Les Mystères urbains au XIXe siècle : Circulations, transferts, appropriations

Stylistique du vengeur dans Les Mystères de Paris et quelques-uns de ses avatars, 1842-1847 [également disponible en anglais]

Table des matières

LAETITIA GONON

Monte-Cristo part en tous sens. Débordant de redondances, répétant éhontément un adjectif à une ligne d’écart, accumulant avec incontinence ces mêmes adjectifs, ouvrant de sentencieuses digressions sans réussir à les fermer car la syntaxe ne suit pas, avançant ainsi en haletant par périodes de vingt lignes, le roman est mécanique et gauche dans la description des sentiments : ses personnages frémissent, ou pâlissent, ou essuient de grosses gouttes de sueur coulant de leur front, ou balbutient d’une voix qui n’a plus rien d’humain, ou se lèvent brusquement d’une chaise pour y retomber aussitôt, et l’auteur s’empresse de nous répéter, de manière obsessionnelle, que la chaise sur laquelle ils sont retombés est bien celle sur laquelle ils étaient assis une seconde auparavant1.

Umberto Eco parle en ces termes du Comte de Monte-Cristo, d’Alexandre Dumas : c’est selon le critique italien « l’un des romans les plus passionnants qui aient jamais été écrits, et c’est aussi l’un des romans les plus mal écrits de tous les temps2 ».

Pourquoi, au seuil de parler du personnage du vengeur, dont notre prototype sera le Rodolphe des Mystères de Paris, commencer en évoquant l’écriture d’un roman-feuilleton mettant en scène un autre vengeur, Edmond Dantès ? C’est qu’il s’agira de s’intéresser à la façon dont l’écriture de ce type de personnage, vengeur, justicier voire surhomme, selon le mot de Gramsci dans les années 1930, circule dans quelques romans3 : dans Monte-Cristo, Gramsci voyait en effet le précurseur du surhomme nietzschéen4. Or le précurseur de Monte-Cristo, c’est Rodolphe ; et le marquis de Rio-Santo, le héros des Mystères de Londres de Paul Féval, n’en est qu’un avatar de plus. À ces trois personnages, Rodolphe, Monte-Cristo et Rio-Santo, on peut ajouter le Vautrin de Balzac, aussi appelé Carlos Herrera, Jacques Collin ou Trompe-la-Mort qui est, contrairement aux trois autres, un génie du mal5. De plus, alors que Les Mystères de Paris, Le Comte de Monte-Cristo et Les Mystères de Londres sont écrits entre 1842 et 1844, la fin de Splendeurs et misères des courtisanes qui nous intéressera, et qui est intitulée La Dernière incarnation de Vautrin, ne paraît elle séparément qu’en 18476. À tous ces titres, Vautrin aura sans doute une place à part dans cet article – ne serait-ce aussi que parce que Balzac est moins considéré seulement comme un feuilletoniste, à l’inverse de Dumas, Féval ou Eugène Sue.

Rodolphe, Monte-Cristo, Rio-Santo sont sans cesse rapprochés7 ; mais Vautrin, Monte-Cristo – et même Jean Valjean – également8, comme survivants d’une prison dont ils sortent en hommes supérieurs. Dantès et Rodolphe appartiennent au camp de la justice, malgré leur haine implacable et leur cruauté passagère. Le Rio-Santo de Paul Féval, lui, s’appelle en réalité Fergus O’Breane, et veut renverser le gouvernement d’Angleterre pour faire triompher l’Irlande, dont il est un enfant, et ainsi venger son père ; ses méthodes sont criminelles, et il ne recule guère, malgré la noblesse de son but, devant des infamies. Vautrin enfin est le forçat évadé que l’on connaît, qui finira par remplacer Bibi-Lupin pour diriger le service de Sûreté, comme Vidocq le fit dans la réalité.

Mais à travers quels discours ces ressemblances et ces emprunts s’affirment-ils ? Quel trajet du héros de l’un à l’autre roman, quels transferts langagiers, quels stéréotypes se mettent en place avec Rodolphe qui sont ensuite systématiquement repris par d’autres romanciers dans ces années-là – et plus tard dans le siècle ? Sans effacer pour autant les différences nombreuses entre les personnages et les romans dans lesquels ils évoluent, il s’agira d’interroger l’imaginaire stylistique du vengeur autour de la notion de cliché9, et la façon dont cet imaginaire se déploie, entre répétition et variation, dans les romans étudiés. En somme : de qui ou de quoi le vengeur est-il le nom ?

Clichés de la description du vengeur : l’agent de la Providence

– Oh ! il me faudra une vengeance terrible, terrible !... (MP : 149).

– Vous vengez tous les jours ou vous croyez venger la Société, monsieur, et vous me demandez raison d’une vengeance !... (DIV : 631).

car quatorze ans j’ai souffert, quatorze ans j’ai pleuré, j’ai maudit ; maintenant, je vous le dis, Mercédès, il faut que je me venge ! (MC2 : 226).

Ces citations semblent mettre en évidence l’existence d’un interdiscours du vengeur dans ces trois romans ; c’est-à-dire que les emprunts constituant le personnage du vengeur ne sont pas faits à tel ou tel texte en particulier, mais à un « ensemble de discours antérieur10 » d’un même genre, formant un réservoir dans lequel les écrivains puisent parfois inconsciemment, par habitude des expressions toujours employées, surtout dans l’espace du journal. Sur l’imaginaire collectif entretenu par les romans-feuilletons, Jean-Claude Vareille écrit ainsi que « Seul existe en définitive ce Texte Ultime, insituable, inassignable, mais inévitable, incontournable. Ainsi va le Mythe, ainsi fonctionne la littérature populaire qui, en ses meilleures réalisations comme en ses pires, ne vise pas à être devant le lecteur mais dans11 ». Sans prétendre pour autant que tous les romans-feuilletons doivent être lus comme un seul et même texte, il faut reconnaître une certaine justesse à la dernière formule de Vareille, en ce qu’elle souligne l’existence d’un interdiscours dont se saisissent les auteurs de feuilletons, et que connaissent déjà fort bien les lecteurs, ainsi fidélisés par un « plaisir de la reconnaissance » mentionné par Ricœur dans ses études sur le récit12 – ainsi fidélisés, plus précisément, par le « retour du connu dont dépend un plaisir particulier que nous désignerons comme le rappel13. »

À cela il faut ajouter, pour le roman-feuilleton, les conséquences bien connues d’une rapidité et d’une périodicité d’écriture importantes, qui peuvent expliquer les répétitions évoquées par exemple par Eco au sujet du Comte de Monte-Cristo, ou par Sainte-Beuve, quand dans un article resté célèbre il s’en prenait aux « vains mots », « aux descriptions oiseuses », aux « épithètes redondantes14 » du feuilleton.

Alfred Nettement, journaliste catholique, parti lui en croisade contre le roman-feuilleton en 1845, note par exemple dans ses Études critiques sur le feuilleton-roman :

je signalerais un tic de langage fort désagréable chez M. Sue. Il est un mot qu’il a adopté et qu’il emploie partout de la manière la plus étrange ; c’est celui de vaillant. « Elle descendait vaillamment dans cette boue infecte, » dit-il dans un endroit ; « La Louve est une vaillante fille ; » « il est d’un cœur si vaillant ; » « n’ai-je pas vaillamment rempli mes devoirs de père et de mère ? »15.

Il sera question ici de souligner d’autres récurrences, qui semblent constituer, d’un roman à l’autre, le type du vengeur, à grands renforts donc de « tics » et de stéréotypes.

L’un de ces stéréotypes est l’usage répété de la métaphore métallique – cette image n’est évidemment pas propre au roman-feuilleton de ces années-là : elle existait déjà, et elle fait toujours florès. Dans Les Mystères de Paris par exemple, Rodolphe serre « si violemment le poignet de Malicorne que celui-ci plia sous cette étreinte de fer » (447), quand dans Les Mystères de Londres la main de Fergus « semblait être de fer » (332). Jacques Collin, pour sa part, a une « organisation de fer et de vitriol » (DIV : 515). De même le héros vengeur a un cœur de bronze (MC3 : 215, DIV : 514) et des nerfs ou des muscles d’acier :

Sous la peau délicate et douce de cette main qui vint le saisir brusquement à la gorge, le Chourineur sentit se tendre des nerfs et des muscles d’acier (MP : 34).

– Empêchez-m’en donc ! répliqua Morrel avec un dernier élan qui, comme le premier, vint se briser contre le bras d’acier du comte (MC3 : 424).

Les deux mains de Fergus, deux tenailles d’acier se refermèrent sur ses bras qu’elles broyèrent (ML : 336)16.

Toutes ces métaphores font effectivement du vengeur « un homme vigoureusement trempé », pour reprendre l’expression de M. de Grandville au sujet de Jacques Collin (DIV : 622). Le vengeur sait à ce titre faire preuve de magnétisme (et attirer à lui, comme un aimant, les adjuvants et les opposants) :

Certains regards ont une puissance magnétique irrésistible : quelques duellistes célèbres doivent, dit-on, leurs sanglants triomphes à cette action fascinatrice de leur regard, qui démoralise, qui atterre leurs adversaires (MP : 71).

Il y avait dans cette parole du comte une vibration magnétique dont les sens épuisés du misérable furent ravivés une dernière fois (MC3 : 154).

– Sais-tu ce que je veux de toi ? dit alors Jacques Collin en jetant sur La Pouraille un regard magnétique (DIV : 580).

Le Marquis de Rio-Santo lui a la parole « électrique » (ML : 37) – ce ne sont ici que quelques exemples, car il faudrait bien d’autres catalogues pour classer tous les « tics », comme les appelait Alfred Nettement, de la peinture du héros vengeur.

Dans le discours du héros lui-même, c’est l’expression de la souffrance passée qui revient constamment, sous la forme privilégiée de j’ai beaucoup souffert :

– J’ai beaucoup souffert, je souffre encore… voilà pourquoi je sais le secret de bien des douleurs ! (MP : p. 583).

« Vous avez beaucoup souffert, monsieur ? » lui dit Franz.

Simbad tressaillit et le regarda fixement.

« À quoi voyez-vous cela ? » demanda-t-il (MC1 : 435).

– J’ai beaucoup souffert, oui, madame, répondit Monte-Cristo (MC2 : 495).

Vous ne savez pas, aucun homme ne sait ce que c’est que la douleur ; moi seul je la connais (DIV : 614).

C’est là ce que le narrateur du Comte de Monte-Cristo appelle céder à la puissance de la banalité. Il s’agit d’un passage où Haydée raconte à Albert de Morcerf sa jeunesse tragique, et le vicomte s’exclame alors : « – Si jeune, signora, dit Albert cédant malgré lui à la puissance de la banalité, comment avez-vous pu souffrir ? » (MC3 : 43). Céder à la puissance de la banalité, de la facilité peut-être, c’est emprunter des expressions qui viennent automatiquement sous la plume et à la bouche des personnages.

Enfin le topos facile à mobiliser, et qui fait toujours son effet chez le lecteur, avide d’extraordinaire, est celui du vengeur angélique ou démoniaque. Ainsi que le dit Alfred Nettement dans ses diatribes contemporaines des feuilletons,

L’homme a toujours aimé qu’on exagérât la puissance de l’homme ; il lui semble que l’individu grandit avec le type. Les Mystères de Paris donnent une ample satisfaction à ce penchant désordonné. Les personnages du livre, dans le bien comme dans le mal, ont quelque chose de colossal. L’homme y descend jusqu’à l’enfer et y monte jusqu’au ciel pour y détrôner Satan et Dieu17.

En pareil cas le discours descriptif n’est plus tenu par le héros, comme dans le cas du j’ai beaucoup souffert : le portrait du vengeur se constitue aussi par les paroles des autres. Par exemple l’abbé Polidori, ennemi que Rodolphe a mis à son service, se fait la réflexion suivante : « Il faut qu’il ait le diable à ses ordres pour avoir découvert ce que j’étais allé faire en Normandie » (MP : 1100). Et le comte de Morcerf lance au comte de Monte-Cristo : « je sais bien, démon, que tu as pénétré dans la nuit du passé » (MC3 : 265). Dans Les Mystères de Londres, l’aveugle Tyrrel songe que « La main mystérieuse dont il parle est quelque chose comme le diable » (ML : 213) – et Vautrin, évidemment, qui a passé un pacte diabolique avec Lucien à la fin d’Illusions perdues, suscite l’admiration des forçats en ces termes : « – S’il y arrive, dit le Biffon, je ne le crois pas tout à fait Meg (Dieu) ; mais il aura, comme on le prétend, bouffardé avec le boulanger (fumé une pipe avec le diable) » (DIV : 551).

Ange ou démon donc pour ceux qui l’approchent, le vengeur joue le rôle de la Providence, pour reprendre une expression que l’on trouve à de nombreuses reprises dans Les Mystères de Paris et Le Comte de Monte-Cristo18. Et Alfred Nettement pointe bien, en 1845, l’expression comparative par laquelle l’identité de nombreux vengeurs est définie dans les deux années précédentes (nous soulignons dans les exemples suivants) :

Il est plus qu’un homme, j’allais dire plus que Dieu. N’agit-il pas, en effet, quand la Providence indolente, c’est le mot dont se sert M. Sue, se repose19.

– Mon Dieu ! mon Dieu ! dit Morrel, vous m’épouvantez, comte, avec ce sang-froid. Pouvez-vous donc quelque chose contre la mort ? Êtes-vous plus qu’un homme ? Êtes-vous un ange ? Êtes-vous un Dieu ? (MC3 : 288).

Qui a prononcé le nom de Fergus O’Breane ? C’est plus qu’un homme. C’est presque un Dieu. Maudit soit celui qui l’arrêtera dans sa course !... (ML : 376).

On voit bien là les ressemblances : elles passent tant par le lexique (la confrontation homme / Dieu) que par la syntaxe (le verbe être posant la question de l’identité, le comparatif de supériorité).

Ainsi, tout en se soumettant à la tyrannie des quotidiens et aux codes du feuilleton, l’auteur met en scène des héros qui sont presque tout-puissants, comme lui dans sa création. De la même façon que Balzac, dans La Cousine Bette, faisait dire à Chapuzot que si Bibi-Lupin, le prédécesseur de Vautrin à la Sûreté, avait utilisé la police à des intérêts personnels, « il eût été une Sous-fatalité20 », le romancier est une sous-fatalité pour ses personnages (l’idée n’est pas nouvelle21). De ce miroir entre un narrateur de feuilletons et un personnage omniscient et tout-puissant, le critique Jean Rousseau du Figaro fait quinze ans plus tard une très drôle satire en s’en prenant à l’un des princes du feuilleton de l’époque, Ponson du Terrail :

Exemple d’admiration pure et même exaltée. – Ici, M. Ponson du Terrail traite son sir Williams d’homme étonnant. – Ailleurs, il le salue du nom de grand homme, simplement. Ailleurs encore, il lui dit avec enthousiasme, par l’organe d’une petit pantin subalterne :

« – Auprès de vous le diable est un polisson ! »

C’est ainsi que

M. Ponson du Terrail se complimente dans la personne de ses personnages. Je ne suspecte pas sa modestie ; je crois fermement qu’il s’encense sans le savoir ; mais il est clair que ces éloges qui tombent sur ses héros lui reviennent de droit. Si Jenny est une fille forte, M. Ponson du Terrail qui l’a inventée est un homme ultra puissant. Si sir Williams est un homme de génie, M. Ponson du Terrail qui l’a créé s’installe carrément au rang des dieux. Ô Ponson du Terrail ! Quel être surnaturel es-tu donc, toi qui es plus fort que sir Williams, lequel est plus fort que Satan22 !

L’on voit très bien apparaître ici le pastiche des scènes de révélation du feuilleton – que l’on rapporte la dernière phrase, Quel être surnaturel es-tu donc à Êtes-vous un ange dans l’extrait cité plus haut… Ce texte du Figaro fait efficacement ressortir certains stéréotypes dont Ponson du Terrail, et d’autres avant lui, usèrent feuilleton après feuilleton et roman après roman. Presque divin, le personnage du vengeur se caractérise ainsi par des discours figés, limités sans doute en termes d’originalité, mais qui se présentent pourtant comme extraordinaires et illimités.

Les stéréotypes de l’indicible et de l’illimité

L’indicible, c’est ce qu’on ne peut pas dire – et jouons ici de la polysémie de ce verbe pouvoir : c’est ce qu’on ne peut pas dire parce que cela ne veut rien dire, ou qu’on a bien du mal à se figurer, si on essaie, ce que cela veut dire. C’est là l’un des topoi de la critique du roman-feuilleton, qui voudrait qu’il soit mal écrit (c’est ce dont on accuse aussi aujourd’hui le roman dit à l’eau de rose, dont les dialogues seraient des fils pleins de perles comme « Au secours, hurla-t-elle à voix basse dans le silence seulement troublé par le tic-tac du réveil digital23 »). Ainsi chez Dumas on trouve souvent l’incise « dit-il les dents serrées24 », ce qui est peu pratique, et le roman-feuilleton fit si bien en la matière qu’on pourra se reporter par analogie et de façon exemplaire à la courte explication de texte que Jean Rousseau, dans le même article du Figaro déjà cité, fait de la fin d’un épisode de Rocambole :

« Le misérable aperçut une ombre immobile, et du sommet de cette ombre, il vit jaillir deux points lumineux étincelant dans l’obscurité comme les yeux d’un tigre. Un sauveur arrivait-il donc au malheureux Fernand Rocher ? »

Concevez-vous l’horrible situation de M. Ponson du Terrail ! Savoir qu’il y a là une obscurité dans l’ombre, – pardon ! je me trompe, – une ombre dans l’obscurité, – ce qui est déjà un fait passablement rare et suffisamment saugrenu ; – savoir de plus que cette ombre a des yeux de tigre qui lui jaillissent du sommet de la tête, comme qui dirait à la pointe des cheveux, – et ne pas savoir quelles sont les intentions de cette ombre fantastique25 !

Les critiques de l’époque pouvaient se livrer à de semblables railleries sur des phrases comme « Alors l’homme de bronze sentit son cœur se dilater dans sa poitrine, un jet de flamme dévorante jaillit de sa gorge à ses yeux » (MC3 : 425) dans Le Comte de Monte-Cristo ou « – Oh ! Murph ! vengeance !... vengeance !… s’écria Rodolphe avec une fureur froide et concentrée » (MP : 157) dans Les Mystères de Paris – car il est peut-être délicat de se représenter ce qu’est exactement une « fureur froide et concentrée ». Mais il s’agit là de questions, sur le bien ou mal écrire, que nous ne faisons ici que relayer. Il semble plus intéressant de noter que dans ces accusations de mal écrire, il y a surtout une résistance au style hyperbolique des Mystères de Paris et du roman-feuilleton en général : non pas simplement « fureur », non pas « fureur » avec un adjectif ; mais « fureur » avec deux adjectifs, « froide et concentrée ».

Le personnage du vengeur est le premier lieu de cette accumulation d’hyperboles, en particulier à travers la catégorie grammaticale de l’adjectif, et plus particulièrement de l’adjectif épithète. Ainsi Rodolphe a « une vigueur extraordinaire » (MP : 34) quand Vautrin a une « force extraordinaire » (DIV : 626), mais surtout, tout est terrible dans le roman-feuilleton. Dantès prend « une terrible résolution » (et « un formidable serment » dans la même phrase, pour faire bonne mesure MC1 : 224), et l’on peut en voir bien d’autres exemples :

Le Maître d’école recula d’un pas au terrible aspect de la physionomie de Rodolphe (MP : 71).

Morrel frissonna. Il y avait quelque chose à la fois de lugubre, de solennel et de terrible dans l’accent du comte (MC3 : 284).

Vous ne vîtes jamais, Stephen, de transformation plus soudaine et plus terrible que celle qui s’opéra dans la physionomie de Son Honneur (ML : 271).

mais il refoula ce désir brutal et le comprima par la force qui le rendait si terrible (DIV : 636).

Notons que bien souvent, terrible seul ne suffit pas : il est associé avec « lugubre » et « solennel », ou il est employé de manière superlative, ou bien avec un intensif. Comme d’autres rubriques du journal de l’époque, le feuilleton use et abuse également des épithètes affreux, abominable, horrible, effroyable, épouvantable. Ces épithètes font signe, pour le lecteur, vers un attendu, du déjà-connu, et participent de ce plaisir de la reconnaissance déjà mentionné26. Les hyperboles en somme fonctionnent surtout par la reprise, par connotation autonymique – l’adjectif épithète est saisi à la fois en usage, pour ce qu’il signifie (c’est-à-dire l’extraordinaire), et en mention, c’est-à-dire en tant qu’adjectif reconnu par les lecteurs (c’est-à-dire qu’il traduit le confort de l’habitude) ; il devient un marqueur du genre du discours (feuilletonnesque).

On rencontre là l’un des paradoxes bien connus du roman-feuilleton, et d’autant mieux des Mystères de Paris et de ses avatars : ces romans sont produits en série, souvent sur le modèle qu’a lancé Sue, et pourtant ils ne mettent en scène que des héros uniques, exceptionnels, supérieurs aux autres hommes – « conformément à une certaine mentalité populaire pour qui la répétition, bien loin de l’édulcorer, rend un phénomène encore plus exceptionnel et stupéfiant27 ». Il est ainsi possible de reprendre de façon métatextuelle cet avis du narrateur sur le comte de Monte-Cristo, pour l’appliquer au style du vengeur de feuilleton : « Il pouvait y avoir des hommes plus beaux, mais il n’y en avait certes pas de plus significatifs, qu’on nous passe cette expression » (MC2 : 486) – et Dumas souligne significatifs.

L’indicible, c’est donc ce qu’on ne peut pas dire, parce que c’est impossible à dire : par exemple « Il est impossible de peindre la hauteur souveraine de la physionomie de Rodolphe en prononçant ces dernières paroles » (MP : 111). Il est impossible de la peindre car, dans le topos du vengeur, la hauteur de Rodolphe est supérieure à tout ce qui a précédé et a déjà été transcrit. De même, toujours dans Les Mystères de Paris : « Ces mots, ma fille, furent prononcés par le prince avec un accent que nous ne saurions non plus exprimer » (MP : 1175).

Ces stéréotypes du sentiment au-delà des mots ont tout de même le mérite de faire ressortir l’attention des feuilletonistes à la langue, et aux usages qu’ils en font (ou pas), le topos signifiant à peu de frais l’indicible. Dumas écrit de son côté : « Monte-Cristo remit les cinq billets dans sa poche avec cet intraduisible mouvement de physionomie qui veut dire “Dame ! réfléchissez ; si vous vous repentez, il est encore temps” » (MC3 : 408). Il y a là, en quelque sorte, prétérition : il est impossible de peindre, mais le narrateur le fait quand même ; le mouvement est intraduisible, mais il veut dire quelque chose que le narrateur traduit – toute-puissance du héros, toute-puissance du narrateur.

Impossible de peindre, intraduisible mouvement, sont donc autant d’expressions permettant d’affirmer le caractère impénétrable du héros, même, apparemment, pour le narrateur – Jacques Collin a « l’œil impénétrable » (DIV : 577), et quand Villefort demande avec raillerie à Monte-Cristo s’il est le seul être parfait, le comte répond : « – Non point parfait […] ; impénétrable, voilà tout » (MC2 : 196). Le héros est donc impénétrable comme les voies du Seigneur auquel il est comparé, pour retomber sur la phraséologie.

Intraduisible, impénétrable : l’indicible se dit aussi, on le voit, avec les préfixes privatifs, autre expression privilégiée de l’hyperbole. De la même façon que Monte-Cristo demande à Danglars un crédit illimité sur sa maison, le personnage du vengeur est illimité (un peu comme le roman-feuilleton, d’ailleurs). Et le lecteur, comme le baron banquier, pourra s’interroger sur cette notion d’illimitation :

– Cette lettre, dit Danglars, je l’ai sur moi, je crois (il fouilla dans sa poche). Oui, la voici : cette lettre ouvre à M. le comte de Monte-Cristo un crédit illimité sur ma maison.

– Eh bien ! monsieur le baron, que voyez-vous d’obscur là-dedans ?

– Rien, monsieur ; seulement le mot illimité

– Eh bien, ce mot n’est-il pas français ?… Vous comprenez, ce sont des Anglo-Allemands qui écrivent.

– Oh ! si fait, monsieur, et du côté de la syntaxe il n’y a rien à redire, mais il n’en est pas de même du côté de la comptabilité (MC2 : 164-165).

C’est dans ces moments où le narrateur met en abyme les mots pour parler du vengeur que l’on voit le mieux à l’œuvre le style de ces personnages, style qui interroge, comme le héros, jusqu’aux personnages eux-mêmes. Comme le disait Alfred Nettement, dans un ouvrage un peu plus tardif sur le roman contemporain, au sujet de Ponson du Terrail et du roman-feuilleton en général, l’écriture fait preuve d’« une verve intarissable en péripéties et qui saute par-dessus l’invraisemblable pour arriver à l’impossible28 ». Intarissable, invraisemblable, impossible, autant de reprises des épithètes à préfixe privatif très courantes dans le feuilleton : si Monte-Cristo « se raidissait contre l’impossible avec cette énergie qui fait seule les hommes supérieurs » (MC2 : 230), Rio-Santo, « Enfant, […] se prit corps à corps avec le gigantesque, sinon l’impossible » (ML : 332). Et le vengeur est incroyable, invincible, inexorable, impitoyable, indomptable, impassible29. Ces épithètes sont fréquentes et tendent à faire de la production sérielle de mystères (par multiplication des épisodes et des œuvres) la représentation répétitive de l’unique.

Impassible, le personnage du vengeur est ainsi censé conserver pour les autres une part de mystère.

Stéréotype des masques et de la révélation de l’identité

Du prototype de Rodolphe à la déclinaison de Monte-Cristo, il n’y a qu’un pas – et ces deux personnages sont deux déclinaisons de ce « Prince déguisé » auquel Dominique Kalifa s’est intéressé30. Les vengeurs renaissent de leurs fautes ou de la prison pour venir hanter et punir les méchants, sous des identités diverses, et autant de masques qu’ils adoptent dans les romans les mettant en scène. Le comte de Monte-Cristo et le marquis de Rio-Santo sont des titres forgés par les héros eux-mêmes – on note d’ailleurs dans l’onomastique le même topos chrétien déjà évoqué, de Cristo à Santo. L’énumération est alors le moment privilégié où s’affichent les différentes identités du personnage, par l’apostrophe ou l’apposition :

Allons donc, homme régénéré ; allons, riche extravagant ; allons, dormeur éveillé ; allons, visionnaire tout-puissant ; allons, millionnaire invincible, reprends pour un instant cette funeste perspective de la vie misérable et affamée (MC3 : 526).

– Rio-Santo ! reprit Angus avec raillerie. On l’appelle maintenant Rio-Santo ! Je sais, moi, ce que c’est que ce Rio-Santo. C’est Fergus, le bandit de Teviot Dale, Fergus l’assassin, Fergus, que je ne tue pas, parce que mon cœur est lâche devant un homme que j’ai aimé (ML : 224).

– Oui, monsieur le comte, c’est Jacques Collin, le chef de la société des Dix-Mille, le banquier des trois bagnes, un forçat qui, depuis cinq ans, a su se cacher sous la soutane de l’abbé Carlos Herrera (DIV : 622).

Dans le premier exemple, Monte-Cristo use de l’apostrophe à son propre égard, quand les personnages des deux autres exemples révèlent les identités du vengeur par l’apposition multiple. Vautrin par exemple s’est fait passer pour un abbé : car les vengeurs prennent l’identité ou l’empire sur les hommes d’église, que ce soit l’abbé Busoni qu’incarne Dantès après avoir tout appris de l’abbé Faria, ou l’abbé Polidori que Rodolphe tient en son pouvoir dans Les Mystères de Paris.

Au-delà de leurs noms, les vengeurs changent de physionomie : changement et transformation sont légion31, et c’est à chaque fois la question de l’identité du vengeur qui est reposée, souvent de la même façon.

Le langage qu’on tient sur le vengeur et sur son identité, à l’intérieur des Mystères de Paris comme dans quelques-uns de ses avatars, se fige particulièrement dans les scènes de révélation : le schéma de la vengeance différée qu’identifie Vareille32 permet d’étirer le roman, de reposer constamment la question de l’identité du vengeur, et ainsi de retarder la fin.

Comme le « formidable serment » de vengeance, pour reprendre l’expression de Dumas, la révélation de l’identité se dote, selon Kris Vassilev, « d’une valeur performative33 » : il s’agit de réduire les adversaires à néant et de faire frémir le lecteur devant tant de grandeur. Le donc associé à l’interrogation sur l’identité est l’outil grammatical privilégié de ces révélations à grand spectacle, et le feuilleton en abusera pour renforcer le suspense34. Cette conjonction permet en effet de recentrer sans cesse le récit sur son centre mouvant, le personnage du vengeur. C’est ainsi que, dès le premier épisode des Mystères de Paris (19 juin 1842), la légende du vengeur est lancée : Fleur-de-Marie, sauvée des assauts du Chourineur par Rodolphe, s’écrie à l’intention de ce dernier : « Mais qui êtes vous donc ? Excepté le Maître d’école, il n’y a personne, depuis la rue Saint-Éloi jusqu’à Notre-Dame, capable de battre le Chourineur » (MP : 35), et à la page suivante c’est au Chourineur de demander « Ah çà ! mais qui es-tu donc ? ». Le donc, ici, c’est l’impatience du personnage portée à son comble devant tant de qualités et de mystères – et c’est, de façon mimétique, l’interrogation que l’on espère susciter chez le lecteur. Dumas renforce encore cet effet par l’expression à la fin : « – Mais qui êtes-vous donc, à la fin, pour vous arroger ce droit tyrannique sur des créatures libres et pensantes ! s’écria Maximilien » (MC3 : 424).

Le présentatif c’est et éventuellement la phrase clivée permettent de poser tout aussi bien la question de l’identité du vengeur : « C’est donc l’enfer qui vous envoie ? » demande le Maître d’École (MP : 164), et Jacques Ferrand, l’autre odieux ennemi de Rodolphe, n’est pas en reste : « Mais c’est donc le démon que ton maître ? s’écria-t-il exaspéré, en s’arrêtant brusquement devant Polidori » (MP : 1097). Les exemples sont légion ailleurs35, mais il est impossible de tous les mentionner.

Finissons donc avec Les Mystères de Paris, par lesquels tout à commencé : « – Mais quel est-il donc, cet homme ? Ce n’est pas un homme, s’écria le Maître d’école avec un redoublement de fureur désespérée, c’est un bourreau, un monstre ! » (MP : 168).

Un monstre : meilleure définition qui soit du personnage du vengeur, fait de discours en circulation, changeant de forme d’un roman à l’autre ou à l’intérieur du même ouvrage, Protée36 donné en spectacle et en pâture aux lecteurs. Le mot monstre vient de monstrum, lui-même issu de monere, parce que, selon le Grand Dictionnaire universel du xixe siècle de Pierre Larousse, « les anciens regardaient les monstres comme des avertissements du ciel » (1874, t. 11). Et qu’est-ce qu’un vengeur sinon, pour le Maître d’École, la Chouette, pour Danglars, Villefort et Morcerf, pour les hommes de lois et les bagnards comme pour le peuple d’Angleterre, qu’est-ce qu’un vengeur sinon un avertissement du ciel, un relais de la Providence ? « Être organisé dont la conformation diffère notablement de la conformation des êtres de son espèce », continue le Grand Dictionnaire universel du xixe siècle, comme le vengeur diffère des autres hommes : Mercédès dira à Edmond Dantès «  il y a un abîme entre vous et les autres hommes, et ma plus douloureuse torture, je vous le dis, c’est de comparer ; car il n’y a rien au monde qui vous vaille, rien qui vous ressemble » (MC3 : 523) et sur Rio-Santo Diana Stewart s’exclame de même : « – C’est un homme à qui rien ne résiste, un homme beau, noble, fort et auquel les autres hommes ne peuvent ressembler » (ML : 57).

De quoi ou de qui le vengeur est-il donc le nom ? du monstre, apparemment. Et si les narrateurs mettent en scène la difficulté à définir ces hommes qu’ils constituent en mystères à l’intérieur des Mystères, la façon de dire l’indicible et l’extraordinaire semble en réalité appartenir à un interdiscours qui pointe de lui-même la circulation, les transferts et les appropriations dont il est l’objet.

(Litt&Arts, Grenoble Alpes)

(EN) Stylistics of the avenger in The Mysteries of Paris and some of its avatars, 1842-1847

Monte-Cristo part en tous sens. Débordant de redondances, répétant éhontément un adjectif à une ligne d’écart, accumulant avec incontinence ces mêmes adjectifs, ouvrant de sentencieuses digressions sans réussir à les fermer car la syntaxe ne suit pas, avançant ainsi en haletant par périodes de vingt lignes, le roman est mécanique et gauche dans la description des sentiments : ses personnages frémissent, ou pâlissent, ou essuient de grosses gouttes de sueur coulant de leur front, ou balbutient d’une voix qui n’a plus rien d’humain, ou se lèvent brusquement d’une chaise pour y retomber aussitôt, et l’auteur s’empresse de nous répéter, de manière obsessionnelle, que la chaise sur laquelle ils sont retombés est bien celle sur laquelle ils étaient assis une seconde auparavant37.

These are the words Umberto Eco uses to speak about the Count of Monte-Cristo by Alexandre Dumas: according to the italian critic, this is « l’un des romans les plus passionnants qui aient jamais été écrits, et c’est aussi l’un des romans les plus mal écrits de tous les temps38 ».

On dealing with the character of the avenger, for whom Rodolphe from The Mysteries of Paris will be our prototype, why start by evoking the writing of a serial staging another avenger, Edmond Dantès? The aim is to question the way the writing of this type of character, avenger, righter of wrongs, superman even, circulates in some novels39: in Monte-Cristo, Gramsci in the 30s, saw the forerunner of the nietzschean40 superman. And the forerunner of Monte-Cristo is Rodolphe; the marquis of Rio-Santo, the hero of the Mystères de Londres by Paul Féval, is just yet another avatar. To those three characters, Rodolphe, Monte-Cristo and Rio-Santo, we can add Balzac’s Vautrin also called Carlos Herrera, Jacques Collin or Trompe-la-Mort, who, unlike the other three, is a genius of evil41. Furthermore, whereas The Mysteries of Paris, The Count of Monte-Cristo and the Mystères de Londres are written between 1842 and 1844, the end of A Harlot High and Low which we will examine, and which is entitled La Dernière incarnation de Vautrin is only published separately in 184742. Thus Vautrin will have a special place in this presentation, also because Balzac is not considered only as a serial writer, unlike Dumas, Féval or Eugène Sue.

Rodolphe, Monte-Cristo, Rio-Santo are often put in the same bag43; but Vautrin, Monte-Cristo – and even Jean Valjean – also44, as prison survivors, from which they come out as superior men. Dantès and Rodolphe belong to the side of law, despite their implacable hatred and their temporary cruelty. In Paul Féval’s novel, Rio Santo’s real name is Fergus O’Breane and he wants to overrule England’s government to make Ireland triumph, for he is a son of Ireland and therefore wants to avenge his father: his methods are criminal and despite the dignity of his purpose, he is not reluctant to step down to pure infamies. As for Vautrin, he is the well-known escaped convict, who ends up replacing Bibi-Lupin at the head of the Sûreté, just like Vidocq in reality.

Which discourses establish these resemblances and borrowings? Which hero transfers from one novel to the other, which language transfers, which stereotypes are first put in place with Rodolphe and then systematically borrowed by other novelists in those years as well as later on in the century? Without denying the many differences between these characters and the novels they take part in, we will question the stylistic imaginary of the avenger through the notion of cliché45, and how this imaginary unfolds, between repetition and variation, in the studied novels. In brief: what or who does the avenger stand for?

Clichés in describing the avenger: the Providence’s agent

– Oh ! il me faudra une vengeance terrible, terrible !... (MP: 149).

– Vous vengez tous les jours ou vous croyez venger la Société, monsieur, et vous me demandez raison d’une vengeance !... (DIV: 631).

car quatorze ans j’ai souffert, quatorze ans j’ai pleuré, j’ai maudit ; maintenant, je vous le dis, Mercédès, il faut que je me venge ! (MC2: 226).

These quotes seem to underline the existence of an interdiscourse of the avenger in those three novels; that is to say the borrowings building up the character of the avenger are not made to any particular text, but to a previous set of discourse46 of a same genre, forming a reservoir from which writers draw ready-made expressions, out of habit and sometimes unconsciously, especially in the newspapers field. On the collective imaginary created by serials, Jean-Claude Vareille writes that « Seul existe en définitive ce Texte Ultime, insituable, inassignable, mais inévitable, incontournable. Ainsi va le Mythe, ainsi fonctionne la littérature populaire qui, en ses meilleures réalisations comme en ses pires, ne vise pas à être devant le lecteur mais dans47 ». Without professing that all serials should be read as one and only text, one must conceed a certain accuracy to Vareille’s last sentence, in that it underlines the existence of an interdiscourse from which writers draw, an interdiscourse well-acknowledged by the readers, retained by the pleasure of acknowledgement developed by Ricœur in his studies on narrative. The readers are precisely retained by the « retour du connu dont dépend un plaisir particulier que nous désignerons comme le rappel48. »

To that, one must add, concerning serials, the well-known consequences of an important speed and frequency of writing, which can explain the repetitions mentioned by Eco about TheCountofMonte-Cristo or by Sainte-Beuve, in a article remained famous, where he denounced « vains mots », « descriptions oiseuses » and « épithètes redondantes »49 of serial writing.

Alfred Nettement, catholic journalist gone to war against serials in 1845, remarks for example in his Études critiques sur le feuilleton-roman:

je signalerais un tic de langage fort désagréable chez M. Sue. Il est un mot qu’il a adopté et qu’il emploie partout de la manière la plus étrange ; c’est celui de vaillant. « Elle descendait vaillamment dans cette boue infecte, » dit-il dans un endroit ; « La Louve est une vaillante fille ; » « il est d’un cœur si vaillant ; » « n’ai-je pas vaillamment rempli mes devoirs de père et de mère ? »50.

The point is now to underline other recurrences which seem to form, from a novel to another, the type of the avenger, by overindulging in mannerisms and stereotypes.

One of these stereotypes is the repeated use of the metallic metaphor – this image is obviously not specific to the serial of those years: it existed beforehand and still flourishes. In The Mysteries of Paris for example, Rodolphe clutches Malicorn’s wrist so violently the latter gave in under this steel grip51, when in Les Mystères de Londres, Fergus’ hand seems to bemade of steel52. Jacques Collin, has a « organisation de fer et de vitriol » (DIV: 515). Also, the avenging hero has a heart of bronze (MC3: 215, DIV: 514) and nerves or muscles of steel:

Sous la peau délicate et douce de cette main qui vint le saisir brusquement à la gorge, le Chourineur sentit se tendre des nerfs et des muscles d’acier (MP: 34).

– Empêchez-m’en donc ! répliqua Morrel avec un dernier élan qui, comme le premier, vint se briser contre le bras d’acier du comte (MC3: 424).

Les deux mains de Fergus, deux tenailles d’acier se refermèrent sur ses bras qu’elles broyèrent (ML: 336)53.

All these metaphors turn the avenger into a vigorously-tempered man, « un homme vigoureusement trempé » to use the  phrasing of M. de Grandville about Jacques Collin (DIV: 622). The avenger knows how to be magnetic (and draw to him, like a magnet, auxiliaries and opponents):  

Certains regards ont une puissance magnétique irrésistible : quelques duellistes célèbres doivent, dit-on, leurs sanglants triomphes à cette action fascinatrice de leur regard, qui démoralise, qui atterre leurs adversaires (MP: 71).

Il y avait dans cette parole du comte une vibration magnétique dont les sens épuisés du misérable furent ravivés une dernière fois (MC3: 154).

– Sais-tu ce que je veux de toi ? dit alors Jacques Collin en jetant sur La Pouraille un regard magnétique (DIV: 580).

The Marquis of Rio-Santo has electric54 speech. These are just a few examples, because many catalogues would be required to classify all the mannerisms, Alfred Nettement speaks of « tics », used to depict the avenging hero.

In the hero’s discourse itself, it is the expression of past sufferings which is constantly recurring, under the much-favoured j’ai beaucoup souffert:

– J’ai beaucoup souffert, je souffre encore… voilà pourquoi je sais le secret de bien des douleurs ! (MP: p. 583).

« Vous avez beaucoup souffert, monsieur ? » lui dit Franz.

Simbad tressaillit et le regarda fixement.

« À quoi voyez-vous cela ? » demanda-t-il (MC1: 435).

– J’ai beaucoup souffert, oui, madame, répondit Monte-Cristo (MC2: 495).

Vous ne savez pas, aucun homme ne sait ce que c’est que la douleur ; moi seul je la connais (DIV: 614).

This is what The Count of Monte-Cristo’s narrator calls giving in to the power of the commonplace. This is a bit where Haydée tells Albert de Morcerf about his tragic youth, and the viscount then exclaims: « – Si jeune, signora, dit Albert cédant malgré lui à la puissance de la banalité, comment avez-vous pu souffrir ? » (MC3: 43). Giving in to the power of the commonplace, giving in to the attraction of the easy solution maybe, is about borrowing expressions which come automatically to the pen and to the characters’ mouth.

At last, the topos of the angelic or diabolical avenger is easy to use and always works on a reader eager for the extraordinary. As Alfred Nettement writes in his diatribes of the time:

L’homme a toujours aimé qu’on exagérât la puissance de l’homme ; il lui semble que l’individu grandit avec le type. Les Mystères de Paris donnent une ample satisfaction à ce penchant désordonné. Les personnages du livre, dans le bien comme dans le mal, ont quelque chose de colossal. L’homme y descend jusqu’à l’enfer et y monte jusqu’au ciel pour y détrôner Satan et Dieu55.

In such a case, the descriptive discourse is no longer made by the hero, as in the j’ai beaucoup souffert case: the portrait of the avenger is made by the words of others. For example, the abbot Polidori, an enemy turned by Rodolphe, says: « Il faut qu’il ait le diable à ses ordres pour avoir découvert ce que j’étais allé faire en Normandie » (MP: 1100). And the Count of Morcerf tells the Count of Monte-Cristo: « je sais bien, démon, que tu as pénétré dans la nuit du passé » (MC3: 265). In Les Mystères de Londres, the blind man Tyrrel thinks that « La main mystérieuse dont il parle est quelque chose comme le diable » (ML : 213) and Vautrin, obviously, who made a Devil’s pact with Lucien at the end of Illusions Perdues, forces admiration amongst convicts in those terms: « – S’il y arrive, dit le Biffon, je ne le crois pas tout à fait Meg (Dieu) ; mais il aura, comme on le prétend, bouffardé avec le boulanger (fumé une pipe avec le diable) » (DIV: 551).

Angel or demon for those who approach him, the avenger plays the role of Providence, to use an expression frequently found in The Mysteries of Paris and TheCount of Monte-Cristo56. And Alfred Nettement clearly points out, in 1845, the comparative expression through which the identity of numerous avengers is defined in the two previous years:

Il est plus qu’un homme, j’allais dire plus que Dieu. N’agit-il pas, en effet, quand la Providence indolente, c’est le mot dont se sert M. Sue, se repose57.

– Mon Dieu ! mon Dieu ! dit Morrel, vous m’épouvantez, comte, avec ce sang-froid. Pouvez-vous donc quelque chose contre la mort ? Êtes-vous plus qu’un homme ? Êtes-vous un ange ? Êtes-vous un Dieu ? (MC3: 288).

Qui a prononcé le nom de Fergus O’Breane ? C’est plus qu’un homme. C’est presque un Dieu. Maudit soit celui qui l’arrêtera dans sa course !... (ML: 376).

The similarities appear both through vocabulary (man/God confrontation) and through syntax (the verb to be, – être –  addressing the identity, the comparative of superiority).

Thus, while submitting to the tyranny of dailies and to the codes of serials, the author introduces heroes, who are nearly allmighty, just like himself in his creative process. Balzac, in La Cousine Bette, makes Chapuzot say that if Bibi-Lupin, Vautrin’s predecessor at the Sûreté, had used the police to his own personal interest, he would have been an under-destiny, (« il eût été une Sous-fatalité58 »). In the same way, the narrator is an under-destiny for his characters (the idea is not new59). Of this mirroring confrontation between a serial novelist and an omniscient and almighty character, the Figaro critic Jean Rousseau makes, fifteen years later, a very funny satire by coming after a major serial novelist of the time, Ponson du Terrail:

Exemple d’admiration pure et même exaltée. – Ici, M. Ponson du Terrail traite son sir Williams d’homme étonnant. – Ailleurs, il le salue du nom de grand homme, simplement. Ailleurs encore, il lui dit avec enthousiasme, par l’organe d’une petit pantin subalterne :

« – Auprès de vous le diable est un polisson ! »

C’est ainsi que

M. Ponson du Terrail se complimente dans la personne de ses personnages. Je ne suspecte pas sa modestie ; je crois fermement qu’il s’encense sans le savoir ; mais il est clair que ces éloges qui tombent sur ses héros lui reviennent de droit. Si Jenny est une fille forte, M. Ponson du Terrail qui l’a inventée est un homme ultra puissant. Si sir Williams est un homme de génie, M. Ponson du Terrail qui l’a créé s’installe carrément au rang des dieux. Ô Ponson du Terrail ! Quel être surnaturel es-tu donc, toi qui es plus fort que sir Williams, lequel est plus fort que Satan60 !

One clearly sees here appear the pastiche of revelation scenes in serials – put together the last sentence, Quel être surnaturel es-tu donc, with Êtes-vous un ange in the extract quoted before... This Figaro text efficiently highlights some of the stereotypes Ponson du Terrail, and others before him, used and abused serial after serial, novel after novel. Almost divine, the avenger is characterised by set phrases and set discourses, limited perhaps in terms of originality, but which present themselves as extraordinary and unlimited.

The stereotypes of the unspeakable and the unlimited

The unspeakable is what cannot be said whether it is because it doesn’t mean anything or because one struggles to figure out what it means. This is one of the topoi of serial novel critic, asserting a serial novel is badly-written (the same accusations are faced by romance novels today, where treasurable lines such as « Au secours, hurla-t-elle à voix basse dans le silence seulement troublé par le tic-tac du réveil digital61 » can be found). Thus in Dumas is often found the interpolated clause « dit-il les dents serrées62 », which is little convenient. Serial novels excelled so much in doing so one can turn to, by analogy and as a matter of example, to the short text explanation Jean Rousseau makes of the ending of episode from Rocambole:

« Le misérable aperçut une ombre immobile, et du sommet de cette ombre, il vit jaillir deux points lumineux étincelant dans l’obscurité comme les yeux d’un tigre. Un sauveur arrivait-il donc au malheureux Fernand Rocher ? »

Concevez-vous l’horrible situation de M. Ponson du Terrail ! Savoir qu’il y a là une obscurité dans l’ombre, – pardon ! je me trompe, – une ombre dans l’obscurité, – ce qui est déjà un fait passablement rare et suffisamment saugrenu ; – savoir de plus que cette ombre a des yeux de tigre qui lui jaillissent du sommet de la tête, comme qui dirait à la pointe des cheveux, – et ne pas savoir quelles sont les intentions de cette ombre fantastique63 !

Critics of that time could deliver similar mockings on sentences such as « Alors l’homme de bronze sentit son cœur se dilater dans sa poitrine, un jet de flamme dévorante jaillit de sa gorge à ses yeux » (MC3: 425) in The Count of Monte-Cristo or « – Oh ! Murph ! vengeance !... vengeance !… s’écria Rodolphe avec une fureur froide et concentrée » (MP: 157) in The Mysteries of Paris – for it might be tricky to figure out what exactly is a « cold and concentrated rage ». But these are debates we are just passing on. It seems more interesting to point out that it is a resistance to the hyperbolic style of The Mysteries of Paris and of serial novels in general which fuels these accusations of bad writing: it is not just « fureur », not « fureur » with one adjective; but « fureur » with two adjectives, « froide et concentrée ».

The character of the avenger is the first place where hyperboles pile up, especially through adjectives, and more specifically epithets.

Rodolphe has extraordinary vigour64, when Vautrin has extraordinary strength65, but most of all, everything is terrible in serial novels. Dantès takes a « terrible resolution » (and a « formidable oath » in the same sentence, for good measure MC1: 224), and many other examples can be found:

Le Maître d’école recula d’un pas au terrible aspect de la physionomie de Rodolphe (MP: 71).

Morrel frissonna. Il y avait quelque chose à la fois de lugubre, de solennel et de terrible dans l’accent du comte (MC3: 284).

Vous ne vîtes jamais, Stephen, de transformation plus soudaine et plus terrible que celle qui s’opéra dans la physionomie de Son Honneur (ML: 271).

mais il refoula ce désir brutal et le comprima par la force qui le rendait si terrible (DIV: 636).

Let us point out that often enough, terrible alone is not enough:  it is combined with « lugubre », « solennel », or is used in a superlative manner, or with an intensifier. Like other news columns of the time, the serial uses over and over again these epithets: affreux, abominable, horrible, effroyable, épouvantable. Those epithets signal to the reader something expected, already-known, and help create the pleasure of acknowledgement mentioned above66. On the whole, hyperboles work through repetition, through autonymic connotation – the epithet is to be grasped both in use, for what it means (that is the extraordinary) and in reference, as an adjective recognised and acknowledged by readers (that is to say it conveys the cosiness of habit); it becomes a marker of this discourse (the serial genre).

This is one of the well-known paradoxes of serial novels, especially The Mysteries of Paris and its avatars: these novels are mass-produced, often on the model initiated by Sue, and yet they stage unique, exceptional, superior heroes – « in accordance to a certain common belief that repetition, far from bowdlerising a phenomenon makes it even more stupefying and exceptional67». This narrator’s point of view on The Count of Monte-Cristo can be applied, in a metatextual manner to the style of the serial avenger: « Il pouvait y avoir des hommes plus beaux, mais il n’y en avait certes pas de plus significatifs, qu’on nous passe cette expression » (MC2: 486) – And Dumas underlines significatifs (significant).

The unspeakable is what cannot be spoken, because it is impossible to say; for example: « It is impossible to depict the supreme haughtiness of Rodolphe’s features when speaking those last words68». It is impossible to depict for in the avenger’s topos, Rodolphe’s haughtiness is superior to everything that has come before and already been written. Also, still in TheMysteries of Paris: « These words, my daughter, were pronounced by the prince with an accent we would be unable to express69».

These stereotypes of the beyond words feeling nevertheless underline the serial-novelists’ attention to language, and the uses they have (or don’t have), the topos basically meaning the unspeakable. Dumas writes: « Monte-Cristo remit les cinq billets dans sa poche avec cet intraduisible mouvement de physionomie qui veut dire “Dame ! réfléchissez ; si vous vous repentez, il est encore temps” » (MC3: 408). There is here some sort of preterition: it is impossible to depict, but the narrator does it anyway; the movement is untranslatable but it means something the narrator conveys – almightiness of the hero, almightiness of the narrator.

Impossible to depict, untranslatable movement70 are expressions which enable to assert the impenetrable character of the hero, apparently even for the narrator himself – Jacques Collin has an « impenetrable eye71 », and when Villefort asks Monte-Cristo mockingly if he is the only perfect being, the Count answers: « Non point parfait […] ; impénétrable, voilà tout » (MC2: 196). The hero is impenetrable, like the ways of the Lord to which he is compared72.

Untranslatable, impenetrable: the unspeakable is spoken with privative prefixes, another favoured expression of hyperbole. The same way Monte-Cristo asks Danglars for an unlimited credit, the avenger is unlimited (quite so the serial really). And the reader, like the banker, can question himself on this notion of unlimitness:

– Cette lettre, dit Danglars, je l’ai sur moi, je crois (il fouilla dans sa poche). Oui, la voici : cette lettre ouvre à M. le comte de Monte-Cristo un crédit illimité sur ma maison.

– Eh bien ! monsieur le baron, que voyez-vous d’obscur là-dedans ?

– Rien, monsieur ; seulement le mot illimité

– Eh bien, ce mot n’est-il pas français ?… Vous comprenez, ce sont des Anglo-Allemands qui écrivent.

– Oh ! si fait, monsieur, et du côté de la syntaxe il n’y a rien à redire, mais il n’en est pas de même du côté de la comptabilité (MC2: 164-165).

The words used to tell the avenger create a mise en abyme, and that is when is best seen the style of these characters. This style questions the characters themselves, like the hero. As Alfred Nettement put it, in a later study of contemporary novel about Ponson du Terrail and serial novels in general, the writing shows « une verve intarissable en péripéties et qui saute par-dessus l’invraisemblable pour arriver à l’impossible73 ». Intarissable74, invraisemblable75, impossible are repeats of privative-prefixed epithets exceedingly common in serials: Monte-Cristo « se raidissait contre l’impossible avec cette énergie qui fait seule les hommes supérieurs » (MC2: 230) and  Rio-Santo « Enfant, […] se prit corps à corps avec le gigantesque, sinon l’impossible » (ML: 332). And the avenger is incroyable76, invincible, inexorable, impitoyable77, indomptable78, impassible79. These epithets are frequent and tend to turn serial production of mysteries (by multiplying episodes and works) into a repetitive representation of the unique.

Impassive, the avenger is supposed to keep some mystery.

Stereotype of masks and of identity revealing: The avenger’s many masks

Rodolphe, our prototype, and Monte-Cristo, one of its declensions, are both versions of the « Prince in disguise » studied by Dominique Kalifa80. The avengers rise from their faults or from prison and come back, under different identities and as many masks, to haunt and punish the villains. The Count of Monte-Cristo and the Marquis of Rio-Santo are both titles forged by the heroes themselves – one can notice in the onomastics the same Christian topos already mentioned, from Cristo to Santo. Enumeration is the favoured moment when appear the different identities of the character, through apostrophe or apposition:

Allons donc, homme régénéré ; allons, riche extravagant ; allons, dormeur éveillé ; allons, visionnaire tout-puissant ; allons, millionnaire invincible, reprends pour un instant cette funeste perspective de la vie misérable et affamée (MC3: 526).

– Rio-Santo ! reprit Angus avec raillerie. On l’appelle maintenant Rio-Santo ! Je sais, moi, ce que c’est que ce Rio-Santo. C’est Fergus, le bandit de Teviot Dale, Fergus l’assassin, Fergus, que je ne tue pas, parce que mon cœur est lâche devant un homme que j’ai aimé (ML: 224).

– Oui, monsieur le comte, c’est Jacques Collin, le chef de la société des Dix-Mille, le banquier des trois bagnes, un forçat qui, depuis cinq ans, a su se cacher sous la soutane de l’abbé Carlos Herrera (DIV: 622).

In the first example, Monte-Cristo uses apostrophe for himself, while the characters of the two other examples reveal the avenger’s identities through multiple apposition. Vautrin for example, tries to pass himself off as an abbot: for the avengers impersonate or dominate clergymen, whether it is the abbot Busoni, which Dantès impersonates after having learnt everything from the abbot Faria, or the abbot Polidori which Rodolphe holds in his power in The Mysteries of Paris.

Beyond their names, avengers change features: change and transformation are legion81 and each time it is the identity of the avenger which is questioned, and often in the same manner.

The language held about the avenger and his identity, in The Mysteries of Paris as in some of its avatars, is particularly set in revelation scenes: the scheme of postponed revenge, identified by Vareille82, enables to stretch the novel, to constantly question the identity of the avenger, and thus postpone the ending.

Like the « formidable oath of revenge83 » to use Dumas’ expression, the revelation of the identity takes on a « performative value84 » , according to Kris Vassilev:  the idea is to shatter the opponents and make the reader shiver face to such greatness. The donc85 combined with this identity questioning is the special grammatical tool used in these spectacular revelations, and serials overindulge in it to reinforce suspense86. This conjunction enables to continuously refocus the narrative on its moving center, the character of the avenger.

This is how starts the avenger’s legend in the first episode of The Mysteries of Paris (19 juin 1842): Fleur-de-Marie, saved from the Chourineur by Rodolphe, exclaims herself : « Mais qui êtes vous donc ? Excepté le Maître d’école, il n’y a personne, depuis la rue Saint-Éloi jusqu’à Notre-Dame, capable de battre le Chourineur » (MP: 35), and on the next page, it is the Chourineur’s turn to ask: « Ah çà ! mais qui es-tu donc ? ». The donc is meant to convey the character’s utmost impatience face to so many qualities and mysteries – in a mimetic way, it is the questioning one hopes to arouse in the reader. Dumas reinforces this impression by using the phrase à la fin: « – Mais qui êtes-vous donc, à la fin, pour vous arroger ce droit tyrannique sur des créatures libres et pensantes ! s’écria Maximilien » (MC3: 424).

The presentative c’est and maybe the split sentence also enable to question the avenger’s identity: « C’est donc l’enfer qui vous envoie ? » asks the Maître d’École (MP: 164), and Jacques Ferrand, Rodolphe’s other odious enemy, does not lag behind: « Mais c’est donc le démon que ton maître ? s’écria-t-il exaspéré, en s’arrêtant brusquement devant Polidori » (MP: 1097). Many other examples can be found87, but it is impossible to mention them all.

Let us finish with The Mysteries of Paris where it all began: « – Mais quel est-il donc, cet homme ? Ce n’est pas un homme, s’écria le Maître d’école avec un redoublement de fureur désespérée, c’est un bourreau, un monstre ! » (MP: 168).

A monster: this is maybe the best definition of the character of the avenger. An avenger made of circulation discourses, changing aspects from one novel to another or inside the same novel, Proteus88 given to feed the reader. The word monster comes from monstrum, itself coming from monere, because according to the Grand Dictionnaire universel du xixe siècle of Pierre Larousse, « les anciens regardaient les monstres comme des avertissements du ciel » (1874, t. 11). And what is an avenger if not, for the Maître d’École, the Chouette, for Danglars, Villefort and Morcerf, for men of law and convicts as for the people of England, a warning from God, a representative of Providence? « Être organisé dont la conformation diffère notablement de la conformation des êtres de son espèce », continues the Grand Dictionnaire universel du xixe siècle. And the avenger differs from other men: Mercédès tells Edmond Dantès «  il y a un abîme entre vous et les autres hommes, et ma plus douloureuse torture, je vous le dis, c’est de comparer ; car il n’y a rien au monde qui vous vaille, rien qui vous ressemble » (MC3: 523) and about Rio-Santo Diana Stewart exclaims: « – C’est un homme à qui rien ne résiste, un homme beau, noble, fort et auquel les autres hommes ne peuvent ressembler » (ML: 57).

What or who does the avenger stand for? A monster, apparently. And if the narrators stage the difficulty of defining these men they turn into mysteries inside Mysteries, the manner of speaking the unspeakable and the extraordinary seem to belong to an interdiscourse, which points out itself the circulation, transfers and appropriations it undergoes.

(Litt&Arts, Grenoble Alpes)

Notes

1  Umberto Eco, De Superman au surhomme, Myriem Bouzaher trad., Librairie générale, Grasset, 1993, p. 74.

2  Ibidem.

3  Vittorio Frigero, Les Fils de Monte-Cristo. Idéologie du héros de roman populaire, Presses universitaires de Limoges (Pulim), 2002, p. 16 : il y est question du « “surhomme”, qu’il s’appelle Rodolphe de Gérolstein, Comte de Monte-Cristo ou Marquis de Rio-Santo ».

4  Sur la question, voir Vittorio Frigero, Les Fils de Monte-Cristo, op. cit.

5  Honoré de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, 1838-1847, Philippe Berthier éd., Garnier-Flammarion, 2006, p. 583-584 : « Par un concours bizarre de circonstances, tout aida ce génie du mal et de la corruption dans son entreprise ».

6  Pour l’édition de Splendeurs et misères des courtisanes, voir la note précédente ; on renverra désormais à l’ouvrage par le sigle DIV (La Dernière Incarnation de Vautrin). Eugène Sue, Les Mystères de Paris, 1842-1843, Francis Lacassin éd., Robert Laffont, 1989 (désormais MP) ; Paul Féval, Les Mystères de Londres, 1843, Phébus, 1998 (désormais ML) ; Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, 1844, Librairie Générale française, 1973, t. 1 à 3 (désormais MC1, MC2 et MC3). Le corpus pourrait évidemment être étoffé de nombreux autres titres, comme Les Mohicans de Paris d’Alexandre Dumas – mais le roman paraît dans la seconde moitié des années 1850, et le propos de cet exposé est davantage de montrer la constitution d’un type ou d’un prototype dans les années 1840.

7  Jean-Claude Vareille, Le Roman populaire français (1789-1914). Idéologies et pratiques, Pulim, 1994, p. 85, au sujet du Lagardère de Féval : « Sachant tout, voyant tout, grâce à ses talents de déguisement, il est comparé incessamment à un magicien, à Dieu ou au Diable, exactement comme avant lui un Rodolphe, un Monte-Cristo, un Rio-Santo, ou l’innombrable cohorte des Justiciers-Vengeurs, substituts de la Providence, qui, comme elle, ordonnent, fascinent, jugent, punissent et récompensent. »

8  Éric Fougère, La Peine en littérature et la prison dans son histoire : solitude et servitude, L’Harmattan, 2001, p. 71 : « À Rodolphe il suffit de paraître (“alors j’ai paru”, p. 450) pour être celui qui sauve. Ange exterminateur à l’auguste bonté, démon de la justice immanente, Rodolphe est proche parent de Vautrin, Dantès et Jean Valjean, quelqu’un pour qui l’humaine comédie des passions sociales est une divine comédie de l’action romanesque. »

9  Voir par exemple Ruth Amossy & Anne Herschberg Pierrot, Stéréotypes et clichés. Langue, discours, sociétés, Armand Colin, 2005 : « À l’aube du xixe siècle, l’imprimerie invente en effet un nouveau procédé de reproduction en masse d’un modèle fixe : c’est le procédé du clichage ou de la stéréotypie, qui remplace la composition par caractères mobiles. Vers le milieu des années 1860, on le sait, cliché s’emploie dans le domaine de la photographie (1865), où il désigne le négatif à partir duquel on peut tirer un nombre indéfini d’exemplaires. Par une autre extension analogique, il dénomme ensuite “familièrement”, selon P. Larousse (1869), une “phrase toute faite que l’on répète dans les livres ou dans la conversation”, ou bien “une pensée devenue banale”. Le mot “cliché” est employé en ce sens dès 1860 » (p. 11).

10  Laurence Rosier, « Analyse du discours et sociocritiques : quelques points de convergence et de divergence entre des disciplines hétérogènes », Littérature, n° 140, décembre 2005, p. 14-29. L’intertextualité renvoie à la mention d’un texte précis par un autre texte ; l’interdiscours est plus diffus.

11  J.-C. Vareille, Le Roman populaire français, op. cit., p. 174.

12  Paul Ricœur, Temps et récit, t. 1, Seuil, 1983, p. 70.

13  Raphaël Baroni, La Tension narrative. Suspense, curiosité et surprise, Seuil, 2007, p. 241.

14  Charles-Augustin Sainte-Beuve, « De la littérature industrielle », Revue des deux mondes du 1er septembre 1839.

15  Alfred Nettement, Études critiques sur le feuilleton-roman, Perrodil, 1845, p. 324-325. Sur l’œuvre entière de Sue, Umberto Eco appelait lui de ses vœux une « statistique sur la récurrence de quelques adjectifs clés ». Eco cite, « de tête », les adjectifs « fameuse, blafard, opiniâtre » (U. Eco, De Superman au surhomme, op. cit., p. 41).

16  Lorsqu’elle étudie les clichés dans Le Rouge et le Noir de Stendhal, Marie Parmentier mentionne cette « tournure figée » de la main de fer, qui appartient au « langage des mauvais romans » et « qui relève également d’un langage romanesque éculé ». Elle cite par exemple : « La cruelle nécessité, avec sa main de fer, plia la volonté de Julien ». Cependant les exemples pris chez Stendhal ont une dimension plus explicitement métaphorique : la main de fer définit des abstractions, alors que dans le feuilleton elle définit un personnage, dans notre cas celui du vengeur. Voir Marie Parmentier, Stendhal stratège. Pour une poétique de la lecture, Droz, 2007, p. 187.

17  A. Nettement, Études critiques, op. cit., p. 326.

18  « Mais si vous vous amusiez comme moi à jouer de temps à autre la Providence, vous avoueriez que certaines bonnes œuvres ont quelquefois tout le piquant d’un roman » (MP : 414) ; « vous qui jouez ou plutôt qui faites semblant de jouer le rôle de la Providence, et qui n’avez pas même eu le pouvoir de donner du contre-poison à une jeune fille empoisonnée ! » (MC3 : 423).

19  A. Nettement, Études critiques, op. cit., p. 326 ; sur Rodolphe.

20  Honoré de Balzac, La Cousine Bette, 1846, Albin Michel, 1958, p. 520.

21  J.-C. Vareille, Le Roman populaire français, op. cit., p. 106 : « Le Justicier/Vengeur/Redresseur de torts (lui-même figure du Romancier Narrateur tout-puissant) […] rassemble les fils dispersés de l’intrigue et ramène au bercail les enfants prodigues ».

22  Jean Rousseau, « Splendeurs et misères de M. Ponson du Terrail », Le Figaro du 2 mai 1858.

23  http://www.rue89.com/rue89-culture/2012/05/29/au-secours-hurla-t-elle-voix-basse-ecrire-a-l-eau-de-rose-232545, page consultée le 9 octobre 2013. Didier D., « “Au secours, hurla-t-elle à voix basse” : écrire à l’eau de rose ».

24  Au hasard : « – Je vous ferai observer, madame, dit-il les dents serrées par la colère, que c’est moi qui vous ai amenée, et que, par conséquent, c’est à moi de vous reconduire », Les Frères corses, chap. XIII, 1845 ; « Un éclair passa dans les yeux du jeune homme. 
/ – Oh ! dit-il les dents serrées, je le voudrais aussi, moi », Le Vicomte de Bragelonne, chap. CLI, 1848 ; ou encore « – Vous êtes mon oncle et mon supérieur, dit-il les dents serrées », Dieu dispose, chap. VII, 1850, etc.

25  J. Rousseau, « Splendeurs et misères de M. Ponson du Terrail », art. cit.

26  J.-C. Vareille, Le Roman populaire français, op. cit., p. 89 : les épithètes « établissent le règne de l’exceptionnel, [elles] attestent donc conjointement la conformité à un code, contraignant certes mais valorisant ».

27  Ibid., p. 84.

28  Alfred Nettement, Le Roman contemporain. Ses vicissitudes, ses divers aspects, son influence, Jacques Lecoffre, 1864, p. 80.

29  Balzac évoque ainsi « le masque impassible sous lequel cet homme si fort [Vautrin] cachait habituellement ses émotions » (DIV : 627) quand Dumas écrit : « L’anxiété du comte se traduisit par une vive rougeur, symptôme d’émotion peu ordinaire chez cet homme impassible » (MC3 : 420). Ce même comte de Monte-Cristo « revint ainsi, effrayant, implacable, marchant les bras croisés au-devant du général » (MC3 : 266) quand, dans Les Mystères de Paris, « La physionomie de Rodolphe était implacable » (MP : 266), etc.

30  Dominique Kalifa, Les Bas-Fonds. Histoire d’un imaginaire, Seuil, 2013, p. 171.

31  « Lorsqu’il parut dans le premier salon de l’ambassade, il semblait transformé » et « Quoique Rodolphe se crût assez changé par les années pour ne pas être reconnu par Polidori, avant de passer devant la porte du charlatan, il releva le collet de son paletot » (MP : 259-260 et 464). Mais aussi : « ces quatorze années de prison avaient pour ainsi dire apporté un grand changement moral dans sa figure » (MC1 : 290-291) ; ou encore : « L’homme se transformera ; pour approcher les têtes couronnées, il deviendra grand seigneur » (ML : 364). Enfin pour Vautrin, on peut renvoyer à la remarque que lui adresse Calvi, son ancien compagnon de fer : « Dis-moi quelque chose qui me prouve que tu es lui, car tu n’as que sa voix » (DIV : 569).

32  J.-C. Vareille, Le Roman populaire français, op. cit., p. 49.

33  Kris Vassilev, Le Récit de vengeance au xixe siècle. Mérimée, Dumas, Balzac, Barbey d’Aurevilly, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2008, p. 61.

34  Voir plus haut la fin d’un épisode de Rocambole cité par le journaliste du Figaro : « Un sauveur arrivait-il donc au malheureux Fernand Rocher ? ». Il pourrait être intéressant dans ce cadre de montrer les transferts non plus d’un roman-feuilleton à l’autre, mais des clichés des feuilletons aux clichés des lettres d’admirateurs de feuilletons. Ainsi de cet usage du donc, et de la dilatation du cœur, de l’adjectif terrible, etc., dans la lettre suivante adressée par Adrien Decourcelle à Eugène Sue : « Vous êtes donc sorcier, Monsieur, pour me faire éprouver tout ce que j’ai éprouvé depuis quelques heures, pour m’avoir mis dans l’état où je suis en ce moment ; j’ai eu la chair de poule pour le pauvre Germain pendant le récit de Pique-Vinaigre, et puis ma poitrine s’est dilatée, en accompagnant (par la pensée) la dégelée des coups de poing de la fin que notre bon Chourineur festonnait si bien sur la Sorbonne du Squelette ; mais ce n’est rien, quand Rodolphe pleurait sa fille, j’ai pleuré avec lui, quand on [a] annoncé Mme d’Harville j’avais la respiration étranglée et enfin quand la bombe a éclaté, je n’ai plus su où j’en étais, je ne le sais pas encore […]. Si j’ai eu la chair de poule, c’est que vous avez une imagination terrible et puissante, si j’ai ri et si j’ai pleuré c’est que vous avez un grand et noble cœur et une vaillante plume pour en dire les nobles et saintes palpitations. » (Dans Jean-Pierre Galvan, Les Mystères de Paris. Eugène Sue et ses lecteurs, t. 2, L’Harmattan, 1998, lettre 378, p. 298-299).

35  Par exemple au sujet du comte de Monte-Cristo : « Ah, çà ! mais c’est donc un nabab que cet homme ? » (MC1 : 556) ou « c’est donc un prince que ce monsieur, qu’on appelle Excellence, et qu’il n’y ait que son valet de chambre qui ait le droit de lui parler » (MC2 : 156).

36  L’image est courante à l’époque. Voir par exemple Victor Hugo, Les Misérables, 1862, Jacques Seebacher et Guy Rosa éd., Robert Laffont, 1985, p. 783 : « À eux quatre, ces bandits formaient une sorte de Protée, serpentant à travers la police et s’efforçant d’échapper aux regards indiscrets de Vidocq ».

37  Umberto Eco, De Superman au surhomme, Myriem Bouzaher trad., Librairie générale, Grasset, 1993, p. 74.

38  Ibidem.

39  Vittorio Frigero, Les Fils de Monte-Cristo. Idéologie du héros de roman populaire, Presses universitaires de Limoges (Pulim), 2002, p. 16 : it deals with the « “surhomme”, qu’il s’appelle Rodolphe de Gérolstein, Comte de Monte-Cristo ou Marquis de Rio-Santo ».

40  On this matter, see Vittorio Frigero, Les Fils de Monte-Cristo, op. cit.

41  Honoré de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, 1838-1847, Philippe Berthier éd., Garnier-Flammarion, 2006, p. 583-584: « Par un concours bizarre de circonstances, tout aida ce génie du mal et de la corruption dans son entreprise ».

42  For the edition of Splendeurs et misères des courtisanes, see above; we will refer to the book with the acronym DIV (La Dernière Incarnation de Vautrin). Eugène Sue, Les Mystères de Paris, 1842-1843, Francis Lacassin éd., Robert Laffont, 1989 (now referred to as MP); Paul Féval, Les Mystères de Londres, 1843, Phébus, 1998 (now referred to as ML); Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, 1844, Librairie Générale française, 1973, t. 1 à 3 (now referred to as MC1, MC2 et MC3). This corpus could contain many other titles, such as Les Mohicans de Paris by Alexandre Dumas – but this novel is published in the second half of the 1850s, and this presentation deals more about the making-of a type or a prototype in the 1840s.

43  Jean-Claude Vareille, Le Roman populaire français (1789-1914). Idéologies et pratiques, Pulim, 1994, p. 85, about the Lagardère of Féval: « Sachant tout, voyant tout, grâce à ses talents de déguisement, il est comparé incessamment à un magicien, à Dieu ou au Diable, exactement comme avant lui un Rodolphe, un Monte-Cristo, un Rio-Santo, ou l’innombrable cohorte des Justiciers-Vengeurs, substituts de la Providence, qui, comme elle, ordonnent, fascinent, jugent, punissent et récompensent. »

44  Éric Fougère, La Peine en littérature et la prison dans son histoire : solitude et servitude, L’Harmattan, 2001, p. 71: « À Rodolphe il suffit de paraître (“alors j’ai paru”, p. 450) pour être celui qui sauve. Ange exterminateur à l’auguste bonté, démon de la justice immanente, Rodolphe est proche parent de Vautrin, Dantès et Jean Valjean, quelqu’un pour qui l’humaine comédie des passions sociales est une divine comédie de l’action romanesque. »

45  See for example Ruth Amossy & Anne Herschberg Pierrot, Stéréotypes et clichés. Langue, discours, sociétés, Armand Colin, 2005 : « À l’aube du xixe siècle, l’imprimerie invente en effet un nouveau procédé de reproduction en masse d’un modèle fixe : c’est le procédé du clichage ou de la stéréotypie, qui remplace la composition par caractères mobiles. Vers le milieu des années 1860, on le sait, cliché s’emploie dans le domaine de la photographie (1865), où il désigne le négatif à partir duquel on peut tirer un nombre indéfini d’exemplaires. Par une autre extension analogique, il dénomme ensuite “familièrement”, selon P. Larousse (1869), une “phrase toute faite que l’on répète dans les livres ou dans la conversation”, ou bien “une pensée devenue banale”. Le mot “cliché” est employé en ce sens dès 1860 » (p. 11).

46  Translation for « ensemble de discours antérieur » in Laurence Rosier, « Analyse du discours et sociocritiques : quelques points de convergence et de divergence entre des disciplines hétérogènes », Littérature, n° 140, décembre 2005, p. 14-29. Intertextuality refers to the mention of a specific text by another one; interdiscourse is more diffuse.

47  J.-C. Vareille, Le Roman populaire français, op. cit., p. 174.

48  Raphaël Baroni, La Tension narrative. Suspense, curiosité et surprise, Seuil, 2007, p. 241.

49  Charles-Augustin Sainte-Beuve, « De la littérature industrielle », Revue des deux mondes du 1er septembre 1839. The quotes translate as « vain words », « pointless descriptions » and « redundant epithets ».

50  Alfred Nettement, Études critiques sur le feuilleton-roman, Perrodil, 1845, p. 324-325. Upon Sue’s entire work, Umberto Eco called for a « statistique sur la récurrence de quelques adjectifs clés ». He quotes, « de tête », the adjectives « fameuse, blafard, opiniâtre » (U. Eco, De Superman au surhomme, op. cit., p. 41).

51  French: « si violemment le poignet de Malicorne que celui-ci plia sous cette étreinte de fer » (MP: 447).

52  French: « semblait être de fer » (MP: 332).

53  When she studies the clichés in Le Rouge et le Noir de Stendhal, Marie Parmentier mentions this set phrase of la main de fer, which belongs to the « langage des mauvais romans » and to a hackneyed fiction language (« qui relève également d’un langage romanesque éculé »). She quotes for example: « La cruelle nécessité, avec sa main de fer, plia la volonté de Julien ». However examples picked in Stendhal have a more explicit metaphorical dimension: la main de fer defines abstractions, whereas in serials it defines a character, in our case that of the avenger. See Marie Parmentier, Stendhal stratège. Pour une poétique de la lecture, Droz, 2007, p. 187.

54  French: « électrique » (ML: 37).

55  A. Nettement, Études critiques, op. cit., p. 326.

56  « Mais si vous vous amusiez comme moi à jouer de temps à autre la Providence, vous avoueriez que certaines bonnes œuvres ont quelquefois tout le piquant d’un roman » (MP: 414); « vous qui jouez ou plutôt qui faites semblant de jouer le rôle de la Providence, et qui n’avez pas même eu le pouvoir de donner du contre-poison à une jeune fille empoisonnée ! » (MC3: 423).

57  A. Nettement, Études critiques, op. cit., p. 326; sur Rodolphe.

58  Honoré de Balzac, La Cousine Bette, 1846, Albin Michel, 1958, p. 520.

59  J.-C. Vareille, Le Roman populaire français, op. cit., p. 106: « Le Justicier/Vengeur/Redresseur de torts (lui-même figure du Romancier Narrateur tout-puissant) […] rassemble les fils dispersés de l’intrigue et ramène au bercail les enfants prodigues ».

60  Jean Rousseau, « Splendeurs et misères de M. Ponson du Terrail », Le Figaro du 2 mai 1858.

61  http://www.rue89.com/rue89-culture/2012/05/29/au-secours-hurla-t-elle-voix-basse-ecrire-a-l-eau-de-rose-232545, page consultée le 9 octobre 2013. Didier D., « “Au secours, hurla-t-elle à voix basse” : écrire à l’eau de rose ».

62  Random: « – Je vous ferai observer, madame, dit-il les dents serrées par la colère, que c’est moi qui vous ai amenée, et que, par conséquent, c’est à moi de vous reconduire », Les Frères corses, chap. XIII, 1845; « Un éclair passa dans les yeux du jeune homme. 
/ – Oh ! dit-il les dents serrées, je le voudrais aussi, moi », Le Vicomte de Bragelonne, chap. CLI, 1848; ou encore « – Vous êtes mon oncle et mon supérieur, dit-il les dents serrées », Dieu dispose, chap. VII, 1850, etc.

63  J. Rousseau, « Splendeurs et misères de M. Ponson du Terrail », art. cit.

64  French: « une vigueur extraordinaire » (MP: 34).

65  French : « une force extraordinaire » (DIV: 626).

66  J.-C. Vareille, Le Roman populaire français, op. cit., p. 89: les épithètes « établissent le règne de l’exceptionnel, [elles] attestent donc conjointement la conformité à un code, contraignant certes mais valorisant ».

67  French: « conformément à une certaine mentalité populaire pour qui la répétition, bien loin de l’édulcorer, rend un phénomène encore plus exceptionnel et stupéfiant » (Ibid., p. 84).

68  French: « Il est impossible de peindre la hauteur souveraine de la physionomie de Rodolphe en prononçant ces dernières paroles » (MP: 111).

69  French: « Ces mots, ma fille, furent prononcés par le prince avec un accent que nous ne saurions non plus exprimer » (MP: 1175).

70  Translation for impossible de peindre, intraduisible mouvement.

71  Translation for « l’œil impénétrable » (DIV: 577).

72  The expression « God works in mysterious ways » translates in French as « Les voies du Seigneur sont impénétrables ».

73  Alfred Nettement, Le Roman contemporain. Ses vicissitudes, ses divers aspects, son influence, Jacques Lecoffre, 1864, p. 80.

74  Intarissable translates as inexhaustible.

75  Invraisemblable translates as unbelievable.

76  Incroyable translates as incredible.

77  Impitoyable translates as pitiless.

78  Indomptable translates as untamable.

79  Impassible translates as impassive. Balzac mentions « le masque impassible sous lequel cet homme si fort [Vautrin] cachait habituellement ses émotions » (DIV: 627) when Dumas writes: « L’anxiété du comte se traduisit par une vive rougeur, symptôme d’émotion peu ordinaire chez cet homme impassible » (MC3: 420). The same Count of Monte-Cristo « revint ainsi, effrayant, implacable, marchant les bras croisés au-devant du général » (MC3: 266) when in The Mysteries of Paris, « La physionomie de Rodolphe était implacable » (MP: 266), etc.

80  Dominique Kalifa, Les Bas-Fonds. Histoire d’un imaginaire, Seuil, 2013, p. 171.

81  « Lorsqu’il parut dans le premier salon de l’ambassade, il semblait transformé » and « Quoique Rodolphe se crût assez changé par les années pour ne pas être reconnu par Polidori, avant de passer devant la porte du charlatan, il releva le collet de son paletot » (MP: 259-260 et 464). But also: « ces quatorze années de prison avaient pour ainsi dire apporté un grand changement moral dans sa figure » (MC1: 290-291); or even: « L’homme se transformera ; pour approcher les têtes couronnées, il deviendra grand seigneur » (ML: 364). For Vautrin, one can refer to the remark Calvi, his former companion in arms, makes him: « Dis-moi quelque chose qui me prouve que tu es lui, car tu n’as que sa voix » (DIV: 569).

82  It is the concept of vengeance différée in J.-C. Vareille, Le Roman populaire français, op. cit., p. 49.

83  Translation for « formidable serment de vengeance ».

84  Translation for « valeur performative » in Kris Vassilev, Le Récit de vengeance au xixe siècle. Mérimée, Dumas, Balzac, Barbey d’Aurevilly, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2008, p. 61.

85  Translates as so.

86  See above the end of an episode of Rocambole quoted by the Figaro journalist: « Un sauveur arrivait-il donc au malheureux Fernand Rocher ? ». In this perspective, it could be interesting to show transfers, no longer from one serial to another, but from serial novels’ clichés to serial novel fans’ letters. Watch out for the donc, the distension of the heart, the adjective terrible, etc. in this letter addressed by Adrien Decourcelle to Eugène Sue: « Vous êtes donc sorcier, Monsieur, pour me faire éprouver tout ce que j’ai éprouvé depuis quelques heures, pour m’avoir mis dans l’état où je suis en ce moment ; j’ai eu la chair de poule pour le pauvre Germain pendant le récit de Pique-Vinaigre, et puis ma poitrine s’est dilatée, en accompagnant (par la pensée) la dégelée des coups de poing de la fin que notre bon Chourineur festonnait si bien sur la Sorbonne du Squelette ; mais ce n’est rien, quand Rodolphe pleurait sa fille, j’ai pleuré avec lui, quand on [a] annoncé Mme d’Harville j’avais la respiration étranglée et enfin quand la bombe a éclaté, je n’ai plus su où j’en étais, je ne le sais pas encore […]. Si j’ai eu la chair de poule, c’est que vous avez une imagination terrible et puissante, si j’ai ri et si j’ai pleuré c’est que vous avez un grand et noble cœur et une vaillante plume pour en dire les nobles et saintes palpitations » (in Jean-Pierre Galvan, Les Mystères de Paris. Eugène Sue et ses lecteurs, t. 2, L’Harmattan, 1998, lettre 378, p. 298-299).

87  For example about The Count of Monte-Cristo: « Ah, çà ! mais c’est donc un nabab que cet homme ? » (MC1: 556) or « c’est donc un prince que ce monsieur, qu’on appelle Excellence, et qu’il n’y ait que son valet de chambre qui ait le droit de lui parler » (MC2: 156).

88  The image is frequent at the time. See for example Victor Hugo, Les Misérables, 1862, Jacques Seebacher et Guy Rosa éd., Robert Laffont, 1985, p. 783 : « À eux quatre, ces bandits formaient une sorte de Protée, serpentant à travers la police et s’efforçant d’échapper aux regards indiscrets de Vidocq ».

Pour citer ce document

Laetitia Gonon, « Stylistique du vengeur dans Les Mystères de Paris et quelques-uns de ses avatars, 1842-1847 [également disponible en anglais] », Les Mystères urbains au XIXe siècle : Circulations, transferts, appropriations, sous la direction de Dominique Kalifa et Marie-Eve Thérenty Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/les-mysteres-urbains-au-xixe-siecle-circulations-transferts-appropriations/stylistique-du-vengeur-dans-les-mysteres-de-paris-et-quelques-uns-de-ses-avatars-1842-1847-egalement-disponible-en-anglais