Le journalisme francophone des Amériques au XIXe siècle

Les journaux français publiés au Brésil et les échanges transnationaux (1854-1924)

Table des matières

VALÉRIA GUIMARÃES

« Unissez la lumière de l'Europe au soleil de l'Amérique.
C'est au nom de la France que je vous glorifie! »

Victor Hugo, 1860

La presse en français publiée au Brésil a surgi très tôt, à peine vingt ans après la libération des presses au pays1. Elle émerge de l'action des immigrants qui formaient de véritables enclaves franco-brésiliennes, créées en pleine ère de consolidation de la nouvelle nation. Ils ont agi autant dans des périodiques entièrement brésiliens que dans ceux des colonies françaises installées ici, mettant en question une homogénéité culturelle apparente. C’est contre l'artificialité du concept de nation et considérant la fugacité de ces identités « imaginées »2, fluides, instables, constituées d’emprunts, de refus et d’ajustements, que la recherche sur les connexions transnationales se penche sur les échanges et médiations (institutionnelles ou individuelles) et tente de comprendre la complexité de ce phénomène, déconstruisant une image qui se prétend univoque. Les conditions historiques qui ont rendu possibles ces combinaisons se présentaient de manière plus solide dans le contexte de l'augmentation de l'urbanisation, de l'immigration et dans la réception positive de la culture française, formant ainsi une conjoncture favorable aux interactions.

À notre connaissance, le premier périodique en français date de 1827. Intitulé L’Indépendant : feuille de commerce, politique et littéraire3, il a été rapidement remplacé par L’Écho de l’Amérique du Sud4, la même année. Réfutant les possibles résistances que les lecteurs pourraient ressentir envers un titre publié entièrement en langue étrangère au sein d’une assez restreinte production nationale, l’éditeur de ce dernier, M. Jourdan, justifiait son entreprise en affirmant que d’autres pays comme l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie, la Hollande, les États-Unis, l’Argentine et même d’autres régions plus distantes, comme le Moyen-Orient, possédaient aussi des journaux en français. Pour lui, Rio de Janeiro était une « véritable métropole de l’Amérique du Sud (…) où l’on voit un concours prodigieux d’Étrangers de tous les Pays dont le seul moyen de communication intellectuelle est le français; (…) où toute personne dont l’esprit a reçu quelque culture, parle ou du moins entend et lit le français »5, ce qui justifiait la pertinence de son journal. La presse francophone brésilienne naît ainsi d’une inclinaison cosmopolite et transnationale.

Les titres plus éphémères, durant entre un et trois ans, prédominent jusqu’à la moitié du XIXe siècle. Pour cette raison, cet article a pour but de présenter un panorama de la presse francophone publiée au Brésil après cette période, entre 1854 et 1924, où ces périodiques ont une diffusion plus significative. Parmi les publications qu’on a pu consulter, quelques-unes étaient encore assez précaires et artisanales, mais il y en avait aussi de plus durables et solides. La majorité d’entre elles avait un contenu informatif et présentait peu d’illustrations, avec quelques exceptions comme le Ba-ta-clan – chinoiserie franco-brésilienne (1867-1871). En ce qui concerne la circulation, il n’a pas été possible de préciser le tirage de la plus grande partie des périodiques. Une exception se retrouve dans La Petite Revue qui, en 1902, annonçait la publication régulière de quatre mille exemplaires. En général, il s’agit de périodiques qui ciblent la communauté française installée au Brésil et ses intérêts (diplomatiques, économiques, politiques et culturels).

Cependant, des textes et annonces en français, mais aussi en portugais ou en anglais, montrent que le lectorat des journaux franco-brésiliens pourrait être plus varié. On peut supposer que ces journaux étaient donc accessibles à un public plus large, comme le remarquait M. Jourdan, puisque le français était la langue véhiculaire au moins jusqu’à la Première Guerre mondiale, ce qui garantissait un certain succès aux périodiques dans cette langue.

Dans ce bref aperçu, on s’interrogera sur la chronologie de ces périodiques, sur les raisons qui justifient leur publication dans le contexte brésilien, sur les types de journaux et revues existants (s’ils étaient politiques, littéraires ou informatifs, ou s’ils réunissaient plusieurs de ces attributs) et, comme principal objectif, on essayera de comprendre le rôle joué par les médiateurs dans ce réseau transnational.

Cela dit, on adoptera des procédures essentielles6 qui nous mèneront à une connaissance plus profonde des publications, considérant les nouveaux défis posés par l’accès aux sources numérisées. Au-delà de la caractérisation du support (dimensions, format, mise en page, périodicité, circulation, etc.), de l’analyse du contenu (thème, structure, ressources graphiques, etc.), on voudra déterminer qui sont les éditeurs, les collaborateurs et les groupes qu’ils représentent, de même que les rapports établis entre ceux-ci et les Brésiliens. Et, last but not least, il sera question de construire des hypothèses sur leurs lecteurs potentiels.

Il est important de considérer que nous sommes confrontés à une nouvelle réalité de recherche engendrée par les développements technologiques. À la facilité d’accès à une grande quantité de journaux numérisés s’opposent quelques inconvénients comme la difficulté de lecture, l’organisation d’un corpus si vaste et l’impossibilité de vérifier quelques aspects morphologiques (taille, volume et type de papier). Ainsi, l’habituelle sélection méthodologique, selon laquelle on choisit certains types de thèmes, rubriques ou articles liés à un sujet de recherche, doit être encore plus précise7.

Comme notre intention est d’abord de donner un aperçu large du corpus, on se tiendra à ce stade à une description plus générale de celui-ci, en soulignant certains titres. Nous remettrons à une autre occasion l’analyse du rôle joué par les médiateurs, même si quelques-unes des nos découvertes à cet égard seront ici survolées.

L’âge d’or de la presse francophone au Brésil

Commençons donc avec la chronologie. Adoptons aussi comme objet l’axe Rio-São Paulo, le plus dynamique du Brésil de l’époque. Nous avons établi comme coupe temporelle la période qui va de 1854-1924, tel qu'on a exposé ci-dessus, en suivant la logique interne dictée par la nature des sources. Ces années correspondent au moment où l’on atteint un pic de publications francophones en nombre et en importance, à partir de l’apparition du Courrier du Brésil (1854-1862), à Rio de Janeiro, jusqu’au Messager de St Paul (1901-1924), à São Paulo. Nous pourrions appeler cette période l’« âge d'or » de la presse francophone au Brésil.

Cette période correspond aussi à la montée de la presse commerciale nationale et des possibles échanges de savoir-faire entre les Brésiliens et les Français dans le cadre de la presse périodique. Le rôle des Français dans le secteur de l'édition y compris les libraires, les journalistes et les typographes était significatif dans des villes comme Rio de Janeiro et São Paulo, en dépit des chiffres réduits de leur immigration vers le Brésil. Il y a certes eu un encouragement officiel pour attirer les Français à travailler dans les colonies agricoles au début du XIXe siècle, mais les expériences avortées en raison du non-respect des promesses de bonnes conditions de travail ont mené le gouvernement français à lancer une Mise en garde du gouvernement français contre l’émigration en 1859 et un Décret officiel pour l’interdiction de l’émigration en 1875. Ces mesures ont eu des répercussions immédiates au Brésil, en limitant le nombre de ces immigrants. Tout en étant le deuxième pays le plus important en ce qui concerne la présence française en Amérique latine, derrière l'Argentine, le Brésil a pourtant été représenté par une immigration très timide8.

L'entrée des Français à Rio de Janeiro et à São Paulo a été spontanée, sans soutien officiel, et a été limitée à des parcours individuels, à quelques exceptions près, comme dans le cas de la Mission française, qui obéissaient à la logique des diasporas politiques et des crises économiques ultérieures en sol européen. Les données statistiques sont rares et imprécises, mais elles nous donnent une idée de la dimension restreinte de ces déplacements. Les chiffres, pour l’ensemble du Brésil, indiquent que nous avons, entre 1851 et 1900, un total de 12 604 immigrés Français, et entre 1904 et 1933, 19 573. En comparaison, sur cette dernière période sont arrivés dans le pays 353 018 Italiens et 371 656 Espagnols, soit un nombre beaucoup plus élevé que celui des Français. Sur une période de cent ans, entre 1820 et 1920, seulement 30 500 immigrants sont Français, par rapport aux 3 648 382 immigrants au total9. À São Paulo, entre 1872 et 1895, période qui comprend le phénomène connu sous le nom de la « Grande Migration », seulement 1,55 % des immigrants étaient des Français contre 63,38 % d’Italiens. Toujours dans cette province, on a enregistré dans le port d'entrée de Santos seulement 1 922 Français entre 1882 et 1891 et 1 415 entre 1902 et 193010. Dans le recensement du Ministère des Affaires étrangères de la France, on compte 3 624 Français vivant au Brésil en 1911.

Et pourtant, le champ de l'édition a bénéficié de l'arrivée de certains Français et l'activité de presse dans ces endroits a été fortement influencée par les échanges culturels et technologiques qu’ils ont promus. Dans les villes prédominait un groupe qualifié engagé dans le travail urbain, en particulier dans le commerce et dans des activités telles que la typographie, l'édition, l'éducation, l'art et l'ingénierie.

C’est principalement vers ces groupes que se tournaient les journaux et les revues français publiés localement. Le caractère officieux présenté par la migration réduite faisait de ces périodiques des organes d'utilité publique voués à la diffusion de nouvelles sur le Brésil pour ceux qui y arrivaient, de même que d’informations officielles, bureaucratiques et pratiques telles que des essais sur les caractéristiques de la société brésilienne, des statistiques démographiques, des descriptions du territoire et enfin des débats sur les conditions politiques et économiques. La plupart des feuilles présentaient également une discussion sur les nouvelles étrangères et importaient assez régulièrement les disputes tenues sur le sol français, alimentant les rivalités entre les groupes locaux. Le tableau des annonces, à son tour, aidait ces personnes dispersées à se localiser dans la ville, donnant un sens d’unicité organique à la colonie. Certains de ces journaux et de ces revues ont été vendus à l'étranger, car ils apportaient des informations à ceux qui voulaient venir au Brésil. Ces fonctions assuraient donc à la plupart de ces imprimés une survie et un but. Dans le cadre d’une migration unique, sans soutien institutionnel, les Français ont trouvé dans ces revues la tribune qui leur manquait.

La chronologie établie obéit aux facteurs internes et externes énoncés ci-dessus, qui se traduisent par la prédominance au XIXe siècle des publications à Rio de Janeiro, tandis qu’à São Paulo on trouve des publications en français seulement à partir de 1887, quand augmente le nombre d'immigrants français dans cette région. Ce cycle semble avoir un point d'inflexion en 1924, avec la fin du Messager de St Paul. À notre connaissance, il faudra attendre 1952, date à laquelle est publié à Rio de Janeiro Le Journal Français du Brésil11, avant de ravoir une publication en français au Brésil. Ce journal apporte un trait moderniste qui n’était pas encore présent dans les journaux de la phase sur laquelle nous travaillons.

La ville de Rio de Janeiro présente le plus grand nombre de publications en français pour la période qui nous concerne, comme on peut le voir ci-dessous (Graphique 01).

Graphique 1 - Périodiques en français publiés à RJ et SP entre 1854-1824. La plupart ont été publiés à Rio.

Des trente périodiques (journaux et magazines) en français publiés à Rio de Janeiro entre 1854 et 1911, seulement deux ont commencé à être édités au cours du XXe siècle. À São Paulo, nous avons retrouvé six journaux publiés en langue française dès la fin du XIXe siècle, après 1887 : un dans les années 1880, deux titres dans les années 1890 et un autre au XXe siècle (Graphique 02). Seul Le Messager de St Paul (1901-1924), plus tard intitulé Le Messager de São Paulo, a eu une publication plus régulière et étendue12.

Graphique 2 - Périodiques en français publiés à RJ et SP, par décennie (date de début de publication).

De toute façon, on peut affirmer que la publication des journaux français prédomine à Rio de Janeiro au XIXe siècle. São Paulo possède une production beaucoup plus timide, limitée à la phase de croissance économique de la ville et au moment de la Grande Immigration, dont le sommet a lieu dans les années 1890 et dont les conséquences seront ressenties dans les décennies suivantes (Graphique 03).

Graphique 3 - Périodiques en français publiés à RJ et SP, par période (XIXe et XXe siècle).

Pour la suite, nous essaierons de faire correspondre notre perspective panoramique et l’espace limité par la longueur d’un article. Nous décrirons quelques titres choisis en raison de leur importance et/ou de la facilité d'accès des sources, divisés par ville et par ordre chronologique de publication.

Les Français à Rio : périodiques pour tous les goûts

Courrier du Brésil

politique, littérature, revue des théâtres, sciences et arts, industrie, commerce (1854-1862)

Le deuxième numéro de cet hebdomadaire a été publié à Rio de Janeiro le dimanche 15 septembre 1854, au prix de 3 000 reis. Il était vendu à la librairie Pinto & Waldemar, 87 rue de l’Ouvidor, et la note qui ouvre le journal explique que les « communications doivent être adressées à M. Hubert » à cette librairie « où se trouve le bureau du journal »13.

La rue de l'Ouvidor offrait un exemple de la prédominance du commerce français. Laurence Hallewell dit qu’en 1862 sur « un total de 205 magasins, 93 appartenaient à des Français »14. Dans cette rue se trouvaient les librairies les plus importantes du pays, beaucoup d’entre elles possédées par des Français. À première vue, rien ne suggère que le bureau de la rédaction du Courrier du Brésil soit directement lié à la colonie française.

Toutefois, selon l'auteur, la librairie Waldemar, contrôlée par Frederico Waldemar, était l'ancienne librairie de Louis Mongie, français mort en 1853, qui y a maintenu un cabinet de lecture15 et qui était un lieu de rencontre de l'intelligentsia de l’époque, lieu exalté par Joaquim Manoel de Macedo dans ses Memórias da Rua do Ouvidor16. Le manque de lecteurs n’a pas découragé le libraire17 qui a ouvert son entreprise dans la plus française des rues de Rio en 1832 : « Le magasin de livres Mongie était le plus important de son temps, et le point de rencontre des savants et des lettrés, qui y tenaient des conférences animées, intéressantes et pleines d'esprit, où le propriétaire de l’établissement était un excellent et précieux partenaire »18.

Frederick Waldemar a commencé sa carrière dans la librairie de ce Français, puis en a assumé la direction après la mort de Mongie, en adoptant le nom de Pinto & Waldemar. En 1857, il rejoint Henrique José Aranha19, avec lequel il ouvre la Librairie Waldemar & Aranha. Il devient propriétaire en 1860 de la Librairie Impériale (ancienne Firmin Didot, librairie et maison d'édition française ayant des succursales à Rio entre 1846 et 1869), également située sur la rue de l’Ouvidor20. Autrement dit, F. Waldemar ne fait que changer d'adresse21 et d’entreprise française, succédant d’abord à Mongie, pour ensuite représenter Firmin Didot à Rio de Janeiro.

L’ancienne librairie Mongie a traversé le XIXe siècle avec des changements de nom et de propriétaire, mais vendant toujours des journaux en français. Cet établissement semble avoir représenté plus qu’un lieu d’abonnement à des journaux étrangers et, sous la propriété de F. Waldemar, a probablement continué la tradition du cabinet de lecture inauguré par son prédécesseur. Le libraire brésilien, en tant que représentant des Français avec lesquels il a travaillé, était sans aucun doute d'une grande importance pour le mouvement et pour la publication de journaux étrangers au Brésil.

Son implication ne se limitait pas seulement à vendre dans ses librairies des titres de périodiques importés. F. Waldemar a aidé à répandre une timide presse francophone qui évoluait aux côtés du journalisme national naissant, en lui servant de modèle et d'inspiration. Mais au-delà de modèles, si communs lorsqu’on parle de la presse, les journaux français publiés au Brésil ont offert un espace prolifique de discussion, réunissant Français et Brésiliens dans une interaction qui est devenue une partie de l'identité de la nation brésilienne, qui cherchait alors des références22.

Une attestation de ce fait semble avoir été le rôle politique joué par le Courrier du Brésil dans la diffusion des idées révolutionnaires d'un groupe de proscrits du gouvernement de Napoléon III au Brésil, les dits quarante-huitards. Adolphe Hubert, son éditeur, était un des exilés et a fait de la feuille l'organe représentatif du groupe assemblé dans la Sociedade Francesa de Socorros Mútuos [Société Française d'Entraide], fondée en 1856, à Rio de Janeiro, deux ans après son journal23. D'autre part, la longévité relative du Courrier (environ une dizaine d'années) a contribué au prestige attribué à cette publication au sein de la colonie française, même si ses penchants libéraux (voire démocrates socialistes) ont pu créer une certaine résistance parmi les divers groupes de la colonie24. Ce fut ce caractère de lieu de rassemblement des intellectuels français et brésiliens, en résonnance avec les débats locaux, qui lui a valu le statut de journal important pour la presse nationale.

Parmi les grands noms du Courrier du Brésil, on peut citer entre autres celui d'un collaborateur qui est devenu célèbre, plus encore que l'éditeur de Ad Hubert : Charles Ribeyrolles. « Unissez la lumière de l'Europe au soleil de l'Amérique. C'est au nom de la France que je vous glorifie! ». Avec ces mots, écrits dans une lettre au Brésil en 1860, le célèbre écrivain français Victor Hugo a appelé l'union des deux pays. La lettre était un remerciement de l'acceptation d’un ami français par les Brésiliens. Cet ami, c’était justement Charles Ribeyrolles, également proscrit au Printemps des Peuples de 1848, qui diffusait les idées révolutionnaires dans les tropiques, et qui avait collaboré au combatif journal français La Réforme et écrit l’œuvre Brésil pittoresque. Traduit comme Brazil Pittoresco – história – descripções – viagens – instituições, le livre porte sur sa couverture une annonce à l’Álbum de vistas – panoramas, paisagens, costumes, etc., etc. faits par son ami d'exil alors résident au Brésil, le Français Victor Frond25. Ribeyrolles habitait à Niterói, après avoir vécu sur l'île de Jersey. Exilé au Royaume-Uni, il a fondé en 1853 le journal L'Homme, qui a compté sur la collaboration de plusieurs noms français et européens, parmi lesquels Victor Hugo lui-même.

Ribeyrolles était le symbole du lien entre les continents européen et américain, symbole concrétisé dans le monument érigé en son honneur à Niterói avec les ressources d'une souscription ouverte par la presse à l'époque. Machado de Assis, célèbre auteur et journaliste brésilien, le considérait un ami proche. C’est d’ailleurs en 1859, lors d'une rencontre avec ces Français avec qui il sympathisait franchement26, qu’il a connu l’important libraire français Garnier27.

Pour compléter le cycle transnational, exactement sept ans après les débuts du Courrier du Brésil, l'édition du 15 septembre 1861 annonce sur sa couverture, en français, la Chronique Littéraire - Desencantos – fantaisie dramatique par Machado de Assis, pièce publiée en portugais par Paula Brito la même année28.

Cet hebdomadaire de huit pages sur trois colonnes, qui donnait une large place aux sujets français avec des sections nommées « Littérature », « Variété », « Industrie et Commerce », ou même avec des chroniques intitulées « Rio de Janeiro » (où les questions locales sont traitées dans une perspective française), se heurte bientôt à la concurrence de deux autres journaux : L'Écho du Brésil et de l'Amérique du Sud et le Figaro Chroniqueur, publiés à partir de 1859. Commençons par la présentation du premier, édité par Altève Aumont. Après tout, malgré sa courte vie (seulement deux ans), il a été une feuille d'une certaine importance à l'époque.

L’Écho du Brésil et de l’Amérique du Sud

(1859-1860)

L’édition du dimanche 1er mai 1859, premier numéro de l’Écho du Brésil et de l'Amérique du Sud se présente comme « une nouvelle feuille française » à Rio de Janeiro, ayant la « ferme conviction que nous pouvons être d'une certaine utilité pour nos concitoyens au Brésil, au Brésil lui-même et aux personnes qui s’occupent de l’Amérique du Sud en Europe ».

Édité par Altève Aumont, l'éditorial se réfère à ses pairs : « Deux journaux français sont maintenant publiés à Rio de Janeiro et ils ont sans aucun doute leur utilité (...). Nous ne nous considérons les adversaires de personne (...). Tant mieux si les intérêts français au Brésil sont défendus par de nombreux concurrents ». Il semble s’opposer au traitement des disputes françaises dans les journaux publiés hors de France et cite Napoléon I : « Le linge sale ne doit se laver qu'en famille » (EBAS, RJ, 05/01/1859).

Le discours de la « non-intervention dans les questions politiques locales » est récurrent dans les journaux étrangers de toutes les langues et apparaît aussi dans l’Écho29, de même que l'intention d'occuper un espace important dans la représentation des intérêts notamment commerciaux de la colonie française à Rio de Janeiro (EBAS, RJ, 01/05/1859). Aumont a insisté sur ce rôle dans une manifestation claire contre la ligne éditoriale du Courrier du Brésil, qui représentait explicitement un groupe politique et avait déjà suscité la controverse avec l'ancienne association des émigrés, la Bienfaisance ou Sociedade Francesa de Beneficência (fondée en 1836 avec le soutien de l'ambassade française à Rio de Janeiro30), apportant au Brésil des disputes originellement françaises.

L’objectif de l’Écho était de faire mieux connaître le pays, « la nation hospitalière à laquelle nous avons apporté nos connaissances et nos produits et qui nous nourrit et nous enrichit. Notre journal adoptera la politique d'accorder une place spéciale – la première – aux hommes et aux choses de l'Empire de D. Pedro II ». Le ton était très différent de celui présent dans le Courrier, ce qui nous amène à déduire qu’il devait attirer la sympathie d'une partie la communauté française qui n’était pas alignée avec les quarante-huitards. Par conséquent, il devait aussi être objet de l'antipathie du groupe qui entourait Hubert, Ribeyrolles, Fronde et d’autres.

Cette tension est plus explicite dans les pages du Courrier. La première attaque à Aumont est assez ironique et est datée du 23 mai 1858, un an avant les débuts de la publication de l’Écho. L’hebdomadaire annonce la nouvelle que le steamer anglais Le Tyne avait apporté « un journaliste français distingué, M. Altève Aumont, qui vient représenter ici une revue publiée à Paris il y a quelques mois et qui veux s’occuper du Brésil d'une manière toute particulière ». Il s’agit de la Revue brésilienne, espagnole et portugaise, qui commencerait à publier une chronique mensuelle sur l’actualité brésilienne, en plus des articles spéciaux sur la colonisation, l'agriculture, le commerce, l'industrie, les finances, l'importation et l'exportation, « faisant connaître en Europe un pays si mal jugé et ainsi contradictoirement apprécié par le Vieux Continent ». Cependant, le Courrier se dit aussi méfiant des résultats d'une telle entreprise, non pas parce qu’il doute des capacités de l’auteur « qui, nous le savons […] a dirigé avec succès plusieurs grands journaux de Paris », mais par ses opinions politiques « différentes des nôtres ».

Aumont répond rapidement, dans l’édition suivante du Courrier, en remerciant pour les éloges, mais en réfutant les critiques de ses intentions et en soulignant qu’il ne dira « que la vérité à l'Europe sur le Brésil et qu’elle (La Revue brésilienne, comme il le dit succinctement) s’interdira de servir à un parti en particulier ». Il ajoute que son objectif est de faire de la publicité au gouvernement de Pedro II en Europe afin de « multiplier les relations et favoriser l'intégration entre le Brésil et les nations européennes » et termine sur une interrogation destinée à Hubert, l'éditeur du Courrier, demandant si leurs positions sont vraiment si différentes. Hubert par la suite se rétractera : « Tant mieux, si nous nous sommes trompés » (LCB, RJ, 30/05/1858).

Aumont, selon le naturaliste et peintre français François Auguste Biard, voyageur qui a traversé l'Atlantique sur le Tyne avec lui, était un jeune homme « de physionomie gentille, intelligente », qui avait été envoyé au Brésil contre sa volonté « comme correspondant de la Revue des Races Latines. Il ajoute : « Pauvre Altève Aumont! Il serait l'une des prochaines victimes de la fièvre jaune, qui l'an dernier m’a arraché tous mes amis »31. Aumont avait également été correspondant au journal La Nation et on trouve des références sur lui dans les archives françaises comme Altève-Aumont-Morand ou Altève-Morand-Aumont ou simplement Altève Aumont, rédacteur en chef du journal satirique Triboulet (1857) où il semble avoir créé des problèmes, selon un autre journal satirique, Le Rabelais (1857).

Les informations sur Aumont sont donc rares. On ne peut pas être certain s’il a été envoyé en mission officielle en tant que correspondant ou forcé de quitter la France contre son gré, probablement en raison de problèmes liés à sa posture critique. Les seules informations récurrentes portent sur le fait qu'il était un journaliste français, et qu’il est mort de la fièvre jaune un peu plus de deux ans après son arrivée au Brésil en 1860, à l’âge de vingt-cinq ans32.

Le 21 novembre 1858, le Courrier nous donne plus d'indices. À cette époque, l'Écho n'avait pas encore commencé à être publié et Hubert semble témoigner d’une bonne opinion sur Aumont. Il dit que les intentions du jeune garçon étaient sérieuses, qu’il se consacrait à l'apprentissage de la langue et des choses locales, car il « ne voulait pas parler à gauche et à droite comme tous les voyageurs qui sont passés par ici et qui ont écrit leurs impressions ». Il précise que la Revue des Races Latines33, dont Aumont était correspondant, était l'ancienne Revue brésilienne, espagnole et portugaise. Ce dernier défendrait le Brésil, puisque le but de cette publication était de représenter les nations d'origine latine « contre l'origine anglo-saxonne, la France contre l'Angleterre, le Brésil contre les États-Unis » (LCB, RJ, 21/11/1858). Toujours selon Hubert, Aumont devait contribuer à une centaine de pages par numéro de la revue qui avait beaucoup d'abonnés en France, en Espagne, au Portugal, en Italie et en Belgique, qu’elle était lue par le corps diplomatique de ces pays, et que les grandes entreprises industrielles et financières s’y abonnaient aussi.

Ensuite, Hubert publie dans le Courrier une série de quatre comptes rendus sur la Revue des Races Latines faits par la presse brésilienne « provenant de la rédaction de ces journaux, et non de publications à la demande », 34 et traduits en français. Jornal do Comércio, Correio Mercantil, Diário do Rio de Janeiro, Correio da Tarde, tous soulignaient l'intelligence d’Aumont et l'élégance de sa prose. Hubert disait que la Revue avait plus de 400 pages35 et qu’on pourrait s’y abonner dans les bureaux mêmes du Courrier du Brésil, le journal qui lui avait offert une grande visibilité, en l’annonçant régulièrement jusqu'au 3 juillet 1859.

Nous observons que l’Écho du Brésil et de l'Amérique du Sud était déjà en circulation depuis mai de la même année. Alors que les références à la Revue des Races Latines étaient constantes et positives, les références à Aumont passent de méfiantes à amicales, comme on l'a vu. Cependant, à partir du 17 juillet commencent à paraître des notes sur l'Écho et la critique redevient défavorable : « L'Écho du Brésil, trop volumineux pour passer inaperçu est certainement dépourvu d'arguments... ». Le texte, signé par Hubert, accuse Aumont d'être présomptueux et, avec un ton impersonnel, explique sa rupture avec le jeune collègue. Il affirme que maintenant Aumont est « un autre homme ». Celui qu’il avait « présenté au monde de libres penseurs, un M. Altève Aumont qui a honoré le titre de correspondant de La Nation, un journal démocratique des plus estimés en Europe » était pour lui disparu. Et il ajoutait dédaigneusement : « Quant à l'autre personnage, nous l’abandonnons à ses petits instincts ».

Il faut comprendre de tout cela qu’Hubert jugeait Aumont digne de considération lorsque celui-ci se limitait à sa fonction de correspondant de périodiques français publiés à Paris et portant sur le Brésil, mais que lorsque le jeune journaliste se hasarda à publier un journal français au Brésil, l'Écho du Brésil et de l'Amérique du Sud, dont l'orientation politique n’était pas alignée avec celle du groupe du Courrier du Brésil, il devint par là un concurrent déloyal, et la posture d’Hubert changea par conséquent complètement. Ce dernier passa donc à la critique de la nouvelle entreprise du jeune Aumont, ainsi qu’à la disqualification de ses intentions.

L’amertume et le mépris d’Hubert sont explicites, jusqu’au point où il en vint à accuser directement Aumont d’être un « agent bonapartiste ». Dès lors n’apparaissent plus d’annonces de la Revue des Races Latines dans les pages du Courrier, et exactement quinze éditions après, le 30 octobre 1859, le journal publie une réplique à la critique négative que Charles Ribeyrolles reçut de l'Écho pour son livre Le Brésil Pittoresque : « notre illustre compatriote Ribeyrolles a été insulté par un agent bonapartiste dans un petit journal l'Écho du Brésil... » (LCB, RJ, 30/10/1859). Le texte est long et comprend également un passage écrit par Victor Frond, ainsi qu'une dernière observation d’Hubert, qui accuse Aumont de perfidie pour avoir dit que Ribeyrolles possédait un esprit démagogique, qu’il a eu la protection du gouvernement brésilien et que son travail était de mauvais goût. La réplique se poursuivit dans le numéro suivant et les pages de l’Écho montrent encore une autre controverse dans laquelle le groupe du Courrier fut impliqué.

Ainsi, le surgissement de l'Écho du Brésil et de l'Amérique du Sud dans le contexte de la presse en français publiée au Brésil est marqué par la personnalité controversée de son rédacteur en chef, qui très tôt se réverbère dans les pages du plus grand organe de la communauté française de l’époque, le Courrier du Brésil. Les conflits nationaux français sont clairement à l'arrière-plan de ces rivalités, qui vont au-delà des frontières de l’hexagone pour se repositionner dans le contexte brésilien.

Malgré ces polémiques, l'Écho accomplit son vaste programme, avec des sections consacrées au Brésil, à l’Amérique latine, à l’Europe, mais aussi aux colonies françaises dans l'Est. Même le Courrier n’avait pas un programme si complet, et ses dimensions modestes ne se comparent pas à la mise en page aérée et au traitement plus professionnel des nouvelles de l’Écho, dont les vastes éditions du dimanche allaient de 16 à 22 pages.

Outre la partie consacrée aux questions de politique avec les « échos » du Brésil en Europe, il y avait encore d'autres sections comme celles dédiées aux anecdotes, aux mots pour rire, aux articles scientifiques, aux romans, aux variétés et aux feuilletons, sections qui se consolidaient dans un cadre moderne et de nature assez commerciale, y compris en comparaison de la situation de la plupart des titres de la presse brésilienne. À l’exception du Jornal do Commercio (d’ailleurs édité par des Français)36, la presse nationale marchait à pas lents vers la professionnalisation et les journaux français, en dépit de leurs tirages vraisemblablement très réduits, ont fait office de modèles pour le journalisme local. De plus, ils couvraient souvent des questions importantes auxquelles les journaux brésiliens ne donnaient pas beaucoup d’espaces.

Figure 1 – L’Écho du Brésil et de l’Amérique du Sud (01/05/1859) [La une et détail]. Le programme de l'Écho était vaste : ÉCHO DU BRÉSIL – Courrier de la Semaine – Sénat et chambre des Députés – La montagne du Castel – Nouvelles diverses. VARIÉTÉS BRÉSILIENNES – L’Administration des Postes. ÉCHO DE L’EUROPE – La situation de l’Europe – France –  Angleterre – Italie – Autriche – Suisse – Prusse – Valachie – Turquie – États-Unis – Affaires de l’Inde – Cochinchine – Chine et Japon. Extraits des Journaux – Le discours de l’empereur – La question italienne – Tribunaux – Nouvelles diverses. ROMANS – La Mionette.

Les bureaux de l’Écho ont d'abord été situés rue du Rosário, au no100. L’hebdomadaire paraissait tous les dimanches et commença à publier deux suppléments par mois à partir du 15 janvier 1860. Il était vendu au Brésil, en France et à Montevideo. Avec la mort d’Aumont, la feuille subit un bouleversement. Dans le numéro 44, du 26 février 1860, les notes nécrologiques pleurent la mort subite du rédacteur en chef tout comme le vide que celle-ci créa, vide symbolisé dans l'en-tête par un espace en pointillés avant le nom du directeur.

Figure 2 – L’Écho du Brésil et de l’Amérique du Sud (26/02/1860)

L'avis de décès n'a pas été signé, mais l'article de fond est attribué à la « Rédaction » et il est possible que les derniers honneurs aient été faits par le nouveau directeur, qui se trouvait être ni plus ni moins que le libraire français Baptiste Louis Garnier, faisant de la célèbre adresse de la rue de l'Ouvidor, « chez Garnier », le nouveau siège du bureau du journal. Garnier, qui allait encore construire une carrière d'éditeur de livres et de revues bien connue des Brésiliens, semble avoir eu à L'Écho ses premières expériences dans le domaine.

Figure 3 – Garnier devient l’éditeur de L’Écho (11/03/1860).

Nous voyons que les cercles étaient limités, et bien qu'il y ait eu des rivalités internes dans la colonie, bien illustrées par les discussions qui se sont retrouvées à travers les journaux, les échanges culturels entre ces Français et les Brésiliens incluaient une variété d’aspects. Quoi qu'il en soit, la division existant au sein du groupe de Français n’épargne pas Garnier. Avec le décès d’Aumont s’ouvre une nouvelle rivalité dans les pages des journaux, présente notamment dans le texte Les Vivants et les morts. À un certain moment, il est dit qu’Aumont avait subi des « attaques basses et viles », affirmation dont le Courrier se défend en précisant qu’il s’est reconnu dans cette accusation. Enfin, rapidement apparaissent de vives critiques contre Garnier lui-même, qui soit l’identifiaient comme un détracteur de l'Église et du Pape, soit le considéraient comme cible de la flatterie de ses amis parce qu’il était devenu le nouveau rédacteur en chef de L'Écho. Dans le premier cas, il s’agit d’une référence au journal l'Univers, cité dans les pages de L’Écho comme « organe de bandits catholiques »37 et dans le second, d’un compliment fait par la Revista Popular à L’Écho en raison de l'initiative prise par libraire français afin de poursuivre sa publication. Ironies et les insultes ne manquent pas, Hubert décrit Garnier comme « suffisamment inepte pour créer un journal » et peint les relations de sympathie entre Garnier et la Revista en les résumant par l’adage peu flatteur en latin asinus asinum fricat38. Beaucoup d'autres critiques de L’Écho et de son nouvel éditeur, Garnier, apparaîtront dans le Courrier jusqu'à la fin de la publication, en décembre 1860, de sorte que l'impression générale qui en reste est celle non seulement d'un schisme au sein de la communauté française, mais encore d’une tendance franche à la controverse de la part du groupe de quarante-huitards qui n’épargne pas les munitions, même contre des amis (ou anciens amis) comme Garnier.

Le Figaro Chroniqueur

1859

Le Figaro Chroniqueur, un autre journal français, était publié à la fin des années 1850 à Rio de Janeiro. Nous n’avons eu accès qu’aux éditions de 1859 de ce journal, qui font au total quatre numéros39.

Son titre contraste avec ceux que nous avons étudiés jusqu’à ce moment. Son éditeur, Arthur Mouton, n'adopte pas le ton patriotique des autres journaux français publiés au Brésil, qui tendent à exalter leurs organes comme étant des représentants des intérêts français. Au contraire, le style discret apparaît déjà dans son sous-titre : journal critique, comique, satyrique, anecdotique, récréatif et amusant, publication antipolitique et anti-scientifique. La feuille s’adressait à ses compatriotes, mais aussi aux lecteurs en général – ce qui incluait les Brésiliens. Le ton était de plus principalement satirique.

Le Figaro Chroniqueur n’était certainement pas un journal de modistes, comme le dit Werneck Sodré dans son livre sur l'histoire de la presse au Brésil40. Il n’était pas non plus un journal exclusivement politique, fait de commentaires sur la Cour royale brésilienne. Les anecdotes, les textes absurdes, les commentaires sur le monde du spectacle y prédominaient. La feuille dialoguait avec la presse satirique de son temps, une presse connue par sa critique politique, mais son thème principal était la vie mondaine et en particulier le monde du divertissement, anticipant ce qu’un autre journal en français publié à Rio de Janeiro, le Ba-ta-clan (1867-1871), ferait quelques années plus tard.

Il s’agissait d’un petit journal de quatre pages possédant des caractéristiques artisanales, comme une grande partie de la presse brésilienne de l’époque. En comparaison de ses contemporains le Courrier du Brésil et L’Écho du Brésil et de l'Amérique du Sud, il pourrait être considéré un périodique amateur.

Il utilisait la formule de première page commune aux journaux français, avec le feuilleton en bas de la page, ce qui marquera aussi notre presse. Ce n'était pas un journal de nouvelles ; les annonces étaient assez timides, limitées à une colonne de la dernière page et présentées comme des nouvelles, sans que soit utilisée la technique de la publicité ni dans le texte ni dans la mise en page.

Son bureau était placé au sein de la filiale française de la librairie Firmin-Didot Librairie41, où l’on pouvait l'acheter ou s’y abonner. L’article de fond du premier numéro commence par un titre satirique, faisant référence aux spectacles de comédie de coutumes : « Programme, prospectus - Préface, prologue, introduction, avertissement enfin… ce que l’on voudra »42.

Les mondes de la fiction et de la réalité se mélangent et l'éditeur établit immédiatement un dialogue avec un certain « Bertrand » – serait-ce une allusion au nom du propriétaire de l'Imprimerie Moderne, Georges Bertrand, située sur la Rua d'Ajuda, où le journal était imprimé? Ou était-ce une référence au personnage secondaire da la comédie sui generis de Shakespeare, All’s well thats ends well, inspirée d’une pièce de Boccaccio, où le héros, le comte Bertrand, est tout simplement un idiot de la Cour dépeint avec ironie et humour noir? En réalité, il est bien plus probable que ce soit une référence aux inséparables personnages de l’auteur de mélodrames Benjamin Antier (1787-1870), les escrocs Robert Macaire et Bertrand, très connus des pages du journal satirique Le Charivari et par les lithogravures parues entre 1836 et 1838, fruit des plumes des fameux caricaturistes français Charles Philipon (1800-1862) et Honoré Daumier (1808-1879). Le fait est que le ton de relégation rabelaisien prédomine :

Quel flegme! Donc, je ne te traiterai plus de fou, animal, imbécile, bête antidiluvienne, mastodonte e quintessence [sic] de milliards de convalescences concentrées! – Quel être infernal t’a mis dans la tête qu’ici – à Rio de Janeiro – l’on puisse implanter un papelinho [petit morceau de papier] comme celui que tu te proposes d’écrire?43

Le monde du théâtre est un thème récurrent, avec la mention faite de Giovanni Pico de la Mirandola. Les cafés et les théâtres semblent de même mentionnés à profusion, tels que les théâtres Alcazar Lírico, São Januário, Paraíso, ou les établissements fréquentés après les spectacles, comme le Café Français dans la rue de l’Assembleia et d'autres encore.

Dans le numéro du 5 août 1859 apparaît une critique faite à un spectacle du dramaturge français Offenbach, alors très populaire au Brésil. Des critiques théâtrales dans le même genre que celui du Figaro Chroniqueur apparaîtront plus tard dans les pages d'un autre journal français, le Ba-ta-clan. Presque tous les journaux français observés durant cette période avaient par ailleurs des sections dédiées aux arts et aux spectacles. Même si l'intention de mission civilisatrice était récurrente dans les journaux français publiés au Brésil, mission marquée par la valorisation des mœurs françaises comme facteur de civilité que les Brésiliens devraient adopter, la réception du théâtre dans le style bouffon, qui comprend des opérettes populaires d’Offenbach, n’était plus perçue positivement parmi l'élite brésilienne – un phénomène semblable s’était aussi produit à Paris. Les littéraires refusaient ces influences, en les considérant comme nuisibles à la dramaturgie nationale44.

Même si le discours de l'époque, dans plusieurs journaux, y compris ceux français, associait les pièces françaises au raffinement et à l'éducation (en effet, comme tout ce qui était français), les plus critiques étaient récalcitrants à ces vues et à ces « influences ». La structure du spectacle créée autour de ces théâtres, tels que les cafés et les restaurants, a également été la cible d’attaques, car elle était associée à l’ambiance de la bohème et de la prostitution. Les références à ces établissements dans des annonces, des publicités ou des commentaires qui prônaient leur participation au raffinement des habitudes locales ne peuvent être comprises que dans ce contexte : ils étaient associés aussi aux bas-fonds, dans une inversion qui alimentait encore plus la veine satirique du périodique.

Enfin, lors de la parution de la septième édition45, Arthur Mouton change le jour de la publication du dimanche pour le jeudi, invoquant la concurrence de deux autres journaux (allusion claire au Courrier du Brésil et à L’Écho du Brésil et de l'Amérique du Sud – ce dernier étant imprimé dans la même Imprimerie Moderne). On annonce aussi qu’on offrira aux abonnés, en cadeau, le journal parisien Magasin d'Illustrations et des livres français, une stratégie qui n’a peut-être pas été si efficace, puisque le journal semble avoir interrompu sa publication par la suite – ce que nous ne pouvons pas affirmer avec certitude, étant donné le manque d’informations précises dans les précaires sources documentaires.

Le fait d'être imprimé dans la même typographie que L’Écho du Brésil et de l'Amérique du Sud nous mène à conjecturer sur les rapports entre les agents des deux publications. Nous pouvons risquer l'hypothèse que son rédacteur en chef était A. Aumont. Sa participation dans la petite presse française avec Triboulet et Rabelais et sa présence au Brésil en 1859 suggèrent que le nom Arthur Mouton est peut-être une anagramme de A. Aumont. Cette association mériterait toutefois une étude plus approfondie.

Les médiations et les réseaux formés par la relation entre les éditeurs, les journalistes, les correspondants, les hommes de lettres et d’affaires des deux côtés de l'Atlantique étaient denses. Souvent, le même nom apparaît associé à plus d'un journal, comme George Lardy, qui était responsable du Messager du Brésil (1878-1884) et du Sud américain (1885-1886), comme on le verra.

Les bureaux des journaux ou les endroits où il était possible de s’y abonner étaient souvent des lieux de sociabilité des intellectuels. Le Figaro Chroniqueur, par exemple, annonce à ses débuts que les abonnements seraient faits à la librairie Firmin Didot, puis ils passent à la Librairie Waldemar, les mêmes lieux où se trouvaient les bureaux du Courrier du Brésil, ce qui renforce l'hypothèse selon laquelle les individus impliqués dans ces journaux faisaient partie du même groupe de personnes, malgré le fait que nous n’avons pas de données fiables sur les noms qui apparaissent dans le processus complexe de production et de circulation de ces périodiques.

Les années 1860 : encore plus de journaux en français

Les années 1850 inaugurent une période qui comprend les plus anciens journaux français rassemblant plusieurs collaborateurs et ayant un nombre important de pages, incluant même des propositions plus audacieuses comme L’Écho du Brésil et de l'Amérique du Sud. La décennie de 1860, à son tour, continue à présenter d’importants taux de publication à Rio de Janeiro. L’historien Gondin da Fonseca46 attire l’attention sur deux journaux de l'époque dont on sait très peu de choses. Le premier, publié entre 1862 et 1863, s’appelle Le Brésil, et son éditeur était Flávio Farnèse. Nous n’en avons qu’une copie mal conservée à la Bibliothèque Nationale du Brésil, copie matérielle à laquelle nous n’avons pas pu avoir accès.

Nous avons eu plus de chance avec le second, Le nouvelliste de Rio de Janeiro : journal politique, littéraire et commercial (1863 —?), périodique numérisé trouvé dans les mêmes archives. Son éditeur-propriétaire était H. Rautenfeld et le rédacteur en chef était L. A. Nerciat. Gondin da Fonseca affirme que ce périodique était une « nouvelle reliure du Nouvelliste de 1837 »47. Cela ferait du Nouvelliste l’un des premiers journaux à être publiés au Brésil. Mais il semble que cette information soit incorrecte, et qu’il ne s’agisse pas du même journal.

Il n’a pas été possible d’avoir accès au premier numéro du Nouvelliste, mais à partir de la lecture de l'édition de 1847, nous apprenons qu’on en était à la 11e année de cette publication. Elle avait quatre pages, paraissait trois fois par semaine et avait changé son nom. Son ancien titre était Corsaire : « Depuis longtemps le Corsaire ne satisfaisait plus à des justes exigences; il change donc de format, de titre et rapproche sa publication pour rejoindre l’intérêt qui s’attache aux nouvelles locales (…). En prenant la succession du Corsaire, le Nouvelliste ne confondra jamais… »48. L'un des rédacteurs (et peut-être son rédacteur en chef) était Noël Michel Burnier, qui signait de « Z » ses collaborations dans les journaux Diário do Rio de Janeiro et Jornal do Commércio, entre autres. Avec la mort de M. Burnier, en février 1848, le journal annonça qu'il allait cesser temporairement ses activités et, dès lors, nous n’en retrouvons aucune autre trace, ce qui suggère que la publication a existé entre 1837 et 184849.

Quant au Nouvelliste de Rio de Janeiro : revue politique, littéraire et commerciale (1863 —?), sa première année de publication est 1863. Tout indique, par conséquent, que le journal n'était pas une continuation du périodique presque homonyme50 que nous venons d’observer. Dans ses quatre pages, toutes les deux semaines Le Nouvelliste de Rio de Janeiro apportait des nouvelles de Rio, de la région de la Plata, d’Europe, d’Amérique latine, etc., en plus du feuilleton de pied de page et d'autres sections liées au monde des arts et des spectacles. Il possédait encore une riche palette d'annonceurs brésiliens, français et anglais, était vendu à l'étranger (France, Belgique et Angleterre) et était distribué dans les paquebots (Figure 04). Dans ses pages on pouvait suivre le débat sur l'abolition de l’esclavage et les conflits diplomatiques avec les Anglais.

Figure 4 - Le Nouvelliste de Rio de Janeiro : journal politique, littéraire et commercial (no 9, 1863)

Une autre publication importante de la décennie de 1860 est la revue Ba-ta-clan – chinoiserie franco-brésilienne, de Charles Berry. Publiée entre 1867 et 1871, vendue dans les grandes librairies telles que Garnier, cette publication satirique, comme son nom l'indique51, connaissait un grand succès52 et était richement illustrée de caricatures de J. Mill, fuyant la norme des journaux qu’on a décrits jusqu'à présent. Elle a changé de sous-titre deux fois (1868 – journal satyrique; 1869-1871 – journal satyrique illustré) et possédait un réseau de distribution impressionnant au Brésil, du nord au sud, dans les États de Rio de Janeiro, São Paulo, Santa Catarina, Porto Alegre, Pelotas, Pernambuco et Ceará, en plus d'être vendue par des libraires de Paris et de Bordeaux. Son fondateur, Charles Berry, est aussi l'éditeur anonyme du Courrier de Rio de Janeiro en 1871, « Phœnix ressurgie des cendres du Ba-ta-clan », selon les rédacteurs du journal O Mundo da Luafolha illustrada, lunática, hyperbólica e satyrica, qui critiquent cet éditeur dans un article de fond à cause de son anonymat (Charles Berry étant un pseudonyme) et de son style, qui continuait à satiriser les Brésiliens en général, même les plus distingués, tel l'Empereur Pedro II lors de sa visite en Europe53.

À la fin de la décennie, on trouve encore la Gazette du Brésil - journal politique, commercial, agricole et littéraire (1867-1868), qui avait une périodicité particulière ; elle paraissait tous les 1ers et 15 de chaque mois, ainsi que lors des départs des paquebots transatlantiques, et ce, en éditions de deux à quatre pages. Ses bureaux étaient à la Librairie Fauchon & Dupont (qui vendait également le Ba-ta-clan) et il était possible de s’y abonner à Paris.

Nous ne nous pencherons pas sur tous les cas observés en raison des limites de cet article. Nous laissons à une autre occasion l’entreprise de mener une étude plus détaillée de ces importants périodiques.

En ce qui concerne la décennie suivante, le journal le plus important à émerger a été assurément le Messager du Brésil, et on ne peut pas parler de lui sans développer quelque peu sur son prédécesseur, Le Gil Blas.

Le Gil Blas

Journal politique, satyrique et artistique (1877-1878)

Continuant la tradition des journaux français satiriques et littéraires introduite parLe Figaro Chroniqueur dans la presse francophone brésilienne, Le Gil Blas était une petite feuille modeste et humoristique qui portait le nom du personnage du roman populaire d’Alain René Lesage, précurseur du réalisme, publié au milieu du XVIIIe siècle. Le roman, écrit entre 1715 et 1735, publié en quatre volumes et considéré comme le dernier chef-d'œuvre du genre picaresque, trace un portrait de la société à travers les yeux d'un serviteur issu de la misère, Gil Blas, qui arrive à la Cour pour s’y montrer un observateur perspicace, puis atteindre la richesse et le prestige en abandonnant ses vices. L'histoire de ce parvenu n'a pas de sens moral, mais sert de métaphore de l’activité journalistique – observer les coutumes et les maux de son temps54 – ce qui explique peut-être le succès que connut son nom, adopté comme titre par de nombreux journaux55. Le nom de l'éditeur, Fantasio, était également porteur d’une référence littéraire : celle du personnage de l'opéra-comique écrit en 1872 par Alfred de Musset, avec musique de Jacques Offenbach56.

Journal plus satirique et littéraire que politique, le Gil Blas brésilien affichait néanmoins la prétention d’assumer le rôle de gardien de la « liberté », faisant par là clairement allusion à la France de la Troisième République, dont il se voulait le défenseur au Brésil. Doté de quatre pages, vendu 20 reis et arborant des devises telles que « Hâtons-nous d'en rire, de crainte d'être obligé d'en pleurer », il faisait partie de cette longue tradition de la presse satirique européenne, et trouvait dans le Second Empire du Brésil le contexte propice à sa floraison.

Dès ses débuts, le 14 octobre 1877, la chronique se montre caustique. « Un septenaliste – variations en si bémol sur le chiffre cabalistique 7 » fait sans doute référence à la journée des célébrations de l'Indépendance du Brésil. Cela est tout à fait possible, en effet, si l’on considère que cette satire directe des institutions impériales brésiliennes cite divers moments de l'histoire où le numéro sept apparaît. L'ironie suivante renforce cette hypothèse « septenaliste ». Après avoir cité plusieurs exemples de moments historiques  liés au chiffre sept, Fantasio ironise : « Enfin, à une époque plus rapprochée, le sept septembre, date mémorable (ne pas confondre Indépendence avec Liberté) »57. Bien qu’entièrement écrit en français, ce journal n’a donc pas laissé de côté les questions nationales.

À l’instar du Ba-ta-clan et du Figaro Chroniqueur, le Gil Blas brésilien se consacrait également à la critique des arts et des spectacles, comme le titre paraît l’indiquer, en particulier à la dramaturgie lyrique, penchant justifié par la prévalence connue non seulement des auteurs français dans ce genre, mais aussi par la présence de Français dans le contexte des affaires et des commerces liés au théâtre de Rio. Ce contexte comprenait, au-delà des lieux de spectacles, un vaste réseau de pâtisseries et de cafés, de fournisseurs d’équipements (miroirs, meubles, décors) ainsi que plusieurs professions connexes (peintres,  coiffeurs, etc.) présentes également dans leurs pages d’annonces.

Dans la deuxième édition de Gil Blas (21 oct. 1878), en dépit de l'éditorial qui remercie le bon accueil de la presse de Rio, un certain Clic-Clac signe un article intitulé « À vol d’oiseau » sur la presse de Rio. L’article n’est pas très amical envers certains journaux comme le Jornal do Commércio, ce qui constitue encore une preuve du fait que ce petit journal n’avait pas une attitude neutre envers l'histoire nationale.

Au numéro 8, dans un texte intitulé « L'avenir de la colonisation au Brésil » (2 déc. 1878) le Gil Blas reprend un extrait du Jornal do Commércio (27 sept. 1878) où le délégué de la Société Géographique et Commerciale de Paris, le Français M. Coquelin, fait l’éloge des conditions de migration au Brésil, qui garantiraient au colon français « toutes les facilités possibles ». Signée par H.R., la chronique du Gil Blas dément les impressions de M. Coquelin et fait toutes sortes de critiques de la situation des immigrants français. Il évoque les cas de ceux qui arrivent à Rio de Janeiro et sont pratiquement expulsés des navires pour ensuite déambuler sous le soleil à la recherche de leur consul, ou encore de ceux qui arrivent dans des régions isolées sans connaître la langue, et qui font face à toutes sortes de difficultés, comme l'adaptation au climat et à la nourriture, tout cela sans obtenir aucune aide des organes officiels.

Observons maintenant un autre journal important de la période, Le Messager du Brésil.

Le Messager du Brésil

(1878-1884)

Le Messager du Brésil (1878-1884) constitue la continuation de l'ancien journal satirique Le Gil Blas – journal politique, satyrique et artistique. Avec ce changement de nom, on note l'adoption d'un ton plus sérieux. La date de fin de sa publication, 1884, est incertaine, mais très probable. Il y a seulement une déclaration dans l’article de fond de cette édition indiquant qu’elle a eu un léger retard en raison « des réformes majeures par lesquelles viennent de passer l'administration et la gestion », mais rien n’est dit pour indiquer qu'il s’agissait en fait de la dernière édition de ce journal français publié depuis longtemps à Rio de Janeiro58.

En ce qui concerne l'abandon de l’ancien titre, l'éditorial du numéro 48 de la deuxième année est révélateur59. Publié le 7 septembre 1878, jour de la célébration des 56 ans de l'Indépendance du Brésil60 (dans la tradition « septenaliste ») sous le titre « Notre Transformation », on déclare que le prédécesseur, le Gil Blas, avait eu une réception « positive et amicale » par le public français et brésilien, ce qui justifierait son maintien. Pourquoi alors ne pas conserver le même nom et le même style? Pourquoi avoir choisi un nom plutôt associé à une presse informative, abandonnant le titre précédent?

Au numéro 46, toujours sous le nom de Gil Blas, l'éditorial « Gil Blas à ses lecteurs »61 présente le Messager du Brésil comme l’entrée dans une phase « mûre » : « C’est qu’il a grandi notre fils; c’est qu’il parle déjà presque comme un grand garçon » et demande aux lecteurs : « Donnez avec nous une bonne poignée de main à Gil-Blas qui vous quitte, et laissez-vous deux mains ouvertes pour recevoir Le Messager du Brésil qui se présentera à vous prochainement »62. Cette maturation est, en effet, accompagnée de certains changements, mais les raisons de ces changements ne sont pas bien éclairées. L'annonce de la publication sous le nouveau nom est répétée dans l'édition 47 de Gil Blas et, enfin, le numéro 48 apparaît comme Messager du Brésil, avec un projet très différent.

En principe, il change la date de publication du samedi au dimanche, mais continue de paraître de façon hebdomadaire. Son orientation, quant à elle, change complètement : alors que Gil Blas s’aventurait dans la satire mordante et certains radicalismes politiques, le Messager du Brésil était sobre, instructif et axé sur les questions commerciales, reprenant sur la devise « la seule agence française au Brésil », ce qu’il était en fait à l'époque et faisait dire à son éditeur que la feuille « comblait une lacune importante ».

Le feuilleton continuait en bas de la page, mais avec une modification : tandis que le « Feuilleton du Gil-Blas » consistait en extraits du long poème de Victor Hugo Le Pape, interrompus à chaque édition par la formule « à suivre », le « Feuilleton du Messager du Brésil » remplace la poésie épique par le genre moderne du roman. Femme de Glace d’Adolphe Belot a été largement annoncé et donnait au journal l’air de la presse commerciale qui caractérisait certaines des plus grandes publications françaises d’alors. La référence aux lectrices, récurrente dans le Gil Blas, n’y est pas si explicite, et, par conséquent, Le Messager semble concerner davantage les lecteurs masculins. Serait-ce également un symptôme du fait qu'il voulait se donner l'image d'un journal plus « sérieux »?

Fondateur et rédacteur en chef du Gil Blas, un grave devoir s’imposait à nous face à nos abonnés; nous pensons que notre première tentative nous imposait l'obligation de devenir le seul organe français au Brésil, plus digne de notre colonie; c’est à-dire, plus en harmonie avec les justes aspirations de nos lecteurs.63

Quelle que soit la raison qui conduisit au changement, le journal s’est professionnalisé, avec une sensible amélioration matérielle et intellectuelle. Une autre différence importante se retrouve dans le fait suivant : tandis que les collaborateurs du Gil-Blas s’occultaient derrière des pseudonymes, ceux du Messager du Brésil signent souvent leurs articles, avec des noms comme P. Lalourère, A. Belmar, G. Lardy et d'autres encore. Toutefois, la pratique de l’adoption de pseudonymes littéraires n’avait pas complètement disparu ; c’est le cas de Junius, par exemple, qui fait probablement référence aux Letters of Junius (1772), ainsi que de Fantasio lui-même, l'ancien rédacteur en chef de Gil Blas, qui réapparaît comme la signature de la critique théâtrale en 1878 (03/11/1878).

Les éditoriaux de première page, dans lesquels l'éditeur parlait aux lecteurs des orientations du journal, avaient fait place à la chronique politique et se concentraient désormais sur les événements français, en les commentant sérieusement. Cependant, ils restaient sans signature, au moins dans les premières éditions.

Nous avons rencontré des témoignages affirmant que Georges Lardy, directeur d'un autre journal français publié au Brésil, Le Sud-Américain (1885-1886), aurait aussi dirigé le Messager du Brésil64. Aurait-il été donc le rédacteur en chef du Messager? Cela ne semble pas être le cas ; il semble avoir été seulement le gestionnaire des deux feuilles. L’Almanaque Laemmert de 1882 indique que le rédacteur du Messager est Emilio Deleau, dont le bureau aurait été au 47, Rue Gonçalves Dias65. Il apparaît déjà dans des références de l'année de 1876, au n. 46 de la rue de l'Ouvidor66. En 1878, E. Deleau est mentionné dans la liste des Professions « des mathématiques et de la physique » à la même adresse67. C’est seulement en 1882 qu’il apparaît comme rédacteur en chef du Messager du Brésil68. En 1883, à une nouvelle adresse (131, Rue Sete de Setembro), il est classé comme littéraire, journaliste69 et libraire70, et, dans la même année, il est répertorié en tant que directeur de la Société Française de Bienfaisance71 (Figure 05).

Figure 5 - Émile Deleau était le vrai nom de Fantasio. Il intégrait la Société Française de Bienfaisance aux côtés d’autres Français illustres comme L. Couty (Almanak Laemmert,1883).

En 1885, le nom de Deleau apparaît dans la liste des journaux de la Cour publiés en 1884, et ce, en tant que rédacteur en chef du Messager du Brésil - journal bihebdomadaire propriété d'une association, géré par Georges Lardy à l'adresse72 131, rue Sete de Setembro, adresse liée au journal73. Celui-ci semble commencer son travail dans le Messager du Brésil seulement en 1884.

Nous en déduisons qu’Émile Deleau est le principal responsable de la rédaction du Messager du Brésil. Serait-il alors l'auteur de l'éditorial du numéro 48 (1878) qui marque le changement au journal? Nous avons de solides pistes pour l’affirmer. Sans signer aucun article, son nom y apparaît plusieurs fois associé à un Cours d'Algèbre (un livre de mathématiques avec des exercices, vendu dans la Librairie Garnier) et aux membres de la Société Française de Bienfaisance (y compris à des noms tels que Hubert, Couty, et Garnier, entre autres). C’est seulement en juin 1883 que son nom apparaît directement lié à la rédaction, quand le journal publie une lettre de sa propre main : « M. E. Deleau, rédacteur en chef du Messager du Brésil, est allé à Campos assister à l’inauguration de l’éclairage par la lumière électrique. Nous publions la lettre qu’il nous a adressée de Cantagalo »74.

Or si Deleau est le principal responsable du Messager du Brésil de cette période, on peut en conclure qu'il serait donc également « Fantasio », c’est-à-dire le rédacteur en chef mystérieux de Gil Blas. En fait, si l’on cherche son nom dans la feuille satirique, nous ne trouvons justement qu'une annonce timide à la quatrième page qui renforce notre hypothèse : « Cours de Mathématiques, par E. Deleau, Rua Nova do Ouvidor, n. 37 », la même adresse que celle de la rédaction du Gil Blas. De plus, l'un des textes de la une du premier numéro de Gil Blas, intitulé « La guerre aux petits! » est signé par E. D., probablement les initiales de son nom. Par conséquent, nous croyons avoir résolu le mystère : le principal responsable du Gil Blas et du Messager du Brésil était le professeur de mathématiques Français-Alsacien Émile Deleau.

Notre recherche révèle donc un autre nom important lié au journalisme en français au XIXe siècle, qui faisait partie des groupes traditionnels de la colonie comme celui formé par les participants de la Société Française de Bienfaisance, mais qui, en raison de sa situation quasi anonyme, n'a pas pu recevoir l’attention méritée.

Le Messager du Brésil sera encore publié pendant plusieurs années, présentant une professionnalisation croissante. En plus d'augmenter le nombre de sections et celui des employés, des initiatives promotionnelles commencent à apparaître, bien que timides, comme le lancement d'éditions commémoratives et/ou des suppléments – comme l'édition du 10 juin 1880, avec deux pages entièrement consacrées aux hommages du tricentenaire de la mort de Luís de Camões75, ouverte par un poème de Victor Hugo « À la mémoire de Camões ».

Quand le journal passe aux mains de Georges Lardy, il y a un nouveau changement éditorial. Un exemple en est donné par l'annonce de la parution prochaine (en décembre 1883) de l’Almanach du Messager du Brésil pour l'année 1884. Il devait être distribué gratuitement aux abonnés et à divers établissements au Brésil. L'appel d'annonces montre que la publication devait être financée par cette recette. L'initiative a été couronnée de succès, et le 24 janvier 1884, on annonce déjà de nouvelles éditions qui seraient envoyées aux intéressés. On reprend la distribution de ces almanachs le 31 janvier.

Quelques mois plus tard, à la fin juin 1884, on avertit qu'à partir du 1er juillet, le journal subirait une « transformation » et entrerait dans une « nouvelle phase » ; il serait désormais doté de huit pages visant à mieux répondre aux intérêts de la colonie en aidant les Français au Brésil comme à l'étranger à mieux connaître le Brésil (un thème récurrent dans la presse franco-brésilienne)76. La première page serait consacrée aux études sur le Brésil, écrites en portugais et en français. Parallèlement à cette initiative, on diffuse l’édition de la Revue de France et du Brésil, dotée de 130 à 150 pages, également bilingue et ayant pour but de faire connaître le pays en Europe par des articles plus longs.

En juillet de la même année, ce journal publie en première page une circulaire en portugais destinée à quelques « amis ». Il s’agissait d’une lettre d'intention au sujet de cette nouvelle phase ; elle appelait la presse locale et étrangère (y compris les journaux anglophones publiés au Brésil, comme le Rio News et l’Anglo-Brazilian Times) à dépasser les initiatives individuelles de promotion du potentiel du Brésil comme terre d'immigration soutenue. Il est clair que le débat ne concerne pas seulement la migration, mais aussi tout ce qui implique le remplacement du travail manuel et l'abolition de l'esclavage, ce qui donnait le ton au traitement de ce thème. Tout indique que le journal est également devenu une société plus complexe :

Le Messager du Brésil appartenant maintenant à nous, quoiqu’il continue toujours à être un organe de la colonie française, il sera augmenté pour qu’il devienne plus utile. Il présentera deux nouvelles sections : la première en français et en portugais abordera les questions concernant la transformation du travail et se dirigera principalement vers les capitalistes ou les grands fermiers; la deuxième, en français et en italien, sera surtout dédiée aux immigrants fixés au Brésil ou qui prétendent y venir.77

Par la suite, la présentation de la Revue de France et du Brésil est signée par les organisateurs Émile Deleau et Louis Couty78, ainsi que d’autres noms brésiliens qui montrent comment l’entreprise a dépassé les limites de la colonie française : Antônio da Silva Prado79, Rodolpho Epiphanio de Souza Dantas80, Alfredo d'Esgragnolle Taunay81, J. C. Ramalho Ortigão82 et José Ferreira de Souza Araújo83 – notons aussi la participation de A. Manoel de Macedo – tous des noms illustres de l’aristocratie impériale, qui passaient à l’époque républicaine pour des symboles de prestige intellectuel et de pouvoir politique.

Probablement que ces tentatives des éditeurs avaient pour but de diversifier les produits qu’ils offraient aux lecteurs en modernisant la gestion et en faisant un meilleur usage de la structure à laquelle ils avaient accès. Elles peuvent soit signifier une croissance du Messager du Brésil, soit, au contraire, s’avérer les signes d’une crise qui allait culminer avec la fin de la publication, puisque nous n’avons pas connaissance d’éditions publiées en 1885.

À le lire, cependant, rien ne laisse croire que sa trajectoire était en déclin. Commençant en tant qu’hebdomadaire du dimanche (sauf pour son premier numéro, paru le samedi), le Messager devient bihebdomadaire, ce qui suggère une demande plus forte. Il n’est pas possible de déterminer quand il devient bihebdomadaire en raison des lacunes documentaires dans les archives. Cependant, c’est durant sa septième année de publication que le sous-titre du périodique fait référence à la nouvelle périodicité : Le Messager du Brésil – journal français bihebdomadaire, paraissant les jeudis et les dimanches, et déjà présent à sa nouvelle adresse, 131, Rue 7 de Setembro.

En ce qui concerne l’Almanach, il se résume pratiquement au témoignage de Deleau lors du voyage de D. Pedro II à la ville de Campos en juin 1883, à l’occasion de l’inauguration de l’illumination électrique, acte symbolique de la modernité. Espèce de grand reportage, Deleau y décrit le voyage en soulignant toujours ses aspects technologiques, telle la voie ferrée de Nova Friburgo, qui permettait aux voyageurs de pénétrer dans la forêt, et ce, alors qu’elle était auparavant seulement accessible en mule. Il fait des allusions constantes à Charles Ribeyrolles, qui avait décrit la région de Campos quelques années auparavant, en 1853, dans son livre Brésil pittoresque. Par ces allusions, il montre les progrès de la région, reproduisant par là la représentation positive que quelques Français répandaient de la Cour de D. Pedro II. Deleau insiste de même sur la surprise de l’empereur devant les fêtes de réception auxquelles son comité et lui avaient assisté tout le long du chemin dans ce beau pays du futur84.

Ce texte avait déjà été publié dans le Messager du Brésil sous format de lettres envoyées par Deleau pendant son expédition du 24 juin (la lettre étant datée du 22 juin) au 1er juillet 1883. Il a été ensuite intégralement reproduit dans l’Almanach, entre plusieurs annonces couvrant la page entière85, dans un format de livre, mais avec quelques caractéristiques de base du format almanach, comme la présence du calendrier de l’année 1884, et d’autres informations relatives au fonctionnement des répartitions publiques utiles aux immigrants français. Il a peut-être été le premier almanach en langue française publié au Brésil.

Avant même que Le Messager du Brésil et la Revue de France et du Brésil aient arrêté leurs activités en 1884, on publiait des journaux comme L’Étoile du Sud (1882-1924) – ancienne Revue commerciale financière et maritime de la Place et du Port de Rio de Janeiro. D’autre part, Le Sud-Américain apparaît un an après la fin du Messager (1885-1886), et semble avoir établi un rapport de continuité avec celui-ci à travers la gestion de Georges Lardy. Cependant, l’éditeur Xavier de Ricard, un révolutionnaire notoire, rompt immédiatement avec Lardy et guide la feuille vers une tendance plus militante, expérience qui ne durera pas plus de deux ans.86

Parmi les autres titres qui figurent dans les précédentes enquêtes sur les journaux français publiés au Brésil, on retrouve le Positivisme et Laffitisme (1884), répertorié par Letícia Canelas sous la catégorie de périodique. Il est, en vérité, un opuscule in-8o de 156 pages portant le sous-titre : réponse à la protestation Laffitiène contre la circulaire collective du centre positiviste brésilien87. Nous trouvons également une autre référence qui porte le même titre en 1902, Positivisme et Laffitisme : le positivisme au Brésil88, document de 26 pages qui ne semble pas non plus être un périodique.

Ces autres journaux du passage du XIXe au XXe siècle signalent une nouvelle étape de la presse francophone à Rio de Janeiro. À la génération, plus timide, du libraire Louis Mongie succède une génération plus universelle et insérée dans le circuit culturel transnational impliquant Victor Hugo, Charles Ribeyrolles, Victor Frond, Taunay, Garnier, Machado, Louis Couty, Macedo et d'autres. Émile Deleau traverse cette période avec un journal dans lequel on retrouve la coopération de tous, jusqu'à ce que le groupe perde de sa force : certains d'entre eux meurent et les deux générations de Français liées à l’âge d'or de la presse française au Brésil trouvent leur fin89.

À Rio, des petits titres apparaissent sporadiquement jusqu'au début du XXe siècle (Tableau 01), alors qu'en 1908, le journal L'Écho du Brésil (1908-1911)90 commence à être publiée, suivi par la Revue Franco-Brésilienne et des intérêts alliés (1909-1922), cette dernière étant, à notre connaissance, la publication française la plus durable à Rio de Janeiro pendant cette période.

La Revue franco-brésilienne et des intérêts alliés n'a pas de rapport avec une autre revue du même nom, dont l’inclinaison satirique était une allusion directe à l'ancien journal Gil Blas91: la Revue franco-brésilienne, qui fut publiée en 1898 par Alfred de Carmand, et qui a réuni des intellectuels comme Olavo Bilac et Alcindo Guanabara92. Le périodique publié au début XXe siècle était de nature diverse. Il avait été conçu pour représenter les Français à Rio de Janeiro, comme c’était presque toujours le cas, et constituait une grande revue bimensuelle de 30 pages généralement, quoique le nombre variait selon l’édition et pouvait atteindre plus de 80 pages. Se proclamant l’« ennemi des polémiques inconvenantes »93, promesse qu’évidemment il ne tient pas, mais qui était un trait commun des périodiques qui voulaient se montrer plus professionnels, informatifs et libres de problèmes avec le gouvernement brésilien, il a commencé à être publié le 6 juin 1909 et affichait une allégorie suggestive du lien entre Paris et Rio de Janeiro existant grâce au télégraphe (Figure 06). En raison de difficultés techniques, le deuxième numéro apparaît six mois plus tard, en janvier 1910, puis le rythme bimensuel est repris l'année suivante. C’était une revue importante qui se présentait comme le principal organe représentant les Français à Rio de Janeiro pendant la Guerre, faisant une critique acide et directe des « Boches » à travers la plume de son rédacteur en chef, Émile Lambert. Il a combattu avec véhémence les Français installés à Rio qui défendaient les Allemands (lesdits « défaitistes ») ou qui tout simplement entretenaient des relations commerciales avec eux94.

Figure 6 – Revue franco-brésilienne et des intérêts alliés (6 juin 1909). L’Allégorie des deux femmes représente les Républiques française (à droite) et brésilienne (à gauche).

D’autres publications sont aussi créées à l’époque dans le contexte carioca, mais on laissera le lecteur les consulter dans le tableau 01 ;  nous ne nous attarderons pas à l’intégralité de ce corpus. Il serait maintenant opportun de se tourner plutôt vers la presse francophone de São Paulo.

La presse française à São Paulo

Les publications franco-paulistanas étaient assez timides, mais cela ne réduit aucunement leur importance. Sur un total de sept titres connus, trois ont vu le jour à la fin du XIXe siècle. De ceux-ci, nous n’avons pu avoir accès qu'à L’Éclaireur. À ce titre s’en ajoutent deux autres (sur les quatre parus au XXe siècle), et dont les copies sont accessibles : La Petite Revue et Le Messager de St Paul (Le Messager de São Paulo).

L’Éclaireur – organe hebdomadaire indépendant

(septembre 1895 —?)

Nous avons eu accès au huitième numéro de ce journal, daté du mois d’octobre/novembre 1895 et portant l’épigraphe « S’achète, mais ne se vend pas »95. Nous ne savons pas quand il a cessé d'être publié. Il avait aussi deux autres épigraphes, une de chaque côté de l’en-tête, citant Montesquieu et l'Encyclopédie, signe de son libéralisme assumé, et allant donc dans le sillage de la tradition de la plupart de ses congénères du XIXe siècle96. Nous savons grâce au registre d’Affonso A. de Freitas, probablement tirée de la Revista do Instituto Histórico Geográfico de São Paulo, que le 1er numéro a été publié le 10 septembre 1895, un mardi. Par contre, l’édition 8, que nous avons consultée, est datée du 31 octobre, ce qui suggère que cet hebdomadaire paraissait tous les jeudis ; il n’est alors pas possible de préciser le jour de la semaine où il était publié97.  Nous savons peu de choses de ce journal qui avait des bureaux à São Paulo, au numéro 16 de la pente de Sao Francisco, et qui avait comme éditeur Louis Viollet. Bien qu’il était rédigé en français, ses annonces étaient pourtant en portugais pour la plupart, ce qui montre l'intégration à la société d’alors ou encore une probable connaissance de la langue portugaise par les lecteurs francophones, dans une ville où la colonie française n’était pas grande, mais était déjà bien établie.

Axées sur les questions liées à la communauté française, ses pages ont rapporté une controverse avec le Premier Consul de France à São Paulo, Georges Ritt, qui y a servi entre 1895 et 1898, lorsque la ville de São Paulo comptait environ 2.500 Français, dont environ quatre cents étaient des commerçants de haut niveau, selon les données fournies par le rapport de Ritt lui-même98.

La lecture de L'Éclaireur, cependant, nous apporte des informations qui ne figurent pas dans les documents diplomatiques ou dans les documents officiels. Elle montre qu’une lettre aux tendances socialistes99 avait été publiée dans le journal brésilien O Nativista, ce qui a déplu au groupe organisé autour de L'Éclaireur, groupe qui se faisait appeler « les dix-neuf ». Le texte du Nativista était considéré comme insultant pour la communauté française, et sa composition était attribuée aux maîtres M. Esquerre, Grillot et Taverne, qui avaient été accusés par M. Thurat (qui signe « homme de lettres ») et par Philippe Jousselin. Dans leur texte, ils accusaient leurs adversaires d’appartenir au « clan judéo-Ritt ». Ce style, déjà dénoncé par le « J’accuse », persiste dans des phrases comme : « Les juifs devaient se faire l’écho retentissant et indigne des revendications des dix-neuf »100.

Plusieurs noms de la communauté française sont mentionnés au milieu de la controverse, et le journal décrit le consul avec des adjectifs peu flatteurs, tels que « pique-assiette » (parasite, inconvénient, celui qui s’invite à dîner), « pitre en scène » (clown de scène) et beaucoup d'autres. En ton de presse satyrique, en pleine ère du développement de la presse de São Paulo et de l'augmentation de la professionnalisation de métier journalistique, L'Éclaireur rédige une lettre ouverte à plusieurs personnes, dont certaines faisaient partie intégrante de l’autorité, comme le ministre de la France à Rio de Janeiro. En accusant G. Ritt d'être « un homme dont le caractère est étroit comme son esprit, avec un cœur sec et dur, impitoyable, vindicatif, méchant par goût et par habitude » et de commettre tout à la fois « abus de pouvoir, diffusion de secrets professionnels, trahison à la Paris, trahison à l’honneur, calomniateur (...) adultère, relaps, etc., etc. »101, L'Éclaireur s’avère en décalage par rapport au niveau de professionnalisme que certains journaux français avaient déjà atteint. Les mentions des noms, des querelles et des malentendus, au-delà de l’antisémitisme assumé de Louis Viollet, atteignent finalement Eugène Hollender (futur éditeur du Messager de St Paul), qui est accusé d’« agiter l'opinion en faveur du Sire Georges triste Ritt » dans les pages d’un autre journal français, L'Écho du Brésil, à Rio de Janeiro.

Dans la « Deuxième lettre ouverte à Georges Ritt », écrite par M. Taverne, on trouve des références à Charles Hu, Conseiller du Commerce extérieur de la France, prospère marchand de vin et éditeur102 qualifié par Taverne de « tournebroche ». Hu y était accusé d’être le lieutenant de Ritt, tandis que ses pairs, « quelques bons Juifs de la rue XV de Novembro », étaient critiqués pour ne vendre que des imitations de bijoux. Même Felix Bloch, de la riche famille de commerçants Bloch Frères103, n’échappait pas aux accusations de Taverne, qui visaient à créer des soupçons par rapport à son magasin de vêtements Au bon diable. Cette lettre semble donc montrer que toute la discussion tournait autour des intérêts commerciaux et politiques de la colonie de São Paulo.

La date de fin de cette publication est inconnue.

La Petite Revue – financière, économique, commerciale et littéraire

(septembre - 1902)

Bien qu’elle portait le nom d’une revue, La Petite Revue possédait les caractéristiques d’un journal. Le seul exemplaire auquel nous avons eu accès est celui de septembre 1902. Son « Administration » était située au 8A, Travessa da Sé. Son directeur, Louis A. Saint, nous informe que le tirage était de quatre mille exemplaires distribués gratuitement. Il maintient une certaine relation avec le Courrier de la Presse dont nous ne savons presque rien, sauf qu'il était une sorte de clipping pour les diplomates, artistes et hommes de lettres en général.

Figure 7 – La Petite Revue (septembre 1902)

Ce périodique avait trois autres agents fixes à São Paulo, situés à la Rua São Bento, au Largo do Palácio et à la Rue do Carmo, de même que plusieurs agents en province, dans de petites villes de l’État de São Paulo, comme Piracicaba, São José dos Campos, Jacareí, São Carlos do Pinhal, et hors de São Paulo, comme dans les états du Rio Grande (on ne dit pas s’il s’agit de celui du sud ou du nord), Pernambuco et Rio de Janeiro. Il employait en outre des sous-agents voyageurs, ce qui suggère qu’il avait une grande portée, ce que confirment les chiffres des tirages, considérables dans le cadre de la presse franco-brésilienne.

C’était un véhicule publié par le Crédit Général Français (CGF) qui vendait des obligations du gouvernement français au public brésilien, et ce, en utilisant l’argument de la sécurité de l’investissement. Ils visaient par là à atteindre un lecteur moins riche, démocratisant l’investissement au petit commerçant : « L'acquisition de ces obligations est ainsi à la portée de la vaste classe des petits capitaux ». Le contenu du périodique était bilingue, avec une « Section Française » et une « Seção Brazileira », comme on peut le voir dans le résumé qui figure sur la première page. Il comportait des textes d'éducation financière visant l'investisseur inexpérimenté.

Présentant une structure très proche de la presse commerciale, probablement afin de devenir accessible à un public plus large, la feuille avait, en plus des questions relatives aux marchés financiers, des sections d’anecdotes, de proverbes, de poésie et de chronique visant à diffuser une idéologie des bonnes pratiques financières et administratives. L’adjectif « littéraire », présent dans le titre, fait justement référence aux sections de variétés. Tous les sujets concernent cependant des questions économiques ; La Petite Revue semble par là chercher à former (en plus d'informer) un lecteur brésilien versé dans les questions de crédit. Tout ceci avait bien évidemment un but précis : faire adhérer ses lecteurs à la CGF.

Le Messager de St Paul (Le Messager de São Paulo)

(1901-1924)

Le journal Le Messager de St Paul a été publié à São Paulo du 6 juillet 1901 jusqu’en juillet 1924, sur une durée totale de vingt-trois ans104. Il était le plus important journal français de São Paulo. Nous ne savons pas exactement quand il a publié sa dernière édition, mais nous savons que le journal a été fermé en juillet pendant la Révolution de 1924105. Au début, le titre était écrit entièrement en français, Le Messager de St Paul - feuille hebdomadaire – propriété d’une association (26 oct. 1901). Cette association était probablement l'Alliance Française, dont le siège était à Rio de Janeiro, mais qui avait aussi une succursale à São Paulo, toutes les deux liées à la communauté juive, selon Egon et Frieda Wolf :

Les Français, et parmi eux les Français israélites, formaient un cercle fermé, ayant leurs propres associations et sociétés. Le Cercle Français, la Société Française de Bienfaisance, le Comité 14 juillet, la Chambre de Commerce Français, l'Alliance Française sont des modèles pour ces groupes distincts. (...) EUGÈNE HOLLENDER appartenait à l'Alliance française depuis 1890, participant au comité également en 1892. M. P. Lyon, de la maison P. Lyon & C., était délégué de l'Alliance Française à São Paulo106.

Le journal incorpore le nom de la ville de São Paulo en portugais dans son titre à partir de 1905 : Le Messager de São Paulo - organe défenseur des Intérêts français dans l'Amérique du Sud. Jusqu'à 1909 il était la plus importante publication en français de l’axe Rio de Janeiro – São Paulo. Il perd ce statut quand La Revue franco-brésilienne apparaît à Rio. Son importance est considérable dans le contexte de la presse en français ; il a joué un rôle majeur dans la colonie française de São Paulo en étant particulièrement un organe représentatif et un lieu de concentration des activités bureaucratiques pour les étrangers, ce qui fait de lui une entreprise bien plus ample qu’une simple rédaction de journal.

Cet hebdomadaire paraissait tous les samedis en format tabloïd (48,5 x 33 cm) avec quatre pages à quatre colonnes, dont trois de texte et une d’annonces. Certains exemplaires comportaient six pages, mais ils étaient sporadiques. Il devient légèrement plus grand (54 x 40 cm) en 1902, puis passe au grand format avec sept colonnes (57 x 72 cm) en 1902. Pendant la Guerre, les dimensions sont réduites en raison de la crise du papier (MSP, 23 mai 1916). Le prix par numéro était au départ de 200 reis, le double des feuilles commerciales brésiliennes, ce qui le rendait cher pour un lecteur ordinaire. Au Noël de 1901, l'éditeur remercie ses lecteurs « français, belges, suisses et brésiliens », ce qui peut étayer l'hypothèse selon laquelle les consommateurs de journaux français ne se limitaient pas à la colonie (MSP, 28/12/1901).

La feuille a été fondée par Eugène Jules Jacques Hollender de Jonge, homme d'origine juive française, mais possédant aussi une culture flamande, puisqu’il était né à Dunkerque, ville située près de la frontière belge. Bien que diplômé en sciences du génie, il n'exerçait pas cette profession au Brésil ; il s’est plutôt consacré à l'enseignement des langues et du piano à Capivari, dans la campagne de l’état de São Paulo, où il a épousé Maria Dias de Almeida en 1888. Peu après, il déménagea dans la capitale, où il se fit interprète et traducteur assermenté par le forum de São Paulo, travailla à la Douane, à l'Association Commerciale, en plus des consulats de France, de Russie, d'Italie, d'Angleterre, de Suède et de Norvège. Il assuma encore les fonctions de sous-commissaire de police et de répartiteur au début des années 1890. À la fin du XIXe siècle, il fut correspondant à São Paulo pour deux journaux français publiés à Rio de Janeiro, Le Brésil Républicain et L'Écho du Brésil.

Parallèlement, il gérait un magasin d’« articles de musique, d’antiquités, de peintures » dans la région centrale de São Paulo – plusieurs partitions de son temps portaient le sceau du magasin107. Enfin, au début du XXe siècle, il se lance dans l'aventure de l’édition de son propre journal, Le Messager de Saint-Paul. Celui-ci voit le jour en 1901, comme on l’a vu, et entretient un rythme de publication admirable en comparaison des autres journaux du pays, qui surgissaient souvent pour bientôt succomber à toutes sortes de difficultés.

En dépit du fait qu’il était un journaliste actif dans la période de la Première République, son nom est largement ignoré dans la littérature sur l'histoire de la presse108. Ce qu’Hollender est venu faire au Brésil n’est pas encore clair, mais il est certain qu'il s’est engagé dans la diffusion de la culture française. Son journal était bien connu, sa figure aussi respectée par l'élite de São Paulo qu’appréciée par les autorités françaises, qui le prenaient pour un représentant officiel de la colonie à São Paulo. En 1906, il a été nommé par le gouvernement français afin de former un comité de personnalités brésiliennes pour aller à Paris dans le but de renforcer les liens entre les deux pays.

Cet individu polyvalent a également été éditeur de livres, par exemple l’ouvrage Flore Médicale brésilienne (1920) du Dr. Monteiro da Silva, médecin de Rio de Janeiro pionnier en phytothérapie, et entièrement écrit en français. En juin 1931, le journal O Estado de S. Paulo annonce le don de la somme de 200 000 reis faite par René Thiollier au « vieux journaliste M. E. Hollender, actuellement malade et incapable de travailler » (OESP, 24 juin 1931). Il est mort peu de temps après, le 10 août de la même année.

Les sections du Messager mettaient en évidence la question de l’immigration française à São Paulo, mais aussi à l'Espírito Santo, au Paraná et au Rio Grande do Sul. Il parlait du rôle de la culture française au Brésil et dans le monde; de questions politiques et culturelles françaises, avec des critiques de livres, de concerts et de la « vie artistique parisienne »; des intérêts commerciaux francophones avec la publication de nouvelles et de rapports des consulats français, belges et suisses, ainsi que des associations telles que l'Alliance française, le Cercle français et d'autres109; des commentaires sur les caractéristiques géographiques du pays, ses ressources naturelles et les conditions défavorables des maladies tropicales, ce qui ouvrait l’espace pour l’inclusion de notes sanitaires et médicales. Les nouvelles de la Guerre occupaient aussi un large espace et le journal présentait encore des sections de faits divers, de feuilleton et de couvertures spéciales à l’époque des festivals nationaux français célébrés à São Paulo, événements qui suscitaient de fortes mobilisations de la colonie, mais aussi de la part des autorités brésiliennes110.

Le programme du Messager de São Paulo répète les intentions de tant d'autres journaux français, qui voulaient représenter la colonie sans s'impliquer dans les questions politiques locales, promesse presque jamais tenue : « Son but est commercial, rien de plus » et « Il défendra les intérêts de tous ceux qui ont la langue française pour idiome national et il cherchera à développer les relations étrangères et celles du Brésil »111. Mais les questions politiques sont toujours présentes dans cet hebdomadaire et son rédacteur était souvent impliqué dans des controverses locales.

Sont exemplaires, de ce fait, les attaques fréquentes et sans détour aux « Boches ». Le journal les accusait de commettre des atrocités pendant la Guerre, affichant une haine qui touchait aussi les Allemands habitant le Brésil. Un compte rendu critique de la main d’Hollender du livre de Raoul S'Arcanchy, Le Pan Germanisme au sud du Brésil, a cependant provoqué un malaise dans la communauté. Hollender y dénonçait l'auteur pour sa sympathie envers les « Boches », accusations contre lesquelles ce dernier se défendit dans les pages de la Revue Franco-Brésilienne avec l'appui de son rédacteur en chef, Émile Lambert, qui soupçonnait que la lecture d’Hollender avait été superficielle et qu'il n’avait pas compris le livre, puisque celui-ci défendait les Français et non pas les Allemands au Brésil. Quoi qu'il en soit, la rivalité entre les deux nations se liait à l'animosité présente depuis la guerre franco-prussienne, et elle fut un sujet récurrent dans le Messager, derrière la question de l'immigration seulement.

Parmi les collaborateurs du journal, on retrouve son administrateur, Júlio de Andrade, dont le nom n’est plus mentionné à partir de 1902, probablement quand Hollender commença à gérer le journal tout seul. La référence à l’« Association » n’apparaît plus non plus, mais le journal continuait tout de même à en être le porte-parole, rôle qu’il jouait aussi pour d'autres associations francophones. Le sous-titre du journal était désormais le suivant : Organe républicain des Intérêts des Français dans l'Amérique du Sud. La prétention de représenter les Français dans les Amériques peut sembler trop ambitieuse, mais, en fait, les relations du journal avec les autres pays d'Amérique latine, en particulier l'Argentine, étaient solides. Le journal L'Étoile du Sud, de Charles Morel, était sûrement l’organe français qui avait le plus de liens avec la grande colonie franco-argentine. Hollender était justement le représentant de ce journal à São Paulo112. Il admirait son éditeur, de sorte qu’il était l’objet de plusieurs mentions honorables exaltant le rôle qu’il jouait comme médiateur culturel entre la France et le Brésil. La même chose peut être observée en ce qui concerne Émile Lambert, ce qui démontre la formation d'un vaste réseau parmi les hommes de la presse française au Brésil. Ils sont les « hommes doubles » selon la définition de Christophe Charle, c’est-à-dire des hommes dont la fonction était aussi celle de « formateurs d'opinion »113.

Nous pouvons également évoquer les noms d’autres collaborateurs : F. Marius J. L. Halphen, Vicomte de Saint Léger, George Geville, P. Fox, Émile Vandeuplas, Madeleine Bastille, Hyppolyte Pujol, Henri Céard, Marcel Prévost, Clément Vautel, G. Bourge, Maurice Rondet-Saint, Henry Beautemps, François Veuillot, etc. Comme rédacteurs fixes le journal comptait sur Jean Bernard avec sa colonne « Billet Parisien », I. R. Ferdinand Duval et Amédée Marandet, correspondants à Paris de la section littéraire, artistique et théâtrale (ce dernier était responsable de la rubrique « La Vie Parisienne Artistique ») et Adrien Delpech correspondant à Rio avec sa « Chronique de Rio ». Finalement, les autorités étrangères et brésiliennes étaient aussi présentes dans les pages du Messager.

Parfois, cette présence se faisait à travers des traductions de déclarations officielles (comme le rapport du Président Rodrigues Alves sur la question de l'immigration ou les considérations faites par le Secrétaire de l’État des Finances Washington Luís sur les conditions économiques). Mais ce qui était le plus courant restait la participation directe, avec des textes spécialement envoyés à Hollender par les autorités françaises au Brésil. Quelques hommes de lettres brésiliens ont également publié dans ce journal ; c’est le cas de Mario de Lima Barbosa et d’Anibal Machado, entre autres. Certaines femmes apparaissent de même dans l'équipe d’Hollender, comme Suzanne Caron et Jane Valognes.

Malgré ce grand nombre de collaborateurs, les rédacteurs fixes ne sont pas plus de trois ou quatre et Le Messager de São Paulo ne semble pas avoir été une entreprise vaste ou complexe. Il est possible que son éditeur ait fait face à des défis considérables afin de maintenir son activité, comme le suggèrent les divers changements d'adresse de la rédaction et ceux de fournisseurs (le journal était d’abord imprimé à la Typographie de la Companhia Industrial de São Paulo et passe ensuite à l’officine de Duprat & Comp. São Paulo), cherchant probablement à contrôler ses dépenses.

À la fin de son cycle, Hollender annonçait son journal dans l’Almanaque Brasileiro Garnier, publicité qui montre à quel point le circuit de l’imprimé périodique étranger formait un réseau complexe de personnes et d'institutions qui révèle non seulement les pratiques journalistiques impliquées dans leurs activités, mais aussi l'action de ces groupes au Brésil.

Conclusion

Nous espérons avoir réussi à répondre à quelques questions initiales de cette recherche sur les journaux français publiés au Brésil. L'hypothèse selon laquelle la période choisie par nous peut être considérée comme un « âge d'or » de la presse française est soutenue par l'augmentation et le développement des titres examinés. Les raisons qui justifiaient ces publications semblent être claires : il était nécessaire d’avoir un organe de représentation des communautés d'immigrants et de leurs associations, dans un contexte où les immigrants n’avaient pas d’organisme officiel pour les supporter. En profitant de conditions favorables à la réception de la culture française, conditions qui doivent leur existence à la francophilie en vigueur, ces organismes tentent de perpétuer le mythe de la prédominance de ladite « influence » française, dans un mouvement d’affirmation qui dissimule à peine les fissures ouvertes par la résistance de certains autres groupes, critiques de cette hégémonie114.

Dans ce bref panorama couvrant presque un siècle, il a été possible de connaître un peu des différents styles présents dans cette presse, une typologie en effet peu variable si elle est considérée du point de vue générique (il s’agissait pour la plupart de journaux de nature informative visant les colonies francophones), mais qui présente des nuances importantes si elle est observée de plus près (on y voit entre autres des journaux plus voués au divertissement ou à la controverse politique, d'autres portés sur les intérêts commerciaux et sur les diverses questions concernant l'immigration), au point où nous pouvons entrevoir quelques-uns des différents groupes qu’ils représentaient. Il est même possible d’y faire quelques découvertes, comme l’activité d’éditeur de journal de Garnier; de prendre conscience de l’existence de certains conflits qui n’avaient jamais été documentés entre des groupes qui ne paraissaient pas distincts jusque-là ; ou encore de révéler des noms jusqu'ici complètement inconnus des historiographies brésilienne et française.

Finalement, s’il n'a pas été possible d’approfondir l’étude de quelques biographies, nous avons pu observer une part de l'importance de ces passeurs culturels dans la dynamique socioculturelle de l'atmosphère intellectuelle de l'époque, de même que la profusion des médiations et des réseaux formés par les relations entre les éditeurs, les journalistes, les correspondants, les traducteurs, ainsi que les hommes de lettres et d'affaires des deux côtés de l'Atlantique. Un même nom apparaît souvent associé à plus d'un journal, révélant un réseau complexe de relations et d'échanges culturels.

Nous espérons avoir montré que les périodiques français ont aussi raconté, à leur manière, l'histoire de la presse au Brésil. Ils étaient liés aux étapes qu'elle a traversées, ils dialoguaient avec ses styles, lui dictaient une façon de faire du journalisme et ont laissé sur elle une marque parfois ironique, parfois arrogante, mais presque toujours engagée. Cette marque montre leur rôle actif dans la société qui les a accueillis.

Les prochaines étapes de cette investigation concerneront la poursuite de la recherche de collections de périodiques en français publiés au Brésil, et ce, afin de compléter le tableau ci-joint (Tableau 01) avec des exemplaires ou des titres encore inconnus. Nous continuerons de même notre enquête sur le rôle de ces médiateurs.

(Département d’Histoire – UNESP

FAPESP/CNPQ)

Notes

1  La traduction de cet article a été faite par Yuri Cerqueira dos Anjos.

2  ANDERSON, B. Nação e consciência nacional, São Paulo, Ed. Ática, 1989, coll. Temas, vol. 9.

3  Le journal était imprimé à l’atelier de typographie de Pierre René François Plancher de la Noé (França, 1779-1844), journaliste bonapartiste exilé au Brésil en 1823. Selon Hallewell, le choix du Brésil est dû à des raisons diverses. Parmi ces raisons, on note le caractère libéral du régime (à l’époque refuge traditionnel de bonapartistes) et l’attractivité du marché du commerce de livres, qui « était concentré entre les mains de Français ». Plancher a imprimé plusieurs ouvrages en français, en anglais et en portugais, dont la Constitution de l’Empire du Brésil, des almanachs, des guides et des journaux, comme le célèbre Jornal do Comércio. (HALLEWELL, L. O Livro no Brasil: sua história, São Paulo, Edusp, 2005, p. 141).

4  Edité par E. Sévene.

5  LFCPL, RJ, n. 1, 04/1827, p. 1.

6  KAYSER, J. Le quotidien français, Paris, Librairie Armand Colin, 1963, 2e ed.

7  SOULET, J. F. L'Histoire Immédiate – historiographie, sources et méthodes, Paris, Armand Colin, 2009.

8  Pour plus d’analyses et de données statistiques, voir VIDAL, L. et LUCA, T. R. (orgs.). Franceses no Brasil: séculos XIX e XX, São Paulo, Ed. Unesp, 2009. Voir surtout l’introduction et les chapitres 2 et 3.

9  LESSA, M. L. et SUPPO, H.R. « A emigração proibida: o caso da França-Brasil entre 1875 e 1908 », in VIDAL, L. et LUCA, T. R. (orgs.). Franceses no Brasil: séculos XIX e XX, p. 77.

10  MIALHE, J. L. « A emigração francesa para o Brasil pelo porto de Bordeaux: séculos XIX e XX » in VIDAL, L. et LUCA, T. R. (orgs.). Franceses no Brasil: séculos XIX e XX, tableau, p. 61.

11  Ce journal de Luiz Annibal Falcão, avec à la rédaction Roland Faure, réunissait les modernistes brésiliens et étrangers. Sans doute d’autres publications l’ont-elles précédé, mais une recherche plus approfondie serait nécessaire pour l’affirmer.

12  Ce choix est aussi le résultat des restrictions dans la disponibilité des archives, surtout en ce qui concerne leur état de conservation matérielle.

13 LCB, RJ, 15/09/1854, p. 1.

14  HALLEWELL, L. O livro no Brasil- sua história, p. 154.

15 Ibid.

16 Ibid., p. 154.

17  MACEDO, J. M. Memória da Rua do Ouvidor, Brasília, Senado Federal, 2005. Anexo I, p. 193.

18  Ibid., p. 193.

19  Lithographe et graveur reconnu, propriétaire de la Lithographie d’Aranha & Cia. Il a ouvert avec Waldemar la Lithographia Mercantil. FERREIRA, O. C. Imagem e letra: introdução à bibliologia brasileira: a imagem gravada, São Paulo, EDUSP, 1994, p. 390.

20  Ibid., p. 278.

21  D’abord placé au no 81 de la même rue, il passe ensuite au no 87 avec la Livraria Imperial.

22  Phénomène propre aux transferts culturels : « mettant en évidence l’interaction entre un contexte politique et la constitution d’un savoir qui devient un élément de l’identité nationale ». ESPAGNE, M. Transferências culturais e história do livro., Revista Livro, no 2. Cotia: Ateliê Editorial/ NELE, 2012, p. 26.

23  CANELAS, L. G. « O Courrier du Brésil e o conflito entre associações francesas no Rio de Janeiro » in VIDAL, L. et LUCA, T. R. (orgs.). Franceses no Brasil: séculos XIX e XX, p. 294 et 301. L’auteur présente un tableau des journaux en français publiés au Brésil (p. 311).

24 Ibid., p. 294.

25  Sur la carrière de photographe voir STICKEL, E. J. S. Uma pequena biblioteca particular: subsídios para o estudo da Iconografia no Brasil, São Paulo, Edusp/Imprensa Oficial, 2004, p. 478. Pour une analyse d’une partie des images de Frond, voir BORGES, M. E. L. « A escravidão em imagens no Brasil oitocentista » in FURTADO, J. F. (org.). Sons, formas, cores e movimentos na modernidade atlântica: Europa, América e África, São Paulo/Belo Horizonte, Annablume/PPG-UFMG/FAPEMIG, 2008, coll. Olhares, p. 319-344.

26  C’est-à-dire le nouveau libéralisme né après les révolutions de 1848. Sur le dialogue que Machado entretient avec l’univers de la politique étrangère, surtout française, voir BOSI, A. « Um nó ideológico: notas sobre o enlace de perspectivas em Machado de Assis », in Escritos: revista da Casa de Rui Barbosa, Rio de Janeiro, Ed. Casa Rui Barbosa, 2008.

27  MASSA, J. M., « A França que nos legou Machado de Assis » in MOTTA, S. V. (orgs.). Machado de Assis e a crítica internacional, São Paulo, Ed. Unesp, 2009, p. 239, 240.

28  Nous ne savons pas si c’est avant ou après la publication de ce morceau en français.

29  EBAS, RJ, 01/05/1859. Sur cette question, voir BATALHA, C.H.M. « Um socialista francês diante da escravidão no Brasil: Louis-Xavier de Ricard e o jornal Le Sud-Américain », in VIDAL, L. et LUCA, T. R. (orgs.). Franceses no Brasil: séculos XIX e XX.

30  Voir le site de l’AFRANBE –http://www.afranbe.org.br.

31  L’amitié de Biard avec Aumont perdure en sol brésilien. Le journaliste est reçu par des connaissances à Rio de Janeiro et Biard s’installe dans le même hôtel, l’hôtel Ravaud, où ils subissent ensemble l’insalubrité d’installations noires et étouffantes comme des « prisons de Venise » ainsi que la présence de moustiques et de punaises (« on les nomme baratos au Brésil »). Cette expérience commune a sans doute aidé à les rapprocher encore plus. Voir BIARD, F. A. Dois anos no Brasil, São Paulo/Rio de Janeiro/Recife/Bahia/Pará/Porto Alegre, Cia. Editora Nacional, coll. Brasiliana – Biblioteca Pedagógica Brasileira, série 5, vol. 244, 1945, p. 11-30.

32  Un correspondant du New York Times au Brésil nous donne cette information. Seulement identifié comme « Comandante » (Major), il fournissait des nouvelles de la Cour et soulignait la mort de celui qu’il considérait “the most brilliant writer” (« FROM RIO JANEIRO: Court Matters Naval and Shipping Intelligence Americans in Brazil Miscellaneous, New York Times, 21/04/1860.

33  Auquel Biard a fait référence.

34  « A pedido » (sous commande) était une forme de publication payée, souvent critiquée, mais aussi très présente dans la presse brésilienne.

35  En effet, les éditions surmontaient souvent ce nombre.

36  SODRÉ, N.W. A história da imprensa no Brasil, Rio de Janeiro, Mauad, 1999, p. 109.

37  EBAS, RJ, 18/03/1860.

38  Un âne gratte l’autre (LCB, RJ, 08/04/1860).

39 Figaro Chroniqueur, 03/04, n. 1 - Dimanche; 10/04, n. 2- Dimanche; 08/05, n. ? – Dimanche; 19/05,  n. 7 – Jeudi.

40  SODRÉ, N.W. História da Imprensa no Brasil, p. 198.

41  Future Livraria Imperial de Frederico Waldemar.

42   “Programme, prospectus - Préface, prologue, introduction, avertissement enfin… ce que l’on voudra ” (FC, RJ, 03/04/1859).

43 FC, RJ, 03/04/1859.

44  Levin, O. M.  « Offenbach e a disputa pelo público brasileiro (1840-1870) »; FLÉCHET, A. « Offenbach no Rio a febre da operetta no Brasil do Segundo Reinado » e YON, J.C. « A ópera buffa de Offenbach: algumas pistas para o estudo da circulação mundial de um repertório no século XIX » in ABREU, M. e DEAECTO, M. M. (orgs.) A circulação transatlântica dos impressos – conexões, Campinas, UNICAMP/IEL, 2014.

45 FD, RJ, 19/05/1859.

46  FONSECA, G. Biografia do jornalismo carioca (1808-1908), Rio de Janeiro, Livraria Quaresma, 1941.

47  Ibid., p. 334.

48  Le Nouvelliste, 04/11/1847.

49  Ibid., 29/02/1848.

50  Comme le premier Nouvelliste ne fait pas partie de notre corpus, nous n’aborderons pas son cas.

51  « Chinoiserie », selon le Petit Robert: « 1. Bibelot, décor qui vient de Chine ou qui est dans le goût chinois. 2. Complication inutile et extravagante ».

52  Selon Gondin da Fonseca: « Ce journal a eu un grand succès à son époque. Il était entièrement rédigé en français et apportait des caricatures de J. Mill ». Ibid., p. 338.

53 O Mundo da Lua – folha illustrada, lunática, hyperbolica e satyrica (Ano I, n. 15, 08/04/1871).Le débutant Pinheiro Guimarães fait une caricature très peu flatteuse de l'Empereur dans l’édition suivante (n. 16, 15/04/1871).

54  L’Histoire de Gil Blas de Santillane de Lesage « ce n’est pas la peinture des hommes tels qu’il doivent être, mais tels qu’ils sont » in VAPEREAU, G. Dictionnaire Universel des Littératures, Paris, Librairie Hachette et Cie., 1876, p. 1235-1237. (Disponible sur : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2207247)

55  Une recherche rapide dans les archives de la Bibliothèque Nationale de France (BnF) nous permet de trouver plusieurs périodiques intitulés Gil Blas en France comme le Gil Blas : revue de Luchon et de Pyrénnés de 1867. Le Gil Blas français le plus célèbre a commencé à être publié en 1879, après celui du Brésil donc, et a continué ses activités jusqu’en 1940. Il était édité par A. Dumont, et avait aussi des éditions spéciales comme le Gil Blas Illustré (paru en 1891). D’autres exemples continuent à surgir : Gil Blas, supplément sportif hebdomadaire (1896), Gil Blas, supplément hebdomadaire militaire (1896), Gil Blas, supplément hebdomadaire du lundi : Gil Blas mode (1896), Almanach de Gil Blas (1881), Gil Blas, supplément hebdomadaire du mercredi : Gil Blas hors de France (1896), Gil Blas, bi-mensuel. Journal d’information politique & économique (1934) entre autres, dont une publication de Madrid, le Gil Blas : periódico satírico (1870).

56  OFFENBACH, Jacques [compositeur]. Fantasio, opéra comique en 3 actes d'aprés la comédie d' Alfred de Musset [Musique imprimée], Paris, Choudens, [1872], In-8°, 223 p.

57  LGB, 14/10/1877, p. 2.

58  Dans les archives de la Biblioteca Nacional Brasileira, celui-ci est le dernier exemplaire disponible.

59  Le premier avec le nouveau titre Le Messager du Brésil étant une continuation directe du Gil Blas, dont la dernière édition avait été celle de numéro 47 (1ère année).

60  À peine trois jours après la « fête de la République » française organisée à São Paulo par la colonie française et dirigée par le vice-consul français Charles Marquois : « Le 4 septembre n’est pas seulement la fête de la République, c’est aussi la fête de la France » (LGB, 01/09/1878, p. 2).

61  Cet article s’adresse d’abord aux « Chères Lectrices » puis aux « Chers Lecteurs » (LGB, 25/08/1878).

62 LGB, 25/08/1878, p.1.

63 LMB, 07/09/1878.

64  BATALHA, C.H.M. « Um socialista francês diante da escravidão no Brasil: Louis-Xavier de Ricard e o jornal Le Sud-Américain », p. 163.

65   Almanak Laemmert do Rio de Janeiro para 1882, p. 399.

66 Almanak Laemmert do Rio de Janeiro para 1876, p. 44; 1877, p. 44.

67 Almanak Laemmert do Rio de Janeiro para1878, p. 655.

68 Almanak Laemmert do Rio de Janeiro para1882, p. 399.

69 Almanak Laemmert do Rio de Janeiro para1883, p. 663.

70 Ibid., p. 664.

71 Almanak Laemmert do Rio de Janeiro para1883. p. 1214.

72 Almanak Laemmert do Rio de Janeiro para1885, p. 684, 693.

73  Ibid., p. 902.

74  LMB, 24/06/1883.

75  « À Luiz de Camões homage du Messager du Brésil » (LMB, 10/06/1880).

76  LMB, RJ, 29/06/1884.

77  Malgré cette annonce, il n’y a pas eu de sections en italien (LMB, RJ, 03/07/1884).

78  Nom respecté dans et en dehors de la communauté française au Brésil. Il a participé de l’École Polytechnique, il était proche de l’Empereur et a publié d’importants ouvrages sur le Brésil. Il est auteur de la célèbre phrase « Le Brésil n’a pas de peuple » (CARVALHO, J. M. « Os três povos da República », in Revista USP, SP, sept.-nov, 2003, n. 59, p. 96-115).

79  Le futur Conselheiro Antônio Prado était à cette époque Inspecteur Spécial des Terres et Colonisation de la Province de São Paulo.

80  Ministre de l’Empire et créateur de la chaire en xylogravure du Licée d’Arts et Métiers de Rio de Janeiro (FERREIRA, Orlando da Costa. Imagem e letra – introdução à bibliologia brasileira – a imagem gravada, São Paulo, Edusp, 1994, p. 201.

81  D’origine française, Taunay a été ingénieur, musicien, romancier, historien, professeur, homme politique, entre autres. Il est notamment l’auteur du roman Inocência (1872).

82  Frère de l’écrivain portugais José Duarte Ramalho Ortigão. Voir NABUCO, J. Escritos e discursos literários – L’Option, São Paulo, IPÊ - Instituto Progresso Editorial, 1949, p. 3.

83  Rédacteur en chef du journal Gazeta de Notícias.

84  « On est profondément étonné et ravi lorsqu’on songe que ce déploiement de magnificences royales, que l’on ne croyait possible que dans les châteaux princiers du Vieux Continent, a lieu dans une maison presque perdue au milieu des grandes forêts vierges qui se dressent encore orgueilleusement sur la cime de hautes montagnes. » (Almanach du Messager du Brésil,1884, p. 53.)

85  La quantité d’annonces d’établissements français impressionne.

86  Voir BATALHA, C.H.M. « Um socialista francês diante da escravidão no Brasil: Louis-Xavier de Ricard e o jornal Le Sud-Américain ».

87  « Rio de Janeiro, 1884, 156 p. », in BLAKE, Sacramento. Diccionário Bibliographico Brazileiro. Rio de Janeiro: Conselho Federal de Cultura, 1970, vol. 6 [Ed. Fac-similar Imprensa Nacional, 1900], 
p. 281.

88  Rio de Janeiro, Ed. Église Positiviste du Brésil, 1902.

89  Comme Louis Couty (note nécrologique publiée dans le journal).

90  La Biblioteca Nacional énumère plusieurs journaux ayant le titre d’Écho du Brésil. Le premier date de 1859-1860, le deuxième de 1894-1895 et le troisième de 1908-1910, cependant nous n’aborderons pas tous ces journaux ici.

91  Voir l’édition du 14/07/1898.

92  Selon Letícia Canelas, Coelho Neto aussi.

93  Revue Franco-Brésilienne et des intérêts alliés, 06/06/1909.

94  CORPS, G. « La communauté française au Brésil durant la Première Guerre mondiale », in POTON, D., SYMINGTON, M.. VIDAL, L. (orgs). Les migratiosn europennes aux Ameriques: pour un dialogue entre histoire et littérature, Rennes, CRHIA-Presses Universitaires des Rennes, n. 43, 2012. p. 177.

95  ECL, 1895.

96  « Notre patrie le seul objet dont l’espérance et la philosophie ne nous aient pas détachés » (Encyclopédie) e « Les pays ne sont pas cultivés en raison de la fertilité mais en raison de la Liberté » (Montesquieu).

97  Affonso A. de Freitas, op. cit., p. 423.

98  Voir BARBUY, H. « Comércio francês e cultura material em São Paulo na segunda metade do século XIX », in VIDAL, L. e LUCA, T. R. (orgs.). Franceses no Brasil: séculos XIX e XX.

99  MARTINS, A. L. Revistas em revista: imprensa e práticas culturais em tempos de República, São Paulo (1890-1922), São Paulo, Edusp/Fapesp, 2008, p. 126; SODRÉ, op. cit., p. 265.

100  ELC, SP, 31/10/1895, p. 1.

101  Dont d’autres accusations graves de ruse concernant un mariage à Caracas, où il se serait fait passer pour un riche dans le but de se marier avec une mademoiselle bien née, recevant de son beau-père une importante pension, puis d’abandonner son épouse après avoir vendu ses bijoux. Voir « Lettre ouverte de M. les Rédacteurs de L’Éclaireur à Monsieur le Ministre de France de Rio de Janeiro » (ECL, SP, 1895, p. 2).

102  Il serait par la suite éditeur de la revue France-Brésil, revue mensuelle de propagande industrielle et commerciale, publiée à Bordeaux à partir de 1904 (MARTINS, A. L. Ibid.)

103  Des juifs français provenant de la région de l’Alsace-Lorraine.

104  Nous avons abordé le cas de ce journal dans l’article suivant : GUIMARÃES, V. « Da História Comparada à História Global: imprensa transnacional e o exemplo do Messager de São Paulo », Revista do Instituto Histórico e Geográfico Brasileiro, Rio de Janeiro, a. 176, n. 466, p. 11-272, janv.-mars 2015. Disponible à : https://ihgb.org.br/publicacoes/revista-ihgb/itemlist/filter.html?searchword285=466&moduleId=150&Itemid=174

105  “M. Eugenio Hollender a été directeur-propriétaire du ‘Le Messager de S. Paul’, journal qu’il a fondé en 1889 [sic] et qui a circulé jusqu’en juillet 1924, quand ses officines ont été complètement détruites par les troubles causés par la révolution” (« Necrológio de E. Hollender », O Estado de S. Paulo, 11/08/1931).

106  WOLF, E. e F. Judeus nos primórdios do Brasil República: visto especialmente pela documentação do Rio de Janeiro, Rio de Janeiro, Biblioteca Israelita H. N. Bialik, Centro de Documentação, 1979. p. 194-195.

107  Il était « traducteur de la Douane de S. Paulo, de l’Associação Comercial et des consulats de France, Russie, Italie, Angleterre, Suède et Norvège ». Voir Almanak Laemmert do Rio de Janeiro para 1901, p. 1446. Voir aussi: Decreto nº 3.544, de 30 de Dezembro de 1899.

108  Il est mentionné par le bibliographe Manuel Viotti dans son « Censo - A Imprensa Paulista em 1904 », publié dans l’Almanaque Brasileiro Garnier de 1905. Ce journal était aussi présent dans les pages d’annonce de l’Almanaque en 1909 et 1911.

109  Dont il arrive à faire publier les rapports complets (MSP, 12/05/1923) où l’on compte avoir à Rio environ 400 élèves, parmi lesquels de nombreux Brésiliens, Portugais et Italiens.

110  L’étudient de licence Junior Mendonça Gomes nous a aidé à composer un tableau avec le nom de toutes les sections du journal.

111  Cette édition n’a pas pu être consultée. Ces informations ont été trouvées dans une page de journal découpée citant le programme du premier numéro.

112  Wolff, E. & F. Idem, p. 208.

113  CHARLE, C. « Le temps des hommes doubles », Revue d’histoire moderne et contemporaine, Paris, v. 39, n. 1, janv.-mars 1992, p. 73-85, p. 74.

114  Comme celle de la génération française de 70, dans le domaine intellectuel, la croissante présence anglaise comme référence économique et aussi intellectuelle, de même que la forte présence allemande à l’époque de la Grande Guerre.

Pour citer ce document

Valéria Guimarães, « Les journaux français publiés au Brésil et les échanges transnationaux (1854-1924) », Le journalisme francophone des Amériques au XIXe siècle, sous la direction de Guillaume Pinson Médias 19 [En ligne], Dossier publié en 2018, Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/le-journalisme-francophone-des-ameriques-au-xixe-siecle/les-journaux-francais-publies-au-bresil-et-les-echanges-transnationaux-1854-1924