Le Figaro-ci, Le Figaro-là. Un exemple de migration transmédiatique entre théâtre, opéra et presse
Table des matières
JEAN RIME
Figaro fait indéniablement partie de ces « héros qui vivent de leur vie propre » et « qui nous hantent encore quand nous avons refermé le livre ou quitté le théâtre » répertoriés dans le Dictionnaire des personnages de Laffont-Bompiani. La notice qui lui y est consacrée insiste sur sa « vie antérieure » à l’action dramatique, détaillée par Beaumarchais dans Le Barbier de Séville, puis sur la continuité diégétique assurée dans Le Mariage de Figaro et La Mère coupable, et enfin sur une évolution non plus interne à l’intrigue, mais actualisée à chacune de ses représentations, du théâtre aux opéras de Mozart et de Rossini1. Mais si les auteurs du Dictionnaire soulignent que Figaro « est devenu un être mythique » au point que son nom a acquis valeur d’antonomase, ils ne mentionnent pas sa récupération peut-être la plus connue, celle du journal Le Figaro, fondé en 1826 par Maurice Alhoy et Étienne Arago puis recréé en 1854 par Hippolyte de Villemessant après une série de renaissances successives. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette omission : l’autonomie du Figaro dans nos représentations collectives occulterait son archéologie théâtrale et opératique ; la reprise du nom s’apparenterait davantage, de nos jours, à une simple allusion qu’à une véritable incarnation du personnage et se limiterait à la devise célèbre : « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » ; enfin, le prestige enrobant des œuvres devenues classiques les prémunirait contre tout acoquinement avec une presse qui s’est elle-même éloignée, depuis plus d’un siècle, du creuset littéraire qui l’avait vue naître.
À l’inverse des études sur les avatars du personnage, l’historiographie du Figaro, renouvelée par les travaux de Claire Blandin2, a souvent pointé la référence à Beaumarchais. Mais elle l’a généralement fait dans l’optique d’une histoire du journal, plus rarement dans l’intention de décrire le réinvestissement de la figure. Ainsi Le Roman du Figaro de Bertrand de Saint Vincent se contente-t-il, après une accroche prometteuse sur la trilogie figaresque, d’indiquer par une pirouette elliptique que « Figaro [le journal]a de qui tenir » et qu’« un peu moins d’un demi-siècle [après Beaumarchais], l’enfant terrible fait un ébouriffant retour sur le devant de la scène3 ».
C’est à ce point de rencontre presque aveugle des deux champs de recherche – histoire de la littérature et de la musique et histoire de la presse – que nous voudrions situer notre propos, non tant pour l’intérêt du mythe de Figaro en soi qu’à une fin d’illustration. Nous avons choisi ce cas connu à titre de levier heuristique, afin de décrire par l’exemple un phénomène largement répandu au xixe siècle : à l’instar du Figaro,de nombreux organes de presse se choisissent pour emblème un personnage célèbre et en convoquent tout l’univers fictionnel par des procédés d’écriture ou de représentation spécifiques, à tel point que ces emprunts constituent l’un des viviers de la presse. Mentionnons pêle-mêle Gil Blas, Arlequin et ses acolytes Pierrot, Polichinelle ou Scapin ; Pantagruel ou Panurge ; Ruy Blas et Gavroche ; Le Mousquetaire et Le Monte-Cristo : souvent empruntés à des formes de littérature sérielles, les exemples abondent et ouvrent un champ d’étude varié, de la déclinaison journalistique d’un personnage par son auteur (Dumas) jusqu’au réinvestissement pluriel d’une figure ancestrale (Arlequin).
Au-delà des singularités que tous ces titres recouvrent, ils témoignent d’un même besoin de personnifier le journal et d’un même recours à un réservoir de personnages appartenant à un patrimoine littéraire ou populaire. « Nous avons ici, observe Jean-Didier Wagneur, une collection de frontispices dont l’emblématique est forte ; d’univers fictionnels faits d’intertextes esquissés pointe une collection de récits de fondation qui prélèvent dans la bibliothèque des sites d’énonciation (le picaresque, l’excentrique, la fantaisie, la satire)4. » La presse, relève également Marie-Ève Thérenty, peut « élire une figure née hors d’elle, au théâtre par exemple ou dans la librairie, et en faire un mythe, en la mettant au centre d’une médiatisation intensive. Elle crée la caisse de résonance favorable à la circulation et à la réincarnation du mythe5 ».
Pour essayer de le montrer, nous rayonnerons à partir du numéro spécimen du Figaro, daté du 1er au 14 janvier 1826, et de là nous explorerons quelques déclinaisons du personnage, en aval dans la presse et en amont sur la scène des théâtres. Par cette enquête dans la matérialité des journaux, il ne s’agira donc pas d’étudier la réception médiatique des représentations théâtrales ou opératiques, mais plutôt de réfléchir à une forme d’imprégnation plus souterraine, une réception médiatisée, c’est-à-dire incarnée dans le médium où tout un univers fictionnel se trouve assimilé et recombiné par et pour la « matrice journalistique » de l’écriture de presse.
Le Figaro-ci : incarnations médiatiques
Le choix même de Figaro comme figure « titulaire » a été souvent commenté. Icône de l’esprit français, le personnage représente à la fois un caractère frondeur, une figure du divertissement et un archétype du nouvelliste engagé, notamment à travers le monologue de l’acte V de La Folle Journée6. « La référence à Beaumarchais, relève Claire Blandin, est un pied de nez des fondateurs à toutes les formes de censure mises en place par le système monarchique. […] En reprenant à son compte le titre Figaro, Alhoy suggère un parallélisme entre les dernières années de la monarchie de Louis XVI et le règne de Charles X. Il souligne que l’organisation de la censure est inhérente à tous les régimes d’autorité7. » Cette insinuation politique est appuyée par la devise choisie : « La vérité, quand même !… », qui singe le « Vive le roi, quand même » des ultraroyalistes8.
Conjointement à la devise, la vignette peut participer à la charge satirique. Ce n’est pas encore le cas pour le dessin originel [Ill. 1], qui insiste davantage sur le caractère bohème du personnage, « une guitare sur le dos attachée en bandoulière avec un large ruban », comme il est dit dans Le Barbier de Séville (acte I, scène 2) ; son habillement est conforme à la description de Beaumarchais et reproduit même une gravure de 1786 représentant l’acteur Dazincourt en costume [Ill. 2].
Ill. 1 : Le Figaro, numéro spécimen des 1-14 janvier 1826. Source : Gallica/BnF.
Ill. 2 : Portrait de Dazincourt en Figaro. Eau-forte, BnF, ASP 4-ICO COS-1 (1,99). Source : Gallica/BnF.
Mais les vignettes qui succéderont, au fil des reprises du titre par de nouveaux propriétaires, deviendront plus polémiques, à commencer par celle qui montre, en 1827, Figaro se relever pour tancer Basile en lui lançant : « Ah ! Basile, mon mignon, si jamais volée de bois vert9… ! » [Ill. 3].
Ill. 3 : Vignette du Figaro. Journal non politique du 16 juin 1827. Source : Gallica/BnF.
Dans un dialogue entre les deux personnages qui explique le dessin, Figaro promet de suivre son adversaire dans « toutes [s]es transfigurations », cette dernière n’étant que « trop ressemblant[e] » : si Devéria a combiné la représentation du Don Bazile de Beaumarchais, avec « chapeau noir rabattu, soutanelle et long manteau10 », et celle de « Tartufe11 », les contemporains auront surtout reconnu dans ce visage anguleux le « roi jésuite » Charles X12, une identification d’autant plus aisée que l’étymon grec du nom Bazile signifie « roi13 ». En 1830, le journal profite de la révolution de Juillet pour moduler la devise : en plus d’être un « mignon », Basile se mue en « faiseur de coups d’État » et l’optatif « si jamais volée de bois vert » devient un présentatif « en voici, du bois vert » dont le caractère performatif sera accentué, les jours suivants, par le corps de la fonte sur le déictique, mimant une oralisation du slogan14 [Ill. 4].
Ill. 4 : Figaro, 4 août 1830. Source Gallica/BnF.
Faut-il rappeler que les Trois Glorieuses suivent une ordonnance royale réduisant la liberté de la presse et que le soulèvement a été aiguillonné par la Protestation des 44 journalistes du 26 juillet ? Plus que jamais, le contexte politique et le parallèle avec la Révolution de 1789 motivent une réactualisation du célèbre rôle de nouvelliste.
Hormis sa dimension proprement satirique, la figure de Figaro permet aussi d’insister sur la composante théâtrale du « journal littéraire ». Dès le premier numéro, cette seconde valeur se vérifie dans la facture même du périodique. La « liste des rédacteurs », composée du comte Almaviva, de Figaro, Bartholo, Rosine et quelques autres, emprunte à la fois aux rôles du Barbier de Séville et à ceux du Mariage de Figaro. Cette mascarade poursuit deux objectifs. Pour Fabrice Erre, les rédacteurs réels « se cachent sous les noms des personnages de Beaumarchais » et « revendiquent implicitement le droit à représenter la réalité de leur temps, quitte à la maquiller selon des codes théâtraux15 » afin d’échapper à la censure. Claire Blandin, pour sa part, esquisse une hypothèse complémentaire : « Les deux directeurs [Alhoy et Arago] rédigent l’ensemble des articles et créent l’illusion du nombre » par la multiplication des masques16. Ainsi cette rédaction fictive permet-elle d’exprimer à la fois l’actualité et la collectivité du journal. Cette tradition perdurera encore, mutatis mutandis, dans Le Figaro de Villemessant lorsqu’en 1857, la comédienne Augustine Brohan signera « Suzanne » une série d’articles dirigés contre Victor Hugo. Le choix du pseudonyme servira alors à la protéger – les pressions d’Alexandre Dumas sur l’administration de la Comédie-Française, une fois le pot-aux-roses découvert, en montreront l’utilité –, mais il s’explique aussi par des échos plus personnels : non seulement la mère d’Augustine Brohan, comédienne comme elle, se prénommait Suzanne, mais elle était devenue pensionnaire au Français avec le rôle de Suzanne dans Le Mariage de Figaro17!
Dès le numéro spécimen de 1826, ce travestissement des rédacteurs favorise en outre des jeux sur l’énonciation et la rubricité, les rôles respectifs de chaque personnage étant distribués en interaction constante avec leurs fonctions dans la trilogie figaresque de Beaumarchais : à Rosine, « comme femme », « la partie la plus frivole de [l’]entreprise : l’article Modes lui est réservé » ; « Le docteur Bartholo, par analogie avec sa qualité, rédigera l’article inhumation littéraire », et ainsi de suite18. Le dialogisme théâtral induit parfois des effets de répons d’une rubrique à l’autre. On lit par exemple dans le numéro 6 une « réclamation d’Antonio à Monseigneur le comte Almaviva » qui prend la tournure d’une lettre. Le jardinier s’y plaint de n’avoir pas été convié dans la rédaction alors qu’il s’est spécialisé dans les « parterres » – jouant naturellement sur le double sens horticole et théâtral du terme. Parodiant le style administratif, « Figaro… Pour copie conforme, Double-Main » l’autorise à réintégrer l’équipe19.
Le barbier lui-même troque « contre le fouet la lancette vétérinaire » dont il était déjà armé dans le monologue de La Folle Journée20, instrument de chirurgie, outil de gravure et petite pointe rhétorique qui « donnera [s]on nom aux traits d’une critique qui piquera sans déchirer21 ». Il en fait le titre d’une rubrique, de façon analogue aux « coups de batte » que distribue Arlequin dans d’autres périodiques ; de même, Figaro se fond de « coups de rasoir » dans l’une de ses réincarnations journalistiques ultérieures22, où de surcroît la vignette le montre en train de manier lancettes et blaireau pour faire la barbe à ses adversaires [Ill. 5].
Ill. 5 : Le Figaro, journal littéraire et d’arts, 3 mars 1830. Source : Gallica/BnF.
Cette similitude entre le valet bergamasque du Théâtre-Italien et notre rôle français n’est pas aléatoire. Outre la tradition théâtrale par laquelle la comédie française hérite en partie de la commedia dell’arte, on émettra l’hypothèse que lorsqu’il infiltre l’identité médiatique d’un titre de presse, le parcours du personnage obéit à des « scénographies figurales », par analogie avec les « scénographies auctoriales » conceptualisées par José-Luis Diaz, c’est-à-dire des situations ou des « biographèmes » récurrents chez un personnage ou communs à plusieurs personnages réinvestis à des fins semblables, ici pour exprimer une forme de critique satirique.
Dans le numéro inaugural de 1826, le discours programmatique, censé articuler le journal aux comédies de Beaumarchais au moyen d’une fiction biographique, en fournit une autre espèce. S’appuyant sur un savoir partagé et sur des réminiscences textuelles plus précises, il se présente sous la forme d’une « saynète de presse » inspirée du texte de théâtre où se renouvelle la rencontre entre Figaro et le comte Almaviva, à l’acte I, scène 2 du Barbier de Séville. Dès l’entame, Figaro s’écrie : « Eh mais ! je ne me trompe pas, c’est monsieur le comte ! », oralisant davantage le « Je ne me trompe point ; c’est le comte Almaviva » de la comédie. Le comte, devenu « capitaliste », hésite à investir dans les « machines à vapeur » ou le « gaz hydrogène », mais se laisse finalement convaincre par son interlocuteur de financer le journal, autre incarnation de l’innovation technique et économique, et cela contre un remboursement « en esprit et en gaîté » ; Figaro, transporté « à Paris » et « naturalisé français », s’est en effet fait journaliste, à l’étonnement du comte : « Y penses-tu ? Où est le temps où Figaro préférait l’utile revenu du rasoir aux vains honneurs de la plume ? Ne redoutes-tu donc plus l’envie aux doigts crochus, au teint pâle et livide ? » Cette question marque la recontextualisation spatio-temporelle de la scène et signale une palinodie du personnage qui, dans Le Barbier, avait été la victime de cette « envie aux doigts crochus », s’était essayé à envoyer « des énigmes aux journaux » puis avait essuyé les tirs de la cabale théâtrale avant de se rabattre sur « l’utile revenu du rasoir ».
De tels articles peuvent être lus de deux manières : une approche textualiste y verra une intertextualitévoire même, en l’occurrence, une hypertextualité, au sens de Genette, par rapport à une œuvre qui en serait l’hypotexte. Cette perspective critique insistera sur la relation parodique ou pastichielle que le journal instaure avec la comédie d’origine, un détournement mis au service du divertissement ou de la satire, mais qui vise dans tous les cas à créer une connivence érudite avec un lecteur jugé suffisamment attentif pour repérer les allusions ponctuelles à la prose de Beaumarchais. Une seconde approche, que l’on appellera transfictionnaliste, s’inscrit dans le sillage des travaux de Richard Saint-Gelais. Elle insiste davantage sur le partage d’un même univers de fiction, régi par un principe de non-contradiction avec l’œuvre source. Ce parti pris de cohérence explique pourquoi Figaro est amené à justifier son déplacement de Séville à Paris, comme dans d’autres journaux Arlequin expose son parcours depuis Bergame et sa métamorphose en journaliste. La concomitance de ces deux approches pointe l’ambiguïté logique de la situation, à la fois réactualisation d’une scène matricielle et évolution ou complétion par rapport à celle-ci. Cette aporie se concrétise dans le slogan paradoxal d’un Figaro de 1835 : « je rajeunis » [Ill. 6].
Ill. 6 : Figaro de 1835 : « je rajeunis ». Figaro. Électeur, juré…, 15 février 1835. Le slogan « Je rajeunis ! » renvoie aussi au renouvellement interne du journal. Source : Gallica/BnF.
Parfois, elle se résout par un transfert générationnel qui rend vraisemblable l’écoulement du temps. Ainsi, en tête d’une autre réincarnation journalistique, le « Figaro de 1784 » s’adresse-t-il au « Figaro de 1839 », son « petit-fils », avec la sagesse de l’expérience, ânonnée à partir d’une célèbre tirade du Mariage de Figaro (acte II, scène 4) :
Tu veux être journaliste, mon cher enfant ! […] C’est là un rude métier, je te jure, et je puis t’en parler sciemment, moi qui ai fait aussi un journal, que j’avais le droit de rédiger avec la plus entière liberté, à la condition, toutefois, qu’il n’y serait question ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tînt à quelque chose, et que je soumettrais le tout préalablement à l’inspection de deux ou trois censeurs23.
De tels réinvestissements biographiques de la figure jouent sur l’ambiguïté référentielle produite par le titre, où le nom de Figaro désigne à la fois un personnage fictionnel de journaliste mis en scène dans le journal et le journal lui-même, pourvu d’une identité allégorique. En 1838, après une interruption, l’éditorial montre bien ce tuilage entre Figaro journaliste et Figaro journal, jusque dans la typographie du nom Figaro :
Vous avez sans doute cru Figaro mort… bien mort ; et il avoue que sa disparition inattendue a pu parfaitement justifier cette pensée. Mais grâce au ciel, il n’en est rien ; il se porte mieux que jamais […]. Il doit vous avertir que vous le trouverez bien changé à son retour : l’expérience et les voyages l’ont éclairé, il a subi une métamorphose complète. Ce n’est plus Figaro politique ; c’est Figaro artiste : ce n’est plus l’homme d’état, c’est l’homme du monde […]24.
Cette ambiguïté référentielle se vérifie aussi dans le sous-titre du Figaro de 1835, qui ne liste plus les domaines divers couverts par le journal, comme en 1826, mais qui détaille les qualités de l’homme : « électeur, juré, contribuable, artiste, financier, auteur, industriel, homme du monde et journaliste25 » : soit une comédie humaine à soi tout seul.
L’identification du personnage de journaliste et du journal vaut également dans la réception du Figaro. Le Mercure de Londres du 4 mars 1826 publie ainsi une lettre à « M. le rédacteur du Nouveau Figaroà Paris », rebaptisé ensuite, par une sorte de transfert métonymique, « M. Figaro26 ». Ce type d’assimilation sera abondamment exploité par la caricature. Sous le Second Empire et la IIIe République, on ne comptera plus les portraits de Villemessant en Figaro, que ce soit sur des assiettes ou dans une animation pour zootrope commandée par son journalen 1868 et qui le montre jouant de la guitare et battant « des entrechats en cadence27 ». Son successeur Francis Magnard endossera à son tour le rôle de Figaro dans une caricature de Coll-Toc, graphiquement transfiguré par le double motif du journal troué et du journal-vêtement [Ill. 7].
Ill. 7 : Dessin de Coll-Toc (Jean Victor Collignon et Tocqueville) publié dans Les Hommes d’aujourd’hui, no 260, Paris, bibliothèque du musée d’Orsay, no d’inventaire : ODO1987-38-5-260. Source : www.photo.rmn.fr
Le Figaro-là : d’une scène à l’autre
Les nombreuses incarnations du personnage de Figaro par les rédacteurs de journaux font écho à celles des acteurs de théâtre. En effet, les référents visés par le nom de Figaro incluent les comédiens réels qui ont joué son rôle ou ceux de ses comparses et qui épaississent d’une corporalité le personnage-texte de Beaumarchais. On ne s’attardera pas ici sur les processus psychologiques par lesquels les représentations scéniques contribuent à informer l’imaginaire « physique » d’un personnage, mais il faut en revanche nous arrêter sur les interactions possibles entre ces incarnations du barbier nouvelliste et leurs reflets dans les journaux Figaro.
On en trouve un exemple dès le prospectus de 1826 qui mentionne dans les programmes de la semaine Le Page inconstant, un ballet-pantomime de Dauberval arrangé sur la musique de Mozart28. Cette allusion rappelle, si besoin est, que la référence à Figaro n’est pas dirigée uniquement vers l’œuvre canonique de Beaumarchais, mais que le personnage est omniprésent sur la scène durant tout le xixe siècle à travers « une longue suite de refontes et d’imitations » dont Georges Doutrepont, parmi d’autres, a donné la mesure29. Le Figaro journalistique s’inscrit dans une étroite corrélation avec ce foisonnement théâtral puisque le fondateur Maurice Alhoy lui-même sera plus tard l’auteur, avec Clairville, d’un Figaro directeur, vaudeville en un acte et six tableaux représenté le 8 octobre 1842 pour la réouverture du théâtre Beaumarchais30. L’occupation des planches parisiennes par Figaro ne faiblira pas au fil du siècle : le numéro inaugural de Figaro-Programme, dérivé du Figaro de Villemessant pour les annonces de spectacles, n’indique pas moins de trois pièces, de registres très différents, qui mettent en scène le personnage : La Folle Journée à la Comédie-Française ; Ohé ! les p’tits agneaux au théâtre des Variétés et Paris-Crinoline à l’Ambigu-Comique31.
Au-delà de ces connexités textuellement identifiables, la multiplication des discours sur Figaro a en quelque sorte autonomisé la figure. Il faut dire qu’en faisant intervenir Figaro dans plusieurs pièces, et en le mariant, Beaumarchais lui a donné une vie qui se déroule au fil des comédies et lui a imprimé une logique sérielle ; il est dès lors tentant de vouloir combler les épisodes manquants.Cette expansion de la fiction s’accompagne souvent du passage à d’autres genres textuels, indice supplémentaire de l’émancipation du personnage. Dès la fin du xviiie siècle, on voit ainsi fleurir des narrations biographiques – à l’exemple de La Jeunesse de Figaro, roman de Regnault-Warin (1800) – où Figaro s’abstrait d’une énonciation dramatique et parvient parfois même à obtenir droit de cité en tant qu’auteur prétendu. Ainsi lui doit-on Les Confessions de M. Emanuel Figaro, écrites par lui-même (Londres, 1786) ou une Lettre de Figaro au comte Almaviva sur le magnétisme animal (1784).
Ces deux processus de transfictionnalité et de transgénéricité ont certainement facilité la transmédialité journalistique du personnage. On en aperçoit les prémices dans la réception du picaresque Voyage de Figaro en Espagne (1784), un brûlot antihispanique à narration autodiégétique dont l’attribution a fait l’objet d’une polémique : « Le débat qui suivra, dans la presse du temps, et qui permettra d’identifier clairement Fleuriot de Langle, ne fera que poursuivre sur un mode explicitement ludique la mise en scène d’un Figaro auteur », commente Jean-Jacques Tatin-Gourier32. En effet, le Voyage de Figaro est contré par une Dénonciation au public du voyage d’un soi-disant Figaro en Espagne, faite par le véritable Figaro33, relayée par le Journal de Paris du 14 novembre 1785 sous la forme d’une lettre signée également « Le V. F. » : trente ans avant la création du journal d’Alhoy, Figaro sert déjà de masque à des productions journalistiques.
C’est dans ce déploiement discursif qu’il convient d’appréhender la contribution de l’opéra, selon la logique voisine de l’adaptation. Très tôt, l’œuvre de Beaumarchais a fait l’objet de plusieurs versions musicales à travers toute l’Europe : Le Barbier de Séville a été repris par Friedrich Ludwig Benda (Leipzig, 1776) puis par Giovanni Paisiello (Saint-Pétersbourg, 1782) dans une partition qui a connu un retentissement énorme bien avant que ne s’impose, non sans peine, Il barbiere di Siviglia de Rossini (1815). Ce dernier est donné pour la première fois à Paris au Théâtre-Italien en 1819. En 1824, une version française qui reprend notamment le texte de Beaumarchais dans des récitatifs est créée par Castil-Blaze à l’Odéon. De son côté, Le Mariage de Figaro, devenu Le Nozze di Figaro sous la plume de Mozart et Da Ponte (1786), a connu à Paris une première version « parodique », c’est-à-dire réarrangée pour le public français, jouée à l’Académie de musique en 1793, puis la version originale – ou presque – au théâtre de l’Impératrice en 1807, laquelle recevra dix ans plus tard, comme Il barbiere, une version française par Castil-Blaze (Nîmes, 1818 et Paris, 1826).
Ces différents opéras reconduisent la fortune de l’œuvre de Beaumarchais dont ils sont considérés comme une variation plus que comme une création originale. À l’arrivée de l’opéra de Mozart en 1793, la presse parisienne s’accorde sur cet « Ouvrage que tout le monde sait par cœur, & qu’on a vu jouer déjà avec une supériorité décourageante34 » dans Le Mariage de Figaro original. Même son de cloche lorsqu’est jouée la version italienne une quinzaine d’années plus tard : la feuille d’Affiches, annonces et avis divers du 25 décembre 1807 relève que « ce n’est ni en opéra, ni en ballets qu’il faut voir cet ouvrage, mais au théâtre Français. C’est là seulement qu’on jouit de cette gaîté hardie, de cette vivacité d’idées, de tours d’expressions, qui font le mérite de cette pièce ». Le même jour, la Gazette de France fait une analyse semblable, quoiqu’opposée dans les conséquences qu’elle en tire : « quand même le Mariage de Figaro, mis en opéra, perdroit un peu de sa clarté, cela seroit assez indifférent pour les Parisiens, qui connoissent tous cette pièce, et qui l’ont revue avec plaisir, même en ballet. » Gaîté pour l’un, clarté pour l’autre : Figaro apparaît comme l’incarnation parfaite de l’esprit français et son caractère ne peut, à ce titre, que faiblir une fois adapté. Aux yeux de l’opinion publique, les opéras font en définitive rayonner l’aura de l’écrivain français : « Beaumarchais est heureux : les deux comédies qui ont fait sa réputation, Le Barbier de Séville et Le Mariage de Figaro, ont été traduites en italien, et mises en musique par les plus célèbres compositeurs », opine le Journal de l’Empire le 27 janvier 1808.
Ces réactions parisiennes contribuent à expliquer pourquoi le journal Le Figaro, créé dans le sillage des versions de Castil-Blaze, fera constamment référence à Beaumarchais au détriment de Mozart ou de Rossini. On aurait toutefois tort de s’arrêter à ce constat car l’opéra n’en a pas moins agi sur la génératrice discursive de la série figaresque, à plus d’un titre. D’abord, les Nozze ont elles-mêmes donné lieu à des opéras dérivés : une version altérée du livret de Da Ponte avait été mise en musique par Piccini (La Serva onorata, Naples, 1792) et par Ferdinando Paër (Il nuovo Figaro, Parme, 1794). Le Page inconstant évoqué plus haut appartient à la même tradition : créé en 1786, il est encore joué, comme on l’a vu, à la création du journal. Ensuite, le prestige croissant des compositeurs les a peu à peu hissés aux côtés du dramaturge français dans les représentations collectives, ainsi que le suggère un Figaro ou Le Jour des noces, « pièce en trois actes d’après Beaumarchais, Mozart et Rossini » représentée au théâtre des Nouveautés en août 182735. Enfin, certaines « suites » théâtrales des pièces de Beaumarchais ont été, à l’instar de leur modèle, adaptées pour la scène lyrique : Michel Delon a observé que la pièce Les Deux Figaro (1791) d’Honoré-Antoine Richaud-Martelly fut « plusieurs fois reprise et à chaque fois republiée, diffusée à travers toute l’Europe » et « ne donna pas lieu à moins de quatre ou cinq opéras durant la première moitié du xixe siècle ». L’un d’entre eux en tout cas, I due Figaro (Milan, 1820) composé par Michel Carafa, a été « adapté en français avec des paroles de Tirpenne à l’Odéon en 182736 », soit, une fois encore, à l’époque de la création du journal Le Figaro. Indiscutablement, celui-ci apparaît au milieu d’un foisonnement de spectacles parlés ou chantés où le personnage de Figaro est omniprésent.
À cette prolifération transmédiatique s’ajoute une évolution professionnelle de la figure. Si le nouvelliste de Beaumarchais avait renoncé à son Journal inutile pour devenir barbier et se remettre au service du comte Almaviva, conformément d’ailleurs à la réalité sociale du xviiie siècle37, il s’embourgeoise rapidement et accède à la direction du journal L’Ami du Tiers dans une comédie de 1790, sous-titrée Figaro journaliste38. Fait significatif : il y rencontre Arlequin, qui devient son secrétaire. Entre le gratte-papier et le patron s’instaure un jeu d’imitation qui culmine lorsque, au milieu de la pièce, Figaro, menacé d’emprisonnement, quitte la scène et cède à Arlequin non seulement sa place de directeur, mais aussi son identité, si bien que son valet Pierrot s’adresse à lui en disant : « je sais que vous êtes à présent M. Figaro39. »
Cette rencontre avec son homologue bergamasque est pour Figaro l’occasion de relater à son nouvel employé son propre parcours. Comme on peut s’y attendre, la vie imaginaire qu’il décrit prend appui sur les comédies de Beaumarchais :
Ah ça que je te dise donc, comment tu vois Figaro Journaliste. Tu connois à peu près la vie que j’ay mené [sic] en Espagne ; ainsi il n’est pas nécessaire de t’en parler ; il suffit de te dire que quelque temps après mon mariage, ma chere moitié mourut & me laissa héritier d’un petit Comte Almaviva. Je jugeai à propos de céder mes prétentions à Monseigneur, & de courir le pays, bien sur que je ne manquerois jamais de rien partout où il y auroit des sots. J’avois raison ; avec un peu de complaisance & d’adresse, je me serois fait une réputation qui eût égalé celle du messager des Dieux : mais bientôt dégoûté des périls auxquels je me trouvois exposé, n’ayant pas les pieds ailés de mon digne Patron, je résolus de quitter le metier & d’aller en France où les affaires alloient si mal, pour tâcher d’arranger les miennes. […] Je vis qu’on gagne beaucoup d’argent icy en remplissant deux ou trois feuilles de toutes sortes de sottises, j’écrivis, puis je me mis en tête d’annoncer un Journal, & bientôt je l’annonçai sous le titre de l’Ami du Tiers40.
Cette tirade ressortit au discours biographique que construisent, tout comme les arlequinades, les parodies de Beaumarchais puis les journaux. Elle révèle une certaine porosité entre les deux figures, que leur interversion va concrétiser. Ainsi l’allusion au « messager des Dieux » qui serait le patron de Figaro renvoie-t-elle implicitement à l’histoire d’Arlequin (par exemple à travers Arlequin Mercure galant de Nolant de Fatouville) alors que l’on imagine moins le héros de Beaumarchais nouer commerce avec une divinité.
Ce cross-over prépare le terrain à deux Arlequin journaliste qui seront donnés quelques années plus tard et qui annoncent eux-mêmes une myriade de journaux Arlequin tout au long du xixe siècle41. Il préfigure aussi des réparties qui ne se joueront plus seulement dans l’espace des journaux, mais aussi entre eux. Les Arlequin, qui ne connaissent pas le même succès que Le Figaro, se verront obligés de se positionner par rapport au journal de Villemessant42. Ils devront à la fois avouer une certaine ressemblance et trouver une différence à leur avantage, comme danstel Arlequin de 1860 : « Arlequin est léger et flexible […]. Figaro est bien léger, oui, mais comme Chaperon rouge : / Il s’arrête à la Civette / Pour fumer une cigarette. / Et Arlequin lui échappera43. » Et trois semaines plus tard : « Enfin, le beau barbier Figaro va danser, et il ne sera pas fâché qu’Arlequin lui fasse une petite réclame… Je sais qu’il n’attache pas une grande importance à ce que peut dire un échappé des Fantoccini qui se fait journaliste44… »
Or ce qui se joue ici entre deux types différents du théâtre populaire vaut aussi au sein de la geste figaresque. En 1832, Le Brid’Oison voit le jour. Adversaire politique du Figaro orléaniste, « il se considère comme le Figaro légitimiste45 » et rejoue ainsi l’opposition actancielle des deux personnages. Autre exemple de spin-off médiatique : dans Le Figaro. Journal littéraire et d’arts de 1839, le barbier déplore qu’« un célèbre industriel a[it] ressuscité durant ces dernières années à son profit » le Journal inutile46. Le catalogue de la BnF n’en répertorie aucun exemplaire, mais un homonyme apparaîtra quelque dix-neuf ans plus tard [Ill. 8].
Ill. 8 : Journal inutile. En dépit de la numérotation, il semble s’agir du premier numéro sous cette forme. Source : Gallica/BnF.
Le cartouche qui y remplace la vignette reprend la phrase du monologue de Figaro justifiant le titre du périodique et une « préface inutile » signée Ch. Jolivet développe une réflexion sur les titres de journaux, où l’image démocratique du personnage et de son univers transparaît à travers un calembour sur le sens aristocratique du mot titre et où s’exprime aussi une inquiétude ironique sur la prolifération des petits journaux :
D’abord, il n’y a plus de titres. Tous les titres sont pris. On se croirait à une assemblée générale de la noblesse, où le moindre village est représenté par des cachets fleuronnés et des signatures illisiblement majestueuses. Donc, au lieu de se creuser la cervelle, il était tout naturel d’en chercher un que tout le monde a pu rencontrer et que personne n’a ramassé.
Si le Journal inutile, fondé à Séville par Figaro à la recherche d’une position sociale, a déjà existé, que personne ne nous le dise : les illusions ne courent pas précisément les rues par ce temps-ci, et nous tiendrions à conserver celle-là. Aussi bien, ce titre de Journal inutile nous convient : le public est prévenu, qui voudra mordre y morde47.
Conclusion
Des planches du théâtre, nous sommes insensiblement revenus à la scène médiatique. Les journaux Figaro puisent ainsi la valeur d’appel du personnage à la fois dans la renommée des comédies de Beaumarchais et dans leurs miroitements diffus, à la limite entre la littérature et la performance. En retour, comme l’observe Claire Blandin, « ces journaux éphémères installent une légende dans l’opinion publique, encore restreinte, qui a accès à la presse écrite48 ». Ils révèlent en définitive « la perméabilité de ces deux milieux [théâtre et presse] et leur capacité à fabriquer ensemble de la mythologie49 ». Le croisement entre les multiples instanciations du personnage et entre ses valeurs respectives de personnage de fiction, de rôle pour les comédiens, de prête-nom pour les journalistes et enfin d’allégorie du journal lui confère une existence immatérielle, souterraine bien qu’incarnée dans une foule de supports écrits, oraux ou iconiques. Une existence qui dépasse de loin les rapports bilatéraux d’intertextualité et qui ressortit presque à ce qu’Aby Warburg a appelé des Nachleben, des « survivances ».
C’est cette formidable « force d’attraction50 » du personnage qui attisera la volonté de Villemessant de reprendre puis de faire fructifier ce patrimoine mythologique. En 1854, dans le premier numéro du nouveau Figaro, la fiction fantastique publiée « en guise de préface » marque bien le caractère spectral du personnage et de son auteur, dont l’âme apparaît au rédacteur en vertu du magnétisme électrique à la mode51. Icône fantomatique de l’esprit français, Figaro deviendra en outre emblème de modernité lorsque, durant l’Exposition universelle de 1889, des éditions spéciales imprimées sur la tour Eiffel montreront, en vignette, son corps s’intégrer à l’architecture de la dame de fer52. Le succès et la longévité du journal en feront désormais une référence, si bien que du Figaro ou de Figaro, on ne saura plus très bien lequel renvoie à l’autre, comme on l’observe sur une affiche de 1890 pour les « contes de Figaro / Figaro » : il s’agit à l’évidence des récits parus dans le quotidien, promus par un portrait du nouvelliste qui, ne renvoyant plus vraiment à Beaumarchais, devient plutôt l’émanation iconique du journal [Ill. 9].
Ill. 9 : Affiche promotionnelle pour les Contes de Figaro (Paris, Éd. Monnier, 1885), Impr. H. Beau & Cie, BnF, cote ENT KB - 1(12) - FT 6. Source : Gallica/BnF.
La solidarité des traits identitaires du personnage aura informé l’orientation littéraire du Figaro, mais la plasticité que lui ont donnée ses médiamorphoses successives inverse presque la référence. En 1907, lorsque la Revue du centenaire des Variétés met en scène un Figaro joué par l’actrice Spinelly, c’est bien le journal et ses attributs que le rôle désigne, non le valet de Beaumarchais53 – même si, au bout du compte, ici comme là-bas tout « fini-it » par des chansons.
(Université Paul-Valéry Montpellier 3 – Université de Fribourg)
Notes
1 Dictionnaire des personnages de tous les temps et de tous les pays, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1994, p. 386-386, article de Philippe Van Thieghem, Paul Blanchart et Louis Gaudran.
2 Voir en particulier sa monographie Le Figaro. Deux siècles d’histoire, Paris, Armand Colin, 2007 et le collectif qu’elle a dirigé : Le Figaro. Histoire d’un journal, Paris, Nouveau Monde, 2010.
3 Bertrand de Saint Vincent, Le Roman du Figaro, 1826-2006, Paris, Plon/Le Figaro, 2006, p. 10.
4 Jean-Didier Wagneur, « Le journalisme au microscope. Digressions bibliographiques », Études françaises, no 44/3, 2008, p. 26.
5 Marie-Ève Thérenty, « Médiatisation et création littéraire », dans La Civilisation du journal, Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), Paris, Nouveau Monde, 2011, p. 1519.
6 La Folle Journée, ou Le Mariage de Figaro, acte V, sc. 3. C’est de cette scène qu’est extraite la devise actuelle du Figaro.
7 Claire Blandin, Le Figaro. Deux siècles d’histoire, op. cit., p. 11.
8 Voir Fabrice Erre, « Le premier Figaro : un journal satirique atypique », dans Le Figaro. Histoire d’un journal, op. cit., p. 15. Cette formule de dépit, popularisée par une chanson (1816), vise les compromis que les ultras reprochent à Louis XVIII sous la Restauration. La variante parodique du Figaro était déjà dans l’air du temps au milieu des années 1820 et connaîtra une nouvelle fortune après l’avènement de la monarchie de Juillet.
9 Le Figaro. Journal non politique, 16 juin 1827, p. 1. La devise est adaptée d’une réplique de Figaro à Suzanne dans Le Mariage de Figaro, acte I, sc. 1 : « Basile ! ô mon mignon, si jamais volée de bois vert, appliquée sur une échine, a dûment redressé la moelle épinière à quelqu’un… »
10 Selon la description proposée par Beaumarchais dans la liste des personnages du Barbier de Séville.
11 « Basile et Figaro », Le Figaro. Journal non politique, 16 juin 1827, p. 1.
12 Voir Fabrice Erre, art. cité, p. 16 ; id.,« Le “Roi-Jésuite” et le “Roi-Poire” : la prolifération d’“espiègleries” séditieuses contre Charles X et Louis-Philippe (1826-1835) », Romantisme, no 150, 2010, p. 115.
13 De pareils jeux onomastiques sont du reste légion dans la caricature, par exemple en 1833, lorsque les ministres d’Argout et Barthe sont maquillés en « Arg… » (Argan) et « Bartholo ». Voir Charlet (dessin) et Auguste Desperet (lithographie), « À ton nez d’Arg... ! à ton œil, Bartholo ! à vous tous, ventrus !! », La Caricature, 28 mars 1833, pl. 259.
14 Figaro, 27 juillet 1830 : « Ah ! Basile, mon mignon, faiseur de coups d’État, si jamais volée de bois vert… » ; 30 juillet 1830 : « Ah ! Basile, mon mignon, faiseur de coups d’État, en voici, du bois vert… » La variation typographique sur « en voici » apparaît dans le numéro du 1er août. Par « faiseur de coup d’État », il faut probablement entendre un monarque comme Charles X qui, par ses décisions, incite ses opposants à la révolte.
15 Fabrice Erre, « Le premier Figaro », art. cité, p. 14-15.
16 Claire Blandin, Le Figaro. Deux siècles d’histoire, op. cit., p. 11.
17 Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du xixe siècle, Paris, Larousse, vol. 2, 1867, p. 1301, s. v. « Brohan (Suzanne) » ; sur sa fille : Georges d’Heylli, Dictionnaire des pseudonymes, Paris, Dentu, 1887,p. 425-426.
18 « Le comte Almaviva, Figaro » [dialogue], Le Figaro. Journal littéraire, 1-14 janvier 1826, p. 3.
19 « Correspondance. – Réclamation d’Antonio », Le Figaro. Journal littéraire, 20 janvier 1826, p. 2-3 et p. 4.
20 « Le comte Almaviva, Figaro », Le Figaro. Journal littéraire, 1-14 janvier 1826, p. 2. Voir Le Mariage de Figaro, acte V, sc. 3 ; cf. Le Barbier de Séville, acte I, sc. 4.
21 « Coups de lancette », Le Figaro. Journal littéraire, 1-14 janvier 1826, p. 4.
22 « Coups de rasoir », Le Figaro. Journal littéraire et d’arts, 7 mars 1839, p. 4. Pour le cas voisin d’Arlequin, voir Jean Rime, « Arlequin journaliste, ou le personnage en jeu : du théâtre à la scène médiatique », Colloquium Helveticum, no 43, 2012, p. 276-297.
23 « Figaro de 1784 au Figaro de 1839 », Le Figaro. Journal littéraire et d’arts, 3 mars 1839, p. 1.
24 « Figaro à ses anciens abonnés », Figaro, numéro spécimen, [décembre 1838], p. 1.
25 Figaro. Électeur, juré…, 15 février 1835, p. 1. En 1826, Le Figaro. Journal littéraire était sous-titré : « théâtre, critique, sciences, arts, mœurs, nouvelles, scandale, économie domestique, biographie, bibliographie, modes, etc., etc. »
26 Le Mercure de Londres, Londres, chez Mr Chatelain, 4 mars 1826, p. 27.
27 L’assiette provient de la série « Les contemporains dans leur assiette », dessin signé Alfred Le Petit, vers 1878, Sarreguemines, musée de la Faïence, no d’inventaire : 2007.12.2 (image sur la base de données en ligne Joconde). L’animation pour zootrope est présentée dans Le Figaro du 27 avril 1868, p. 1 ; voir Stephen Herbert, « Zoetrope : Le Figaro premium, 1868 » (http://stephenherbert.co.uk/zoetropeFigaro.htm).
28 À gauche du titre de ce même numéro [voir Ill. 1],un « bulletin de santé » annonce l’accouchement de la « chaste Suzanne (mademoiselle Bégrand) », allusion à l’actrice d’un ballet joué à la Porte-Saint-Martin. Il est loisible d’y lire une cocasserie en ce que cette « chaste Suzanne » (ou du moins sa mention) vers laquelle le Figaro de la vignette dirige son regard ne désigne pas sa promise, mais la Suzanne biblique, convoitée au bain par deux vieillards (Daniel, 13).
29 Georges Doutrepont, Les Types populaires dans la littérature française, t. I, Bruxelles, Albert Dewit, 1928, p. 435-456.
30 Ibid., p. 452 ; voir aussi Amédée Guyot et Léonce Peragallo, Catalogue général des œuvres dramatiques et lyriques faisant partie du répertoire de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, Paris, 1863, p. 141.
31 Figaro-Programme, nouvelle série, no 1, 10 février 1858, p. 4-5.
32 Jean-Jacques Tatin-Gourier, « Les réécritures romanesques du Mariage de Figaro avant 1789 », dans Le Personnage romanesque, Gérard Lavergne (dir.), Nice, Université de Nice – Sophia-Antipolis, 1995,p. 448.
33 Paris, chez Fournier le jeune, 1785. L’ouvrage est attribué à Pedro Pablo Abarca de Bolea, comte d’Aranda.
34 Affiches, annonces et avis divers, 22 mars 1793. Cf. L’Abréviateur universel, 24 mars 1793 : « On connoit Figaro, tout le monde le sait par cœur. » Ces articles sont reproduits dans Belinda Cannone, La Réception des opéras de Mozart dans la presse parisienne (1793-1829), Paris, Klincksieck, 1991, p. 146. Les citations suivantes de ce paragraphe sont extraites du même ouvrage, p. 279, 281 et 270.
35 François Victor Armand d’Artois de Bournonville (livret) et Felice Blangini (musique), Figaro ou Le Jour des noces, Paris, Barba, 1827. Voir aussi, sur la fortune scénique des Nozze à Paris, Tim Carter, W. A. Mozart, Le Nozze di Figaro, Cambridge University Press, 1994, p. 129-131.
36 Michel Delon, « Figaro et son double », Revue d’histoire littéraire de la France, vol. 84, no 5, 1984, p. 776-777. Voir Olivier Bara, « Michele Carafa, passeur entre deux cultures : Les Deux Figaro / I due Figaro, aller-retour », Orages. Littérature et culture 1760-1830, « L’Europe de l’Opéra », mars 2016, p. 97-112.
37 Sur la base des archives de la Bastille, Frantz Funck-Brentano a montré, voilà plus d’un siècle, combien le type réinvesti par Beaumarchais correspond aux trajectoires biographiques de nouvellistes, domestiques de leur état (Figaro et ses devanciers, Paris, Hachette, 1909, p. 310-311).
38 La pièce est signée « M. D*** » et a été éditée à Vendôme, de l’imp. de Morard et Chapeau, 1790. On ne sait pas si elle a été représentée (la base de données Cesar, www.cesar.org.uk, l’ignore) et on n’en connaît pas l’auteur : le site Gallica donne, par erreur, le nom de Marivaux.
39 L’Ami du Tiers, ou Figaro journaliste,ibid., p. 19.
40 Ibid., p. 9-10.
41 Voir Jean Rime, art. cité
42 Dans L’Arlequin. Littérature – Beaux-Arts – Théâtres – Critique – Biographies, 26 février 1860, p. 1, Colombine écrit à Arlequin : « ne lis jamais Figaro, ce réceptacle des petits scandales, des petites querelles, des petits intérêts et des petits talents. »
43 « Chronique », L’Arlequin. Littérature – Beaux-Arts – Théâtres – Critique – Biographies, 8 janvier 1860, p. 1.
44 Ibid., 29 janvier 1860, p. 1.
45 Fabrice Erre, « Le premier Figaro », art. cité, p. 19.
46 « Figaro de 1784 au Figaro de 1839 », Le Figaro. Journal littéraire et d’arts, 3 mars 1839, p. 1.
47 Journal inutile, 2e année, no 3 [i.e. 1er numéro], 27 mars 1858, p. 1. Le numéro du 10 avril 1858 publie « Deux coups de lancettes » et « Un autographe de Figaro ».
48 Claire Blandin, Le Figaro. Deux siècles d’histoire, op. cit., p. 29.
49 Olivier Bara et Marie-Ève Thérenty, « Presse et scène au xixe siècle. Relais, reflets, échanges », introduction au volume Presse et scène au xixe siècle édité sur la plateforme Médias19, septembre 2012, § 58.
50 Hippolyte de Villemessant, Mémoires d’un journaliste, 3e série, Paris, Dentu, 1873, p. 21.
51 Bernard Jouvin, « En guise de préface », Figaro, 2 avril 1854, p. 1-2. Voir Corinne Saminadayar-Perrin, « Résurrection du Figaro (1854) : autoportrait et pacte de lecture », dans Le Figaro. Histoire d’un journal, op. cit., p. 31.
52 Le Figaro. Édition spéciale imprimée dans la tour Eiffel ; voir une reproduction du numéro 8 du 22 mai 1889 dans Benoît Prot, Trésors de presse, Paris, La Martinière, 2013,p. 225.
53 Photographie de Paul Boyer parue dans Le Théâtre du 1er mai 1907 et reproduite dans Romain Piana, « L’imaginaire de la presse dans la revue théâtrale », dans Presse et scène au xixe siècle, op. cit., http://www.medias19.org/index.php?id=3005, § 15. L’incarnation du rôle par une femme ne doit pas étonner dans le contexte des revues théâtrales.