Les Mystères urbains au XIXe siècle : Circulations, transferts, appropriations

Les Mystères de Paris, film de Jacques de Baroncelli : l’art d’accommoder les restes

Table des matières

FRANÇOIS AMY DE LA BRETÈQUE

« Un arlequin est un ramassis de viande, de poisson, et de toutes sortes de restes provenant de la desserte de la table des domestiques des grandes maisons. Nous sommes honteux de ces détails, mais ils concourent à l’ensemble de ces moeurs étranges. »
Eugène Sue, Les Mystères de Paris, première partie, chapitre 2.

Les amateurs du roman d’Eugène Sue se sont déjà convaincus que cette recette inaugurale pouvait être comprise comme une métaphore du roman qu’ils étaient en train de lire. Je la prendrai ici en plusieurs sens. D’abord, parce qu’en 1943 le film de Jacques de Baroncelli arrive tardivement. On n’aura pas manqué de noter qu’il marquait le centenaire de la publication du roman. La grande époque du feuilleton était révolue, celle des films à épisode aussi, en France tout au moins.

« L’art d’accommoder les restes » : l’expression ne cherche pas à déprécier le film de Baroncelli, bien au contraire, mais à montrer qu’il peut également s’agir là d’une option esthétique contrainte par des conditions économiques et politiques, mais résultant aussi d’un choix.

 Les circonstances du tournage : les « restes » de La Vie de Bohême de L’Herbier

À partir de décembre 1942 Marcel L’Herbier tourne aux studios de la Victorine à Nice une adaptation de La Vie de Bohême de Murger et de La Bohême de Puccini. Le producteur est André Paulvé. On est en pleine pénurie « avec des installations désorganisées au personnel fluctuant »1. Les Italiens occupent Nice depuis novembre 1942. « Les décors édifiés sur le grand plateau de Nicea Films ont été démontés à tort alors que des raccords étaient formellement prévus pour plus tard ». Les avanies se multiplient, des vols, des intempéries. « On manque de staffeurs et de plâtriers, la construction des décors prend du retard ». Le décorateur Georges Wakhevitch s’impatiente. Néanmoins, « Wakhevitch (a) réussi à reconstruire sur les terrains autour des plateaux une bonne part du vieux Paris du Quai aux fleurs où se situait l’action ». La Vie de Bohême raconte la joyeuse existence menée par un groupe d’amis (Rodolphe, Marcel, Chaunard, Colline), les farces aux propriétaires, les amours avec Phélie, Musette, Mimi sur fond de révolution de 1848. Le film ne sortit qu’en 1945.André Paulvé réutilisera ce décor pour plusieurs autres films, comme il était d’usage assez courant dans les grands studios américains (et comme le fera plus tard, dans ce même lieu, François Truffaut pour La Nuit américaine). Il servira en particulier pour le film qui nous intéresse, Les Mystères de Paris de Baroncelli.

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Décor. Le décor réutilisé de La Vie de Bohême de Marcel Lherbier

Baroncelli enfile, si l’on peut dire, les chaussures usées de L’Herbier. C’est pour lui un aîné prestigieux, même s’il est de la même génération, et s’il a partagé de loin l’aventure de l’avant-garde des années 1920. Il ne cherchera pas à rivaliser avec son prédécesseur. La modestie a toujours caractérisé ce réalisateur qui en a fait presque sa marque de fabrique. Il s’accommodera fort bien des décors de Wakhevitch et le Paris de 1848 représentera sans problèmes celui de la monarchie de Juillet. L’action des Mystères de Paris se place en 18422. Roland Toutain (qui interprète Cabrion) fait la liaison entre les deux films où il joue à peu près le même personnage : un étudiant aux Beaux-Arts espiègle et chahuteur. Peut-on ajouter que le héros se prénomme Rodolphe dans les deux ?

Il est vrai que Les Mystères de Paris (le feuilleton d’Eugène Sue) et La Vie de Bohême (la pièce de Murger) étaient déjà eux-mêmes en rapport d’intertextualité, mais en ordre inverse des films : 1843 pour le premier, 1849 pour la seconde. Ils ont des personnages en commun,  Rigolette / Mimi, Cabrion / Chaunard, et des scènes comme les farces des étudiants. Ces éléments ne sont plus que résiduels dans le film de Baroncelli. On a l’impression qu’ils y ont été maintenus pour mémoire en faisant appel à la mémoire du spectateur cultivé. Les farces de Cabrion y viennent un peu comme un cheveu sur la soupe.

De plus, par un étrange hasard, « le film de Baroncelli réalisé après La Vie de Bohême fut présenté au public avant, et c’est l’œuvre de Marcel L’Herbier qui semblait ainsi utiliser des restes alors que Mimi et l’autre Rodolphe –celui de Murger – avaient passé par là les premiers »3.

 Les restes du film à épisodes des années 1910/1920

Rappel historique : Le film à épisodes a été introduit en France par Gaumont dès 1913 en réplique à Pathé Exchange qui allait importer Les Mystères de New York4. Pour être précis, il y eut plusieurs étapes. D’abord le film à séries dont Fantômas (5 films de 1200 à 1800 m., mai 1913-mai 1914) est le prototype. Puis les vrais films à épisodes dont le premier modèle est Les Vampires (10 épisode de 1200 à 1500 m., novembre 1915-juin 1916).

Dans les années 1920, après la guerre, on parle de ciné-romans pour une succession d’épisodes ou d’époques non autonomes dont l’intrigue est continue et les segments de durée fixe. La période d’acmé du genre se situe entre 1920 et 1925 en France. La pointe est en 1921 (16 à 24 films à épisodes selon les décomptes). En 1923 la formule traverse une petite crise qui correspond à un débat dans la presse pour ou contre ce genre, décrié par les intellectuels dans le contexte de l’avant-garde. La presse populaire contre-attaque mais la production, un peu relancée, ne connaîtra pas les sommets du milieu de la décennie. Elle décline doucement et disparaît dans les années 1930. On lui substitue alors les films à époques ou à chapitres que l’on peut voir aujourd’hui comme une étape de l’intégration à la forme du long métrage unitaire5.

Logique de la sérialité : Le film à épisodes fait éclater la forme unitaire tout en maintenant une continuité. Il est une solution extrême à la tendance à l’allongement.

La sérialité est une loi connue des littératures orales et traditionnelles. Les épopées, les chansons de geste et les cycles animaliers y ont longtemps obéi. On a souvent voulu y voir une forme dégradée du mythe. C’est Lévi-Strauss qui a eu la formule : « La structure se dégrade en sérialité 6». Mais cet aphorisme suppose que préexisterait un « modèle idéal de discours où la pensée est mieux servie » dont le récit sériel représenterait une « décadence »7. Néanmoins, Levi-Strauss « insiste lui-même sur l’intérêt propre du type de narration sériel, surtout s’il est bricolé avec des fragments d’autres mythes ». Revoilà l’ « art d’accommoder les restes » !

Dans le domaine des littératures populaires et plus généralement des arts du récit (donc du cinéma), ce phénomène ne concerne plus seulement des mythes traditionnels et hérités comme ceux de la mythologie antique ou biblique, mais aussi des créations récentes fabriquées de toutes pièces, ce qu’on a coutume d’appeler des mythes populaires comme Fantômas. On parle d’« effets de prolifération ». « Pour les auteurs qui ont choisi de reprendre le personnage de Fantômas, il s’agit de jouer avec un héritage : non seulement avec la série initiale mais avec toutes les œuvres secondes qui ont été développées entre-temps » écrivent  Loïc Artiaga et Matthieu Letourneux. « Toute reprise d’un personnage est un dialogue avec ses autres incarnations. Mais reprendre une figure, c’est toujours la réinterpréter […], la redéfinir. […] Ce qu’on appelle ‘mythe’ en littérature populaire – Fantômas, mais aussi Zorro, Sherlock Holmes ou Tarzan – repose avant tout sur des mécanismes sériels caractéristiques de la culture médiatique du XX° siècle »8.

Par une sorte de retournement, la fin des années 1920 marque un retour à la forme unitaire avec l’apparition des versions condensées d’anciens films à épisodes. Par exemple en 1923 sort une version de Judex de 2800 m. (soit 150’) qui était destinée à une projection en une seule fois. L’original de Judex sorti en 1917 comptait 12 épisodes chacun de 400 à 800 m. (soit 22’ à 44 ‘) sortis dans les salles de janvier à avril 1917. Nous reviendrons plus loin sur la question du resserrement.

Les adaptations d’Eugène Sue et des Mystères de Paris

Les Mystères de Paris avait été adapté par Jasset en 1909 (310 m.), Le Mur mitoyen par Chautard vers 1911, Mathilde en 1912 à nouveau par René Chautard  (970 m.), Le Juif errant en 1913 (1441 m.) (déjà Méliès avait tourné un film de ce titre en 1905 mais ce n’était pas une adaptation de Sue), et une deuxième fois Les Mystères de Paris par Albert Capellani en 1913 (1540 m.). On voit les métrages s’allonger progressivement. Les deux derniers sont ce que nous appelons aujourd’hui des longs métrages : 1500 m. à 16 i/s équivalent à environ 80’.  

La troisième adaptation des Mystères de Paris, celle de Charles Burguet  en 1922, doit être envisagée dans ce contexte. C’est un vrai serial qui s’inscrit au milieu d’autres dont certains sont aussi longs (Barrabas9), la plupart moins. On relèvera que plusieurs d’entre eux sont des adaptations de la littérature populaire feuilletonesque : Mathias Sandorf, Le Bossu,  La Tour de Nesle (Dumas, Féval, Zévaco).

La version de Baroncelli sortie en 1943 se situe donc à un point bas d’une courbe sinusoïdale : elle vient après une version unitaire (celle de Gandera, 1935) qui succédait à une version sérielle (celle de Burguet, 1922) elle-même succédant à des versions courtes. Après la version Hunebelle (1962) on verra revenir la formule sérielle à la télévision10. Faut-il  conclure de ces systoles et diastoles successives que la forme sérielle est indispensable à l’adaptation d’un roman-feuilleton ? Certainement pas. La réduction à la forme unitaire résulte d’un « bricolage » dont on sait, depuis Lévi-Strauss, que ce n’est pas un terme dépréciatif en soi.

Les restes de Eugène Sue, la logique du resserrement

Pour éclairer la suite de mon propos, il est nécessaire d’en passer par une présentation du découpage séquentiel du film. On me pardonnera de le faire sous forme de liste de séquences11.

  • Dans l’île de la Cité. Un groupe de soldats patrouille et passe devant Fleur-de-Marie qui fait le trottoir.

  • Elle est agressée par le Chourineur et défendue par un inconnu. Le Chourineur s’avoue battu et les emmène tous deux boire un verre.

  • Au Lapin Blanc. Présentation des personnages. Le Squelette, Mange-tout, Pisse-Vinaigre, Patte de Canard. Entrée du Maître d’École et de la Chouette en robe de mariée. Tortillard témoin du mariage.

  • La Goualeuse chante. Elle pleure et raconte sa vie.

  • Rodolphe intervient pour empêcher la Chouette de l’obliger à boire. Altercation avec le Maître d’École. Le couteau planté dans la porte.

  • Rodolphe emmène Fleur-de-Marie dans un fiacre.

  • À la campagne. Madame Georges. Rodolphe explique (déjà) qu’il a perdu une fille.

  • Le marché aux fleurs. Le couple Pipelet. Rigolette. on la suit.

  • Dans la chambre de Rodolphe. elle lui fait attacher son collier. Cabrion descend du toit pour préparer un coup.

  • Chez Morel pour faire réparer le collier. Histoire de la caution de Maître Ferrand. Louise.

  • Francis, le fiancé de Louise, caissier de Ferrand. Chahut des étudiants.

  • Murph et Rodolphe dans les rues. Rodolphe expose sa  mission.

  • La comtesse Sarah Mac Gregor dans l’étude de Ferrand. Elle prétend que l’enfant est morte. Ferrand lui dit que Rodolphe est tombé amoureux d’une fille du peuple.

  • La réception à l’ambassade. Dispute de Rodolphe et Sarah sur le balcon.

  • Au Lapin Blanc. La Louve se fait tatouer. Elle est embarquée par deux policiers venus chercher la Goualeuse.

  • Sarah entre au cabaret négocier avec le Maître d’École et la Chouette. Elle veut qu’ils livrent Fleur-de-Marie à la police.

  • À la campagne. Piège de Tortillard. Fleur-de-Marie embarquée pour Saint-Lazare.

  • Prison. Les bonnes sœurs. Fleur-de-Marie fraternise avec La Louve.

  • Diversion : Pipelet et les femmes légères.

  • Arrestation de Morel. Rodolphe paie.

  • Francis et Louise dans l’étude de Ferrand. Il les fait arrêter. La Chouette lui annonce que l’enfant est vivante.

  • Le notaire va chez Sarah négocier la mort de Fleur-de-Marie. Elle se ravise.

  • Retour à St-Lazare. Maître Ferrand fait délivrer les deux captives. Il amène Fleur-de-Marie à l’île aux chiens.

  • Bord de Seine. Le naufrage. La Chouette repêche Fleur-de-Marie.

  • Au cabaret, Rodolphe et Murph. Ils combinent…

  • Le piège de la maison à cambrioler proposé aux deux brigands.

  • Retour de la Chouette au Lapin Blanc. Rodolphe assommé et précipité dans la cave inondée.

  • Le Chourineur le repêche.

  • le Maître d’École surpris dans la maison à cambrioler est ligoté à une chaise.

  • Le châtiment du Maître d’École.

  • Au Lapin Blanc. la Chouette vole son portefeuille. Tortillard le fait tomber dans la cave.

  • La Chouette chez Sarah. Révélation à Sarah : l’enfant recherchée est Fleur-de-Marie. Le bijou. Sarah poignardée.

  • En alternance, le règlement de comptes entre le Maître d’École et la Chouette.

  • En alternance, les aveux de Sarah à Rodolphe. Il apprend que Fleur de Marie est sa fille. Agonie de Sarah.

  • Chez le notaire. Maître Ferrand contraint à faire une donation. Création de l’établissement charitable. Maître Ferrand veut tirer sur Rodolphe. Le Chourineur reçoit la balle.

  • Épilogue à la campagne. Rodolphe et Fleur-de-Marie partent ensemble.

On compte 34 séquences d’après ce tableau. Isabelle Tréheux, dans son mémoire de maîtrise12, arrivait au nombre de 29. L’écart s’explique par la manière différente de considérer ce qu’on appelle « séquence » et la façon de décompter les segments à actions parallèles. Mais quoi qu’il en soit, on constate que le resserrement conduit à la multiplication d’unités plus petites, à un récit plus éclaté. C’est compréhensible : Il faut raconter beaucoup de choses en moins de temps.

Précisons d’emblée que l’objet de ma contribution n’est pas de faire une étude de l’adaptation comme l’a conduite Isabelle Tréheux, dont je résume les conclusions essentielles. Elle note d’abord comment les personnages « tertiaires » sont éliminés (la famille Martial, Cécily notamment, chez Baroncelli) et quelques personnages secondaires (Polidori, par exemple) de sorte qu’il ne reste que les « cartes majeures » : Rodolphe, Marie, Sarah, Ferrand, le Chourineur, le Maître d’École, La Chouette, Tortillard, Murph. Des figures secondaires sont ajoutés selon la bonne habitude du cinéma français d’avant-guerre, ces « silhouettes » qui épaississent le fond sans être indispensables à l’avancée de l’action : Germain et Rigolette (ici fiancés), le père Morel, Louise, la Louve, Cabrion. Des contractions et des fusions d’épisodes et de personnages sont opérées. Le Chourineur est tué directement, si j’ose dire, dans l’étude de maître Ferrand, et non plus à la barrière de Saint-Ouen quand il accompagne Rodolphe. Germain se charge de ce qui concerne Martial dans le roman.

La simplification concerne aussi les lieux de l’intrigue. Ils sont concentrés. Ainsi, il ne subsiste plus qu’un seul cabaret, Le Lapin Blanc : le Cœur saignant où Rodolphe manque d’être noyé par la crue de la Seine est confondu avec celui-ci. La logique des décors a dicté le scénario, bien qu’ils aient été construits pour un autre film.

Parmi les principes qui guident le resserrement, le plus visible est le renoncement aux intrigues parallèles ou incluses. La linéarisation de l’intrigue gouverne implacablement le scénario. Pourtant, le montage alterné apparaît dans quelques passages de la fin, lorsque qu’il est conforme aux règles de la tension au cinéma : l’épisode où Rodolphe est dans la cave inondée est monté en parallèle du cambriolage de sa villa par la Chouette et le Maître d’école qui mènera à leur arrestation : c’est un moment de forte accélération qui conduit au dénouement dans le film.

Pour accélérer la narration il y aussi des manipulations du savoir du spectateur. Le film anticipe des informations qu’on ne peut pas faire attendre comme dans la longue durée du feuilleton. À la 25ème minute Sarah raconte déjà à Maître Ferrand que l’enfant qu’elle lui avait confiée est morte. C’est à la 42ème minute que La Chouette révèle au même Ferrand que cet enfant est Fleur-de-Marie. Cela paraît rapide mais cela respecte à peu près les proportions du livre. C’en est, en somme, une miniaturisation.

Les motivations des actes et des personnages disparaissent aussi, ce que l’examen du scénario va nous révéler. La simplification des caractères et des motivations, note Isabelle Tréheux, conduit paradoxalement non pas au schématisme, mais à l’édulcoration. Par exemple, Rodolphe n’est plus en quête d’expiation, mais seulement à la recherche d’un enfant perdu : on a éliminé toute sa préhistoire personnelle, l’insulte à son père en particulier. En revanche, Baroncelli conserve l’information que la Goualeuse est une prostituée mais cette notation, donnée au début,  ne sert jamais plus par la suite.

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Chant de la Goualeuse. Scène de groupe, populisme de Baroncelli

Le film et ses scénarios

L’adaptation est de Maurice Bessy, les dialogues de Pierre Laroche. Qui sont-ils ? Bessy était avant tout un journaliste de cinéma. Il a écrit à Cinémonde avant la guerre. Il deviendra un journaliste connu après guerre et sera délégué général du Festival de Cannes de 1972 à 197713. Il n’a écrit qu’une petite demi-douzaine de scénarios, notamment pour Duvivier. Laroche (1902-1962) fut au contraire un scénariste assez prolixe. Il commence dans les années 1940. Il a été lancé par Prévert dont il est un ami. Carné dans ses mémoires se demande ce qu’il faisait vraiment sur les Visiteurs du soir qu’il cosigne14.

Il est clair que pour bien juger du travail de recyclage et de resserrement auquel le film s’est livré, il faut d’abord voir quel a été celui des scénaristes, la mise en scène et le montage n’intervenant que secondairement sur un matériau narratif proposé au réalisateur.

Quatre scénarios du film de Baroncelli sont  conservés à la Cinémathèque Française que je liste simplement ci-dessous15.

  1. une liste des dialogues : 65 pages reliées comportant le générique.

  2. un gros fragment d’une continuité dialoguée sur pelure carbone : pages 31 à 106

  3. un découpage relié de 140 pages

  4. un découpage relié en spirales : ce détail technique prouve que c’est l’exemplaire de travail sur lequel je m’appuierai. Il comporte peu d’annotations, mais il y en a sur l’intérieur de la chemise en carton qui l’enferme. Ce sont à coup sûr des notes manuscrites de Baroncelli réagissant à la lecture du scénario de Bessy.

C’est ce quatrième document qui va nous intéresser.

La tentation littéraire

Le début de ce découpage est tout à fait conforme au film achevé, même les mouvements d’appareil sont indiqués. Des indications ont dû poser problème au réalisateur, car le scénariste ne s’occupe guère pour l’instant de la faisabilité de ce qu’il propose. Par exemple : au plan 14 on lit : « la silhouette d’un homme enveloppé d’un grand manteau les16 suit » [il s’agit de Murph] : il faut avoir de bons yeux pour le voir ! Bessy se livre à une description très détaillée du Lapin Blanc, signalant les dessins, les initiales gravées…. « mille dessins taillés dans le mur à la pointe du couteau ». Il livre une page entière de description pour le plan 16 : « Des individus à l’aspect varié, disparate, inquiétant, attendent les premiers blanchiments de l’aube pour regagner leurs taudis » (p. 7). Il est peu admis dans un scénario de signifier une représentation mentale que les spectateurs ne pourront pas voir. Ou alors, c’est une suggestion au dialoguiste.

Pour le plan 26, on a droit à une  longue description du Maître d’École :

Plan d’un homme qui vient d’entrer sans se faire annoncer. Sa tête est grosse, ses épaules puissantes, ses longs bras disproportionnés terminés par des mains velues. Dans son visage sillonné de cicatrices livides, on ne voit plus son nez mais deux trous béants, horribles ; le pire consiste pourtant en ses yeux gris, perçants, très petits où étincelle la férocité. (p. 11-12)

Emporté par son élan, ou fasciné par son modèle, Bessy donne pour le plan 31 une page entière qui est une espèce de pastiche de Sue :

Comme appelé par un rythme à deux temps, à travers duquel passent des accords de guitare qui jouent une marche nuptiale, de la tapisserie, déchirée et poisseuse, un être s’en revient de l’enfer. C’est du moins le sentiment qu’il donne, grotesquement emmitouflé dans une toilette blanche de mariée ; les os des hanches recouverts d’une écharpe écarlate, une étrange apparition [….] L’œil vert et rond de la Chouette, un œil unique, l’emplacement de l’autre est tenu par une cicatrice semblable à une barre de pus, le nez crochu, les lèvres minces, retroussées sur deux canines noirâtres, achevant de donner à l’ogresse du Lapin Blanc, à la Chouette, la promise du Maître d’École, qui s’en va effectuer, sur le coup de deux heures du matin, une parodie de mariage à ses administrés. (p. 13)

Les passages de ce type sont nombreux au début du scénario. Un commentaire manuscrit de ces premières pages (numérotées 5 à 19) avec le renvoi correspondant est porté sur le carton dont j’ai parlé : Baroncelli demande de « trouver une minceur ». Le cinéaste envisage de « dégraisser » le scénario pour le tournage. Voilà une autre façon d’accommoder les restes… Il semble que Bessy se faisait plaisir et négligeait les contraintes de l’écriture scénaristique.

« pages 20 à 29 : scène campagne. améliorer cette scène » dit l’annotation suivante qui renvoie aux plans 57 à 67 : la brusquerie du passage à Bouqueval17 a été sentie par Baroncelli mais il n’y a finalement rien changé.

Plus loin dans le film, l’irruption des gendarmes au Lapin Blanc (plan 154 et sv) paraît manquer de motivation au cinéaste : « page 46 : scène Chourineur et Louve : je trouve cette scène déplaisante et forcée. Ne pourrait-on trouver autre chose ? L’intervention des agents est gratuite ». Il a raison. En revanche, au tournage, le cinéaste a ajouté la sortie de Rigolette de sa chambre et les plans de l’escalier qui font transition.

Un digest

Maurice Bessy se fatigue. Le scénario devient plus sobre à partir de la page 30 (plan 99), parce que le producteur le presse d’avancer, ou parce que le conseil de minceur a porté.

J’ai remplacé au pied levé Jacques Companeez, qui a abandonné parce qu’il ne connaissait pas le livre ; J’avais quinze jours pour écrire l’adaptation. un cycliste prenait mes manuscrits et les apportait à Pierre Laroche, le dialoguiste ; mais vu l’épaisseur du roman, je ne m’en sortais pas ; C’est alors que j’ai appris qu’une édition digest avait été publiée en Suisse. La production a réussi à y envoyer quelqu’un clandestinement et cela m’a sauvé la mise18.

À partir de là, Bessy semble avoir cédé la préséance à Laroche. Il n’y a presque plus de descriptions, la colonne de gauche devient indigente, seuls les dialogues guident la lecture. La ferme de Bouqueval, (plan 172), par exemple, n’est pas décrite, le bord de Seine (plan 243) non plus. C’est ce qui a fait dire à  Isabelle Tréheux que le récit de paroles l’a emporté sur le récit d’actions. Mais l’auteur des notes manuscrites n’est pas toujours content des dialogues de Laroche : « Pages 62-63. Scène chez les Morel. Arranger le dialogue. Vraiment trop  cucu. »  Et en note finale : « Revoir tout le dialogue – qui est médiocre19 ». Parfois le scénario livrait des explications qui font défaut dans le film achevé, lequel a donc procédé à d’autres soustractions.

Certaines situations sont complexes à gérer du point de vue de l’information du spectateur. L’auteur des annotations manuscrites expose cette objection :

Page 52. Arrivée de Sarah. À mon sens cette scène est incompréhensible. Pourquoi Sarah veut-elle faire enlever Fleur-de-Marie ? Qui l’a prévenue de la présence de Fleur-de-Marie à Bouqueval ? Il faudrait une scène qui préparerait cette intervention de Sarah.

Aussi, dans le texte (plan 116, correction peut-être faite à la suite de cette remarque), on apprend que cette information a été vendue à Maître Ferrand par le cocher qui les a conduits chez Madame Germaine. Cela disparaît du film achevé. Trop lourd à exposer, sans doute. Mieux vaut que l’action avance vite, au prix d’incohérences. De même, la mécanique assez complexe qui conduit Sarah à commanditer l’arrestation de Fleur-de-Marie est devenue trop elliptique dans le scénario et l’annotateur reste insatisfait de toute l’intrigue autour de la comtesse Mac Gregor.

page 69. Vraiment exagéré. Pourquoi Sarah veut-elle supprimer Fleur-de-Marie ? Le rôle de Sarah est vraiment odieux. On ne l’explique que par ces mots de Sarah : ‘Il l’aimerait ?’ Ce n’est vraiment pas suffisant.

page 92. Boudoir de Sarah. Scène entre Sarah et La Chouette. Je ne comprends plus ! Après s’être adressé à Me Ferrand, voilà que Sarah sollicite ce concours à La Chouette ! La scène est possible à condition de modifier les scènes précédentes où l’on ne sait vraiment pas ce que veut Sarah.

Mais cette modification ne sera pas effectuée, faute de temps sans doute : le tournage (commencé en mai 1943 pour une sortie en septembre) fut rapide. Le même annotateur (que je suppose être Baroncelli) a conscience qu’il faut tout de même préserver la cohérence narrative. Une note en marge du plan 59 p. 60 dit : « il faudra faire attention de ne pas montrer le Tortillard au Lapin Blanc dans la scène où se trouve Fleur-de-Marie » ceci, pour qu’il ne puisse pas la reconnaître quand il exécutera l’enlèvement. Il croira enlever une inconnue.

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Enlèvement de Fleur de Marie. Introduire une respiration par des scènes d'extérieur

Ce même annotateur anticipe comment il utilisera le dialogue pragmatiquement parlant. Pour accélérer le récit, au moment de la préparation du piège du faux cambriolage, une note précise à propos de la conversation de Rodolphe et Murph : « On coupe au moment où il va commencer à parler ». Selon une bonne économie narrative, le spectateur verra se réaliser ce qu’ils ont projeté sans qu’on l’ait entendu. Les images prennent en charge la nature performative des paroles. Il n’est donc pas toujours vrai que le récit de paroles l’ait emporté sur le récit d’actions.

Les restes du discours du roman

Baroncelli a plusieurs fois, au cours de sa carrière, adapté des auteurs populaires à côté des grands auteurs. Son dernier film sera Rocambole d’après Ponson du Terrail. Déjà en 1922 il s’était attaqué à Jules Mary pour Roger la Honte, film en quatre époques. Il avait cru bon de s’en justifier dans un texte publié dans la presse. Il y défend le roman populaire sur l’argument de « la profonde vérité de l’observation ». Il compare le roman-feuilleton à la tragédie grecque, car il juge que le moteur en est la Fatalité. Ce disant, il déplace sensiblement les motivations  d’un roman comme Les Mystères de Paris – qu’il n’avait pas encore tourné – (sinon de Roger la Honte) car chez Sue, la fatalité est clairement remplacée par le déterminisme social20.

 Ce qui nous a conquis, en réalité, dans cette œuvre (Roger la Honte), c’est plus que son crédit populaire, sa construction et sa force, c’est aussi, dans la brutalité des coups, leur imprévu, leur violence, leur chaîne fatale et pathétique, la profonde vérité de l’observation.

 La Fatalité n’est pas le privilège des Atrides ou des tyrans, elle frappe bourgeois, financiers, commis, rustres, marchands… 

 Nous aimons en ce nouveau drame le risque, la lutte, le malheur, la pitié, et les nobles revanches de la vie21.

Baroncelli a sa propre théorie de l’adaptation22. Il faut « humaniser », c'est-à-dire choisir des œuvres à personnages ordinaires, les rapprocher du commun des mortels s’ils ne le sont pas, les « retremper dans le courant de l’actualité ». Ce souci de toucher le cœur des foules est constant chez lui. Il l’amène à formuler une vraie théorie du happy end23.

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Épilogue. Rodolphe (Marcel Herrand) et Caecilia Paroldi (Fleur de Marie) le choix du happy end

La mission qu’il assigne au cinéma est une mission éducative. Il s’agit d’ « illuminer les soirs de la cité et les âmes des humbles » écrivait-il en 1923. Il se démarque nettement sur ce point des aspirations des avant-gardes qu’il a côtoyées et qui ne recherchaient que l’approbation des intellectuels et des artistes. Il a renoncé assez tôt aux ambitions élitistes de ses débuts. Lui se voit investi d’une mission à l’égard du « peuple ». Il reprend dans le cinéma français une fonction tombée en déshérence depuis Feuillade – cinéaste auquel les Mystères se réfèrent explicitement en plusieurs endroits24. Par-delà le principe de plaisir, il y a la « vertu sociale » du cinéma qu’il voit comme « un grand jeteur de force et de beauté ».

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Mariage de La Chouette (Germaine Kerjean) : le pittoresque dans le classicisme. Hommage à Feuillade.

Cette position paternaliste fait penser à celle d’un Griffith. Comme l’auteur d’Intolerance, Baroncelli est une sorte de director à la française. Il faut évidemment tenir le plus grand compte du fait que le film est tourné sous l’Occupation et qu’un discours social n’était guère possible. Mais cela convenait aussi au cinéaste.

Dans le contexte de l’époque de Vichy, la « morale » et l’ « immoral » sont tributaires de fortes contraintes sociales. Pourtant, le film n’est pas si conforme qu’il y paraît si l’on s’en  réfère au commentaire de la Centrale Catholique du cinéma :

LES MYSTERES DE PARIS ; Le thème de ce vieux mélo a été traité sans délicatesse, en accumulant les meurtres et les atrocités, en soulignant d’horreur la bassesse des milieux présentés. Notaire perdu de salacité et auteur de nombreux crimes, qui étale sa piété avec ostentation, jurons, etc. Cote : 4 bis (= à déconseiller : film où les éléments mauvais l’emportent  et donc strictement réservé) 25.

Bien sûr, il y a des concessions directes : par exemple ce n’est pas La Louve qui sauve Fleur-de-Marie de la noyade mais c’est Le Chourineur, pour éviter toute image possiblement licencieuse. Mais cela n’interdit pas de discrètes audaces : tremper les pieds d’une bonne sœur, comme la même Louve le fait dans la prison Saint Lazare, n’était pas totalement innocent en 1942, insulter les gendarmes non plus… L’arrestation de la Louve pouvait éveiller des échos contemporains. Mais n’extrapolons pas trop.

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Sauvetage de Fleur de Marie. Ce n'est pas La Louve qui s'en charge.

Les options esthétiques concordent avec les options morales. Dans la narration, le cinéaste ne cherche pas d’effets sensationnels. Il « suit le fil ». Il ne vise pas le suspense, seulement la tension narrative. Dans la réalisation, il en va de même. La caméra ne s’exhibe pas. Elle est souple et efficace : quand on regarde de près la première scène, ou celle de la réception à l’ambassade, on voit combien ses trajets sont pertinents (avancée ou recul, masquage par des piliers, usage de la profondeur) mais tout cela est réalisé sans qu’elle cherche à se faire remarquer. Son esthétique semble préparer celle de la télévision de l’époque des studios des Buttes-Chaumont.

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Ambassade. Le choix du bon point de vue pour la caméra

La fin d’un cycle ?

Tel est le travail de resserrement, d’aménagement de la diégèse et du contenu, auquel Baroncelli s’est patiemment livré, un « bricolage » qui est au fond fidèle à la manière séculaire des conteurs populaires qui l’ont précédé.

Faut-il en conclure qu’en 1943 on était arrivé à l’extrême limite possible de l’appauvrissement de la matière ? Cette époque de Vichy, à bien des égards glorieuse pour le cinéma français, a-t-elle sonné le glas d’un siècle et demi de narration populaire ? J’aurais plutôt tendance à penser que ce cinéma-là a donné un sursis à ces formes narratives, jusqu’à l’aube des années 1960 où la télévision prendra le relais26. Face aux « nouveaux cinémas » et à leur (prétendu) refus du scénario, dans le cinéma institutionnel, bientôt stigmatisé par l’appellation infâmante de « qualité française », le lien, alors, sera rompu et ces récits patrimoniaux, vidés de leur substance, ne seront plus que des mécaniques narratives tournant à vide dont la version Hunebelle de 1962 fournit un exemple. Le temps des « veillées des chaumières » auquel se rattachait encore le cinéma de Baroncelli aura alors vécu27.

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Plan final. Un plan final à la Chaplin, hommage au cinéma muet

(RIRRA21, Montpellier 3)

Notes

1  René Prédal, Le Cinéma à Nice. Histoire de La Victorine en 50 films, productions Monte Carlo, 2009, p. 72.

2  Le décor du film de L’Herbier contenait un anachronisme resté dans les annales : on y avait doté Notre-Dame de la flèche centrale à la croisée du transept qui ne fut construite que des décennies plus tard. On aperçoit la silhouette de la cathédrale dans les premiers plans du film de Baroncelli.

3  Roger Régent, Cinéma de France, éd. Bellefaye  1948, p. 189. C’est moi qui souligne l’allusion aux « restes ». Les Mystères de Paris sortirent à Paris le 8/09/1943 et La Vie de Bohême seulement le 10/12/1945.

4  version condensée du serial produit aux États-Unis par la firme Pathé Exchange (filiale de la société française) : The Perils of Pauline (1914/1915, 20 épisodes)  suivis de The Exploits of Elaine, The News Exploits of Elaine, The Romance of Elaine, auxquels Gaumont répliqua par anticipation avec Fantômas. Mise au point la plus récente : Christophe Trebuil, Un cinéma aux mille visages : le film à épisodes en France 1915-1922, Paris, AFRHC, 2012.

5   Je renvoie à ma notice dans le Dictionnaire du cinéma français des années 20, sous la dir. de Jean A. Gili et François Albera, 1895 n° 33, juin 2001 : “Serials et films à époques”, p. 352- 358.

6  Claude Lévi-Strauss, Mythologiques III, L’Origine des manières de table, Plon, 1968.

7  Jean Batany, Scènes et coulisses du Roman de Renart, SEDES, 1989, p. 28.

8  Loïc Artiaga et Matthieu Letourneux, Fantômas ! Biographie d’un criminel imaginaire, éd. Les Prairies ordinaires, « singulières modernités »,  2013, p. 11-12.

9  Film en 12 épisodes de Louis Feuillade, 1920.

10  Voir filmographie en fin de texte.

11  Pour un résumé du film voir Jacques Siclier, La France de Pétain et son cinéma [1981], éd. Henri Veyrier 1990,  p. 388.

12  Isabelle Tréheux, Du roman populaire au cinéma populaire, Questions d’adaptation à propos des Mystères de Paris, mémoire rédigé sous la direction de Francis Ramirez, Paris 3, 1995. CF44 SUE TRE.

13  Voir le livre de Gilles Jacob, La Vie passera comme un rêve, Robert Laffont, 2009, p. 50 sq.

14   Marcel Carné, La Vie à belles dents, (rééd. de Ma Vie à belles dents 1979], Paris, Jean Vuarnet, 1989.

15  Fonds Baroncelli 24-B8, CN 86-B52, SCEN 1875-B-56.

16  Rodolphe, le Chourineur et Fleur-de-Marie.

17  Aussitôt après la longue séquence du Lapin Blanc, qui fait office d’exposition, on retrouve Rodolphe et Fleur-de-Marie à la campagne chez Madame Georges.

18  Entretien de Maurice Bessy avec Bernard Bastide (28 février 1992), cité dans Jacques de Baroncelli, Écrits sur le cinéma suivi de Mémoires, textes réunis par Bernard Bastide, Perpignan, Institut Jean-Vigo, 1996, p. 42.

19  Pour juger si cette révision a été un tant soit peu effectuée, il faudrait reprendre dans le détail les documents 1 et 2 de la Cinémathèque Française. Le cadre retreint de cette étude ne me le permettait pas.

20  Voir l’analyse de Jean-Louis Bory : Eugène Sue, le roi du roman populaire, Hachette 1962, pp. 243-299. Bory souligne – à juste raison –  comment le propos de Sue évolue à mesure de l’écriture et devient franchement « social » dans la troisième partie. L’interprétation de Bory est évidemment à problématiser elle-même, tant elle porte la marque des engagements de son époque et de son auteur dans ces années « pré-1968 ».

21  « Roger la Honte à l’écran », le Petit Journal du 13 janvier 1922, cité dans Écrits sur le cinéma., op. cit. p. 87-89.  

22  Je renvoie à ma postface à  id. p. 223-238 pour les diverses références.

23  Cependant, dans les annotations manuscrites, on relève cette remarque sur le dénouement, très aménagé en comparaison au roman : « page 98. Peut-on se marier aussi facilement ? » 

24  On peut penser à la scène où Rodolphe est dans les égouts qui, par-delà la référence aux Misérables (notons en passant que c’est Hugo qui en est redevable à Sue), renvoie cinématographiquement à un épisode fameux de Fantômas ; les scènes campagnardes, notamment celle de l’enlèvement de Fleur-de-Marie, font penser aux épisodes champêtres de Judex, tout en annonçant la deuxième partie du Casque d’Or (1952) de Jacques Becker : en cela Les Mystères version Baroncelli fait le pont entre deux époques du cinéma français.

25  Cité par Jacques Siclier, op. cit. p. 455.

26  On peut prendre comme repère Les Nouvelles Aventures de Vidocq, série en 13 épisodes de Georges Neveux et Marcel Bluwal (janvier-avril 1967) et sa suite (1971).

27  Pour être complet, il faudrait évoquer des tentatives de concilier le cinéma dit moderne avec ces traditions narratives ; mais ce ne furent jamais de grands succès populaires. Exemples : Souvenirs d’En-France d’André Téchiné (1975), Matelot 512 de René Allio (1984).

Pour citer ce document

François Amy de la Bretèque, « Les Mystères de Paris, film de Jacques de Baroncelli : l’art d’accommoder les restes », Les Mystères urbains au XIXe siècle : Circulations, transferts, appropriations, sous la direction de Dominique Kalifa et Marie-Eve Thérenty Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/les-mysteres-urbains-au-xixe-siecle-circulations-transferts-appropriations/les-mysteres-de-paris-film-de-jacques-de-baroncelli-lart-daccommoder-les-restes