La Correspondance littéraire devant la réforme gluckiste à l’Académie royale de musique, ou les impasses d’un ut musica poesis erit
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FRANCE MARCHAL-NINOSQUE
Gluck a imposé l’idée du naturel et de la vérité dramatique comme nouveaux principes esthétiques qui pourraient désormais être utilement attachés aux formes opératiques, à l’occasion d’une réforme qui a contribué à fossoyer le merveilleux − épique ou naturel − si contesté depuis quelques années en France. Le compositeur avait entamé cette réforme à Vienne et en avait appliqué les théories à l’opera seria italien avant de le faire à Paris lors de son séjour de 1774 à 17791. Cette réforme est proche de la rénovation dramatique que défendait Diderot au moment de théoriser le troisième grand genre dramatique, plus tard connu sous le nom de drame bourgeois, en 1757-1758, militant pour un théâtre des conditions. C’est par le médium de la presse que le père du drame naturel et le père du drame lyrique, tous deux amateurs invétérés du jeu de l’acteur Garrick ou des odes de Klopstock, tous deux attachés à la valeur esthétique de l’expression et du naturel, se sont rencontrés.
Diderot a été le collaborateur fidèle d’une revue bimensuelle manuscrite, confidentielle en France2, surtout distribuée dans les cours du Nord et de l’Est de l’Europe3, la Correspondance littéraire, philosophique et critique4, que dirigea pendant de nombreuses années son ami Melchior Grimm, fortement engagé dans la querelle des Bouffons5. Grimm a convaincu l’encyclopédiste dégagé de ses lourdes charges éditoriales dans la décennie 1770, à confier à cette Correspondance littéraire de très nombreux articles, dont les comptes rendus de l’exposition bi-annuelle des artistes de l’Académie royale de peinture, connus sous le nom de Salons. Cette revue est l’organe militant d’un parti identifiable, le « parti encyclopédique ». Les encyclopédistes, les physiocrates6, les économistes7 ont audience dans la Correspondance littéraire.
Les collaborateurs, peu nombreux, de cette revue sont bien connus : il s’agit, outre de Diderot, de Jacques-Henri Meister, ministre zurichois en rupture de ban, ancien secrétaire de Grimm8 − qui prendra d’ailleurs sa succession à la tête de la revue de 1773 à 1813 où elle ne paraît plus que de manière mensuelle −, ou encore de Guillaume-Thomas Raynal9, « l’abbé du nouveau monde », qui osa la publication du brûlot anti-monarchiste le plus virulent de la fin du siècle, auquel a copieusement collaboré Diderot, l’Histoire des deux Indes. Pour être tout à fait exact, il convient de rappeler que Raynal avait fondé en 1747 les Nouvelles littéraires, destinées à la duchesse de Saxe-Gotha10, que lisait Grimm et dont il reprend l’idée et surtout la clientèle dès mai 1753, augmentant le petit nombre d’abonnés et diffusant sa revue par le courrier diplomatique11. Les rédacteurs de la Correspondance littéraire, philosophique et critique sont, dans les six années où Gluck compose à Paris, ceux de l’Histoire des deux Indes, ouvrage dont il est fait un compte rendu élogieux dans les numéros de l’année 1781, au moment de défendre Raynal contraint à l’exil pour avoir osé publier un des réquisitoires les plus brûlants contre les institutions de l’Ancien régime, partiellement à l’origine de la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen12 ». Le prudent et diplomate Grimm, qui abandonna ses amis devenus trop militants à son goût, s’était défait de la direction éditoriale de « sa » revue en 177313, laissant le champ libre à Meister, Diderot et Raynal qui en firent alors l’organe militant du parti encyclopédique. Ce qui frappe dans la Correspondance littéraire est en effet le ton homogène des articles et une commune défense des idéaux éclairés. Pour mieux situer le milieu littéraire et politique que fréquentaient les rédacteurs de la Correspondance littéraire, nous rappellerons qu’elle était copiée chez Mme de Vermenoux14, amante de Meister et amie de Mme Necker. La revue, parfois plagiée15, n’a été publiée sous forme d’imprimé qu’au xixe siècle, d’abord dans une édition posthume incomplète en 1804-1807, sous l’impulsion de La Harpe († 1803) (Paris, Migneret), ensuite dans une édition caviardée en 1812-1813 (Paris, Buisson), puis dans une nouvelle édition beaucoup plus complète en 1830-1831 (Paris, Furne) en 14 volumes, et enfin dans une édition complète en 1877-1882, en 16 volumes, dirigée par Maurice Tourneux à l’occasion de la réédition qu’il entreprenait des œuvres complètes de Diderot dans ces années chez Garnier Frères16.
Comment la Correspondance littéraire, toujours sévère quand il s’agit de l’Académie royale de musique, vitrine trop ostentatoire de la monarchie, et non moins sévère quand il s’agit de dénoncer le merveilleux d’un autre âge au nom de l’expression naturelle des passions, a-t-elle accueilli les opéras réformés de Gluck, Iphigénie en Aulide (1774), la version française d’Orphée et Eurydice (1774), la version française d’Alceste (1776), Armide (1777) sur le livret de Quinault, Iphigénie en Tauride (1779), succès incontesté, enfin Écho et Narcisse (1779), relatif échec qui engage Gluck à repartir à Vienne ? La réception de Gluck, de 1774 à 1779, est ici scrutée dans un organe de presse engagé qui plus d’une fois a laissé la place aux commentaires de Diderot sur les ouvrages d’Helvétius, sur la politique de Necker (son retour au pouvoir puis son départ en 1781), sur les publications du parti des physiocrates, sur la mort du chef de file du parti des économistes, Turgot (1781), sur la défense de Voltaire ou de Beaumarchais lors d’affaires retentissantes, dont sont reconnus le « sel » et le « génie17 ». Chambre de résonance des idées en vigueur dans le parti encyclopédique, ouverte aux Lumières et au libéralisme économique, on s’attend que la Correspondance littéraire soit un organe de propagande en faveur de la réforme gluckiste. Attente comblée, mais avec quelques nuances : sur les 16 volumes rassemblés par Maurice Tourneux, les 10e et 11e proposent des commentaires sur cette réforme et le raz de marée esthétique qui a mis en question le goût français au moment de la seconde querelle esthétique et politique qui a ébranlé l’opéra français18, querelle dont on peut dire qu’elle a été agencée en partie par les rédacteurs de cette revue politisée.
En avril 1774, la Correspondance littéraire se fait l’écho d’un remue-ménage à Paris : la musique de Gluck dans Iphigénie en Aulide19 est moins étudiée que saluée comme le moyen d’éveiller la conscience politique des Parisiens. Les commentaires des rédacteurs de la revue sont marqués au coin de la polémique, mais jamais soutenus par une analyse de la musique du compositeur. La querelle des gluckistes et des piccinnistes qui éclatera deux ans plus tard se prépare dans cet organe de presse dès avril 1774 dans la « fureur » des « partis » :
Depuis quinze jours, on ne pense, on ne rêve plus à Paris que musique. C’est le sujet de toutes nos disputes, de toutes nos conversations, l’âme de tous nos soupers ; et il paraîtrait même ridicule de pouvoir s’intéresser à autre chose. À une question de politique, on vous répond par un trait d’harmonie ; à une réflexion morale, par la ritournelle d’une ariette ; et si vous essayez de rappeler l’intérêt que produit telle pièce de Racine ou de Voltaire, pour toute réponse on vous fait remarquer l’effet de l’orchestre dans le beau récitatif d’Agamemnon. Est-il besoin de dire encore après cela que c’est l’Iphigénie de Monsieur le chevalier Gluck qui cause toute cette grande fermentation ? Elle est d’autant plus vive que les avis sont extrêmement partagés et que tous les partis sont animés de la même fureur. On en distingue surtout trois : celui de l’ancien opéra français qui a juré de ne point reconnaître d’autres dieux que Lully et Rameau ; celui de la musique purement italienne, qui ne veut croire qu’au chant des Jomelli, des Piccinni, des Sacchini ; enfin celui du chevalier Gluck, qui prétend avoir trouvé la musique la plus propre à l’action théâtrale, une musique dont les principes ne sont puisés que dans la source éternelle de l’harmonie et dans le rapport intime de nos sentiments et de nos sensations ; une musique qui n’appartient à aucun pays mais dont le génie du compositeur a su adapter le style à l’idiome particulier de notre langue. Ce parti se glorifie déjà d’une illustre conversion. Jean-Jacques est devenu le plus zélé partisan du nouveau système. Il a déclaré, avec ce renoncement à soi-même si peu connu de nos sages, qu’il s’était trompé jusqu’à présent, que l’opéra de Monsieur Gluck renversait toutes ses idées […]20.
C’est bien à un réchauffé de la querelle des Coins que la venue de Gluck à Paris ressemble d’abord21, sorte de lutte cristallisée entre le parti encyclopédique et le parti dévot, cette venue ayant été stratégiquement préparée par des lettres de Du Roullet (octobre 1772) et de Gluck lui-même (février 1773) publiées dans le Mercure de France22 : on retrouve le même ton de polémique, les mêmes acteurs en présence, y compris Rousseau, placé malgré lui par les rédacteurs de la Correspondance littéraire au cœur de la seconde querelle comme il le fut pour la première23. D’emblée, les commentateurs de la réforme qu’ils rêvent « révolution » ne comprennent pas les intentions de Gluck qui désirait plutôt trouver une forme opératique conciliant (ou réconciliant) les opéras français et italiens comme il s’en ouvrait en 1756 dans sa Lettre sur le mécanisme de l’opéra italien24. Mais l’esprit polémique seul motive les rédacteurs de la Correspondance littéraire. Un peu plus loin, ils récapitulent les reproches que les deux premiers partis font au troisième. Le parti de la musique italienne reconnaît à Gluck « l’harmonie », mais le taxe de « monotonie » dans les « accompagnements » et de « lourdeur » dans le « récitatif ». Le parti de la musique française, irrévérencieusement appelé « les vieux piliers de l’opéra français », reproche à Gluck « l’insipidité » de ses ballets, alors qu’il s’agit là de « la gloire et des délices de ce spectacle25 ». Feignant l’objectivité, les rédacteurs de la Correspondance littéraire égratignent les vieilles écoles et encensent le réformateur :
Quelque opposés que paraissent tous ces jugements, ils s’accordent du moins, ce me semble, à prouver que M. Gluck est éloigné des routes connues et qu’il a ouvert aux artistes une carrière toute nouvelle ; c’est une entreprise qu’on ne tente guère sans y être déterminé par l’ascendant d’un génie supérieur26.
L’épithète est glorieuse. Lors de la première représentation, Mlle Arnould créait avantageusement le rôle principal. La basse-taille Larrivée était aussi saluée pour son interprétation du rôle d’Agamemnon, tandis que la haute-contre Joseph Le Gros27 était conspuée, parce que sa tessiture spécifique incarnait trop l’opéra français. Les rédacteurs de la Correspondance littéraire,si ardents àproclamer le changement radical de cet opéra, semblaient désirer jusqu’à une réforme des voix qui le représentaient. Cette première œuvre réformée suscite l’intérêt des commentateurs, 119 lignes pour cet article dans sa version imprimée contre 65 lignes seulement pour la mort de Louis XV, quelques pages plus loin. Le glas semble avoir sonné plus pour l’opéra français que pour le monarque en 1774.
Au mois d’août de la même année, Gluck donne Orphée et Eurydice, version française28 de son opéra de 1762 qui avait emporté l’adhésion à Vienne puis à Parme et qui passait pour son premier grand ouvrage réformant l’opera seria italien. Les commentaires des rédacteurs de la Correspondance littéraire ont la même teneur politique et la même nature polémique, car décrier l’opéra français au nom d’une réforme des genres est bien une façon de se réclamer d’idées neuves. Dans cet article, la dénomination de « drame », toute récente dans l’opéra français, est glorieusement mise en avant comme pour légitimer la réforme que Diderot venait d’apporter au théâtre français une quinzaine d’années plus tôt. En effet, si on excepte le « drame héroïque » d’Isménor représenté à Versailles en novembre 1773 (musique de Rodolphe, livret de Desfontaines) et le ballet drame-pantomime de Vestris en 1773 Endymion, c’est avec Gluck que les opéras ont pris la dénomination générique de « drames », drame héroïque pour Orphée et Eurydice en août 1774, drame lyrique pour Écho et Narcisse en septembre 1779. À la suite de Gluck, avec Piccinni29, Edelmann30, la dénomination perdure.
L’Académie royale de musique, après nous avoir ennuyés longtemps du Carnaval du Parnasse, nous a donné enfin, le mardi 2, la première représentation d’Orphée et Eurydice, drame en 3 actes. M. de Moline, l’auteur des paroles, a sans doute abusé de la permission qu’on peut avoir d’être médiocre lorsqu’on s’engage à traduire littéralement un poème, et à mettre des vers français sur une musique tout italienne. Mais il y aurait de l’ingratitude à ne pas lui savoir gré de son travail, puisque, tel qu’il est, nous lui devons le plaisir d’entendre la musique la plus sublime que l’on ait peut-être jamais exécutée en France. […] Le transport avec lequel il vient d’être reçu sur notre théâtre, malgré la vieille cabale des Lully et des Rameau, prouve le progrès que ce célèbre compositeur [Gluck] a déjà fait faire au goût de la nation ; il prouve qu’on ne doit plus désespérer de nos oreilles et qu’à force de patience et de génie, on triomphe quelquefois des préjugés les plus respectables31.
Chef-d’œuvre « d’harmonie et d’expression », cet opéra de Gluck est vanté notamment pour ses parties chorales. Quant aux interprètes, les mêmes Mlles Arnould et Le Gros, l’une semble démériter un peu tandis que l’autre au contraire recueille tous les suffrages. Pourquoi vanter à présent la haute-contre ? Parce que précisément, Le Gros abandonne cette tessiture désuète, selon les rédacteurs de la revue, ce qu’ils soulignent comme étant une victoire de la réforme gluckiste, appelée à transformer jusqu’aux voix traditionnelles de l’opéra français ; il faut même selon eux « regarder sa métamorphose comme un des premiers miracles qu’ait produit l’art enchanteur de Monsieur Gluck32 ». Cette revue militante a dans l’année 1774 accueilli avec ferveur la réforme de Gluck, qui permettait de dépoussiérer l’opéra français et de relancer une querelle musicale pour derechef croiser le fer avec les partisans de l’ancien Coin du roi, au mépris de toute analyse authentique33.
En 1775 et 1776, deux années qui laissent beaucoup de place dans la revue à la réception des ouvrages de Condillac ou de Necker, du médecin Bordeu, ami de Diderot, aux faits et gestes du couple Choiseul, à la mort de Mlle de Lespinasse34, Gluck reçoit de nouveau force éloges. En janvier 1775, à la reprise d’Iphigénie en Aulide, les rédacteurs de la revue signalent encore le déchirement dans le public dont ils se font en apparence l’écho impartial ; un lecteur assidu de cette revue ne saurait être dupe longtemps de telles protestations d’impartialité, surtout après avoir lu les éloges immodérés dont le compositeur était l’objet l’année précédente :
L’Académie royale de musique vient de reprendre l’Iphigénie de M. Gluck. Quoique cette reprise soit suivie avec beaucoup d’empressement, on est encore aujourd’hui, ce me semble, aussi peu d’accord sur le mérite de ce nouveau genre de musique qu’on l’était lorsqu’il parut la première fois. Les enthousiastes de Sacchini et de Piccinni n’y trouvent que du bruit et des idées baroques, sans goût, sans génie et même sans expression. Ils lui reprochent surtout d’avoir écrit une tragédie aussi déchirante qu’Iphigénie, en style pastoral, quelque fois même en style de guinguette. Pour mettre le comble à leurs blasphèmes, ils ne craignent pas de dire que ce qu’on veut bien appeler un genre nouveau, n’est qu’un réchauffé du système de Lully, avec moins de noblesse, moins de grâce et moins de variété qu’on en trouve dans les bons ouvrages de cet ancien compositeur. Les partisans du chevalier Gluck prétendent au contraire qu’il est le premier qui ait saisi le vrai caractère de la musique dramatique, et que personne n’a jamais su tirer de plus grands effets des moyens les plus simples et mêler plus d’harmonie à plus d’expression35.
Quelques semaines plus tard, en mai 1775, Grétry et Marmontel sont conspués pour Céphale et Procris, donné deux ans plus tôt à la cour et dont le commentaire accable les auteurs en moins de 18 lignes. Rien n’en est dit qui soit sévère critique, le coup de grâce étant porté par la comparaison avec Gluck, digne de l’Opéra tandis que Grétry ne serait bon qu’aux scènes subalternes, notamment celle de l’Opéra-Comique36. L’échec est tel que l’Académie royale de musique doit reprendre Gluck pour faire entrer des recettes, dès le mois de juin37.
Autant la Correspondance littéraire est prolixe pour tout ce qui se passe sur la scène de la Comédie-Française et sur celle de la Comédie-Italienne, autant elle n’accorde en général que quelques lignes désinvoltes aux opéras représentés sur la première scène lyrique de France. Seules les productions de Gluck stimulent de copieux comptes rendus, même en août 1775, pour un ballet – pourtant sans succès – mis en musique par le compositeur38.
Cythère assiégée, ballet en trois actes, a été représenté pour la première fois par l’Académie royale de musique le 1er août. Le poème est de M. Favart, la musique est de M. le chevalier Gluck.
Les paroles de cet opéra sont connues. Il fut fait anciennement par la troupe attachée à M. le maréchal de Saxe, pour cette troupe qui lui faisait dire « que son armée lui coûtait moins à conduire que sa comédie à diriger39 », et c’est, si je ne me trompe, dans une des dernières campagnes de Flandre qu’il fut donné la première fois à l’occasion d’une fête militaire40. Le ton en est un peu libre, quoiqu’infiniment châtié dans la nouvelle édition ; la dignité de l’Académie royale en a été blessée. Ce qui a scandalisé plus sérieusement les gens de goût, c’est le peu de rapport qu’il y a entre ces paroles et la musique qu’on a prétendu y adapter. Le poème de M. Favart, rempli de petits mots et de petites grâces, demandait une musique fine, légère et piquante. La composition de M. Gluck, d’une facture beaucoup trop forte pour ce genre, a paru lourde et négligée, son chant monotone et commun41.
Si Gluck doit tomber, ce compositeur uniquement fait pour le haut genre, c’est avec les honneurs et les excuses dus à son rang de réformateur au service de la contestation. Mais bientôt, le panégyrique laisse la place à des propos plus nuancés, voire désabusés, et la réforme, parce qu’elle met en péril en fin de compte le goût français, semble devenir encombrante, même à ses apologistes les plus militants.
L’année 1776 est chargée : elle voit dès janvier la faillite de l’Académie royale de musique mise sous la tutelle des intendants et trésoriers des Menus-Plaisirs (elle ne sera plus sous la tutelle de la ville de Paris, mais sous celle d’un particulier, M. de Visme, en mai 1778) ; la polémique lancée par un librettiste de Gluck, le bailli Du Roullet, dans sa Lettre sur les drames-opéras où il fait de l’opéra un genre dramatique noble et rare42 ; le succès du ballet de Médée43 qui est moins évoqué pour lui-même que saisi pour offrir l’occasion aux rédacteurs de rappeler la conception esthétique des arts mimétiques selon Diderot qui faisait de la danse l’un des plus expressifs d’entre eux, le geste étant aussi « naturel que le son » ; et surtout, en avril, la représentation d’Alceste, où Gluck s’était servi d’un poème de Calzabigi revu par Du Roullet, opéra superbement interprété par Mlle Levasseur. Les rédacteurs de la Correspondance littéraire continuent à être sans concession dans leur critique de Du Roullet et sans nuance dans les éloges qu’ils décernent à Gluck. Mais dans le même temps, la revue se fait l’écho des « avis partagés » sur la musique de ce nouvel opéra, affichant toujours une objectivité de façade44 mais commençant à admettre la contradiction :
On préfère généralement [la musique] d’Iphigénie et d’Orphée. Les partisans de M. Gluck prétendent que c’est l’imbécillité de nos oreilles qui en est cause ; ceux de l’ancien opéra se plaignent, et peut-être n’est-ce pas sans quelque raison, que, sous le prétexte de perfectionner notre musique, on se permet de corrompre notre langue, dont il semble que l’on méconnaisse entièrement le caractère et la prosodie. Les oreilles accoutumées aux accents mélodieux des Sacchini, des Traetta, des Piccinni, conviennent qu’il y a, dans la composition de M. Gluck, de grands et beaux morceaux d’harmonie ; mais son chant leur paraît triste et monotone, barbare ou commun. Nous ne déciderons point de si fameuses querelles ; mais il nous paraît difficile de faire une musique bien variée sur un poème où les mêmes situations, les mêmes mouvements reviennent sans cesse, où le chœur est continuellement sur la scène pour redire les mêmes choses et pour psalmodier éternellement sur le ton le plus funeste et le plus lugubre45.
Une fois encore, Gluck est dédouané du relatif échec au détriment de son librettiste. Tout en passant à côté de la révolution chorale qu’a apportée le compositeur dans la tradition lyrique, les rédacteurs de la revue ne signalent plus le « génie supérieur » de Gluck. Pourquoi un tel revirement ? C’est que commence officiellement la querelle des gluckistes et des piccinnistes46 qui introduit le ver dans le fruit du parti philosophique, occasionnant la brouille irréductible de Marmontel et d’Arnaud, deux « philosophes », deux académiciens, tous deux amis des rédacteurs. Une feuille de l’abbé Arnaud, La Soirée perdue à l’Opéra, véritable panégyrique de Gluck et de la déclamation lyrique, est publiée en mai 1776. Les rédacteurs de la Correspondance littéraire rétorquent à l’abbé Arnaud, pourtant issu de leurs rangs. Quoique tenaillés par le désir de faire la promotion de la réforme dramatique appelée par les vœux de Diderot et de Gluck, les rédacteurs de la Correspondance littéraire préfèrent finalement rester fidèles à un certain classicisme, où continuent à dominer les notions de goût, de grand, de sublime ou de charme. Ils entrent avec conviction dans l’offensive politique mais n’ont pas les compétences pour animer le débat musical : il n’est nulle part fait mention du style musical nouveau, de la richesse de l’écriture orchestrale de Gluck, de son art monumental et populaire. Il faut reconnaître aussi qu’en l’absence de Grimm, seul Diderot parmi les trois rédacteurs avait quelques compétences musicales47 : ce sont des philosophes et des littérateurs qui parlent de musique, mais la connaissent bien moins que Rousseau quand il se réclamait de ce principe48.
Ces rédacteurs ont été obsédés par un hypothétique Ut musica poesis erit, dans la bonne intention de valoriser la musique et le métier de musicien jusqu’ici décriés, mais en la privant de son autonomie et voulant en faire absolument un art mimétique (Chabanon est un des rares théoriciens à tenter de battre en brèche une telle position49). S’ils rentrent dans la querelle, c’est pour poser l’enjeu d’un débat esthétique qui a bien eu lieu au xviiie siècle, lancé entre autres par Chastellux50 : donner ses lettres de noblesse au genre musical, en le plaçant parmi les genres mimétiques, mais en le privant paradoxalement de son autonomie et l’évaluant immanquablement à l’aune du littéraire51. Le passage de l’imitation à l’expression ne s’est pas fait sans heurt. On retrouve les mêmes impasses qui ont renvoyé dos à dos dès l’époque d’Horace les deux arts mimétiques que sont la poésie et la peinture. Finalement, dans cette évaluation du musical par les catégories poétiques, Gluck perd toutes ses prérogatives de compositeur et devient un agenceur de drame. L’heure des thuriféraires est passée comme est passé le temps de vanter les réformes. Battre en brèche l’Ancien régime en vantant un compositeur qui vient réformer l’opéra français est une chose ; mais continuer à vanter une réforme qui met à plat les principes esthétiques du classicisme et du goût qui le soutient en est une autre. Au moment où éclate vraiment la querelle musicale qu’ils ont tant contribué à agiter, les rédacteurs de la Correspondance littéraire refusent finalement d’entrer en lice :
En partant de ce principe, on aurait pu observer que ce n’est pas assez d’avoir l’intelligence du théâtre et des grands mouvements de la scène, qu’il faut encore donner quelque attention aux détails, les écrire avec soin et en varier le plus possible la forme et l’expression ; qu’il en est du style dans la musique comme dans la poésie ; que ce style, adapté aux sentiments et aux idées, en fait le charme ; qu’il en est un propre à chaque genre, dont il est essentiel de saisir le ton ; qu’enfin que c’est surtout par ce talent du style que le grand artiste et le grand poète se distinguent de l’homme vulgaire, que Racine est supérieur à Pradon et Sacchini à Dezède. Lorsque l’art est parvenu à un certain degré de perfection, il ne suffit plus d’imaginer quelques combinaisons d’un grand effet, il faut que l’ensemble de l’ouvrage nous enchante et nous attache, il faut savoir déchirer le cœur sans blesser l’oreille et le goût. Si quelques cris devaient seuls décider du prix d’un ouvrage dramatique, il n’est peut-être aucune pièce de M. Sedaine qui ne dût l’emporter sur tous les chefs d’œuvre de Voltaire et de Racine. Pourquoi ne pas suivre, en appréciant les talents des musiciens, la même logique que l’on suivrait infailliblement si l’on voulait apprécier ceux du poète ? On ne demande point à M. Gluck des cadences, des ports de voix, des roulades et tous ces petits agréments que le bon goût dédaigne ; mais on se plaint de ce qu’il ne développe pas assez ses idées, de ce qu’il ne soutient pas et qu’il ne varie point assez ses modulations ; on se plaint de ce qu’il confond souvent des genres tout à fait opposés ; on lui reproche enfin de manquer d’élégance, de noblesse et de donner à notre langue un accent tout à fait tudesque et sauvage52.
Il semblerait que, passé l’enthousiasme des journalistes militants devant une réforme qui imposait à l’opéra français, né de l’Ancien régime, de se repenser, ne reste que le désenchantement. Une autre querelle couve à l’Opéra en août 177653 : Pierre Gardel prétend à la succession de Maximilien Gardel comme maître des ballets, que brigue aussi Noverre, qualifié d’étranger, tout comme Gluck. Cette querelle-là pourrait paraître anecdotique, si elle ne mettait au jour le cœur du problème devant lequel sont confrontés les rédacteurs de la revue : ce qui se joue, passé l’enthousiasme polémique, c’est la défense du goût français, en musique comme en danse, contre les attaques et nouveautés qui sont venues par deux fois de Vienne et arrivées ensuite en France par le biais de « l’Autrichienne ». Un long compte rendu est donné d’Appelle et Campaspe, ballet fort attendu de Noverre, commentaire qui marque un repli identitaire du côté de ce qui est purement français et non réformé ; en janvier 1777, le ballet Les Horaces de Noverre est mal accueilli54. Il semble que les rédacteurs de la Correspondance littéraire aient fait au tournant des années 1776 et 1777 une volte-face radicale dans leur critique de la réforme (celle de Gluck pour l’opéra que double celle de Noverre pour la danse) à un moment où ils ont compris que les polémiques dans lesquelles ils avaient délicieusement trempé battaient en brèche le goût français. L’enthousiasme des années 1774 et 1775 a laissé la place à un relatif désenchantement en 1776, puis à la défiance en 1777, voire à un repli nationaliste.
En février 1777, les journalistes ironisent : « L’Académie royale de musique, pour varier, continue tour à tour de nous donner Iphigénie, Orphée, Alceste et le Devin du village. Le sieur Noverre vient d’y adjoindre un nouveau ballet55 ». Raccourci terrible mais où ne figurent que des réformateurs et des étrangers qui finalement ne recueillent plus les mêmes suffrages depuis qu’on a compris que leurs réformes portent atteinte au goût français, depuis aussi que Marie-Antoinette commence ouvertement à être le sujet de diatribes dans des chansons multipliées à l’été 177756. En mai, alors que la France se replie sur un nationalisme esthétique, le point est enfin fait par les rédacteurs sur la « grande Querelle qui vient de s’élever entre les Gluckistes et les Piccinistes et qui divise aujourd’hui toutes les puissances de notre littérature », prise de position qui ne tourne plus à l’avantage exclusif de Gluck. Lucides sur leur incapacité à juger de musique et sur les impasses d’un Ut musica poesis erit, les rédacteurs bottent en touche : rien ne sert de juger d’opéra si l’opéra n’est qu’un livret :
Il y a plus de trois ans que M. le chevalier Gluck jouit en paix de l’honneur suprême d’occuper presque seul le théâtre de l’Académie royale de musique. Quelques essais hasardés pour varier un peu l’uniformité de ce spectacle ont eu si peu de succès, qu’on peut bien dire qu’ils n’ont servi qu’à orner le triomphe du nouvel Orphée. Il est vrai que sa musique ayant été annoncée comme un nouveau genre, elle éprouva d’abord quelques persécutions. […] Cependant l’étoile du chevalier Gluck l’emporta bientôt sur tous ses ennemis. Quelque puissante que soit encore de nos jours la secte sempiternelle des Ramistes et des Lullistes, leur cabale étonnée fléchit, ou garda du moins le silence. […] Grace aux talents de M. Gluck et de ses prôneurs, la direction de l’Opéra prospérait. Si la musique purement italienne conservait encore ses partisans, ils étaient en petit nombre, et ne gémissaient qu’en secret sur des succès trop éclatants pour ne pas reculer de plusieurs années le progrès de ce goût qu’ils osent appeler exclusivement le bon goût en musique. « Savez-vous, disaient-ils tout bas, pourquoi les opéras du chevalier Gluck ont fait tant de fortune en France ? C’est qu’à l’exception de deux ou trois airs qui sont dans la forme italienne, et quelques récitatifs d’un caractère absolument barbare, sa musique est de la musique française, aussi française qu’il s’en soit jamais fait, mais d’un chant moins naturel que Lully et moins pur que Rameau ; c’est que le chevalier Gluck a sacrifié toutes les ressources et toutes les beautés de son art à l’effet théâtral, ce qui devait plaire infiniment à une nation qui ne se connaîtra peut-être jamais en mélodie, mais qui a le goût le plus exquis pour tout ce qui tient aux convenances dramatiques. […] et voilà comment nous aimons la musique en France. »
Telle était la disposition des esprits lorsque M. Piccinni vint à Paris sous la protection de M. l’ambassadeur de Naples. Il y avait été précédé depuis longtemps par la réputation la plus méritée. […] nos plus célèbres artistes, nos plus grands virtuoses s’empressèrent à lui rendre hommage. […] C’est alors que le parti des Gluckistes frémit, et que celui des Sacchini, des Piccinni, des Traetta, reprit un peu courage57.
Avec l’arrivée de Piccinni, soutenu par la reine et qui choisit pour librettiste Marmontel, ouvert aux Lumières, c’est le début officiel de la Querelle, musicale et esthétique, des gluckistes et des piccinnistes. Or cette querelle est beaucoup plus gênante pour les partisans éclairés que ne l’a été celle des Bouffons. En effet, ce sont deux tendances du même parti encyclopédique qui finalement se déchirent (on n’est plus dans le schéma des philosophes s’opposant au clan dévot). La querelle devient même intolérable quand elle met aux prises deux académiciens, deux auteurs ouverts aux Lumières, affichant les divisions du parti philosophique au lieu de le montrer uni : l’abbé Arnaud et Marmontel animent les clans de Gluck et de Piccinni, rejoints respectivement par Suard et La Harpe58, les deux compositeurs se défiant avec un opéra sur un même sujet (celui des amours de Roland qui deviennent Armide59 pour Gluck et Roland60 pour Piccinni). La querelle perd de son intérêt esthétique pour les rédacteurs de la Correspondance littéraire qui n’y voient plus qu’une querelle ad hominem qu’ils déplorent : « deux confrères, deux membres de l’Académie française, deux encyclopédistes ! Ô philosophie, quel scandale61 ! » Plus loin, ils préfèrent employer un ton héroï-comique pour évoquer l’« incendie » qui brûle la maison philosophique. La distance qu’implique le ton héroï-comique était sans doute la seule solution après la trop forte adhésion dont avaient fait preuve les rédacteurs.
Depuis ce moment fatal, la discorde s’est emparée de tous les esprits, elle a jeté le trouble dans toutes nos académies, dans nos cafés, dans toutes nos sociétés littéraires. Les gens qui se cherchaient le plus se fuient ; les dîners mêmes, qui conciliaient si heureusement toutes sortes d’esprits et de caractères, ne respirent plus que la contrainte et la défiance ; les bureaux d’esprit les plus brillants, les plus nombreux jadis, à présent sont à moitié déserts. On ne demande plus : est-il janséniste, est-il moliniste, philosophe ou dévot ? On demande : est-il gluckiste ou piccinniste ? […]
Le parti de Gluck a pour lui l’enthousiasme éloquent de M. l’abbé Arnaud, l’esprit adroit de M. Suard, l’impertinence du bailli Du Roullet, et sur toutes choses un bruit d’orchestre, qui doit nécessairement avoir le dessus dans toutes les disputes du monde, et qui doit l’emporter encore plus sûrement au tribunal dont les juges sont accusés, comme on sait depuis longtemps, d’avoir l’ouïe fort dure.
Le parti piccinniste n’a guère pour lui que de la raison, de la musique enchanteresse […] et le zèle de M. Marmontel62.
En septembre 1777, au moment de la représentation d’Armide de Gluck, la Querelle bat son plein. Néanmoins les morts de Mme Geoffrin et Mlle de Lespinasse, la fermeture de leurs salons, lieu de rendez-vous des Physiocrates, des Économistes et des Encyclopédistes, les éloges qui leur sont rendus par leurs commensaux, rédacteurs de la revue, permettent en octobre de laisser reposer la Querelle musicale. Ce n’est qu’en décembre 1777 que les rédacteurs analysent enfin Armide de Gluck : « L’Armide de M. le chevalier Gluck, dont les premières représentations furent si mal accueillies, occupe encore avec assez de succès les grands jours de l’ARM63. » Puis vient une critique de la composition interne de l’opéra, en reconnaissant la qualité et l’effet des chœurs, même si le fait de passer par plusieurs sentiments ou passions à la fois est une entorse à la dramaturgie classique. Quant aux commentaires du Roland de Piccinni, ils sont copieux et rien n’est tu des scandales à répétition dont cet opéra fait l’objet. En effet, les répétitions de Roland semblent avoir été sous haute tension et la Correspondance littéraire de février ne manque pas de souligner l’inaptitude des interprètes à s’adapter à la nouvelle musique64.
Le parti des Gluckistes s’obstine à dire que c’est une musique de concert charmante et rien de plus ; qu’elle flatte l’oreille, mais ne touche point l’âme ; qu’elle est faite pour plaire, mais qu’elle n’excitera jamais cet enthousiasme, ces transports brûlants que leur fait éprouver la sublime mélodie d’Alceste et d’Orphée.
Les faibles, mais vénérables restes du parti qui maintient encore la gloire de l’ancien opéra, en maudissant la main sacrilège qui osa toucher aux chefs-d’œuvre de Quinault, reconnaissent de bonne foi qu’il y a dans la musique de Roland d’assez jolies choses ; mais ces beautés du petit genre leur paraissent indignes de la majesté de l’Opéra. Cela ne répond point à l’idée qu’ils se sont faite de la grandeur de ce spectacle, cela ne remplit point leurs oreilles comme de coutume ; ils se croient transportés sur les tréteaux de la Foire ou sur le théâtre de la Comédie-Italienne65.
Piccinni semble avoir manqué le « génie » français, le grand goût, le haut style. Pourtant Mlle Levasseur (plus tard remplacée par son double Mlle La Guerre) et M. Larrivée avaient bien servi la distribution. Plus tard, en avril 1778, la revue admet que l’ouvrage fait recette et que finalement, ce qui doit attacher dans un opéra est plus le plaisir des sens que celui de l’esprit. La concession pourrait sembler anecdotique, si elle ne permettait de sortir enfin de l’impasse du Ut musica poesis erit :
Convenons encore que le premier plaisir qu’on doit chercher au théâtre de l’Opéra est celui de l’oreille et des yeux, et non pas cet attendrissement, cette émotion soutenue que la tragédie seule peut nous donner, comme susceptibles de plus grands intérêts, de développements plus étendus et plus gradués, en un mot une imitation plus touchante, plus naturelle et plus vraie66.
Ce qui vient de se jouer ici est la séparation des plaisirs relevant de deux esthétiques différentes, que peuvent procurer tragédie et tragédie lyrique, l’un étant du côté d’un plaisir « classique » (le plaisir intellectuel de la reconnaissance) et l’autre étant du côté d’un plaisir plutôt « baroque » (le plaisir des sens, soutenu par l’esthétique de la surprise).
La Correspondance littéraire cesse en 1778 de parler opéra et musique, la querelle étant finalement trop encombrante, fruit de divisions internes, et le Ut musica poesis erit ayant révélé ses impasses. Il y a plus important à relater en 1778 pour nos partisans philosophes, notamment le dernier voyage de Voltaire à Paris longuement commenté, les paris sur sa conversion auxquels se livrent les Parisiens, alimentés par la gloriole des prêtres qui voudraient recueillir ses derniers sacrements, sa réception à la Comédie-Française, à l’Académie française ou dans la loge des Neuf Sœurs, ses poses devant Houdon. Les moindres faits et gestes de la « divinité », de l’« illustre vieillard67 » sont épiés et permettent aux rédacteurs de la revue d’oublier pour quelque temps la querelle. Les morts de Voltaire et de Rousseau concentrent dans la suite de l’année tous les commentaires. La Correspondances littéraire en profite pour faire le rappel des mérites du « parti philosophique68 », né de Voltaire mais qui lui survit, dans un dithyrambe à la gloire des idées modernes, profitant de l’occasion pour conspuer Rousseau qui le premier a introduit la dissidence dans la belle harmonie des philosophes, puis pour avouer que le Système de la nature de d’Holbach a discrédité ce parti, qu’il a perdu beaucoup en perdant les salons de Mme Geoffrin, de Trudaine et de Mlle de Lespinase. Le croirons-nous, ce parti qui se lamente sur ses divisions internes et qui finalement se voit sans avenir après la mort de Voltaire, achève ce tableau des forces et des divisions internes sur la querelle dans la querelle, celle d’Arnaud et de Marmontel à l’intérieur de la querelle des gluckistes et des piccinistes :
Le patriarche de la philosophie, appuyé sur cinquante ans de travaux et de succès, recevait les hommages de la France et de l’Europe entière. Du fond de sa retraite, devenue pour ainsi dire l’objet d’un nouveau culte, son génie se faisait entendre des rois et des nations. La faveur et l’admiration publique lui avaient érigé un tribunal où l’innocence et l’humanité opprimées venaient demander justice de tous les tribunaux du monde. Il fit triompher plus d’une fois la justice et la raison qui auraient succombé sans son appui. […]
Les persécutions auxquelles ce parti fut d’abord en butte ne firent qu’augmenter encore sa force et sa célébrité. […]
Enfin, la querelle survenue entre les Piccinistes et les Gluckistes, querelle dont l’éclat a été si scandaleux sans aucun objet qui pût l’excuser, querelle qui a divisé sans aucun espoir de retour et l’Académie et toutes les sociétés qui en dépendent ; une semblable querelle ne suffirait-elle pas seule pour avilir et la philosophie et les lettres aux yeux d’une nation toujours prête à saisir le ridicule et de ceux qui la gouvernent et de ceux qui voudraient l’éclairer et l’instruire69 ?
Reste l’année 1779, qui voit Gluck donner une très attendue et très applaudie Iphigénie en Tauride le mardi 18 mai, sur un livret de Guillard qui reprenait la tragédie à succès de 1757 de Guimond de La Touche.
S’il faut en croire les Gluckistes, tous les trésors de l’harmonie et de la mélodie, tous les secrets de la musique dramatique ont été épuisés dans cet ouvrage ; c’est la vraie mélopée antique, enrichie de tous les progrès que l’art a pu faire de nos jours. Si vous écoutez les Piccinistes, cette musique, qui transporta tout Paris, n’est que de la musique française renforcée ; le peu de chant qu’on y trouve est monotone et commun, et le rythme en est généralement vicieux. […] Cette musique ne charme point l’oreille, mais elle ne ralentit presque jamais l’effet de la scène : elle peint plus souvent les mots que la situation70.
Le commentaire ne juge Gluck que comme dramaturge, une fois encore. Ses opéras qui ont d’abord été des drames, puis des tragédies, sont pour un peu devenus tragédies grecques. Mlle Levasseur incarnait le rôle-titre, mais donnant beaucoup de sa personne jusqu’à cracher du sang, elle dut cesser ses interprétations et à l’affiche furent proposés en remplacement Roland de Piccinni et La Reine de Golconde de Monsigny : « mais la terrible pantomime d’Oreste et les cris déchirants d’Iphigénie qu’on nous donne pour de la musique grecque l’ont emporté hautement sur les grâces frivoles, et de la danse française et de la mélodie italienne71 ». Quand Écho et Narcisse est représenté, le24 septembre 1779, sur le livret de Tschudi72, l’échec est aussi retentissant que l’a été le succès d’Iphigénie. Les commentaires soulignent les auto-emprunts de Gluck73 et signalent la fin d’un règne.
La musique d’Écho et Narcisse a été jugée plus sévèrement que toutes les compositions du même auteur, mais peut-être ne l’a-t-elle été ainsi que pour n’avoir pas été soutenue comme les autres par la marche rapide d’une action pathétique ou par l’appareil imposant d’un grand spectacle. Les artistes y ont vu, comme dans tous les opéras de Gluck, des chœurs d’une belle harmonie, des phrases de récitatif originales, une distribution d’orchestre très savante, mais un chant dépourvu de grâce, des airs pauvres ou communs. Rien ne ressemble plus aux fureurs d’Oreste que celle de Narcisse, et les messes pour la mort d’Écho ne diffèrent pas infiniment de celles que nous avons entendues pour la mort d’Alceste74.
Il semblerait qu’une révolution ne puisse s’installer dans la durée. Il est temps pour le réformateur désormais en pantoufle de quitter Paris. La querelle cesse d’alimenter les articles de la Correspondance littéraire et quitte la scène sur la pointe des souliers des danseurs de l’Amadis de Gaule de Bach75 et sur la pointe d’un dernier article, inachevé, des rédacteurs :
L’Amadis de M. Bach, désiré depuis si longtemps pour renouveler la guerre entre les Gluckistes et les Piccinnistes, ou pour les mettre enfin d’accord, a paru pour la première fois ce mardi 14 [décembre 1779], et n’a point rempli notre attente. Le style de M. Bach est d’une harmonie pure et soutenue ; son orchestre a de la richesse et de la grâce ; mais s’il est toujours assez bien, il n’est jamais mieux ; et l’on ne peut dissimuler que […] l’ensemble de sa composition manque de chaleur et d’effet. Les Gluckistes ont trouvé qu’il n’avait ni l’originalité de Gluck ni ses sublimes élans ; les Piccinistes, que son chant n’avait ni le charme ni la variété de la mélodie de Piccinni, et les Lullistes et les Ramistes, grands faiseurs de pointe, ont décidé qu’il nous fallait un pont à l’Opéra, qu’on n’y passerait point le bac, etc.76.
« Etc. » : ou voilà comment meurt une révolution !
(France Marchal-Ninosque – Université de Bourgogne-Franche-Comté – EA 4661 Elliadd – Équipe « Centre Jacques-Petit »)
Notes
1 Voir Timothée Picard, Gluck, Arles, Actes Sud, coll. « Classica », 2007 ; voir aussi Michel Noiray, « Gluck » dans Encyclopedia Universalis, Paris, 1990, t. 10, p. 523-524, ou encore Bruce Alan Brown and Julian Rushton, « Gluck » dans Stanley Sadie (dir.), The New Grove Dictionary of Opera, Londres, Macmillan, 1997. On consultera utilement l’ouvrage encore d’actualité de Gustave Desnoiresterres, Gluck et Piccinni, Paris, Didier, rééd. 1875, comme celui de Jacques-Gabriel Prod’homme, C. W. Gluck, Fauquet éd., Paris, Fayard, rééd. 1985.
2 Selon le vœu même de Grimm.
3 Les principaux destinataires de cette revue manuscrite, étaient Catherine II de Russie, le duc et la duchesse de Saxe-Gotha, Gustave III de Suède, la sœur de Frédéric II de Prusse, la reine de Suède, le roi de Pologne, la famille princière de Hesse-Darmstadt, etc.
4 Pour plus d’informations sur cette revue, voir les actes du colloque de Sarrebrück (février 1974) : Bernard Alain Bray, Jochen Sclobach, Jean Varloot (dir.), La Correspondance littéraire de Grimm et Meister, 1754-1813, Paris, Klincksieck, 1976. Pour les imprimés, voir Ulla Kölving et Jeanne Carriat, Inventaire de la Correspondance de Grimm et de Meister, Oxford, The Voltaire Foundation, vol. 225, 1984.
5 Grimm entre dans la querelle en 1752 avec la Lettre sur Omphale et le Petitprophète de Boehmischbroda, entre autres, où il dénonce le merveilleux qui ternit l’opéra français et les cris au lieu de chant (il n’excepte que Jeliote et Mlle Fel, sa maîtresse du moment qu’il quitte en 1753 pour la marquise d’Épinay). Grimm appelle de ses vœux un théâtre sans génie, sans fée, sans enchanteresses, où s’exprimeraient le naturel et la passion, ie l’expression.
6 Parti animé par François Quesnay (1694-1774) et l’abbé Ferdinando Galiani (1728-1787), que Diderot aide à publier ses Dialogues sur le commerce des blés en 1777. Cette école « économique » à laquelle appartient encore Dupont de Nemours ou Mirabeau pariait sur la terre et l’agriculture pour fonder la richesse d’un pays.
7 Parti issu de celui des physiocrates, fondé par Jean-Claude-Marie-Vincent Gournay, élève de Quesnay. Pour eux, le commerce fait la richesse des États. Les mêmes Mirabeau, Dupont de Nemours fréquentaient ce « parti », auquel il faut ajouter encore Condorcet, Turgot, Mlle de Lespinasse, etc. Ils se réunissaient le mardi chez Mirabeau.
8 Jacques-Henri Meister, (1744-1826), Suisse, secrétaire de Grimm, avait gagné Paris en 1766. C’est lors de son second séjour en 1769 qu’il se lie véritablement à Diderot, lui faisant découvrir Salomon Gessner, que traduira bientôt (avec l’aide de Diderot), Huber. Meister prend la succession de Grimm à la tête de la Correspondance littéraire en 1773 et porte la revue jusqu’en 1813 (date de la libération d’une partie de la Suisse par les Autrichiens, ce qui pousse le Zurichois à un retour aux sources). Il fréquente le salon des Necker. Après la mort de Diderot, qu’il ne cesse de défendre notamment en montrant les injustices dont il fut victime, il entretient une correspondance avec la fille de son ancien ami, Mme de Vandeul.
9 Guillaume-Thomas Raynal (1713-1796), jésuite libertaire, doit s’exiler en 1781 à cause de la publication de l’Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, réquisitoire féroce contre le despotisme, dans ses trois éditions, de 1770, 1774 et 1780. Diderot est pour beaucoup dans la virulence de ce brûlot anti-monarchiste puisqu’il a collaboré pour presque un tiers de l’ouvrage.
10 Actives de juillet 1747 à décembre 1751, puis de nouveau d’avril 1754 à février 1755.
11 Jeanne R. Monty, La Critique littéraire de Grimm, Genève, Droz, 1961, p. 26-27.
12 Correspondance littéraire, philosophique et critique [dorénavant abrégée CL] par Grimm, Diderot, Raynal, Meister, éd. Maurice Tourneux, Paris, Garnier frères, 1880, t. 12. Nous notons que l’expression « droits de l’homme » a été utilisée par Diderot dans ses contributions à l’Histoire des deux Indes. Diderot a ardemment défendu Raynal en 1781 au moment où Grimm l’accablait, dans la Lettre apologétique de l’abbé Raynal à Monsieur Grimm, exhumée du fonds Vandeul par Henri Dieckmann en 1951. Raynal reniera son ouvrage dix ans plus tard.
13 Et même officieusement dès son voyage en Angleterre de 1772.
14 Anne-Germaine Larrivée, Mme de Vermenoux (1739-1793), tenait son salon rue Neuve-Luxembourg.
15 Louis-François Métra a souvent reproduit de larges extraits de la Correspondance littéraire, à partir de l’exemplaire qui circulait à Paris, dans son hebdomadaire clandestin la Correspondance littéraire secrète (1775-1793).
16 C’est de cette dernière édition que nous tirerons nos références.
17 CL, op. cit., décembre 1773, t. 10, 1879, p. 329-330.
18 Pour la nature politique des querelles musicales en France au xviiie siècle, voir entre autres Hugues Dufour et Joël-Marie Fauquet (dir.), La Musique : du théorique au politique, Paris, Klincksieck, 1991.
19 Livret de François-Louis Gand Le Blanc, bailli Du Roullet.
20 CL, op. cit., avril 1774, t. 10, p. 416-417.
21 Pour la teneur politique de la Querelle des Bouffons, voir entre autres Andrea Fabiano, La « Querelle des Bouffons » dans la vie culturelle française au xviiie siècle, Paris, CNRS éd., 2005.
22 Pour l’analyse de ces deux lettres, voir Gustave Desnoiresterres, Gluck et Piccinni, op. cit., p. 79-84.
23 Timothée Picard avance même que « la révolution gluckiste a été conçue comme […] une sorte de consécration du programme de Rousseau », Gluck, op. cit., p. 130.
24 Paris, Duchesne, 1756.
25 CL, op. cit., t. 10, p. 417.
26 Ibid.
27 Sans doute la dernière véritable haute-contre de l’Académie royale de musique.
28 Livret de Pierre-Louis Moline sur une version de Calzabigi.
29 Phaon, drame lyrique créé à Choisy en septembre 1778, musique de Piccinni, livret de Watelet.
30 Ariane dans l’île de Naxos, drame lyrique créé en fragment à l’Académie royale de musique en septembre 1782, musique d’Edelmann, livret de Moline.
31 CL, op. cit., t. 10, p. 472.
32 Ibid., p. 473.
33 Les articles rédigés dans l’année 1774 n’ont émané ni de Grimm qui avait déjà laissé son tablier, ni de Diderot dans la mesure où ce dernier n’est rentré qu’en octobre 1774 de son séjour à Saint-Pétersbourg.
34 On a reconnu le milieu littéraire, scientifique et politique dans lequel a évolué Diderot.
35 CL, op. cit., 1879, t. 11, p. 11.
36 « Et le public, encore tout préoccupé des beautés d’Iphigénie et d’Orphée a renvoyé fort durement le malheureux Grétry aux tréteaux de l’Opéra-Comique » (ibid., p. 76).
37 « Céphale n’ayant pu revenir de son évanouissement, l’Académie royale de musique s’est crue obligée de reprendre Orphée » ( ibid., p. 86).
38 En septembre 1775, rien n’est dit par exemple de la pastorale et du ballet héroïque d’Alexis et Daphné et Philémon et Baucis du compositeur Gossec. Juste 14 lignes pour en souligner le manque d’intérêt (ibid., p.127). En décembre, c’est Adèle de Ponthieu qui est remise au théâtre (musique de la Borde, paroles de Razins de Saint-Marc, créée en 1772), qui ne fait pas l’objet d’une étude musicale mais est juste saluée pour les couplets patriotiques ajoutés dans la préface.
39 C’est surtout Mme Favart pour qui le maréchal de Saxe avouait sa passion.
40 Cythère assiégée à la foire Saint-Laurent en 1748 puis repris au théâtre de la Monnaie le 7 juillet de la même année.
41 CL, op. cit., t. 11, p. 107-108.
42 Du Roullet se fait pourtant éreinter par les rédacteurs de la Correspondance littéraire. Pourquoi ? parce que la fin des opéras ne saurait être « naturelle » et amenée par « l’action » comme le souligne Du Roullet, ce qui va finalement à l’encontre des préceptes poétiques lancés par Diderot dans De la poésie dramatique et adaptés par Gluck à l’opéra. Néanmoins, les rédacteurs retiennent des propos du librettiste ce qui convient à leurs propres vues, notamment la mise en question du merveilleux et la défense de Gluck qu’ils ont en commun. En commun certes, mais ils ne se privent pas de dire que pour défendre Gluck, mieux vaut entendre sa musique que son librettiste.
43 Vestris et Mlles Guimard et Heinel y faisaient valoir leur talent. Les rédacteurs de la revue font une digression sur Diderot et réfléchissent au fait que la danse, pas plus que la musique, n’est de « convention », mais au contraire suit « l’expression naturelle de la passion » (CL, op. cit., t. 11, p. 184-186).
44 Ibid., p. 235.
45 Ibid., p. 236. En mai, l’opéra se soutient encore, avec quelques changements dans le décor : « Alceste, sans attirer autant de monde qu’Iphigénie et Orphée, se soutient encore avec assez de succès. On a changé plusieurs fois le dénouement du poème. De pareils raccomodages ne réussissent guère ; pour quelques absurdités supprimées, il a fallu en admettre de nouvelles, et l’on ne gagne pas infiniment au change » (ibid., p. 261).
46 Sur cette querelle, voir Mark Darlow, Dissonance of the Republic of Letters. The Querelle des Gluckistes et Piccinistes, Oxford, Legenda, 2013.
47 Diderot a mis la main, de 1769 à 1771, aux Leçons de clavecin et principes d’harmonie du maître de musique de sa fille, Anton Bemetzrieder.
48 Les propos de Rousseau sont connus : « C’est au poète à faire de la poésie et au musicien à faire de la musique, mais il n’appartient qu’au philosophe de bien parler de l’une et de l’autre » (Lettre sur la musique française, dans Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », rééd. 1995, t. 5, p. 292). Sur ce sujet, voir entre autres Belinda Cannone, Musique et littérature au xviiie siècle, Paris, PUF, 1998.
49 Michel Paul Guy de Chabanon, De la musique considérée en elle-même et dans ses rapports avec la parole, les langues, la poésie et le théâtre, Paris, Pissot, 1785, qui développait ce que le dramaturge disait déjà dans ses Observations sur la musique, et principalement sur la métaphysique de l’art, Paris, Pissot, 1779.
50 François-Jean de Beauvoir, marquis de Chastellux, Essai sur l’union de la poésie et de la musique, Paris, Merlin, 1765.
51 Voir notamment l’ouvrage de Catherine Kintzler, Théâtre et opéra à l’âge classique, une familière étrangeté, Paris, Fayard, 2004. Voir aussi Julian Rushton, Music and Drama at the Academy Royale de Musique, 1774-1779, Ph. D Thesis, 1984. Voir encore Béatrice Didier, La Musique des Lumières, Paris, PUF, 1985.
52 CL, op. cit., t. 11, p. 262.
53 Ibid., p. 323-324.
54 Ibid., p. 413.
55 Ibid., p. 443.
56 Voir à ce sujet Thomas E. Kaiser, « Who’s Afraid of Marie-Antoinette? Diplomacy, Austrophobia, and the Queen », French History 14, 2003, p. 241-271. Julien Geoffroy ou l’abbé Grosier avaient montré aussi les liens entre la haine de l’Autrichienne et celle qui finit par faire douter des qualités de Gluck l’Autrichien. La réforme, réclamée par un changement du goût français qu’a remarquablement éclairé William Weber (The Great Transformation of Musical Taste, Cambridge, Cambridge University Press, 2008), tombe en partie pour les raisons de crispations patriotiques immédiates.
57 CL, op.cit., t. 11, p. 457-459. Il est vrai que Gluck voulait adapter sa musique à la France comme au génie de chaque pays.
58 Ibid., p. 538-539. Suard avait publié dans le Journal de Paris (3 novembre 1777) et la réponse de La Harpe a été publiée dans le Journal de politique et de littérature (5 novembre 1777).
59 « Tragédie » créée pour l’Académie royale de musique le 23 septembre 1777.
60 « Tragédie lyrique » créée pour l’Académie royale de musique le 27 janvier 1778.
61 CL, op.cit., t. 11, p. 460.
62 Ibid., p. 461-462.
63 Ibid., t. 12, p. 34.
64 Ibid., p. 58-59.Le problème fut tel qu’apparemment les doubles des chanteurs solistes furent été appelés à la rescousse, ce qui mit Marmontel dans une réelle colère : la défection des solistes lui semblait être une attaque directe faite à Piccinni. Un double a la répartie facile en rappelant à Marmontel qu’il n’est lui-même que le double du grand Quinault.
65 Ibid., p. 59.
66 Ibid., p. 86.
67 Ibid., p. 70.
68 Ibid., p. 202-207.
69 Ibid., p. 203-206.
70 Ibid., p. 250.
71 Ibid., p. 291.
72 Le Suisse Jean-Baptiste-Louis-Théodore, baron de Tschudi, n’a pas particulièrement brillé dans la rédaction de ce livret que les rédacteurs de tous les périodiques éreintent en 1779.
73 Voir Julien Garde, C. W. Gluck 1774-1779 : vers un style universel ? Contribution à l’analyse d’Iphigénie en Aulide, Armide, Iphigénie en Tauride, Écho et Narcisse, thèse sous la dir. d’Alban Ramaut, université jean Monet de Saint-Étienne, décembre 2013.
74 CL, op. cit., t. 12, p. 314.
75 Amadis de Gaule, musique de Bach, livret de Quinault repris par Alphonse-Marie-Denis de Visme, créé pour l’Académie royale de musique le 10 décembre 1779.
76 CL, op. cit., t. 12, p. 350.