La lettre et la presse : poétique de l’intime et culture médiatique

Le journal dans la lettre : les représentations de soi par la presse (le cas de la correspondance de Julie Bruneau-Papineau)

Table des matières

MYLÈNE BÉDARD

Si écrire « une lettre au XIXe siècle est un rituel quotidien1 » pour les Bas-Canadiens et les Bas-Canadiennes selon Renée Blanchet et Georges Aubin, lire les journaux l’est tout autant. Dans son Tableau statistique et politique des deux Canadas, qui paraît en 1833, Isidore Lebrun scelle cette association entre les Canadiennes et la presse : « De jeunes et belles filles sont tristes, indignées que le curé catholiques défende impérieusement les bals : plus de danse, et les Canadiennes en raffolent! Mais un paquet cacheté leur est remis, et la joie revient sur leur visage : aucun soin ne peut les distraire ; se retirant dans une salle particulière elles lisent… des journaux qui arrivent de France2. »

Au cours de la période insurrectionnelle (1830-1840), les journaux deviennent une mine d’informations substantielle pour saisir les enjeux politiques du pays, surtout pour les femmes qui, exclues de la sphère publique, n’ont pas de lien direct avec la politique. Lire le journal pour les Bas-Canadiennes ne signifie donc pas exclusivement lire la presse européenne, puisque celle-ci ne leur fournit pas l’information nécessaire à la compréhension de la politique locale. Dans ce contexte, lettres et journaux constituent des sources d’informations complémentaires. En raison de l’étendue du territoire, les épistoliers n’ont pas toujours accès aux mêmes journaux en même temps. Ainsi, pour certains, la lettre précède ou annonce les nouvelles de l’actualité tandis que parfois, l’accès au journal ne coïncide pas avec l’accès à l’information, ce qui rend nécessaire le recours aux sources premières, soit les acteurs politiques eux-mêmes. Dans une lettre adressée à son mari en date du 5 décembre 1835, Julie Bruneau-Papineau se plaint de l’inaccessibilité de l’information :

Et les gazettes ne nous donnent pas non plus grand détails. N’ayant pas de détails, nous n’avons rien pour nous entretenir de ce qui nous intéresse si fort, c’est-à-dire sur la politique du pays, sujet important dans un moment de réforme comme celui-ci. Au lieu qu’à Québec, à chaque instant, vous avez des nouvelles. Fais-nous-en donc part le plus au long que possible3.  

Insatisfaite des nouvelles disponibles dans les journaux, l’épistolière va directement aux sources en quémandant des détails de la situation politique par l’entremise de la correspondance à son époux, alors orateur à la Chambre d’assemblée qui siège à Québec.

En d’autres circonstances, son mari, plutôt que d’agir à titre d’adjuvant dans la quête d’information de son épouse, filtre ses lettres, prenant soin d’y extraire la matière politique, laquelle ne convient pas, selon lui, au champ de compétence du féminin : « Tu veux que je te parle des affaires. Il y a cent choses que tu ne peux bien comprendre, mais qui sont pour mon cher père qui m’en écrira son avis4 », lui écrit-il à maintes reprises pour lui indiquer que lorsqu’il parle de politique dans ses lettres, elle n’est plus l’interlocutrice réelle, mais bien la courroie de transmission de ses paroles. Que ce soit par parcimonie de temps ou d’argent, dans ses lettres à son épouse, Louis-Joseph Papineau adresse certains passages à d’autres membres de la famille, la destinatrice se devant de lire ou de transcrire l’information à qui de droit. Cette réorientation de l’adresse sur les questions politiques invite l’épistolière à s’initier à d’autres supports que celui de la correspondance conjugale. La presse viendra suppléer à ces ruptures d’accès à l’information.

L’étude qui suit s’intéresse à la présence de la presse dans la lettre dans la correspondance de Julie Bruneau-Papineau écrite entre 1830-1840. Récemment, des recherches ont été menées dans la mouvance des travaux sur la presse et la poétique du support, sur l’héritage et la présence de la lettre dans la presse. Le présent collectif en est le cas le plus récent, mais pensons aussi aux travaux plus antérieurs dont l’article d’Alain Nabarra, « La lettre et le journal, la lettre dans le journal ». Remontant à La Gazette de Renaudot, Nabarra reconnaît que le journal d’Ancien Régime, en quête d’une identité propre, emprunte à la forme épistolaire. Se dotant de la mission d’écrire « [l’]"histoire au présent"», le journal « continue en fait à recourir fréquemment à des formes non historiques de récit, et notamment à  "la lettre"5. »

Bien que ces travaux décloisonnent les traditionnelles frontières du littéraire par l’établissement de nouveaux corpus, ils n’interrogent pas, en retour, les enjeux soulevés par la présence médiatique dans la correspondance privée. Dans sa thèse, Julie Roy esquisse les trajectoires dans les pratiques d’écriture des femmes de la lettre privée à la lettre publiée dans les périodiques. Elle remarque alors que des épistolières de l’époque « semblent tenir les journaux comme des auxiliaires importants dans la tenue de [leur] correspondance6. » Elle rapproche même certaines pratiques de l’épistolaire aux nouvelles à la main7. Ainsi, non seulement, la presse exerce une influence sur le contenu, mais aussi sur la manière d’écrire des lettres.

Afin d’appréhender la présence de la presse dans la lettre, il s’agit donc d’en cerner les fonctions dans la correspondance de Julie Bruneau-Papineau. Comme aucune thématique dans le discours épistolaire n’est fortuite, il faudra observer par quels moyens rhétoriques l’épistolière insère le journal dans son écriture, quelles sont les visées poursuivies par l’intégration de ce discours public, enfin comment celui-ci sert le propos que l’épistolière veut avancer. L’investigation des fonctions et de la mise en scène de la présence médiatique dans le discours épistolaire permettra, en parallèle, de saisir la manière dont l’épistolière se positionne par rapport au journal et quelles représentations se dégagent d’un tel corpus. L’hypothèse est que le discours sur la presse ou encore à partir de l’information qui s’y retrouve participe à la construction d’un ethos politique féminin dans la correspondance de Julie Bruneau-Papineau. Comme l’a montré Dominique Maingueneau8, l’ethos est l’image discursive du locuteur qui se construit dès lors qu’un sujet prend la parole. Ainsi l’ethos ne se limite pas aux entreprises de persuasion, mais est modelé par les cadres sociaux et institutionnels qui régulent tout échange. Chez Bruneau-Papineau, la présence médiatique dans la lettre contribue à l’émergence de trois ethos distincts : la lectrice, la collectionneuse et le sujet politique. Les balises temporelles du corpus étudié s’inscrivent dans la période où naît un véritable journalisme canadien, naissance que Beaulieu et Hamelin situent entre 1805-18389. Selon ces spécialistes de la presse québécoise, à cette époque le journalisme au Bas-Canada tend à se distinguer des modèles américain et européen en devenant l’organe de partis ou de groupes politiques locaux.

Cette politisation de la presse, issue principalement des rivalités entre l’élite anglophone et la bourgeoisie canadienne-française, se conçoit comme une lutte de légitimation du pouvoir de représenter le peuple. De part et d’autre, la critique du discours adverse correspond à une définition de soi par antithèse10. Ce que corrobore Micheline Cambron, qui ajoute qu’« en cette première moitié du XIXe siècle, il est un "texte" qui donne à lire des discours appartenant à des genres divers, un "texte" à partir duquel le lecteur est amené à lire l’ethos de son temps : le journal11. »

En somme, si le rôle de la presse est, selon Roy et de Bonville, de favoriser « le développement de l’opinion publique » et qu’en cela elle est « l’école permanente des classes populaires12 », pourquoi en serait-il autrement pour les femmes ? Comme le souligne Fernand Dumont, les périodiques de l’époque ne sont pas que des organes de partis désireux de rallier la population autour de leur représentation d’un « ensemble collectif », leur mission sous-jacente est de « promouvoir l’éducation13 ». En dépit des efforts éditoriaux plus ou moins marqués de compartimentation du masculin et du féminin dans des rubriques spécifiques, il n’en demeure pas moins que les lecteurs et lectrices de la presse s’approprient l’objet-journal et l’usage qu’ils en font ne se conforme pas nécessairement aux injonctions génériques. Pour les femmes, la presse est peut-être plus susceptible d’échapper au contrôle de la lecture. Ainsi, pour Julie Bruneau-Papineau, lire les journaux semble permettre un accès à l’information, la constitution d’un savoir, qui serait difficilement accessible autrement. En effet, au cours de la période insurrectionnelle les femmes figurent au rang des grandes perdantes dans la lutte pour la reconnaissance de leurs droits. Dans son étude sur les Rébellions, Allan Greer est sans équivoque : « le sexe devient peu à peu la principale ligne de démarcation entre dirigeants et dirigés à l’époque des grandes révolutions bourgeoises14. » Dans ce contexte, il faut donc étudier l’usage de la presse par les épistolières afin de déterminer si la culture médiatique en émergence vient atténuer les frontières de l’exclusion et agir comme médiation entre la sphère publique et ces femmes.

Chez Bruneau-Papineau, c’est l’éloignement du mari, lequel s’absente du foyer à chaque session parlementaire puis s’exile plusieurs années aux États-Unis et en Europe à la suite de la Rébellion de 183715, qui est à l’origine de cette production épistolaire. Pour cette passionnée de politique, l’écriture de la lettre et la lecture de journaux sont intimement liées. En effet, lectrice et épistolière sont des postures assimilées l’une à l’autre à tel point que les requêtes : « Écris-moi » et « Envoie-moi les gazettes » constamment réitérées semblent être synonymes. Ces deux requêtes sont souvent réunies dans une même phrase et lorsqu’elles sont séparées, ce n’est que par un point, les deux phrases se succédant immédiatement dans le discours : « Tu ne me dis pas quel jour tu viendras, écris-moi quand tu trouves des occasions et envoie-moi les gazettes16 » ou encore « Écris-moi et dis-moi si tu fais tes ouvrages. Envoie-moi les gazettes, je m’ennuie beaucoup […]17. » Dans ces deux exemples, lettres et gazettes semblent être complémentaires et sont conçues comme une source de plaisir qui comble l’ennui. En demandant la lettre et la gazette d’un même souffle, l’épistolière multiplie les chances d’accéder à l’information dont elle se gave. En effet, dans toute sa correspondance à son mari, Julie Bruneau-Papineau manifeste un vif intérêt pour la politique de son pays : « Il n’y a que la politique qui m’amuse et m’intéresse quand je peux en avoir des nouvelles, mais on n’en a guère », écrit-elle dans sa lettre du 16 mars 183318.

La lectrice de la presse

Qu’elle nomme les journaux lus, qu’elle rende compte de ses lectures ou qu’elle en débatte, les références à la presse sont aussi multiples que distinctes dans la correspondance de Bruneau-Papineau. Elle lit La Minerve19, Le Canadien20, L’Écho du pays21, le Quebec Mercury22, le Herald23 et le Vindicator24. Cette recension démontre qu’elle lit à la fois la presse francophone et la presse anglophone, mais aussi les journaux qui supportent la cause patriotique canadienne-française ainsi que ses détracteurs. L’apparition de ces références dans les lettres est si systématique qu’il semble que l’épistolière se construise une représentation d’elle-même de lectrice. Comme la lettre est une forme adressée, cette image de soi est orientée vers l’autre, cherche à convaincre ou encore à séduire. Se représenter comme lectrice de journaux, lorsqu’on sait qu’au cours de la décennie 1830-1840 la presse se politise au Bas-Canada25, ne vise pas à plaire à son correspondant (lequel entretient d’autres attentes par rapport à la correspondance de sa femme26).

L’autoreprésentation de soi comme lectrice de journaux peut donc se lire comme une réponse au refus de son époux de lui partager son savoir dans ce domaine. Écrire : « J’ai reçu hier le premier numéro de L’Écho. Je l’ai lu avec plaisir27 », c’est signifier implicitement son intérêt pour la politique. En effet, dans son prospectus, L’Écho du Pays cible un lectorat spécifique :

C’est aux vrais patriotes que nous nous adressons, ce sont eux que nous ne cesserons d’exhorter à combattre pour la bonne cause, et à maintenir vaillamment les intérêts d’un peuple que ses ennemis cherchent à diviser, et qui ne peut trouver que dans son union la force nécessaire pour leur résister28.

Mentionner la lecture de ce journal, c’est non seulement marquer son allégeance politique, mais c’est aussi indiquer les valeurs patriotiques qu’elle partage avec son mari. De même, lorsqu’elle écrit : « Je lis vos discours avec plaisir29 », sa lettre n’a pas pour but de fournir des informations à la personne absente puisque ce sont les propres discours de Louis-Joseph et des parlementaires qu’elle commente. Témoigner de son appréciation des discours de la Chambre d’assemblée, c’est mettre en valeur le journal comme médiation entre elle et la sphère politique, mais aussi, et surtout, entre elle et son correspondant. Cette appréciation est donc ostentatoire puisque l’épistolière cherche ainsi à rendre compte de sa lecture et de sa compréhension des enjeux, compréhension qui valorise de façon implicite ses qualités de lectrice. Par ailleurs, l’expression de son jugement peut aussi servir à montrer à son destinataire qu’elle a accédé à l’information qu’il lui refuse dans sa correspondance. Le commentaire élogieux sur les discours de son mari publiés dans les journaux est alors un moyen détourné de valorisation de soi puisque c’est une manière de se constituer en interlocutrice valable qui sait lire et apprécier. Par l’éloge, l’épistolière tente de se faire reconnaître dans le territoire de l’autre, celui de la politique. Cet exemple rend intelligible la négociation des places qui s’installe dans la correspondance entre le « qui tu es pour moi » et le « qui je veux être pour toi30 ».

La référence aux journaux comme pratique de lecture quotidienne et la requête à son interlocuteur de l’entretenir de la politique s’imbriquent comme un système qui vise à démontrer le sérieux de son intérêt pour la cause du pays. Le discours sur la presse dans les lettres montre bien que c’est l’intérêt politique qui incite à lire les journaux. Les attentes entretenues à l’égard du contenu journalistique rendent manifeste le rôle que l’épistolière attribue à la presse : « Les gazettes devraient tonner contre ces membres : cela les ferait peut-être craindre à l’approche d’élections et ce[la] influerait sur leur conduite31. » Ici, l’épistolière représente les journaux comme les chiens de garde de la cause des patriotes ayant pour mission de défendre les intérêts du peuple contre ses mauvais dirigeants. C’est en se représentant comme lectrice qui appartient au public de la culture médiatique, qu’elle prend part à l’activité politique par la médiation du journal, lequel est posé comme l’intermédiaire essentiel entre le peuple et les représentants du pouvoir.

Chez Julie Bruneau-Papineau, la diversité des journaux lus permet d’accumuler un savoir au fil de la correspondance, savoir qui confère à l’épistolière l’aptitude à lire le monde qui l’entoure. Ce sont les journaux qui lui permettent de saisir les enjeux politiques du régime colonial :

il n’y a en effet que par la législature du pays que l’on pourra obtenir justice ; j’en suis de plus en plus persuadée par les messages que l’on a eu l’infamie de vous envoyer d’Angleterre et que l’on vous a communiqués. J’ai été surprise et indignée on ne peut plus. Qui peut concevoir la conduite des ministres depuis si longtemps que les choses sont pendantes et que l’on vous fait de si belles promesses au sujet de cette partie du revenu, qu’ils savent bien que vous ne voulez pas leur céder d’après toutes les difficultés que vous avez surmontées et les sacrifices que vous avez faits pour obtenir un contrôle entier sur les deniers ! […] Il y a vraiment autant de mauvaise foi, là comme ici, et pas plus de volonté de nous rendre justice ; il faut absolument se la faire d’une manière ou d’une autre32.

Ces observations critiques sur le système colonial sont aussi constitutives de l’image de soi que Bruneau-Papineau construit dans son discours. En effet, cette construction ne se limite pas au portrait, mais englobe aussi tout le bagage culturel. En d’autres termes, « [s]on style, ses compétences langagières et encyclopédiques suffisent à donner une représentation de sa personne », pour reprendre les termes de Ruth Amossy33.

L’aptitude à lire le monde et à le représenter dans ses lettres est rendue possible par la lecture de la presse. Parfois, l’épistolière indique que chronologiquement la lecture des journaux précède l’écriture de la lettre : « Je viens de lire à l’instant la harangue de Son Excellence : elle est bien cordiale. Je vois aussi que vous êtes déjà entrés en besogne puisque vous avez déjà expulsés M. Christie. J’en suis bien aise. Tu ne me dis pas s’il y a eu de l’opposition mais nous l’apprendrons bien vite par les papiers34. »

Ce qui est intéressant ici c’est qu’elle lui dit explicitement que s’il ne lui donne pas l’information qu’elle demande, elle la trouvera bien ailleurs. La presse agit donc comme une médiation entre les deux correspondants, laquelle permet le partage de références communes en dépit du refus du mari de relater précisément ces épisodes politiques. Aussi, il se dégage de cet extrait une certaine précipitation. Le déictique « à l’instant » crée un effet de rapidité dans la succession des activités de lecture et d’écriture. La quête d’informations semble être conçue avec le « nous l’apprendrons bien vite » comme une course contre le temps. Ce rythme quelque peu effréné est peut-être un effet de contamination de style par la presse, une reprise modale du discours journalistique qu’elle vient tout juste de lire.

Or, c’est surtout après la Rébellion que la valeur d’intermédiaire, de forme de médiation, de la presse entre l’épistolière et le monde est la plus prégnante. Dans sa lettre datée du 1er mai 1838 à son mari en exil, elle écrit :

Tu ne saurais croire ce que j’ai eu de pénible à souffrir de voir l’aspect de ce pays changé en un instant, métamorphosé pour ainsi dire ; le langage infâme de nos journaux ; ces nombreuses requêtes qui salissaient leurs pages, elles étaient toutes plus viles, plus lâches, plus mensongères les unes que les autres, mais toutes ensemble avaient le même but de vous traiter d’infâmes, de scélérats, de traîtres et d’ambitieux et de faire croire que vous étiez les agresseurs et les auteurs de tous nos malheurs! […] Et enfin, la presque totalité réduite au silence et à la dégradation35.

C’est donc par les journaux que l’épistolière fait l’expérience de la réalité sociale et qu’elle peut témoigner de la coercition britannique, laquelle transite par le discours médiatique. Non seulement est-ce par le contenu de la presse qu’elle peut prendre connaissance des répercussions des insurrections et qu’elle peut ressentir, à distance, les injustices du régime colonial, mais aussi par la disparition de voix provenant de l’opposition. En tant que lectrice, elle ne peut plus profiter de la variété des informations dont elle bénéficiait avant les Rébellions : la censure à l’égard des journaux à la suite de l’échec des insurrections ne lui donnant accès qu’au discours hégémonique. L’épistolière ressent les effets de la domination lorsque le gouvernement s’attaque à la liberté de presse. Elle n’est d’ailleurs pas la seule à éprouver sa position de dominée par la répression médiatique. Un mois après l’écriture de la lettre citée plus haut, une section de l’éditorial du Populaire intitulée « Des journaux du Bas-Canada » met en évidence la presse comme puissance et donc comme organe à contrôler :

Depuis que la presse est devenue une puissance, c’est à qui s’en empara pour en tirer profit ; tous les partis cherchent à faire triompher leurs utropies par la publicité […]. […] La liberté n’a réellement existé que pour les journaux ultra-tories, et si on les passe en revue, on peut se convaincre que cette liberté fut une licence bien blessante, bien cruelle pour nos habitans. Quant à la presse libérale, on la laissait parler, mais on l’emprisonnait au premier mot, quelque raisonnable qu’elle soit, et le système d’intimidation était à l’ordre du jour. Nous sommes loin de dire qu’il n’ait pas été nécessaire de museler la presse libérale, alors qu’elle était dangereuse ; mais il eut été d’égale justice de réprimer la presse loyale alors qu’elle devenait provocatrice36.    

Par ces références aux journaux ennemis, Bruneau-Papineau transmet à son destinataire des informations auxquelles il n’a pas accès, et elle réaffirme les affinités politiques qui unissent les deux époux. La représentation de soi qui se dégage de cette consolidation d’un « nous » politique agit comme une invitation à son correspondant à lui reconnaître une certaine légitimité politique. L’épistolière tente de réduire la distance sociale qui la sépare de son mari en lui indiquant que s’il est personnellement bafoué dans le discours médiatique, elle l’est tout autant dans son droit à l’information.

La lecture des journaux permet à Bruneau-Papineau de déroger à l’identité assignée tout en demeurant dans la sphère domestique. Dès lors, pour l’épistolière, la lecture incarne, tout comme l’écriture, un espace d’autonomisation et de liberté, car elle implique d’abord une initiative personnelle, puis une appropriation des discours publics, laquelle se manifeste dans sa pratique d’écriture. Qu’elle soit faite en groupe (« [n]ous attendons avec impatience La Minerve de ce soir37 ») ou dans la solitude, la lecture des journaux constitue une manière de « prendre place parmi un groupe de lecteurs, s’entretenir avec des interlocuteurs imaginaires38 ». La présence médiatique dans cette correspondance, c’est-à-dire la référence aux journaux francophones et anglophones, partisans ou ennemis de la cause des patriotes, fait entrer la collectivité dans la lettre privée.

La collectionneuse

Le contexte post-insurrectionnel viendra inverser le rapport de complémentarité entre la lettre et le journal. Comme on l’a vu, la répression qui suivit les Rébellions de 1837-1838 n’est pas sans affecter la presse. Dans ces conditions, la lecture du journal ne s’inscrit plus d’emblée avant l’écriture de la lettre. Dans son Histoire du Canada (1845), François-Xavier Garneau écrit à ce sujet que les « journaux qui soutenaient le mouvement étaient saisis ou restaient muets39. » Les Bas-Canadiens vivent alors une sorte de crise de la communication à laquelle la lettre tentera de suppléer. Un des remèdes offerts à cette crise dans la correspondance de Julie Bruneau-Papineau est la conservation et la rediffusion de journaux à travers la correspondance. Ainsi, dans sa lettre du 20 octobre 1838 qu’elle adresse des États-Unis à sa belle-sœur Rosalie Dessaulles-Papineau, elle écrit : « Dites au cher Louis que les occasions deviennent rares et que l’on ne peut envoyer ses gazettes régulièrement. Nous en avons quatre ici ; aussitôt qu’il y aura une occasion, on [les] lui enverra40. » Ce passage nous informe que des patriotes en exil aux États-Unis fondent de nouveaux journaux pour soutenir la cause et qu’il s’établit des circuits de diffusion parallèle auxquels les femmes participent. Dans ces circonstances, le rôle de « gardienne du foyer et de la foi » assigné aux femmes se déplace, se transforme en « gardienne de l’information » et en distributrice.

Or, ce circuit clandestin de journaux ralentit les rythmes de diffusion des nouvelles et de l’actualité : « Je t’envoie les lettres du Canada et les gazettes que je ramasse depuis quinze jours. Cela ne sera pas de nouvelles fraîches mais, enfin, on fait comme l’on peut41. » De la sorte, la collectionneuse indique qu’elle ne se limite pas à la distribution, mais qu’elle tient les comptes et garde ses interlocuteurs à jour : « nous n’avons pas reçu de gazettes ni de lettres du Canada42 » ou encore « [r]ien de nouveau du Canada que ce que vous avez vu dans l’Argus43 » et enfin : « Vous avez les Gazettes de Mackenzie et peut-être les lettres de Davignon, alors vous en savez autant que nous44. » Ces mises à jour traduisent le rapport qu’entretient Julie Bruneau-Papineau à la temporalité. Chez cette épistolière, l’absence de nouvelles, que celles-ci soient transmises par la voie de la correspondance ou des journaux, suscite un étirement du temps : « Ah! que le temps me paraît d’une longueur mortelle! Je n’ai aucune nouvelle du Dr Wolfred ni de M. Chartier45 » et aussi : « J’ai enfin reçu une lettre, n’en ayant reçu de la semaine. Les gazettes si peu intéressantes, je me suis ennuyée à l’excès46 ». Ces références à l’information commune démontrent que, en dépit de la distance et de l’absence, l’épistolière tend à uniformiser le rapport au temps et à l’actualité chez ses correspondants et que le journal constitue un instrument de cette uniformisation temporelle. À tel point que ces indications sur les références partagées agissent comme autant de mises à jour du circuit parallèle d’informations dans lequel elle s’inscrit.

De plus, ce n’est pas que le contenu de la presse qui est mis à jour, mais aussi la suppression et la création de journaux : « Les papiers en langue française ont été tous supprimés ; on ne voit plus Le Fantasque ; c’était tout ce que l’on avait d’amusement47. » En diffusant de tels renseignements, l’épistolière fait part à ses correspondants des journaux qui vont disparaître de son circuit et des nouveaux venus. La suppression de journaux coïncide généralement avec l’annonce de l’emprisonnement de son éditeur :

Tu sauras que l’imprimeur et l’éditeur de L’Aurore a été arrêté et mis en prison et la presse saisie. C’est ce pauvre Boucher. Ainsi, il faut se résigner encore à ce contretemps. Ils ne veulent souffrir aucun papier en français et dans l’intérêt du pauvre peuple. Il y a encore des condamnations. Je ne sais s’ils seront exécutés ou non. Ne me demande pas de gazettes, je n’en reçois aucune ; si le Dr O’Callaghan m’en envoie d’Angleterre ou de France, comme il m’a promis de le faire, je te les enverrai48.

Cette lettre fait état de l’insuffisance des journaux locaux et annonce l’introduction prochaine de journaux étrangers.

Ce rapport particulier à la presse dans ce contexte permet d’identifier l’épistolière à une collectionneuse. C’est elle qui va à la cueillette de l’information, assure la conservation et attend une occasion sûre avant l’envoi, allouant ainsi au journal le statut d’objet précieux. Par cette position dans la chaîne de l’information, elle n’occupe plus le rôle qui lui était initialement assigné dans l’échange épistolaire. En effet, elle n’est plus celle qui quémande des nouvelles politiques, mais bien celle qui fournit des renseignements et des documents journalistiques inédits. À ce changement de rôle dans la diffusion de l’information coïncide un changement de requête. Bruneau-Papineau ne demande plus à son destinataire « envoie-moi des gazettes », mais plutôt : « Reçois-tu les gazettes que l’on t’envoie49 ? » Comme l’autoreprésentation se transforme tout au long de la correspondance, que ce soit par le processus d’écriture ou encore par le contexte extérieur qui influence sa façon de se percevoir, la représentation de soi de collectionneuse n’exclut en rien les qualités de lectrice de l’épistolière. Bien que les journaux apparaissent par cette image de soi comme des objets de valeur, ils n’échappent pas à ses critiques : « si la nouvelle contenue dans le Transcript que je vous envoie est vraie, cela pourra nous donner un peu de confiance dans leurs forces50. » La critique des journaux qu’elle formule dans sa correspondance oriente la lecture de ses correspondants. Dans ce cas particulier, le commentaire sur l’actualité n’aura certainement pas le même impact qu’auparavant puisque le journal est joint dans l’enveloppe à la lettre qui le critique. Dans l’exemple donné ci-haut, l’épistolière fait parvenir le journal à ses fils Lactance et Amédée tout en émettant quelques réserves quant à la véracité des informations qui y sont diffusées. Cette mise en garde démontre que la collectionneuse n’endosse pas naïvement les discours qui se trouvent transmis avec sa lettre, qu’elle n’est pas qu’une simple courroie de transmission du discours. Les deux images de soi, c’est-à-dire celle de la lectrice et celle de la collectionneuse, sont liées par un rapport de complémentarité. Contrairement à ce que l’on imagine parfois trop hâtivement sur les effets de réception, la rareté du journal ne provoque pas forcément d’aveuglement ni de soumission à l’autorité du discours journalistique.

Le sujet politique féminin

Les représentations de soi en lectrice et en collectionneuse participent d’une rhétorique d’imbrication du personnel et du politique. Par ses références à la presse, l’épistolière se situe en termes d’adhésion ou de méfiance par rapport au discours journalistique. La présence d’une posture critique envers l’information diffusée dans les différents journaux façonne l’identité du sujet qui écrit et par conséquent détermine la nature de la correspondance. D’une part, les lettres de son mari qui abordent les questions politiques (questions qui ne s’adressent pas à elle, mais qu’elle lit tout de même) favorisent cette distance critique à l’égard de la presse en ce qu’elles permettent une certaine mise en perspective. L’écriture des impressions de lecture des journaux est un moyen un peu détourné d’aborder le sujet de la politique. Non seulement le discours de l’épistolière sur la presse vise-t-il à la faire reconnaître, par son correspondant, comme sujet politique par la mise en évidence des références qu’elle partage avec lui, mais aussi à montrer que le privé est politique. En dépit de l’exclusion politique des femmes, Julie Bruneau-Papineau a accès aux débats publics par la médiation du journal. Grâce aux périodiques, ces discours s’inscrivent dans son quotidien domestique : « Nous avons tous les jours le plus grand empressement à lire La Minerve et puis tes lettres, qui sont toujours aussi intéressantes51. »

Lorsque Bruneau-Papineau révèle à son mari que les journaux circulent et se partagent au sein d’un réseau féminin, elle contribue à atténuer l’étanchéité des frontières entre le privé et le public : « [j]e vois leurs gazettes chez Mme Viger, qui se les procure52 » ou encore : « J’ai vu le Herald aujourd’hui que madame ma voisine m’a envoyé : il est toujours très violent53. » Élargir son intérêt personnel à un réseau féminin, c’est montrer que les femmes se sentent concernées par la politique, qu’elles se partagent l’information et que la sphère domestique est un lieu dans lequel la politique peut-être réfléchie et discutée. Dans ces exemples, la lecture du journal est représentée comme un moment de sociabilité entre femmes et comme un instrument de leur intégration sociale.

Non seulement l’épistolière signale-t-elle que la lecture des journaux relève de son quotidien domestique, mais dans l’organisation même de la lettre les nouvelles publiques côtoient les nouvelles de l’intimité familiale :

Le petit dernier est assez bien. Ses autres dents n’ont pas percé, il ne dort pas bien. J’ai appris avec plaisir que vous alliez faire l’enquête à la barre de la Chambre. C’est la seule manière pour produire l’effet que l’on attend, c’est-à-dire faire connaître au public toute l’infamie de leur conduite […]54.

Cette appropriation du discours journalistique par cette forme intime atténue les frontières entre ce qui relève du privé et du public. De plus, la lecture du journal, présentée parfois comme étant préalable à l’écriture de la lettre, se fait à la maison, à l’intérieur de la sphère de l’intime. Par le biais de la presse, le privé peut être conçu comme un lieu de formation de la citoyenne, elle y fait ses classes, reçoit des gens et discute des choses publiques. D’ailleurs, il apparaît clairement que la lecture du journal participe à la constitution du sujet politique dans la lettre du 2 mars 1833 : « Je me fais lire les gazettes et je parle politique, quand j’ai quelqu’un55 ». La corrélation entre la lecture des journaux et la naissance du sujet politique qui prend la parole ne peut être plus éloquente. La lettre parle du journal comme outil de sociabilité autour duquel gravite un réseau dans lequel elle est reconnue comme sujet.

Aussi, les journaux rendent accessibles le point de vue du rédacteur de même que les discours des contemporains et tous ces éclats de voix s’entendent, se lisent dans cette correspondance privée. La présence médiatique dans la lettre permet véritablement d’entendre les murmures, les rumeurs d’une époque. La polyphonie qui résulte de cette insertion du discours social permet à l’épistolière d’ajouter sa voix aux autres et de renverser l’interdit découlant de son exclusion politique en tant que femme. Selon Jürgen Habermas, la société bourgeoise se cristallise autour des revues, des journaux et des lieux de sociabilité56. En rompant la solitude et l’isolement des individus, ceux-ci participent à l’émergence d’une conscience politique. La presse autorise alors l’insertion du sujet dans la « communauté imaginée57 » dont parle Benedict Anderson puisque discuter du journal, de sa matière, est une manière de participer à la collectivité.

Par moment, la référence au journal agit comme embrayeur pour affirmer des opinions personnelles :

Je viens de parcourir ce misérable Canadien. Je suis indignée de la conduite de ces fous de Québécois, c’est-à-dire contre M. l’éditeur et ses amis de la minorité. Ils ont eu l’infamie d’intriguer, de diviser la Chambre. S’ils avaient eu la majorité, ils auraient perdu le pays et ils ne veulent pas souffrir la censure de leurs constituants. Ah! ils la méritent et ils doivent l’avoir bien vertement58 !

Qu’elle soit en accord ou non avec le journal, celui-ci lui sert d’argument d’autorité qui lui permet de se situer par rapport aux différentes lignes politiques. Au cours de la période insurrectionnelle, Le Canadien prend ses distances par rapport au parti Patriote et cette orientation est tenue responsable de la division des effectifs canadiens-français entre modérés et radicaux. En s’opposant de la sorte au Canadien, Julie Bruneau-Papineau démontre qu’elle comprend les enjeux qui divisent les acteurs politiques de son époque et qu’elle se situe du côté des radicaux. Cette référence au discours journalistique se construit entre reproduction et production. À l’instar de Laurent Perrin, on peut constater que « [b]ien que consistant bel et bien à reproduire un discours objet émanant d’une situation d’énonciation distincte, la reprise possède alors une valeur modale, ou sui-référentielle, car ce que le locuteur communique à propos de l’élément rapporté qualifie aussi son propre discours59. »

Au XIXe siècle, les femmes ont le devoir d’assurer le maintien des liens familiaux et de travailler à la promotion sociale des leurs par la voie épistolaire. La présence de la presse dans la lettre influe alors sur l’ethos discursif de l’épistolière, « c’est-à-dire une image de soi favorable susceptible de lui conférer son autorité et sa crédibilité60. » Cette construction d’une image de soi chez Bruneau-Papineau vise l’obtention d’une certaine reconnaissance de la part de son correspondant. Le journal permet ainsi une certaine autonomisation de cette femme par rapport à son époux en agissant comme médiation entre la politique et elle.

Bien entendu, l’état particulier d’épistolières, épouses ou parentes d’hommes politiques, invite à s’interroger sur la représentativité de ces corpus de lettres et de la présence du journal et du discours médiatique que l’on peut y déceler. En tant qu’épouse de Louis-Joseph Papineau, Julie Bruneau-Papineau est plus susceptible d’entretenir un intérêt pour la politique et d’assouvir celui-ci par la lecture des journaux. Or, la multiplication des références à la presse est si importante qu’elle fait de la présence médiatique un incontournable de cette production épistolaire. Comme chacun des membres de la famille Papineau entretient des liens serrés avec le clan par la correspondance et que plusieurs d’entre eux sont des acteurs publics notoires, l’actualité politique s’inscrit peut-être plus facilement dans les lettres familiales. Toutefois, pour les femmes, la politique demeure un sujet qui ne relève pas du champ de compétences assigné. La participation d’un proche à l’activité parlementaire constitue peut-être, pour ces femmes, un prétexte permettant de négocier avec les conditions d’acceptabilité de leur discours politique.

Citons pour conclure le cas de Victoire Papineau. Dans sa thèse, Julie Roy observe que cette épistolière « se fait plutôt correspondante au sens journalistique du terme. Elle rapporte les nouvelles qui la concernent directement, – comme la fuite de son esclave –, mais surtout les différents événements qui marquent la vie de son village et des diverses régions du Canada dont on la tient informée61. » On retrouve aussi ce rapport à l’actualité médiatique chez Rosalie Dessaulles-Papineau62. Bien souvent, c’est par le journal qu’elle apprend des détails sur l’activité politique de son frère, Louis-Joseph, lorsque ce dernier est à Paris :

Enfin nous avons des nouvelles de l’heureuse arrivée de notre bon ami après un passage aussi court qu’à peu près trois semaines. Le Courrier, qui prend soin de nous en instruire, nous informe en même temps qu’il a été reçu à bras ouverts par le parti radical à Paris et que probablement il est allé faire de l’agitation contre Louis-Philippe63.

Comme cette lettre est adressée à Julie Bruneau-Papineau, cette information ne vise pas à informer sa destinatrice de faits inconnus, mais à faire l’état du discours de la presse qui concerne la famille. Chez ces trois épistolières, les journaux s’insèrent dans la pratique épistolaire familiale. Pourrions-nous affirmer que ce corpus épistolaire de femmes gravitant dans l’entourage de parlementaires est relativement exemplaire des pratiques d’écriture de la lettre au féminin, au XIXe siècle ? Sans doute que des nuances seraient à apporter, mais répondre à une telle question exigerait des dépouillements comparatifs qui n’existent pas pour le moment ; néanmoins, la lecture de ce corpus de lettres de femmes de la bourgeoisie canadienne-française permet indéniablement de saisir les enjeux soulevés par la presse dans la correspondance féminine au cœur du XIXe siècle. Ces épistolières participent au déploiement et à la construction d’un imaginaire médiatique. Par les valeurs et fonctions qu’elles attribuent à la presse, notamment celle de lieu de formation du sujet politique, ces femmes donnent à lire une représentation de la culture médiatique. En retour, la présence de la presse dans la lettre offre une représentation particulière de l’épistolière, non pas celle qui s’isole, rêveuse, pour écrire, mais celle qui écrit les journaux à la main64.

(Université Laval)

Notes

1  Georges Aubin et Renée Blanchet, Lettres de femmes au XIXe siècle, Québec, Septentrion, 2009, p. 9.

2  Isidore Lebrun, Tableau statistique et politique des deux Canadas, Paris, Treuttel et Würtz, 1833, p. 211.

3  Julie Bruneau-Papineau, Une femme patriote. Correspondance 1823-1862, texte établi avec introduction et notes par Renée Blanchet, Québec, Septentrion, 1997, « Lettre à Louis-Joseph Papineau », 5 décembre 1835, (p. 99). Désormais, les références à la correspondance n’indiqueront que le destinataire, la date de la lettre et le numéro de la page, entre parenthèses.

4  Louis-Joseph Papineau, Lettres à Julie, texte établi avec introduction et notes par Georges Aubin et Renée Blanchet, Québec, Septentrion, 2000, « Lettre à Julie Bruneau-Papineau », 4 décembre 1828 (p. 152).

5  Alain Nabarra, « La lettre et le journal, la lettre dans le journal », dans Georges Bérubé et Marie-Claire Silver (dir.), La lettre au XVIIIe siècle et ses avatars, Toronto, Éditions du GREF, 1996, p. 307.

6  Julie Roy, « Stratégies épistolaires et écritures féminines, les Canadiennes à la conquête des lettres (1639-1839) », Thèse de doctorat en études littéraires, Montréal, Université du Québec à Montréal, 2003, p. 543.

7  Ibid., p. 401. Voir aussi François Moureau, Répertoire des nouvelles à la main. Dictionnaire de la presse manuscrite clandestine XVIe-XVIIIe siècle, Oxford, Voltaire foundation, 1999. Moureau définit les nouvelles à la main comme « un recueil manuscrit d’articles donnant des informations d’actualité selon l’ordre chronologique », p. viii.

8  Pour une synthèse, voir son article en ligne intitulé « L’ethos, de la rhétorique à l’analyse du discours », http://dominique.maingueneau.pagesperso-orange.fr/intro_company.html. Consulté le 21 juin 2011.

9  André Beaulieu et Jean Hamelin, « Aperçu du journalisme québécois d’expression française », dans Recherches sociographiques, 1966, vol. VII, no 3, p. 309.

10  On retrouve dans l’éditorial du 23 avril 1827 de La Minerve l’extrait suivant : « Qu’est-ce que les Canadiens ? Généalogiquement, ce sont ceux dont les ancêtres habitoient le pays avant 1759, et dont les lois, les usages, le langage, leur sont politiquement conservés par des traités et des actes solomnels ;  politiquement, les Canadiens sont ceux qui font cause commune avec les habitans du pays, quelle que soit leur origine ; ceux qui ne cherchent pas à détruire la religion ou les droits de la masse du peuple ; ceux qui ont un intérêt réel et permanent dans le pays, ceux en qui le nom de ce pays éveille le sentiment de la patrie ; ceux pour qui l’expropriation du peuple au moyen des intérêts commerciaux seront un malheur ; ceux enfin qui ne voient pas un droit au dessus de toutes les lois dans les traitans venus d’outre-mer depuis 1759 » (p. 4, col. 1).

11  Micheline Cambron, Le journal Le Canadien. Littérature, espace public et utopie 1836-1845, Montréal, Fides, 1999, p. 21.

12  Fernande Roy et Jean de Bonville, « La recherche sur l’histoire de la presse québécoise. Bilan et perspectives », dans Recherches sociographiques, vol. 41, no 1, 2000, p. 43.

13  Fernand Dumont, Genèse de la société québécoise, Montréal, Boréal, 1996, p. 122-123.

14  Allan Greer, Habitants et patriotes, traduit de l’anglais par Christian Teasdale, Montréal, Boréal, 1997, p. 182.

15  Né le 7 octobre 1786 à Montréal, Louis-Joseph Papineau est le fils de Joseph Papineau, notaire, seigneur et député à la Chambre d’assemblée. Il fait ses études au Séminaire de Montréal, puis à celui de Québec. Avocat de profession, il est élu député pour la première fois en 1809 sous la bannière du parti Canadien (qui devient le parti Patriote en 1826). Quelques années plus tard, il est élu orateur de la Chambre d’assemblée et il assumera cette fonction jusqu’aux Rébellions de 1837-1838. C’est cet homme politique, un des plus influents du pays, qui épouse en 1818 Julie Bruneau. Le couple s’établira à Montréal et Papineau, devant siéger à la Chambre d’assemblée, à Québec, sera régulièrement absent du foyer. Lors du premier soulèvement de 1837, il prend la fuite pour les États-Unis, puis s’exile en France de 1839 à 1845. De retour au Canada, il est se replonge dans la vie parlementaire à partir de 1848 et il meurt en 1871.

16  Julie Bruneau-Papineau, « Lettre à Louis-Joseph Papineau », 23 juillet 1832 (p. 66).

17  Ibid., 4 août 1832 (p. 66).

18  Ibid., 16 mars 1833 (p. 78).

19  Ce journal montréalais fondé en 1826 par Augustin-Nobert Morin représente et défend les intérêts du parti Patriote. Après une brève suspension de la publication en novembre 1826, Ludger Duvernay relance La Minerve en février 1827. À la suite d’une interdiction, le journal cessera de paraître en 1837 pour renaître en 1842 au retour d’exil de Duvernay. Jean Hamelin et André Beaulieu, La presse québécoise des origines à nos jours, T.I, Québec, Presses de l’Université Laval, 1973-, p. 55-58.

20  Le Canadien est fondé en 1806 par Pierre Bédard et François Blanchet afin d’offrir une riposte au Quebec Mercury, journal anglophone visant à consolider les intérêts économiques et politiques des Canadiens anglais. Étienne Parent, propriétaire-rédacteur de 1831 à 1842, défendra la ligne plus modérée des patriotes canadiens-français. Jean Hamelin et André Beaulieu, La presse québécoise des origines à nos jours, op. cit., p. 5-18. Voir aussi l’ouvrage dirigé par Micheline Cambron, Le journal Le Canadien, op. cit.

21  Ce journal paraît pour la première fois le 1er janvier 1833 et entend défendre les intérêts de la Patrie contre ses ennemis. Le rédacteur est Pierre-Dominique Debartzch. Jean Hamelin et André Beaulieu, La presse québécoise des origines à nos jours, op. cit., p. 76-79.

22  Le Quebec Mercury est l’organe des Canadiens anglais d’allégeance conservatrice fondé par Thomas Cary en 1805. Jean Hamelin et André Beaulieu, La presse québécoise des origines à nos jours, op. cit., p. 14-15.

23  Ce journal montréalais fondé en 1811 par William Gray et Mungo Kay est d’orientation tory et anti-américaniste. Jean Hamelin et André Beaulieu, La presse québécoise des origines à nos jours, op. cit., p. 25-29.

24  Vindicator and Canadian Advertiser est fondé par Daniel Tracey en décembre 1828. Ce journal anglophone est une arme de combat patriotique défendant les idées de Louis-Joseph Papineau. Jean Hamelin et André Beaulieu, La presse québécoise des origines à nos jours, op. cit., p. 64-65.

25  Voir à ce sujet Maurice Lemire (dir.), La vie littéraire au Québec, T. II : Le projet national des Canadiens (1806-1839), Québec, Presses de l’Université Laval, 1992, chapitre IV.

26  Dans une lettre datée du 19 novembre 1835, Louis-Joseph fait part de ses attentes à l’égard de la correspondance de sa femme : « Eh bien, chère amie, voilà tout ce que je souhaite : rien ne me fait plus de plaisir, ne m’est plus nécessaire que des détails qui me viendront de toi, qui me diront tes occupations et tes soins pour mes chers petits enfants, leur babil, leurs amusements, qui me peignent des scènes de familles […]. » Louis-Joseph Papineau, Lettres à Julie, op. cit., p. 313.

27  Julie Bruneau-Papineau, « Lettre à Louis-Joseph Papineau », 7 mars 1833 (p. 76).

28  L’Écho du Pays, 28 février 1833, p. 1, col. 2.

29  Julie Bruneau-Papineau, « Lettre à Louis-Joseph Papineau », 6 février 1830 (p. 40).

30  Dans son article « L’ethos de l’épistolier au miroir de l’autre », Anna Jaubert indique que « La lettre, vecteur d’une interaction, se caractérise par la représentation insistante des figures qui en sont les pôles : l’image du Qui je suis pour toi / Qui tu es pour moi est naturellement valorisée. Qui tu es pour moi renvoyant à un Qui je veux être pour toi. » Narratologie, « Valeurs et correspondance », no 10, 2010, p. 81.

31  Julie Bruneau-Papineau, « Lettre à Louis-Joseph Papineau », 25 janvier 1834 (p. 82).

32  Julie Bruneau-Papineau, « Lettre à Louis-Joseph Papineau », 26 novembre 1832 (p. 69).

33  Ruth Amossy, « La notion d’ethos de la rhétorique à l’analyse du discours », dans Ruth Amossy (dir.), Images de soi dans le discours. La construction de l’ethos, Paris, Delachaux & Niestlé, 1999, p. 9.

34  Julie Bruneau-Papineau, «Lettre à Louis-Joseph Papineau », 17 novembre 1831 (p. 50).

35  Ibid., 1er mai 1838 (p. 136-137).

36  Le Populaire, 1er juin 1838, p. 2, col. 2-3.

37  Julie Bruneau-Papineau, « Lettre à Louis-Joseph Papineau »,  17 janvier 1833 (p. 71).

38  Alain Corbin, « Coulisses », dans Philippe Ariès et Georges Duby (dir.), Histoire de la vie privée, T. 4 : De la Révolution à la Grande Guerre, Paris, Seuil, 1999, p. 453.

39  François-Xavier Garneau, Histoire du Canada IX, Montréal, Éditions de l’Arbre, (1845) 1946, p. 73.

40  Julie Bruneau-Papineau, « Lettre à Rosalie Dessaulles-Papineau », 20 octobre 1838 (p. 153).

41  Julie Bruneau-Papineau, «Lettre à Amédée Papineau », 5 février 1839 (p. 169).

42  Ibid., 1er novembre 1838 (p. 156).

43  Ibid. (p. 157).

44  Ibid., 19 novembre 1838 (p.157).

45  Julie Bruneau-Papineau, « Lettre à Louis-Joseph Papineau », 27 mars 1839 (p. 189).

46  Ibid., 10 mars 1836 (p. 123).

47  Julie Bruneau-Papineau, « Lettre à Amédée Papineau », 10 décembre 1838 (p. 162).

48  Ibid., 23 mars 1839 (p. 186).

49  Julie Bruneau-Papineau, « Lettre à Louis-Joseph Papineau », 30 mai 1839 (p. 206).

50  Julie Bruneau-Papineau, « Lettre aux enfants », [29] octobre 1838 (p. 155).

51  Julie Bruneau-Papineau, « Lettre à Louis-Joseph Papineau », 6 février 1830 (p. 39).

52  Ibid., 26 décembre 1835 (p. 102).

53  Ibid., 14 janvier 1836 (p. 109).

54  Ibid., 26 novembre 1832 (p. 68-69).

55  Ibid., 2 mars 1833 (p. 76).

56  Jürgen Habermas, L’espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, traduit de l’allemand par Marc B. de Launay, Paris, Payot, 1978, p. 82.

57  Benedict Anderson, L’imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, La Découverte, 1996, p. 46-47.

58  Julie Bruneau-Papineau, « Lettre à Louis-Joseph Papineau », 10 mars 1836 (p. 124).

59  Laurent Perrin, « Le discours rapporté modal », dans Juan Manuel Lòpez Munoz, Sophie Marnette et Laurence Rosier (dir.), Le discours rapporté dans tous ses états, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 65.

60  Ruth Amossy, La présentation de soi. Ethos et identité verbale, Paris, Presses universitaires de France, 2010, p. 5.

61  Julie Roy, op. cit., p. 402.

62  Rosalie Dessaulles-Papineau, Correspondance 1803-1854, édition préparée par Georges Aubin et Renée Blanchet, Montréal, Montréal Varia, 2001.

63  Ibid., « Lettre à Julie Bruneau-Papineau », 28 avril 1839 (p. 181).

64  Je tiens à remercier le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture (FQRSC) pour son appui financier.

Pour citer ce document

Mylène Bédard, « Le journal dans la lettre : les représentations de soi par la presse (le cas de la correspondance de Julie Bruneau-Papineau)», La lettre et la presse : poétique de l’intime et culture médiatique, sous la direction de Guillaume Pinson Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/la-lettre-et-la-presse-poetique-de-lintime-et-culture-mediatique/le-journal-dans-la-lettre-les-representations-de-soi-par-la-presse-le-cas-de-la-correspondance-de-julie-bruneau-papineau