Presse et opéra aux XVIIIe et XIXe siècles. Croisements, échanges, représentations
Table des matières
OLIVIER BARA, CHRISTOPHE CAVE et MARIE-ÈVE THÉRENTY
Les textes ici réunis constituent les actes du colloque « Presse et opéra en France » qui s’est tenu à Lyon les 13, 14 et 15 novembre 2014. Cette manifestation se situait dans le prolongement direct du colloque « Presse et scène au xixe siècle » organisé en juin 2010 à Montpellier (dont les actes sont également publiés en ligne sur www.medias19.org1) ; elle prenait aussi la suite des travaux sur la presse et sur le rapport entre critique et presse conduits à Lyon et Grenoble par les équipes xviiie siècle de l’ancienne Unité mixte de recherche LIRE (désormais UMR IHRIM), et des recherches menées dans l’axe « Littérature et arts » de cette unité de recherche. Le colloque se plaçait également dans le sillon des travaux sur la poétique du journal menés au sein du centre de recherche Rirra 21 (EA 4209-université Paul Valéry Montpellier 3) et de l’ouvrage collectif La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse au xixe siècle (1800-1914) dirigé par Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant, paru en 20112.
Cette rencontre scientifique ne se donnait pas seulement pour objectif l’analyse des modalités critiques de la réception des spectacles d’opéra et de la musique dans la presse, la question des « contenus » et des formes de la critique journalistique faisant l’objet d’investigations multiples, dans le cadre de recherches menées à l’université Stendhal Grenoble 3 (devenue depuis université Grenoble Alpes)3 ou, pour la période suivante, et dans le sillage des travaux pionniers et ambitieux d’Emmanuel Reibel sur la critique musicale4, de la part de l’AHRC « Francophone Music Criticism 1789-1914 » dirigé par Katharine Ellis et Mark Everist et qui réunit des musicologues du monde entier5. Il s’agissait plutôt de déterminer la nature des relations croisées (institutionnelles, sociologiques, esthétiques, politiques) entre le monde de l’opéra et celui de la presse, et cela sur une période longue menant de la fin de l’Ancien Régime à une époque dite romantique largement conçue. C’était là une inflexion majeure, en plus de l’intérêt porté au théâtre lyrique, par rapport au colloque précédent, « Presse et scène », qui embrassait un vaste xixe siècle sans interroger plus avant, et plus finement, les scansions historiques. Dans les présents actes, nous choisissons d’intégrer au champ d’étude dix-neuviémiste une période antérieure à la Révolution, antérieure aussi à la réorganisation de la vie théâtrale menée par Napoléon Ier, antérieure enfin à cet « an I de l’ère médiatique6 » identifié à la naissance de La Presse en 1836. Le but est bien sûr de saisir de part et d’autre de la Révolution, entre fin de l’Ancien Régime et entrée dans la modernité (pré-)démocratique et médiatique, des inflexions et des ruptures dans les pratiques journalistiques et dramatiques, dans les techniques d’édition et les modes de mise en scène, dans les relations institutionnelles unissant les deux univers, le journal et l’opéra, et plus largement dans la vie culturelle. Mais nous espérons aussi mettre au jour certaines continuités dans les phénomènes, sous-jacentes à la démocratisation et à l’industrialisation de la culture ou l’alimentant déjà à la fin de l’Ancien Régime. Notre cadre chronologique n’est donc pas posé a priori dans sa supposée identité, mais proposé comme un espace temporel complexe, continu mais traversé de tensions et de ruptures, ouvert aux interrogations et aux investigations fortement historicisées. La chronologie retenue trouve enfin une légitimation sous la plume de l’historien Jean-Claude Yon. Ce dernier, dans le chapitre consacré à la presse théâtrale dans La Civilisation du journal, situe dans les années 1770 l’apparition d’une « presse des spectacles » qui devait connaître « un fort développement sous la Révolution », et perçoit une rupture à la fin des années 1880 : « Le changement des pratiques (apparition du programme), le développement d’une presse illustrée de spectacle et l’apparition de revues qui considèrent le théâtre comme partie prenante d’un projet intellectuel et artistique ambitieux sont trois éléments à ne pas négliger7 », au moment où l’institution du feuilleton critique commence à être contestée.
Premiers repères médiatiques et chronologiques
Afin d’éviter toute sur-valorisation du xixe siècle, nous entendons montrer que des phénomènes et des supports médiatiques, des modes de lecture et des rituels sont déjà en place au xviiie siècle, seule manière de cerner les réelles transformations survenues au siècle suivant.
Dès la seconde moitié du xviiie siècle, l’opéra fait en effet l’objet de comptes rendus dans beaucoup de périodiques littéraires « généralistes » tel le Journal de Paris fondé en 1777, parallèlement aux spectacles des autres théâtres privilégiés de l’Ancien Régime, la Comédie-Française et la Comédie-Italienne. Le très officiel Mercure de France use de larges extraits, tandis que la part critique se réduit à des louanges convenues et à quelques commentaires peu audacieux. Cette réserve est pour ainsi dire contractuelle, mais peut cependant varier selon les directions. Dans des journaux littéraires moins protégés, on observe que l’opéra-comique est davantage traité que l’opéra, qui est un sujet à haut risque, dont les enjeux esthétiques sont souvent aussi idéologico-politiques. Élie Fréron prend grand soin d’éviter le plus possible l’opéra dans son Année littéraire (1754-1776), ou bien il en parle à la manière du Mercure, en fournissant le moins de commentaires possibles. Un grand nombre de journaux sont dans ce type de position moyenne. Inversement, les Mémoires secrets (1777-1789), et à l’occasion de la querelle gluckiste la Correspondance littéraire publiée par Grimm à partir de 1753, sont parmi les rares périodiques (parce que non officiels) à livrer un contre-discours précis sur les spectacles et leurs coulisses, en cela précieux et parfois plus riches. Avec l’invention de L’Observateur des spectacles (1762-1763) apparaît un des premiers journaux spécialisés dans les spectacles ; une entrée « grand théâtre » (autrement dit l’Opéra) y est proposée, et on y parle aussi des concerts spirituels.
Dans le dernier quart du siècle, quelques périodiques musicaux voient le jour, avec d’autres missions que celle de collationner des airs tirés d’opéras ou d’opéras-comiques. Il s’agit de deux journaux spécialisés : le Journal de musique et L'Almanach musical. En 1770 est fondé le Journal de musique8, dont la création est louée dans le Journal Encyclopédique (mai 1770), en particulier pour la variété de ses objets tous centrés sur les productions de nature musicale, spectacles ou non ; il comporte une rubrique « opéra ». Puis vient L'Almanach musical (1775-1783), qui relève d’une périodicité fort différente (un numéro par an), continué quatre ans plus tard sous le titre de Calendrier musical universel (1788-1789, deux volumes par an).Il contient de nombreux renseignements sur la vie musicale à Paris : programmes du Concert spirituel, de l'Opéra et des théâtres lyriques ; liste des œuvres composées et publiées l'année précédente ; annonces des publications à venir ; liste des noms des compositeurs, musiciens, professeurs, marchands d'instruments, imprimeurs, luthiers, accordeurs.
Notons cependant que de nombreux journaux spécialisés dans la publication périodique de partitions et d’airs, relevant peut-être davantage de l’édition musicale, mais posant bien la question des supports, sont présents bien avant le dernier quart du siècle9. Mais c’est dans ces dernières années du xviiie siècle que la spécialisation gagne tous les supports de presse : Journal de clavecin (1762-1771)« composé sur les ariettes des comédies ; Intermèdes ; et opéras-comiques, qui ont eu le plus de succès. Par Mr. Clément »; Journal de violon (1784-1789 ?, mensuel) « dédié aux amateurs. Ce journal est composé d'airs d'opéras sérieux et comiques »; Journal de guitare ou de lyre par P. Porro (1788-1810), suite de La Muse lyrique, « dédiée à Madame la Dauphine. Recueil d'airs avec accompagnement de guitare »(1770-1789, hebdomadaire) ; La Muse lyrique italienne (1773) ; La Feuille chantante, hebdomadaire (1764-1766) devenue en 1767 Journal hebdomadaire ou Recueil d’airs choisis dans les opéras-comiques par La Chevardière, le plus important éditeur de musique du xviiie siècle. Un phénomène que l’on pourrait croire propre au xixe siècle apparaît : la collusion entre entreprise de presse musicale et édition de musique. Tirés souvent d’opéras ou d’opéras-comiques réputés ou ayant connu le succès, les extraits publiés ne mentionnent que rarement les noms des auteurs/compositeurs. Par concurrence avec les journaux musicaux, les journaux généralistes comme le Journal de Paris reprennent aussi dans le dernier quart du siècle cette pratique de la publication de partitions.
Au début du xixe siècle, les modèles viennent, pour la presse musicale spécialisée, de l’étranger : E.T.A. Hoffmann collabore ainsi à l’Allgemeine musikalische Zeitung de Leipzig à partir de 1809 ; le Berlinischer allgemeine musikalische Zeitung est fondé en 1824 par le frère de l’éditeur Maurice Schlesinger. Le retard de la presse musicale française s’est prolongé dans les trente premières années du xixe siècle10 avant la création de la célèbre Revue musicale de François-Joseph Fétis qui donna son impulsion en 1827 au développement d’une nouvelle presse musicale spécialisée11. Selon Fétis, la musique n’a jamais eu, en France, « d’organe qui ne parlât que son langage12 ». La Revue musicale représente une source de renseignements essentielle pour la connaissance de la vie musicale mais aussi de l’histoire, de l’esthétique et de la technique par son orientation didactique, par ses articles de fond comme par ses chroniques. Elle est absorbée par la Gazette musicale en 1835 pour donner vie à la Revue et gazette musicale dirigée par l’éditeur Maurice Schlesinger puis par la maison Brandus jusqu’à sa disparition en 1880. Les éditeurs de musique font de leurs journaux des supports promotionnels. La maison Heugel récupère ainsi en 1839 Le Ménestrel, fondé en 1833 (le périodique vivra jusqu’en 1940), tandis que les frères Escudier dirigent La France musicale (1837-1840). Aux côtés de ces revues musicales liées à l’édition se développent aussi des journaux musicaux accompagnant la vie des concerts, tels que La Chronique musicale (1865-1870) ou L’Écho des concerts (1863-1869)13.
Toutefois, la presse musicale est parfois difficile à distinguer de la presse des spectacles : « Dans tous les journaux de spectacle, théâtre lyrique et théâtre dramatique sont appréhendés comme une globalité, même s’ils font l’objet de chroniques séparées14. » En dehors de cette presse musicale en plein essor, la critique d’opéra se trouve aussi dans les journaux de spectacle qui traitent dans des rubriques séparées théâtre lyrique et théâtre dramatique et qui surtout publient des annonces. Le plus célèbre est L’Entracte (1831-1897) : « Ces journaux quotidiens, ou bihebdomadaires, sont aux mains des éditeurs de théâtre qui, avec le droit de les vendre dans les salles, achètent également aux directeurs de théâtre le droit exclusif de vendre les textes des pièces et les livrets d’opéras – un commerce très rentable15. »
De leur côté, à la même période, les journaux quotidiens accordent une place assez large à l’opéra notamment dans la « case » feuilleton au rez-de-chaussée du périodique, invention du xixe siècle. Ce feuilleton contenait la critique dramatique et musicale. Si le célèbre critique dramatique, inventeur et maître du feuilleton entre 1800 et 1814, Julien-Louis Geoffroy, était connu pour son mépris pour l’opéra et sa préférence pour l’opéra-comique16, il est relayé au Journal des débats par Castil-Blaze (1820-1832), grand amateur d’opéra et qui a arrangé de nombreux opéras allemands ou italiens pour la scène. Ce sont ensuite Hector Berlioz (1834-1863)17, Joseph d’Ortigue (1852-1866)18, Ernest Reyer (1866-1898) qui analysent les productions lyriques tout comme la musique dans le feuilleton du Journal des débats, tout en collaborant à d’autres périodiques. Certains feuilletonistes peuvent rendre compte des théâtres dramatiques et lyriques : ainsi de Théophile Gautier qui traite de l’opéra comme du théâtre ou du cirque dans La Presse entre 1836 et 1855 ; passant au Moniteur universel sous le Second Empire, Gautier cède la place pour la musique à Fiorentino19.
Mais la critique musicale n’est pas la seule rubrique qui évoque l’opéra. Il peut être présent dans les publicités, dans les galeries illustrées, les physionomies et les panoramas, dans les romans et notamment dans les romans de la danseuse et de la cantatrice (sous-genre romanesque promu par les revues musicales), dans les potins (dès le xviiie siècle, en particulier dans les Mémoires secrets, autour des coulisses et de tous les phénomènes de starisation des chanteurs ou des instrumentistes), dans les faits divers (incendie de l’Opéra, dès 1763 ou 1781, et de l’Opéra-Comique en 1887), dans des articles qui évoquent les problèmes d’hygiène et de médecine liés à la voix, dans des questions liées à l’éclairage ou à l’architecture (inauguration de l’Opéra Garnier en 1875).
Des relations particulières entre presse et opéra
Le colloque et les actes de « Presse et opéra » ont été conçus comme la suite de « Presse et scène », selon des inflexions qui ne concernent pas que l’empan chronologique retenu. Nous sommes en effet partis du postulat selon lequel les relations entre presse et opéra sont de nature différente de celles qui relient la presse et le théâtre. Quelles sont les spécificités de l’opéra, par rapport au théâtre parlé, dans sa relation à la presse. Quels sont les problèmes propres posés à la presse par la scène lyrique ? Quels sont les modes particuliers d’échanges entre presse et opéra ? Quels échanges particuliers peut-on observer entre les institutions médiatiques et lyriques que nous plaçons en regard ?
Nous avons cerné trois champs dans lesquels l’opéra est susceptible de se distinguer du théâtre, que ce soit dans son traitement médiatique, dans les discours qu’il génère, dans les imaginaires qu’il nourrit.
Le premier concerne la chronologie et les scansions temporelles propres à l’opéra et distinctes de celles de la scène théâtrale : la scène lyrique possède, comme tout art, un régime temporel spécifique, entraînant un temps médiatique qui lui est propre. Cela concerne d’abord les querelles inhérentes à l’histoire de l’opéra, distinctes de celles qui rythment la vie du théâtre ou d’autres arts, relayées, orchestrées, nourries par la presse : la querelle des Bouffons déclenchée en 1752 par la représentation à Paris d’intermezzi et d’opere buffe vite opposés à la musique française, la querelle des gluckistes et des piccinnistes vingt ans plus tard, la guerre des « dilettanti » autour de 1820, avec sa célèbre bataille d’articles de presse menée contre ou pour Rossini par Berton (dans le journal L’Abeille) et Stendhal (dans Le Miroir des spectacles et le Journal de Paris). Assistons-nous aux mêmes régimes médiatiques d’alimentation de la querelle et de construction de l’événement que pour le théâtre parlé ? Une spécificité de l’opéra tient à sa dimension cosmopolite : rappelons la présence à Paris d’un opéra en langue étrangère (les Italiens) et surtout la tradition d’accueil des musiciens étrangers : après Lully, dans la période qui nous occupe, Cherubini, Spontini, Rossini ou Meyerbeer composent pour Paris. De là naissent des crispations et des querelles à dimension politique voire nationaliste dans la presse. Il existerait donc des enjeux socio-politiques ou idéologiques propres à l’opéra et la presse joue un rôle particulier dans la politisation de la scène lyrique, orchestrée depuis les médias. Plus généralement, la presse n’est-elle qu’un relais dans la production de libelles, pamphlets, essais ou biographies polémiques ? Ces derniers transitent souvent par les périodiques pour se développer ensuite dans des livres. En quoi le journal est-il, avant même les foyers des maisons d’opéra, l’antichambre des débats et des combats qui agitent le monde lyrique ?
En dehors des grandes querelles esthético-politiques, héritage des siècles antérieurs, la vie lyrique et médiatique est ponctuée par des débats plus spécifiques, propres à la période envisagée ici : la rivalité entre les théâtres Feydeau et Favart dans la décennie 1790, chacun possédant sa troupe d’opéra-comique ; le débat autour du diapason et de sa hauteur mené par exemple par Berlioz en 1823 dans Le Corsaire, la baisse du diapason apparaissant comme un remède salutaire contre « l’école du cri » qui sévit à l’Opéra de Paris ; le débat autour de la reprise d’opéras-comiques anciens, autour de 1840, et de la nouvelle orchestration des œuvres de Grétry ou de Monsigny par Adam, suscitant la colère des partisans de l’original ; le débat récurrent tout au long du premier xixe siècle sur l’établissement d’un troisième opéra français à Paris, en plus de l’Opéra et de l’Opéra-Comique – maison lyrique susceptible d’accueillir les prix de Rome, ou opéra « populaire », qui trouvera une réalisation dans le Théâtre-Lyrique en 1851. En province, des débats spécifiques relèvent de l’histoire locale et se cristallisent autour des choix de répertoire des directeurs de troupes, sédentaires ou ambulantes, ou autour des débuts de nouveaux chanteurs, préparés et commentés par les journaux de la ville ou de la région.
Il convient enfin de prendre en compte des scansions historiques particulières, au gré des événements lyriques construits ou alimentés par la presse : les grandes créations et l’arrivée de nouveaux compositeurs étrangers (Gluck à la fin de l’Ancien Régime, Rossini puis Meyerbeer sous la Restauration, Donizetti sous la monarchie de Juillet), les grandes reprises (celles des opéras de Gluck, qui courent sur l’ensemble de la période étudiée) ; les débuts de chanteurs ; les incendies de l’Opéra de Paris (ceux de 1763 et de 1781) ; les changements de technique d’éclairage ; la mort accidentelle d’une diva, comme la Malibran en 1836, le suicide d’un ténor vedette comme celui d’Adolphe Nourrit en 1839, la perte de sa voix par Cornélie Falcon lors de son retour désastreux en scène de mars 1840 ou l’« invention » de l’ut de poitrine par le ténor Gilbert Duprez. Ces faits sont transformés en événements par la presse, à force de chroniques, de cancans de coulisses et de rubriques indiscrètes. Existe-t-il des modes originaux, « lyrico-médiatiques », de célébration ? Peut-on cerner des régimes propres de célébration de la vedette lyrique et de construction médiatique d’une carrière – de musicien, de chanteur ? Cela soulève une autre question : celle des réseaux communs rassemblant directeurs d’opéra et journalistes ou patrons de presse (tel le docteur Véron, fondateur de la Revue de Paris et directeur de l’Opéra). Qu’en est-il, sur le modèle des dramaturges-journalistes, des librettistes-journalistes à double casquette (tel Étienne de Jouy, librettiste de La Vestale de Spontini et de Guillaume Tell de Rossini et fameux « ermite de la Chaussée d’Antin » dans la Gazette de France) ? Comment la profession d’agent dramatique vient-elle se confondre avec l’activité de journaliste en province ? Le cas des compositeurs-journalistes doit aussi être abordé (on pense à Castil-Blaze, critique au Journal des débats puis au Constitutionnel, célèbre arrangeur d’opéras étrangers, ou à François-Joseph Fétis compositeur, notamment à l’Opéra-Comique, et créateur de la Revue musicale de Paris en 1827, sans oublier Adolphe Adam, Henri-Montan Berton ou bien sûr Berlioz, compositeur, journaliste, écrivain).
Le deuxième champ d’étude traversé par les études ici rassemblées concerne la question des langages et des supports, musicaux et/ou médiatiques. L’écriture de la critique opératique, tout d’abord, se distingue nettement de la critique dramatique par la part technique liée à l’appréciation (savante ou non) de la partition, de l’exécution musicale et vocale. Se pose la question de la répartition organisée dans le feuilleton hebdomadaire entre compte rendu dramatique et compte rendu dramatico-musical. Geoffroy, au tout début du xixe siècle, dans le Journal des débats confond les deux écritures. Plus tard, Théophile Gautier alterne volontiers avec un confrère plus chevronné dans l’analyse musicale. La question se pose de façon plus aiguë peut-être pour la province et sa presse, là où les troupes locales peuvent mêler artistes de théâtre et d’opéra, et où les talents de plume et d’analyse musicale sont moins nombreux qu’à Paris ou dans les grandes villes. Cela soulève aussi une interrogation sur la répartition dans un même périodique de la critique de théâtre et de la critique d’opéra, voire de la critique de musique instrumentale, sur leurs périodicités communes ou distinctes, sur les hiérarchies et les conflits de position dans l’espace du journal. De tels phénomènes doivent se mesurer subtilement à l’échelle du grand quotidien, de la petite presse, de la presse de province, ou des journaux et revues spécialisés dans les spectacles.
Le cas des revues musicales et des journaux spécialisés dans la musique doit être traité ici encore dans leurs relations de rivalité, d’antériorité ou de postérité, par rapport aux journaux de spectacles, englobant la scène lyrique parmi d’autres scènes : L’Observateur des spectacles existe dès 1762, avant le Journal de musique lancé en 1770. Plus tard, à la fin de la Restauration, la Revue musicale de Fétis vient se distinguer, par ses objets, son propos, sa technicité, des revues de spectacle plus généralistes où l’opéra occupe une place parmi d’autres.
L’émergence d’une presse musicale réclamant pour elle l’appréciation savante de la musique d’opéra tient bien sûr aux difficultés textuelles et scripturaires liées à « l’écriture » critique de la voix, de la musique : au langage technique du journaliste, comme aux analogies, métaphores, effets stylistiques qu’il faut forger pour rendre compte de l’instrument, de l’orchestre, de la voix, de la sensation reçue au contact de l’objet sonore. Plus spécifiquement encore, une enquête sur le support matériel que peut constituer le périodique et sur les modes pratiques de médiation de la musique lyrique par le journal est nécessaire. Comment se réalise techniquement l’impression de la musique, déjà dans le Journal de Paris sous l’Ancien Régime, selon quelles contraintes et au gré de quelles évolutions ? Quels extraits musicaux privilégie-t-on, et pour quels usages par le lecteur, selon quelle temporalité par rapport à l’affiche des maisons d’opéra ? Et le privilège accordé par la presse à certaines formes musicales, popularisées par la diffusion médiatique, influence-t-il en retour la composition ?
Le dernier champ d’investigation touche aux modes d’écriture et aux mises en récit privilégiés par la presse : quelimaginaire « lyrique » et quelles représentations symboliques l’opéra inspire-t-il à la presse ? Lors du premier colloque (« Presse et scène »), une certaine porosité des langages dramatique et journalistique avait été observée, l’esprit du vaudeville imprégnant la petite presse qui influence à son tour l’humour vaudevillesque. Une dramatisation de l’écriture de presse avait été également cernée. De semblables phénomènes sont-ils observables au contact de la presse avec la scène lyrique ? L’écriture journalistique hérite-t-elle, dans ses formes, ses figures, ses thèmes, du spectacle lyrique ? Sur le modèle du Figaro de Beaumarchais (et de Da Ponte/Mozart) et du journal Le Figaro, peut-on observer des migrations de personnages d’opéra en personnages de presse voire en titres de presse ? Plus largement, quelle est la productivité fictionnelle et poétique de la recension médiatique de l’opéra ? Cette recension s’étend-elle vers la narration romanesque et la création de sous-genres du roman, tel celui de la « nouvelle musicale », selon des dynamiques génériques engagées par le journal ?
L’opéra offre assurément un matériau fictionnel bien particulier, exploité par la production littéraire de la presse. Le romantisme voit ainsi se diffuser des romans « de la musique » et des nouvelles « musicales » publiées en revue ou sous forme de romans-feuilletons dans les quotidiens : les exemples les plus célèbres sont Sarrasine de Balzac dans la Revue de Paris et Consuelo de George Sand dans la Revue indépendante. Le récit romanesque reprend un ensemble de personnages, de situations, de lieux déjà exploités, dans un sens satirique, par les textes et les livrets « métathéâtraux » dérivés d’Il teatro alla moda de Marcello au xviiie siècle : le castrat puis la diva, le charme de la voix, la transcendance de la virtuosité, les ridicules du mauvais chanteur, du mélomane et du dilettante. Ces fictions médiatiques élaborent des représentations à valeur sociale, politique ou symbolique : l’Opéra comme lieu d’affichage social (avoir sa loge à l’Opéra ou aux Italiens), la fréquentation de l’Opéra-Comique comme signe d’appartenance culturelle à la petite ou moyenne bourgeoisie, la salle et la scène d’opéra comme lieux de révélation sensorielle ou de trouble sensuel et érotique. Voilà autant de figures, d’espaces, de scènes à faire offerts par le monde de l’opéra à la narration fictionnelle accueillie dans les colonnes des journaux.
Inversement, il s’agirait d’envisager le traitement de la presse et des journalistes par l’opéra, la représentation de la lecture, parfois monomaniaque, du journal ou des figures de journalistes sur la scène lyrique. Tel est l’angle mort des présents actes : un nouveau champ d’étude pour d’autres travaux ?
Présentation des actes
Les problématiques exposées ci-dessus sont abordées au fil de cinq parties successives. La première envisage les « nouveaux protocoles » de la critique d’opéra à Paris et en province. Sont étudiés les supports médiatiques (presse généraliste et presse spécialisée, journaux de Paris et de province) et leurs évolutions sur la période : quelle est l’évolution des discours et des rubriques opératiques, formant la poétique du journal ? Michael O’Deamontre la cohérence des discours musicaux du Mercure de France, selon les périodes, et en fonction de ceux à qui reviennent les rubriques musicales, qu’il s’agisse par exemple de Chabanon dans les années 1770, ou pour les années 1778-1784, de l’approche critique de Jean-Baptiste Suard. Malgré l’aspect consensuel du journal, la chronique musicale et opératique se trouve ainsi fournir régulièrement des analyses de qualité, cependant selon un angle souvent moins fondamentalement musical que « littéraire ».Quant à Alban Ramaut, il étudie les débuts de la critique opératique d’Hector Berlioz entre 1823 et 1830, c’est-à-dire au moment où Berlioz assimile les codes de la critique en même temps que, musicien, il passe du statut d’amateur provincial à celui de compositeur remarqué.Berlioz est un exemple fameux de double carrière, musicale et journalistique. Emmanuel Reibel se penche sur ce phénomène trop longtemps minimisé, qui inclut aussi librettistes ou directeurs d’opéra : le « mélange des genres » entre presse et opéra va parfois jusqu’au « conflit d’intérêts ». Emmanuel Reibel éclaire le caractère transversal des carrières menées à l’époque romantique et démontre l’impossibilité de toute opposition binaire entre monde lyrique et monde médiatique. Avec Guy Gosselin, Benjamin Frouin et Patrick Taïeb, le regard embrasse la spécificité de la vie lyrique et de la production médiatique en province. Le premier examine à partir du cas particulier d’un titre de presse, L’Écho du Nord, et d’un journaliste, « Y. », tous les rôles joués par le périodique dans l’animation et l’orientation du spectacle lyrique lillois à la fin de la monarchie de Juillet. Une chronique aussi suivie des événements lyriques appelle très vite la création de périodiques spécialisés en province. Benjamin Frouin et Patrick Taïeb déplacent le point de vue vers le sud de la France et analysent l’activité d’un critique et agent dramatique, Jean-Baptiste Léon Dupin, et d’une double entreprise de presse : L’Agent dramatique du Midi et Le Midi artiste, couvrant la période allant de 1840 à 1870. Ces deux exemples le prouvent : le périodique est bien, non seulement le simple vecteur d’un « commentaire du monde », mais « un instrument pour agir dans le monde et pour produire un effet sur lui ».
La deuxième partie s’intéresse au journal comme support éditorial, proposant livrets, extraits musicaux, partitions détachées, reproductions de décors et costumes, descriptions de mises en scène ou de trucages. Comment un « spectacle (lyrique) dans un fauteuil » se déploie-t-il sur le papier journal ? Quel rôle la presse joue-t-elle alors dans l’élection des panthéons musicaux et dans la transmission des productions lyriques vers la province ou vers l’étranger ? Le phénomène est ancien : la querelle des gluckistes et des piccinnistes se mène déjà à coups de publications d’extraits musicaux dans la presse, comme le montre Christina Koullapi. Le Journal de Paris, quotidien généraliste, prend la défense du chevalier Gluck non seulement par des comptes rendus, fondés sur une prétendue neutralité, mais surtout via la publication d’extraits, au plus fort de la querelle (1777-1779) et après-coup (années 1780), relayée ensuite par le Mercure de France. Joann Élart montre comment cette activité éditoriale de la presse s’amplifie à la fin de l’Ancien Régime, à Paris (Journal de Paris) et en province (Journal de Normandie) ; l’impression de partitions sur support médiatique a-t-elle un rôle informatif ? cherche-t-elle à fidéliser le lectorat comme, plus tard, le feuilleton ? joue-t-elle un rôle actif dans la vie culturelle du temps ? Le journal peut aussi alimenter les pratiques privées d’opéra et nourrir la vie lyrique des salons. Le Magasin des demoiselles, autour de 1870, a diffusé à ces fins une partie du répertoire de Ferdinand Poise, comme l’analyse Sabine Teulon-Lardic, rappelant que la vie lyrique se déroule aussi en dehors des institutions : dans les échanges entre presse spécialisée et tréteaux de salon.
La troisième partie s’attache aux constructions médiatiques de l’événement lyrique pour saisir le rôle joué par la presse dans la construction d’une histoire de l’opéra, supposant mise en récit, élection de héros et d’héroïnes, constitution de hauts faits et de grands moments. Le traitement médiatique des changements de salles (déménagements, faillites, catastrophes) élabore ainsi les grandes scansions de la vie lyrique et de l’histoire d’une institution, comme celle de l’Opéra de Paris livrée à deux incendies en 1763 et 1781, comme le rappelle Pierre Saby. Les avancées techniques imposent aussi à l’histoire de l’opéra une logique de progrès, jugé nécessaire selon une partie de la presse ou au contraire dangereux pour l’idée de l’art : Mariglen Sulejmani reconstitue la campagne de presse qui prépare, accompagne, juge l’arrivée de l’éclairage au gaz à l’Académie royale de musique sous la Restauration, puis le premier essai d’illumination électrique de la scène dans Le Prophète, en 1849.Les carrières lyriques se construisent aussi dans la presse. Comment, avec quels outils médiatiques, par quelles représentations récurrentes ou quelles rubriques (les récits de « débuts » ou de « bénéfices » par exemple), selon quelles évolutions se constitue l’image des chanteurs, des musiciens, des librettistes mais aussi des institutions lyriques ? La presse joue-t-elle un rôle dans la naissance du « vedettariat » lyrique ? Aurélie Barbuscia et Stella Rollet se concentrent sur deux cas dont on se demandera s’ils sont emblématiques ou exceptionnels, ceux de Rossini et de Donizetti à leur arrivée à Paris. Aurélie Barbuscia décrit l’entrée de Rossini à Paris en 1823 comme un véritable « phénomène médiatique » et montre que la presse, le théâtre et le pouvoir politique entrent en concurrence sous la Restauration pour assurer leurs visibilités respectives. Selon Aurélie Barbuscia, la présence déficitaire de Louis XVIII renforce en quelque sorte celle de l’élite artiste dont l’image médiatisée finit par se suffire à elle-même. Stella Rollet montre que le compositeur Gaetano Donizetti a bien tenté avec ses amis d’établir une stratégie médiatique en France entre 1835 et 1845 autour de ses créations. Mais il a choisi de ne pas privilégier les mondanités et la camaraderie sur son activité créatrice, ce qui explique sans doute la réception mitigée qu’il rencontre.
Ces constructions médiatiques se fondent sur des enjeux socio-politiques sous-jacents, parfois explicites. L’opéra est aussi une manifestation du politique et celle-ci trouve dans la presse à la fois une matrice et une chambre d’écho. Comment la lecture de la presse permet-elle de ressaisir à distance, aujourd’hui, les enjeux sociaux ou idéologiques d’une création ou d’une représentation lyriques ? Comment le compte rendu ou la polémique, dans le journal, aident-ils à interpréter, en contexte et en cotexte, la « socialité » d’une œuvre lyrique, du livret, de la partition ou du spectacle ? La presse vient-elle expliciter un sens rendu latent par le poids de la censure ? France Marchal-Ninosque rappelle certains enjeux de la réforme gluckiste tels qu’ils transparaissent dans la Correspondance littéraire. La présentation d’abord élogieuse puis désenchantée de cette musique est liée à des enjeux dramatiques et plus généralement politiques, autour de la musique française et contre la musique soutenue par Marie-Antoinette. Nous pourrions ajouter que ce type de débats particulièrement idéologisés se développe dans des périodiques (manuscrits) échappant à la censure, comme celui de Grimm ou encore les Mémoires secrets, bien plus virulents. Inversement, Charlotte Wolff se concentre sur la critique de l’opéra-comique entre 1760 et 1791 et s’attache aux modalités de la relation à l’opinion dans deux journaux consensuels (L’Avant-Coureur et le Mercure de France) pour y souligner le rôle de la norme morale et de l’évitement du politique comme condition de l’harmonie collective. Dans un moment particulièrement complexe et tendu de la vie politique française comme la Restauration, l’arrivée des opéras de Rossini à Paris, le développement du « rossinisme » et du « dilettantisme » déclenchent des conflits médiatiques dont William Weber propose une lecture sociologique et idéologique très fine, montrant que chaque camp est traversé par des contradictions. Isabelle Porto San Martin étudie l’image de l’Espagne telle qu’elle se dessine entre 1833 et 1843 dans la presse musicale française par le filtre de l’opéra-comique. Plusieurs stratégies sont utilisées : la déréalisation de l’Espagne, la critique sarcastique du pays voisin et la construction par le miroir de l’Espagne d’une image valorisée de la nation française. Mark Everist revient sur la manière dont l’opéra sous le Second Empire fut mis sous la tutelle d’une commission supérieure conservatrice et sur la façon dont l’un de ses membres, Raymond-Théodore Troplong, alla jusqu’à promouvoir la musique de scène de Gluck comme un modèle opératique du futur et suscita ainsi une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes.
La dernière partie s’intitule « Fictions en miroir » : elle s’intéresse aux jeux de reflets qui unissent presse et opéra dans leur partage de l’imaginaire et des représentations symboliques. Des phénomènes de « migration transmédiatique entre théâtre, opéra et presse », selon Jean Rime, peuvent s’observer lorsqu’un personnage sort de la scène pour donner son nom, sa figure, son éthos à un titre de périodique ou s’en faire l’emblème. La presse capte ainsi, selon une « imprégnation […] souterraine », une part de la créativité fictionnelle de l’opéra. Plus couramment, un critique fait dévier son compte rendu vers « l’écriture littéraire » de « feuilletons musicaux » : Priscilla Gimenez analyse de tels procédés de « contournements » sous la plume de Théophile Gautier et d’Hector Berlioz, cultivant tous deux l’« écriture métaphorique, métadiscursive, ironique et fictionnelle ». Allant plus loin encore dans l’absorption de l’évaluation esthétique par la fiction, le sous-genre des nouvelles « musicales » se développe autour de 1830, d’abord dans les revues spécialisées comme la Revue et gazette musicale de France : Sarrasine, Gambara ou Massimila Doni de Balzac sont des exemples fameux. Marjolaine Forest revient sur les discours fantasmatiques entretenus dans la presse autour de la voix mais aussi du corps des castrats. Ces discours sont en fait prolongés dans la principale fiction musicale romantique inspirée des castrats : Sarrasine de Balzac. Le roman musical, né à l’exact point d’intersection de la scène lyrique, de la critique médiatique, du feuilleton et du roman, évolue au gré d’autres rencontres. Il s’enrichit et se complexifie ainsi au contact du « mystère urbain » dont Les Mystères de Paris d’Eugène Sue ne sont qu’un premier avatar. Filippos Katsanos saisit ces « dynamiques génériques de l’an 1843 ». L’ère médiatique se caractérise bien par « l’hybridation […] entre journalisme et fiction ». L’une des visées des présents actes de colloque était de rappeler que l’opéra a aussi présidé à cette dynamique créatrice.
(Olivier Bara, université de Lyon, université Lyon 2, UMR 5317 IHRIM)
(Christophe Cave, université Grenoble Alpes, UMR 5316 Litt&Arts)
(Marie-Ève Thérenty, université Paul Valéry Montpellier 3, RIRRA 21)
Notes
1 Olivier Bara, et Marie-Ève Thérenty (dir.), «Presse et scène au xixe siècle. Relais, reflets, échanges», Médias 19 [En ligne], mis à jour le : 19/10/2012.
2 Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse au xixe siècle (1800-1914), Paris, Nouveau monde éditions, 2011.
3 Ces recherches grenobloises se sont déroulées sous forme de séminaires ou de colloques, à l’occasion d’enquêtes menées autour de l’édition critique des Mémoires secrets (dits de Bachaumont), périodique peu officiel (1777-1789) : voir en particulier les articles de Solveig Serre (École nationale des chartes, CNRS) qui confronte les Mémoires secrets et le Mercure de France, ou de Thomas Vernet (département de Musique ancienne de Royaumont) à propos des concerts publics dans les Mémoires secrets : lire le collectif Le Règne de la critique. L’imaginaire culturel des Mémoires secrets, Christophe Cave (dir.), Paris, Champion, 2010.
4 Emmanuel Reibel, L’Écriture de la critique musicale, Paris, Champion, 2005. Voir aussi, entre autres études dix-neuviémistes, H. Robert Cohen, « La presse française du xixe siècle et l’historien de la musique », et Joseph-Marc Bailbé, « La critique musicale au Journal des débats », dans le collectif La Musique en France à l’Époque romantique, 1830-1870, Paris, Flammarion, coll. « Harmoniques », 1991, p. 257-269 et 271-294.
5 Voir le site Music criticism workshop [en ligne].
6 Voir Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), 1836 : l’an I de l’ère médiatique, Paris, Nouveau monde éditions, 2001.
7 Jean-Claude Yon, « La presse théâtrale », dans La Civilisation du journal, op. cit., p. 375 et p. 382. Pour la période de la Révolution, Jean-Claude Yon cite Le Courrier des spectacles (1796-1807) et Le Censeur dramatique (1797-1798), animé par Grimod de La Reynière.
8 Daté 1770-1771, le Journal de musique est repris plus tard en 1773, puis en 1777, et fait suite à un premier Journal de musique (1758, mensuel)par M. de Lagarde, fondé sur des « airs, duos, cantates, cantatilles, ariettes, songes, etc., la plupart du temps à voix seule et clavecin, parfois à voix et basse seulement, à voix et violon, etc. ». On peut diviser le nouveau journal en cinq parties : recherches sur la musique, productions nouvelles, articles sur différents instruments, mélanges et anecdotes, extraits et annonces, avis divers.
9 De tels recueils existent pendant tout le siècle, reprenant une certaine tradition depuis le XVIIe siècle de publications plus ou moins périodiques de partitions et d’airs (Airs de différents autheurs, mis en tablature de luth [1608-1643]), d’airs à boire, de motets (1712), de fêtes de cour (1770-1786).
10 Sur ces trois décennies, voir Belinda Cannone, La Réception des opéras de Mozart dans la presse parisienne (1793-1829), Paris, Klincksieck, 1991.
11 Sur les positions esthétiques du critique François-Joseph Fétis, voir Malou Haine, « Romantique, “un mot si dangereux” selon François-Joseph Fétis », dans Olivier Bara et Alban Ramaut (dir.), Généalogies du romantisme musical français, Paris, Vrin, 2012, p. 47-63.
12 François-Joseph Fétis, Revue musicale, no 1, février 1827, p. 2-3.
13 Voir les notices consacrées aux grands titres de la presse musicale dans Joël-Marie Fauquet (dir.), Dictionnaire de la musique en France au xixe siècle, Paris, Fayard, 2003. Pour un panorama de la presse française au xixe siècle dans ses rapports avec la musique, voir Emmanuel Reibel, L’Écriture de la critique musicale, chap. Ier, « Les journaux », p. 21-50.
14 Jean-Claude Yon, « La presse théâtrale », dans La Civilisation du journal, op. cit., p. 379.
15 Ibid., p. 376.
16 Voir Olivier Bara « Julien-Louis Geoffroy et la naissance du feuilleton dramatique », Orages. Littérature et culture (1760-1830), « Poétiques journalistiques », Marie-Ève Thérenty (dir.), no 7, 2008, p. 163-180, ainsi que, du même auteur, la notice « Julien-Louis Geoffroy (1743-1814) » dans La Civilisation du journal, op. cit., p. 1097-1100.
17 Les articles de Berlioz sont publiés, sous la direction de H. Robert Cohen, Yves Gérard, Anne Bongrain et Marie-Hélène Coudroy-Saghai, depuis 1996 : Hector Berlioz, La Critique musicale, 1823-1863, Paris, Buchet/Chastel (6 premiers volumes) et Paris, Société française de musicologie/Lyon, Symétrie (vol. 7).
18 Joseph d’Ortigue, Écrits sur la musique 1827-1846, éd. Sylvia L’Écuyer, Paris, Société française de musicologie, 2003.
19 Voir François Brunet, Théophile Gautier et la musique, Paris, Champion, 2006.