L’Atelier médiatique de l’histoire littéraire

L’atelier médiatique de l’histoire littéraire

Table des matières

CORINNE SAMINADAYAR-PERRIN

« Le grand jour arrivé, vingt-quatre crieurs à cheval, aux livrées de l’éditeur, avec son adresse sur le dos et sur la poitrine, portant en main une bannière où serait brodé des deux côtés le titre du roman, précédés chacun d’un tambourineur et d’un timbalier, parcourront la ville, et, s’arrêtant aux places et aux carrefours, crieront à haute et intelligible voix : C’est aujourd’hui et non hier ou demain que l’on met en vente l’admirable, l’inimitable, le divin et plus que divin roman du très célèbre Théophile Gautier, Mademoiselle de Maupin, que l’Europe et même les autres parties du monde et la Polynésie attendent si impatiemment depuis un an et plus. Il s’en vend cinq cents à la minute, et les éditions se succèdent de demi-heure en demi-heure. » Théophile Gautier, préface de Mademoiselle de Maupin, mai 1834.

À l’orée du XIXe siècle, le livre-événement de Mme de Staël, De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales, consacre l’historicité constitutive de la notion même de littérature ; l’ouvrage met en circulation une idée promise à un rapide succès (sans usure accélérée) : le fait littéraire est l’expression de la société. Au début du XXe siècle, l’histoire littéraire telle que l’a définie Gustave Lanson s’impose, pour longtemps, comme la discipline-phare des études de lettres, dans l’ensemble de l’enseignement supérieur français. Que s’est-il passé dans cet entre-deux d’un siècle ? Comment envisager, sur le temps long, la généalogie d’une science humaine dont Lanson, lui-même « vieux professeur de rhétorique », synthétise finalement les objectifs et les méthodes autant qu’il en invente les procédures et les ambitions ?

La reconstruction rétrospective d’une préhistoire de l’histoire littéraire dégage le plus souvent un faisceau de trois facteurs convergents. La critique d’un écrivain journaliste comme Sainte-Beuve, en s’intéressant aux individualités créatrices, à leur trajectoire sociologique, aux sociabilités littéraires dont elles relèvent, met au jour l’ensemble du substrat culturel où s’implante l’œuvre envisagée : elle territorialise les textes, et envisage les monuments de la littérature comme autant de témoignages d’une culture ou d’une civilisation, saisis par un tempérament d’artiste. Plus systématiquement, l’influence positiviste, dont Taine est l’exemplaire incarnation, réduit l’évolution littéraire à un ensemble raisonné de causes efficientes, l’œuvre étant le produit d’une situation historique sur laquelle elle influe en retour : la théorie de la race, du milieu et du moment croise l’individuel et le collectif, en subordonnant finalement le second au premier – il n’y a de science que du général. Enfin, en étudiant les cours professés par Saint-René Taillandier durant l’ensemble de sa carrière universitaire1, Luc Fraisse a montré que les principes de l’histoire littéraire (l’expression est bien attestée) ont colonisé certaines chaires d’éloquence française bien avant l’offensive lansonienne.

Or, cette séparation (méthodologiquement justifiée) des trois « sources » de l’histoire littéraire empêche de percevoir une évidence : la presse fut le creuset où écrivains, penseurs et professeurs ont élaboré et formulé les premiers principes de ce que nous identifions a posteriori comme une démarche relevant de l’histoire littéraire. À cet égard, il convient de ne pas exagérer l’opposition entre critiques universitaires et écrivains journalistes, à une époque où la presse accueille nombre de transfuges de l’université : Taine, brillant produit de l’École normale en rupture de ban, a publié l’ensemble de l’Histoire de la littérature anglaise (dont la célèbre préface) dans la Revue des Deux mondes entre 1856 et 1863, avant que les quatre volumes publiés chez Hachette remportent le succès que l’on sait ; Saint-René Taillandier était connu de ses contemporains comme spécialiste de la littérature allemande, à qui François Buloz confiait la plupart des articles touchant à ce domaine ; inversement, Sainte-Beuve conforte sa légitimité critique2 en professant, à l’université de Lausanne, son cours sur Port-Royal (1837-38).

De ce point de vue, la Revue des Deux mondes constitue un foyer intellectuel remplaçant, dans une certaine mesure, les lieux institutionnels où aurait pu se développer la nouvelle discipline : c’est là, par exemple, que Victor Cousin infléchit sa démarche de philosophe vers des perspectives plus spécifiquement littéraires. Buloz lui-même joue un rôle non négligeable dans la définition de l’histoire littéraire en voie de constitution, par les conseils qu’il donne à ses collaborateurs (et les corrections qu’il leur impose) ; il leur demande notamment de dépasser la recension (la « revue littéraire ») pour recomposer des ensembles organiques, évolutifs, vivants : « Le tableau tel que le concevra Saint-René Taillandier, c’est en quelque sorte l’histoire littéraire conçue par dom Rivet revue et corrigée par François Buloz3. » Ce rôle important a pour corollaire les grandes rubriques que les journaux consacrent à la vie littéraire (le feuilleton et les Variétés) : le Journal des Débats se construit une solide réputation de bastion critique universitaire tendance orléaniste, mais la carrière de Prévost-Paradol, de Weiss, de Sarcey ou de Lemaître montre que, de la petite presse littéraire aux grands organes politiques, l’exercice de la critique mobilise les perspectives « sérieuses » – distanciées, surplombantes, voire érudites – de l’histoire littéraire.

Les grandes revues, ou les rubriques littéraires tenues par des critiques prestigieux, ne constituent cependant que l’aspect le plus visible, parce que le plus aisément repérable, du rôle de la presse dans l’élaboration de l’histoire littéraire tout au long du XIXe siècle. Plus radicalement, l’écriture périodique en elle-même induit un nouveau rapport au temps de la création et de la réception, au tempo de la vie littéraire, aux scansions et aux rythmes qui croisent le culturel et le social. Au creuset du journal, la littérature ne se conçoit pas seulement comme historique : elle s’éprouve et se vit comme telle, de manière à la fois immédiate et problématique. Intimement vécue par l’écrivain-journaliste, cette conscience nouvelle du temps se projette dans la représentation que la presse de la période, très métalittéraire, construit de la vie culturelle : la littérature médiatisée se transfigure en objet médiatique – phénomène qui ne se limite nullement à l’actualité éditoriale ou théâtrale.

Rien d’étonnant à ce que la presse ait découvert et cartographié des domaines jusque-là négligés, aujourd’hui emblématiques de l’histoire littéraire renouvelée. Si les journalistes s’intéressent à la fabrique de l’écrivain (scénographie, postures….), s’ils analysent les nouvelles formes de sociabilité littéraire nées avec la modernité, s’ils étudient volontiers les trajectoires en termes de stratégie et de conquête, c’est parce qu’eux-mêmes éprouvent et pratiquent, au sein de l’espace médiatique, ces modes de fonctionnement spécifiques au champ. Certes, les mythologies compensatoires propres à la période – la bohème, le cénacle, l’art pour l’art – subliment, masquent ou compensent ce que ces approches sociologiques peuvent avoir de désacralisant. Reste que l’écrivain journaliste, plus que tout autre, est conscient, par expérience professionnelle, des contraintes économiques et institutionnelles qui déterminent l’exercice et la définition de la littérature. Le journal fabrique, en direct, l’histoire littéraire du monde contemporain : creuset impur, atelier décrié dont les ouvriers connaissent, mieux que personne, les mystères, les indignités – et le paradoxal pouvoir de sacralisation. Maître de l’actualité, le journaliste inscrit l’œuvre dans l’histoire, et en fait une possible candidate à l’éternité.

Le journal n’est pas seulement le support de prédilection où a pu se développer une pensée historique de l’évolution littéraire ; la presse n’est pas le témoin ou le miroir d’une histoire littéraire essentialisée, qui s’élaborerait ailleurs, avec ses acteurs propres, son rythme spécifique et ses visées originales. Notre thèse sera que la presse en tant que telle est à la fois le lieu et l’acteur déterminant dans l’émergence de l’histoire littéraire en France, au XIXe siècle.

Sérialité et rupture événementielle

Les discours que le journal tient sur la littérature, et les représentations qu’il en produit, sont doublement déterminés par la périodicité de l’écriture et les rythmes propres à l’actualité culturelle. Le feuilleton critique comme la chronique littéraire relèvent d’une forme de production sérielle proche de celles qui caractérisent les genres dominants dans la culture de masse (le roman, le vaudeville, le mélodrame, la « pièce bien faite ») – d’où leur sensibilité exacerbée à deux aspects contradictoires de la production littéraire qu’ils analysent : la reproduction mécanique des thèmes et des formes, l’événement qui vient rompre cette uniformité et consacrer une œuvre.

L’anathème jeté sur une industrie littéraire modernisée, inondant le marché d’objets manufacturés tous identiques, est un lieu commun du feuilleton dramatique, lequel occupe une place dominante (à la fois structurelle et volumétrique) dans l’actualité littéraire telle que la construit le journal. Cette lucidité s’explique par la proximité entre monde médiatique et milieu dramaturgique : « Ces rencontres entre presse et théâtre témoignent […] d’une conscience commune des lois de répétitivité qui président à leurs productions éphémères. Ils ont en partage un art du palimpseste, où la récurrence des modèles et des procédés, le remploi des mêmes sujets nourrissent une écriture soumise aux contraintes temporelles : les théâtres secondaires jouent tous les jours, affichent quotidiennement plusieurs titres, doivent fidéliser leur public par un subtil mélange de surprenantes nouveautés et de rassurantes répétitions4. »

La production en série domine certains secteurs, particulièrement calamiteux pour le critique ; Théophile Gautier, lundiste ironique, répertorie avec humour les micro-phénomènes de mode qui consacrent la gloire du vaudeville capillaire ou du genre niais (avec chalets et virginales laitières). Plus largement, Gautier feuilletoniste repère, dans l’ensemble de la production théâtrale européenne sur la longue durée, la permanence des types et des canevas comiques qui suggère une troublante impression d’anhistoricité5 : cette sensibilité exacerbée à la récurrence, et à la rémanence, tient aussi à la spécificité de l’écriture du feuilleton. Si la production dramaturgique standardisée emblématise l’industrialisation propre à la culture de masse, tous les genres sont touchés ; dès la monarchie de Juillet, les critiques littéraires sont atteints d’une « obsession taxinomiste » traduisant, selon eux, les logiques sérielles de la modernité romanesque : « Le critique taxinomiste croit également en la mortalité des genres. Dès qu’il a reconnu un objet, il se fait le prophète de sa mort prochaine, il la souhaite, il la provoque dans la mesure de ses moyens. Le critique est ainsi le Cassandre de chaque nouveau genre […] Le critique, une fois l’objet identifié, a donc à cœur d’en montrer l’élémentaire mécanique pour rapidement le dénoncer et le proscrire au nom de la lassitude que ne peut manquer d’éprouver le lecteur6. »

Ce vertige du même contredit l’une des exigences essentielles de l’écriture médiatique : la culture de l’événement7. Le critique construit un fond neutre d’intarissables répétitions, afin de pouvoir opérer de brusques ruptures, en célébrant l’irruption de l’exceptionnel : « Pour justifier le flux médiatique qu’il alimente de façon continuelle, [le journaliste] a paradoxalement le besoin vital de contrarier l’impression de flux et d’uniformité en suscitant l’illusion que chaque article peut faire date, vaut pour lui-même alors même qu’il n’existe, en réalité, qu’au sein de la série continue à laquelle il appartient. Cet effet médiatique s’observe de façon particulièrement subtile dans la critique, qui repose sur une confusion systématique des catégories de l’actualité et de l’historicité – en postulant que tout événement de l’actualité littéraire [qu’elle] signale et commente a une portée potentiellement historique. En outre la critique médiatique est par vocation discriminante, parce que c’est de son pouvoir de hiérarchisation que découle sa capacité à repérer l’événement8. » Ce besoin intrinsèque de « faire événement » conforte la place prédominante du feuilleton dramatique dans le journal : le théâtre est la seule forme littéraire qui permette de réunir effectivement et concrètement un public dans un lieu donné, la représentation ayant une forte potentialité événementielle exemplairement incarnée par la bataille d’Hernani ;  par ailleurs, aller au théâtre relève d’une pratique sociale autant (sans doute plus) que d’un choix esthétique, si bien qu’un succès constitue, de facto, un événement mondain que le chroniqueur enregistre comme tel : « Patrie !, le drame de M. Victorien Sardou, est l’événement de la semaine, le sujet de toutes les conversations ; quand deux personnes se rencontrent, au lieu de se demander vulgairement des nouvelles de leur santé, elles se disent : “Étiez-vous à la première représentation de la Porte Saint-Martin9 ?” » Sans compter la dimension politique de telle représentation à scandale – dont atteste la permanence et la vigilance de la censure exercée sur les scènes françaises.

Cette production accélérée de micro-événements littéraires relève de logiques publicitaires très repérables, et régulièrement stigmatisées comme relevant du puffisme le plus décomplexé – d’où un phénomène d’usure rapide : sous la Troisième République, on déplore avec constance la mort de la critique littéraire dans la presse quotidienne. Mais cette logique permet aussi au critique littéraire d’adopter une posture volontariste, interventionniste, voire combattante ; porte-drapeau et éclaireur de l’avant-garde, l’écrivain récupère la culture de l’événement au profit d’une histoire littéraire immédiate fortement orientée, en prise directe sur l’actualité (Zola construit ainsi son offensive naturaliste). Dans les dernières décennies du siècle, la jeune critique des petites revues articule de manière originale (et efficace) les deux paradigmes de la révolution et de l’évolution : « La jeune critique, dans son appropriation des moyens médiatiques, procède ainsi à un travail de ces deux dimensions de l’événement. Pour cela elle se construit comme outil de révolution et d’évolution. L’enjeu est double : en finir avec la disparition événementielle de la littérature, d’une part, faire advenir d’autre part une appréhension nouvelle de la création fondée sur la vitalité du mouvement permanent, impulsé par la logique d’innovation de l’avant-garde. Il s’agit en somme d’imposer à la fois un événement particulier et un nouveau régime de l’événement (du rythme) littéraire10. »

L’histoire littéraire s’élabore dans une tension permanente entre la construction d’une continuité raisonnée (les conséquences n’excèdent pas les causes, l’œuvre vaut pour « miroir de concentration »), et la fascination pour la rupture événementielle, inexplicable, irréductible à ce qui précède, porteuse d’une nouveauté radicale. Ce dernier paradigme s’est durablement imposé comme caractéristique du XIXe siècle – conséquence directe de l’élaboration médiatique, en direct, de l’histoire culturelle du contemporain : « L’histoire littéraire du XIXe siècle est censée être faite d’une suite ininterrompue de révolutions (romantique, réaliste, symboliste, pour ne citer que les principales), aussi décisives les unes que les autres. Or, cette vision évidemment réductrice ne résulte pas du travail de schématisation qu’aurait opéré l’histoire littéraire scolaire, mais reflète au contraire très fidèlement l’image de la littérature que la critique médiatique a élaborée presque en synchronie avec les évènements eux-mêmes et que l’histoire littéraire scolaire s’est contentée pour l’essentiel de justifier après coup11. »

Le temps des œuvres

La saisie périodique de l’actualité littéraire entraîne, pour le journaliste, la prise de conscience traumatisante d’un phénomène caractéristique de la modernité : à la production accélérée de biens culturels standardisés répond un phénomène d’obsolescence rapide – que le feuilletoniste constate autant qu’il l’accélère, par sa propre pratique de la critique jetable. Gautier observe : « Un vaudeville de huit jours c’est quelque chose de terriblement oublié, de terriblement vieux ; il n’y a rien de si vieux au monde, si ce n’est un feuilleton de la veille ; les auteurs eux-mêmes ne savent plus ce que c’est12 ! » Lorsque Zola propose à Villemessant d’écrire, pour L’Événement, une rubrique intitulée « Livres d’aujourd’hui et de demain », il prend acte de cette accélération de la vie littéraire dont le journal est le responsable autant que le témoin. Le critique peut certes profiter de certaines périodes – la revue de fin d’année notamment – pour prendre de la hauteur et échapper à la myopie de l’actualité, afin de repenser les hiérarchies et la valeur relative des œuvres ;  or, ce bilan s’avère lui-même faussé, car il porte plutôt sur la vie culturelle que sur la littérature en elle-même – si bien qu’il redouble les prises directes qu’il est censé transcender. Le bilan de fin d’année n’est jamais un procès en appel : « Est-ce tout ? Il s’en faut de beaucoup et je n’ai fait qu’ébaucher l’ensemble du mouvement littéraire de l’année. Que de beaux et bons livres je suis forcé d’omettre pour ne signaler que ceux qui ont été accompagnés d’un certain éclat au jour de leur apparition13. » L’histoire courte ne fait qu’entériner les palmarès de l’actualité.

S’il veut se transfigurer de chroniqueur en historien, et revendiquer un authentique magistère esthétique, le critique doit refuser d’asservir son écriture aux hiérarchies qu’impose l’actualité ; la naissance médiatique de l’histoire littéraire tient, pour beaucoup, à cette volonté d’arrachement d’autant plus opiniâtre qu’elle est difficile : « Dès qu’ils commencent à se faire un nom, ou qu’ils parviennent à collaborer à une grande revue, les critiques se mettent à écrire de l’histoire littéraire, revendiquant ainsi une posture surplombante et érudite, à la manière de Villemain14. » George Sand, dont la création romanesque revendique pourtant son ancrage dans le présent, conçoit volontiers la critique « sur l’horizon d’un temps plus éloigné, ce temps nécessaire pour relativiser les passions immédiates et apprécier plus sereinement15. » La réflexion de la critique sur elle-même se centre sur l’articulation problématique entre l’actualité de la vie culturelle, et l’histoire de la littérature comme pratique esthétique et politique.

Le format et la définition des rubriques littéraires dans la presse quotidienne ne permettent guère, cependant, de telles approches surplombantes, prenant en compte les durées médianes voire le temps long ; d’où une bipartition résistante entre l’écriture fragmentée des journaux, structurée et scandée par l’actualité éditoriale ou le rythmes de la mondanité, et les analyses de plus vaste envergure (études génériques, analyse d’ensemble d’une œuvre) qui se déploient plus volontiers dans l’espace de la revue. « L’Enquête sur l’évolution littéraire » de Jules Huret, en revendiquant désormais l’historicisation en direct de l’actualité, forme à cet égard un tournant.  Alors même qu’à la fin du siècle les petites revues se donnent pour tâche exclusive de commenter (et de faire) le présent, cette perspective militante adopte un point de vue historicisant sur l’actualité immédiate.

Ce paradoxal point de conversion entre actualité et histoire tient autant à la perspective adoptée qu’à la périodicité de l’écriture, elle-même liée à une périodisation (subie autant que construite) de la vie littéraire. Si les critiques littéraires sont particulièrement sensibles à cette dimension complexe, c’est parce que, en tant que journalistes, ils appréhendent en pratique, et très concrètement, cette intrication entre témoignage et fabrication de l’événement, expérience vécue de la durée et surplomb historique, contraintes médiatiques de l’écriture et paradigmes informant la représentation. L’influence de la matrice médiatique sur la constitution de l’histoire littéraire est comparable à celle de l’écriture périodique sur la révolution historiographique libérale dans les années 182016. Plus précisément, le critique littéraire est une sous-variété du chroniqueur ou du feuilletoniste, donc un spécialiste de l’écriture sérielle, soumise à l’actualité – à la différence que, dans ce cas, le journaliste prend pour objet la vie littéraire dont lui-même participe, et que, dans une large mesure, il fait advenir en la redoublant par sa propre création médiatique.

Aussi le critique se sublime-t-il volontiers, comme le chroniqueur, en historien de l’extrême contemporain, phare pour ses lecteurs et source irremplaçable pour l’avenir. En 1856, Gautier, qui envisage de réunir en volumes ses feuilletons dramatiques (ce sera l’Histoire de l’art dramatique en France depuis vingt-cinq ans, chez Hetzel en 1859), rêve de conjurer ainsi l’autodestruction quasi-immédiate du feuilleton dramatique : « Peut-être ces pauvres feuilles griffonnées au bout de chaque semaine et aussitôt oubliées offriront-elles à l’avenir une mine de documents curieux où l’on viendra chercher mille détails singuliers ou frivoles dédaignés par l’histoire17. » Au prix de coupes, d’ajustements et de rustines, un recueil bien conçu renoue la chaîne des temps, et construit un récit réintégrant l’actualité dans l’histoire (Barbey d’Aurevilly, Jules Janin en ont eu l’ambition) ; lorsque les textes originaux sont des études de fond parues dans une grande revue, le processus en est facilité. Préfaçant ses Études sur la révolution en Allemagne (A. Franck, 1853), Saint-René Taillandier écrit : « Un grand nombre des chapitres dont ces deux volumes se composent a paru déjà dans la Revue des Deux mondes ; réunis dans un ordre logique, reliés entre eux par des additions qui comblent les lacunes et reproduisent le cours des temps, ces tableaux acquerront peut-être un intérêt plus élevé et manifesteront mieux dans leur ensemble la pensée qui les anime18. »

La stratégie du recueil se fonde sur la reconstruction d’une progression linéaire, associée à l’affirmation d’une maîtrise auctoriale forte : il s’agit de dépasser la fragmentation et la polyphonie constitutives de l’écriture périodique. Symétriquement, l’espace du journal inaugure une autre forme d’écriture de l’histoire littéraire, jouant sur les confrontations, les coprésences, les décalages signifiants ; différentes rubriques instaurent un dialogue dont le lecteur attentif est invité à reconstituer la cohérence et les enjeux. Ainsi, les « Instantanés » du Voltaire signés Collodion (janvier 1888) suggèrent une histoire littéraire (réflexive) en pointillé : « Jour après jour, le quotidien construit une réflexion sur la “collaboration littéraire” : le texte bref et “facile” de l’“Instantané” ou du “Commérage” vaut comme pièce d’un ensemble. La spécificité de la critique quotidienne réside précisément dans cette composition en réseau, chaque texte étant conçu comme fragment d’un ensemble qui se découvre selon les cas jour après jour ou page après page19. » Si bien que l’actualité se transforme en « accroche » médiatique ouvrant sur d’autres perspectives, et intégrant divers aspects économiques, sociologiques et institutionnels de la sphère culturelle : une histoire totale avant la lettre ?

Périmètres : qu’est-ce que la littérature ?

La redéfinition médiatique de la vie littéraire comporte un double corollaire. D’une part, elle fait de la valeur esthétique un critère parmi d’autres, et non l’élément essentiel, du fait littéraire ; pris dans la perspective de l’actualité, celui-ci comporte une infinité d’autres dimensions qui imposent de reconsidérer l’œuvre d’art et de la relation esthétique d’une manière très différente de celle qu’impliquait, par exemple, la tradition rhétorique – la valeur propre du texte devenant une résultante (et non la cause efficiente) d’un ensemble de facteurs convergents. D’autre part, la sphère littéraire elle-même, dans l’espace et le discours du journal, se trouve réinsérée dans l’ensemble du champ social et culturel, la presse constituant d’ailleurs l’une des frontières les plus problématiques entre la littérature et ses autres (les discours politiques, les représentations du social…).

Concrètement, le journal déploie une perspective anamorphosée de la vie culturelle : la littérature se trouve quasiment réduite au théâtre, qui bénéficie du privilège d’un feuilleton hebdomadaire – les « lundistes » étant quasiment les seuls, par leur audience et leur influence, à pouvoir candidater au titre de « princes des critiques ». Alors même que l’autonomisation croissante du champ littéraire, sous le second Empire, relègue le théâtre tout en bas de la hiérarchie symbolique des genres, « l’équivalence littérature / théâtre finit par s’imposer au public des consommateurs de culture […] : le lecteur de journal lit les critiques des pièces à l’affiche, et il est entendu pour lui que ces comptes rendus, où les remarques sur le spectacle lui-même et le jeu des acteurs sont pourtant nombreuses, constituent le tout de l’information littéraire20. » Le phénomène est conforté par les liens de consanguinité, voire d’analogie structurelle, qui lient le monde du théâtre et les sociabilités journalistiques : « Presse et scène connaissent les mêmes périodes de surveillance, de restriction (censure ou cautionnement) ou de liberté au fil des régimes  et des gouvernements ; le foyer et la salle de rédaction constituent deux lieux stratégiques de la vie intellectuelle et mondaine ; les mêmes noms circulent souvent entre les fonctions de directeurs de théâtres et de journaux, de critiques et d’auteurs dramatiques ; un semblable partage des tâches selon les spécialités de chacun s’oberve au théâtre (“carcassier” ou “dialoguiste”) et au journal (feuilletonniste, chroniqueur ou “échotier21”). »

Conséquence : l’histoire littéraire médiatique est d’abord consacrée à « l’histoire de l’art dramatique », alors même que ses auteurs, à longueur de colonnes, rappellent que le théâtre n’a rien à voir avec la littérature. Inversement, le modèle du feuilleton du lundi s’impose comme un outil puissant de légitimation, non seulement pour le critique mais aussi pour les œuvres qui en sont l’objet. Défendant la dignité du roman, Jules Vallès écrit ainsi en 1864 : « On donne, une fois par semaine, dans les grands journaux, un feuilleton dit du lundi, qui tient le public au courant du mouvement dramatique. Eh bien, ce que l’on fait pour le théâtre, je voudrais le faire pour le roman. Il a droit, ce me semble, autant que la pièce, à une critique régulière et sérieuse, parce qu’il est aussi bien, sinon mieux, un interprète exact des passions et des mœurs d’une société. L’esprit d’une époque et l’âme d’une génération se montrent dans un livre et avec autant de fidélité que dans l’œuvre passionnée et bruyante de l’auteur dramatique, et même la vérité se trouve mieux du demi-jour du livre que du feu de la rampe. À Dieu ne plaise que j’établisse des hiérarchies ! – je les déteste partout ; – toutefois, ne puis-je pas dire que le roman avec son art des descriptions et des nuances a plus de ressources que le théâtre pour tout traduire et pour tout peindre22 ? »

Or, la place prépondérante accordée au théâtre, premier bastion de l’industrie culturelle, sensibilise les journalistes à certains critères non-littéraires déterminants pour le succès d’une œuvre, voire pour la fabrication de sa valeur esthétique. De même qu’un acteur, lui-même identifié à un rôle, suffit au triomphe d’un vaudeville insignifiant ; de même qu’un nom prestigieux, sur une affiche, fonctionne comme marque et garantit un succès, la posture qu’adopte un écrivain, la scénographie médiatique qu’il organise, le personnage qu’il incarne dans la légende dorée de la « vie littéraire » ont une importance décisive. La critique dramaturgique, par synecdoque, exerce un effet désacralisant sur les autres domaines de la littérature.

Ce renouvellement de perspective se trouve favorisé par la position spécifique de l’écrivain-journaliste : spécialisé dans la création d’événements littéraires, engagé dans un réseau de sociabilités dont il connaît les bénéfices en termes d’autopromotion, il est à fois sujet et objet de la « vie littéraire » dont il se veut l’historien. Rien d’étonnant à ce que Sainte-Beuve, ancien militant du cénacle hugolien, soit dans son œuvre critique l’initiateur de la notion de « groupe littéraire », dont la mise en récit par Gautier, dans l’Histoire du romantisme, fera un mythe fondateur ; à l’inverse, Jules Vallès dénonce les sectes d’illuminés et les petites « usines à gloire » qui structurent (ou tentent de structurer) le champ littéraire, au détriment de l’affirmation démocratique des individualités. Le journaliste sait aussi fort bien, d’expérience, que ce n’est pas l’œuvre qui fait l’écrivain, mais bien sa consécration médiatique dans le champ (il faut être reconnu comme écrivain pour produire des œuvres considérées comme littéraires) : à cet égard, il n’y a guère de différence entre le lancement d’une actrice, d’une reine du Tout-Paris, d’un spectaculaire dandy et d’un artiste à la mode.

Sur le mode de la mythologie professionnelle, de la propagande artistique, de l’autodérision ravageuse ou de la polémique acharnée, le feuilleton critique découvre ainsi nombre de domaines considérés aujourd’hui comme caractéristiques de l’histoire littéraire renouvelée. Zola, excellent professionnel des médias, est par là même (comme son grand modèle Balzac) un précurseur de la sociologie de la littérature. On voit s’esquisser çà et là des théories du champ qui préfigurent et annoncent celles de Bourdieu ; ce phénomène tient sans doute à la lucidité douloureuse à laquelle sont contraints les écrivains journalistes sous la monarchie de Juillet : « Il n’y a pas à proprement parler de processus d’autonomisation pour cette génération de 1830, mais une simple médiatisation, qui révèle d’autant mieux la toute-puissance de la presse […] et la faiblesse structurelle des milieux littéraires23. » Transfiguration légendaire, auto-ironie ou dénonciation tapageuse traduisent diversement le traumatisme des écrivains confrontés au premier essor de la médiatisation de masse.

Cette redéfinition de l’activité littéraire en régime médiatique impose, on l’a vu, un nouveau rapport au temps, qui tienne compte à la fois de la scansion événementielle de la vie culturelle, et de la péremption rapide des œuvres : comme tout autre objet, le texte littéraire (ou plutôt celui qui prétend s’imposer comme tel) est un produit saisonnier, dont le possible succès dépend d’un grand nombre de facteurs extrinsèques liés à l’actualité – la théorie baudelairienne de la modernité est directement issue de cet impératif propre à la culture médiatique : extraire l’éternel du transitoire. D’où la position ambiguë du critique : doit-il exercer un magistère esthétique, ou se faire le porte-parole de la foule des lecteurs ou des spectateurs ? A-t-il une fonction de guide éclairé, ou doit-il se faire le représentant du public ?

Quelle que soit la posture choisie (nombre de possibilités sont envisageables entre ces deux pôles), le journaliste doit élaborer une sociologie de la réception, pour expliquer (à défaut de les justifier) le succès d’œuvres ineptes ou, à rebours, les catastrophes retentissantes. « Etre de son temps » – c’est le mot d’ordre du jeune Zola, mousquetaire avant-gardiste – suppose paradoxalement le rejet des formes vieillies, héritées de la tradition et mécaniquement reproduites justement parce qu’elles plaisent au plus grand nombre ; inversement, la tâche du journaliste, spécialiste de l’histoire culturelle du monde contemporain, impose de scruter les apparentes incongruités dans les choix du public, sans se limiter à une condamnation esthétique nécessairement sommaire – ce qui transfère au présent la démarche de Gautier initiant, avec Les Grotesques, une démarche très novatrice d’histoire littéraire : « En s’habituant au commerce de ces auteurs de troisième ordre, dédaignés ou tombés en désuétude, on finit par se remettre au point de vue de l’époque, non sans quelque difficulté, et l’on arrive à comprendre jusqu’à un certain point les succès qu’ils ont obtenus, et qui paraissent tout d’abord inexplicables24. »

L’analyse des usages sociaux de la littérature fait, désormais, pleinement partie de l’outillage théorique du critique. La réception d’une œuvre vaut comme symptôme et, à ce titre, n’est jamais négligeable. Après avoir exécuté avec jubilation le dernier roman de V. Cherbuliez, Paule Méré, Vallès conclut en ces termes sa chronique : « Je reparlerai de M. Cherbuliez. Son roman a paru dans la Revue des Deux Mondes. Il a un public, des admirateurs. Pourquoi ? Nous essaierons de le chercher. Pour moi, je ne puis admettre ce talent fait avec des rognures de la Suisse, et qui imite Jean-Jacques, Mme de Staël, Senancour, comme le plâtre imite le marbre25. »

Politiques de l’histoire littéraire

En considérant la littérature comme l’une des manifestations du social, non réductible à sa seule portée esthétique, le chroniqueur étend son investigation à toutes les dimensions du fait littéraire – d’où la portée éminemment politique de l’histoire culturelle élaborée, au jour le jour, dans la presse. Expression de la société, la littérature en retour exerce une influence sur le collectif qui l’a produite et qui la reçoit ; à partir de 1836, l’entrée de la France dans sa première ère médiatique, et la démocratisation culturelle qui en est la conséquence, suscite de vives inquiétudes : on craint les effets délétères du roman-feuilleton sur un public novice, inculte, livré sans réflexion aux emportements de l’imagination et aux passions malsaines suggérées par des lectures déréglées. Les retombées sociales de la littérature, à l’âge médiatique, s’exercent à deux niveaux. À titre individuel, les œuvres à la mode multiplient les « victimes du livre », pour reprendre l’énergique formule de Vallès26 : combien d’Antony exhibent complaisamment une pâleur fatale, et tâtent sous leur habit étriqué un imaginaire poignard ! Au niveau collectif, la construction de soi, la perception de l’intime comme les représentations du social empruntent leurs paradigmes aux textes littéraires les plus marquants de l’époque : « S’il devient banal de dire que la littérature est l’expression de la société, il n’est pas moins vrai d’ajouter que la société aussi se fait l’expression volontiers et la traduction de la littérature. Tout auteur tant soit peu influent et à la mode crée un monde qui le copie, qui le continue, et qui souvent l’outrepasse27. »

La querelle du roman feuilleton, dans les années 1840, montre clairement les enjeux idéologiques de cette porosité : les représentations fictionnelles du social (et leur cauchemardesque corollaire, l’invention littéraire des classes socio-économiques) génèrent un imaginaire politique clivant, attisent les passions égalitaires les plus violentes, et débouchent sur les tentatives insurrectionnelles. Tel mélodrame social pousse chaque soir son public à ériger, au sortir du spectacle, les barricades contre un monde mal fait… Après 1848, nombre de journalistes et d’écrivains écrivent, à chaud, une histoire littéraire de la monarchie de Juillet qui vaut comme généalogie de la révolution : « Les années 1848-1850 ont ainsi été marquées par une réflexion multiforme sur les origines littéraires de la révolution de février. Dans les années 1850, ce questionnement débouche sur une série de travaux très accusateurs concernant le rôle moral et social de la littérature – et en tout premier lieu du roman – pendant la monarchie de Juillet. Dans l’ombre portée des événements de 1848, s’écrivit ainsi une première histoire de la littérature et de ses usages entre 1830 et 1848. Histoire officielle, peu écoutée et méprisée des gens de lettres qui, loin de toute célébration des gloires du romantisme, présentait l’époque de la monarchie de Juillet comme un temps d’expérimentations dangereuses28. »

Sous le Second Empire, la vigilance de la censure provoque un reflux du politique vers les discours indexés comme « littéraires » ; l’histoire culturelle voit sa dimension idéologique renforcée par ce déplacement : « Tout se tient. La littérature change de tour quand la politique change de face29 », note sobrement Vallès…

À ces orientations politiques assumées s’articulent les enjeux idéologiques qui sous-tendent les choix méthodologiques revendiqués par les critiques. Lorsque Désiré Nisard publie, en 1834, la première édition des Études de mœurs et de critique sur les poëtes latins de la décadence, reprenant une série d’articles initialement parus dans la Revue des Deux mondes, il indique clairement le parallèle établi entre la poésie contemporaine de Lucain et la littérature « de notre temps », « où les imaginations les plus riches ne peuvent plus rien pour la vraie poésie, et n’ont plus que la force de détruire avec scandale les langues30. » Comme la poésie latine de la décadence, la modernité romantique privilégie l’indépendance de l’artiste et une esthétique de l’individualité ; elle défend les droits du créateur à l’originalité, et admire les beautés scandaleuses qui en sont l’expression : cette attaque contre la « discipline littéraire » a d’immédiates retombées sociales, en introduisant dans les esprits un ferment de dissolution et de démoralisation. Littérairement, cette tendance à l’anarchie se traduit par l’émeute des détails, l’exagération dans l’expression, la dissolution des hiérarchies d’ensemble au profit des effets ponctuels, le chatoiement des formules au détriment du développement organique de l’œuvre, enfin une esthétique du choc privilégiant les moyens matériels (hypotyposes, figures violentes, irrégularités dans le lexique et dans le style). L’ensemble vaut comme symptôme, mais aussi comme cause ; d’où la mission du critique, qui, par la vertu du parallèle et de la démonstration, fait de l’histoire littéraire une arme contre les ferments de décadence : « Dans un pays où la littérature gouverne les esprits, même la politique, domine les pouvoirs de l’État, donne un organe à tous les besoins, une voix à tous les progrès, un cri à toutes les plaintes […] ; où elle agit, non seulement sur le pays, mais sur le monde, la critique n’est plus une spéculation oiseuse, mais un devoir littéraire et moral31. »

L’offensive de Nisard repose sur un double parallélisme : l’affirmation des droits absolus du créateur dans la sphère culturelle reflète la définition démocratique des droits de l’individu dans la société ; la valorisation des « beautés de détail » au détriment de l’unité organique de l’œuvre renvoie à une vision individualiste et égalitaire du collectif – l’ensemble emblématisant la dégénérescence générale des valeurs, laquelle annonce la dissolution d’une civilisation. Cinquante ans plus tard, dans un contexte où cette notion de décadence cristallise les débats (dans À rebours, Huysmans, par l’intermédiaire de Des Esseintes, répond point par point à Nisard), c’est au « darwinisme littéraire » que Brunetière emprunte ses paradigmes de référence, pour penser l’histoire littéraire dans une perspective non moins organique et réactionnaire. Remy de Gourmont ne s’y trompe pas : « Pourquoi donc M. Brunetière avait-il essayé de greffer sa méthode sur le darwinisme ? C’est que Darwin, comme tout autre historien de la vie animale, d’ailleurs, fait abstraction des individus. L’histoire naturelle ne connaît que les espèces et elle admet, en principe, que tous les individus normaux d’une même espèce sont identiques, à un moment donné, les uns aux autres. La méthode scientifique plaisait à M. Brunetière, parce qu’elle lui permettait de combattre l’individualisme, qui lui a toujours paru à la fois un danger social et un danger intellectuel32. »

L’histoire littéraire, de facto, est politique, dans ses choix méthodologiques comme dans ses cadrages esthétiques. Rien d’étonnant à ce que la lansonisme, au tournant du siècle,  s’impose dans un contexte où la littérature est chargée d’incarner les valeurs de la République, et la grandeur du passé national.

On ne s’étonnera pas de ces usages offensifs de l’histoire littéraire : la révolution historiographique libérale s’était elle aussi fondée sur l’engagement militant, le passé expliquant et légitimant les convictions politiques défendues par l’historien. Cette dimension fonctionnelle est consubstantielle à l’histoire littéraire, qui, loin de se vouloir désintéressée ou de cultiver une quelconque objectivité, revendique une perspective orientée, déterminée par les luttes contemporaines : « Les deux périodes récentes où il s’est passé en France les évolutions les plus décisives pour la conception de l’histoire littéraire (l’après-révolution romantique et la Belle Époque lansonienne) sont aussi celles où la littérature elle-même a paru changer brusquement de visage33. »

La stratégie victorieuse des classiques, imposant une esthétique promise à deux siècles de domination institutionnelle, peut servir d’exemple aux combattants de la modernité. Le « siècle de Louis XIV » a en effet produit, en simultané, son mythe, sa légende et son histoire : « L’idée d’une rupture poétique au tout début du XVIIe siècle, ouvrant la voie à ce qui deviendra le classicisme (le célèbre “Enfin Malherbe vint” de Boileau…) est devenue un lieu commun dès les années 1640. L’histoire littéraire n’est pas ici le résultat du regard rétrospectif que des savants ou des érudits ont pu porter sur le passé mais elle est, au contraire, le fait d’acteurs engagés dans la vie littéraire, qui assoient leurs convictions et leurs prises de position sur la représentation du passé récent et elle s’est ainsi constituée en fonction des enjeux immédiats de l’histoire littéraire – ici, le souci de légitimer littérairement l’évolution de la monarchie française34. » Gautier n’a pas tort de l’affirmer : Boileau et sa bande de « brigands de la pensée » furent les romantiques de leur époque, et s’imposèrent dans la longue durée en confisquant à leur profit l’histoire littéraire immédiate.

Victor Hugo et ses militants sauront s’en souvenir, tout comme les avant-gardes qui, à la fin du siècle, réinventent, contre l’impérialisme réactionnaire des grandes revues, une histoire littéraire immédiate et agressive, joignant « discours critique et posture manifestaire » : la jeune critique privilégie « les études à faible recul, qui offrent de lire l’histoire du mouvement littéraire à la lumière de prises de position esthétiques clairement affichées et revendiquées35. » L’histoire culturelle de la modernité se définit comme très contemporaine, saisie sur le vif, objet d’annales ou de témoignages engagés ; elle vaut aussi comme entreprise de démolition. « La dissertation d’histoire littéraire, enfin, est largement récupérée à des fins manifestaires : aux propos très documentés et académiques de grandes revues se substituent des constructions de lignes inédites, des révélations de logiques souterraines de l’histoire officielle, mettant en avant des panthéons nouveaux et des héros dont les noms se répètent de revue en revue comme des slogans36. »

L’histoire littéraire dans tous ses états

Une perspective rétrospective sur la généalogie de l’histoire littéraire incite à privilégier les formes qui, dans le journal ou (surtout) dans les grandes revues, préfigurent la discipline que nous connaissons sous ce nom : articles de fond, dissertations, tableaux, portraits littéraires – ce qui amène à minimiser l’influence du support médiatique dans l’élaboration d’une pensée historique de la littérature. Or, nombre des problématiques les plus porteuses pour l’avenir s’élaborent dans d’autres types de textes, essentiels pour comprendre comment se construit un point de vue nouveau sur l’évolution littéraire.

Élaborée par des écrivains journalistes, dans une presse encore pleinement littéraire, la critique n’a pas seulement une fonction métatextuelle ; la chronique engage un dialogue avec le texte commenté, voire le concurrence sur son propre terrain – à cet égard, l’analyse des pièces représentées, dans le feuilleton dramatique, vaut à la fois comme réécriture piquante37 et comme critique en acte, le journaliste pouvant soit améliorer les passages ratés, soit mettre en valeur l’exceptionnelle nullité de l’œuvre en prélevant quelques morceaux (bien) choisis. L’article critique ménage des détours, des digressions, des échappées où le journaliste se fait conteur, romancier, autobiographe – non sans fonction compensatoire, ou visée d’auto-promotion : « [Le texte] apparaît selon les cas tantôt comme un pré-texte littéraire, dans lequel l’aspirant écrivain  se fait en quelque sorte la main à travers de multiples morceaux de genres variés, tantôt une forme de résolution postérieure à des tentatives de librairie, heureuses ou non, dans laquelle l’écrivain élabore une manière nouvelle38. »

L’essai d’histoire littéraire, en privilégiant le récit, tend à mobiliser les procédés de mise en intrigue propres à la fiction. Sainte-Beuve présente l’histoire de Port-Royal comme un poème dramatique en acte, joignant l’austérité de la tragédie antique à l’émotion du drame moderne : « Ce Port-Royal, en sa destinée, forme un drame entier, un drame sévère et touchant, où l’unité antique s’observe, où le chœur avec son gémissement fidèle ne manque pas. La noble et pure figure de Racine s’y présente, s’y promène39… » Les portraits littéraires campent des héros au sens plein du terme, de vivantes légendes dont la biographie dramatisée est scandée par des péripéties aussi curieuses que significatives. Les Grotesques mis en scène par Gautier ont une existence burlesque et accidentée, à l’image de leurs choix esthétiques – à la fin du XIXe siècle, en pleine période lansonienne, des études très sérieuses reprendront cette tradition de la biographie romancée40.

Lorsque le critique mène ses investigations dans les marges ou les envers de la littérature consacrée – l’histoire littéraire, rappelons-le, eut pour premiers objets les écrivains « mineurs » – la tendance à la fictionnalisation se renforce. Sainte-Beuve l’avoue sans embarras : « “En choisissant avec prédilection des noms peu connus ou déjà oubliés, et hors de la grande route battue, nous obéissons donc à un goût de cœur et de fantaisie qui fait produire à d’autres, plus heureux d’imagination, tant de nouvelles et de romans […] C’est souvent l’intérêt unique de ces petites nouvelles à un seul personnage.” La plupart des lecteurs de Sainte-Beuve ont su apprécier ce vacillement de l’écriture que les portraits donnent à lire [… ] La série des Portraits de femmes montre en effet une inflexion croissante dans le sens du conte, parfaitement orchestrée après coup par le critique lorsqu’il récrit ses divers articles en volume41. »

À la tentation de la fiction répond, symétriquement, une tonalité autobiographique assumée voire revendiquée, chaque fois que le critique, se recommandant de sa seule sincérité, se présente comme un porte-parole du public dont il reflète et exprime la sensibilité. Dans une perspective impressionniste, la chronique ou le feuilleton se définissent comme le journal intime d’un lecteur (Anatole France raconte « les aventures de [s]on âme au milieu des chefs-d’œuvre »), dont l’abonné pourra suivre le déploiement au fil des semaines : l’histoire littéraire au quotidien est radicalement privatisée, à la manière, peut-être, d’un Michelet.

Inversement, le journaliste, lui-même écrivain, est souvent partie prenante de l’histoire littéraire immédiate, ou à faible empan, qu’il construit pour ses lecteurs. Ceux-ci peuvent repérer, d’article en article, les éléments disjoints de Mémoires de la vie littéraire (le genre est en plein essor sous le Second Empire) ; le critique est un mémorialiste contraint à l’écriture fragmentaire – c’est toute une histoire du romantisme que Gautier dissémine dans son feuilleton dramatique. Très logiquement, les Mémoires d’écrivains (Chateaubriand, Dumas, Sand…), qui justement paraissent en feuilleton après 1848 (grand moment récapitulatif), proposent une histoire littéraire intégrée – non sans effets de circulation et de contamination : « La comparaison entre les grands articles [de Sand] sur Latouche (1851) et Balzac (1853) et les passages d’Histoire de ma vie sur ces deux écrivains fait apparaître bien des éléments communs – au point que m’article sur Latouche peut se lire comme une version pré-originale d’une séquence de l’autobiographie –, tout en révélant ce que chaque forme d’écriture doit aux contraintes éditoriales […] Certains articles critiques, en particulier ceux qu’elle consacre à Victor Hugo sous le Second Empire, peuvent se lire comme une continuation selon d’autres modalités du discours sur soi42. »

Construite au croisement de plusieurs modes de récit, l’histoire littéraire subit de multiples tropismes ; tenant à la fois de la fiction, des Mémoires et de l’autobiographie d’artiste, elle met en circulation des récits semi-légendaires et des mythologies souvent compensatoires. Cette tendance s’épanouit d’autant plus volontiers qu’en ses débuts, l’approche historique de la littérature se justifie par la spécificité de son corpus de prédilection : « À l’origine, rhétorique et histoire littéraire […] ont commencé par se partager les époques de la littérature : à la rhétorique, qui définit les règles de l’art, revenaient toutes les périodes d’apogée et, dans chque littérature, les siècles de classicisme, souvent les époques majeures et om triomphe la norme ; à l’histoire littéraire échoit, par soustraction, d’abord la menue monnaie des siècles littéraires, les époques et auteurs secondaires, les périodes de transition et plus encore de décadence. C’est ici un fait patent, le conflit entre les deux écoles fut d’abord une bataille de corpus43. » C’est précisément cette vocation interstitielle qui permet à Sainte-Beuve d’insérer ses petits romans dans les entre-deux inexplorés de la littérature monumentalisée.

Renouvelant les points de vue, l’histoire littéraire cartographie les territoires culturels jusque-là exclus ou marginalisés ; elle explore aussi les entours et les envers des scènes culturelles officielles, d’autant plus volontiers que l’écrivain journaliste, par profession, connaît parfaitement les coulisses de la vie littéraire.  Coulisses au demeurant peu reluisantes, à l’âge médiatique. D’où, par compensation, la survalorisation des formes de sociabilité littéraires anciennes, relevant de l’ancien régime de la littérature (les groupes fermés, les conversations privées, les écrits intimes, les correspondances…), dont quelques cénacles ou amitiés d’élite restituent l’esprit au sein même d’une modernité dominée par les industries culturelles naissantes. Le journaliste rêve ainsi de transfigurer la presse, cette ignoble usine à gloire, en brûlant foyer de création littéraire – à ceci près que le texte imprimé ne recueille qu’une infime partie de l’inventivité déployée dans les conversations, les salons, les brasseries. « [L’écrivain] reste attaché aux processus de communication internes, qui reposent sur des liens de complicité entre les acteurs du système, commentateurs ou auteurs […] À la limite, atteinte par Sainte-Beuve, toute la littérature publiée, même et surtout la plus reconnue, ne constituerait qu’un vaste paravent cachant aux regards des lecteurs la seule littérature qui vaille, une littérature privée, orale, éphémère, intransmissible44. » On songe aux innombrables dîners de journalistes mis en scène par Balzac – dans des cabinets particuliers, des boudoirs d’actrices, des loges de théâtre : là s’exprime, et se perd, le plus pur de l’esprit contemporain.

Ce double fond des littératures, accessible aux seuls aventuriers de l’histoire littéraire, transforme finalement le critique en explorateur de mondes virtuels. La rêverie créatrice se déploie dans les trous et les silences de l’œuvre écrite : « Nous aimons assez ces œuvres interrompues auxquelles l’imagination du lecteur est forcée de chercher un dénouement45 », avoue Gautier à propos de Scarron. Sainte-Beuve aime à faire sortir de son ornière la roue de l’histoire littéraire : d’où son goût pour les écrivains chronologiquement décalés, qui ne sont pas plus de leur temps que les Jeunes-France ne sont contemporains du roi à parapluie ; d’où, aussi, des songeries sur ce qu’aurait pu être une histoire culturelle alternative.

Le journal n’est pas seulement, au XIXe siècle, un support de prédilection pour les pionniers de l’histoire littéraire émergente : c’est dans et par la presse que s’éprouve et s’élabore un nouveau rapport, spécifiquement historique, à la littérature. Chroniqueur en direct des pratiques culturelles contemporaines, l’écrivain journaliste expérimente diverses manières de comprendre le temps des œuvres – d’autant plus que sa propre écriture est scandée et rythmée par une actualité qu’il subit autant qu’il contribue à la façonner. Metteur en scène d’une « vie littéraire » dont il participe (dont il se rêve l’auteur ?), le critique déploie dans le journal tous les aspects du fait littéraire – ouvrant des perspectives inédites (sociologiques, économiques, institutionnelles) sur la production des biens culturels : la définition même de la littérature s’en trouve renouvelée, et problématisée. Se déployant dans la presse, l’histoire littéraire assume pleinement son double statut, cognitif et interventionniste ; elle infléchit voire bricole à son propre usage toutes sortes de formes narratives, pour écrire (c’est-à-dire créer) une histoire littéraire totale – totalement historique et totalement littéraire.

(Université Montpellier 3, RIRRA 21)

Notes

1  Luc Fraisse, Les fondements de l’histoire littéraire. De Saint-René Taillandier à Lanson, Paris, Champion, 2002.

2  Voir sur ce point les analyses de Judith Lyon-Caen, La Lecture et la vie. Les usages du roman au temps de Balzac, Paris, Tallandier, 2006, p. 44-49.

3  L. Fraisse, Les fondements de l’histoire littéraire, op. cit., p. 95.

4  Olivier Bara « Le théâtre et la scène », La Civilisation du journal, Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant dir., Paris, Nouveau Monde éditions, « Opus magnum », 2012, p. 1567.

5  Voir sur ce point l’article d’O. Bara, « Théophile Gautier, historien du théâtre ? », Gautier, une écriture paradoxale de l’histoire, Martine Lavaud et Corinne Saminadayar-Perrin dir., Bulletin Gautier, n° 34, 2012, p. 46-60.

6  Marie-Ève Thérenty, Mosaïques. Etre écrivain entre presse et roman (1829-1836), Paris, Champion, 2003, p. 400.

7  Cf. Qu’est-ce qu’un événement littéraire au XIXe siècle ? , Corinne Saminadayar-Perrin dir., Publications de l’université de Saint-Étienne, « Le XIXe siècle en représentation(s) », 2008.

8  Alain Vaillant, L’Histoire littéraire, Paris, Armand Colin, « U-Lettres », 2010, p. 240-241.

9  Théophile Gautier, Journal officiel, 22 mars 1869, repris dans Théophile Gautier journaliste, édité et préfacé par Patrick Berthier, Paris, GF, 2011, p. 366.

10  Yoan Vérilhac, La jeune critique des petites revues symbolistes, Publications de l’université de Saint-Étienne, « Le XIXe siècle en représentation(s) », 2010, p. 121.

11  A. Vaillant, « Conscience historique et culture médiatique », La Civilisation du journal, op. cit., p. 1322-1323.

12  T. Gautier, La Presse, 10 décembre 1838, repris dans les Œuvres complètes, Critique dramatique (1837-1838), textes édités et préfacés par P. Berthier, Paris, Champion, 2003, p. 726.

13  Gille, revue du Figaro du 2 janvier 1880, passage cité et commenté par Marie-Françoise Melmoux-Montaubin, « La critique littéraire », La Civilisation du journal, op. cit., p. 946-947.

14  J. Lyon-Caen, La Lecture et la vie, op. cit., p. 45 .

15  Christine Planté, « George Sand critique littéraire », George Sand journaliste, M. E. Thérenty dir., Publications de l’université de Saint-Étienne, « Le XIXe siècle en représentation(s) », 2011, p. 136.

16  Cf. A. Vaillant, « Culture médiatique et conscience historique », La Civilisation du journal, op. cit., p. 1322.

17  T. Gautier, Le Moniteur universel, 25 février 1856.

18  Passage cité par L. Fraisse, Les Fondements de l’histoire littéraire, op. cit., p. 99.

19  M. F. Melmoux-Montaubin, « La critique dans la presse quotidienne de 1836 à 1891 », article cité, p. 15. Un « Commérage » consacré à Auguste Maquet amène un long article sur la collaboration littéraire, et un « Instantané » sur Dumas.

20  A. Vaillant, L’Histoire littéraire, op. cit., p. 114.

21  O. Bara, « Les spectacles », La Civilisation du journal, op. cit., p. 1059.

22  Jules Vallès, « Les romans nouveaux » (article inaugurant la rubrique), Le Progrès de Lyon, 14 février 1864, Œuvres, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1975, t. 1, p. 323-324.

23  A. Vaillant, « La presse littéraire », La Civilisation du journal, op. cit., p. 331.

24  T. Gautier, Les Grotesques [1844], Préface, Bassac Plein chant, 2012, p. 9.

25  J. Vallès, « Les romans nouveaux », Le Progrès de Lyon, 12 décembre 1864, Œuvres, op. cit., p. 462.

26  J. Vallès, « Les Victimes du livre », Le Figaro, 9 octobre 1862 ; l’article est repris en 1865 dans le recueil Les Réfractaires (Œuvres, op. cit., t. 1, p. 230-246).

27  Sainte-Beuve, Portraits contemporains, cité par Anne Prassoloff et José-Luis Diaz dans l’introduction de Pour la critique, Paris, Gallimard, « Folio-Essais », 1992, p. 63-64.

28  J. Lyon-Caen, La Lecture et la vie, op. cit., p. 265. L’auteur précise : « Le journaliste catholique Alfred Nettement publie en 1854 une Histoire de la littérature sous le gouvernement de juillet. En 1859, Sirtema de Grovestins publie une anthologie accusatrice : Les Gloires du romantisme appréciées par leurs contemporains » (p. 268).

29  J. Vallès, « Les Livres nouveaux », Le Progrès de Lyon, 10 octobre 1864, Œuvres, op. cit., t. 1, p. 400.

30  Désiré Nisard, Études de mœurs et de critique sur les poëtes latins de la décadence, « Préface de la première édition », Paris, Hachette, 1849 [deuxième édition – la date est significative], p. X.

31  Ibid., p. XIV.

32  Remy de Gourmont, « M. Brunetière », Antée, janvier 1907, passage cité par Y. Vérilhac dans La jeune critique, op. cit., p. 118.

33  A. Vaillant, L’Histoire littéraire, op. cit., p. 11.

34  Ibid., p. 34.

35  Hélène Millot, « Discours critique et posture manifestaire dans les petites revues littéraires de la fin du XIXe siècle », Presse et plumes. Journalisme et littérature au XIXe siècle, M. E. Thérenty et A. Vaillant dir., Paris, Nouveau monde éditions, 2004, p. 508.

36  Y. Vérilhac, « La petite revue », La Civilisation du journal, op. cit., p. 368.

37  Le prospectus du Monde dramatique (la revue de Nerval), en 1835, souligne clairement cette valeur littéraire de l’analyse, laquelle offre au lecteur à la fois un substitut de représentation et un récit inédit : « Ces analyses, qu’on pourrait craindre de trouver trop littéraires, auront tout l’amusement d’un conte, ou tout l’intérêt d’une histoire. En effet, dans toute pièce digne de remarque, il y a la matière au moins d’une nouvelle ou d’un conte. Que le rédacteur qui l’analyse se pénètre bien de cela, et il énoncera son sujet clairement, cachera les fils de l’action, ménagera les centres d’intérêt, amènera des surprises par les péripéties, et encadrera même les citations traduites des meilleurs endroits, ainsi que de temps à autre, on met en scène les personnages, et l’on amène un dialogue dans le récit d’un conte ou d’un roman. »

38  M. F. Melmoux-Montaubin, « “Contes de lettres” et écriture de soi : la critique littéraire dans le journal au XIXe siècle », Presse et plumes, op. cit., p. 486.

39  Sainte-Beuve, Port-Royal, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1953, p. 89.

40  On rapprochera les articles de Gautier de ceux que commente Sandrine Berregard dans « L’exemple d’auteurs “préclassiques” redécouverts en France à la fin du XIXe siècle : enjeux esthétiques et idéologiques », L’histoire littéraire à l’aube du XXIe siècle. Controverses et consensus, L. Fraisse dir., Paris, PUF, 2005, p. 114 notamment.

41  M. F. Melmoux-Montaubin, « “Contes de lettres” et écriture de soi : la critique littéraire dans le journal au XIXe siècle », Presse et plumes, op. cit., p. 490 et 491.

42  C. Planté, « George Sand critique littéraire », George Sand journaliste, op. cit., p. 131.

43  L. Fraisse, Les fondements de l’histoire littéraire, op. cit., p. 66.

44  A. Vaillant, L’Histoire littéraire, op. cit., p. 274.

45  T. Gautier, « Paul Scarron », Les Grotesques, op. cit., p. 346.

Pour citer ce document

Corinne Saminadayar-Perrin, « L’atelier médiatique de l’histoire littéraire », L’Atelier médiatique de l’histoire littéraire, sous la direction de Corinne Saminadayar-Perrin Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/latelier-mediatique-de-lhistoire-litteraire/latelier-mediatique-de-lhistoire-litteraire