Les scandales littéraires, de la presse à la lettre (1877-1887). Influence du discours pamphlétaire sur l’épistolaire
Table des matières
CORINA SANDU
Au début de la Troisième République, les scandales littéraires font la joie du public et le succès des professionnels de la plume. Focalisée sur un intervalle riche en ce genre d’événements médiatiques, les années 1877-1887, notre étude se propose d’examiner la correspondance des écrivains « scandaleux » par les outils de l’analyse du discours, ce qui nous permettra de repérer dans leur correspondance confraternelle des traits du discours médiatique et polémique, qui n’exempt ni accusateurs ni confrères. Nous retiendrons les scandales les plus retentissants :
1877 L’Assommoir, Zola
1878 « Les romanciers contemporains » (Le Figaro), Zola
1879 Nana, Zola
1880 « Au bord de l’Eau », Maupassant ; « Les Soirées de Médan »
1881 L’Affaire Henri IV
1881 Pot-Bouille (l’Affaire Duverdy), Zola
1884 Autour d’un clocher, Louis Desprez ; Charlot s’amuse, Paul Bonnetain
1885 Germinal, Zola ; Chair molle, Paul Adam ; Deux amies, René Maizeroy
1887 Le Ventre de Paris, Zola (adaptation) ; La Terre, Zola ; Le Manifeste des Cinq ; Le Désespéré, Léon Bloy
Le contexte historique pourrait expliquer la multiplication de ces scandales littéraires qui alimentent des milliers de pages dans la presse et dans la correspondance privée. En 1876, le gouvernement du maréchal Mac Mahon avait proclamé une politique d’Ordre Moral, dont les conséquences néfastes sur le plan littéraire sont résumées ainsi par Léon Deffoux : « La vente des Mémoires de Casanova était interdite. Une réimpression des Contes de La Fontaine […] venait d’être renvoyée par le Parquet de la Seine devant la dixième Chambre correctionnelle […]. Une nouvelle de Léon Cladel, Maudite […], valait à son auteur, le 15 avril 1876, un mois de prison et 500 francs d’amende. La même peine était infligée à Jean Richepin […], le journal la Tribune, inculpé d’outrages à la religion catholique, voyait son gérant condamné à trois mois de prison et 4.000 francs d’amende1. » Et Flaubert de s’écrier : « …l’ordre moral en effet atteint au délire de la stupidité. […] Au Havre, on a interdit une conférence sur la géologie! Et à Dieppe une autre sur Rabelais! Ce sont là des crimes2 ! »
Au delà des tensions sociopolitiques, dans la sphère publique la réception problématique de ces œuvres incriminées peut se comprendre à partir du concept de scandale, « crise de valeurs3 », comme l’appelle Marc Angenot, « erreur triomphante appuyée sur des Pouvoirs [doxologiques] et travestie en vérité4. » Le mécanisme du scandale repose sur un déclencheur qui est la publication d’une œuvre, suivie d’envois et de réponses polémiques, autant de stratégies qui se déploient principalement sur la scène du journal. D’agent déclencheur, l’écrivain devient accusé et doit sortir lui aussi dans la sphère publique pour prendre la parole contre une attaque qui vise le plus souvent sa personne plutôt que l’œuvre incriminée. Examiné à froid, l’intense jeu de répliques par voie de presse, d’une violence toujours redoublée, donne à voir toute une gamme d’astuces : les polémistes accusateurs font croire à une multiplication des voix par la reprise du même texte dans plusieurs journaux, la réponse à un acte d’accusation se voit octroyer le droit à la publication mais la bonne volonté est souvent minée par des manœuvres, des citations tronquées, ajouts ou suppressions qui prouvent que ce genre de discours médiatique exploite à sa manière le contrat d’exactitude.
La parole publique de l’écrivain « scandaleux »
L’enjeu de la polémique, la prise de parole, attire ou repousse l’homme de lettres : « monter sur ses grands chevaux de polémiste5 » est un seuil qu’il se décide à franchir… ou pas. Si Maupassant adopte une philosophie de non-belligérance, par le constant souci des bonnes relations avec la presse, Zola affirme toujours sa volonté de réponse et passe pour « la plume polémique la plus vigoureuse de l’heure6. » À l’autre pôle, Edmond de Goncourt finit par avouer dans son Journal, daté du 30 décembre 1876, sa lassitude devant une possible poursuite de la Fille Élisa : « Je finis ce matin la Fille Élisa. […] J’avais le dessein de pousser la chose plus loin […] mais ce serait peut-être trop. Et la pensée que le livre sera poursuivi me rend paresseux à faire plus. Je ne me trouve pas le courage de travailler encore pour un livre menacé d’être supprimé7. »
Au milieu de ces divers positionnements devant la parole publique, le scandale rend évidente une équation qui touche toutes les parties impliquées : scandale = argent MAIS réponse publique = compromission (et associés : déchéance, abrutissement, etc.). En outre, dans le crescendo diachronique des scandales, on voit s’allier réception de l’événement et gain matériel. « Succès fou de l’Assommoir du citoyen Zola, succès gigantesque », s’exclame Flaubert (lettre à Madame Brainne, 15 février 18778), en mettant le point sur le i, pour associer le succès de scandale et la réussite financière de Zola, matérialisée dans la résidence de Médan9. De là un renseignement essentiel que Zola retient instantanément et qu’il inculque à ses disciples : « On ne fait rien si on ne fait de bruit. Il faut être discuté, maltraité, soulevé par le bouillonnement des colères ennemies. […] Pourvu qu’on parle d’un livre, de quelque façon qu’on en parle, sa fortune est faite. La critique vivifie tout. Il n’y a que le silence qui tue10. »
Si les naturalistes s’attachent à provoquer le scandale, ou du moins s’en réjouissent, comme l’atteste leur correspondance, de l’autre côté de la barricade, pour une presse qui vit elle aussi de cette « crise », il semble que le journal appelle le scandale autant que l’écrivain en processus de publication. Tel est le cas du Figaro, dont le directeur, Laffitte, ouvre les pages à Zola et à ses amis : « Laissez venir à nous les petits naturalistes11. » On compte augmenter le tirage et un scandale en appelle un autre, de sorte que le nom de Zola est presque devenu synonyme de polémique. Pour faire preuve d’une réelle dextérité lors des affrontements, la plupart des écrivains de l’époque ont la chance d’aiguiser leur épée sur le terrain de l’adversaire. L’écrivain joue donc deux rôles dans la presse : en tant que journaliste, il publie des articles informatifs; en tant qu’auteur de textes incriminés par les autres (journalistes, critiques, etc.), il publie des articles-plaidoyers pour défendre ses vues littéraires.
Le statut de l’écrivain-journaliste a été traité par bien des critiques12; nous y ajouterons que l’homme de lettres se sert de la parole publique pour faire acheminer ses idées vers la presse devenue déversoir de ses théories. Zola invoque même la métaphore du « clou » de ses théories enfoncé dans la cervelle du public par le marteau de ses articles de presse13. Il est vrai que les portes du journal peuvent s’ouvrir pour un moment et se renfermer tout de suite après, d’où un trafic d’influence pour se « caser » quelque part, à la limite dans une « feuille de chou » ou une revue peu diffusée. En outre, pour rendre leux voix audible dans le brouhaha médiatique, les écrivains-journalistes doivent recourir à certains exutoires : la multiplication d’une voix par le recours au pseudonyme qui permet de « faire plus nombreux », la reprise d’un texte-clé dans plusieurs journaux14, notamment.
Une modalisation cependant s’impose, pour préciser que notre corpus offre un éventail très large d’attitudes par rapport au journalisme : les champions de la parole publique en sont Zola, qui va jusqu’à fonder un journal15, ainsi que les romanciers journalistes qui suivent la voie ouverte par Barbey d’Aurevilly et analysés par Melmoux-Montaubin : « l’illuminé Léon Bloy, catholique pamphlétaire, l’anarchiste Mirbeau, défenseur de Dreyfus et le réfractaire Vallès, communard exilé16 ». Les parias sont Flaubert et Goncourt, qui refusent le canal de la presse pour les mêmes raisons, ayant trouvé, chacun, un autre déversoir qui leur convient mieux : proclamant que « La presse est une école d’abrutissement17 », Flaubert prend pour témoins ses correspondants élus, tandis que les Goncourt poursuivis par toutes les censures18, se replient sur eux-mêmes et donnent au Journal la mission d’un discours confessionnel voué à la publicité posthume, ne s’écartant pas en cela de Flaubert, si l’on considère les rapports étroits qui existent entre lettre et journal intime19.
Le discours de la presse où s’affrontent sous les yeux du public accusateurs et accusés, laisse voir tout d’abord un rapprochement avec le discours épistolaire, rapprochement déjà signalé par les articles et ouvrages de critique et sociologie, et dont nous ne rappellerons que trois aspects :
1. La presse repose fondamentalement sur une structure d’envoi et d’adresse à un destinataire, le public, comme le rappelle Chenet-Faugeras : « La presse telle qu’elle se développe à partir de la Révolution n’est qu’une extrapolation de la lettre, une variété de "correspondances"20. » Le même constat était d’ailleurs formulé par Alain Pagès dans des termes sémiotiques : la lettre et l’article critique (article de presse) sont « deux formes dont le fonctionnement sémiotique est similaire. Dans les deux cas, en effet, il y a l’expression d’un sujet face à un destinataire, et cette expression suscite d’autres textes en retour, réponses ou polémiques. Le destinataire est, d’ailleurs, double : il faut distinguer un destinataire explicite et un destinataire implicite, qui est le "narrataire", celui qui relie les fils de la fiction et leur donne sens21. »
2. Le discours médiatique, quelle que soit sa forme ou son statut de parole assumée, emprunte à la lettre le procédé du « moi » signataire. La parole du signataire-écrivain témoigne constamment d’une « hypertrophie d’individualité », pour emprunter une expression de Zola qui, comme le note Halina Suwala, remplit de son « moi » « ses textes critiques, ne se cache presque jamais derrière les tournures impersonnelles et s’étale fièrement dans les titres mêmes de ses recueils : Mes Haines, Mon Salon22. » Flaubert lui-même, qui s’impose et impose à ses correspondants son principe : « Conclusion : S’écarter des journaux », justifie sa haine parce que la presse est « par essence hostile à toute personnalité un peu au-dessus des autres23 » et il s’obstine à envoyer sa parole égotique vers un cercle d’amis, en leur disant justement : « je jouis de me retrouver chez moi comme un petit bourgeois, dans mes fauteuils, au milieu de mes livres, dans mon cabinet, en vue de mon jardin24 » (lettre à Mme Roger des Genettes, 19 juin 1876). Aussi malin que lui, pourrait-on dire, le discours du journal le lui rend bien, d’où le cri exaspéré de l’« énergumène » de Croisset : « Et on a fait des articles sur mes domiciles, sur mes pantoufles et sur mon chien25» (lettre à George Sand, avril 1874).
3. Les deux types de discours, épistolaire et médiatique, s’entretissent dans la lettre publique, pièce hybride, texte adressé plus ou moins réellement à un confrère, mais conçu pour la publication, qui profite ainsi de tous les avantages du privé et du public26. On pourrait rappeler à ce sujet que tous les traits du message privé se retrouvent dans la lettre ouverte du journal : la confession égotiste, l’invocation du destinataire, le souci du détail, le protocole épistolaire ; mais le jeu sur le prolongement de la réception ouvre les portes au discours pamphlétaire, à la dissimulation des intentions, à l’ironie, à l’engagement public, au dévoilement d’opinion portant toutes les marques de l’art oratoire.
Influence du scandale sur le discours épistolaire des écrivains
Il est incontestable que le discours de la presse, lors des scandales littéraires, donne une forme de partition considérable à l’écrivain devenu journaliste pour la circonstance. Rentré à ses papiers, devant son écritoire et son papier à lettres, ce même écrivain-journaliste, « être bizarre, monstrueuse créature à deux têtes vouée au déchirement27 », ne pourra pas se débarrasser complètement de son habit de polémiste. Il reconstruit à sa manière une version condensée et intime, un of meat28 de cette parole pamphlétaire que Marc Angenot a analysée in extenso dans sa typologie des discours modernes. Le discours public qui se rapporte au scandale met en présence, selon Marc Angenot, un discours de polémiste qui peut feindre l’impartialité et un discours de pamphlétaire, celui-ci très partial, très concerné29. Rapportés à notre vision du scandale et à l’époque qui nous intéresse, ces deux traits nous permettent d’identifier les trois positions occupées par les énonciateurs participants au scandale. Partiaux, véhéments, accusateurs, s’élancent dans la presse : 1/ les journalistes qui vivent du scandale, pamphlétaires de profession, rejoints par 2/ les écrivains-journalistes de circonstance, dont les articles portent la même virulence accusatrice. Par contre, le discours public de 3/ l’écrivain qui, sans devenir journaliste, recourt à ce canal de communication pour se défendre, tient de la polémique qui n’atteint pas la vitupération pamphlétaire.
La Parole pamphlétaire de Marc Angenot s’avère salutaire pour notre analyse, dans le sens qu’il y étudie de manière exhaustive un discours polémique-pamphlétaire fondé justement sur le scandale. Les articles de presse de notre corpus (articles lancés dans la polémique, recouvrant les années 1877-1887) se conforment sans exception au modèle d’Angenot. En outre, il s’avère que le corpus épistolaire peut s’appréhender, par endroits, à partir du même appareil conceptuel. Il s’ensuit qu’on peut appliquer ce dispositif théorique à la parole intime, sous certaines conditions, qui nous permettent de parler de l’influence du discours pamphlétaire sur le discours épistolaire, de par l’identité même des énonciateurs.
Pour ce faire, il sera nécessaire d’évoquer brièvement quelques traits définitoires du discours épistolaire confraternel, que nous définissons comme le discours entretenu par les textes des correspondants écrivains. Le fait de circonscrire ainsi, dans la totalité des lettres écrites par un écrivain, un corpus rattaché à sa relation avec ses confrères permet d’étudier la configuration d’un discours qui porte sur la spécificité de l’activité littéraire sans l’entrave des explications métatextuelles (nécessaires aux néophytes ou non-professionnels). Le langage de spécialité, le jargon du métier se concentre dans des points nodaux, des questions brûlantes pour le destinateur qui se défoule par voie épistolaire. S’adressant à un confrère, l’écrivain correspondant a la garantie que ses soucis inhérents à la profession sont partagés : recherche d’un éditeur, diffusion d’un ouvrage, rythme de la production, goût amer de l’échec, etc. Le discours épistolaire confraternel s’imprègne des marques d’une subjectivité dont les pôles sont, d’un côté, l’affection explicite – dont le meilleur exemple sont les formules d’adresse de Flaubert à Maupassant, qui aboutissent de « mon cher ami » à « mon cher Guy », « mon chéri », « mon cher fils30 » ; de l’autre, la subjectivité manifeste dans la lettre se soumet aux règles d’une modalisation qui tente d’atténuer les sentiments d’antipathie ou de froideur/indifférence du signataire, la formule banale « Monsieur et cher confrère » donnant d’emblée l’écart que veut afficher ou non le contenu discursif.
Au sens strict, le discours épistolaire confraternel implique le partage des mêmes idées, préoccupations et soucis, ainsi qu’une large part d’égotisme par la prédilection pour la confession accompagnée souvent de l’emphase sur la valeur de vérité du message (donc la sincérité de l’émetteur). On pourrait citer comme exemple le dégoût de l’adaptation pour le théâtre, mensonge « poli » dont se sert Zola pour refuser devant Sarah Bernhardt une adaptation de la Curée31, tandis que, plus tard, il avoue dans ses lettres, sont goût pour l’adaptation de l’Assommoir : « J’ai travaillé fortement au plan ; mais n’en dites rien, je ne veux pas que cela se sache32 » (lettre à Hennique, 2 sept. 1874) ; « Mais entre nous, je dois vous dire que j’ai beaucoup travaillé à la pièce33 » (lettre à Flaubert, 12 oct. 1877). Les marques de la subjectivité dans ces textes circulant entre confrères-amis dérivent d’une position de complicité des locuteurs qui fait que le message n’a plus besoin de l’argumentation, pour laisser libre voie à la fonction phatique, aux artifices stylistiques qui se résument par le fait qu’il est joliment livré. L’ironie y est de droit, une forte dose d’implicite, tout un dispositif d’artifices qui visent à livrer au destinataire un message dont le sens est exactement l’opposé de l’énoncé épistolaire. La correspondance Flaubert-Maupassant abonde en ce genre de procédés : « Je viens de finir les Rois en exil. Qu’en pensez-vous? – demande Flaubert à Maupassant. Quant à moi… hum, hum34! »
Le propre de la lettre adressée au confrère est d’informer sur soi, sur les autres (amis, œuvres, famille, etc.) et de demander des renseignements, des services. Selon le degré d’intimité des correspondants, ces deux actes illocutoires se combinent et s’accusent avec précision ou sous le voile de l’implicite. Par cela, on parvient à un trait essentiel de l’épistolaire confraternel, la manifestation de l’esprit de solidarité des correspondants, solidarité qui porte soit les marques de la camaraderie, soit celles de la hiérarchie (relation maître-disciple). Le réseau épistolaire n’est que la forme visible, explicite, du réseau confraternel et, en tant que tel, son rôle fondamental est d’attester le maintien des relations : pour être membre d’une société littéraire, il faut cultiver ses relations, (re)voir ses amis, avoir des nouvelles et donner signe de vie. Cercle, bande, groupe, canaille littéraire35, quel que soit le terme désignant la fratrie des lettres, il s’accompagne dans le discours épistolaire de nombreuses déclarations de foi et adhésion. Le partage des opinions fait penser à la métaphore du concert où chaque soliste a une partition à interpréter en chorus ou sous le bâton du chef d’orchestre. C’est cette même métaphore qui apparaît sous la plume de Flaubert, qui s’en sert dans ses lettres pour parler des voix qui s’élèvent contre son roman : « Ça va bien, chère maître, les injures s’accumulent ! C’est un concerto, une symphonie ou tous s’acharnent dans leurs instruments36 » (lettre à George Sand).
Le sentiment confraternel réunit les correspondants par l’adhésion au principe « l’ennemi de mon ami est mon ennemi », qui précède aux grands gestes de noblesse d’âme, tel celui de Flaubert prenant la défense de Renan condamné par Catulle Mendès, ce dernier cessant par conséquent d’être l’ami de Flaubert. Dans la prise de conscience que le pouvoir se bâtit sur l’influence, le discours épistolaire confraternel devient le témoin de ce qu’on peut appeler au niveau pragmatique un trafic d’influence, par d’innombrables services que se rendent les écrivains en vertu du principe de réciprocité. L’étude de ce discours vise à comprendre cette réciprocité dans la solidarité, avec les efforts que coûte aux hommes de lettres le maintien des bonnes relations.
Mais garder vif le feu de l’amitié n’est qu’un des volets de la solidarité des écrivains, couvrant les moments d’accalmie entre deux coups de tonnerre de la critique polémique. En temps de « guerre », les lettres des écrivains se font le journal de combat qui témoigne essentiellement de la prise de conscience par les littérateurs de la nécessité d’une tactique appropriée aux attaques. Bien avant la publication, en 1912, de l’Introduction à la stratégie littéraire de Fernand Divoire37, qui souligne la nécessité de la tactique de combat dans la réussite littéraire, les naturalistes assimilent la métaphore militaire qui traduit le mieux leur activité publique. Tous les aspects de l’affrontement avec la critique sont détaillés dans les lettres des ces « frères d’armes38 », à partir de l’impératif de ralliement (« Il nous faut nous serrer les uns contre les autres. Le bataillon est petit, mais il sera fort39 »), en passant par les alliances conclues, les cartes sur la table : « J’ai réfléchi au manifeste qui vous occupe, écrit Maupassant à Alexis, et il faut que je vous fasse une profession de foi littéraire entière comme une confession. […] Il faudra discuter sérieusement sur les moyens de parvenir. À cinq on peut bien des choses, et peut-être y a-t-il des trucs inusités jusqu’ici40. »
Lors du déroulement des scandales-batailles littéraires, l’écrivain-journaliste fait doubler son activité de celle d’un greffier qui consigne, dans ses lettres adressées aux confrères, les règles d’un protocole de combat, une sorte de préparation des répliques et gestes de riposte, protocole fondé sur deux actes : l’enseignement (la transmission des connaissances), résumé par le « Voilà mon expérience… », et les injonctions reposant sur la même sagesse offerte sur demande : « Il est temps, faites ainsi… ». Pour l’enseignement, Flaubert, opaque à la riposte donnée aux détracteurs, décèle tout un art pédagogique dans ses lettres à Maupassant : « C’est de la mauvaise compagnie [Catulle Mendès], mon cher ami, et je vous engage à faire comme moi, à le lâcher franchement41 » (lettre du 28 août 1876) ; « Enfin, mon bon, si vous entrez à la Nation, je voudrais vous y voir débuter par quelque chose qui puisse tirer l’œil42 » (lettre du 25 octobre 1876).
À ce chapitre, on pourrait ajouter aussi le feedback épistolaire (avec modalisation de rigueur) que les maîtres offrent aux jeunes après la lecture de leurs productions littéraires. Pour les injonctions, la longue lettre-programme que Flaubert43 envoie à Maupassant lors du procès subi pour Au bord de l’eau est le texte modèle qui anticipe, sur le mode sérieux et pressé par la gravité du moment, le programme développé par Divoire sur le mode de l’ironie. Mais l’impératif n’est nulle part plus pressant que dans la correspondance de Zola, éperonnant sans répit ses disciples-collaborateurs-amis à prendre la relève afin de faire une campagne et gagner la bataille.
Du même protocole appris ou enseigné relèvent les remarques des écrivains, à l’intention de leurs amis, remarques qu’on pourrait regrouper sous le nom de sous-titres du scandale vécu. Le récit personnel de l’événement est précédé par un « Voilà ce qui m’arrive », formule de captatio benevolentiae, qui voudrait implicitement éveiller la compassion du confrère, solliciter son appui : exposant la réception de l’Assommoir, Zola insiste dans ses lettres sur « les catastrophes qui pleuvent sur le roman », « roman de pure curiosité littéraire qu’on accueille de si étrange façon44. » Le « voilà ce qui m’arrive » s’accompagne souvent de l’expression de l’ignorance (feinte) des raisons qui poussent les accusateurs à un accueil si hargneux. Tout comme le polémiste discuté par Angenot, le correspondant « feint de s’accuser lui-même avec ostentation afin de faire ressortir son bon droit et comme moyen indirect d’atteindre l’adversaire45. » Encore une fois, Flaubert fait règle : « je sens en dessous de la haine contre ma personne. Pourquoi ? et à qui ai-je fait du mal ? » ; « Ce qui m’étonne, c’est qu’il y a sous plusieurs de ces critiques une haine contre moi, contre mon individu, un parti pris de dénigrement dont je cherche la cause46 » (lettre à George Sand, 1er mai 1874).
Or, c’est à partir de ce point que se donne à voir le principe des vases communicants qui fait vibrer dans l’écrivain jusqu’ici polémiste (impartial, modéré dans ses interventions dans la presse) et correspondant diplomate, la corde pamphlétaire dans son trait le plus accusé. Dans une première phase, les invectives sont virtuellement jetées au visage des accusateurs non pas sur le terrain du combat, mais sur le terrain de la correspondance. Le confrère qui reçoit les appellatifs adressés aux autres ne se sent pas vexé, puisqu’ils ne le concernent pas; il pourrait même se joindre à la partie et crier plus fort ou s’ingénier à en inventer d’autres. Il y a averse d’épithètes pleuvant sur les têtes des journalistes-pamphlétaires et des confrères qui n’appartiennent pas au réseau de la solidarité :
« La Commission publique et officielle de Morale […] était plus large que cet Eunuque en chambre dont les décisions sont sans appel. Est-ce idiot47 ? » (Maupassant à Zola, avril 1881).
« La presse s’est montrée, en général, stupide et ignoble48 » (Flaubert à G. Sand, 1872).
« … les critiques […] sont-ils bêtes! quels ânes49 ! » (Flaubert à Madame R. des Genettes, 1er mai 1874).
« Tous les idiots du lundi viennent de se pâmer sur Une Chaîne de M. Scribe !… La France est malade50… » (Flaubert à G. Sand, 26 septembre 1874).
« … l’acharnement que la fripouille des journaux met contre vous51 » (Huysmans à Goncourt, 17 mars 1889).
« Quant au roman de Rosny, c’est de l’Ohnet. […] l’homme même est un socialiste odieux, aussi mal élevé que Bloy52… » (Huysmans à Arij Prins, 18 septembre 1887).
« … Je sors du Voltaire, furieux contre le crétin des crétins [Laffitte]. … cet être borné, qui a le privilège de me rendre idiot comme lui quand je lui parle53 » (Alexis à Zola, 28 octobre 1879).
Dans la série des occurrences, cependant, un mot l’emporte de loin sur les autres, l’adjectif substantivé imbécile, et il faut le comprendre dans son acception livrée par le Littré de 1883 : l’emploi substantivé désigne la personne « qui a les facultés intellectuelles trop faibles pour se conduire54. » Dans le discours épistolaire confraternel qui parle le jargon du métier d’écrivain, le mot exprime le sommet de la protestation des intellectuels envers leurs doubles inférieurs au point de vue intellectuel, dont l’infériorité fait justement obstacle à une réception des idées telle que voulue par les littérateurs. D’où une liste impressionnante d’occurrences d’imbécile pour qualifier les récepteurs scandalisés : la presse, le journal, les journalistes, le public, les écrivains rangés sous un autre étendard (producteurs de littérature commerciale) :
« J’ai en outre force embêtements […] des multitudes de jeunes imbéciles qui m’apportent des manuscrits55 » (Maupassant à Gisèle d’Estoc, 1883).
« J’ai tenu à ce que vous sachiez de quelle façon cet imbécile [Laffitte] a pris le parti de s’adresser à vous56 » (Maupassant à Zola, 1881).
« Mais toute bêtise porte sur les imbéciles57 » (Maupassant à F. Magnard, juillet 1891).
« J’ai à jouer un jeu dangereux avec le grand public imbécile58 » (Zola à Céard, 12 septembre 1880).
« … l’imbécillité correcte de tous les poètes impeccables d’aujourd’hui59 » (Zola à Céard, 8 février 1882).
« … c’est une joie d’être attaqué par des imbéciles60… » (Huysmans à T. Hannon, 20 avril 1877).
« … un tas d’imbéciles aussi peu naturalistes que possible, les Richepin, Bourget, Goudaut et autres veulent fonder une revue sous ce titre "La revue moderne et naturaliste"61… » (Huysmans à T. Hannon, 21 novembre 1878).
La prédilection pour ce mot, « terme axiogène par nature », pour employer la terminologie de Marc Angenot62, le désigne capable de condenser à lui seul toute l’armée ennemie, à la suite d’une opération d’amalgame, qui consiste à réunir tous les opposants dans un même concept, à donner à voir l’ennemi à une seule tête63.
Paradoxe du discours épistolaire confraternel
Entre l’injure qui prend pour témoin le confrère et l’invective qui le vise directement, la distance n’est pas insurmontable et le pas est franchi dans le texte de la lettre, ce qui donne au discours épistolaire confraternel l’un de ses traits les plus spectaculaires et scandaleux. Tous les membres d’un réseau se rendent à un certain moment coupables de blâme au sujet d’un confrère. Où se fait la distinction entre épithète raisonnable et appellatif inacceptable ? Afin de mieux comprendre la gravité de l’acte, nous proposons de distinguer, à l’intérieur du discours épistolaire, deux types de situations communicationnelles, qui concernent la position des locuteurs. Nommons les deux écrivains en correspondance locuteur et interlocuteur, et appelons tiers le personnage désigné par l’invective. Dans un acte d’écriture typiquement épistolaire, le locuteur aborde une gamme diverse de sujets sur lesquels il communique son opinion à l’interlocuteur, dans ce qui équivaut au dialogue par voie de lettres. Le tiers y passe en sujet dont on discute ou, pour éviter toute confusion de termes, en objet de la conversation/lettre : on parle de lui, on le parle. Il ne dépassera jamais le statut de complément. Lorsque le tiers s’élève au rang d’intervenant de droit dans le réseau épistolaire amical, à quelque titre que ce soit, on a affaire non plus à un dialogue, mais à un trilogue épistolaire, de par le fait que le locuteur se trouve alternativement en position d’énonciation devant l’interlocuteur et le tiers, et à partir de ce point le triangle communicationnel peut tourner pendant que les trois personnes changent de rôle, de destinataire. C’est, grosso modo, la définition même du trilogue dans la pragmatique interactionniste : « un échange communicatif se déroulant au sein d’une triade, c’est-à-dire d’un ensemble de trois personnes existant en chair et en os (trois "locuteurs" donc, plutôt que trois "énonciateurs"), ces locuteurs pouvant tout de même à l’occasion se présenter comme des instances collectives mais fonctionnellement homogènes64. »
Le discours épistolaire confraternel est donc composé d’un grand nombre de trilogues qui rendent extrêmement difficile la composition et encore plus difficile la connaissance in extenso du corpus, soit-il limité à une période précise. Pour revenir aux accents pamphlétaires de la correspondance, à chaque fois que les outrages touchent un locuteur susceptible de participer au trilogue, ils transgressent le principe de solidarité dans le réseau et rendent le signataire coupable de duplicité. Les exemples illustrent la théorie et en tête de liste se place Huysmans, qui entretient des rapports de duplicité avec tous ses correspondants : Jules Destrée, Théo Hannon, Camille Lemonnier, Arij Prins, Léon Bloy, Zola, Goncourt, Flaubert. La liste des citations mises en miroir pourrait remplir tout un livre et Halina Suwala a été la première à montrer une page de ce livre incriminant, par la « duplicité déroutante65 » de Huysmans dont le discours devient le représentant par excellence de l’épistolaire pseudo-confraternel. Par rapport à ces excès, les autres noms n’y apportent que de faibles échos – pensons à Maupassant commentant pour Flaubert les nouvelles des Soirées de Médan (fin avril 1880) :
Zola : bien, mais ce sujet aurait pu être traité de la même façon et aussi bien par Mme Sand ou Daudet.
Huysmans : pas fameux. Pas de sujet, pas de composition, peu de style.
Céard : lourd, très lourd, pas vraisemblable, des tics de style, mais des choses fines et curieuses.
Hennique : bien, bonne patte d’écrivain, quelque confusion par places.
Alexis : ressemble à Barbey d’Aurevilly, mais comme Sarcey veut ressembler à Voltaire66.
Si l’on s’en tient à la définition du trilogue (personnage incriminé = membre du réseau épistolaire), on ne risque pas de mésinterpréter la duplicité de l’épistolaire, parce que les fausses invectives se donnent à lire sans difficulté, étant presque toujours accompagnées d’un jugement valorisant qui les atténue. Les remarques de Maupassant, des commentaires de Flaubert sur le même thème ne choquent pas parce qu’il s’agit le plus souvent d’un jugement constructif livré sous la forme d’un astéisme (décerner une louange sous la forme de blâme67), comme dans ce charmant billet adressé par Flaubert à Feydeau où la plaisanterie efface complètement l’invective :
INFECT IMPÉRIALISTE,
Je ne vais pas te voir : 1. parce que j’ai une grippe abominable, et 2. parce que tes opinions politiques me dégoûtent.
Dès que je serai rétabli, j’irai chez toi pour t’ASSASSINER!
Tremble !!! Vive Marat !
Son ombre68.
Si le tiers-récepteur de l’injure est, comme on l’a vu, membre du réseau (dénommé souvent cercle et désignant par là sa clôture protectrice durant les attaques), on pourrait dire que plus le réseau est serré, plus la trahison choque, venant à la suite d’une adhésion explicite des correspondants aux règles de leur communauté. C’est ce qui accuse la gravité de l’acte de Huysmans, qui avait justement crié devant tous ses correspondants sa soumission au maître du naturalisme. Par sa duplicité, le discours épistolaire confraternel transgresse aussi le principe de transparence à l’intérieur du réseau. Avec les naturalistes, la lettre acquiert plus que jamais une valence de document exhibé aux yeux des happy few. Souvent, la lettre transmet à son destinataire, en plus du message de son signataire, le message d’un autre confrère absent, qui complète, confirme développe le dire de l’expéditeur : il y a, pour notre période, circulation de la lettre dans le cercle Zola-Flaubert-Goncourt-Daudet-Tourgueniev ou dans le cercle de Médan. Zola et ses confrères se lisent, se montrent les missives reçues : « entre nous, nous nous dirons des vérités ; mais devant le monde, nous serons très insolents69 », écrira Zola en avril 1877 à Huysmans, qui construit différemment sa vérité épistolaire.
La violation du code de transparence dans le réseau confraternel est un coup de marteau qui déstabilise le réseau lui-même. C’est peut-être ce qui explique une froideur manifeste des critiques à l’adresse de Huysmans-correspondant par rapport à l’admiration inspirée par le discours épistolaire de Maupassant. Ce dernier, se souciant constamment de préserver ses relations amicales, se défend explicitement de violer ce commandement de la camaraderie : « Je ne veux pas avoir l’air de vous faire des cachotteries70 », explique-t-il à son éditeur Havard, après avoir envoyé un ouvrage à un autre éditeur. Pour revenir aux remarques du même Maupassant sur les co-auteurs des Soirées de Médan, ses propos ne frisent pas la duplicité coupable puisque l’écrivain avait maintes fois insisté sur sa position en périphérie du cercle naturaliste.
Le double discours que tiennent les correspondants naturalistes pourrait s’expliquer, sans doute, par le contexte socioculturel, le succès plus grand d’un confrère éveillant des envies et exacerbant la sévérité de l’œil critique. Il trouve aussi des raisons d’être dans l’impasse d’un naturalisme en crise, dans l’attitude des jeunes littérateurs qui trouvent – comme le remarque Alain Pagès71 – toutes les raisons de se sentir incompris, mal aimés, surtout à l’occasion des tremblements-scandales de presse, justice, etc. Au-delà du principe de revanche sociale, au niveau de l’analyse discursive, l’invective à l’intérieur du trilogue épistolaire confraternel met en question le principe de socialité dans son rapport profond avec l’écriture intime. En tant que mécanisme discursif emprunté au discours de la presse, où la violence verbale est figure de l’agression, l’attaque épistolaire confraternelle porte une double atteinte imputable au locuteur : l’auteur vise à assommer le tiers du même coup de marteau que Zola portait par son journalisme, mais il vise aussi, comme la parole pamphlétaire, à « inquiéter le lecteur, décourager la controverse, menacer sans réfuter72. » Tuant virtuellement le tiers, la force de l’invective frappe aussi de mutisme l’interlocuteur et sur ce mutisme vient se poser l’ego de l’auteur de l’injure, qui trouve un terrain vierge à l’expression de ses opinions. C’est là une tactique pédagogique brutale, extrême, mais qui pourrait elle aussi expliquer les actes de Huysmans. Les doubles propos de ses lettres seraient par conséquent indices du discours d’un écrivain qui n’a pas de disciples, qui recourt aux moyens extrêmes pour s’en procurer. Ainsi comprise, la position de Huysmans ne reste plus une exception blâmable, parce qu’on pourrait la rapprocher des mêmes tendances illustrées dans les lettres de Villiers, de Bloy, de Goncourt.
Pour faire le point sur notre mise en parallèle et en interaction des scandales dans la presse et dans la correspondance, il est important de retenir que le plus grand mérite de ces crises à répétition condensées sur une période relativement courte est la mise en place d’une stratégie de réponse active de la part des littérateurs, stratégie qui cesse bientôt d’être un art pour devenir un protocole. Le scandale cesse lui aussi d’effaroucher grâce à l’apprentissage d’un savoir-faire bâti essentiellement sur l’expérience. Du côté des correspondants-écrivains, il devient important et possible d’apprendre et d’enseigner le nouveau protocole personnalisé sous la forme de plusieurs positionnements pédagogiques, par l’école naturaliste, l’école des pamphlétaires (Barbey-Bloy), l’école paternaliste (Flaubert-Maupassant). En deuxième lieu, le regard qui superpose discours de la presse et discours épistolaire confraternel nous a permis de repérer un mouvement qui complète la perspective de la presse endettée à la correspondance par sa structure : le discours du journal perce, à son tour, dans la correspondance, qui lui emprunte certains échos pamphlétaires. C’est, à notre avis, le moyen par lequel l’expression intime fait écho à la médiatisation du collectif. L’éveil du pamphlétaire dans le confraternel engendre la duplicité discursive.
(Université Wilfrid Laurier)
Notes
1 Léon Deffoux, La Publication de L’Assommoir, Paris, Société Française d’Éditions Littéraires et Techniques, 1931, p. 20-21.
2 Gustave Flaubert, Correspondance, IVe série, 1869-1880, Paris, L. Conard, 1910, p. 306.
3 Marc Angenot, La Parole pamphlétaire. Typologie des discours modernes, Paris, Payot, p. 340.
4 Ibid., p. 338.
5 L’expression appartient à Zola, qui l’emploie dans une lettre à Édouard Rod (Correspondance, T. IV, sous la dir. de B.H. Bakker, Presses de l’Université de Montréal et Éd. du CNRS, 1983, p. 211).
6 Henri Mitterand, Zola, tel qu’en lui-même, Paris, PUF, 2009, p. 42.
7 Edmond de Goncourt, Journal. Mémoires de la vie littéraire, T. II, éd. Robert Ricatte, Monaco, Impr. nationale, 1956, éd. 1956, p. 1163.
8 Lettre citée dans Émile Zola, Correspondance, T. II, op. cit., p. 59-60.
9 « La littérature a payé ce modeste asile champêtre… », écrit Zola à Flaubert de Médan, le 9 août 1878, « un trou charmant […], 9 mille francs… » (Correspondance, T. III, op. cit., p. 201).
10 Lettre de Zola à Edmondo de Amicis, citée par Auriant, La Véritable Histoire de « Nana », Paris-Bruxelles, Mercure de France et Éditions N.R.B., 1942, p. 108.
11 Cité par Auriant, La Véritable histoire de « Nana », op. cit, p. 66.
12 Signalons, parmi eux : Marie-Françoise Melmoux-Montaubin, L’Écrivain-journaliste au XIXe siècle : un mutant des Lettres, Paris, Éditions des Cahiers intempestifs, 2003 ; Corinne Saminadayar-Perrin, Les Discours du journal : rhétorique et médias au XIXe siècle (1836-1885), Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2007.
13 La citation exacte, qui appartient à Zola, est rapportée par Goncourt dans son Journal et reproduite par Colette Becker : « J’ai d’abord posé un clou et d’un coup de marteau, je l’ai fait entrer dans la cervelle du public ; puis, d’un second coup, je l’ai fait entrer de deux centimètres. Eh bien, mon marteau, c’est le journalisme que je fais moi-même autour de mes œuvres » (C. Becker, Zola en toutes lettres, Paris, Bordas, 1990, p. 22).
14 Pour ne donner qu’un exemple, la préface de l’Assommoir trouva une première publication dans Le Figaro (22 janvier 1877), un deuxième et troisième lancement simultanément dans le Petit Journal et en volume chez Charpentier, le 25 janvier 1877. Voir Zola, Correspondance, T. II, op. cit., p. 526, 530.
15 Dans son ouvrage Zola en toutes lettres, Colette Becker rappelle cet épisode de la vie de l’écrivain qui fonde à Marseille avec son ami, Marius Roux, le quotidien La Marseillaise, journal à 5 centimes qui sera cédé après quelques jours (Becker, op. cit., p. 17.)
16 Melmoux-Montaubin, L’Écrivain-journaliste, op. cit., p. 11.
17 Flaubert, Correspondance, op. cit, p. 81.
18 Sur l’effet de la censure sur la littérature des Goncourt, voir Paule Adamy, « De quelques œuvres des frères Goncourt censurées et parfois de l’autocensure », dans Jacques Domenech (dir.), Censure, autocensure et Art d’écrire. De l’Antiquité à nos jours, Paris, Éditions Complexe, 2005, p. 219-242. En 1853, le Ministère de la Police avait poursuivi les deux frères pour la reprise de cinq vers de Tahureau dans un article de Paris. Plus tard, Edmond se rappelle l’incident : « On nous considérait comme des esprits dangereux… Et pendant quelque temps, nous fûmes hantés par l’idée de nous expatrier, et d’aller fonder en Belgique un petit journal, qui se serait appelé : le Pamphlet » (texte reproduit dans Edmond et Jules de Goncourt, Lettres de jeunesse inédites, éd. Alain Nicolas, Paris, PUF, 1981, p. 81).
19 Voir, dans ce sens, Alain Girard, Le Journal intime et la notion de personne, Paris, Université de Paris, 1963.
20 Françoise Chenet-Faugeras, « La lettre aux journaux. L’Univers et l’Université (1842-1846) », dans Pierrette Lebrun-Pézerat et Danièle Poublan (dir.), La Lettre et le politique. Actes du colloque de Callais, 17-19 septembre 1993, Paris, Honoré Champion, 1996, p. 252.
21 Alain Pagès, « La communication circulaire », dans Jean-Louis Bonnat et Mireille Bossis (dir.), Écrire, publier, lire les correspondances : Actes du Colloque international « Les Correspondances », Nantes, Université de Nantes, 1983, p. 334-335.
22 Halina Suwala, Autour de Zola et du naturalisme, Paris, Honoré Champion, 1993, p. 128.
23 Flaubert, Correspondance,op. cit., p. 269.
24 Ibid., p. 259.
25 Ibid., p. 201.
26 Notre corpus comprend plusieurs exemples de ces écrits avec ou sans « prière d’insérer » : bon nombre de lettres de Zola adressées à des journalistes (Millaud, Fourcaud, Laffite) et publiées dans leurs journaux ; la lettre de Flaubert à Maupassant, destinée au Gaulois, lors du procès d’Au bord de l’eau, autant d’écrits dont le jaillissement, comme le note Jean-Yves Mollier, « dépasse nettement le destinataire explicite » (« La correspondance inédite d’un parlementaire français en 1871. Vision politique de la France en guerre et narration privée », dans Lebrun-Pézerat et Poublan (dir.), La Lettre et le politique, op. cit., p. 223.
27 Melmoux-Montaubin, L’Écrivain-journaliste, op. cit., p. 8.
28 Le of meat est une expression chère à Huysmans, qui l’emploie dans sa correspondance, dans le sens de « concentré, coulis ». Les exégètes de l’écrivain ont expliqué l’origine de cette prédilection de Huysmans pour un terme culinaire ; voir Pierre Lambert, notes à J.-K. Huysmans, Lettres inédites à Edmond de Goncourt, Paris, Nizet, 1956, p. 108.
29 Angenot, La Parole pamphlétaire,op. cit., p. 43.
30 Cette évolution aura besoin d’un intense échange épistolaire entre 1873-1880.
31 Voir Zola, Correspondance, T. II, op. cit., p. 558.
32 Zola, Correspondance, t. II, op. cit., p. 512.
33 Idem.
34 Flaubert, Correspondance, op. cit., p. 382.
35 Le syntagme appartient à Edmond de Goncourt qui, dans une lettre à Huysmans, du 24 mars 1879, s’y range lui-même, à côté des auteurs de l’Assommoir et des Sœurs Vatard (J.-K. Huysmans, Lettres inédites à Edmond de Goncourt, publiées et annotées par Pierre Lambert et présentées par Pierre Cogny, Paris, Nizet, 1956, p. 54).
36 Flaubert, Correspondance,op. cit., p. 207.
37 Fernand Divoire, Introduction à l’étude de la stratégie littéraire, Paris, E. Sansot, 1912.
38 Le roman La Dévouée, de Léon Hennique, paru chez Charpentier en 1878, porte en dédicace : « Aux frères d’armes Henry Céard et J.-K. Huysmans ».
39 Zola, Correspondance, T. II, op. cit., p. 59.
40 Guy de Maupassant, Œuvres complètes. Correspondance, T. I : 1862-1880, éd. Jacques Suffel, Genève, Edito-Service, 1973, p. 112 et 115.
41 Flaubert, Correspondance, op. cit., p. 266.
42 Ibid., p. 274.
43 Ibid., p. 418-422. Le texte de cette lettre est publié dans Le Gaulois du 21 février 1880.
44 Zola, Correspondance, T. II, op. cit., p. 463 et 492.
45 Angenot, La Parole pamphlétaire,op. cit., p. 276.
46 Flaubert, Correspondance, op. cit., p. 205 et 207.
47 Maupassant, Correspondance, T. II, op. cit., p. 35.
48 Flaubert, Correspondance, op. cit., p. 97.
49 Ibid., p. 205.
50 Ibid., p. 226.
51 Huysmans, Lettres inédites à Edmond de Goncourt, op. cit., p. 97.
52 J.-K. Huysman, Lettres inédites à Arij Prins 1885-1907, éd. Louis Gillet, Genève, Droz, 1977, p. 90-91.
53 « Naturalisme pas mort ». Lettres inédites de Paul Alexis à Émile Zola, 1871-1900, éd. B.H. Bakker, Toronto, University of Toronto Press, 1971, p. 153.
54 E. Littré, Dictionnaire de la langue française, T. III : I – P, 2e éd., 1883, Paris, Hachette, 1883, p. 17.
55 Maupassant, Correspondance, T. II, op. cit., p. 93.
56 Ibid., p. 36.
57 Guy de Maupassant, Chroniques, études. Correspondance, éd. René Dumesnil, Paris, Librairie Gründ, 1938, p. 407.
58 Émile Zola, Lettres inédites à Henry Céard, éd. Albert J. salvan, Providence, R.I., Brown University Press, 1959, p. 22.
59 Ibid., p. 33.
60 J.-K. Huysmans, Lettres à Théodore Hannon (1876-1886), éd. P. Cogny et C. Berg, Saint-Cyr-sur-Loire, Christian Pirot, 1985, p. 51.
61 Ibid., p. 175.
62 Angenot, La Parole pamphlétaire, op. cit., p. 135.
63 Ibid., p. 126.
64 Catherine Kerbrat-Orecchioni, Le Trilogue, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1995, p. 2.
65 Suwala, Autour de Zola et du naturalisme,op. cit., p. 252.
66 Maupassant, Correspondance, T. I, op. cit., p. 277.
67 Angenot, La Parole pamphlétaire, op. cit., p. 278.
68 Flaubert, Correspondance, op. cit., p. 142.
69 Zola, Correspondance, T. II, op. cit., p. 554.
70 Maupassant, Correspondance, T. II, op. cit., p. 260.
71 Alain Pagès, La Bataille littéraire. Essai de réception du naturalisme à l’époque de Germinal, Paris, Librairie Séguier, 1989, p. 177-178.
72 Angenot, La Parole pamphlétaire, op. cit., p. 250.