Presse et opéra aux XVIIIe et XIXe siècles

Chanter à "périodique ouvert". Les partitions imprimées dans le Journal de Paris et le Journal de Normandie à la fin de l’Ancien Régime

Table des matières

JOANN ÉLART

En matière de musique, la presse spécialisée s’est développée considérablement à la fin de l’Ancien Régime1. Pour répondre aux attentes des amateurs toujours plus nombreux, c’est une presse qui se diversifie, s’adressant aux hommes, aux femmes, aux instrumentistes et aux chanteurs de toutes espèces2. Peut-être sous influence de ces abonnements musicaux à la mode, cette pratique s’invite-t-elle de façon marginale dans la presse généraliste dont les centres d’intérêt sont à l’évidence ailleurs. C’est en effet le constat que l’on peut tirer de la consultation du Journal de Paris et du Journal de Normandie, deux titres « éclairés » qui s’essaient à l’impression de musique au début de leur activité.

Premier quotidien de l’histoire de la presse française, le Journal de Paris est l’organe de la bourgeoisie parisienne auprès de laquelle elle véhicule une actualité commerciale, industrielle, scientifique et culturelle, toujours au service du progrès des Lumières, toujours avec cette liberté de ton et avec ce goût pour la transparence des affaires publiques3. Pourfendeur de la noblesse opposé à toutes sortes de privilèges, le Journal de Paris « est sans doute le meilleur défenseur de la dignité du Tiers État et l’adversaire le plus décidé de la féodalité4 », admirateur de la politique économique de Frédéric II – mais pas du militarisme ni du despotisme – et du parti américain. C’est aussi un journal moderne dans sa forme et dans sa conception, « un journal fait pour être lu d’un seul coup d’œil, un journal pour gens pressés, en cela, le premier à annoncer les temps nouveaux5 ».

Sans être quotidien, le Journal de Normandie s’inscrit dans la lignée du Journal de Paris. C’est un journal progressiste qui veut servir, d’après son sous-titre, « l’histoire ecclésiastique, civile, naturelle et littéraire, et à celle des sciences, des beaux arts et du commerce de Normandie », et qui contient des rubriques comme agriculture, commerce, finances, jurisprudence, économie, sciences, météorologie, littérature, poèmes, arts libéraux, arts mécaniques, comptes rendus de spectacles ou livres nouveaux6. Ouvert aux idées nouvelles et aux réformes, « véritable bureau d’esprit7 », le journal de Jean-Baptiste Milcent8, membre notamment de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen et du musée de Paris, est « une des grandes réussites de la presse provinciale9 », « un des titres les plus attachants et les plus intéressants de la presse provinciale de la fin de l’Ancien Régime10 ». Bihebdomadaire de quatre pages comportant un supplément de deux pages pour les affiches – publiées à Rouen depuis 176211 –, le Journal de Normandie paraît trois fois par semaine à partir du 1er janvier 1790, puis tous les jours à partir du 1er novembre 1790, et devient Journal de Rouen le 12 mai 1791.

Par l’impression de musique, ces deux périodiques cherchaient-ils à répondre aux attentes d’un nouveau lectorat, suivant assidûment l’actualité des spectacles et consommant activement la musique ? À travers cette expérience originale, s’agissait-il de fidéliser des abonnés d’un nouveau genre, ceux qui aspiraient à une nouvelle façon de s’informer ou de trouver de l’information ? Si cette activité rimait, semble-t-il, avec attractivité, quelle musique était-elle véhiculée et quels étaient ses liens avec l’actualité culturelle ?

À partir du dépouillement du Journal de Paris12 et du Journal de Normandie13, nous observerons tout d’abord les choix techniques qui se sont imposés aux rédactions des deux journaux. Fallait-il produire ces partitions sous forme de supplément ou au contraire les intégrer directement à la feuille ? Quelle technique s’était-elle généralisée pour la production des partitions ? Quelles contraintes pouvaient limiter le développement de cette pratique ? Nous analyserons ensuite le corpus des partitions publiées, en les classant selon trois catégories : l’opéra, les romances, les illustrations théoriques. Au-delà de l’approche statistique, il s’agira de nous arrêter sur des cas particuliers ayant pu illustrer certaines querelles musicales. Nous rapporterons enfin les extraits d’opéras dans le calendrier des spectacles en dressant tout d’abord un palmarès lyrique : quelles œuvres et quels auteurs ont-ils profité le plus de ce développement ? Nous explorerons ensuite l’idée d’« instantané » de représentation, avant d’établir enfin une comparaison à la loupe du texte imprimé dans le journal avec celui véhiculé par la partition gravée.

La musique dans les journaux au temps de Louis XVI

La musique, et la musique vocale plus encore, est partout dans la presse parisienne et provinciale à la fin de l’Ancien Régime, de la rubrique des spectacles aux annonces des éditeurs de musique, des lettres d’abonnés à celles des gluckistes ou des piccinnistes, des paroles de romances ou de couplets parodiques14 aux partitions. Pour ces dernières, le Journal de Paris et le Journal de Normandie sont deux témoins d’une pratique marginale qui s’invite dans la presse généraliste et qui n’est pas sans poser des questions techniques.

Du support : en supplément ou intégré au journal ?

Dans ces périodiques plus généralistes que ne le sont des journaux spécialisés, les partitions peuvent s’inviter de deux manières différentes : soit elles constituent un supplément au journal sous forme de planche détachée15, soit elles sont imprimées directement dans le corps du journal. Le Journal de Paris, et on le verra ensuite, le Journal de Normandie, ont opté pour la seconde solution, procédé qui, signalons-le au passage, a garanti la transmission des partitions jusqu’à nous, la plupart des suppléments en planche détachée ayant disparu du fait de leur nature volatile. On constate cependant que le Journal de Paris s’essaie à la technique de la planche détachée, au moins à quatre reprises.

Ill. 1 – Deux coiffures différentes, vues de profil et par derrière, de la rubrique « modes », Journal de Paris, no 51, 20 février 1777. Source gallica.bnf.fr / BnF.

Pour la première fois est insérée le 20 février 1777, entre les pages 2 et 3, une planche servant à illustrer la rubrique des « modes » (ill. 1), car lit-on, « une simple description induiroit […] en erreur […]. Alors nous croyons devoir parler aux yeux16 ». C’est pourquoi « nous joignons à la feuille de ce jour une Gravure qui représente deux Coëffures différentes, vues de profil & par derrière, […] dessinées d’après nature par un Artiste habile17 ». Il s’agit véritablement d’un essai, comme il est écrit dans l’article : « si cet essai peut flatter les Femmes que nous comptons au nombre de nos Souscripteurs, nous renouvellerons avec plaisir une dépense qui prouvera notre zèle18 ». S’il semble que ce ne fut pas le cas – puisque aucune autre gravure de mode n’a pu être repérée –, la technique utilisée ici, celle de la gravure sur plaque au burin ou à l’eau-forte, encourage à imprimer la planche à part, car elle ne répond pas aux mêmes contraintes de fabrication du journal qui utilise la composition typographique. Un second exemple a été repéré cinq années plus tard, en 1782. Il s’agit d’une planche détachée et gravée sur plaque, présentant différents Glossocomes (ill. 2), autrement dit des machines utilisées pour guérir luxations ou fractures. Cette planche est accompagnée d’un commentaire placé à la rubrique « Chirurgie19 ».

Ill. 2 – Exemple de glossocomes de la rubrique « chirurgie », Journal de Paris, no 300, 27 octobre 1782. Source gallica.bnf.fr / BnF.

Une troisième gravure identifiée grâce à la notice publiée dans le Dictionnaire des journaux20 n’a pas survécu, semble-t-il, puisqu’elle est manquante dans les différents exemplaires consultés. Cependant, la description établie dans le suite de l’annonce a guidé nos recherches vers une eau-forte appartenant aujourd’hui à un recueil factice conservé à la Bibliothèque nationale de France21 (ill. 3) : on y apprend que Mayer,

habile Dessinateur, séjourna quelque tems à Ermenonville pendant que J. J. Rousseau habitoit cette terre ; il eut l’occasion de voir souvent ce Philosophe herboriser dans les jardins, il s’amusa à le dessiner en pied, tenant dans ses mains les plantes qu’il rapportoit chez lui, & fit présent du dessin22.

On le voit, il n’y aucun doute possible entre cette description tirée du Journal de Paris et la gravure en pied retrouvée à la Bibliothèque nationale de France, ce rapprochement ayant pu être fait grâce à la base Gallica et aux noms des auteurs impliqués dans la réalisation de cette gravure. Le 1er janvier 1780, c’est donc un Jean-Jacques Rousseau dessiné à Ermenonville par Mayer et gravé par Moreau qui est offert aux souscripteurs du Journal de Paris. À la rubrique des variétés, on apprend que « le désir de plaire à nos Souscripteurs nous fera toujours saisir avec avidité toutes les occasions de leur témoigner notre reconnoissance ; mais ces occasions ne répondent pas toujours à notre zèle » car « nous étions réduits cette année à n’offrir aucune gravure, soit par le défaut d’un sujet piquant, soit par la difficulté de l’exécution, lorsqu’un Ami de J. J. Rousseau est venu nous proposer d’accepter la Planche dont la Gravure est jointe à cette feuille23 ». Le rédacteur de cette annonce insiste bien sur la « difficulté de l’exécution » qui réduit à néant les efforts, et probablement les promesses, du Journal de Paris. La suite et la fin de l’annonce sont très intéressantes ; nous pensons utile de la transcrire en intégralité, car elle insiste sur le lien particulier que la rédaction du journal tient à instaurer et à entretenir avec ses abonnés par l’insertion de productions rares et d’objets insolites, dans lesquels nous retrouverons plus tard les partitions :

L’ami qui l’a reçu & de qui nous tenons la Planche, le trouvant très-ressemblant, le donna à M. Moreau le jeune, Graveur & Dessinateur du Cabinet du Roi, connu par un grand nombre de chef-d’œuvres [sic] sortis de ses mains, qui le grava. Les exemplaires furent tirés en très-petit nombre & donnés seulement à ceux qui avoient eu un rapport direct avec J. J. Rousseau. Nous avons reçu ce présent avec reconnaissance, parce que nous nous persuadons que le plus grand nombre de nos Souscripteurs se verra avec plaisir possesseur du portrait en pied d’un homme qui réunit tant de genres de célébrité. Nous ne doutons point d’ailleurs que la ressemblance ne soit saisie par ceux mêmes qui, sans l’avoir connu particulièrement, auront eu seulement quelquefois occasion de le rencontrer. Ce dessin est le dernier ouvrage de M. Mayer, que la mort a enlevé peu de tems après à la fleur de son âge24.

Cette gravure servit plus tard de modèle pour une seconde, dont le dessin est toujours signé par Mayer, mais dont le burin est celui de « H. » – donc, certainement pas Moreau le jeune qui signe la première. Cette reprise inspirée est rehaussée d’aquarelles ajoutant en arrière-plan « la vüe du Pavillon qu’il habitait à Ermenonville25 » (ill. 4).

Ill. 3 et 4 – Jean-Jacques Rousseau herborisant à Ermenonville, eau-forte d’après le dessin de Mayer, gravée par Jean-Michel Moreau (à gauche) et par H. (à droite). La gravure de gauche est vraisemblablement celle qui a été jointe au Journal de Paris, no 1, 1er janvier 1780. BnF, Estampes et photographie, [RESERVE FOL-QB-201109 (recueil, collection Michel Hennin, estampes relatives à l’histoire de France, t. 109, pièces 9476-9572). Source gallica.bnf.fr / BnF.

Enfin, le Dictionnaire des journaux26 signale une quatrième gravure insérée dans le numéro du 19 septembre 1783 qui représente une machine aérostatique en forme de Pégase. Le 19 septembre 1783, c’est justement une journée historique pour les frères Montgolfier qui font la démonstration – couronnée de succès – de leur invention devant Louis XVI à Versailles, avant que ne soient entreprises les expériences de premier vol habité dans un ballon captif le 19 octobre et du premier « lâcher tout » le 21 novembre. Cette gravure perdue, puisqu’elle n’a pas été repérée dans les exemplaires consultés, est probablement l’estampe que nous avons retrouvée dans les collections de la Bibliothèque nationale de France (ill. 5) et pour laquelle un titre est recomposé à partir d’un document parfaitement anonyme : « figureaérostatique en baudruche représentant Bellerophon monté sur Pégase, volant à droite27 ». Dans l’article du Journal de Paris adressé « à Messieurs les Navigateurs Aériens28 », l’auteur propose que « la grâce de la machine fût jointe à la facilité des mouvemens » et que « la forme la plus heureuse seroit celle du Cheval Pégase, d’une grandeur beaucoup plus forte sans doute que Nature ». Puis, il ajoute cette description farfelue qui colle parfaitement à la gravure :

Son corps serviroit de récipient au gaz ; sa tête, les crins en avant, feroit l’office de proue ; ses aîles modéreroient l’élévation, & détermineroient la vitesse ; sa queue seroit le gouvernail ; & les quatre pieds, dans l’attitude d’un cheval qui galoppe, chargés dans leurs extrémités d’un corps pesant, proportionné au reste de la machine, serviroient de lest, & assureroient au Cavalier Aérien une attitude constante. […] On devine aisément la place d’une soupape qui s’ouvrant à la volonté du Navigateur, laisseroit échapper promptement, par le rapprochement de ses genoux, une portion du gaz & tempéreroit la légèreté du cheval dans le cas où il voudroit s’emporter par-delà les nues. Je joins ici un Croquis de mon idée29.

Encore à la pointe de l’actualité, le Journal de Paris livre donc à ses souscripteurs une gravure à l’eau-forte, en précisant à la « note des rédacteurs » qu’« ayant reçu, de la part de l’Amateur, la planche gravée, nous avons cru faire plaisir à nos Souscripteurs, en en faisant tirer le nombre d’exemplaires suffisant pour joindre à chaque feuille de ce Journal30 ». Comme pour le Rousseau en pied, le Pégase aérostatique et aérophage est donc un objet insolite offert aux abonnés, sortant de la contrainte périodique mais imposé par le hasard des rencontres et de l’actualité, et aux dimensions tout à fait compatibles avec le format de la feuille.

Ill. 5 – Machine aérostatique en forme de Pégase, eau-forte, 9,2 x 7,1 cm. Cette gravure est vraisemblablement celle qui a été jointe au Journal de Paris, no 262, 19 septembre 1783. BnF, Estampes et photographie, [FOL-IB-42 (recueil, histoire des ballons, t. 4, vol. 2). Source gallica.bnf.fr / BnF.

Ces quatre planches rescapées utilisent la technique de la gravure sur plaque, vraisemblablement à l’eau-forte. Elles se distinguent de plusieurs autres planches jointes au Journal de Paris, qui s’apparentent au supplément et qui recourent au procédé typographique ordinaire : les errata ajoutés une fois le journal imprimé31 ; l’appel à souscription, comme cet « avis au public sur l’établissement d’une école de natation32 » ; le prospectus commercial, comme celui « des Assurances contre les incendies33 » ; les annonces immobilières, comme celle de ce « très-bel appartement […] fauxbourg Saint-Honoré […] à louer34 » ou cette « maison au bas de Montmartre […] à vendre35 », ou encore de terrain à vendre, comme le « Marais de Talmont, en Saintonge36 » au bord de la Gironde ; la vente après décès, comme cette « vente de tableaux après le décès de M. le Marquis de Bussy37 ». Ces « feuilles de supplément » se développent considérablement à partir de 1786 dans le Journal de Paris, et leur nombre croissant est à la mesure de la publicité qui est faite dans le journal, car c’est un service payant et probablement rentable38. Enfin, un nouveau supplément est inauguré le 13 décembre 1789, celui des annonces de spectacles parisiens, détachées du corps du journal, car comme le fait remarquer la « note des rédacteurs39 » :

L’abondance des objets intéressans que les circonstances actuelles présentent, & le vœu, des long-tems exprimé, de nos Abonnés de Province, nous ont déterminés à faire un sacrifice également avantageux pour les Souscripteurs de Paris & pour ceux de Province. Nous avons pris le parti de retrancher de la 4e page de notre Feuille toutes les annonces des spectacles, afin de pouvoir donner cette espace à des matières plus variées & d’un intérêt général. Nous imprimerons l’annonce journalière des différens Spectacles de la Capitale dans un Bulletin séparé, qui sera envoyé, à dater de ce jour, sous l’enveloppe de la Feuille, aux Abonnés de Paris & de la Banlieue ; mais nous continuerons à rendre compte dans le Journal même, des Pièces nouvelles, du début des Acteurs & des autres détails relatifs aux Spectacles qui peuvent avoir quelqu’intérêt. Ce surcroît de dépense ne changera rien au prix de la souscription40.

Pour conclure, des suppléments il ne sera pas question quand il s’agira d’imprimer une partition, même si, on vient de le voir, la pratique est courante dans le Journal de Paris. Les partitions seront ainsi systématiquement intégrées aux quatre pages du journal, choix visant probablement à réduire les coûts de fabrication, mais impliquant néanmoins quelques contraintes limitant à terme le développement de cette pratique.

Les contraintes de la feuille de journal

La première question que se pose le graveur de musique avant même de produire sa partition est celle du format de papier. De lui dépend la taille de toutes les polices musicales (notes, symboles musicaux, portées, etc.), et par conséquent, de lui découle directement le « découpage » de la partition. Cette sorte de chemin de fer est une étape délicate et décisive qui consiste à esquisser le brouillon de la partition pour en définir les tournes, les reprises, la bonne répartition de la musique dans les pages et dans les systèmes, autant horizontalement que verticalement, etc. De ce point de vue, le Journal de Paris innove et tient à se distinguer du Mercure de France en optant dès les origines pour un format de page plus large (in-quatro), et donc indirectement, même si ce n’est pas là la seule raison justifiant ce choix, pour un format plus adapté à l’impression de musique. Il était pourtant annoncé dans le prospectus publié en octobre 1776 que le journal paraîtrait en format in-octavo, mais l’avis inséré dans le premier numéro signale que bien que ce choix double les frais, au moins « assure-t-il les moyens de remplir plus strictement nos Engagmens envers le Public41 ». Éditer de la musique figurait-il parmi ces engagements42 ? Le Journal de Normandie, bihebdomadaire qui deviendra bientôt quotidien, emboîte le pas à son modèle parisien et opte également pour le format in-quatro, celui-ci devenant plus généralement le format de toutes les feuilles quotidiennes à Paris et en province.

La deuxième contrainte est celle de la technique employée : la gravure sur plaque ou la typographie musicale à l’aide de caractères mobiles ? La première technique est très en vogue depuis le début du xviiie siècle, particulièrement à Paris, qui devient, en grande partie grâce à elle, la capitale de la musique en Europe à l’aube de la Révolution française. Si elle permet de contourner le privilège des Ballard (le monopole de l’impression de musique à l’aide des caractères mobiles), d’obtenir des résultats beaucoup plus satisfaisants d’un point de vue graphique et d’afficher un rendement bien plus important, cette technique est assez contraignante pour les imprimeurs qui ont l’habitude de composer leurs journaux à l’aide de caractères mobiles. La seconde technique, celle des caractères mobiles musicaux, paraît donc plus adaptée aux outils de travail de ce corps de métier. De fait, en s’attardant sur le détail des partitions publiées dans le Journal de Paris, toutes les imperfections trahissent l’emploi de cette technique (ill. 6) : la discontinuité des portées (très visible avant le dièse), la reconstitution des ligatures et des hampes par ajout de caractères (celles des doubles croches), le retournement de caractères (flagrant sur les croches avec hampe vers le haut qui recycle les caractères de croches avec hampe vers le bas, pour lesquelles les crochets de durée sont anormalement tournés vers la gauche et non vers la droite).

Ill. 6 – Détail de l’air des Danaïdes, « Rends-moi ton cœur »,  Journal de Paris, no 124, 3 mai 1784, p. 3. Source gallica.bnf.fr / BnF.

La technique des caractères mobiles est également employée par le Journal de Normandie, qui imprime sa première partition dans la feuille le 28 juillet 1787, dix ans après le Journal de Paris. À cette occasion, les rédacteurs croient devoir présenter des excuses à leurs abonnés dans une note ajoutée à la partition ; ils prient en effet

MM. nos Abonnés d’excuser les longs délais qu’a essuyé la promesse que nous avions faite de la Musique [en 1785 !] : ils doivent être imputés au Fondeur de caractères de Paris, qui, accablé de demandes, nous remettoit de jour en jour43.

Nous ne savons rien de ce fondeur de caractères, qui après examen minutieux sur différents éléments graphiques (les accolades, les clés, les mesures, les notes, etc.), n’apparaît pas comme l’auteur des caractères utilisés par le Journal de Paris, à moins que le jeu de caractères ait évolué sur la décennie qui sépare ces deux pratiques. Nous noterons que le jeu de caractères rouennais est plus complet – il contient notamment toutes les croches avec hampes vers le haut et vers le bas : il souligne un soin plus fin apporté à la notation musicale que dans le Journal de Paris.

Ill. 7 – Début de la romance de Jean-Jacques Rousseau « Au pied d’un saule assise tous les jours », Journal de Paris, no 208, 27 juillet 1778, p. 831. Source gallica.bnf.fr / BnF.

La dernière contrainte est une conséquence de la précédente : la technique des caractères mobiles n’est pas bien adaptée pour l’impression de partitions comportant plusieurs portées superposées. Si une partition se lit horizontalement de gauche à droite, elle peut se lire également verticalement : cela suppose de respecter certaines règles portant sur la proportion des valeurs (croche, noire, blanche, etc.) ou sur l’encombrement de certaines formules (gruppetto, port de voix, motif en valeurs courtes, accord chargé, etc.) Ces règles de bonne lecture du langage de la partition, objet graphique complexe, induisent nécessairement une mise en page convoquant continuellement l’espace blanche – au féminin, dans le sens typographique du terme. C’est pourquoi cette technique est très adaptée depuis la Renaissance pour l’impression de parties séparées qui était alors disposées pour chanter la polyphonie à livre ouvert – les parties vocales étaient réparties sur une double page en vis-à-vis –, mais également pour la musique monodique : la question de la superposition ne se pose pas et les mesures de silence sont compressées en une pause multi-mesures (les fameuses mesures à compter). Les imprimeurs audacieux parvenaient plus rarement à produire des partitions à deux, trois ou quatre voix superposées. Malgré ces essais parfois réussis, la typographie musicale devient vite inadaptée pour produire, et surtout pour reproduire, les partitions d’opéras-comiques et les parties séparées de symphonies classiques que s’arrachent les théâtres et les sociétés de concert à travers l’Europe. Cette contrainte liée au départ au choix de la technique peut expliquer pourquoi le Journal de Paris fait la promotion de pièces vocales avec accompagnement d’orchestre, en n’imprimant la plupart du temps que la seule partie de chant (cinquante-cinq cas sur soixante et onze, soit 77 %). Naturellement, la vocation d’un journal généraliste comme le Journal de Paris n’est pas de publier des partitions, et de fait, la typographie est largement suffisante pour atteindre l’objectif envisagé par les rédacteurs, nous le verrons plus loin. Ceci étant dit, de par leur format, les romances sont de ce point de vue un terrain d’expérimentation et beaucoup d’entre elles sont imprimées avec accompagnement de basse seule, ou avec accompagnement de clavier ou de harpe, comme cette belle romance de Jean-Jacques Rousseau publiée quelques jours après sa mort (ill. 7). Dix ans plus tard, le Journal de Normandie excelle dans cet art de la superposition des caractères mobiles. La réduction de l’air composé par Solié pour Les Arts et l’Amitié (ill. 8) est une très belle réussite associant à l’air noté les parties de premier violon et de basse.

Ill. 8 – Début de l’air « De mon bonheur, si vous voulez je vous dirai la cause », air composé par Jean-Pierre Solié pour Les Arts et l’Amitié, comédie en un acte (Favart, 5 août 1788), Journal de Normandie, no 97, 3 décembre 1788, p. 399.

Le catalogue des partitions publiées

De notre dépouillement du Journal de Paris réalisé pour la période située entre 1777 et 179244, il ressort soixante treize pièces musicales imprimées entre 1777 et 1786 (ill. 9), ce qui représente une moyenne d’un peu plus de sept pièces par an. C’est peu et beaucoup à la fois pour un quotidien généraliste qui ne peut donc pas rivaliser avec les périodiques spécialisés et qui doit faire des choix par rapport à son lectorat.

Ill. 9 – Nombre de partitions imprimées dans le Journal de Paris entre 1777 et 1792.

La moyenne de sept pièces par an n’est en fait pas du tout représentative de cette vogue éditoriale qui marque l’histoire de ce journal pendant une décennie, puisque 58 % des pièces publiées le sont pendant les deux premières années d’activité (quarante-deux pièces entre 1777 et 1778). Concentrée sur les deux premières années d’activité du Journal de Paris, cette vogue répercute plus la volonté des rédacteurs de proposer un choix varié de rubriques et de lectures à un large public, plutôt que de prendre parti dans les premiers débats de la querelle des gluckistes et des piccinnistes.

Ill. 10 – Répartition des partitions par catégorie (Journal de Paris, 1777-1786).

De l’analyse de cet échantillon (ill. 10), il apparaît trois catégories de partitions, dont deux sont majoritaires : l’opéra représente 58 % du corpus avec quarante-deux partitions et les romances 37 %, avec vingt-sept partitions. La troisième catégorie sous-représentée (4 % avec quatre partitions seulement) est celle des illustrations musicales appuyant une démonstration théorique développée dans la feuille du jour.

S

Ill. 11 – Nombre de partitions par catégorie entre 1777 et 1786 (Journal de Paris).

On remarque par ailleurs une présence plus ou moins régulière dans le temps des deux premières catégories (ill. 11), même si l’opéra l’emporte toujours un peu plus sur les romances, à l’exception de l’année 1778 où sont publiées dix-sept romances contre douze extraits d’opéra : 63 % des romances identifiées sont donc imprimées en 1778, c’est-à-dire au point culminant de la querelle. Ce constat souligne une certaine indépendance entre d’un côté l’actualité de la querelle des gluckistes et des piccinnistes, et de l’autre, le catalogue des partitions imprimées dans le Journal de Paris. Pour ce qui est du Journal de Normandie, le catalogue est moins étoffé avec seulement seize partitions, dont six extraits d’opéra, neuf romances et une illustration musicale à caractère publicitaire45.

L’opéra

Le genre lyrique est dominant dans le catalogue des partitions imprimées dans le Journal de Paris (58 % du corpus). Il convient de se rapprocher un peu plus de cet échantillon pour en cerner les composantes, par exemple en cherchant l’origine du répertoire mis à l’honneur (ill. 12).

Ill. 12 – Origine des extraits d’opéra par institution (Journal de Paris, 1777-1786). ARM = Académie royale de musique ; OC = Opéra-Comique

Sans trop de surprise, on constate que les airs imprimés proviennent d’œuvres appartenant au répertoire des deux principales institutions parisiennes, l’Académie royale de musique et l’Opéra-Comique, qui se partagent véritablement l’affiche : vingt-cinq pièces pour l’Académie royale de musique (60 %) et dix-sept pour l’Opéra-Comique (40 %). Aucun autre spectacle musical parisien ne semble donc inspirer l’impression de partitions nouvelles : oublions les pièces instrumentales ou vocales tirées du répertoire du Concert spirituel – avec pourtant vingt-cinq concerts par an dont la promotion est faite dans le Journal de Paris –, voire du Concert des amateurs dont le Journal de Paris relaie l’actualité entre 1777 et 1778 ; oublions également les vaudevilles et la musique de scène qui accompagnent notamment le répertoire de la Comédie-Française.

Ill. 13 – Répartition des extraits d’opéra par institution entre 1777 et 1786. ARM = Académie royale de musique ; OC = Opéra-Comique.

Sur un échantillon aussi petit, la répartition dans le temps (ill. 13) montre une certaine régularité : l’opéra-comique l’emporte en 1777 (cinq pièces contre trois opéras), en 1780 (quatre pièces contre deux opéras) et en 1781 (deux pièces contre un opéra), mais l’échantillon exprime un goût plus prononcé pour le répertoire de l’Académie royale de musique, notamment en 1778 (huit pièces imprimées).

Les romances

Que ce soit dans le Journal de Paris ou dans le Journal de Normandie, la romance – que l’on nomme dans les sources air, couplets, chanson, ou tout simplement romance – est au cœur de cette pratique éditoriale marginale : elle représente 38 % des partitions publiées dans le Journal de Paris entre 1777 et 1786 (vingt-sept pièces) et 56 % dans le Journal de Normandie (neuf pièces). Faut-il rappeler qu’à cette époque la romance est un genre musical très en vogue, qui envahit en recueils les catalogues des éditeurs parisiens, ou qui s’invite dans la plupart des opéras-comiques mais également dans les pièces de concert en remplacement des seconds mouvements lents des concertos chez un Viotti par exemple ? Elle correspond en tout point au projet esthétique porté par les encyclopédistes, et en particulier, par Jean-Jacques Rousseau. Ce n’est donc pas un hasard de trouver quatre romances de cet auteur dans la feuille parisienne en 1777 et en 1778, romances qui rejoindront en 1781 le célèbre recueil des Consolations des misères de ma vie46 dont un des souscripteurs n’est autre que l’un des fondateurs et rédacteurs du journal, Corancez47 : « Celui plus je ne suis j’ai jadis été48 », « Je l’ai planté, je l’ai vu naître49 », « Au pied d’un saule50 » et « Au fond d’une sombre [sic] vallée51 ». Les deux dernières romances sont insérées immédiatement après la mort de Rousseau le 2 juillet 1778 : « Au pied d’un saule » est publiée le 27 juillet et introduite par une petite notice explicative – cas unique – dans laquelle il est précisé que « la Romance que nous publions aujourd’hui est un des derniers Ouvrages de J. J. Rousseau52 ».

À l’exception de quelques autres compositeurs connus comme Méreaux, Piccinni ou Toméoni, voire de quelques musiciens moins célèbres comme les violonistes Bartelemont ou Pouteau, les clavecinistes Antoine Légat de Furcy ou Camille Montèze, la plupart des romances font émerger tout un monde d’auteurs et d’amateurs méconnus ou anonymes53 : en effet, qui se souvient de tous ces Chélibbi, Couarde, Gramaignac, Gresset, Jeller, La Croix, Liffard, et ces autres L.V., V…r de S.t E., V*** ou Comte de W… qui ont préféré conserver l’anonymat, sans parler de ces romances dépourvues de mention d’autorité comme cet air composé sur des paroles de Beaumarchais54 ? C’est également le cas à Rouen : trois romances de Vitcoq, élève de Charles Broche qui est par ailleurs le maître de musique de Boieldieu ; deux romances de Mauduit, compositeur et professeur de clavier à Rouen ; deux autres d’un certain M. R*** qui conserve l’anonymat ; une romance sans auteur ou des « couplets de table, par un amateur55 ». Le Journal de Normandie défend d’ailleurs cette ligne éditoriale en précisant à la première impression de musique que « nous nous ferons un plaisir d’imprimer les airs que les Amateurs pourroient avoir composés, n’ayant rien plus à cœur que de donner au Public des marques de notre vive reconnoissance56 ». La présence aussi importante des romances dans les deux périodiques trahit les attentes, ou du moins les goûts, de ses souscripteurs : sans aller chercher de grands auteurs, à quelques exceptions près à Paris, les journaux offrent un espace de publication et de promotion pour des auteurs de second rang, des amateurs anonymes et parfois des éditeurs passant une annonce commerciale illustrée de musique comme le montre l’exemple suivant. D’après le titre de départ de la partition57, on sait que l’air sur des paroles de Beaumarchais, « Que cet asile tranquille nourrit mes douleurs », est tiré du troisième Nouveau recueil de romances, de chansons et de vaudevilles ; les éditeurs du recueil ne sont pas précisés, car cette partition est un objet publicitaire venant en appui de l’annonce insérée à la page précédente où l’on apprend que « le quatrième numéro du Nouveau Recueil de Romances, de Chansons & de Vaudevilles, avec accompagnement de Harpe, de Clavecin & de Guitarre, paroît actuellement » et que l’« on souscrit à Paris, chez Ruault, Libraire, rue de la Harpe, & chez Benaut, M.e De Clavecin, rue Dauphine près le Pont Neuf58 ». On offre donc une partition tirée de l’ancien numéro pour faire la publicité du nouveau. Un autre exemple intéressant est cette publicité insérée dans le Journal de Normandie pour l’« Almanach des Graces [ou] Étrennes érotiques chantantes » qui « ont le mérite de n’offrir rien de contraire au bon ton & aux bonnes mœurs », et duquel sont tirés ces « couplets de M. de Voltaire à madame du B***, qui lui avoit envoyé deux baisers & son portrait59 », mis en musique par Ducray-Duminil. Comme les gravures offertes en supplément, les romances parviennent donc à la rédaction des journaux au gré des envois et sont imprimées sans aucune logique éditoriale.

Des curiosités aux illustrations théoriques

Le Journal de Paris est une tribune importante pour les détracteurs de la querelle des gluckistes et des piccinnistes, qui débattent pendant de longs mois sur les questions de goûts. Cas unique dans l’histoire du journal, l’occasion est offerte à un abonné de glisser en annexe de sa démonstration une illustration musicale. C’est ainsi qu’un certain Bemetzrieder adresse une lettre aux auteurs du journal, en réponse et en réaction à la lettre de Laborde, dans laquelle, quand il s’agit de musique, il est question de savoir choisir son camp : « Lulliste, Ramiste, Gluckiste, Picciniste ou Bouffonicus60 ? » L’auteur « a souvent cherché à se tirer d’affaire [en parlant des querelles] en disant [qu’il est] comme on voudra Toutiste ou Rieniste » mais qu’il est « dans ce moment Lulliste61 ». Pour preuve de ce qu’il avance, il joint à son article une basse chiffrée en mineur, « chaîne de consonances » accompagnée dans l’article d’une notice explicative62, basse chiffrée qui est suivie d’une réalisation de « notes réglées & mesurées qui suivent la basse chiffrée, [et qui] représentent la même chaîne de consonances animées & ornées un peu avec des blanches, des noires & des croches63 ». En proposant cette page de musique, l’auteur souhaite « avec une Musique simple, avec des Consonnances [sic] pures, avec des Accords parfaits, solliciter l’indulgence [des] Lecteurs [qu’il a] pu ennuyer avec [s]a lettre & avec [s]a réplique64 », pour terminer sur cette prière : « Viens à mon secours ô antique & digne Lulli, & divin Quinault, inspire mes Lecteurs ; indulgence, indulgence, voilà ma prière. » L’auteur invite même Laborde – qu’il soupçonne de ne pas connaître la musique – à écrire « le tout en Partition », en l’embellissant d’une mélodie touchante et d’un accompagnement d’instruments « qui connoissent le chemin du cœur65 ».

D’une querelle à l’autre, du théâtre au concert, l’illustration musicale s’invite au cœur des débats, comme ultime recours à la démonstration pratique de visions théoriques ou philosophiques, comme ultime moyen de prouver ou de mesurer ses compétences en matière de musique. C’est à cette fin que le Padre Vito, compositeur portugais en séjour à Paris, invité par le directeur du Concert Spirituel à produire un Stabat Mater quelques mois auparavant, publie son Quatuor dans la feuille du 18 juillet 1781 « pour qu’on ne puisse pas douter de ses connaissances & de ses talens en musique66 » (ill. 14).

Ill. 14 – Quatuor de Vito,  Journal de Paris, no 199, 18 juillet 1781, p. 804. Source gallica.bnf.fr / BnF.

Le 1er août, le Journal de Paris publie la lettre de Gossec datée du 18 juillet 1781 et transmise par son élève Gersin67 le 22 juillet. Cet « Amateur très décidé » a aisément relevé les irrégularités répandues dans le Quatuor de Vito, « mais ne voulant pas prononcer hautement d’après [s]es propres lumières, [il a] consulté Gossec à ce sujet68 » qui lui envoie donc ses observations sur ledit quatuor. Gersin joint également « les quatre exercices [que Gossec] m’a faits sur la basse du P. Vito, afin que l’on puisse juger de ce que peut un François, lors même qu’il ne travaille que pour son Écolier69 ». Gossec répond à son élève en reconnaissant les talents de cet habile compositeur pour lequel il a d’ailleurs éprouvé quelques sensations agréables à l’audition de « plusieurs morceaux sublimes de son Stabat70 ». Il analyse ensuite le quatuor, pièce courte composée en dix minutes et chantée le 16 juillet 1781 chez l’abbé Roussier lors d’un « assaut de composition » proposé par le compositeur portugais afin de contredire les détracteurs doutant encore de ses connaissances musicales71. Les Mémoires secrets relatent la publication de ces lettres en indiquant que Gossec, « en faisant profession d’estime pour les talents du religieux Portugais, […] pulvérise son quatuor, & substitue quatre manières différentes d’en tirer parti72 ». En effet, après avoir énoncé et rappelé les bonnes règles de la composition à son élève, Gossec souligne les passages qui dérogent aux principes des grands maîtres : la voix de haute-contre plus haute que la voix de dessus, octaves parallèles, modulation « déchirante » de mineur à fa mineur, simple remplissage harmonique qui suit dans les trois parties la dureté d’un mouvement descendant sans aucun mouvement contraire. Autant d’erreurs corrigées par Gossec dans un exemple musical joint en fin de numéro (ill. 15), à défaut pour le journal de pouvoir imprimer ses quatre manières différentes de tirer parti de la basse donnée. Une note des rédacteurs indique d’ailleurs à ce propos que « le défaut d’espace ne nous ayant pas permis de publier les exemples de M. Gossec, on les trouvera gravés chez M. Sieber, hôtel d’Aligre, rue St. Honoré, & aux adresses ordinaires de musique, ainsi qu’une fugue à trois dessins & un air de chant faits sur la même basse73 ».

Ill. 15 – Quatuor de Vito avec les corrections de Gossec, Journal de Paris, no 199, 1er août 1781, p. 860. Source gallica.bnf.fr / BnF.

L’affaire ne s’arrête pas là, puisque le Padre Vito exerce une sorte de droit de réponse, estimant que « la lettre de M. Gossec […] [l’]attaque publiquement74 ». Dans le numéro du 10 août, Vito entreprend donc de critiquer les corrections de son adversaire en soulignant les fautes que ce dernier commet en le corrigeant ! Il s’agit notamment d’octaves parallèles entre la basse et le dessus (mes. 6) et de quintes parallèles entre le ténor et le dessus (mes. 3), ainsi que de tout un ensemble de détails très techniques qui font dire aux Mémoires secrets qu’« il n’est que des gens très-exercés dans la composition qui puissent juger de cette querelle, fort ennuyeuse pour tous les autres75 ». Vito joint à sa défense le « motif qu[’il a] donné à [s]on adversaire le 18, & que M. Gossec soupçonne être embarrassant & détourné, [il] le transcri[t] ici pour qu’il puisse en juger76 ». Le motif en question (ill. 16) est inséré à la fin du numéro entre la rubrique des « enterremens » et le bandeau des abonnements : il s’agit de la partition musicale la plus courte !

Ill. 16 – Motif de Vito,  Journal de Paris, no 222, 10 août 1781, p. 896. Source gallica.bnf.fr / BnF.

Les Mémoires secrets rapportent le 23 septembre que « Gossec a encore répliqué au père Vito, & a fait une espèce de traité de musique à cette occasion77 », ce qui semble mettre un terme à cette querelle opposant compositeurs français et étrangers.

Des extraits d’opéra au calendrier des spectacles

Penchons-nous enfin sur la question des répertoires pour constater que les quarante-deux extraits d’opéra publiés dans le Journal de Paris correspondent à trente-et-un titres d’œuvres et à quatorze compositeurs, avec donc parfois plusieurs extraits pour un titre ou pour un auteur78. Le compositeur profitant le plus de cette vogue éditoriale, que ce soit en nombre d’extraits ou en nombre de titres, est Grétry, constat qui tend encore à relativiser le développement de cette pratique sous l’influence de la querelle des gluckistes et des piccinnistes.

Palmarès lyrique

Dans le détail, en nombre d’extraits par auteur (ill. 17), Grétry plafonne avec neuf extraits (21 %). En mettant de côté les Dezède père et fille (quatre extraits), viennent ensuite trois auteurs très impliqués dans la querelle : Piccinni (cinq), Gluck (quatre) et Sacchini (quatre). Le reste du palmarès est composé d’auteurs très à la mode à cette époque comme Monsigny, Gossec ou Paisiello. En nombre de titres d’œuvres par auteur (ill. 18), après les huit titres de Grétry (25 %), viennent ceux des Dezède père et fille (quatre extraits) et de Gluck (trois). Ces trois seuls auteurs représentent près de la moitié du corpus. S’il n’est pas surprenant de trouver dans ce palmarès quelques-uns des auteurs incontournables à cette époque (Grétry, Gluck ou Piccinni), la présence des Dezède interroge : après les succès obtenus par Nicolas Dezède avec Julie (1772), L’Erreur d’un moment (1773) et Les Trois Fermiers (1777), et en attendant le succès retentissant de Blaise et Babet (1783), le Journal de Paris donne à lire la musique d’un auteur à la mode, mais une musique qui tombe rapidement dans l’oubli (trois représentations pour Zulima et quatorze pour Péronne sauvée). Certes le journal sera plus heureux dans ses choix avec Lucette et Lucas de Florine Dezède (1781), œuvre qui reste au répertoire jusqu’en 1792, et naturellement, Blaise et Babet, le plus grand succès de Nicolas Dezède toujours à l’affiche à l’Opéra-Comique en 1827.

Ill. 17 et 18 – Répartition des partitions lyriques par compositeur.  Par nombre d’extraits (à gauche) et par nombre d’œuvres (à droite).  D’après Journal de Paris, 1777-1786.

Reprenons la synthèse proposée dans l’annexe III. D’un point de vue purement statistique, on remarque tout d’abord que le nombre d’extraits imprimés par titre d’œuvre se limite dans la plupart des cas (78 %) à un seul extrait, voire à deux extraits dans cinq cas seulement (16 %). Deux exceptions semblent donner matière à la querelle des gluckistes et des piccinnistes, puisque sont imprimés trois extraits de l’Olympiade de Sacchini et quatre de Roland de Piccinni. D’un point de vue des genres, dix-neuf titres d’œuvres proviennent du répertoire de l’Académie royale de musique (61 %) et douze de l’Opéra-Comique (39 %). Les proportions – environ deux tiers et un tiers – sont exactement les mêmes que pour le nombre d’extraits et soulignent un goût plus prononcé pour le répertoire de l’Académie royale de musique, dans une logique reflétant partiellement le calendrier des nouveautés dans l’une ou l’autre des institutions.

Instantanés de représentation

La lecture du calendrier des nouveautés de l’Académie royale de musique et de l’Opéra-Comique79 fait apparaître une pratique éditoriale puisant exclusivement ses sujets dans l’actualité musicale et théâtrale. La rédaction du Journal de Paris cherche à coller à l’actualité culturelle et à restituer au public, immédiatement après la création, un air qui a plu. L’extrait imprimé apparaît alors, non pas comme un produit dérivé qui viendrait confirmer un succès public après la première édition de l’œuvre, mais comme une exclusivité qui offrirait aux abonnés du Journal de Paris un instantané de représentation immédiatement après la création d’une œuvre qui n’a pas encore circulé en partition. Plus que donner à lire et à chanter, c’est l’idée de faire revivre et de partager en petit comité une émotion éprouvée la veille ou l’avant-veille au spectacle. L’extrait d’opéra s’inscrit donc pleinement dans la ligne éditoriale du Journal de Paris, qui cherche à plaire à son lectorat sur des arguments que sont l’exclusivité à la nouveauté et l’accès immédiat à la mode surgissante. Notons cependant que le Journal de Paris ne parvient pas à suivre et à relayer toutes les nouveautés produites dans les deux institutions, ce qui pose la question – sans réponse – des choix et des contraintes qui définissent la politique du journal.

Observons de plus près les deux calendriers et tentons d’en tirer quelques conclusions. Le premier extrait est imprimé le 29 septembre 1777, soit près de neuf mois après l’inauguration du journal. Le projet d’imprimer de la musique a-t-il été retardé pour des raisons inexpliquées ou s’est-il matérialisé après le lancement du journal ? Si nous n’en savons rien, nous avons la certitude que le premier extrait est tiré de l’Armide de Gluck du répertoire de l’Académie royale de musique, et qu’il est suivi de trois extraits de l’Olympiade de Sacchini, répertoire de l’Opéra-Comique. Ces deux essais marquent le début d’une série discontinue de publications dans le Journal de Paris, dont il convient d’analyser la composition. Premier constat à l’Académie royale de musique, les ballets et la plupart des opéras en italien – à l’exception de deux titres, La Finte Gemelle de Piccinni et Le Due contesse de Paisiello – sont laissés de côté : on semble donc privilégier l’opéra en langue française. Cette préférence linguistique est alimentée par ailleurs par le répertoire de l’Hôtel de Bourgogne qui accueille la troupe issue de la fusion en 1762 de l’Opéra-Comique de la Foire et de la Comédie-Italienne, avant l’inauguration de la salle Favart en 1783, et dont le répertoire italien est en déclin à cette époque.

Second constat à l’Académie royale de musique, la plupart des œuvres de Piccinni sont laissées de côté – elles sont au nombre de douze – alors que toutes celles de Gluck font l’objet d’au moins une publication ; on pourrait conclure sur l’appartenance du Journal de Paris au clan des gluckistes, conclusion contrebalancée ou balayée par les quatre extraits de Roland de Piccinni publiés dans le Journal de Paris – l’opéra le plus représenté en nombre d’extraits –, mais également et indirectement par les deux extraits en italien de Piccinni et Paisiello, et les trois extraits de l’Olympiade de Sacchini donné à l’Opéra-Comique. C’est également la conclusion de Nicole Brondel qui écrit que « la longue et violente polémique des gluckistes contre les piccinistes [sic], qui remplit les colonnes du J.P. de 1777 à 1779, lança le journal dans le monde des salons » et que « sous divers pseudonymes, […] Suard, Arnaud et certainement Corancez au nom des rédacteurs, défendirent Gluck » ; mais elle le reconnaît, « il est vrai que, de temps à autre, le journal insère des airs notés de Piccini [sic] et pas seulement de Gluck80 ».

Troisième constat, le choix des extraits semble moins correspondre aux goûts particuliers des rédacteurs, ou du moins de la personne chargée de cette rubrique, qu’aux réactions sur le vif du public81 : à quelques exceptions près à l’Académie royale de musique – Érixène (3 représentations), La Fête de village (4), Rosine (6) et les deux titres italien –, les œuvres retenues connaissent soit un succès d’estime – Péronne sauvée (14), L’Embarras des richesses (15) et Andromaque (25) –, soit un large succès public – Écho et narcisse (27), Myrtil et Lycoris (42) et Les Danaïdes (49) –, voire un très large succès pour les dernières – Le Seigneur bienfaisant (79), Roland (83), Colinette à la Cour (128), Panurge (143), Renaud (155), Iphigénie en Tauride (263) et Armide (354). Même constat à l’Opéra-Comique, si l’on met de côté les quelques œuvres malheureuses – Zulima (3 représentations), Florine et Rosanie (moins d’une année d’exploitation) –, les œuvres se répartissent entre succès d’estime – l’Olympiade (au moins 3 années d’exploitation) et Blanche et Vermeille (5 années) – et large voire très large succès public – Lucette et Lucas (11 années d’exploitation), Aucassin et Nicolette (36), Blaise et Babet (44), Le Jugement de Midas (47), Félix (48), L’Amant jaloux (73), Richard Cœur-de-Lion (au moins 89). La rédaction semble donc privilégier, et anticiper, des œuvres qui connaîtront le succès, même si, à côté de nombreux absents justifiés par un accueil relatif, entre échec et succès d’estime, d’autres œuvres majeures du répertoire manquent à l’appel et surprennent par leur absence. Cela concerne plusieurs opéras impliqués dans la querelle comme Atys (59 représentations jusqu’en 1792) et Didon (208 représentations jusqu’en 1826), deux titres importants de Piccinni, ou encore la Chimène de Sacchini (51 représentations jusqu’en 1793), le Dardanus de Salieri (35 représentations jusqu’en 1802), ou, indépendamment de cette querelle, la Caravane du Caire de Grétry (273 représentations jusqu’en 1829). Du répertoire de l’Opéra-Comique, le Journal de Paris ne fait pas mention des œuvres tombées en moins de dix représentations82, mais passe également à côté de succès importants du genre, se maintenant pour certains jusqu’à la Révolution ou l’Empire83, devenant les fleurons du répertoire de cette institution pour les autres : Les Événements imprévus de Grétry (représenté jusqu’en 1823), Les Deux Tuteurs de Dalayrac (1823), La Dot de Dalayrac (1828), La Mélomanie de Champein(1829), et surtout la Nina de Dalayrac (1852) et L’Épreuve villageoise de Grétry (1888). La réactivité du Journal de Paris au succès public oriente vraisemblablement les choix des pièces à imprimer, même si l’irrégularité de la pratique et les nombreux succès oubliés pourraient mettre l’accent sur quelques contraintes extérieures motivant ces choix musicaux : qu’en est-il des goûts personnels des rédacteurs et de leur présence les soirs de représentations ? qu’en est-il de la concurrence des autres rubriques ? Malgré les questions que pose un tel corpus, finalement, il semblerait que ces choix soient bien guidés par le seul jugement de la réaction du public : seraient alors retenues les œuvres connaissant un succès immédiat, dont celles tombant rapidement après quelques représentations, mais seraient mises de côté celles dont le succès se confirmerait après quelques représentations.

Quatrième constat pour finir, les extraits sont généralement insérés assez tôt dans le Journal de Paris, entre deux et huit jours après la création (60 % des extraits)84. Les trois-quarts d’entre eux (77 %) sont publiés avant la sixième représentation, et on peut constater effectivement qu’une majorité est publiée entre les première et deuxième représentations, ou entre les deuxième et troisième représentations – ces deux seuls cas représentent près de la moitié du corpus. Sur l’ensemble de celui-ci, le délai moyen de publication d’un extrait – entre la première représentation et la publication dans le Journal de Paris – est de treize jours après la création, ce qui anticipe très avantageusement la date de parution de la première partition gravée pour chacune des œuvres du corpus, dont le délai moyen se situe autour de dix mois après la création, d’après le relevé établi à partir des annonces publiées dans la presse85. Cette réactivité est en partie exprimée dans le compte rendu de la représentation inaugurale d’Iphigénie en Tauride le 18 mai 1779 : « les bornes de notre Feuille ne nous permettent pas d’en donner l’extrait & de citer les morceaux qui nous paroissent devoir lui assurer les suffrages du Public86 ». Les lecteurs devront attendre les 26 et 31 mai pour collectionner deux « images » prises à la volée lors des premières représentations (« Unis dès la plus tendre enfance » et « D’une image hélas trop chérie ») qui ne sont pas sans raviver le souvenir de leurs interprètes, Joseph Legros et Mlle Levasseur. Dernier chef-d’œuvre de Gluck à Paris – avant l’échec d’Écho et Narcisse –, Iphigénie en Tauride est très attendue dans les rayons des libraires ; tandis que le Journal de Paris fait patienter le public en insérant deux extraits, le même journal fait paraître cette annonce le 27 mai :

La Gravure […] est achevée, & cette Partition paroîtra sous très-peu de jours. […] Comme la lenteur de l’impression ne permet pas pour les ouvrages considérables de satisfaire aussi promptement qu’on le desireroit l’empressement du Public, les Amateurs qui seroient jaloux d’avoir cette Partition des premiers, sont priés de se faire inscrire au Bureau du Journal de Musique. Il suffira pour cela de donner son nom & son adresse sans rien payer d’avance. Les Partitions seront envoyées par ordre de date à mesure qu’elles sortiront de dessous presse, & moyennant cette précaution on sera assuré de les avoir plusieurs jours avant que la vente soit ouverte pour le Public87.

C’est en entretenant cette attente et en répondant spontanément à la mode que le Journal de Paris tire en quelque sorte son épingle du jeu en se distinguant de la concurrence. Autre exemple qui montre la rapidité avec laquelle le Journal de Paris relaie l’actualité culturelle, celui des couplets « Le don de plaire et de séduire » adressé à « M. B… élève de M. D… pour la Comédie Françoise », imprimés le 29 novembre 1782 et adaptés sur ceux de la Bergère « Sur la rose fraîche et vermeille » de L’Embarras des richesses (acte I, sc. 3) chantés pour la première fois à l’Académie royale de musique… la veille !

Conséquence de cet empressement, le Journal de Paris livre aux lecteurs quelques airs qui seront supprimés par la suite ! Dans la partition de Richard Cœur-de-Lion, gravée près d’un an et demi après la première représentation, à côté de la mention « 3.e couplet » de l’air d’Antonio « La danse n’est pas ce que j’aime » (acte I, sc. 1), un astérisque renvoie à une note qui précise que « le 1.er et 2.e Couplet [sic] ont paru suffire à la représentation88 » ; pourtant, dans l’extrait imprimé par le journal quatre jours après la première, la présence du troisième couplet suggère que sa suppression n’est pas encore à l’ordre du jour. Autre exemple, le duo d’Angélique et Médor « Allons dans une paix profonde jouir du succès de nos vœux » dans Roland (acte II, sc. 11) a été coupé dans la partition gravée89, si l’on en croit le livret imprimé à Toulouse chez Dalles et Vitrac en 178890 dans lequel ce duo est bien intégré entre le récitatif « Venez, Médor, venez dans un temple rustique » et le chœur « Régnez en dépit de l’envie. » « Photographié » par le Journal de Paris avant la quatorzième représentation, cet « instantané » confirme la présence de ce duo dans les premières semaines d’exploitation, avant sa suppression qui sera confirmée plus tard par la gravure en partition chez La Chevardière. Dernier exemple avec le mystérieux air d’Astérie « Ô sort affreux » chanté par Mlle Colombe dans l’Olympiade, qui disparaît littéralement de la partition gravée quelques mois plus tard sans laisser aucune trace qui permettrait sa localisation dans l’œuvre.

Revenons à notre corpus pour préciser que pour quelques œuvres, les extraits imprimés dans le Journal de Paris n’ont pas été suivis de la gravure de la partition complète : ainsi, Péronne sauvée, Érixène, La Fête de village, Rosine, Rosanie, mais également les deux opéras italiens, sont restés à l’état manuscrit. Seuls quelques produits dérivés ont été diffusés pour certains d’entre eux, constat qui souligne l’importance et la rareté de ces extraits dans le corpus des sources musicales en général, capture parfois rare d’un souvenir de représentation.

Ajoutons deux mots sur les six extraits d’opéras imprimés dans le Journal de Normandie. Tout d’abord, le choix des pièces est animé par la même logique qu’à Paris : il suit le rythme des nouveautés produites sur la scène du théâtre de Rouen, même s’il n’est pas simple de suivre l’actualité théâtrale à cette époque à Rouen, le périodique n’étant pas quotidien. La présence de certaines pièces est confirmée par la publication d’un compte rendu de spectacle : c’est le cas des œuvres du répertoire de l’Opéra-Comique, comme L’Amitié à l’épreuve de Grétry, Isabelle et Rosalvo de Propiac, l’air de Solié des Arts et l’Amitié ou Le Comte d’Albert de Grétry. En revanche, aucun compte rendu ne vient confirmer la programmation de Tarare de Salieri ou d’Œdipe à Colonne de Sacchini, autrement dit, deux œuvres du répertoire de l’Académie royale de musique, même si effectivement la présence de ces extraits pourrait le suggérer.

Notes à la loupe

Au-delà de l’analyse du répertoire, c’est de musique qu’il s’agit, mais de quelle musique au juste ? Pour répondre à cette question, nous proposons de comparer le texte, musical et littéraire, des extraits imprimés dans le Journal de Paris avec celui véhiculé par les partitions complètes, des premières éditions gravées quelques mois plus tard pour certaines aux manuscrits de la création pour d’autres91. Dans le cas des partitions imprimées, la démarche est intéressante : l’extrait inséré dans le journal anticipe généralement la publication de l’édition « officielle » de l’œuvre, qui a évacué les parties superflues ou intégré les corrections dues aux aménagements réalisés lors des premières représentations. Dans le cas des partitions manuscrites, plus rares, la temporalité est différente : l’extrait inséré dans le journal est contemporain de la partition manuscrite ayant servi aux représentations inaugurales.

Commençons par le commencement avec l’air d’Armide « On s’étonnerait moins » dans Armide (acte II, sc. 4). Une fois n’est pas coutume, la publication de la partition imprimée est annoncée le 23 septembre 1777, autrement dit, le jour même de la création – cas unique dans notre corpus. Il n’est donc pas étonnant de constater que l’air imprimé six jours plus tard dans le Journal de Paris propose une reproduction conforme du texte gravé dans la partition. Même constat pour la sérénade de Florival « Tandis que tout sommeille » dans L’Amant jaloux (acte II, sc. 14), imprimé dans le Journal de Paris cinq jours après la création et qui est pourtant la copie conforme de la partition gravée chez Houbaut dix mois plus tard ! Dans les grandes lignes, les partitions imprimées par le Journal de Paris sont donc assez fidèles aux partitions gravées dont on peut penser qu’elles valident en quelque sorte la version retenue par les auteurs. Nous pourrions encore le vérifier avec l’air d’Ariane « Ah j’étois autrefois innocente et tranquille » dans Ariane dans l’Isle de Naxos, l’air de Manon « Ah ! Qu’une fille est à plaindre » dans Félix (acte III, sc. 3) ou l’air d’Armide « Barbare amour, tyran des cœurs » dans Renaud (acte II, sc. 8).

Cette conformité s’appuie principalement sur un calque mélodique et rythmique, bien que plusieurs extraits ne respectent pas tout à fait la coupe du morceau original, dont le journal ne retient que la partie de chant principal. Par exemple, dans l’air de la Bohémienne « On trouve un objet charmant » dans Colinette à la cour (acte II, sc. 9), les virgules chorales ponctuant la conclusion de chaque strophe sont supprimées. Il en est de même pour l’ariette en rondeau d’Argène « Non, mon cœur souffre moins de peines » dans l’Olympiade (acte I, sc. 1), où les chœurs, apportant une amplification des deux reprises du rondeau dans la partition originale, sont supprimés dans le journal. Dépourvue de son accompagnement, la partie chantante devenant alors superposable, la contrainte formelle est exploitée par le Journal de Paris qui choisit de factoriser le rondeau plutôt que de le répéter trois fois… quitte à priver le lecteur mélomane de la petite coda conclusive (cinq dernières mesures chantées dans la partition gravée [38]92). Une factorisation similaire est proposée pour le vaudeville du Seigneur bienfaisant « Laissons les amants leur tendresse » : des trois couplets confiés au Bailli (fa 4), puis un coryphée femme (non noté, mais supposé en clé de sol 2) et à nouveau au Bailli, avec reprise de la fin de chaque couplet par le chœur, le Journal de Paris ne conserve qu’un timbre sans tessiture en clé de sol 2 et supprime la petite reprise chantée par le chœur. Autre cas de compression, qui est un cas unique : de l’hymne « Le dieu de Paphos et de Gnide » dans Écho et Narcisse (acte III, sc. 5) n’a été retenue dans le journal que la seule partie de dessus d’un chœur à quatre voix, et encore, sans les reprises. Dernière liberté prise par les imprimeurs, celle de supprimer systématiquement les mesures vides séparant deux sections vocales durant lesquelles s’expriment les parties instrumentales dans la partition gravée. Il est vrai que le format monodique se prête assez bien à cette pratique de la coupure, critiquable mais pragmatique : on ne cherche pas à coller à l’original – les mesures vides ne sont même pas regroupées sous forme de mesure à compter –, on souhaite seulement mettre en avant un chant particulier en évacuant tous les à-côtés accessoires. Ce n’est pas dénaturer l’air « Cet auteur des maux que j’endure »(Erixène) que supprimer les deux mesures vides terminant la section en fa mineur avant le changement d’armure et de mesure (mes. 42-4493) [17]. Il en va de même pour l’air de Pilade « Unis dès la plus tendre enfance » dans Iphigénie en Tauride (acte II, sc. 1, mes. 17-19) [22], l’air de Monsieur de Versac « Courir les Bois, courir les plaines » dans Félix (acte I, sc. 9, huit mesures coupées à la fin de la première section) ou l’air d’Argène « Dans le bocage » dans l’Olympiade (acte II, sc. 8, six mesures coupées entre mes. 46 et 47).La compression du silence peut également aller jusqu’à la fusion astucieuse de mesures, comme dans l’air « Ah j’étois autrefois innocente et tranquille » dans Ariane dans l’Isle de Naxos (mes. 594) [5] ou dans l’air d’Angélique « C’est l’amour qui prend soin lui-même » dans Roland (acte II, sc. 4, mes. 21-24) [48]. La compression est parfois « forcée » comme dans l’air de Lyncée « Rends-moi ton cœur » dans Les Danaïdes (acte III95, mes. 9) où les deux noires de levée sont diminuées en deux croches [12]. Malgré une possibilité de compression évidente dans le même air (mes. 5-6), le journal opte en revanche pour le maintien du silence et le remplissage par un « guide » en petites notes des parties instrumentales, en l’occurrence la doublure hautbois I, clarinette I et violon I [11]. Enfin, il est utile de préciser que les mesures d’introduction et de conclusion instrumentale des airs sont systématiquement coupées.

Une différence discrète mais répétée sur presque tout le corpus est le choix de la clé pour la notation de la partie de chant. À cette époque, l’usage est encore de placer les voix de femme en clé d’ut 1 (voix de dessus), comme le propose la partition gravée d’Armide : mais ce n’est pas le cas dans le Journal de Paris qui opte pour la clé de sol 2 [4]. Ce choix n’est pas sans rappeler la « notation mixte » très caractéristique de la romance, décloisonnant ainsi la tessiture de l’air d’opéra vers les voix d’homme, d’une lecture en sons réels (à la hauteur notée) à une lecture transposée d’une octave inférieure. Dans leur avertissement, les éditeurs des Consolations des misères de ma vie justifient ce choix pour leur recueil, qui consiste à « transposer sur la clef de sol tous [les airs] qui ont été susceptibles pour la commodité du plus grand nombre des Amateurs96 ». Ce réflexe de transcription sera ensuite généralisé sur la plupart des extraits imprimés dans le Journal de Paris, voix d’homme comprises, qu’elles soient notées en clé d’ut 3 (haute-contre) comme l’air de Daphnis dans Erixène, en clé d’ut 4 (taille) comme la sérénade de Florival dans l’Amant jaloux, l’air du Vicomte dans Aucassin et Nicolette, l’air d’Apollon dans Le Jugement de Midas, l’air et la cavatine de Médor dans Roland ou l’air de Lyncée dans Les Danaïdes, ou en clé de fa 4 (basse-taille) comme l’air du Bailli dans Le Seigneur bienfaisant ou celui de Monsieur de Versac dans Félix, devenant des « airs mixtes » notés en clé de sol 2. Soulignons toutefois quelques rares cas de notation dans la clé d’origine : si l’on met de côté les airs déjà notés en clé de sol 2 – la chanson de Babet dans Blaise et Babet, la romance de Lucette dans Lucette et Lucas, l’air d’Iphigénie dans Iphigénie en Tauride, l’air et l’ariette en rondeau d’Argène dans l’Olympiade, l’air de Manon dans Félix –, on remarque l’air de Pilade dans Iphigénie en Tauride et l’air de Pamélon dans Le Jugement de Midas conservés respectivement en clés d’ut 3 et fa 4.

Parmi les « approximations » qui pourraient pointer une méthode de relevé au spectacle loin de la source ayant servi à l’exécution ou à la gravure, il faut s’arrêter quelques instants sur l’indication de mouvement ou de tempo qui varie souvent entre la version imprimée dans le journal et la version retenue finalement dans la partition : dans « Cet auteur des maux que j’endure » (Erixène), l’Andante amoroso devient un simple Amoroso ; dans « Par une grâce touchante » (Le Jugement de Midas), l’Andante devient Graciozo ; dans « Je vivrai c’est votre envie » (Roland), l’Andantino soutenu devient Cantabile ; dans « Rends-moi ton cœur » (Le Danaïdes), l’Andante con moto devient Andante sostenuto ; dans « Ah j’étois autrefois innocente et tranquille » (Ariane dans l’isle de Naxos), le Larghetto devient Affectueusement, et plus loin, pour la modulation dans le ton homonyme mineur, l’Allegro agitato en C devient Vivement en C barré ! Dans plusieurs cas, l’indication de mouvement est même tout simplement omise : « Laissons les amants leur tendresse » (Le Seigneur bienfaisant) ; « Unis dès la plus tendre enfance » (Iphigénie en Tauride); « Viens tendre amour » (Andromaque) ; « Dans mon jeune âge » (Le Jugement de Midas) ; « Chacun soupire dans ce séjour » (Panurge dans l’isle des lanternes) ; « Ah ! Qu’une fille est à plaindre » (Félix) ; « Non, mon cœur souffre moins de peines » (Olympiade) ; « Barbare amour, tyran des cœurs » (Renaud).

À regarder de plus près les notes et les rythmes, le relevé des différences est plus important qu’il n’y paraît. La question à laquelle il est difficile de répondre est de savoir si celles-ci pointent des erreurs d’impression dans le journal, ou au contraire, si elles témoignent de l’interprétation perçue le soir de la représentation. Première différence, le Journal de Paris corrige quelques erreurs qui seront gravées plus tard dans la partition, comme dans la « chanson » de Babet dans Blaise et Babet (acte I, sc. 5) où un la aigu vient corriger le sol (mes. 42) [10] et où une faute rythmique est corrigée (mes. 12) [8], ou encore dans l’air de Monsieur de Versac « Courir les Bois, courir les plaines » dans Félix (acte I, sc. 9) où le la est corrigé par un sol (mes. 10) [21]. On trouve une autre correction dans l’air du vicomte « Simple et naïve et joliette » dans Aucassin et Nicolette (acte I, sc. 5), dont le texte est incomplet dans la partition (il manque le deuxième « et » de « Simple et naïve et joliette ») [5]. Au contraire, ce sont parfois des fautes mélodiques qui sont introduites dans le Journal de Paris, comme dans le vaudeville du Seigneur bienfaisant « Laissons les amants leur tendresse », où le troisième la est en fait un sol (mes. 9) [51]. Dans l’air d’Argène « Dans le bocage » de l’Olympiade (acte II, sc. 8), le chant glisse momentanément vers la partie de premier violon (mes. 7) [32].

Ce sont également de nombreuses variantes rythmiques imputables plus à l’interprétation d’un soir et relevées pour le journal du lendemain, qu’à des erreurs de rythmes à proprement parler. Ces variantes affectent autant le chant principal que l’ornement. Les ports de voix sont par exemple un des éléments les plus variables du discours mélodique97, qui viennent s’ajouter à des variantes rythmiques. Dans l’air d’Iphigénie « D’une image hélas trop chérie » dans Iphigénie en Tauride (acte III, sc. 1), on peut relever par exemple l’ajout d’un port de voix sur « chers » (mes. 10) [24] et la suppression d’un second sur la première syllabe de « vaine » (mes. 12) [25], en plus d’une petite variante rythmique au début de la mesure 3 (mi bémol- en croches dans le journal qui vient détendre le rythme de croche pointée et double de la partition) [23], semblable à celle que l’on trouve dans l’air de Pamélon « Dans mon jeune âge » dans Le Jugement de Midas (acte I, sc. 4, mes. 26) [31] ou dans d’autres cas similaires98. Ces petites variantes soulignent-elles des différences entre l’interprétation d’origine – par Mlle Levasseur – et la partition composée par Gluck ? Sans réponse, on est tenté de considérer ces fragments publiés dans le Journal de Paris comme de véritables captures de la première interprétation de l’œuvre, si l’on admet toutefois que ces variantes ne sont pas tout simplement des erreurs de notation de la part de l’imprimeur… Cet autre exemple tiré de l’air d’une Épirote « Viens tendre amour » chanté dans la gavotte d’Andromaque (acte I, sc. 6) abonde dans ce sens, car comment interpréter autrement l’appogiature de la mesure 14 sur le mot « feux », amenée par le haut dans le journal (la-sol) et par le bas dans la partition (fa dièse-sol) [1] ? On peut ajouter à ce constat deux irrégularités tirées de l’air d’Apollon « Par une grâce touchante » dans Le Jugement de Midas (acte II, sc. 2), où une noire et un soupir viennent en remplacement d’une blanche (mes. 37) [27] et un triolet de croches suivi d’une croche pointée et d’une double viennent perturber les quatre croches régulières proposées dans la partition gravée (mes. 55) [28]. L’air de Zénire « Chacun soupire dans ce séjour » dans Panurge dans l’isle des lanternes (acte II, sc. 3) présentent également plusieurs différences rythmiques (mes. 3, 4, 15, 22, 24, 25, 28, 29, 30) [39], desquelles se distinguent les variantes mélodiques sur « respire » (mes. 22) [40] et sur « que pour l’amour » (mes. 28-29) [41]. On trouve encore de nombreux petits écarts de ce type dans les différents extraits de Roland, que ce soit dans l’air de Médor chanté par Joseph Legros « Je vivrai c’est votre envie » (acte II, sc. 5) avec des appogiatures en valeur réelle (mes. 12) [42] et inversement (mes. 48-51), ou encore des rythmes pointés (mes. 29 et 31) [43] que l’on trouve dans la cavatine de Médor « Vous servir est ma seule envie » (acte I, sc. 3, mes. 3, 11, 21, 30) [44, 45] ou dans l’air d’Angélique chanté par Mlle Rosalie « C’est l’amour qui prend soin lui-même » (acte II, sc. 4, mes. 20, 25, 40) [47, 49]. Erixène de Désaugiers est un cas très intéressant, car la source manuscrite conservée à la Bibliothèque nationale de France (BMO [A 280) provient du « bureau de la copie de l’Opéra de Paris » et comporte plusieurs annotations à la sanguine attestant son exploitation lors des répétitions et des trois représentations de l’œuvre. L’air de Daphnis en fa mineur est imprimé dans le Journal de Paris le 9 octobre 1780, six jours après la troisième et dernière représentation. L’air noté dans le Journal de Paris est assez fidèle à la partition manuscrite, à quelques détails près cependant, suffisamment nombreux pour confirmer une restitution musicale « relativement » fidèle à l’original : liaisons et ports de voix oubliés ou ajoutés (mes. 29-31, 38-39) [15, 16], ornements ajoutés (mes. 10) [14], vocalises simplifiées (mes. 63) [20], valeurs allongées (mes. 45-46) [18], modulation supprimée (le do dièse mes. 50) [19].

Du point de vue mélodique, les variantes sont rares. Signalons cependant dans l’hymne « Le dieu de Paphos et de Gnide » dans Écho et Narcisse (acte III, sc. 5) la division d’une blanche en deux noires sur les mots « ce Dieu charmant » (mes. 51), le mi blanche devenant si-mi en noires [13]. Cette variante mineure apparaissant plus comme un ornement ajouté par le chanteur pour attaquer le mi, est relevé près de deux années avant la gravure de la partition. Dans l’air « Viens tendre amour » dans Andromaque (acte I, sc. 6), un do bécarre s’invite à la mesure 17 perturbant la gamme mineure ascendante de la partition pour rechercher une couleur mineure harmonique [2] : erreur d’impression ou effet d’interprétation ? Dans l’air du Vicomte « Simple et naïve et joliette » dans Aucassin et Nicolette (acte I, sc. 5), la vocalise sur point d’orgue est réduite de six à cinq notes (mes. 25) [6]. Dans l’air d’Apollon « Par une grâce touchante » dans Le Jugement de Midas (acte II, sc. 2), la mélodie aiguë ajoutée dans la partition est une alternative qui est passée sous silence dans le journal (mes. 58-60), celui-ci préférant la première forme de la mélodie dans le médium qui semble avoir été chantée [29]. La plus belle variante mélodique se trouve dans l’air d’Angélique « C’est l’amour qui prend soin lui-même » dans Roland (acte II, sc. 4) où les mesures 14-18 proposent deux solutions tout à fait différentes [46], révélant discrètement les talents des chanteurs de cette époque à suivre d’autres voies en chantant à côté du chant imposé par la partition, ce que montre dans une moindre mesure l’exemple de l’air d’Argène « Dans le bocage » dans l’Olympiade (acte II, sc. 8, mes. 85) [34].

Les variantes sur les paroles indiquent que les textes ont également subi des modifications, voire des suppressions. Ainsi, dans « C’est en vain que je me rappelle » de Lucette et Lucas (sc. 9), le premier vers du deuxième couplet « En tremblant, & sans assurance » diffère complètement de celui qui sera retenu par la partition « Loin d’éviter ma présence » ; c’est après la cinquième représentation le 19 novembre 1781 que l’on chante ce vers, quelques semaines avant l’annonce de la parution de la partition gravée chez Deslauriers le 11 décembre. Dans Erixène, les variantes du livret soulignent soit une interprétation approximative du texte original, soit une difficulté d’écoute qui aurait pu altérer le relevé :

Il en va de même avec le troisième couplet du vaudeville du Seigneur bienfaisant « Laissons les amants leur tendresse » :

Ou encore dans l’air d’Apollon « Par une grâce touchante » dans Le Jugement de Midas (acte II, sc. 2) où Cloé est décrite comme « vive et sémillante » dans la partition gravée alors qu’elle était « vive et tremblante » dans le journal (mes. 21-22) [26] !

Cas unique qui donnerait raison à la méthode de restitution de ces extraits, à partir du relevé et non à partir de la recopie d’une source écrite, celui de l’air du Vicomte « Simple et naïve et joliette » dans Aucassin et Nicolette (acte I, sc. 5) dont le dernier vers imprimé dans le Journal de Paris est incomplet (mes. 26-31) : « le joli… le joli… d’amourette » [7]. Il semble que le mot « pêché », manquant à deux reprises, n’ait pas été compris le soir de la représentation, et on aurait préféré ajouter ces points de suspension pour signaler le mot manquant, laissant ainsi au lecteur le soin de les compléter plus tard.

Refermons cette analyse comparée sur un dernier aspect qui vient renforcer notre hypothèse : les transpositions. Dans Richard Cœur-de-Lion, l’air d’Antonio « La danse n’est pas ce que j’aime » (acte I, sc. 1) est écrit en sol majeur ; or, c’est en la majeur (un ton au-dessus) que le Journal de Paris le restitue : erreur ou témoignage de la transposition de cet air confié à Mlle Rosalie qui chante un rôle d’enfant ? La transposition est encore utilisée dans l’air de Zénire « Chacun soupire dans ce séjour » dans Panurge dans l’isle des lanternes (acte II, sc. 3), puisque que c’est en la mineur que le Journal de Paris choisit de transcrire cet air, et non dans la tonalité originale et peu commode de si bémol mineur. Enfin, l’air d’Argène « Dans le bocage » de l’Olympiade (acte II, sc. 8) est également transposé un ton plus bas dans le Journal de Paris : il est noté en si bémol majeur et non en do majeur comme dans la partition gravée. La virtuosité de cet air a pu en effet justifier une transposition lors des premières représentations, en particulier les vocalises aiguës et les tenues en contre-ut (mes. 39-40 et 99) [33, 35].

La situation est un peu différente au Journal de Normandie qui, tout en s’inscrivant dans la démarche du Journal de Paris, publie dans l’ensemble des fragments de représentations données au théâtre de Rouen pour des œuvres qui ont déjà été gravées. Autrement dit, la question de l’exclusivité ne se pose plus, les amateurs pouvant tout à fait acquérir la partition, le livret ou quelques produits dérivés aux adresses ordinaires. Remarquons toutefois que dans ces publications périodiques a posteriori dorment des trésors méconnus, comme cet air d’Amilcar « Oui noir mais pas si diable », accompagné de ses dialogues parlés99, qui figurent parmi les ajouts de la version remaniée en trois actes de L’Amitié à l’épreuve donnée le 30 octobre 1786 à l’Opéra-Comique, quinze ans après la création publique de la version originale en deux actes. Le Journal de Normandie explique que le rôle d’Almicar « plaît sur-tout par son originalité piquante ; & nos Lecteurs nous sauront gré sans doute de mettre sous leurs yeux la musique & les paroles de couplets qui ont fait le plus grand plaisir, avec une partie de la scène charmante où ils se trouvent, & qui a été rendue avec beaucoup d’intelligence100 ». Ce témoignage apporte un éclairage inattendu sur le matériel utilisé à Rouen, puisque le théâtre de Rouen avait acquis celui de la première version en deux actes de 1771101, matériel qui contient en outre des éléments datés en 1786102. Les sources étant insuffisantes pour connaître la réception à Rouen de cette œuvre avant le 25 juillet 1787, date de la création de la version en trois actes, nous pourrions émettre l’hypothèse qu’effectivement le matériel a bien servi pour des représentations antérieures, avant d’avoir été complété par de nouvelles acquisitions en 1786. Cette hypothèse ne résout pas cependant la question des ajouts de la version en trois actes, qui ne sont pas joints au matériel ayant survécu, mais dont un extrait est bien imprimé dans le Journal de Normandie. Autre cas de figure, l’air de Calpigi « Je suis natif de Ferrare » tiré de Tarare (acte III, sc. 4) est publié un peu plus de deux mois après la création parisienne103, bien qu’aucune représentation n’ait encore été donnée à Rouen. La bibliothèque théâtrale a conservé le vestige d’un matériel manuscrit qui consiste en cinq parties de cordes104, ce qui laisse penser, ou bien qu’une partie du matériel a été perdu – notamment la partition d’orchestre qui est manquante –, ou bien que la copie du matériel a été interrompue et le projet de production, abandonné. Toujours est-il que la comparaison de l’extrait imprimé dans le Journal de Normandie avec la partition gravée chez Imbault souligne plusieurs variantes qui affectent autant la mélodie (mes. 6, 12-13), le rythme (mes. 20 et 22) que les paroles (mes. 8 et 10). À la question déjà posée sur l’interprétation de ces différences – erreurs de relevé ou libertés prises par le chanteur ? – s’ajoute celle de la source du témoignage : représentation rouennaise (douteuse) ou tout simplement parisienne ? Au moment de la parution dans le journal, Tarare a déjà été représenté à treize reprises sur la scène de l’Académie royale de musique105 : se peut-il qu’un correspondant rouennais ait pu rapporter pour les presses normandes un souvenir de soirée parisienne ? L’air de l’Athénienne « Vous quittez notre aimable Athènes » d’Œdipe à Colonne (acte I, sc. 3) imprimé près de sept mois après la création parisienne106 confirme le cas de Tarare, car l’œuvre, semble-t-il, n’a pas encore été montée à Rouen – elle ne le sera que le 7 juillet 1792107. Écho d’une représentation parisienne, elle donne à entendre un air assez proche de celui qui est gravé par Imbault, à quelques légères variantes près, qui ne concernent que des rythmes sans conséquence et la compression de silences (mes. 16, 44, 46, 50). L’air « Femme qui chérit la sagesse » tiré d’Isabelle et Rosalvo renvoie en revanche à une représentation rouennaise, puisque la partition est imprimée dans le journal quelques jours après la première au théâtre de Rouen le 17 octobre 1787108. Le matériel rouennais109 rappelle au passage qu’à cette époque le théâtre est encore dirigé par Mlle Montansier, qui a pu favoriser les échanges entre les institutions parisiennes et les théâtres dont elle avait obtenu le privilège quelques années auparavant. Autre exemple tiré du répertoire de l’Opéra-Comique, l’air « De mon bonheur » extrait des Arts et l’Amitié est imprimé quelques jours après la première représentation rouennaise le 26 novembre 1788110. Il s’agit du premier air d’une œuvre qui en compte trois, et le seul composé par Solié, les deux autres étant de Berton et de Martini. La partition imprimée dans le journal confirme sans aucun doute possible que la version de l’air donnée à Rouen est bien celle véhiculée par la partition originale composée par Solié, et non, comme il est précisé dans la partition111, l’alternative sur le thème « Il pleut bergère » exécutée à la Comédie-Italienne pendant les douze premières représentations. Enfin, du répertoire de l’Opéra-Comique, le Journal de Normandie publie la chanson d’Antoine « Quand j’entends un homme sensible » extraite du Comte d’Albert (acte I, sc. 6)112, présentée dans le journal comme le « vaudeville du Comte d’Albert », qui suit de trois jours la première représentation le 25 février 1789113 et qui comporte plusieurs variantes rythmiques dénaturant sensiblement la structure de l’air.

Conclusion

La présence de musique notée dans des périodiques comme le Journal de Paris ou le Journal de Normandie est inattendue. Voilà deux journaux plutôt généralistes dont la ligne éditoriale est inspirée des idées nouvelles et dont les centres d’intérêts ne sont certainement pas la musique. Le lecteur du xxie siècle pourrait être surpris en effet de trouver dans les deux dernières pages d’un journal comme Libération une partition musicale illustrant une récente création lyrique contemporaine ; les journaux de la fin de l’Ancien Régime avaient au contraire conscience de s’adresser à un lectorat cultivé, en capacité de lire la musique moderne et de la chanter « à périodique ouvert ». Ce lectorat, ce sont ces milliers d’amateurs qui courent de salle en salle pour découvrir les nouvelles productions de l’Académie royale de musique ou de l’Opéra-Comique, qui suivent assidument les querelles esthétiques toujours vives sous le règne de Louis XVI, qui pratiquent la musique, chantent la romance et s’abonnent aux feuilles spécialisées. Pour le Journal de Paris, Nicole Brondel a estimé à 2 500 le nombre d’abonnés dès 1777, à 5 000 en 1782 et à 12 000 en 1791, parmi lesquels le public féminin est très bien représenté. Imprimé dans la nuit et distribué tôt le matin, le Journal de Paris diffuse donc des fragments de représentation de la veille auprès de milliers d’abonnés qui fréquentent pour les plus parisiens d’entre eux les spectacles et les salons, et ce, bien avant la parution des partitions gravées et des premières transcriptions. Assurément, le journal cherche à se placer à l’avant-garde de l’édition musicale et contribue ainsi à diffuser très largement les musiques nouvelles auprès des publics, non seulement à Paris mais également dans les départements. Inversement, le Journal de Normandie s’essaie à une sorte de veille des productions parisiennes, et particulièrement de celles de l’Académie royale de musique, en véhiculant à Rouen et en Normandie des extraits d’œuvres encore inédites.

Quant à la manière de produire ces partitions ou des personnes chargées d’alimenter cette rubrique, nous ne savons rien. D’après leur lecture et leur comparaison avec les sources musicales, du moins pour les extraits d’opéra, de nombreuses variantes confirmeraient cependant une pratique du relevé directement dans la salle, les soirs de représentation. En effet, les différences rythmiques et mélodiques, mais surtout les coupures et les transpositions, renforceraient l’idée de captation en concert d’« instantanés », et ce, bien avant la gravure des partitions officielles. Cette pratique de l’instantanéité n’est pas sans entretenir et satisfaire la curiosité des abonnés et du public des théâtres, entre lesquels circulent ces feuilles d’album à collectionner. Le début du prospectus n’annonçait-il pas que « si la scène des événemens varie chaque jour, n’est-ce point satisfaire utilement la curiosité publique que de la reproduire chaque jour à ses yeux ? », pour conclure : « tel est l’objet du Journal de Paris114 ». Par ailleurs, on semble privilégier les airs simples dont le caractère est celui de la romance, des airs que peuvent aisément s’approprier les amateurs ; inversement, on exclut généralement les airs plus virtuoses, voire les airs de bravoure. À titre d’exemple, on préfère l’air d’Antonio « La danse n’est pas ce que j’aime » à l’air de Blondel « Ô Richard, ô mon roi », pourtant l’un des plus beaux succès de Richard Cœur-de-Lion, mais techniquement hors de portée et d’une longueur excessive qui ne correspond pas au format du journal. Ceci étant dit, il arrive au Journal de Paris de publier quelques pièces plus virtuoses comme l’air « Dans le bocage » tiré de l’Olympiade. Mais ce goût des rédacteurs pour la simplicité l’emporte largement si l’on ajoute aux extraits d’opéra les romances, les couplets ou les chansons qui constituent près de 40 % du corpus de partitions. Elles sont imprimées par les journaux dans un respect presque rigoureux du texte, ce que tend à démontrer l’analyse des quatre romances de Rousseau publiées par le Journal de Paris entre 1777 et 1778, plusieurs années avant leur republication dans le recueil posthume de 1781 dans lequel les éditeurs croient utile de préciser que l’

on s’est conformé scrupuleusement à ce qu’on a trouvé dans le Manuscrit par respect pour les intentions de l’Auteur qu’il a consignées dans une Note en ces termes : « Dans toute ma Musique je prie instamment qu’on ne mette aucun remplissage partout où je n’en ai pas mis115 .

Car effectivement, rares sont les variantes entre ces deux sources en ce qui concerne la partie de chant, même si de petits écarts peuvent être relevés dans la romance « Au fond d’une sombre vallée » et si d’autres choix de transcription sans conséquence sont adoptés116. Mais ce qui frappe surtout, ce sont les accompagnements qui ne respectent pas les recommandations de Rousseau reproduites dans l’avertissement : ainsi, dans « Je l’ai planté », la basse à la noire notée par Rousseau est amplifiée en un accompagnement pour piano-forte ou harpe sur deux portées, apportant une dynamique nouvelle en doubles-croches sur une basse quelque peu transformée ; l’arrangement pour harpe est similaire dans « Au fond d’une sombre vallée » et suit un mouvement plus dynamique encore, superposant croches à la basse et doubles-croches à la main droite ; dans« Au pied d’un saule », l’accompagnement suggéré par Rousseau est en revanche assez bien respecté, même si quelques remplissages sont encore ajoutés ici ou là. Cette tendance à l’accompagnement et au remplissage propre à la romance éclaire la volonté des rédacteurs, qui est d’offrir quelques divertissements musicaux en marge des spectacles, dans une actualité plus générale (annonce commerciale, mort de Rousseau, etc.)

L’Hermite de la Forêt de Sennar, alias Condorcet, écrivait en 1777 dans le Journal de Paris que « la musique y tient seule plus de place que toutes les sciences ensemble117 ». Certes le Journal de Paris accorde une place importante aux lettres des gluckistes et des piccinnistes qui entretiennent une « longue et violente polémique118 » entre 1777 et 1779, prolongée en 1781 par le Mélophile, alias Ginguené. Certes les annonces des éditeurs de musique, les annonces et les comptes rendus des spectacles sont légion et d’une certaine manière donnent raison à l’Hermite. Au contraire, l’expérience de la musique notée reste quant à elle tout à fait marginale : un peu plus de soixante-dix partitions imprimées en une dizaine d’années, c’est finalement très peu. Malgré tout, elle inaugure une pratique nouvelle en produisant une actualité sonore reproductible chez soi.

(Université de Rouen Normandie – EA 3831 GRHIS)

Annexes I : Catalogue des partitions publiées dans le Journal de Paris

https://www.dropbox.com/s/nj3jqvxzns6tc6k/ANNEXE%201.pdf?dl=0

Annexe II : Catalogue des partitions publiées dans le Journal de Normandie

https://www.dropbox.com/s/p46xp2b70hazo28/ANNEXE%202.pdf?dl=0

Annexe III : Synthèse du répertoire lyrique concerné par l’impression de musique dans le Journal de Paris

https://www.dropbox.com/s/i9cnh6cyfdfxdus/ANNEXE%203.pdf?dl=0

Annexe IV : Calendrier des nouveautés à l’Académie royale de musique (1777-1786)

https://www.dropbox.com/s/mxdwt9gt2fb1wqb/ANNEXE%204.pdf?dl=0

Annexe V : Calendrier des nouveautés à l’Opéra-Comique (1777-1786)

https://www.dropbox.com/s/kyv32hr3mc9gz0g/ANNEXE%205.pdf?dl=0

Annexe VI : Les captations du Journal de Paris

https://www.dropbox.com/s/gpezgg1r5547h48/ANNEXE%206.pdf?dl=0

Notes

1  Voir Anne Chastel, L’Édition musicale à Paris sous Louis XVI à travers la presse, Paris, Conservatoire de musique, thèse de musicologie, 1969.

2  Voici quelques titres célèbres de la presse musicale spécialisée de la fin de l’Ancien Régime : Journal de musique (1758, 1770-1778), Journal de musique des Deux-Ponts (1773), Journal de clavecin (1762-1771, puis 1782-1791), Journal de pièces de clavecin (1784-1793), Feuilles de Terpsichore (1784-1799), Journal de violon (1784-1789), Journal d’airs pour le cistre (1778), L’Écho, journal de musique (1759), La Feuille chantante (1764-1766), Le Rossignol ou le Journal des chansons (1765-1766), La Muse lyrique (1770-1789), La Muse lyrique italienne (1773), Journal d’ariettes italiennes (1779-1795), Le Courrier lyrique et amusant (1785-1789), Les Délassements de Polymnie (1786-1792), Recueil d’airs nouveaux français et étrangers (1786-1788). Voir les notices correspondantes signées par Robert Granderoute, Hervé Guénot, Denise Koszul, Sylvette Milliot, Caroline Rimbault, Jean Sgard ou Henry Stavan, dans Jean Sgard (dir.), Dictionnaire des journaux. 1600-1789, [en ligne]. http://dictionnaire-journaux.gazettes18e.fr/ (consulté le 12 octobre 2016).

3  Nicole Brondel, « Journal de Paris (1777-1840) », dans Jean Sgard (dir.), Dictionnaire des journaux. 1600-1789, [en ligne]. http://dictionnaire-journaux.gazettes18e.fr/journal/0682-journal-de-paris (consulté le 12 octobre 2016).

4  Nicole Brondel, op. cit.

5  Nicole Brondel, op. cit.

6  Madeleine Fabre, « Journal de Normandie (1785-1792) », dans Jean Sgard (dir.), Dictionnaire des journaux. 1600-1789, [en ligne]. http://dictionnaire-journaux.gazettes18e.fr/journal/0681-journal-de-normandie (consulté le 12 octobre 2016). Voir également : Jean-Daniel Candaux, « Le Journal de Normandie en son début (1785) », dans Catriona Seth et Éric Wauters (dir.), Un siècle de journalisme culturel en Normandie et dans d’autres provinces (1785-1885), Rouen, PURH, 2011, p. 15-23 ; Stéphane Haffemayer, « Un relais de l’innovation en province : le Journal de Normandie de Jean-Baptiste Milcent à la veille de la Révolution », ibid., p. 25-40.

7  Christian Albertan, « Jean Milcent (1747 ?-1830 ?) », dans Jean Sgard (dir.), Dictionnaire des journalistes. 1600-1789, [en ligne]. http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/576-jean-milcent (consulté le 12 octobre 2016).

8  Christian Albertan, op. cit.

9  Madeleine Fabre, op. cit.

10  Christian Albertan, op. cit.

11  Voir Jack Censer et Madeleine Fabre, « Affiche de Normandie (1762-1784) »,dans Jean Sgard (dir.), Dictionnaire des journaux. 1600-1789, [en ligne]. http://dictionnaire-journaux.gazettes18e.fr/journal/0045-affiches-de-normandie (consulté le 12 octobre 2016).

12  Pour nos recherches doctorales (Musiciens et répertoires de concert en France à la fin de l’Ancien Régime, univ. de Rouen Normandie, sous la dir. de Patrick Taïeb, 2005) et pour la préparation de cette communication, nous avions consulté sur la période 1777-1792 l’exemplaire disponible en microfilm à la Bibliothèque nationale de France, site François Mitterrand, exemplaire qui a été numérisé et mis en ligne depuis juin 2015 sur Gallica [en ligne]. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb327986698/date (consulté en octobre et novembre 2016).

13  Nous avons consulté sur la période 1785-1789 l’exemplaire conservé à la bibliothèque municipale de Rouen, désormais en ligne sur le site des archives départementales de Seine-Maritime :

(http://www.archivesdepartementales76.net/rechercher/archives-en-ligne/journal-de-rouen/).

14  Par exemple, la romance La Haine et la Discorde un jour qui se chante sur l’air « Jupiter un jour en fureur » de Jean-Benjamin de La Borde [attribution du timbre établie d’après François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens et biographie générale de la musique, Bruxelles, Leroux, 1835, t. II, p. 274] (Journal de Paris, no 49, 18 février 1779, p. 193). Parfois ces romances parodiques peuvent renvoyer à une partition précédemment imprimée dans le journal, à l’instar d’Artur et Lucy, « romance par M. Léonard » dont « la musique est notée à la fin de la Feuille du 13 Nov. 1778 » (Journal de Paris, no 90, 31 mars 1779, p. 359). En compulsant ses anciens numéros, l’abonné peut donc chanter à loisir cette pièce sur l’air de la romance de Jean-Jacques Rousseau Au fond d’une sombre vallée publiée avec accompagnement de harpe (Journal de Paris, no 327, 23 novembre 1778, p. 1312).

15  Nous avions eu l’occasion d’étudier un cas tardif de partition offerte en supplément aux abonnés. Voir Joann Élart, « Vers une nouvelle presse culturelle en province sous la Restauration : La Nacelle, journal commercial & littéraire de la Seine-Inférieure (1822-1823) », dans Catriona Seth et Éric Wauters (dir.), op. cit., p. 109-152, en particulier les p. 116-118 et 147-152.

16  Journal de Paris, no 51, 20 février 1777, p. 3. Cette planche est située dans l’exemplaire conservé à la Bibliothèque nationale de France, Arsenal, [4-H-8908 (1-20) et mis en ligne le 8 juin 2015 sur Gallica [en ligne]. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1048673q/f3.item.

17  Ibid.

18  Ibid.

19  Journal de Paris, no 300, 27 octobre 1782, p. 1220.

20  Nicole Brondel, op. cit.

21  [Portrait de Jean-Jacques Rousseau, en pied], dessiné par Mayer et gravé par Jean-Michel Moreau, A.P.D.R. 1779, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, [RESERVE FOL-QB-201109 (recueil, collection Michel Hennin, estampes relatives à l’histoire de France, t. 109, pièces 9476-9572) [en ligne sur Gallica]. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8410107k (consulté le 12 octobre 2016).

22  Journal de Paris, no 1, 1er janvier 1780, p. 3.

23  Ibid.

24  Ibid.

25  Jean-Jacques Rousseau et la vüe du Pavillon qu’il habitait à Ermenonville, dessiné par Mayer et gravé par H., Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, [RESERVE FOL-QB-201109 (recueil, collection Michel Hennin, estampes relatives à l’histoire de France, t. 109, pièces 9476-9572) [en ligne sur Gallica]. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84101102?rk=901292;0 (consulté le 12 octobre 2016).

26  Nicole Brondel, op. cit.

27  [Figure aérostatique en baudruche représentant Bellerophon monté sur Pégase, volant à droite], eau-forte, 9,2 x 7,1 cm, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, [FOL-IB-42 (recueil, histoire des ballons, t. 4, vol. 2) [en ligne]. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8509559f (consulté le 12 octobre 2016).

28  Journal de Paris, no 262, 19 septembre 1783, p. 1083.

29  Ibid.

30  Ibid.

31  Voir pour exemple Journal de Paris, no 159, 8 juin 1782, « Errata pour la Feuille du 8 Juin 1782 ».

32  Journal de Paris, no 126, 6 mai 1786, entre les p. 512 et 513.

33  Journal de Paris, no 181, 30 juin 1786, après la p. 748.

34  Journal de Paris, no 127, 7 mai 1786, après la p. 516.

35  Journal de Paris, no 151, 31 mai 1786, après la p. 616.

36  Journal de Paris, no 180, 29 juin 1786, après la p. 744.

37  Journal de Paris, no 152, 1er juin 1786, après la p. 630.

38  Par exemple, voir Journal de Paris, no 53, 22 février 1787, p. 236.

39  Journal de Paris, no 347, 13 décembre 1789, p. 1625.

40  Ibid.

41  Journal de Paris, no 1, 1er janvier 1777, p. 4, « Avis ».

42  Il faudrait consulter le prospectus publié le 11 octobre 1776, dont un exemplaire est conservé à la bibliothèque historique de la ville de Paris, d’après le signalement établi en 1991 par Nicole Brondel pour le Dictionnaire des journaux dirigé par Jean Sgard (op. cit.) Hélas, ce document est aujourd’hui introuvable à la BHVP, malgré des recherches intensives menées par les conservateurs que nous tenons à remercier, en particulier Pauline Girard et Juliette Jestaz.

43  Journal de Normandie, no 60, 28 juillet 1787, p. 250.

44  Voir annexe I : Catalogue des partitions publiées dans le Journal de Paris.

45  Voir annexe II : Catalogue des partitions publiées dans le Journal de Normandie.

46  Jean-Jacques Rousseau, Les Consolations des misères de ma vie, ou Recueil d’airs, romances et duos, Paris, De Roullède, La Chevardière, Esprit, 1781.

47  Ibid., p. 2. Proche de Rousseau, Corancez, en plus de lui avoir présenté Gluck, a signé les paroles de plusieurs de ses Consolations, comme « L’Ivresse d’amour » (no 32, p. 57 et no 80, p. 154), « Charmante Sylvie, vivons, aimons-nous » (no 78, p. 145) ou « Écho » (no 93, p. 197). Voir aussi Nicole Brondel et François Moureau, « Guillaume de Corancez (1734-1810) », dans Jean Sgard (dir.), Dictionnaire des journalistes. 1600-1789 [en ligne]. http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/192-guillaume-de-corancez (consulté le 12 octobre 2016).

48  Journal de Paris, no 306, 2 novembre 1777, p. 4. Pièce no 13 des Consolations…,p. 28-30.

49  Journal de Paris, no 321, 17 novembre 1777, p. 4. Pièce no 31 des Consolations…, p. 56.

50  Journal de Paris, no 208, 27 juillet 1778, p. 831-832. Pièce no 65 des Consolations…, p. 125.

51  Journal de Paris, no 327, 23 novembre 1778, p. 1312. Pièce no 30 des Consolations…, p. 54-55. La « sombre » vallée du Journal de Paris devient une « heureuse » vallée dans les Consolations.

52  Journal de Paris, no 208, 27 juillet 1778, p. 831.

53  Voir annexe I.

54  Journal de Paris, no 112, 22 avril 1778, p. 448.

55  Journal de Normandie, no 21, 12 mars 1788, p. 88. Voir annexe II.

56  Journal de Normandie, no 60, 28 juillet 1787, p. 250.

57  Journal de Paris, no 112, 22 avril 1778, p. 448.

58  Ibid., p. 447.

59  Journal de Normandie, no 15, 20 février 1788, p. 61.

60  Journal de Paris, no 292, 19 octobre 1778, p. 1170.

61  Ibid. Soulignements typographiques dans la source.

62  La notice explicative (ibid., p. 1171) décrit la structure des vingt-cinq accords de la base chiffrée publiée à la page suivante (« C. » est l’abréviation de « consonance »), qui constitue la « chaîne de consonances […] dans le ton mineur de  » : « Consonnance [sic] mineure (a) de la tonique C. min. de la quarte sol, C. min. de la tonique C. maj. de la quinte la ; C. min. de la tonique C. maj. de la sixte si bémol C. min. de la quarte sol C. maj. de la quinte la. Consonnance [sic] min. de la quinte la, C. min. de la seconde mi, C. maj. de la tierce fa, C. maj. de la septième ut, C. min. de la tonique , C. min. de la quinte la, C. maj. de la sixte si bémol ; C. maj. de la septième ut, C. maj. de la tierce fa. Consonnance [sic] min. de la tonique C. min. de la quarte sol, C. min. de la tonique C. maj. de la quinte la, C. min. de la sixte si bémol C. min. de la quarte sol C. maj. de la quinte la C. min. de la tonique . » Une note infrapaginale (« (a) ») rappelle la définition d’un accord majeur et de son relatif mineur, qui sont « les modelles [sic] de toute consonnance [sic] », mais également à « l’Amateur initié dans la lecture musicale » celle du chiffrage des accords et des manières de « prononcer sur le clavecin ou sur la harpe les consonnances [sic] de cette chaîne ».

63 Ibid., p. 1171.

64 Ibid., p. 1170-1171.

65 Ibid., p. 1171.

66  Journal de Paris, no 199, 18 juillet 1781, p. 801-802.

67  Ce Gersin devient « Guérin » dans les Mémoires secrets (Louis de Bachaumont [attribué à], Londres, John Adamson, 31 juillet 1781, t. 17,  p. 305) du nom d’un violoniste se produisant au Concert spirituel entre 1773 et 1787.

68  Journal de Paris, no 213, 1er août 1781, p. 857.

69  Ibid., p. 858.

70  Ibid. Gossec a dû assister à l’unique exécution du Stabat Mater du Padre Vito au Concert spirituel à Paris le 11 avril 1781, qui connut moins de succès que le Stabat Mater de Haydn exécuté la veille (voir Journal de Paris, no 102, 12 avril 1781, p. 413). Ces deux nouveautés, dénichées par le directeur du concert Joseph Legros, précèdent la reprise du célèbre et très apprécié Stabat Mater de Pergolèse, « toujours en possession de ravir l’auditoire : les amateurs seront ainsi en état de comparer les différentes manières de ces trois grands maîtres, & de les juger » (Mémoires secrets, op. cit., 4 avril 1781, t. 17, p. 114).

71  Voir Almanach musical, t. VII, 1782, p. 142-145.

72  Mémoires secrets, op. cit., 31 juillet 1781, t. 17, p. 305-306.

73  Journal de Paris, no 213, 1er août 1781, p. 859. Aucune de ces publications n’a pu être repérée dans les catalogues des éditions Sieber (voir les fac-similés dans Cari Johansson, French Music Publishers’ Catalogues of the Second Half of the Eighteenth Century, Stockholm 1955, t. II), dans les annonces de presse (voir Anik Devriès-Lesure, L’édition musicale dans la presse parisienne au xviiie siècle. Catalogue des annonces, Paris, CNRS Éditions, 2005) ou dans le catalogue de la Bibliothèque nationale de France qui donne accès par Gallica (http://gallica.bnf.fr/) à plusieurs autres pièces de Gossec gravées chez Sieber – des symphonies, symphonies concertantes, symphonies de chasse, mais également les six quatuors œuvre xv.

74  Journal de Paris, no 222, 10 août 1781, p. 894.

75  Mémoires secrets, op. cit., 10 août 1781, t. 17, p. 318.

76  Journal de Paris, no 222, 10 août 1781, p. 894. L’annonce est suivie de la note « Voyez la fin de la Feuille. »

77  Mémoires secrets, op. cit., 23 septembre 1781, t. 18, p. 59. Sont publiés également les vers d’un anonyme (« Oui, Gossec, tu viens de confondre / L’étranger dont l’orgueil défioit les François [etc.] »)

78  Voir annexe III : Synthèse du répertoire lyrique concerné par l’impression de musique dans le Journal de Paris.

79  Voir annexes IV et V : Calendrier des nouveautés à l’Académie royale de musique et l’Opéra-Comique (1777-1786).

80  Nicole Brondel, op. cit.

81  Voir annexe III, colonne « succès public ». Dans cette partie, les estimations chiffrées proviennent du Chronopéra ([en ligne]. http://chronopera.free.fr/) pour le répertoire de l’Académie royale de musique, et de l’ouvrage de Nicole Wild et David Charlton (Théâtre de l’Opéra-Comique, Paris, répertoire 1762-1972, Sprimont, Mardaga, 2005) pour le répertoire de l’Opéra-Comique.

82  Sont concernés 37 titres de l’annexe V, dont 20 ne sont représentés qu’une seule fois à l’Opéra-Comique, voire presqu’une seule fois pour quelques œuvres dont la représentation inaugurale a été interrompue… (voir les notices correspondantes dans N. Wild et D. Charlton, op. cit.)

83  Dans le détail (d’après N. Wild et D. Charlton, op. cit.) : Rose d’amour de Cambini (jusqu’en 1789), Le Savetier et le Financier de Rigel (jusqu’en 1791), Les Jumeaux de Bergame de Désaugiers (jusqu’en 1796), L’Amant statue de Dalayrac (jusqu’en 1802), LesTrois Fermiers de Dezède (jusqu’en 1800), Le Droit du Seigneur (toujours à l’affiche en 1803), Le Faux Lord de Piccinni (au moins jusqu’en 1806), Alexis et Justine de Dezède(1812).

84  Ce constat repose sur un relevé personnel des représentations réalisé à partir du Journal de Paris.

85  Voir Anik Devriès-Lesure, op. cit. et annexe III, deux dernières colonnes.

86  Journal de Paris, no 139, 19 mai 1779, p. 558.

87  Journal de Paris, no 147, 27 mai 1779, p. 591. La partition sera finalement annoncée à la vente le 21 juin.

88  Richard Cœur-de-Lion [partition], Paris, Houbaut, [1786], p. 17.

89  Roland [partition], Paris, La Chevardière, [1788], p. 306.

90  Roland [livret], Toulouse, Dalles et Vitrac, 1788, p. 25.

91  La liste des partitions consultées figure à l’annexe III et correspond aux documents actuellement disponibles sur le portail Gallica. Les partitions imprimées sont signalées par un astérisque (*), tandis que les manuscrites le sont par deux (**). Les titres non marqués sont indisponibles sur Gallica, même si, à l’exception de Zulima, les sources existent pour la plupart d’entre eux (voir Catalogue général de la Bibliothèque nationale de France [en ligne]. http://catalogue.bnf.fr/index.do) : manuscrit autographe pour Florine, extraits manuscrits pour La Fête du village et Rosanine, matériel manuscrit pour Myrtil et Lycoris, Rosine, Péronne sauvée etLeFinte gemelle, édition imprimée pour Blanche et Vermeille (Paris, auteur, 1781) et pour Ariane dans l’Isle de Naxos (Paris, Boyer, 1782).

92  La numérotation entre crochets carrés que nous employons dans ce chapitre renvoie aux exemples musicaux regroupés dans l’annexe VI (les captations du Journal de Paris).

93  La numérotation des mesures que nous utilisons correspond à la coupe proposée in fine par le Journal de Paris. Elle différe de la numérotation des partitions gravées, du fait, notamment, de la suppression des mesures vides.

94  La partition utilisée pour la comparaison est l’exemplaire manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de France, cote L-4201, disponible sur Gallica. Nous n’avons pas pu consulter la partition gravée chez Boyer. [En ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8470033c?rk=21459;2].

95  Le découpage systématique des scènes n’étant pas précisé dans la partition gravée chez Deslauriers, nous croyons devoir indiquer que cet air se trouve à la page 152.

96  Jean-Jacques Rousseau, op. cit., avertissement des éditeurs.

97  Nous n’avons pas procédé à un relevé détaillé des variantes de ports de voix, trop nombreuses, identifiées en particulier dans les extraits suivants : Lucette et Lucas, romance de Lucette « C’est en vain que je me rappelle » (sc. 9, mes. 3) ; Le Seigneur bienfaisant, « Laissons les amants leur tendresse » ; Iphigénie en Tauride, air d’Iphigénie « D’une image hélas trop chérie » (acte III, sc. 1, mes. 10 et 12) et air de Pilade « unis dès la plus tendre enfance » (acte II, sc. 1, mes. 6) ; Aucassin et Nicolette, air du Vicomte « Simple et naïve et joliette » (acte I, sc. 5) ; Jugement de Midas, air de Pamélon « Dans mon jeune âge » (acte I, sc. 4, mes. 4) ; Félix, air de Monsieur de Versac « Courir les bois, courir les plaines » (acte I, sc. 9) ; Roland, air d’Angélique « C’est l’amour qui prend soin lui-même » (acte II, sc. 4, mes. 2, 6, 42) ; Olympiade, ariette en rondeau d’Argène s’adressant au chœur « Non, mon cœur souffre moins de peines » (acte I, sc. 1, mes. 28 et 52) [36, 37] ; Les Danaïdes, air de Lyncée « Rends-moi ton cœur » (acte III).

98  Par exemple, dans Blaise et Babet, « Lise chantoit dans la prairie » (mes. 33) [9] ou dans Panurge dans l’isle des lanternes, « Chacun soupire dans ce séjour » (mes. 3-4) [39].

99  Journal de Normandie, no 60, 28 juillet 1787, p. 249-250.

100  Ibid., p. 249.

101  Joann Élart, Catalogue des fonds musicaux conservés en Haute-Normandie, t. I : bibliothèque municipale de Rouen, vol. 1 : fonds du théâtre des Arts (xviiie et xixe siècles), coll. « Patrimoine musical régional », Rouen, PURH, 2004, p. 14-15, notice no 34.

102  Il s’agit d’un catalogue des œuvres de Grétry joint aux deux parties de premiers violons, que nous avions daté en 1786. Joann Élart, op. cit.

103  Journal de Normandie, no 65, 15 août 1787, p. 170. Tarare est représenté pour la première fois à l’Académie royale de musique le 8 juin 1787.

104  Joann Élart, op. cit., p. 341, notice no 811. Parties de violon I (incomplète), violon II, alto, violoncelle et contrebasse.

105  Voir sur Chronopéra [en ligne]. http://chronopera.free.fr/.

106  Journal de Normandie, no 67, 22 août 1787, p. 280. Œdipe à Colonne est représenté pour la première fois à l’Académie royale de musique le 1er février 1787.

107  Notons que le matériel est bien conservé dans le fonds du théâtre des Arts. Joann Élart, op. cit., p. 253, notice no 575.

108  Journal de Normandie, no 85, 24 octobre 1787, p. 350. L’air est accompagné d’une basse.

109  Joann Élart, op. cit., p. 169, notice no 409.

110  Journal de Normandie, no 97, 3 décembre 1788, p. 399. L’air est accompagné d’un violon et d’une basse.

111  Joann Élart, op. cit., p. 22, notice no 57. Il s’agit de l’édition Lawalle l’Écuyer, p. 5.

112  Journal de Normandie, no 17, 28 février 1789, p. 72.

113  Le matériel est conservé dans le fonds du théâtre des Arts. Joann Élart, op. cit., p. 67-68, notice no 176.

114  Cité dans Nicole Brondel, op. cit.

115  Jean-Jacques Rousseau, op. cit., avertissement des éditeurs.

116  « Je l’ai planté, je l’ai vu naître » et « Au pied d’un saule » sont transposés en sol majeur (au lieu de fa majeur et si bémol majeur) ; « Je l’ai planté » et « Au fond d’une sombre vallée » sont notés dans une mesure en 2/4 (au lieu de C barré).

117  Nicole Brondel, op. cit. Avant de poursuivre : « songez donc, Messieurs, qu’il n’y a plus que vingt trois ans d’ici à la fin du dix-huitième siècle et que si avant ce tems l’esclavage des nègres n’est pas aboli, la postérité n’appellera point notre siècle, le siècle de la raison et de l’humanité. »

118  Nicole Brondel, op. cit.

Pour citer ce document

Joann Élart, « Chanter à "périodique ouvert". Les partitions imprimées dans le Journal de Paris et le Journal de Normandie à la fin de l’Ancien Régime », Presse et opéra aux XVIIIe et XIXe siècles, sous la direction d'Olivier Bara, Christophe Cave et Marie-Ève Thérenty Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/presse-et-opera-aux-xviiie-et-xixe-siecles/chanter-periodique-ouvert-les-partitions-imprimees-dans-le-journal-de-paris-et-le-journal-de-normandie-la-fin-de-lancien-regime