La lettre et la presse : poétique de l’intime et culture médiatique

L’épistolaire dévoyé : le Courrier de Paris de Delphine de Girardin et la question de la novation

Table des matières

ELISHEVA ROSEN

De 1836 à 1848, avec quelques interruptions, Delphine de Girardin a publié dans La Presse, le quotidien lancé par son époux, une chronique hebdomadaire intitulée le Courrier de Paris, signée Vicomte de Launay. Dans les annales du journalisme, cette rubrique à succès a longtemps fait évènement, pour sombrer ensuite dans un relatif oubli. S. Morgan déplorait encore en 1994 le manque de visibilité de D. de Girardin1, plutôt absente alors de l’histoire du journalisme féminin comme de celle de la littérature urbaine. Sur ce double plan, ce déficit a été amplement comblé depuis. Emboîtant le pas à l’étude séminale de Morgan, Catherine Nesci2 a dressé un beau portrait de la Muse en flâneuse et a pleinement mis en relief sa contribution à l’écriture de la ville. Marie-Ève Thérenty, pour sa part, dans son étude sur la Presse3, puis sur la poétique du quotidien4 a rétabli à sa juste place la contribution de D. de Girardin. Elle a montré qu’elle méritait d’être tenue pour l’initiatrice de la chronique, et insisté sur la novation de son entreprise : Le Courrier de Paris définit durablement les règles d’un genre promis à une grande fortune, et ce d’autant qu’il apparaît comme l’un des rouages de la machine médiatique.

Actuellement donc, à la faveur du triple éclairage des études sur la presse, sur la littérature urbaine, et des études féministes, D. de Girardin est redevenue une figure-phare de la civilisation du journal du premier XIXe siècle, et sa chronique, une entreprise éminemment moderne et novatrice. L’histoire du Courrier de Paris se décline à nouveau sur le mode d’une « success story5. » Ce récit assourdit le bruit des polémiques passées, des critiques ambigües, parfois louangeuses certes, mais volontiers fielleuses et misogynes, adressées à la prose du Vicomte de Launay au cours du XIXe siècle, et que l’on a tenu pour un facteur de l’oubli auquel elle a été un temps vouée. Rien de plus tentant dès lors que de considérer notre vulgate présente sous l’angle d’un juste retour des choses, par delà les préjugés stigmatisant l’écriture des femmes, le journalisme et les mondanités. Mais ce serait peut-être simplifier quelque peu, car lorsqu’on se reporte dans la foulée des réévaluations actuelles à la boucle antérieure de la réflexion, force est de constater qu’on n’y retrouve guère de contestation du succès journalistique de Delphine de Girardin. On s’accorde au contraire à le reconnaître, et à l’envier. Ce que les critiques de D. de Girardin visent, au cours d’un long XIXe siècle, n’est pas son feuilleton tel qu’on pouvait le lire au rez-de-chaussée du journal (du moins, pas au-delà des réserves habituelles que suscite le feuilleton à l’époque), mais bien le(s) volume(s) issu(s) de cette publication et qui appelle(nt) les comptes rendus. Un premier recueil de ces chroniques paraît en 1843 chez Charpentier, sous le titre de Lettres parisiennes alors que la publication du feuilleton continue de suivre son cours, il sera suivi d’un second volume rebaptisé Correspondance parisienne6, puis le Courrier de Paris, retrouvant son intitulé de Lettres parisiennes, sera intégré aux Œuvres complètes7 de Delphine de Girardin dans un texte qui fournira la base de multiples rééditions, la dernière datant de 19868. La critique se penche ainsi sur un texte autre que celui du Courrier de Paris dont il constitue néanmoins quasiment un doublet : autre par son support, le livre plutôt que le journal, autre par son co-texte et son contexte, autre également par le pacte de lecture qu’il induit et qu’infléchit (dans ses différentes versions) le paratexte9. La distinction a certes été relevée, mais pour autant, elle n’a pas été véritablement mise en relief dans l’appréciation de la réception du Courrier de Paris identifié d’office aux Lettres parisiennes. À distance, il nous devient parfois difficile de faire la différence, même si la difficulté n’est plus la même que pour les contemporains. Quoiqu’il en soit, c’est bien à la lueur de la distinction entre les deux formes de publication, à la fois indissociables et à dissocier, que le dossier critique mérite d’être relu. Envisagé sous cet angle, il apparaît riche d’interrogations qui continuent de nous interpeller sur la possibilité du devenir œuvre d’une production médiatique, sur la frontière poreuse et mouvante entre presse et littérature, ainsi que sur l’appréhension de la novation. Le cas de Delphine de Girardin est particulièrement intéressant dans cette perspective dans la mesure où la postérité s’est accordée avec Gautier et quelques autres pour reconnaître dans le volume de ces écrits nés de la presse le véritable chef d’œuvre de leur auteur. De plus, l’interprétation du lien que ces textes entretiennent avec l’épistolaire participe pleinement du débat, et offre de nombreux éléments à verser au dossier de l’appréhension des rapports de la presse et de la lettre.

Changement de support

La publication en volume des Lettres parisiennes relève d’une pratique éditoriale courante au XIXe siècle, qui d’ailleurs ne l’a pas inventée. Elle procède de l’exploitation commerciale d’un succès médiatique suffisamment durable pour pouvoir miser sur une clientèle d’ores et déjà acquise. Sur le plan symbolique l’opération est associée à un changement de statut, le livre étant censé opérer la transition du domaine journalistique au domaine littéraire, dont cette production était pour une bonne part issue. Or si le passage de la littérature vers la presse semble aller de soi, la trajectoire inverse est plus difficilement concevable et doit se négocier. La publication en volume de l’Hermite de la Chaussée d’Antin10, une série de feuilletons11 souvent cités comme l’une des sources d’inspiration de Delphine de Girardin, offre un bel exemple d’une telle transaction à la fois économique et symbolique. Elle est mise en scène par Etienne Jouy à l’orée de son ouvrage au gré d’un dialogue fictif mi-sérieux, mi-badin, entre l’Hermite et le libraire avide de publier ses textes, qui tient lieu de préface au recueil. Ce texte liminaire décline en quelque sorte le protocole d’un « rite de passage » : il expose les obstacles à franchir et imagine le moyen de les contourner. Ce faisant, il nous permet de saisir, dans sa plus simple expression, un canevas certes déjà usé, mais qui ne cessera d’être exploité et réactualisé au fil de l’expansion de la civilisation du journal. Il s’agit tout d’abord d’accuser le sens d’une frontière et de signaler les métamorphoses qu’elle entraîne. L’Hermite accueille avec une réticence affichée le projet qui lui est fait de reprendre en volume sa production médiatique : « Réunir des articles de journaux ! Y pensez-vous ? Ces bluettes littéraires ne sont faites que pour amuser le lecteur pendant qu’il déjeune, ou pour l’endormir quand il se couche […] Elle [sic] n’ont qu’un jour à vivre, et je ne vois pas la nécessité de les enterrer ensemble » (Avant-propos, viii). Il se fait ainsi l’écho d’une doxa qui préconise une hiérarchie de l’écrit, une incommensurabilité qualitative entre le texte journalistique, perçu comme léger et éphémère, et la littérature faite, idéalement du moins, pour durer. L’opération en conséquence semble sans intérêt : loin de rehausser la valeur d’une production périodique, de lui offrir la chance d’une seconde vie et d’un statut symbolique plus enviable, elle ne saurait se solder que par un cuisant échec, par un inutile simulacre d’enterrement (« je ne vois pas la nécessité de les enterrer ensemble »). Elle ne concerne d’ailleurs pas seulement les textes. Elle affecte également celui qui les a produits. La publication en volume s’entendra comme prétention à accéder au statut d’auteur, et confortera la présomption de vanité que l’opinion entretient à l’égard de tout journaliste qui revendiquerait, serait-ce implicitement, le statut d’écrivain. Alors comment réduire les appréhensions du journaliste, qui se montre plus soucieux du pan symbolique de la transaction que de son intérêt économique ? Le libraire croit bien faire en évoquant d’illustres précédents : « le Pour et le Contre, le Spectateur, le Tuteur, le Babillard, le Fainéant, etc. ». La comparaison néanmoins inquiète bien plus qu’elle ne rassure son interlocuteur. Elle le mettrait sur le même plan que l’abbé Prévost, Addison, Steele et Johnson qui ont bien d’autres titres de gloire à leur actif que leurs collections d’articles :

[…] Addison a peint les mœurs et les usages de Londres, au commencement du dix-huitième siècle ; j’essaie de donner une idée de celles de Paris, au commencement du dix-neuvième siècle, voilà d’abord un point de ressemblance ; je ne suis embarrassé que des autres (ix-x).

C’est finalement en se plaçant sur un tout autre terrain, celui de l’art (exit les précédents et les comparaisons), que le libraire parvient à faire aboutir la négociation qu’il mène, dans tous les sens et tous les attendus du terme : « Où est la nécessité de comparer ? Une simple esquisse au trait, quand elle est bien tracée, bien fidelle [sic], peut encore trouver sa place dans le cabinet d’un amateur, à côté du tableau d’un maître » (x).

L’argument est heureux à plus d’un titre. Il satisfait à la clause de modestie qui semble s’imposer dans ces circonstances : en littérature comme en art, il y a place pour des minores. En outre, l’analogie picturale motive la collection d’articles et permet à l’Hermite de réaffirmer l’unité thématique et générique de sa collection : il s’agit d’autant d’études de mœurs du début du XIXe siècle. Incidemment, on notera aussi qu’en attribuant au seul libraire l’initiative de la publication, Jouy se dédouane de toute suspicion relative à la vénalité de l’entreprise. Toutes les conditions se trouvent ainsi réunies pour que la transition de la presse à la littérature puisse s’opérer en douceur.  

Le cas des Lettres parisiennes de D. de Girardin, semblable à bien des égards, est néanmoins infiniment plus complexe. S’il fait débat, c’est aussi parce que la transition ne se laisse pas aussi aisément imaginer. Le changement de titre, léger en apparence, le Courrier de Paris devient Lettres parisiennes, est loin d’être étranger à la polémique qu’engendre la publication en volume. Il aurait pu faciliter le passage du champ médiatique à celui de la littérature. N’offre-t-il pas la promesse d’un recadrage heureux ? Le goût des contemporains pour les correspondances et pour les mémoires qui leur sont volontiers associés est bien connu et il y fait manifestement appel. La manœuvre de surcroît offre l’avantage de paraître discrète. Courrier de Paris ou Lettres Parisiennes, la différence semble mineure. Elle a surtout le mérite de favoriser une mise en relief générique. Lettres, dans ce cas précis, réactive le potentiel sémantique de Courrier que son usage médiatique a sensiblement dilué. Le nouvel intitulé resserre les liens du recueil de chroniques avec la littérature épistolaire. Il s’accompagne d’une petite manœuvre éditoriale complémentaire qui tend elle-aussi à renforcer ce lien : chacune des chroniques est précédée dans le volume de la mention expresse « lettre » et numérotée en conséquence12. Mais l’opération est à double tranchant et invite aussi à la comparaison. Or ce que trouvaient les lecteurs de la Presse au rez-de chaussée de leur journal, c’était la mention feuilleton suivie de celle du Courrier de Paris et de la date de ce courrier. Ce « feuilleton » escamoté, avec toute la charge négative qu’il draine au fil du siècle, ne cessera de faire retour dans la critique comme une ombre portée sur la lettre qui devient une création bifrons et attise le débat.

Courrier, lettre et/ou feuilleton

Le coup d’envoi de cette polémique au long feu est donné dans une recension très fouillée de la Revue des Deux Mondes au titre éloquent et programmatique : « Le feuilleton – Les Lettres parisiennes13 », qui mine d’office la séquence Courrier (de Paris), Lettres (parisiennes) en y réintroduisant le corrosif « feuilleton ». Le critique qui signe F. de Lagevenais14, est malveillant mais extrêmement perspicace dans ses analyses. Ce qu’il saisit de manière particulièrement équivoque dans sa diatribe, c’est un changement de sensibilité. Ainsi, rien ne ressemble moins à la lecture différée dans le temps de correspondances ou de mémoires que celle du Courrier contemporain :

Je ne sais pas pour ma part de lecture aussi piquante et où l’esprit s’oublie si volontiers et avec plus de charme qu’à celle des mémoires et des correspondances. L’âme humaine surprise sur le fait quand l’auteur parle de lui-même, le monde saisi dans son déshabillé quand l’auteur parle des autres, il y a là si je ne me trompe, le double à peu près de ce qu’il faut à un livre pour réussir auprès de lecteurs délicats. […] Mais vous figurez-vous Mme de Sévigné imprimant une à une ses lettres à la suite de la méchante gazette de Loret ? Vous figurez-vous M. de Saint-Simon communiquant au Mercure les chapitres mutilés de ses mémoires ? Aujourd’hui l’auteur (lui-même) se hâte de livrer tout cela, page à page, et selon que court sa plume, au vorace feuilleton du premier journal venu15.

En d’autres termes, s’il s’agit encore dans les Lettres parisiennes d’une écriture épistolaire (Lagevenais se plaît à accréditer cette fiction), elle est dévoyée dans tous les sens du terme (manifestement aussi parce qu’elle est le fait d’une femme auteur16), et de surcroît semeuse de trouble. Elle menace l’institution même qu’elle glorifie, à savoir le monde. La publicité, en effet, ne saurait qu’entraver la conversation. Elle est perçue comme violation d’une intimité, comme dévoilement indu d’une parole qui ne peut s’épanouir librement qu’à l’abri de la barrière protectrice de ce lieu semi-privé qu’est le salon :

Si le lendemain vous deviez retrouver visibles à tous vos bons mots d’hier […] votre salon ne serait-il pas devenu un théâtre, votre sopha une tribune? Il n’y aurait plus de monde possible. […] Ce serait le monde de tout le monde et par conséquent de personne. Les salons ne peuvent pas avoir leurs sténographes comme les tribunaux, leurs feuilletonistes comme les théâtres. […] Monde et feuilleton, cela se repousse. Pour tout résultat, vous démocratisez l’aristocratie17.

En creux, de Lagevenais attire précisément l’attention sur ce qui fait la spécificité de la chronique mondaine. Loin d’être une « sténographie des salons » (comme il feint de le croire), elle est invention d’une « fiction du monde » (pour reprendre l’heureuse expression de G. Pinson18), qui pour évoquer certains des salons de l’époque ne s’éloigne pas moins d’une rigoureuse référentialité et évite, autant que faire se peut, les indiscrétions de mauvais goût. D. de Girardin reste respectueuse des bienséances, mais selon un code adapté à la civilisation du journal. Elle ne rend compte que de ceux qui se prêtent au jeu de la publicité, en tirent profit et ont à charge d’assumer les risques de la célébrité. Que cette fiction du monde soit indissociable de la démocratisation de la société qu’elle nourrit de rêve et à laquelle elle offre un lieu de ralliement, c’est bien ce qui pointe derrière la dénonciation apparente.

Lagevenais d’ailleurs comprend parfaitement le principe de la chronique mondaine et l’attrait qu’elle exerce. De la lettre, il revient au Courrier :

Toutes les semaines ou à peu près, il y eût donc un courrier, une sorte de chronique fashionable, pleine de rien et de tout, où on parlait des bals bourgeois et des raouts aristocratiques, des révolutions et des rubans nouveaux, des petits quolibets de celui-ci et des grandes mystifications de celui-là, de la politique de M. Guizot et des manchettes de valencienne, des travers de la marquise de trois étoiles et des canapés de lampas […] Chronique décousue […] mais amusante où le paradoxe s’unissait à la fantaisie, où une médisance coquettement babillarde s’entremêlait à mille futilités dites avec le plus grand sérieux du monde19.

Mais c’est aussi pour dénoncer la prétendue nouveauté du genre :

Qu’y avait-il cependant de tout à fait nouveau dans l’invention des revues parisiennes adoptées depuis et propagées par cette presse moutonnière à qui tous les succès font envie? Je crains bien que cette création ne soit pas aussi neuve qu’on pourrait le croire. […] Parler des choses du monde avec esprit est une assez vieille nouveauté. […] Ce qui appartient véritablement à Mme de Girardin, c’est d’avoir approprié son bulletin de la vie élégante à la forme banale du feuilleton20.

Le crédit qui lui revient est donc essentiellement un crédit médiatique : « Il y eût succès, le genre fût accepté par les journaux, qui le firent accepter au public, d’abord comme une nouveauté, plus tard comme une habitude. C’est l’histoire de toutes les institutions humaines, grandes ou petites21. » L’éloge, malgré la tentative de rabaisser, reste de taille : il n’appartient pas à tout le monde d’être à l’origine d’une institution. Mais il n’entraîne pas moins une fin de non-recevoir littéraire de la chronique : « Le public lira vos railleurs feuilletons, si vous en laissez encore tomber de votre plume dédaigneuse, mais peut-être vous priera-t-il de lui épargner ceux de la veille22. »

C’est le mélange d’aveuglément, réel ou feint, et d’acuité dans l’analyse qui fait le prix de cette critique. Elle expose clairement les fondements de la mutation socioculturelle mise en jeu et exposée par l’écriture de D. de Girardin. Elle refuse néanmoins de reconnaître dans le tour nouveau que la chronique imprime à l’épistolaire (une nouveauté mise en relief par la publication en volume) autre chose qu’une dégradation pernicieuse. Elle écarte d’office l’idée que ce dévoiement (pourtant à l’origine d’une « institution ») puisse aussi être envisagé de manière positive, apprécié en conséquence, et autoriser une réévaluation proprement littéraire de ces textes.

Alternatives et variantes

La référence à la correspondance, voire aux mémoires pour rendre compte des Lettres parisiennes n’est pas sans soulever des difficultés et susciter des réticences. Elle constitue toutefois un cadre de référence apte à conférer à ces écrits un lieu d’ancrage générique suffisamment souple pour rendre compte, avec les amendements qui s’imposent, de ces textes polyphoniques et ironiques qui défient à bien des égards la catégorisation. Elle se présente en quelque sorte comme un rempart contre la menace d’un déni d’identité apte à les rendre évanescents et obsolètes. Éluder la référence à l’épistolaire, c’est ouvrir la voie à une critique dévastatrice. L’article de Jules Janin23 en témoigne. Il choisit de rendre compte des Lettres parisiennes à l’enseigne de l’« esprit en France ». « On n’a jamais publié, que je sache », nous dit-il, « l’histoire complète des bulles de savon, l’histoire universelle des cerfs-volants, la monographie générale de la lanterne magique, et l’on a eu grand tort. Ces beaux livres, écrits avec soin, nous auraient conduit tout droit au Traité de l’esprit de chaque matin24 », celui qui court dans les colonnes des journaux, s’entend. Et Jules Janin d’exercer cet esprit aux dépens du volume des Lettres parisiennes, et à ses propres dépens de feuilletoniste, de le noyer dans ce dissolvant jusqu’à le réduire en poussière : « de ces compositions ironiques ou furibondes que le journal emporte dans les franges de sa tunique flottante, que restera-t-il je vous prie ? – moins que rien. Pas même ce petit livre dont je parle, pas même le souvenir, pas même l’ombre25. » À l’encontre de Lagevenais qui reconnaît le pouvoir déstabilisant de la lettre/chronique, et décrit avec précision les bouleversements de l’ordre social et discursif dont elle est tributaire, Jules Janin préfère quant à lui éluder la question de la novation et ne retenir, sur un ton mi-élégiaque mi railleur, que les effets pernicieux de la civilisation du journal : elle se reconnaît surtout à ce que le talent s’y dispense en pure perte. Ce topos contre lequel Janin ne manquera pas de s’insurger ailleurs26, lui est ici utile pour rendre compte des écrits de celle qui est aussi l’une de ses rivales.

Barbey d’Aurevilly, autre écrivain-journaliste27, se montrera infiniment plus tendre pour Delphine de Girardin à laquelle il consacre tout un chapitre de ses Bas-bleus28, travers dont il ne l’exempte pas tout à fait. Son appréciation est plus tardive et la concurrence n’entre plus en cause. Il se souvient néanmoins à n’en pas douter du jugement de Janin et de quelques autres. Il choisit pour sa part de revenir à la référence épistolaire pour louer les Lettres parisiennes, mais il le fait en retournant comme un gant les arguments précédemment retenus pour dénigrer le texte.

Une femme seule dans ce temps épais […] pouvait nous donner ces feuilletons qui feront certainement suite, dans l’histoire de la société française aux Lettres de Mme de Sévigné, cette feuilletoniste du grand siècle de Louis XIV, et déplier au regard qui craint qu’elles ne s’envolent ces fragiles peintures d’éventail29.

Il s’entend à louer « un chef d’œuvre monté sur pointes d’aiguille30 », jusqu’à dénier à celle qui l’a écrit le statut d’auteur:

La femme des Lettres parisiennes (car je ne me déciderai jamais à dire l’auteur d’une chose où il y a si peu d’auteur) est si exactement femme dans ses lettres – comme Mlle Mars l’était en son jeu […] d’une légèreté de bulle de savon et qui semble s’être évaporé comme une apparition féérique – que plus la chose qu’elle dit est petite, plus elle a de grâce à l’exprimer31.

L’éloge de Barbey n’est pas dénué de condescendance. Il est fondé sur une résolue féminisation de l’écriture de Delphine de Girardin (exit le trouble du genre : la délicatesse et la fragilité font oublier la fiction « transparente » du Vicomte de Launay) et sur une réinterprétation de l’Histoire (Mme de Sévigné, loin de porter ombrage à D. de Girardin, se voit métamorphosée en « feuilletoniste du grand’siècle »), toutes deux éminemment discutables. La réflexion sur le changement de support, de la lettre à la presse, de la presse à la publication en volume, se voit quasiment écartée au profit d’un récit plus lisse qui construit une illusoire, mais rassurante continuité. Ce recadrage qui associe éloge et minorisation a aussi pour effet d’ouvrir la voie à une approche plus spécifiquement littéraire des Lettres parisiennes.

Émile Faguet, dans la Revue des Deux Mondes de septembre-octobre 1912 achève de « classiciser » les Lettres parisiennes32. Il propose du reste de ne parler que des textes du Vicomte de Launay, autrement dit d’ignorer toutes les autres parties de l’œuvre de Delphine de Girardin. Il ne réserve la palme de la consécration qu’aux écrits de la journaliste, mais en s’attachant très précisément à rompre les liens du texte avec la poétique du quotidien. Il en loue le style, le tour conversationnel, l’unité de ton au-delà de la variété des styles : « Comme la conversation des gens d’esprit a tous les styles, la plume de Mme de Girardin les a tous, elle a celui des portraits, elle a celui des récits33. » Il mentionne son talent pour la critique littéraire qu’il juge intéressante, de même qu’il considère qu’elle « n’est pas négligeable34 » sur le chapitre de la politique. Mais c’est surtout comme moraliste qu’elle excelle. Au regard de ce jugement laudatif, il faudrait toutefois imposer des coupures au texte :

Il y reste trop de ce qu’il y avait de meilleur pour le public du temps et peut-être pour l’historien, faits divers, bals, soirées, entrées des souverains. Il faudrait ramasser en un volume de quatre cent pages environ le Vicomte de Launay moraliste35.

On est dans une logique de reconfiguration du texte où il importe de séparer le bon grain « littéraire » de l’« ivraie » journalistique. L’entreprise implique du même coup de faire fi des arabesques de l’écriture de Delphine, de sa manière bien particulière de gérer une contrainte médiatique à laquelle elle se plie, mais qu’elle détourne pour s’en jouer. Autrement dit, c’est une consécration plutôt fade et quelque peu dénuée d’imagination que celle qu’envisage Faguet. La référence à la tradition des moralistes du grand siècle est moins en cause dans cette attitude que l’usage pour le moins conservateur qu’en fait le critique, en surimposant à un texte à amputer pour les besoins de la cause, une grille de lecture qui ne lui sied que très partiellement.

Métamorphoses : le commentaire de Delphine de Girardin

Dans ce concert de voix, il convient de faire une place à part à la réaction de Delphine de Girardin. Elle date du 30 mars 184436, et fait la matière de l’un de ces courriers dont elle poursuit la rédaction après la première publication en volume. Elle y livre, en guise de réponse à ses détracteurs, son opinion sur cet ouvrage. Elle choisit de le faire en mettant l’accent sur les effets du livre :

[…] depuis un an notre position comme feuilletoniste s’est singulièrement modifiée : nous ne sommes plus une feuilletoniste… Voilà une modification qui n’est pas sans importance. […] notre point de vue a complètement changé : nous n’écrivons plus pour ceux qui nous lisent… Voilà encore un changement qui doit influer d’une manière étrange sur les idées d’un écrivain (204).

Cette mutation relève du changement de support et de statut de ses écrits, dont à l’instar de Jouy et en invoquant les mêmes raisons, elle n’aurait pas pris elle-même l’initiative :  

Il est arrivé ceci : un éditeur audacieux… il pouvait faire une mauvaise affaire… a imaginé de réunir en volumes ces feuilletons éphémères, griffonnés à la hâte, et que nous croyions destinés au plus favorable oubli. Cette collection de commérages a obtenu un succès inespéré (204).

Il lui est pourtant difficile, du moins le prétend-elle, de se féliciter pleinement de ce succès :

[…] flatteur pour le livre, il est moins agréable pour l’auteur. Et nous découvrons tristement cette affreuse vérité : c’est que de tous nos ouvrages écrits avec soin, avec prétention, le seul qui ait quelque chance de nous survivre est précisément celui dont nous faisons le moins de cas. Et pourtant, rien de plus simple ; nos vers ce n’est que nous ; nos commérages… c’est vous, c’est votre époque, si grande quoi que l’on dise, si extraordinaire, si merveilleuse, et dont les moindres récits, les plus insignifiants souvenirs auront un jour un puissant intérêt, un inestimable prix (205).

La remarque se double du constat d’une véritable métamorphose :

On nous a donc métamorphosé, malgré nous, en une espèce, non pas d’historien, mais de mémorien, un de ces écrivains sans valeur que les grands écrivains consultent, un de ces mauvais ouvriers qui ne savent rien faire par eux-mêmes, mais qui servent à préparer de l’ouvrage pour les artistes de talent ; nous ne sommes à l’historien que ce que l’élève barbouilleur est au peintre, ce que le clerc est au procureur, ce que le manœuvre est au maçon, ce que le marmiton est au chef. On appelle le premier rapin ; le second, saute ruisseau ; le troisième, gâcheur : le quatrième gâte-sauce, nous ne connaissons pas le surnom dérisoire que l’on donne au gâte-sauce historique : ce métier infime doit avoir aussi quelque sobriquet ; nous ignorons le mot, mais il doit exister ; peut-être que c’est : journaliste (205).

À sa manière, légère, moqueuse, désinvolte, mais néanmoins sérieuse sur le fond, Delphine de Girardin utilise son feuilleton pour réagir en différé à la réception de son ouvrage et commenter les attendus de son changement de statut. Elle reprend le topos de l’écrit éphémère et subalterne exploité par Jouy en lui imprimant une torsion très caractéristique de son tour d’esprit. En poussant jusqu’à l’absurde l’idée de la dévalorisation de l’écriture de presse qui s’affiche dans le néologisme de « mémorien », elle revendique crânement, en allant jusqu’à feindre de le regretter, la pérennité de sa production journalistique. C’est parce qu’il procède d’une « poétique du quotidien », et non en dépit de ce fait, que son texte atteindra la postérité. C’est parce qu’il aura été façonné dans le creuset du journal et qu’il en aura pleinement assumé les contraintes, qu’il pourra, loin d’être simplement daté, faire date. Delphine de Girardin laisse ainsi entendre que le tropisme médiatique de la littérature, qui se manifeste dans le genre de la chronique telle qu’elle le conçoit, est en lui-même et pour lui-même un évènement littéraire. Le choix de l’auto-désignation provocatrice de « mémorien » l’indique bien : il vide en quelque sorte de sens l’annexion de ses Lettres parisiennes à la tradition des mémoires. Et surtout, il lègue un enjeu de taille à ses lecteurs, celui de prendre la mesure de l’impact du tournant médiatique de la littérature. Cela nécessite sans doute de faire preuve d’imagination et de s’éloigner des sentiers moroses (voir Janin) si souvent empruntés pour en rendre compte, comme le rappelle pour mieux s’en démarquer, la plaisante chaîne de variations lexicales sur les « mauvais ouvriers qui ne savent rien faire par eux-mêmes ».

Lettres, presse, littérature : histoires croisées

Ce bref retour sur quelques étapes marquantes de la réception des Lettres parisiennes au fil d’un long XIXe siècle offre un éclairage oblique sur les rapports de la lettre et de la presse. J.-L. Diaz37 a étudié, en se montrant attentif à ses fluctuations, la fortune de la double référence à la correspondance et à la conversation pour rendre compte de l’écriture de presse à la même période. Dans l’histoire qu’il retrace, la chronique de Delphine de Girardin occupe une place de choix : elle se conçoit et s’entend à la croisée de ces deux modèles constamment invoqués, celui de la correspondance, celui de la conversation de salon. Elle aura eu le don de consacrer à sa manière leur alliance sous une forme qui a séduit d’emblée et qui n’a pas cessé d’essaimer en générant des imitations comme l’atteste le formidable essor du genre de la chronique, et en imprégnant par extension et ricochet l’ensemble du dispositif médiatique. En regard du parcours ainsi reconstitué, la suite de réflexions critiques qu’inspirent les Lettres parisiennes permet de mieux saisir, sans l’invalider pour autant, les limites de l’attention portée à la correspondance et à la conversation pour rendre compte de l’écriture de presse. Le vaste principe explicatif qu’offre du tournant médiatique l’extension de ces deux modèles se grippe lorsqu’avec la publication en volume s’amorce un retour vers le rivage de la littérature. Il devient alors surtout question relativement à ces modèles d’abus, d’usurpation, de dévoiement, et d’expressions d’angoisse. De là, ce tourniquet de la pensée critique qui se contorsionne et se déplace en quête d’une issue pour valoriser « quand même » les Lettres parisiennes. Elle s’y essaie très discrètement d’abord, sur fond de rejet massif, en faisant quelques concessions au talent (discutable, malheureux, ou déplorable dans ses effets) de Delphine de Girardin (voir Lagevenais, Janin), elle tend à l’affirmer plus ouvertement ensuite, mais non sans réserves certaines (voir Barbey, Faguet). L’intérêt de ce tourniquet tient à ce qu’il outrepasse le seul cas de Delphine de Girardin, qui n’en offre pas moins un terrain de choix à son déploiement. Il attire notamment l’attention sur la concomitance entre l’essor de la civilisation du journal, et la stabilisation de même que la promotion de « traditions » culturelles auxquelles on apparente si fréquemment la presse : qu’il s’agisse de la littérature épistolaire désormais systématiquement placée sous l’égide de Mme de Sévigné38, de l’« invention » dès le premier XIXe siècle d’un âge d’or des salons et de la conversation française magistralement étudié par Antoine Lilti39, d’une tradition mémorialiste si volontiers placée désormais à l’enseigne de Saint-Simon, pour ne rien dire de ce qu’en fait d’études de mœurs, La Bruyère40 n’aura jamais été si souvent invoqué. Tous ces « genres » marginaux et instables des Lettres font l’objet d’une intense réévaluation accompagnée comme il se doit d’élection de figures canoniques. Ce processus qui se poursuit tout au long du XIXe siècle permet aussi, entre autres effets, d’alimenter les allégations de décadence qui affectent l’évocation des rapports entre la presse, la correspondance et la conversation. Il y va là en quelque sorte d’une logique de vases communicants que les contemporains entrevoient (comme l’indique le bon mot de Barbey sur Mme de Sévigné, feuilletoniste du grand’siècle), sans aller jusqu’à en prendre pleinement la mesure. C’est aussi que le sens d’un face à face entre ces traditions « littéraires » que l’on (re)met en relief et le regard que l’on porte sur la production journalistique permet de réaffirmer une frontière entre littérature et journalisme au moment même où l’on s’inquiète de la porosité de leur distinction. Les voies nouvelles frayées par Delphine de Girardin, qui prend ses libertés avec le dispositif énonciatif de la lettre, s’entend à exploiter les ressources de la conversation de manière à les accorder aux exigences de la fidélisation d’une audience médiatique, excelle à se jouer des contraintes imposées par le cahier de charges de son feuilleton41 et le succès qui couronne son entreprise sont bien faits pour placer son Courrier de Paris/Lettres parisiennes au cœur d’un tourbillon réflexif qui préoccupe le siècle et ne laisse pas de nous interpeller.

(Université de Tel-Aviv)    

Notes

1  Voir Cheryl A. Morgan, « Les chiffons de la M(éd)use : Delphine Gay de Girardin, journaliste », Romantisme, no 85, 1994, p. 57-66.

2  Voir Catherine Nesci, Le flâneur et les flâneuses. Les femmes et la ville à l’époque romantique, Grenoble, ELLUG, 2007.

3  Voir Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant, 1836, l’an I de l’ère médiatique, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2001.

4  Voir Marie-Ève Thérenty, La littérature au quotidien. Poétiques journalistiques au XIXe siècle, Paris, Seuil, 2007.

5  Voir la relation qu’en offre Madeleine Lasserre dans sa belle biographie, Delphine de Girardin : journaliste et femme de lettres au temps du romantisme, Paris, Perrin, 2003.

6  Mme Émile de Girardin, Le Vicomte de Launay, Correspondance parisienne, Michel Lévy frères, 1853. Le volume porte l’indication « faisant suite aux Lettres parisiennes par la même ».

7  Œuvres complètes de Mme Émile de Girardin née Delphine Gay, Plon, 1860-61, t. 4 et 5. Je ne retiens ici que les étapes marquantes de la publication de l’ouvrage, sans prétendre à un recensement exhaustif de ses multiples éditions.

8  Lettres parisiennes du vicomte de Launay par Madame de Girardin, édition présentée et annotée par Anne-Martin Fugier, Paris, Mercure de France, coll. « Le Temps retrouvé », 1986. On notera, dans la série des titres successifs, le flottement relatif à la mention du Vicomte de Launay. Pour la formulation du nom de l’auteur et de ses variantes, de Mme Émile de Girardin à Madame de Girardin, voir le commentaire de C.Morgan, art.cit.

9  Sur les questions relatives au changement de support, voir Thérenty, La littérature au quotidien, op. cit., et Corinne Saminadayar-Perrin, « Stratégies génériques dans l’écriture journalistique du XIXe siècle », Romantisme, no 147, 2010, p. 121-134.

10  L’Hermite de la Chaussée d’Antin ou observations sur les mœurs et les usages parisiens au commencement du XIXe siècle, t. 1, à Paris, chez Pillet imprimeur-libraire, 1813. Les citations ultérieures renvoient à la présente édition. La pagination est indiquée dans le corps du texte.

11  Sur ces feuilletons, voir Judith Lyon-Caen, « L’actualité de l’étude de mœurs. Les Hermites d’Etienne de Jouy », Orages, no 7, 2010.

12  Le texte des chroniques subit aussi de légères modifications, notamment quelques coupures, mais elles n’ont pas la même visibilité.

13  Revue des Deux Mondes, no 133, 1843, p. 133-150.

14  L’auteur de l’article est Charles Labitte, il sera repris dans ses Études Littéraires, Paris, Joubert, 1846, t. 2. Je remercie José-Luis Diaz de m’avoir fourni cette indication.

15  F. de Lagevenais, art. cit. p. 133-4.

16  Je ne m’étendrai pas sur ce point, la question du trouble du genre ayant été amplement développée par la critique contemporaine, à commencer par S.Morgan, art. cit.

17  F. de Lagevenais, art. cit., p. 136.

18  Guillaume Pinson, Fiction du monde, de la presse mondaine à Marcel Proust, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. « Socius », 2008.

19  Lagevenais, art. cit. p. 142.

20  Ibid., p. 142-143.

21  Ibid., p. 145.

22  Ibid., p. 148.

23  Jules Janin, « De l’Esprit. Lettres parisiennes par Mme Emile de Girardin », dans Critique. Portraits et caractères contemporains, collection Hetzel, Librairie de L. Hachette et Cie, p. 46-83. L’article a été initialement publié dans la Revue de Paris, 1843, t. 21, p. 233-267.

24  Ibid., p. 46.

25  Ibid., p. 83.

26  Voir notamment son article « Le journaliste », dans Les Français peints par eux-mêmes, t. 3, L. Curmer  éditeur, 1841, p. I-XL.

27  Voir Marie-Françoise Melmoux-Montaubin, L’écrivain-journaliste au XIXe siècle : un mutant des Lettres, Saint-Étienne, Édition des Cahiers intempestifs, coll. « Lieux littéraires », 2003.

28  Jules Barbey d’Aurevilly, Les Œuvres et les hommes, t. 5 : Les Bas-bleus, Paris-Bruxelles, Société générale de librairie catholique, 1878, p. 33-45.

29  Ibid., p. 36

30  Ibid., p. 37.

31  Ibid., p. 41. On notera la référence aux bulles de savon chères à Janin.

32  Émile Faguet, « Le Vicomte de Launay », Revue des deux-mondes, t. XI, sept-oct. 1912, p. 369-392.

33  Ibid., p. 372.

34  Ibid., p. 382.

35  Ibid., p. 392.

36  Lettres Parisiennes du Vicomte de Launay par Madame de Girardin, vol. II, édition présentée et annotée par Martin-Fugier, op. cit., p. 204-210. Les citations renvoient à la présente édition. J’indique désormais la pagination dans le corps du texte.

37  José-Luis Diaz, « "Un salon à côté de la tribune." L’écriture journalistique entre correspondance et conversation », à paraître en 2012 dans Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), La civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse au XIXe siècle, Paris, Nouveau monde. Voir aussi la contribution de J.-L. Diaz au présent dossier.

38  Le phénomène, pour ce qui concerne Mme de Sévigné est antérieur au XIXe siècle, mais il devient à cette époque un véritable poncif, et Brigitte Diaz résume bien cette évolution en notant ceci à propos des lettres de la marquise : « Par un curieux renversement, ce qui était senti en son temps comme le principe même d’une écriture vagabonde et insoucieuse des normes esthétiques s’instaure, deux siècles plus tard, comme le modèle littéraire absolu sur lequel doivent s’aligner les écritures épistolaires privées ». Brigitte Diaz, L’épistolaire, ou la pensée nomade. Formes et fonctions de la correspondance dans quelques parcours d’écrivains au XIXe siècle, P.U.F., 2002, p.15.

39  Voir Antoine Lilti, Le monde des salons. Sociabilité et mondanité à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 2005.

40   À titre d’exemple, voir l’introduction de Jules Janin aux Français peints par eux-mêmes, op. cit., t.1.

41  Voir Thérenty, La littérature au quotidien, op. cit., p. 241-244.

Pour citer ce document

Elisheva Rosen, « L’épistolaire dévoyé : le Courrier de Paris de Delphine de Girardin et la question de la novation», La lettre et la presse : poétique de l’intime et culture médiatique, sous la direction de Guillaume Pinson Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/la-lettre-et-la-presse-poetique-de-lintime-et-culture-mediatique/lepistolaire-devoye-le-courrier-de-paris-de-delphine-de-girardin-et-la-question-de-la-novation