La lettre et la presse : poétique de l’intime et culture médiatique

Le procédé épistolaire dans la presse française de la Révolution à la Restauration

Table des matières

ÉRIC WAUTERS

Dire le lien étroit, à la fin du XVIIIe siècle, entre l’écriture journalistique et le genre épistolaire est presque un truisme, et l’on pourrait même avancer que la première, l’écriture journalistique, appartient au second, le genre épistolaire. Des le début de la Révolution en effet, avant le compte-rendu des débats fourni par des logographes, il y eut les lettres de députés à leurs commettants, ce qui explique pour partie le nombre de journaux intitulés Courrier, de Versailles, de Paris, de l’Assemblée nationale : Pierre Rétat en compte 23 créés en 1789 (dont 18 à Paris), sans compter 10 Lettres et Correspondance1. On lira ainsi une Correspondance des députés d’Anjou, un Courrier du Calvados ou du Havre, un Courrier des Campagnes ou Français… Si le titre n’est pas nouveau il semblait réservé avant 1789 (à trois exceptions près2) aux journaux venus de l’étranger comme les Courriers d’Avignon, de Boston, de Londres, de l’Escaut, du Bas-Rhin ou du Danube… ; et on pourrait s’interroger sur une sorte de glissement sémantique du titre Courrier exprimant d’abord l’éloignement géographique, puis la proximité de sentiment.

Les « nouvelles de France et de l’étranger » sont souvent annoncées par l’intitulé « lettre reçue de… » qui signale la « correspondance particulière » que le rédacteur entretient ou fait croire qu’il entretient avec certaines villes relais de l’information, Hambourg ou Cologne, Strasbourg ou Bordeaux, Londres ou Amsterdam. La pratique n’est pas nouvelle : c’était celle des gazettes d’antan et cette « correspondance particulière » n’est le plus souvent qu’une revue de presse par un chroniqueur local, quand ce n’est pas un simple « copier-coller » d’un journal à l’autre. La rubrique comporte aussi les lettres de l’administration ou de l’armée précédées d’une prière d’insérer plus ou moins impérative. Dans le Journal de Littérature & des Théâtres du 12 germinal an V3, une critique théâtrale débute ainsi : « Je t’ai promis, mon ami, de visiter les spectacles de cette grande cité [Paris], et de te faire part de mes observations ». Peut-être ne s’agit-il que d’une compilation, sous forme de lettre, de périodiques de la capitale comme le Courrier des spectacles avec lequel les articles présentent des ressemblances frappantes. Mais l’exemple montre surtout que même cette rubrique, la critique théâtrale, n’échappe pas toujours au genre épistolaire ; de même, l’annonce publicitaire qui apparaît au XVIIIe siècle est parfois, elle aussi, sous forme d’une lettre au rédacteur. Enfin, dans l’ensemble des textes publiés sous la rubrique « variétés » et qui relève du genre nouveau de l’opinion, le voisinage du courrier des lecteurs, des commentaires et de l’éditorial pose la question des rapports du journaliste à son public, à la pratique de son métier et à son rôle dans la cité.

« La composition des feuilles publiques est une littérature à part qui demande une mention toute particulière », peut-on lire dans le Code du littérateur et du journaliste en 18294. De fait, malgré l’ironie de cet ouvrage, qu’ils se disent rédacteurs ou gens de lettres (« terminologie qui [les] désigne le plus souvent avant 1830 »), les journalistes « se définissent comme des littérateurs5 », ce qui n’est pas rien dans une époque qui voit l’émergence de « la figure idéale de l’Homme de Lettres » et le « sacre de l’écrivain6 ». En même temps, la correspondance entre les lecteurs et la rédaction du journal dans les premiers temps de la Révolution traduit aussi la prise de parole « par des catégories sociales, par des individus qui jusque là avaient très peu eu l’occasion de s’exprimer7 » : la presse est un lieu d’échanges et il est, pour cette époque, impossible de séparer l’évolution de la rédaction et celle de la lecture du journal ; ainsi, les mutations de ce dernier répondent-elles à la demande du public qui s’exprime à la fois sur le contenu, la structure rédactionnelle, voire le format du journal : en 1791, le directeur de la Chronique de Rouen cède aux réclamations et renonce à passer de l’in-8° à l’in-4°8 ; en 1796, Romain Caillot, propriétaire du Courrier extraordinaire des départements, constate que ses lecteurs d’Amiens exigent un journal in-4° et un sommaire en tête de sa feuille ; enfin, un certain « Logogriphile » (sans doute un pseudonyme) demande, quelques années plus tard au Journal de Rouen (21 février 1802), des acrostiches, charades, énigmes et surtout des logogriphes un peu plus imaginatifs. On passera ici sur cet ensemble de lettres qui suggèrent des modifications matérielles et qui se limitent progressivement, la maturation de la presse aidant, à des détails mineurs. La question cependant n’est pas négligeable : reprenant la thèse de Rolf Engelsing d’une Leserevolution, Roger Chartier soulignait l’émergence d’un nouveau rapport au texte du lecteur, « tour à tour séduit et déçu par la nouveauté et, surtout, peu enclin à la croyance et à l’adhésion9 » ; mais ce nouveau rapport désacralisé autorise aussi l’écriture du lecteur au journal et ce processus épistolaire réintroduit l’adhésion voire le consensus, ou tâche au moins d’y parvenir. Plus intéressantes sont donc évidemment les lettres qui expriment une opinion, exigent réparation ou apportent au rédacteur la matière de son journal sous forme d’articles d’information érudite ou de polémique : synthèse des deux genres, une longue lettre de l’oculiste Duchelard expose en 1802 une divergence avec le célèbre chirurgien rouennais Lamauve sur l’opération de la cataracte10. Cette intervention de spécialistes illustre une caractéristique de la lettre publiée : son extériorité au journal qui souligne l’ambiguïté du rôle du journaliste, tantôt homme de lettres, tantôt simple intermédiaire.

De l’usage du courrier des lecteurs

Il est difficile de donner une idée, même approximative, de la place du courrier dans le corps des journaux de l’époque, parce qu’elle est extrêmement variable, selon les époques et les titres11. On publie beaucoup de lettres au début de la Révolution, notamment lorsqu’il s’agit de procéder au découpage départemental. Il est cependant difficile d’en déduire que l’abondance du courrier est proportionnelle au degré de liberté dont jouit la presse : d’une part, on ignore quelle part des lettres envoyées était reproduite et si cette part était constante ; de l’autre, les journaux n’avaient évidemment pas tous les mêmes pratiques rédactionnelles. Le Courrier de l’Egalité publie quelques lettres officielles, souvent à la demande des autorités, mais pas de courrier de lecteurs en 1794, alors qu’à la même époque, ce dernier constitue le dixième de la surface du Journal de Rouen, avec au moins une lettre par jour. Or le même journal, sous le Consulat et l’Empire, ne donne de lettre que dans un numéro sur cinq en 1801 et même sur dix en 1807. Sous la Restauration, au premier trimestre de 1822, le Courrier de Gand & des Deux Flandres ne reproduit aucune lettre (supposons qu’il a tout de même pu en recevoir quelques-unes) et à Paris, L’Ami de la religion et du roi en donne trois seulement entre février et mai 1819. Juste après la révolution de 1830, Le Neustrien donne des lettres dans un numéro (quotidien) sur six, et L’Indépendant qui lui fait suite en 1831, dans un numéro sur 9 ou 10. Les feuilles citées sont plutôt conservatrices, les dernières hostiles à la révolution de 1830 ; comme à l’époque révolutionnaire la presse de droite est généralement peu prolixe en courrier des lecteurs ; certes, au moment des élections, elle fait exception à cette règle et donne des récits épistolaires des réunions électorales (houleuses ou calmes selon le camp du candidat qui les préside) ; mais on peut dire que, née dans la presse de gauche, la prise de parole du public y resta une pratique plus fréquente qu’à droite où la qualité des « honnêtes gens » comptait davantage que leur nombre. Ce n’est certes pas une loi d’airain : L’Observateur de l’Europe, royaliste, publie davantage de lettres, sous le premier Directoire, que son adversaire principal, la très républicaine Vedette, parce que, misant sur une victoire électorale, les royalistes cherchaient à démontrer leur influence sur l’opinion publique. Dans la presse de province en effet acheter et lire un journal, lui écrire également, sont des actes connus sinon publics ; et s’amuser ou s’indigner avec L’Observateur des actes du régime, y voir sa lettre reproduite, c’est clairement afficher son camp. Au Havre, il y a sous la Révolution deux feuilles consacrées essentiellement aux annonces et aux mouvements du port, mais l’une est tenue par un royaliste notoire, l’autre par un républicain, et cet exemple est assez représentatif des villes moyennes où deux feuilles locales se partagent le lectorat selon des critères plus idéologiques que commerciaux12. Ainsi, la presse étant un « marqueur politique », le courrier des lecteurs dit peut-être aussi l’émergence de réseaux à une époque où les partis n’existent pas.

Il faut par ailleurs constater que, si la place du courrier diminue peu ou prou, sa nature (politique ou non) évolue incontestablement avec les régimes politiques successifs. La publication de lettres cherche à traduire l’unanimité ou la forte mobilisation du lectorat ; ainsi, c’est en l’an II que le Journal de Rouen ou les Annales de la Révolution font écho aux prises de position des acteurs locaux (municipalités, sociétés patriotiques, individus) ou livrent des témoignages sur les événements comme les plantations d’arbre de la Liberté, le mariage des curés, la célébration des victoires, ou encore des invitations ou des conseils pour préparer du salpêtre ou planter des pommes de terres. Les journalistes prétendent recevoir aussi « une foule de demandes par les parents des volontaires ou soldats de ligne sur le lieu de la résidence des corps dans lesquels ils servent13. » Le Journal du vrai jacobin de Sedan fait, le 13 ventôse an II, cette « annonce patriotique » : « Les pères et mères des défenseurs de la Patrie peuvent écrire pour avoir des nouvelles de leurs enfants, nous satisferons à leurs vœux » et le Journal républicain des deux départemens de Rhône & de Loire donne des lettres dans un numéro sur trois. Une lettre d’Elbeuf au Constitutionnel le 6 février 1826, une autre le 17 mars, long réquisitoire contre le projet de rétablissement du droit d’aînesse, illustrent la persistance dans la presse de gauche de cette prise de parole (ou d’une nécessité de faire nombre).

Cependant, publier des lettres, c’est aussi pour le journaliste éviter d’avancer lui-même à découvert en donnant la prise de position des lecteurs… ou supposés tels, car il est parfois difficile de distinguer vrai et faux courrier : souvent l’auteur est dissimulé derrière un prénom à la mode, un pseudonyme ou la mention « un de vos abonnés ». On peut à priori supposer véridiques les lettres qui demandent un démenti au rédacteur. Se défendre, se justifier est le motif d’ailleurs fréquent du courrier. Il s’agit de répondre, par la voie du journal à « des bruits faux et insidieux », « pour détromper le public ». Dans le Courrier des cinq jours du 10 avril 1790, un abonné dénonce les assertions du Journal de la Cour & de la Ville sur une insurrection qui aurait éclaté à Caen, démenti qu’aurait d’ailleurs pu faire le journaliste lui-même, bien placé puisque le journal est de la même ville ! À la fin de 1830, Le Neustrien, dont ce n’est pourtant pas l’habitude, publie nombre de lettres de lecteurs fort désireux de se démarquer du régime précédent avec lequel le Journal de Rouen les accuse de s’être compromis. La presse départementale révèle d’ailleurs une évolution de cette correspondance politique un peu spéciale. Pendant les premières années de la Révolution, on s’adresse directement au journal où l’on a trouvé matière à offense : ainsi dans le Courrier de Strasbourg du 17 janvier 1793, l’auteur de la lettre proteste contre un article controuvé, et le rédacteur répond, proteste de sa bonne foi, défend son article « appuyé sur des preuves authentiques », etc. Dans le Courrier des Cinq Jours, une lettre est reproduite, très hostile au journal pourtant, et prolongée par des considérations consensuelles du rédacteur : on est libre de ne pas aimer la révolution mais il faut respecter la loi14. Publier une lettre est un procédé qui permet ainsi de répondre, en apparence, à l’exigence d’impartialité qu’affiche le journaliste. Mais, à partir du Directoire, avec un marquage politique plus net des journaux, le rédacteur n’est plus sur la défensive : il refuse la publication et la polémique passe par l’affrontement de deux journaux. Paradoxalement, le journaliste s’adresse directement à l’opinion avec « l’éditorial15 » et y revendique sa subjectivité, tout en continuant à proclamer son impartialité auprès d’un public dont il attend sa légitimation16. Quant au lecteur offensé, il doit s’adresser  à la feuille rivale, s’il veut « détromper le public ». Dans les rares lettres que donne L’Ami de la Religion et du Roi en 1819, on en trouve dirigées contre la Chronique, la Boussole ou le Journal du Commerce et leurs calomnies anticléricales17, tandis que Le Constitutionnel, plus généreux en courrier, en publie par exemple le 17 mars 1826 contre L’Etoile et son « impudence jésuitique ». C’est peut-être la seule crainte d’un procès qui empêche les lettres hostiles à un titre d’en disparaître complètement. On trouve ainsi dans L’Ami de la Religion une lettre assez violente dont l’auteur écrit : « quant [à vos] récriminations contre la Gazette des Cultes, journal entièrement hostile à la religion suivant le langage des cafards, elles ne méritent pas d’être réfutées. Ce coup de pied de l’âne est bien digne de L’Ami de la religion, et de son goût pour l’odeur des cadavres18. »

Comme le théâtre permet la participation du public face à la scène, le courrier des lecteurs autorise le spectateur à atteindre un public au-delà de ses connaissances. Mais la rubrique relève souvent de l’artifice d’écriture. Le Journal de Rouen du 15 ventôse IX donne la lettre de « L.B., marin » qui a « appris avec beaucoup de plaisir que le citoyen Mabire […] est appelé par le ministère de la Marine à remplir les fonctions de professeur de mathématiques dans notre ville » ; l’épistolier verse ensuite une pluie d’éloges sur cet enseignant dont l’installation officielle dans son poste est relatée dans un article du lendemain ; ce dispositif où le courrier prépare l’article est très fréquent. Voici d’autres artifices courants : en 1807, un directeur d’école secondaire dément le bruit selon lequel il abandonnerait prochainement sa pension ; mais la belle publicité qu’il fait à son établissement est sans doute la seule raison de sa lettre19. « Je vous remercie, mon cher concitoyen, écrit-on au Rédacteur du Journal de la Vienne en 179120, du plaisir que j’ai éprouvé en lisant les numéros du Journal de la Langue française. L’Auteur discute en maître les difficultés sans nombre que présente notre Langue, et sous sa plume, elle acquiert de nouvelles grâces » ; mais on comprend par le commentaire du journaliste qu’il a déjà annoncé la feuille littéraire et qu’il est lui-même fort intéressé à sa distribution. La forme épistolaire donne à l’information la couleur du témoignage impartial, comme elle cherche à donner un caractère authentique à la fiction romanesque. Elle répond aussi à une pratique partagée par les journalistes et leur public, tous familiarisés à la lecture de romans et de textes philosophiques qui ont souvent emprunté ce procédé littéraire.

Rhétorique

Entre publicité et littérature, l’abondant courrier des gens de théâtre prolonge évidemment les annonces et les critiques des spectacles ; on y discute du jeu des acteurs et on y étale aussi les intrigues de coulisses ; en germinal an IX, la comédienne Duménil proteste contre son remplacement par Mademoiselle Desrosiers. En vendémiaire (le 18), c’est l’auteur du « Vieux Comédien » qui répond à des accusations de plagiat.Dans le premier numéro du Journal de Littérature & des Théâtres (1797), l’interprète d’Othello, Raté-Joinville, défend l’art dramatique tel qu’il était goûté par le Faubourg Saint-Germain contre l’esthétique nouvelle appréciée par les clubs populaires21. L’affaire Michu, la disparition tragique du directeur du théâtre de Rouen en 1801, ruiné et introuvable, produit aussi tout un échange de courrier dans les deux feuilles de la ville : la Chronique de l’Europe soutient, indirectement par voie de lettres, que le directeur s’est éclipsé en emportant « ses habillements et les effets les plus précieux de sa loge et de son foyer […] Il s’est choisi un asile pour y dévorer en secret ses chagrins ». Son épouse et quelques-uns de ses collègues protestent de son honnêteté dans le Journal de Rouen dont le rédacteur n’intervient d’ailleurs que tardivement, une fois le directeur retrouvé noyé, accidentellement ou suicidé. Nous sommes ici loin du spectacle dans un drame bien réel, mais au-delà des implications personnelles de cette ténébreuse affaire, chacun s’efforce de paraître vrai et cultivé, habile en rhétorique, bien dans son rôle aussi ; ces lettres comme d’autres ne sont pas sans rappeler l’éloquence déployée dans les factums par les avocats qui, écrivant pour le huis clos du tribunal, se livrent à une véritable écriture théâtrale avec des rôles stéréotypés, comme celui de la veuve éplorée22

S’il y a, pour le journaliste, des raisons de prudence à employer le procédé épistolaire ou pseudo-épistolaire, parallèlement l’usage de ce dernier introduit avec le public une connivence fictive, d’ordre culturel23. Le courrier au journal est l’occasion pour les épistoliers de produire de beaux morceaux de littérature et d’exposer ainsi au public des échantillons de talent utiles au « rapprochement des conditions » ; cette démonstration est peut-être plus nécessaire encore aux gens de théâtre dont la profession a longtemps été en marge. Pour les rédacteurs comme pour les lecteurs, le journal n’a pas seulement pour fonction d’informer : il est aussi démonstration d’un savoir et d’une maîtrise de l’écriture. L’idéal de communication des Lumières a conduit à solliciter la participation effective du lectorat à la fabrication du journal ; c’est même l’une des vocations aux origines de la presse de province qui se développe entre le milieu du siècle et la Révolution24. Les feuilles publient alors les pièces de vers des lecteurs, leurs réactions critiques aux comptes rendus littéraires ou théâtraux, leurs récits d’expériences agronomiques, etc. Un savoir, donc : le Courrier de la Flandre expose en 1825 les idées de quelques lecteurs sur la physiologie, science alors nouvelle en délicatesse avec la religion25. Comme l’écrit Anne Chamayou, depuis Montesquieu et Voltaire, « la lettre se trouve liée au rajeunissement des savoirs, à la revendication politique, à la quête de la vérité »26. Le seul article « caviardé » dans le Journal de Normandie en 1787 est d’ailleurs un extrait d’un Recueil de Lettres manuscrites sur l’Italie par le Président du Paty, une « lettre de Florence » faisant l’éloge des réformes économiques et sociales du Grand Duc Léopold… Écrire au journal et voir sa lettre publiée, c’est donc visiblement contribuer par ses talents à cette œuvre collective, et le projet d’un journal fait par les lecteurs se prolonge bien au-delà de la fin de l’Ancien Régime, en partie dans La Décade philosophique entre 1794 et 1807, ou encore, outre Atlantique, dans les publications de Michel Bibaud, la Bibliothèque canadienne en 1825 ou la mensuelle Encyclopédie canadienne en 1842.

Maîtrise de l’écriture aussi : celle, par exemple, du rédacteur du Télégraphe en 1796 dont l’éditorial alterne les formes de la lettre et du dialogue, l’épistolaire et le théâtral. Le courrier au journal est en ce sens une forme d’expression offerte à tous, ou du moins à cette portion limitée, aisée et instruite de la société qui compose le lectorat, ainsi d’ailleurs que le public du théâtre. Écrire c’est témoigner d’une identité culturelle partagée : on n’est pas forcément d’accord politiquement mais on est du même monde parce qu’on s’exprime de la même manière. Si le « professionnel de l’écriture » se révèle souvent mais pas toujours plus habile que l’épistolier, tous ceux qui écrivent dans un journal ont recours, pour persuader leurs lecteurs, à la même rhétorique classique apprise dans la jeunesse27. Selon le Code du littérateur et du journaliste, « Pour se faire littérateur, il faut savoir lire et écrire, et à peu près l’orthographe. Il vaudrait même mieux ne jamais faire de fautes de français ; mais cette condition n’est pas indispensable28. » La formule cependant est plus amusante que réaliste : rédacteurs et épistoliers appartiennent sinon à la république des lettres du moins à celle plus vaste de ceux qui sont capables, par une formation commune reçue dans les collèges et par leurs lectures, de produire un texte littéraire dans des styles variés29.

Une « lettre au rédacteur » du Courrier des Spectacles en 180330 propose de lui apprendre son métier :

Je suppose que vous soyez à un dîner excellent, on sert le dessert, en suivant votre méthode vous êtes obligé de vous lever, de dire adieu au champagne, à toutes ces gourmandises que les littérateurs aiment presque autant que des dévots ; point de café, de liqueurs, vous allez vous morfondre au spectacle […] Ne vous rendez plus aux théâtres. En rentrant chez vous, prenez une édition quelconque de la pièce qu’on aura joué ; citez à tort et à travers, nommez des acteurs qui n’auront pas joué, et les bourgeois du Marais, qui ne vont jamais aux spectacles, les habitants des départements trouveront vos articles superbes31.

Dans une lettre à L’Indépendant,en janvier 1831, juste après les premières élections qui suivent la Révolution de 1830, un correspondant met en scène son analyse politique :

Yvetot eut jadis ses monarques qu’un homme d’esprit a plaisamment nommés les Sancho-Pança de la royauté. Depuis 1790, notre monarchie s’est changée en sous-préfecture. On dit qu’un auteur s’occupe d’écrire l’histoire de nos anciens rois, et qu’il se propose d’y joindre, comme supplément obligé, celle de nos hauts magistrats. Pour lui faciliter cette dernière partie de son travail, nous vous prions de lui faire connaître, par la voie de votre Journal, les faits contenus au petit dialogue qui suit : [on notera les indications de mise en scène de l’épistolier]

« (La scène se passe le 4 août 1830 ; elle représente un bureau dans lequel un Magistrat est entouré de quelques constitutionnels qui s’étaient mis à la tête du mouvement patriotique de juillet, tandis que le haut personnage se tenait au sein de sa famille.) [allusion évidemment au chant de ralliement des royalistes sous la Révolution, devenu presque l’hymne de la Restauration].

« Le Magistrat. Enfin, mes amis, notre glorieuse révolution a triomphé ; je suis nommé… Cette nomination contrarie mes goûts et mes habitudes ; mais la patrie en exige le sacrifice, je me résigne.

Un Interlocuteur. Nous en sommes ravis ; enfin, nous aurons les moyens de faire redresse les torts de l’administration jésuitique qui pèse encore sur notre arrondissement. La justice et la probité ne seront plus de vains mots.

Le Magistrat. Soyez-en persuadés, mes amis ; je ferai tout pour répondre à votre attente. Je sais, comme vous, que les réformes sont nombreuses et urgentes.

Deuxième Interlocuteur. Mais, quand une fois on a bu dans la coupe du pouvoir on oublie…

Le Magistrat. Je n’oublierai rien ; vous serez toujours mes amis, mes conseils ; tous les jours, à toute heure, mes bureaux, mon cabinet sous seront ouverts.

(Ici finit la première scène. Les interlocuteurs se retirent ; mais l’un d’eux (le deuxième), qui avait déjà vu des hommes en place, dit en fermant la porte : Nous verrons !)

Deuxième scène.

(La deuxième scène se passe encore dans un bureau, entre le Secrétaire du Magistrat et le deuxième Interlocuteur) […] ».

Dans le Journal du département de la Vienne, un abonné écrit pour soutenir, contre le rédacteur, le projet de créer un marché au bourg de Saint-Genest32 : « Il est des climats heureux que la nature semble avoir pris plaisir à enrichir et à décorer de presque toutes les plantes nécessaires à la vie et à la santé de ses habitants. De ce petit nombre est Saint-Genest, ce séjour délicieux dont je vous ai entretenu plusieurs fois ». La suite de la lettre, qui occupe toute une page, est une série d’observations agronomiques dans l’air du temps, avant une conclusion en trois lignes : « Comme ma lettre se trouve déjà un peu longue, je remets à une autre à répondre à vos objections sur la translation des marchés & foires de l’Encloître à Saint-Genest ». Finalement rien n’a été dit ou si peu de l’objet premier de la lettre mais, par cet étalage gratuit d’érudition ou cette démonstration de compétences littéraires ratifiée par le journal, l’épistolier a peut-être atteint son but : la légitimation d’une notabilité fraichement acquise ou à confirmer en période de révolution33.

Genres

Écrire au journal c’est donc entrer dans la sphère de discussion publique, participer à un débat d’idées et par là-même affirmer sa légitimité de citoyen. Avec la Révolution, le journal s’ouvre en principe à tous et non plus aux seuls correspondants autorisés, notamment les savants ou érudits écrivant aux journaux à vocation encyclopédique. Or si elle est un peu libérée, la parole, ou plutôt l’écriture, est surtout confisquée. La Feuille villageoise (1790-1795) est, par exemple, la production de bourgeois qui ont « une image livresque et tributaire d’un certain discours romanesque plus ou moins issu de la Nouvelle Héloïse34» des paysans auxquels ils prétendent s’adresser et le courrier des lecteurs35 vient essentiellement de notables. Mais, de ce monde de l’écriture reconnue, qui a droit de cité par la publication dans le journal, plus encore que les plébéiens et à l’exception des artistes, les femmes sont exclues. Certes on trouve de leurs lettres dans la presse mais elles sont très souvent fausses, dans le Journal de Normandie par exemple. C’est ainsi « Dorothée Glotte » qui dénonce l’exclusion des femmes des Chambres de Lecture : « La sphère des uns [les maris] s’élargissant & celle des autres se rétrécissant journellement, on sera bientôt hors de portée36. » Une lettre fort suspecte reproche au journaliste son « indifférence pour les modes nouvelles » :

Il me prend quelquefois fantaisie de lire vos feuilles, quand je n’ai personne à ma toilette : mais la dernière m’a paru ennuyeuse à périr. Vous nous parlez d’Agriculture, de Manufactures ; & qu’avons-nous besoin de cela ? On sait bien qu’il est bon quelquefois qu’il y ait des Cultivateurs & des Manufacturiers ; mais ces gens-là ne sont points faits pour qu’on en parle […]. Il ne vous a manqué que de priser cet inconnu37 plus encore que nos célèbres Maîtres de Danse, nos brillants Bijoutiers, nos élégants Coiffeurs, nos habiles & fins Cuisiniers, & nos savantes Marchandes de Modes. Voilà, Monsieur, voilà les arts précieux & utiles à la société, qu’il nous importe de voir encourager, pour les attirer & les fixer dans cette Ville : & je ne vous passe pas de n’en avoir point encore dit un mot38.

Et, quelque temps après :

Neuf mois se sont à peine écoulés depuis ma première Lettre, les modes ont changé vingt fois : ainsi, de bon compte, vous avez renoncé à vingt articles plus intéressants les uns que les autres, & qui eussent autrement figuré dans votre Journal qu’une foule d’objets qui sont utiles le plus tristement du monde. Ah ! Si vous arriviez, comme moi, de Paris tout récemment, vous sentiriez l’importance d’un pareil sujet, & vous auriez été transporté d’enthousiasme, en voyant les belles adopter depuis huit jours le Caraco à l’Innocence reconnue ou à la Cauchoise39.

L’une des fréquentes déclinaisons du procédé épistolaire est donc la lettre misogyne qui, d’une manière ou d’une autre, dit l’incapacité féminine à percevoir et discuter les questions essentielles de la société de l’Ancien Régime finissant ou de la Révolution. Une certaine « Julie » écrit au Courrier des Cinq Jours40 : « Je n’abuserai pas du privilège de mon sexe, c’est-à-dire, en bon Français, que je serai laconique. Nous autres femmes, nous nous jetons dans toutes les parties, parce qu’en général, notre but est d’attirer les regards, nous voulons que l’on s’occupe de nous, et en cela, nous ressemblons à des enfants ». Julie dit ensuite l’urgence d’une loi sur le divorce. Or, sur cette question qui divise l’opinion, le journaliste ne prend pas directement position : il laisse ce soin à sa correspondante et fait suivre sa lettre de considérations jésuitiques sur le danger d’une telle loi que seule rendrait nécessaire la trop fréquente jalousie des hommes ! Il est vrai que, parallèlement, des vapeurs à l’hystérie, la littérature médicale modernise les clichés sur les genres et justifie la place assignée aux femmes dans la société : les lettres (d’hommes) au Journal de Rouen qui fait suite au Journal de Normandie sous la Révolution, insistent sur la nécessité d’une bonne éducation pour les filles afin de les préparer leur rôle d’épouse et de mère. Écartée de l’œuvre de régénération nationale, la correspondante ou prétendue telle n’intervient finalement que dans des débats aux objets très limités : le mariage que désire cette « jeune veuve de 26 ans qui demande un mari » en l’an V41, ou le divorce. Ce sont là les seules intrusions du privé, sinon de l’intime, dans la lettre au journal, où l’emporte de loin le collectif, l’universel et surtout le paraître…

Des épistolières peut-être authentiques s’expriment cependant sur la question religieuse qui fait donc exception, sauf à la considérer comme appartenant au passé, à l’ensemble des futilités ou des superstitions abolies par la révolution. Encore faut-il nuancer, même ici, l’importance accordée à la parole féminine ; dans une lettre du 17 pluviôse IX, c’est « Emilie B… » qui intervient – un peu – sur l’affaire religieuse alors d’actualité (on négocie le concordat) et elle commence ainsi sa lettre : « N’étant pas du nombre de ces femmes docteurs qui croient pouvoir quitter leur tricot pour se mêler des querelles de théologie, je ne lis aucune des brochures qui paraissent sur les matières canoniques »… On ne saurait mieux exposer l’incompétence féminine : parce qu’au fond il n’y a pas matière à débat, le courrier qui met en scène les genres est plus parodique que polémique. On en trouve un exemple exotique dans la lettre éditoriale du premier numéro (23 avril 1820) de L’Hermite d’Hayti, qui raconte :  

Je me suis associé une jeune compagne qui, je n’en doute pas, aurait fait mes délices, si je ne me fusse trouvé successivement dans l’obligation d’associer à mon ménage, sa sœur, ses nièces, une filleule, des cousines, enfin toute la parenté jusqu’au dernier degré […] Il n’est pas une colique d’estomac, un mal de tête ou des vapeurs, tous autant de maux de circonstances, qui ne trouvent dans mon vin autant de spécifiques radicaux […] Il n’est pas un colifichet, un madras, une dentelle, enfin un chiffon nouveau sur lesquels mon goût, pour la forme seulement, ne soit consulté et que je ne sois obligé d’acheter, sous peine de m’entendre traiter de vilain, indigne d’une femme aussi sage, aussi vertueuse que la mienne.

Rien de nouveau sous le soleil, même ici tropical, puisqu’on a ici un écho des « dangers de la coquetterie et de la vanité » exposés déjà dans la presse d’avant 1789. Et dans le numéro suivant, une correspondante qui signe « E.M. », répond à cette lettre

qui jette sur mon sexe un ridicule qui n’existe que dans le cerveau de celui qui s’est plu à l’inventer, ou au moins à l’exagérer. Je vous rends la justice de croire que vous n’y avez aucunement participé, puisque vous n’avez fait à l’appui aucunes réflexions ; aussi, ai-je plaidé votre cause dans différents cercles, où les dames vous en supposant l’auteur, s’étaient liguées pour vous arracher les yeux […] j’ai promis à ces dames qu’en réparation d’honneur, vous feriez un long article [pour encourager les mariages de] ces tristes célibataires qui consument leur vie sans attachement… ».

L’auteure fait part enfin de ses hésitations car le parti qui lui est proposé serait en tous points avantageux s’il n’était bossu. Le rédacteur, émule d'Étienne de Jouy, lui adresse donc quelques conseils pour bien vivre avec un bossu…

Il existe pourtant, comme l’a montré Suellen Diaconoff, une presse par et surtout pour les femmes42, notamment le Journal des Dames (1759-1779)43. Mais, quelle que soit l’importance de ce titre, les hommes confisquent l’écriture de la presse et on fait à peine semblant de laisser les femmes s’y exprimer. Opposer sphère masculine et sphère féminine reste un des sujets courants du « courrier des lecteurs », pas constant cependant ; les années 1791-1797 s’inscrivent en creux, semble-t-il dans une enquête en cours et qui doit être approfondie sur la question des genres ; mais, contrairement à un présupposé, je constate, en l’état actuel de mes lectures, que la misogynie du journal est moins une conséquence de la conjoncture politique qu’une forme de remplissage. En ce sens le courrier du journal à l’époque me paraît l’expression d’un univers viril, au demeurant socialement étroit, et il nous décrit le « public fantasmé » des hommes de lettres, successeurs affichés des Philosophes, une « opinion sur mesure44 » qui se résume à une minorité socioculturelle, de sexe masculin.

Le procédé épistolaire tel que décrit ici appartient sans doute à un moment de l’histoire de la presse, à une protohistoire du journalisme si l’on veut entre l’époque des gazettes et l’ère de la communication de masse. Avant Émile de Girardin et « l’an 1 de la culture médiatique45 », les rôles ne sont pas encore bien distribués entre une profession mal définie et un public limité qui ont en commun une même sensibilité littéraire, entendons : une propension peu ou prou exprimée à écrire. Déjà sous la Restauration, quelques mutations sont visibles : à Paris et dans quelques grandes villes de province, l’apparition du poste de rédacteur en chef, à la tête d’une équipe de journalistes de plus en plus spécialisés46 ; dans les années 1830, des sociétés de type capitaliste commencent à se substituer aux entreprises familiales d’antan47, dans un paysage éditorial transformé par la multiplication des lecteurs, fruit de l’alphabétisation et surtout de la baisse du prix des journaux après 1836. « Il n’est pas de parole qui ne soit émise d’une place et convoque son interlocuteur à une place corrélative », écrit François Flahault48. Mais dans la période étudiée, avant la Monarchie de Juillet et la presse de masse, les participants de l’interaction épistolaire, le lecteur écrivant au rédacteur, sont dans la fiction d’une communication d’égal à égal, illusion autorisée par des codes, par une mise en scène dans le dispositif de lecture/écriture, par une identité culturelle et sociale partagée, et c’est cette identité que nous disent le courrier des lecteurs et le procédé épistolaire d’alors.

(Université du Havre – CIRTAI)

Notes

1  La pratique du supplément au journal destiné à la lettre d’un député (Guillaume ancien constituant dans le Journal de Paris du 1er juillet 1792, 3 pages, les députés haut-normands en 2 pages du Journal de Rouen, après Varennes pour expliquer « l’enlèvement du roi ») prolonge moins les lettres aux commettants de 1789 qu’elle ne dit la très relative indépendance de la presse.

2  Courrier des Planètes, Courrier Lyrique et Correspondance littéraire secrète.

3  1er avril 1797.

4  (H. Raisson), Code du littérateur et du journaliste, par un entrepreneur littéraire, Paris, L’Huillier, 1829, p. 37.

5  Pierre Van den Dungen, « Écrivains du quotidien : Journalistes et journalisme en France au XIXe siècle », Semen, 25, « Le discours de presse au dix-neuvième siècle : pratiques socio-discursives émergentes », 2008, mis en ligne le 20 février 2009.

6  Paul Bénichou, Le sacre de l’écrivain, 1750-1830. Essai sur l’avènement d’un pouvoir spirituel laïc dans la France moderne, Paris, José Corti, 1973.

7  Béatrice Didier, Écrire la Révolution, 1789-1799, Paris, PUF, 1999, p. 89.

8  Dans une lettre du 27 décembre de la même année, adressée au rédacteur du Journal du Commerce de Rouen, le négociant Adrien Ricard propose une série de modifications (pagination, ordre des rubriques etc.) qui sont prises en compte ; mais ce négociant, fondateur et membre actif de la Société d’Emulation de la Seine-Inférieure, fondée au début de 1792 avec notamment des rédacteurs de la même feuille, n’est probablement pas un simple abonné…

9  Roger Chartier, Les origines culturelles de la Révolution française, Paris, Seuil, 1990.

10  Journal de Rouen, 1er février 1802.

11  Ce qui pose d’ailleurs problème lorsque, faute le plus souvent de registres de souscription, les lettres des lecteurs constituent la seule source permettant de connaître (avec quelle marge d’erreurs !) le public du journal.

12  La principale feuille d’annonces rouennaise est d’abord liée au Journal de Rouen qui soutient le gouvernement révolutionnaire ; elle renaît après la Terreur, mais comme publication d’hommes nouveaux et sans couleur politique affichée, avant d’entrer dans la sphère royaliste de L’Observateur puis de revenir à un « juste milieu » antiroyaliste tout autant qu’antijacobin, ces fluctuations traduisant les virages politiques successifs des milieux d’affaires rouennais.

13  Journal de Rouen, 31 juillet 1793.

14  2 septembre 1790, lettre de Beauvron (en Auge).

15  Apparu très tôt (on le trouve par exemple dans les Annales patriotiques de Carra en 1790), l’article ne prend le non d’éditorial qu’en 1856 en France.

16  « Nous sommes représentants de l’opinion ; si [le gouvernement] régente temporairement la France, nous gouvernons définitivement le monde [...]. Il peut nous faire arrêter et embastiller sans arrêter le cours de la lumière », proclame L’Observateur de l’Europe, le 10 messidor III, contre le rapport Chénier sur la presse.

17  Voir notamment les journaux des 10 mars et 7 avril.

18  Cet exemple tardif date du 15 novembre 1834.

19  Lettre au Journal de Rouen, 5 mars 1807.

20  9 mai 1791.

21  Catriona Seth, « La culture au service de la politique : le Journal de Littérature & des Théâtres (1797) », dans Catriona Seth et Éric Wauters (dir.), Un siècle de journalisme culturel en Normandie et dans les autres provinces, 1785-1885, actes des journées d’études Rouen-Le Havre (2005), Rouen, Presses des universités de Rouen et du Havre, 2011.

22  Elise Chopin et E.Wauters, « Histoires de vie et archives judiciaires : les mots choisis pour dire les maux », dans Gabriella d’Agostino, Mondher Kilani et Stefano Montes (dir.), Histoires, témoignages, autobiographies de terrain. Formes d’énonciation et de textualisation, Freiburger Sozialanthropolische Studien, LIT, Berlin, 2010, p. 189-200.

23  On a vu plus haut que la connivence idéologique s’établit lentement puisqu’avant le Directoire on écrit à tous les journaux avant de s’adresser prioritairement à celui de son camp.

24  « Le journal est la voie de communication entre les citoyens la plus prompte, la plus générale et la moins coûteuse, elle instruit tout le monde en même temps », comme l’écrit un abonné anonyme (c’est-à-dire peut-être le rédacteur lui-même) aux Affiches de Lyon qui viennent d’être lancées (numéro du 1er mars 1750).

25  N°244, 265 et 269 du journal, suivis d’une Réfutation des trois lettres, par des « Amis de la vérité ».

26  Anne Chamayou, L’esprit de la lettre, Paris, PUF, 1999, p. 2.

27  Voir par exemple le cas de la Gazette de Mantoue étudié par Anja Hrbek, dans Anja Hrbek, Vier Jahrhunderte Zeitungsgeschichte in Oberitalien. Text-, sprach- und allgemeingeschichtliche Entwicklungen in der "Gazzetta di Mantova" und vergleichbaren Zeitungen, Tübingen, 1995. Voir la présentation de cet ouvrage par Ernst-Ulrich Grosse, « Évolution et typologie des genres journalistiques », Semen, 13, « Genres de la presse écrite et analyse de discours », 2001, mis en ligne le 30 avril 2007.

28  Raisson, Code du littérateur et du journaliste, op. cit., p. 23.

29  Une lettre au Flambeau du Républicanisme porte l’intitulé « Adresse de la commune d’Orgeville, district d’Evreux » et imite le style poissard : « ça fait enrager les vivants, ça s’acharne jusques sur les cadavres [...] l’âme aussi noire que sa souquenille, cet animal-là s’appelle un curai » [sic] (26 brumaire an II). Le rédacteur, Le Pesqueur de Conjon, est connu pour son ambition littéraire (théâtre, poésie, etc.) au demeurant contrariée.

30  11 vendémiaire XII, 5 octobre 1803.

31  Suit une note du rédacteur qui dénonce également cette pratique (supposée ?) d’un certain Geoffroy, chroniqueur de L’Année Théâtrale qui fait l’objet d’autres lettres acerbes, dans le numéro suivant, puis d’un court article fort méchant dans chaque numéro suivant ou presque. Vrais correspondants, comédiens ou journalistes, il s’agit de défendre des spectacles très vivement critiqués par Geoffroy.

32  14 février 1791.

33  Si l’on exclue ici l’hypothèse d’un remplissage par le journaliste lui-même.

34  Didier, Écrire la Révolution, op. cit., p. 94.

35  Pourtant « un des aspects les plus intéressants de la Feuille villageoise […], ce dialogue qui malgré tout s’instaure entre le public et la rédaction », ibid., p. 95.

36  25 janvier 1786, n° 7, p. 25.

37  Un artiste inventeur d’un procédé de filage de la laine.

38  Samedi 4 février 1786.

39  Lettre de la Dame d’Yvetot, écrite le 15 octobre 1786, publiée le samedi 28 octobre 1786.

40 Caen, 4 février 1790.

41 5 fructidor V.

42  Suellen Diaconoff, Through the Reading Glass: Women, Books, and Sex in the French Enlightenment, New York, State University of New York, 2005.

43  Les autres titres, La Spectatrice (1728-1729), le Nouveau magasin français (1750-1751), le Courrier lyrique (1787-1789), sont éphémères.

44  Nicolas Veysman, Mise en scène de l’opinion publique dans la littérature des Lumières, Paris, Champion, 2004.

45  Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant, 1836, l’An 1 de l’ère médiatique, étude littéraire et historique du journal La Presse d’Emile de Girardin, Paris, Nouveau monde, 2001. Il me semble que le fondateur de La Presse en 1836 a moins inventé que défini enfin clairement les rôles…

46  Dans la critique théâtrale par exemple sous la Monarchie de Juillet.

47  C’est le quotidien qui impose ces mutations, d’où le retard des petites villes où les journaux restent encore longtemps des entreprises familiales.

48  François Flahault, La parole intermédiaire, Paris, Seuil, 1978, p. 58.

Pour citer ce document

Éric Wauters, « Le procédé épistolaire dans la presse française de la Révolution à la Restauration», La lettre et la presse : poétique de l’intime et culture médiatique, sous la direction de Guillaume Pinson Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/la-lettre-et-la-presse-poetique-de-lintime-et-culture-mediatique/le-procede-epistolaire-dans-la-presse-francaise-de-la-revolution-la-restauration