, op. cit., p. 123.
46 Voir aussi les feuilletons IV et VIII : « Oui, mon amie, vous avez raison, il faut changer le cours de mes idées et briser momentanément avec la politique. Mais je ne puis retrancher à mes facultés leur aliment principal sans y rien substituer » (IV) ; « Je l’avoue, en dépit de toutes mes résolutions, sans cesse je retombe dans mon ornière politique et patriotique » (ibid.) ; « Je me jette avec avidité sur les journaux, qui nous parviennent tous les dix jours. La politique m’absorbe d’abord » (VIII).
47 Christiane Veauvy, Laura Pisano, op. cit., p. 86-87.
48 Pour avoir publié « dans la livraison de décembre 1850 de son Album littéraire et musical de La Minerve, un extrait des Souvenirs dans l’exil de la princesse Belgiojoso, qui renferment des "réflexions quelque peu trop démocratiques et sociales" », Luger Duvernay reçoit une semonce des Mélanges religieux. Voir Maurice Lemire et Aurélien Boivin (dir.), La vie littéraire au Québec, T. III, Québec, Les presses de l’Université Laval, 1996, p. 480.
49 Cette légende est forgée par Raffaello Barbiera, dans son ouvrage La Principessa Belgiojoso, Milan, Trèves, 1902. Voir B. A. Brombert, op. cit., p. 170. Selon Mario Praz, la princesse se vit accusée de nécrophilie. On prétendit que « lors d’une perquisition de la police autrichienne en 1848, on trouva dans une armoire de [sa villa] à Locate, le cadavre embaumé de son jeune secrétaire et ami Gaetano Stelzi. » Voir Mario Praz, La chair, la mort et le diable dans la littérature du XIXe siècle, Paris, Denoël, 1977, p. 123.
50 Beth Arch Brombert, op. cit., 222.