Événements lumineux : le gaz et l’électricité à l’Opéra de Paris selon la presse (d’Aladin au Prophète)
Table des matières
MARIGLEN SULEJMANI
Un des événements majeurs qui transforment la société du début du siècle est le passage de l'éclairage à l'huile vers l'éclairage à gaz. Aussi naturel que cela puisse paraître dans les esprits comme une évolution naturelle d’une technique ancienne vers une plus évoluée, cette transformation ne s’opère guère sans oppositions et débats virulents qui impliquent des scientifiques et des hommes de lettres. Pour comprendre les raisons de tels débats, il faut rappeler que l’histoire des sociétés industrialisées témoigne d'une liaison étroite entre le développement économique et le besoin croissant d'éclairage. La lumière devient ainsi au fur et à mesure un domaine relevant du champ public. Cela ne concerne pas la lumière dans son essence comme propriété scientifique mais comme un bien commun en voie de devenir une richesse accessible à toute la société.
C'est dans cette perspective que la presse du début du xixe siècle accueille des débats autour de cette révolution technique qui va changer radicalement le mode de vie des communautés où elle se déroule. Le gaz d'éclairage ne s'arrête pas au domaine industriel : il échappe aux ateliers pour envahir progressivement les espaces publics, les rues, les palais, les théâtres et les opéras, et il arrive jusqu'à l'intimité de l'espace domestique. Comme le souligne Wolfgang Schivelbusch dans son ouvrage dédié à l'histoire de l'éclairage artificiel, La Nuit désenchantée1, on remarque une nouveauté importante dans l'approche du gaz d’éclairage qui est celle des réseaux – comme on les connaît déjà au xixe siècle en Angleterre en ce qui concerne les approvisionnements en eaux à l'aide des tuyaux. Le gaz d'éclairage va rapprocher progressivement, dans des espaces reliés par des réseaux d'approvisionnements, des lieux publics comme les rues, les opéras et les théâtres et jusqu'à arriver vers la fin du siècle vers les lieux privés d’habitation. Cela justifie l'intérêt que suscitent les comptes rendus de la presse autour des développements et des événements particuliers concernant la lumière, qui constituent des moments importants aussi bien pour le public du début du xixe que pour nous actuellement. Construisant l’arrivée de l’éclairage à gaz puis électrique en événement, la presse permet de situer chronologiquement les moments-clés de l'histoire de l'éclairage et de ressaisir les représentations symboliques et les significations qui y étaient associées. Ces inventions sont aussi pour la presse l’occasion de relever le défi qui consiste à donner à lire ou à voir à ses lecteurs les nouveaux effets lumineux, à les décrire scientifiquement, à quantifier les intensités lumineuses, ou à les évoquer sur un mode purement impressionniste et subjectif.
Dans l’espace de la présente étude, nous nous focaliserons sur deux faits techniques et artistiques, transformés par la presse en événements : le premier est l’arrivée de l’éclairage au gaz à l’Opéra de Paris en 1822, testé et célébré à travers un opéra-féerie de circonstance, Aladin ou la Lampe merveilleuse de Nicolas Isouard, dit « Nicolo » (création posthume) sur un livret d’Étienne ; le second (qui interviendra en guise de contrepoint dans notre étude) est le premier essai d’éclairage électrique, ponctuel, à l’Opéra de Paris, dans le lever de soleil à la fin du troisième acte du Prophète, grand opéra de Meyerbeer sur un livret de Scribe, créé en 1849. Les questions soulevées par ces faits « lumineux » élevés au rang d’événements par la presse nous obligent à commencer par un petit rappel scientifique et technique concernant les révolutions de l’éclairage au gaz.
Rappels techniques liminaires
La découverte de l'éclairage à gaz est le résultat de longes années de questionnements autour du feu et de la théorie de la combustion. Un moment crucial de cette découverte est le passage de la conception alchimique du feu comme élément à la chimie moderne qui découvre le rôle de l'oxygène dans la combustion. Plusieurs scientifiques sont au cœur de cette découverte autour de l'année 1780 : Cavendish, Priesley et Lavoisier. Leurs travaux mettent un terme à la théorie du phlogistique de Stahl, ce qui a ouvert la voie à d’autres scientifiques pour la maîtrise du feu et de la lumière2.
La découverte du gaz d'éclairage se situe au début du xixe siècle. Cette découverte est attribuée à des personnages différents comme Philippe Lebon en France, William Murdoch en Angleterre et Jan Pieter Minckelers en Belgique3. Un autre personnage important dans l'industrialisation du gaz d'éclairage sera aussi l'Allemand Frédéric-Albert Winsor. Cette découverte est donc liée à l'industrialisation de plusieurs pays aussi bien en Europe qu'aux États-Unis. Néanmoins les procédés qui sont liés à la production du gaz varient en fonction des ressources naturelles dont on dispose. L’essor que va connaître l'industrie du gaz d'éclairage en Angleterre, comparé au retard de la France et de l'Allemagne, est justifié par les ressources importantes de houille dont dispose l'île Britannique par rapport au continent. En France et ensuite en Allemagne les conditions obligent à produire du gaz de bois qui reste beaucoup plus coûteux que la houille. Ainsi au début du xixe siècle, tous les théâtres anglais seront éclairés par le gaz alors que cela sera généralisé vers l'année 1840 en France et Allemagne4. Dès 1813, Londres était la première ville à installer l'éclairage des rues par le gaz et ensuite dans ses théâtres. C’est à partir de 1817 que les théâtres londoniens et notamment le Lycem Theateret ensuiteDrury Lane (où, en 1803, il y avait déjà eu une démonstration) sont équipés d'éclairage par le gaz. Des débats existent pourtant au sujet du premier théâtre ainsi éclairé puisque de l'autre côté de l'Atlantique, le Chestnut Theater de Philadelphie utilisait déjà l'éclairage par le gaz dès 18165.
La presse française informe régulièrement ses lecteurs sur l'évolution de l'éclairage. C’est déjà le cas d’un article du Journal des débats du 5 janvier 1810 nommé à cette époque Journal de l’Empire6 ensuite celui d’autres articles du même journal, qui rapportent sur l’évolution de cette technique en 1811 et 1816. Les journaux informent des avancées de cette technique en Angleterre et annoncent qu'elle pourrait arriver bientôt en France, rappelant les expériences de Philippe Lebon (décédé en 1804) dont les travaux sont poursuivis par sa veuve. Un article du 30 juillet 1818 dans le Journal des débats passe en revue des moments-clés de l’histoire de l’éclairage en rappelant l’invention du7 thermolampe de Philippe Lebon (un système autonome de production de gaz au moyen de bûches de bois soumises à la distillation sèche, introduites dans un fourneau métallique qui produit du gaz d’éclairage par la décomposition des matières organiques et utilise la chaleur du fourneau pour chauffer les appartements où il est situé) et fait un rapport sur l'éclairage de l'hôpital Saint-Louis en considérant l'appareillage utilisé pour l'éclairage par le gaz comme « plus soigné qu'aucun de ceux qu'on voit en Angleterre8 ». L'article met l'accent sur la puissance de cette installation et la possibilité de faire éclairer par ce système d'autres établissements de plus petite envergure qui pourraient se rattacher facilement par réseau au foyer de l'hôpital Saint-Louis :
pour peu que l'usage de ce luminaire s'établisse à Paris, l'hôpital Saint-Louis pourrait faire de son superflu l'objet d'un débit assez important. Sans beaucoup de peine elle porterait ses conduites de gaz jusqu'au boulevard du temple où les cafés et les petits spectacles font une grande consommation de lumière sur un espace assez peu étendu9.
C'est par ce biais médiatique que les nouvelles concernant le gaz d’éclairage arrivent à la Chambre du roi. Ce dernier, en juin 1818, envoie une commission d'observation dirigée par Papillon de La Ferté (intendant aux Menus-Plaisirs) à Londres. Cette commission établit un rapport positif sur l'application du nouvel éclairage, ce qui ouvre la voie à un crédit considérable pour la construction de la première usine royale d'éclairage. Cette usine est dirigée par une société fondée exprès pour l'éclairage de l'Académie royale de musique : la Compagnie royale d'éclairage par le gaz. On appellera couramment cette usine le Gazomètre de la rue Richer10.
Aladin et l’arrivée du gaz à l’Opéra
L'introduction de l'éclairage au gaz en France est intimement liée à l'histoire de l'Académie royale de musique et de sa nouvelle salle inaugurée en août 1821 ; celle-ci va être couramment appelée « l'Opéra de la Rue Le Peletier11 ». À la tête de l'Académie royale de musique à cette époque (depuis 1821) se trouve François-Antoine Habenek. Celui-ci décide d’inaugurer la nouvelle salle avec Aladin ou la Lampe merveilleuse. On a beaucoup de raisons de croire que le choix de cette pièce a été fait dans le but précis de mettre en valeur le nouvel éclairage. L’œuvre est liée aussi au triste sort de deux jeunes auteurs et amis, Nicolas Isouard (Nicolo) et Angelo Maria Benincori qui décèdent l'un et l'autre avant la création de leur pièce le 6 février 1822. Ce sera Habeneck lui-même qui complètera la musique et préparera sa représentation, sans figurer pour autant parmi les auteurs12.
Le public est informé de l'arrivée de La Lampe merveilleuse à la nouvelle salle del'Académie royale de musique presque six mois avant la représentation par Le Constitutionnel qui annonce : « Le premier ouvrage nouveau qui sera donné est La lampe merveilleuse. Les décorations de cette dernière production de Nicolo sont à peu près terminées13. » Le journal satirique La Foudre, dans les numéros de janvier 1822, accentue l'attente du public dans sa rubrique « Revue des théâtres » qui commence par l'Académie royale de musique, en lui adressant d'ailleurs une critique en ce qui concerne son répertoire : « Notre premier théâtre vit toujours sur son ancien répertoire, il faut espérer que nous aurons un ouvrage nouveau dans l’année 1822… On répète depuis six mois La Lampe merveilleuse de M. Étienne, député de gauche et grand partisan des lumières14. » Ensuite, dans sa rubrique « Éclats » du 5 février 1822, La Foudre annonce la première pour le lendemain : « C'est demain que l'Opéra va nous étaler enfin toute sa magnificence dans cette Lampe merveilleuse, si longtemps attendue. On dit beaucoup de bien de la musique et des décorations15. » C’est un procédé publicitaire typique de la presse qui consiste à entretenir l’attente et à créer le désir chez le public.
La première a ainsi lieu le 6 février 1822 et le même journal La Foudre dans sa rubrique « Théâtre » se montre très critique envers la pièce et surtout « la pauvre imagination16 » de son librettiste Étienne ; il considère cette création comme « la plus niaise des productions de notre époque17 », mais la mise en scène et les décorations sauvent la représentation : « la baguette magique de M. Gardel [auteur des ballets] est là pour réveiller les plus endormis. Il était difficile d'imaginer des tableaux plus enchanteurs que ceux dont il a si heureusement entouré ce pauvre Aladin18. » Selon l’auteur, la clé du succès de cette pièce se trouve dans « la richesse du lustre qui éclaire ou n'éclaire pas la salle » ; il mentionne encore « la richesse éblouissante des costumes et la réputation des décorations, qui sont peintes par MM. Cicéri et Daguerre19 ». La remarque de l'auteur de cet article nous laisse supposer qu'il y a eu éventuellement lors de cette représentation une variation de l'intensité lumineuse du lustre qui devrait éclairer plus faiblement la salle pendant le spectacle – seule la presse permet souvent d’accéder à ce genre d’information sur la salle dans son rapport à la scène. Néanmoins, l'auteur de La Foudre qui signe sous le nom Le Baron F. ne signale pas qu'il s'agit d'une nouvelle technique d’éclairage et n'en fait aucune constatation, comme s'il ignorait ce nouveau procédé.
Ill. 1 : [Aladin ou La lampe merveilleuse : esquisse de décor de l'acte I ou acte II / Pierre-Luc Charles Cicéri]. Source gallica.bnf.fr.
La Foudre revient encore une semaine après la première dans son Bulletin des théâtres sur le spectacle de la Lampe merveilleuse, mais sur un ton ironique qui rappelle encore de façon implicite la puissance des effets lumineux susceptibles de réveiller les spectateurs : « La lampe merveilleuse avait endormi une nombreuse société à la quatrième représentation ; quand le palais de lumière est arrivé, tout le monde avait les yeux fermés et le public ronflait plus haut que l'orchestre20. » D’autres articles font référence de façon anecdotique à la Lampe merveilleuse qui devient un événement culturel et social, et non plus seulement lyrique. Dans un autre article de La Foudre sur les bals et les costumes, le journal déclare ironiquement avoir trouvé une « lanterne de Jeannot21 » qu'il vendra à l'auteur de La lampe merveilleuse. D’autres articles de La Foudre continuent sur le même ton sarcastique à informer ses lecteurs sur cette représentation. Ce journal revient sans cesse sur la lenteur de la pièce en critiquant sa qualité artistique. Ce regard subjectif ne s’élève pas au-dessus des circonstances pour rendre compte des nouveautés que l’opéra apporte au niveau de l’éclairage, utilisé pour la première fois à l’Opéra, événement en lui-même plus important que la qualité artistique de la pièce qu’il vient illuminer.
Le journal qui donne le plus de renseignements sur la représentation est Le Miroir. Ce périodique souligne la nouveauté de la représentation qui consiste selon lui dans le nouvel éclairage utilisé :
On assure qu'à partir du jour de la première représentation de La Lampe merveilleuse, fixée à mercredi prochain, le grand lustre de la salle, ceux du foyer ainsi que la rampe de l'avant-scène, seront éclairés par le gaz hydrogène. Les escaliers et les corridors continueront d'être éclairés jusqu'à nouvel ordre par le procédé ordinaire22.
Ensuite, le jour de la représentation, le 6 février, Le Miroir publie un article sur le gaz hydrogène qui considère les opposants au nouveau procédé comme « les partisans de l’obscurantisme23 », soucieux de préserver la lumière comme un bien restreint à un groupe de privilégiés. Ces derniers se verraient menacés par la dimension publique de la lumière offerte par le gaz. Ce serait pour se réserver ce privilège que certains entretiendraient les craintes suscitées par le gaz d’éclairage.
Cet article prépare le terrain pour les comptes rendus qui vont suivre à partir de 7 février 1822 et qui vont donner des détails, tant sur la pièce représentée, sur le sujet, et les auteurs, que sur la mise en scène. Les éloges attribués à la représentation seront en grande partie liés aux décors magnifiques. Dans l'article du 8 février, on peut lire déjà la volonté de faire ressortir les capacités techniques du nouvel Opéra. Cette réflexion lie explicitement le choix du sujet à la volonté de défier les capacités lumineuses de la nouvelle salle et son éclairage : « jamais le théâtre du grand Opéra n'a offert au public un spectacle à la fois plus magnifique et plus élégant. La mise en scène fait le plus grand honneur à l'administration24. » On prévoit ainsi, dès la première, plus d'une centaine de représentations. On cite ensuite les décorateurs pour combler d’honneur les pinceaux de Cicéri et Daguerre. Les décorations que le public a le plus remarquées étaient celles du palais d'Aladin, au troisième acte, de la salle de bronze du cinquième acte (voir les illustrations) ; l’effet le plus remarquable était le soleil mouvant dans l'arrière-plan d'un palais de lumière. Un grand mérite dans le choix de cette pièce pour inaugurer le nouvel éclairage revient au directeur Habeneck.
Les articles qui suivent et qui retracent presque chaque représentation de La Lampe merveilleuse témoignent sans précisions techniques d'une appréciation élogieuse du nouvel éclairage. Ce discours qui ne dispose pas de vocabulaire pour décrire l’aspect technique, se limite encore à une description impressionniste de l'événement. La science et l'état de la lumière ne permettent pas à ce stade de donner dans la presse généraliste ou artistique des précisions quantitatives sur la lumière employée. Il est impératif de souligner que les unités de mesure pour la lumière sont purement arbitraires et ignorées par le public ainsi que la presse. Dans ce contexte, les descriptions techniques ne seraient qu’hasardeuses.
Le début de l'article du 11 février est néanmoins important par les éléments qu'il donne de façon indirecte de l'état de l'éclairage de la salle :
toutes les places du premier rang étaient presque occupées par les dames ; on a remarqué que les parures avaient encore plus d'élégance et plus d'éclat, les spectatrices avaient fort bien compris qu'elles avaient à lutter contre une clarté éblouissante, contre une lampe merveilleuse25.
L'article sur la deuxième représentation situe clairement la mise en scène de la pièce dans le cadre de l'opéra féerique. Le spectacle qui, malgré l'abondance des effets scéniques, semble être resté modéré dans la mise en scène du merveilleux, suscite des critiques d'une presse qui demande de laisser plus de place à la féerie ; celle-ci doit être selon elle « une continuité de choses surnaturelles26 ». Les exigences de l'auteur du Miroir sont très élevées et semblent relever du domaine d'effets scéniques difficiles à réaliser dans un espace théâtral qui se trouve dans l'impossibilité de déjouer la dimension temporelle de la représentation ; de tels effets deviendront possibles seulement avec le cinéma27. On demande ainsi que le changement de costume d'Aladin quand il passe de l'état de pauvre pêcheur à celui de roi d'un vaste empire se fasse dans l'intervalle d'un clin d’œil, tout comme la métamorphose du costume de Cadi que la lampe devrait avoir le pouvoir de « revêtir tout-à-coup d'un habit couvert de rubis28 ».
Une des attentes de l'auteur touche aussi aux dispositions techniques puisqu'elle concerne l'apparition des génies : celle-ci se fait par les coulisses alors qu'on aurait voulu qu'ils descendent des nuages. Néanmoins, on reconnaît les mérites des décorateurs et de la mise en scène qui dispose désormais d'un instrument puissant capable de faire taire les opposants au gaz d'hydrogène : « le passage rapide de la clarté aux ténèbres, et des ténèbres au jour le plus éblouissant, a confondu les partisans des vieilles lumières29 ». Dans l'article du 17 février, on découvre que ce qui a contribué au succès de la nouvelle mise en scène n’était pas seulement la lumière mais aussi les ténèbres. L'article, même s’il ne nous décrit pas une obscurité totale de la salle pendant la représentation, nous laisse supposer l’existence d’un éclairage réduit pendant la représentation : « la nuit au char d'ébène répand aussi jusque dans la salle sa mystérieuse obscurité. Les effets fantasmagoriques de Robertson se réunissent maintenant aux pompes de l'Opéra30. » L'autre défi relevé est donc de parvenir à plonger la totalité de la salle dans l'obscurité pour diriger l'attention des regards seulement vers la scène. L'article exprime ce désir sous la forme d'un reproche qui annonce involontairement les étapes à venir de la mise en scène :
Au moment où la lampe d'Aladin se trouve éteinte, le voile noir qui s'étend dans la salle ne nous paraît pas encore assez opaque, la vue ne devrait plus saisir que les objets qui agissent sur le théâtre ; privés un moment du brillant aspect de la salle, nos yeux apprécieraient mieux l'instant d'après l'élégance et la beauté des spectatrices31.
Les perspectives de ce nouvel effet théâtral sont claires ; elles annoncent ce qui adviendra au Festspielhaus de Bayreuth presque cinquante ans plus tard : « Ce nouvel effet dramatique que nous indiquons, et qui ne tient qu'à une obscurité plus rapide, plus longue et plus profonde, nous paraît d'une facile exécution, et le public ne tardera pas à en jouir32. »
En ce qui concerne les décors, le mérite revient à Cicéri et Daguerre qui réalisent trois palais dans des styles très différents. Le palais d'Aladin est peint par Cicéri avec beaucoup d'éléments orientaux dans un style coloré. On attribue à Daguerre le palais de bronze et celui d'Almazie. Une autre scène se déroule dans le boudoir d'Almazie surplombé par une coupole éclairée qui tombe dans l'obscurité en un instant « magique33 ».
Ill. 2 : Aladin ou La lampe merveilleuse : esquisse de décor de l'acte III, t. 1 / Louis Daguerre. Source gallica.bnf.fr.
Ce qui est frappant dans les décors est la variété des tableaux, jusqu'à créer une rupture de l'unité de lieu. Quand nous regardons chacun de ces tableaux dans leur exécution et d'après les images qui nous parviennent des archives (voir illustrations), nous pourrions penser qu’il s'agit de trois pièces différentes.
Ill. 3 : Lampe merveilleuse. Palais de Bronze : [estampe] / Lemaitre sc ; Léger del ; [d'après] Ciceri et Daguerre.
D'après Le Miroir, les décorateurs ont employé tout leur art à lutter « contre l'uniformité34 ». L'ensemble des éléments utilisés dans les décors de la Lampe merveilleuse témoignent des avancées importantes de l'opéra français qui lui permet de s'élever à un niveau supérieur au niveau de l'innovation technique : « nous sommes arrivés à cette époque où la France n'est plus tributaire de l'Italie dans l'art des décorations ; peut-être surpassons-nous aujourd'hui nos anciens maîtres35 ? » Bien sûr, on revient également sur les mérites du directeur de l'Opéra, Habeneck, lequel est au cœur de ces initiatives, ce qui lui permet d'après Le Miroir de « conserver la faveur publique36 ».
La Lampe merveilleuse sera à tout niveau la pièce de référence de l'année 1822, et elle ne va pas cesser d'attirer les foules37. Elle est même présente dans les esprits de façon anecdotique. D'après Le Miroir, le caissier du Vaudeville qui assiste à une des représentations se serait écrié : « Mon collègue de l'Académie royale de musique encaisse en un jour ce que je n’encaisse pas en trois mois38. » La Lampe merveilleuse ne quittera plus la salle pendant un an et demi et elle dépassera les cent représentations, comme le prophétisait déjà Le Miroir lors de sa première. Les revenus financiers très importants, dépassant largement les attentes, permettront de contribuer à rembourser les financements pour la construction du nouvel Opéra Le Peletier. La réussite de cette représentation justifie rétrospectivement la création de la Compagnie royale d'éclairage qui, comme si elle avait atteint sa mission, est mise en vente et va lancer l'ouverture d'autres usines ainsi que l'alimentation par le gaz d'hydrogène des théâtres et des opéras jusqu'à la fin du xixe siècle.
Le Prophète et l’arc électrique
Le Prophète de Meyerbeer est créé dans la même salle que La Lampe merveilleuse, le 16 avril 1849. La salle appelée couramment théâtre de la Rue Le Peletier est toutefois rebaptisée théâtre de la Nation sous la Deuxième République. Les répétitions du nouvel opéra ont commencé le 11 novembre 1848. La Revue des deux mondes d'avril 1849 consacre un article au Prophète de Meyerbeer mais elle ne donne que très peu de détails sur les décors de cet opéra. Une petite allusion à propos du troisième acte laisse deviner une nouveauté visuelle importante mais ne donne guère de détails : « La mise en scène et les décors sont magnifiques. Le divertissement du troisième acte est un tableau ravissant, qui suffirait pour faire courir à Paris les dilettanti de l'Europe39. » Le 16 avril 1849, le journal La Presse annonce au public l'arrivée de l'opéra de Meyerbeer, sans plus de précisions concernant l’éclairage du troisième acte : « Le Prophète ! le Prophète ! Voilà le grand événement, voilà la préoccupation qui, aujourd'hui fait taire toutes les autres ; abordez les groupes répandus le long du boulevard et autour de l'Opéra, on s'y entretient du Prophète40. »
Ill. 4 : Lever du soleil du 3e acte du Prophète avec l’arc électrique.
Encore une fois, l'article de Théophile Gautier, dans La Presse, annonce des nouveautés en ce qui concerne la mise en scène mais sans donner aucun détail technique ; toutefois, il exalte « la féerie de la mise en scène41 » qui réserve des coups de magie, et annonce que la surprise à découvrir consistera dans « deux ou trois effets prodigieux et entièrement inédits42 ». Un nouvel article du 23 avril donne un compte rendu plus riche concernant la pièce de Meyerbeer. Des remarques contenant force superlatifs à propos des décors laissent entrevoir quelques éléments de la mise en scène qui semble avoir été la plus grande cause de réussite pour la pièce : « Jamais peut-être l'art de la décoration n'a été plus loin, ce n'est plus de la peinture c'est la réalité même […]43. » Il s'agit premièrement des vapeurs qui couvrent certains arbres et qui se lèvent en arrière-plan, créant presque un brouillard naturel sur la scène qui imite la nature : « mais ce qu’on n’a pas vu encore, ce sont ces dessous d'arbres estompés de vapeur, ce brouillard qui s'élève et ouate tout le paysage à l'approche de la nuit : ce changement complet du blanc au noir, ce soleil perçant au matin les cinquante voiles de la brume et inondant le théâtre d'une lumière si vive que les acteurs ont des ombres portées, chose inconnue à la scène […]44. » Ici seulement Gautier évoque, mais indirectement, et sans aucune considération technique, l’effet créé par l’électricité.
D’après tous les articles et feuilletons de la presse, dans La République, Le Siècle, le Journal des débats ou la Revue des deux mondes, la représentation du Prophète tant attendue par le public, est véritablement l’événement de la saison. Toutefois, on ne peut certainement pas parler d’événement lumineux concernant la présence de l’éclairage électrique dans la mise en scène de Meyerbeer. C’est en quelque sorte l’envers des événements de 1822, lorsque La lampe merveilleuse était une pièce destinée à justifier le nouveau procédé d’éclairage devant le grand public. Il faut en effet souligner, pour 1822, le rôle crucial des autorités : à cette époque, c’est le roi qui décide de passer au nouvel éclairage et qui fonde la Société royale de l’éclairage par le gaz ; l’opéra d’Aladin s’inscrit ainsi dans un programme politique relayé par une partie de la presse. C’est Habeneck, le directeur de l’opéra, soumis au régime du privilège, qui décide de mettre en scène La Lampe merveilleuse. Dans le cas du Prophète, en 1849, c’est Meyerbeer lui-même qui par exigence de mise en scène et recherche esthétique45 fait appel à Léon Foucauld et Jules Dubosq pour le lever de soleil du troisième acte. Meyerbeer est très exigeant d’après la presse dans les effets qu’il met à l’œuvre pour ses opéras : « il prévoit tout ce qu’il lui est possible de prévoir, il combine savamment tous ses effets46. »
Avant ses débuts dans le grand opéra, l’arc électrique a été déjà présent sur la scène des petits théâtres parisiens bien avant 184947. À partir des expérimentations de Humphry Davy au début du siècle jusqu’au régulateur de Léon Foucault, cette technique reste à l’état expérimental. L’arc de Davy consistait en deux électrodes faites en bâtonnets de charbon de bois qui étaient reliés chacun aux deux pôles d’une série d’éléments de Volta. Quand les deux bâtonnets étaient rapprochés, la décharge entre les deux électrodes formait une lumière puissante. Plus tard, en France, des expériences qui marquent les esprits sont les essais de 1844 sur la place de la Concorde par Deleuil48 et ensuite celui de 1848 par Archereau49 sur la rue Saint-Thomas du Louvre, consistant dans l’éclairage de la façade des Tuileries.
Ill. 5 : Composants d’un arc électrique. Source : diaprojection.uniblog.fr
Ces expériences amènent ainsi l’effet de l’arc électrique aux yeux du grand public. Foucault a le mérite de regrouper les éléments de l’arc électrique dans un appareil appelé régulateur pour lequel il utilise un mécanisme d’horlogerie pour le maintien des électrodes à une distance rapprochée. William Tobin dans l’ouvrage éponyme dédié à Léon Foucault nous amène dans les coulisses de la salle de l’Opéra :
C’est Foucault lui-même qui faisait fonctionner l’arc électrique du Prophète, et on pouvait le voir transporter sous le bras le miroir réflecteur associé à cet arc. Mais il fut sans doute lassé des exigences de Meyerbeer, car à la fin de l’année, un certain M. Lormier, qualifié de « physicien » était payé 10 francs par représentation pour s’occuper du soleil50.
Ensuite, toujours d’après William Tobin, c’est un appareil plus compact de Jules Duboscq qui s’occupe de l’arc électrique.
Ill. 6 : Arc électrique avec un miroir projecteur. Source : Louis Figuier, Les Merveilles de la science.
Le Prophète est donc un événement musical (ce que n’était pas Aladin) et il accueille en son sein un événement en apparence mineur, et ponctuel, limité à un tableau : l’arrivée de l’éclairage électrique sur la scène de l’Opéra. Pourtant, l’enthousiasme du public est immense face à ce nouveau procédé qui traduit techniquement le soleil levant grâce à un arc électrique. L’article du Constitutionnel se révèle d’une grande importance pour saisir non pas les données techniques de l’invention utilisée à la scène, mais l’appréciation sensorielle du public :
Les décorations sont magnifiques et la mise en scène d’une richesse inouïe. L’effet du lever de soleil est une des choses les plus neuves et les plus belles que l’on ait vues au théâtre : grâce à la lumière électrique nous avons vu un vrai soleil, qu’on ne pouvait regarder fixement sans en être ébloui, et dont la lumière se projetait jusqu’au fond des loges les plus reculées de la scène51.
Pour conclure, revenons sur la comparaison établie entre les deux représentations et les deux événements médiatiques.
D’une part, La Lampe merveilleuse a été conçue pour justifier l’installation et l’emploi de l’éclairage au gaz non seulement sur la scène mais comme source principale de l’éclairage public. L’opéra et ses relais médiatiques s’inscrivent dans une politique urbaine plus générale, dépassant le seul cadre de l’opéra. Dans Le Prophète, avec l’arc électrique de Dubosq-Foucault, une lampe est conçue spécifiquement pour la première d’un opéra et plus généralement pour effectuer des effets lumineux au théâtre. L’enjeu concerne donc directement la mise en scène et relève de la question esthétique, même si des premiers essais d’arc électrique ont eu lieu à la Concorde cinq ans avant. La presse de 1849 se focalise ainsi sur la dimension artistique alors que la polémique technico-politique était présente dans la presse de 1822 et des années justes antérieures.
Ill. 7 : Arc électrique sur la place de la Concorde, 1844.
D’autre part, ces deux cas permettent de saisir l’importance du langage scientifique nécessaire à la presse et aux utilisateurs pour décrire les équipements lumineux et les intensités lumineuses propres à chaque technique. En l’absence des unités de mesure de la lumière, la presse ne pouvait apprécier précisément et scientifiquement les jeux d’intensité lumineuse testés sur scène. Les premières unités arrivent à la fin du siècle avec le Carcel52, et c’est encore une unité basée sur la consommation d’huile d’une lampe populaire qui donne une idée approximative et qui ne rend pas compte de la luminescence produite. On voit par là que la maîtrise du langage musical n’est pas la seule exigence pour rendre compte d’un opéra au xixe siècle puisque la création lyrique est aussi une affaire de progrès scientifique et technologique.
(Université de Lyon – Université Lumière Lyon 2 – UMR 5317 IHRIM – ARC 5 région Auvergne-Rhône-Alpes)
Notes
1 Wolfgang Schivelbusch, La Nuit désenchantée, Paris, Éditions Le Promeneur, 1993, p. 30.
2 Les expériences de Lavoisier démontrent la participation de l’oxygène dans les combustions en renversant la théorie de Stahl qui suppose la présence du phlogistique comme une essence du feu qui s’échapperait pendant la combustion. Or certains métaux gagnent du poids pendant la combustion, ce qui renverse la théorie du phlogistique.
3 Bulletins de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Bruxelles, années 1832-1834, t. 1, M. Hayez, Imprimeur de l’Académie royale, Bruxelles 1836, p. 162
4 Wolfgang Schivelbuch, La Nuit désenchantée, op. cit., p. 35 : « Ce n’est qu’au milieu des années 1840 que l’éclairage au gaz fut suffisamment établi à Paris, pour jouir comme l’expriment les historiens locaux de la confiance du public. »
5 Martin Banham, The Cambridge Guide to Theatre, Cambridge University Press, 1995, p. 191.
6 Journal de l’Empire, 5 janvier 1810 : « Les chimistes ont trouvé moyen de tirer du charbon de terre une sorte de résine et de térébenthine ; le gaz carbonique, extrait de ce même minéral, doit bientôt servir à l’éclairage de la ville de Londres. »
7 Philippe Lebon baptise son invention au masculin dans son ouvrage : Thermolampes, ou poêles qui chauffent, éclairent avec économie… publié en 1801. L’appareil est ensuite désigné au masculin par tous les auteurs qui citent son appareil, entre autres Louis Figuier.
8 Journal des débats, 30 juillet 1818, p. 3.
9 Ibid.
10 Charles Nuitter, Le Nouvel Opéra, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1875, p. 216.
11 Voir Nicole Wild, Dictionnaire des théâtres parisiens au xixe siècle, Paris, Aux Amateurs de livres, 1989, p. 299.
12 D’après l’édition du livret d’Aladin, « opéra féerie en 5 actes », en 1822 (Paris, Roullet ou Ponthieu).
13 Le Constitutionnel, 19 juillet 1821, Nouvelles des théâtres, p. 4.
14 La Foudre : journal de la littérature, des spectacles et des arts, no 50, 1er février 1822, p. 66.
15 Ibid., no 54, 5 février 1822, p. 164.
16 Ibid., no 55, 6 février 1822, p. 186.
17 Ibid.
18 Ibid., p. 188.
19 Ibid.
20 Ibid., no 56, 7 février 1822, p. 215-216.
21 Ibid., no 58, 9 février 1822, p. 255. Type de lanterne rectangulaire très utilisée à cette époque associée souvent à un personnage de la culture populaire Jeannot, qui apparaît dans plusieurs comédies vaudevilles avec une lanterne à la main.
22 Le Miroir des spectacles, des lettres, des mœurs et des arts, 5 février 1822, p. 4.
23 Ibid., 6 février 1822, p. 2.
24 Ibid., 7 février 1822, p. 2.
25 Le Miroir, 11 février, p. 3.
26 Ibid.
27 Sur la mise en scène de la féerie au xixe siècle, voir l’ouvrage de Roxane Martin, La Féerie romantique sur les scènes parisiennes, 1791-1864, Paris, Champion, 2007.
28 Ibid.
29 Ibid.
30 Ibid.
31 Ibid.
32 Le Miroir, 17 février 1822, p. 2.
33 Ibid.
34 Ibid.
35 Ibid.
36 Ibid.
37 L’année suivante, en 1823, c’est l’Opéra-Comique qui se dote de l’éclairage au gaz ; les peintures de la salle sont restaurées en vue de recevoir l’éclat plus vif de la lumière mais aucune création spécifique ne vient « faire » événement. D’après Olivier Bara, Le Théâtre de l’Opéra-Comique sous la Restauration. Enquête autour d’un genre moyen, Hildesheim, Zürich, New York, Georg Olms Verlag, 2001, p. 22-23.
38 Le Miroir, 14 février 1822, p. 4.
39 Revue des deux mondes, Paris, Au bureau de la Revue des deux mondes, Paris, 1849, t. 2, p. 524.
40 La Presse, 16 avril 1849, Chronique musicale, p. 2. Repris dans Théophile Gautier, Œuvres complètes, Critique théâtrale, t. VIII, éd. Patrick Berthier, Paris, Champion, 2016, p. 204-205.
41 Ibid.
42 Ibid.
43 La Presse, 23 avril 1849, « Feuilleton » (repris dans Théophile Gautier, Critique théâtrale, op. cit., p. 207-221).
44 Ibid.
45 Sur la nécessité profonde des effets intégrés à la dramaturgie musicale de Scribe et Meyerbeer, voir Matthias Brzoska, « Wirkung mit Ursache. Idée esthétique et apparence du spectaculaire dans l’œuvre de Meyerbeer », dans Isabelle Moindrot, Olivier Goetz, Sylvie Humbert-Mougin (dir.), Le Spectaculaire dans les arts de la scène du romantisme à la Belle Époque, 2006, p. 84-93.
46 Revue des deux mondes, 1849, t. 2, article de Paul Scudo, p. 517.
47 Théodore du Moncel, Exposé des applications de l’électricité, t. 5 « Applications industrielles de l’électricité », E. Lacroix, Paris 1878, p. 579. En parlant des expériences publique de la lumière électrique, Th. du Moncel raconte que : « C’est encore au théâtre où cette lumière produit tout son effet, et depuis la pièce des Pommes de terre malades où elle apparut pour la première fois sur le théâtre en France, jusqu’aux opéras du Prophète, de Faust, de Hamlet, et aux ballets de la Filleule des fées de la source etc., on a pu comprendre quelles admirables ressources cette lumière mettait entre les mains du décorateur. »
48 Louis Figuier, Les Merveilles de la science, ou Description populaire des inventions modernes, t. 4 (partie Éclairage), Paris, Furne, Jouvet et Cie, 1870, p. 216.
49 Ibid.
50 William Tobin, Léon Foucault, James Lequeux (trad.), coll. « Sciences & Histoires », Paris, EDP Sciences, 2002, p. 112.
51 Le Constitutionnel, 18 avril 1849.
52 Ernest Cadiat, Lucien Dubost, Traité pratique de l’électricité industrielle, Librairie polytechnique, Baudry et Cie, Paris 1889, p. 38 : « La mesure de l’intensité lumineuse s’exprime ordinairement en fonction de la lampe Carcel. Cette lampe, dont l’emploi a été recommandé par le Congrès international des électriciens de 1881, brûle à l’heure 42 grammes d’huile de colza épurée. »