Vers une conscience patrimoniale ? Le discours sur les enceintes romaines tardives dans la presse au XIXe siècle à travers l’exemple du Mans
Table des matières
CORINNE SAVARIAU et ESTELLE BERTRAND
Fig. 1 : Vue de l’enceinte romaine tardive du Mans – Photographie : C. Savariau
L’enceinte romaine tardive du Mans est aujourd’hui mise en lumière par la municipalité comme étant l’un des fleurons patrimoniaux de la ville, candidate au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Sur les 1300 mètres du tracé, plus de 50 % sont aujourd’hui conservés. Elle constitue un exemple des enceintes tardives qui ont été construites suite aux difficultés qui touchent l’Empire romain au IIIe siècle. Les hypothèses les plus courantes estiment qu’elle a pu être édifiée à la fin du IIIe ou au début du IVe siècle1. Sur les 500 mètres les mieux conservés en bord de Sarthe, on voit encore de nos jours sept tours bien dégagées. Les courtines atteignent par endroits dix mètres de hauteur. L’enceinte mancelle est réputée pour l’ornementation unique de son parement, décoré de formes géométriques dessinées par l’utilisation de moellons de couleurs différentes formant une sorte de mosaïque.
Cet ensemble architectural, inscrit sur la liste des Monuments historiques en 1862, fut néanmoins mis à mal à coup de dynamite entre 1872 et 1877 pour le percement d’un tunnel. En effet, doublée dès le Moyen Âge par une nouvelle enceinte côté Sarthe, l’enceinte romaine avait fini par être déclassée, perdre sa fonction défensive et servir de support ou d’appui à des habitations, à tel point qu’au XIXe siècle elle ne se distinguait plus de façon nette dans le substrat urbain. Comme ce fut le cas ailleurs à une époque où la démolition des enceintes était relativement fréquente, l’enceinte pouvait constituer un obstacle au développement urbain2 ; elle était assurément devenue, comme beaucoup de fortifications urbaines, un élément empêchant la circulation de l’air. Comme nombre de villes dans cette deuxième moitié du XIXe siècle, Le Mans revoit son urbanisme, conformément aux théories hygiénistes du préfet de la Seine entre 1853 et 1870, le baron Haussmann, mises en œuvre de manière systématique à Paris où l’on construit de grandes avenues pour favoriser l’aération de la ville et pour faire disparaître l’insalubrité de certains quartiers3. L’arrivée du chemin de fer en 1854, de même que l’annexion de nouvelles communes sur la rive droite de la Sarthe (Saint-Pavin, Saint-Georges, Sainte-Croix) font de la ville une « grande ville » qui se dote de nouvelles infrastructures (aménagement de grandes avenues, comme celle qui rejoint la gare à la préfecture, des quais rive gauche) et de nouveaux agréments : le jardin d’horticulture, actuel Jardin des Plantes, est inauguré en 18554. Or, l’enceinte fait les frais de ce programme de grands aménagements, comme en témoignent dès 1857 les inquiétudes formulées par l’érudit normand Arcisse de Caumont, lorsqu’il constate en visitant Le Mans la destruction d’une tour qui était très bien conservée et qu’il avait fait dessiner, craignant que « d’autres parties de l’enceinte ne disparaissent5 ». En 1860, il fait un point sur l’état des monuments romains en France : ils se dégradent faute d’entretien, la situation est grave, et il cite Le Mans : « […] chaque année produit une brèche de plus dans l’enceinte gallo-romaine du Mans6 ». À le lire, on comprend que le regard porté par les habitants et les élus sur l’enceinte du Mans au XIXe siècle semble avoir été marqué d’indifférence envers le témoignage du passé antique qu’elle constitue.
Il semble donc intéressant d’essayer de comprendre quelle perception du monument pouvaient avoir les locaux dans ce moment crucial de la seconde moitié du XIXe siècle, qui correspond à la fois au développement de la protection des Monuments historiques et à la mise en œuvre de nouvelles politiques urbaines. Dans ce cadre de réflexion, le discours de la presse peut offrir un angle d’approche particulièrement riche. La presse est en plein essor au XIXe siècle. Elle bénéficie de l’industrialisation, qui diminue les coûts d’impression, des mutations politiques, qui poussent une plus grande partie de la population à s’intéresser à l’actualité, et du développement de l’instruction7. Nouveau vecteur de diffusion de l’information, la presse peut refléter l’intérêt de la population locale pour un monument urbain, comme elle peut, en relayant les événements, influencer les lecteurs. A-t-elle pu jouer un rôle dans une prise de conscience de l’importance, voire de l’existence de ce patrimoine noyé dans le substrat urbain ?
Nous tenterons d’y répondre en analysant la place accordée à l’enceinte dans la presse locale à deux moments cruciaux — le percement d’un tunnel entaillant l’enceinte entre 1874 et 1877, et un effondrement donnant lieu à une longue phase judiciaire entre 1887 et 1891 — et en la confrontant au discours savant. Cette étude sur deux plans doit nous permettre de répondre à plusieurs questions. Pouvons-nous mesurer l’intérêt de la presse locale pour les recherches qui permettent de mieux la connaître ? Comment son devenir dans le cadre des grands aménagements urbains de la deuxième moitié du XIXe siècle a-t-il été perçu ? Pouvons-nous cerner le rôle qu’a pu jouer la presse dans la construction d’une conscience patrimoniale au Mans à la fin du XIXe siècle ?
La diffusion de l’information archéologique en Sarthe au XIXe siècle : entre presse locale et revues spécialisées
Nous nous sommes intéressés à deux types de diffusion des informations concernant l’enceinte romaine : la presse locale quotidienne, accessible à un large public, et les revues savantes, qui relaient, dans des cercles au niveau local comme national, les recherches archéologiques d’érudits locaux8.
La presse quotidienne locale en Sarthe
Dans le courant du XIXe siècle, deux journaux principaux paraissent régulièrement et dominent le paysage d’une presse locale foisonnante9. Le plus ancien sur la période que nous avons définie est L’Union de la Sarthe, qui prend ce titre en 1841 et devient en 1888 Le Nouvelliste de la Sarthe, livré jusqu’en 191710. Le second journal sur lequel nous nous sommes appuyés est le quotidien La Sarthe, fondé en 1868 et livré jusqu’en 1944 (cédant la place au Maine-Libre, quotidien qui existe toujours).
Ces deux journaux politiques, adversaires de la royauté, sont de format équivalent : de 42-43 à 63 cm. Ils présentent une organisation proche : quatre pages, quatre à cinq colonnes par pages, développant d’abord, comme c’est le cas pour les autres journaux politiques, les nouvelles parisiennes et nationales, agrémentées d’un roman feuilleton en « rez-de-chaussée » ; puis les informations locales désignées dans l’Union de la Sarthe sous le titre « Chronique locale » et dans la Sarthe « Bulletin du département et de l’ouest », en commençant par les informations concernant Le Mans, puis d’autres villes de Sarthe, enfin de villes de l’ouest dans un sens large : on y traite des faits divers, les nouvelles politiques – on y restitue notamment les séances du conseil municipal, du conseil général… Comme dans tous les journaux de l’époque, sont disposées enfin les variétés, les affaires judiciaires, les dernières nouvelles, les annonces et les publicités11.
Avant d’étudier plus précisément la place accordée aux événements affectant l’enceinte dans ces journaux, il faut rappeler que la place de la culture dans les journaux locaux est plutôt réduite12. Sur l’échantillon consulté dont nous donnons le recensement, peu d’articles (6) sur le patrimoine ou plus généralement la culture figurent. Certains travaux de l’une des sociétés savantes locales, la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe sont toutefois relayés. Nous avons aussi recensé un article alertant sur l’état de dégradation de tableaux de maîtres (Carrache, Philippe de Champagne) dans l’église de la Couture, signe que les monuments locaux intéressent. Les églises principales, la cathédrale et l’église de la Couture, prédominent cependant.
Le discours savant : les sociétés savantes en Sarthe et leur bulletin respectif
À côté d’une presse généraliste paraissent des publications érudites sous forme de revues annuelles écrites par les membres des sociétés savantes qui partagent ainsi les connaissances sur le patrimoine local. Le réseau de diffusion de ces revues diffère de celui de la presse locale, mais il est intéressant de les prendre en considération parce qu’elles permettent de rendre compte des travaux archéologiques qui concernent l’enceinte et donc de comprendre la manière dont ces travaux sont ou ne sont pas relayés par la presse locale. Les bulletins de sociétés savantes sont l’émanation de ces lieux de sociabilité particulièrement dynamiques au XIXe siècle, qui réunissent les érudits étudiant leur propre région, dans différentes disciplines, l’histoire, mais aussi la géologie par exemple. Ces sociétés, qui ont pour but, selon J.-P. Chaline, de donner lieu « à quelque production intellectuelle tangible13 » publient les résultats de leurs travaux dans des bulletins annuels : c’est là que l’on trouve l’essentiel des recherches archéologiques qui se développent au XIXe siècle, en particulier sur l’enceinte romaine du Mans.
En Sarthe, la première société savante se situe dans la veine des fondations qui furent mises en place au XVIIIe siècle pour la diffusion du savoir dans les provinces. En 1761 est fondée la Société d’agriculture pour la généralité de Tours, qui possède des bureaux à Tours, Angers et Le Mans. En 1826, elle prend le titre de Société Royale d’agriculture, sciences et arts du Mans, qui deviendra en 1839 la Société d'Agriculture, sciences et arts de la Sarthe. C’est en 1833 qu’elle commence à publier un bulletin annuel qui ne s’est pas interrompu jusqu’à nos jours, même pendant les périodes de grands troubles. Son nombre d’adhérents et de résidents évolue et montre l’essor que peut connaître une société savante : 50 adhérents maximum jusqu’en 1869 ; 116 inscrits en 1878 (et, pour aller au-delà de notre période 212 en 193814). Ces chiffres confirment l’idée que cette société sarthoise située dans une région agricole est plutôt en bonne santé, surtout quand on tient compte du fait qu’un tiers des sociétés savantes disparaît dans le courant du siècle jusqu’au début du XXe siècle. Selon J.-P. Chaline, à titre de comparaison, on a compté que vers 1902 environ 200 000 adhérents appartenaient à une société savante en France.
Une autre société savante, franchement historique, est la Société historique et archéologique du Maine, fondée en 1875 suite à une scission avec la Société d’agriculture, sciences et arts. Elle aussi existe encore et poursuit ses activités. Elle publie, depuis 1876, la Revue historique et archéologique du Maine15.
Lorsqu’on examine la table des matières des deux revues, outre les sections consacrées à la vie même de la société, la liste des membres, les comptes rendus de réunions communs aux deux, l’identité propre de chacune d’elles se révèle.
La plus ancienne s’intéresse à l’agriculture et aux sciences dans toutes les disciplines, dans la lignée de la tradition des sociétés royales d’avant la Révolution française. Ainsi, pour l’année 1859, qui voit la publication d’une monographie sur l’enceinte du Mans de l’abbé Voisin16 au contenu historique, on trouve également des articles sur des thèmes agricoles ou scientifiques.
Fig. 2 : Extrait de la table des matières du Bulletin de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe en 1859 volume v p. 378 – https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4539481/f379.image
Les articles montrent leur éclectisme : la matière historique n’est pas toujours traitée, et certaines années, les sujets scientifiques prédominent largement.
La différence avec la Revue historique et archéologique du Maine est logique : les sujets développés traitent de questions pointues, concernant l’histoire de l’ancienne province du Maine, ainsi que certains titres nous le montrent à travers l’exemple de l’année 1881, année de publication d’une grande monographie sur l’enceinte mancelle17.
Fig. 3 : Extrait de la table des matières de la Revue historique et archéologique du Maine 1881 volume IX p. 381– https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4153282/f387.image.r=revue
La revue témoigne du développement des recherches archéologiques locales : l’histoire devient une discipline identitaire, permettant d’avoir une vision exhaustive de sa propre région. Le patrimoine en est un vecteur essentiel, et ce depuis la création de la Commission des Monuments Historiques18. Érudition, amour de la connaissance et construction d’une identité à travers un passé retrouvé se rejoignent.
Les revues des sociétés locales ne sont toutefois pas le seul vecteur de publication des travaux archéologiques, qui sont généralement présentés lors des réunions de la société d’archéologie fondée par Arcisse de Caumont et publiés dans le Bulletin Monumental, qui en est la revue19. Le but de de la Société française pour la conservation et la description des monuments historiques (nommée Société française d’archéologie en 1905), fondée par Arcisse de Caumont en 1834, consistait en la « découverte et la sauvegarde d’un patrimoine architectural qui était alors en grand péril20 ». Dans la première livraison du bulletin, nous trouvons un « Avertissement » qui marque la volonté d’Arcisse de Caumont de soutenir l’action de la Commission des Monuments Historiques21 en impliquant dans la lutte contre le « vandalisme » les érudits des régions françaises22. Les statuts mis en place par Arcisse de Caumont sont clairs : « La société se propose de faire le dénombrement complet des monuments français, de les décrire, de les classer par ordre chronologique et de publier des statistiques dans un bulletin périodique. Elle fera tous ces efforts : 1°) pour empêcher la destruction des anciens édifices et les dégradations qui résultent des restaurations mal entendues ; 2°) pour obtenir le dénombrement des pièces manuscrites déposées dans les archives23. » La revue, comme les activités, inclut des travaux provenant de toute la France. Ainsi des congrès réunissent dans différentes villes de France, au fil des ans, les érudits de différentes sociétés savantes de province qui partagent le même centre d’intérêt pour les études archéologiques et forment un réseau. C’est dans le Bulletin monumental que les savants locaux publient leurs résultats ; c’est là aussi qu’ils alertent sur les destructions : la démolition de l’enceinte de Dax24, détruite systématiquement dans les années 1860-70, y est très régulièrement mentionnée. Examiner la présence de l’enceinte romaine du Mans dans le Bulletin Monumental nous permettra de confirmer le développement de l’intérêt savant pour le monument, et de mesurer le rôle de la presse dans ce phénomène.
L’examen de la table des matières en 1876 montre la variété des sites et monuments abordés en France. Tout comme les revues sarthoises mentionnées tout à l’heure, une partie de la revue est consacrée à des comptes rendus des congrès organisés chaque année, à la bibliographie, à des chroniques… Elle publie, en outre, des articles d’érudits locaux sur des monuments de leurs régions respectives. Le Bulletin Monumental constitue une somme : l’année 1876, que nous avons prise comme exemple et sur laquelle nous reviendrons, comporte plus de 800 pages.
Fig. 4a : Extrait de la table des matières du Bulletin Monumental 1876, volume XLII p. 882 et 884 – https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30869r/f940.image
Fig. 4b : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30869r/f942.image
Il apparaît ainsi que la presse locale n’est pas le vecteur « naturel » de diffusion des travaux affectant les monuments historiques locaux, lesquels trouvent logiquement leur place dans les publications des sociétés savantes. De même, c’est dans les revues savantes que s’exprime la vigilance concernant la sauvegarde des monuments. Il est d’autant plus intéressant, compte tenu de cette répartition des sujets, de voir que l’enceinte romaine prend progressivement un espace croissant dans la presse locale.
Occurrences : l’enceinte du Mans dans le discours de la presse
Pour comprendre le rôle de la presse dans la construction éventuelle d’une conscience patrimoniale en Sarthe, il convient d’examiner tout d’abord la répartition des articles concernant l’enceinte romaine dans les deux types de supports retenus, presse locale et revues savantes.
Dans les journaux locaux
S’agissant de la presse locale, dont l’objectif, rappelons-le, n’était pas de diffuser une information culturelle, nous avons ciblé dans les deux journaux principaux, deux moments majeurs de l’histoire du monument à la fin du XIXe siècle, susceptibles de trouver un écho dans les informations locales25 : 1866-1877, période d’aménagement d’un tunnel routier sous l’éperon de la vieille ville, destiné à assurer la liaison entre les quartiers situés sur la rive droite de la Sarthe, nouvellement agrégés à la ville26, et les aménagements urbains côté ville nouvelle (quartier des Jacobins notamment, et liaison avec la gare) et ayant occasionné par deux fois la destruction de l’enceinte. 1887-1891 : l’effondrement de l’enceinte rue de la Porte Sainte Anne et l’action judiciaire qui en découla.
De fait, pour les années 1866 à 1877, un nombre conséquent d’articles concerne les travaux d’aménagement du tunnel, avec une amplification pour les années 1872-1877, qui correspondent à la mise en œuvre du chantier27 : 61 articles sont consacrés aux travaux en eux-mêmes — déroulement du chantier — (49 articles) et aux délibérations du conseil municipal (12 articles), un total à la mesure de l’importance de ce chantier dans l’histoire locale. Toutefois, l’information ne concerne pas uniquement les aspects politiques et techniques du chantier : la démolition de l’enceinte romaine est signalée (1 article), de même que les fouilles menées par Gatien Chaplain-Duparc qui se déroulent en même temps que le chantier en 1872 (5 articles) – nous évoquerons cet épisode de façon plus précise dans notre troisième partie. Ce premier aperçu de la répartition de la matière dans la presse locale tend à montrer que l’aménagement urbain permet d’attirer l’attention sur un édifice historique peu présent dans la presse jusqu’alors. Il est également à souligner que l’Union de la Sarthe en 1875 ouvre ses colonnes à la voix de l’opposition à la démolition de l’enceinte : l’érudit anglais E. Freeman y dénonce avec force le scandale de la destruction de portions d’enceinte occasionnée par ces travaux.
Articles mentionnant l’enceinte romaine |
Articles concernant les grands travaux sans évoquer l’enceinte |
1. de 1866 à 1877 Fouilles : 5 articles Démolition d’une portion d’enceinte pour percer le Tunnel : 1 article Réaction de l’érudit anglais Edward Freeman suite à la construction du Tunnel : 2 articles 2. de 1887 à 1891 Effondrement d’une portion d’enceinte et ses suites : 17 articles |
Suivi des grands travaux dont ceux du Tunnel : 49 articles Conseil municipal : 12 articles |
Total : 24 articles |
Total : 61 articles |
Répartition des sujets traités dans les articles recensés dans la presse locale
La plus grande partie de ces articles prend place, logiquement au vu de l’organisation d’un numéro complet présentée supra, dans les rubriques « Chronique locale » pour ce qui est de L’Union de la Sarthe, ou dans le « Bulletin du département et de l’ouest » pour La Sarthe. Le reste des articles, relatifs aux procédures judiciaires faisant suite à l’effondrement de la portion d’enceinte de la rue de la Porte Sainte Anne, apparaît dans la rubrique « Tribunal civil du Mans » avec la date de l’audience ainsi que l’objet de la séance « Le mur de ville », que ce soit dans La Sarthe ou Le Nouvelliste de la Sarthe, qui a succédé à l’Union. Le lectorat est donc facilement informé de ce qui le concerne de près par cette insertion, au centre du journal, des faits locaux. Cette mise en valeur exprime l’importance tout au long du XIXe siècle de l’identité : les périodiques ont un rôle à jouer dans « l’émergence des identités sociales, professionnelles, génériques, politiques28 ». Informer le lecteur sur des travaux qui occupent son quotidien, qu’il voit évoluer, le mettre au courant des débats municipaux, des plaintes de particuliers contre la municipalité est essentiel : lui permettre de les repérer par le système de rubriquage témoigne de l’affirmation de la région comme une entité-identité centrale. Le XIXe siècle correspond à l’émergence des « petites patries », en réaction à la centralisation imposée par la Révolution, et à la volonté d’inventorier son territoire – ce à quoi participent également les sociétés savantes. Dans ce contexte, la presse locale contribue à sensibiliser à l’image qu’une région peut donner en mettant en valeur les particularismes de la région, linguistiques ou autres29.
Dans les revues des sociétés savantes
Le recensement d’articles traitant de l’enceinte romaine de façon directe ou indirecte s’est effectué sur la totalité du XIXe siècle30. Il nous a semblé pertinent, avec un matériau moindre à consulter que les journaux locaux quotidiens, d’avoir un tour d’horizon plus complet sur le XIXe siècle depuis la fondation des revues de sociétés savantes. Compte tenu de la numérisation de ces revues, nous avons utilisé pour les deux premières revues les mots-clés de recherche « enceinte romaine », « murs », « murailles », « remparts », « fortifications » ; pour le Bulletin Monumental, nous avons ajouté le mot-clé « Le Mans », compte tenu du caractère national de son périmètre. Nous avons également consulté la table des matières des différents volumes afin de fournir un recensement le plus exhaustif possible.
Articles sur l’enceinte romaine |
Articles portant sur les enceintes en général, dont l’enceinte romaine du Mans |
Monographie / articles de fonds : 4 articles Articles variés sur un aspect ou autre : 20 articles Fouilles : 1 article Le Tunnel / travaux : 2 articles Réaction de l’érudit anglais Edward Freeman suite à la construction du Tunnel : 2 articles |
Les enceintes en général : 4 articles Dans le cadre d’une comparaison avec une autre ou d’autres enceinte(s) : 11 articles Histoire du Mans : 32 Archéologie et sociétés savantes (congrès) : 14 articles Autres (articles de sciences) : 2 articles |
Total : 29 articles |
Total : 62 articles |
Répartition des sujets traités dans les articles recensés dans les revues des sociétés savantes
L’importance accordée au monument dans les revues savantes contraste avec l’intérêt accordé à l’enceinte dans la presse locale. Tout au long du XIXe siècle, l’enceinte fait l’objet d’études régulières et elle attire les visites et l’intérêt des érudits à l’échelle nationale, comme le montrent les 26 articles que lui consacre le Bulletin Monumental31. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, chacune des deux sociétés savantes sarthoises publie une monographie importante. Le Bulletin de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe a publié en 1859 un long article de l’abbé Voisin intitulé « La Cité des Cénomans. Nouvelles explorations sur les remparts du Mans32 », retraçant l’histoire et proposant une description précise de l’ensemble architectural. Quant à la Revue historique et archéologique du Maine, elle a publié en 1881 une monographie qui a marqué l’étude de l’enceinte : écrite par l’abbé Charles, elle s’intitule « L’enceinte gallo-romaine du Mans »33. Elle s’attache plus particulièrement à la partie antique de l’ensemble, tandis que l’abbé Voisin s’intéressait également à l’enceinte médiévale qui est venue compléter l’antique enceinte. L’abbé Charles dresse lui aussi un historique et une présentation précise du monument historique, avec une série de dessins exécutés par Georges Bouet. Outre ces monographies, qui font la synthèse d’observations et de fouilles archéologiques, le reste des articles recensés dans les revues des sociétés savantes est constitué d’un ensemble de textes traitant de l’enceinte comme partie d’un tout : ensemble urbain antique ou médiéval ; fortifications de l’Empire romain ; fortifications médiévales ; contexte historique (« invasions normandes ») ; aménagement de la ville du Mans au XIXe siècle. Enfin elle est reliée à plusieurs reprises à la cathédrale du Mans puisque le chevet de l’édifice religieux traverse l’enceinte romaine, a donné lieu à une fortification médiévale ou à l’utilisation d’une tour (Saint-Michel) comme chapelle.
Il faut ajouter aussi toute une série d’articles dans lesquels l’enceinte est simplement mentionnée, comme référence pour l’étude d’une enceinte en particulier ou des enceintes en général. En effet, l’enceinte romaine est donnée comme référence dans onze articles concernant d’autres enceintes, comme celle de Cologne (1838), Limoges (1847), Orléans (1852), Tours (1857), Angers (1862), au gré des congrès et des visites organisées pour les membres de la société française d’archéologie accueillis par la société savante locale. De fait, Le Mans accueille régulièrement le congrès archéologique de la Société française : 1837, qui semble être un congrès très important34, 1839, 1840, 1841, 1842, 1843, 1844, 1860, 1862, 1863, 1871, 1878. Le Bulletin Monumental restitue les échanges qui sont effectués lors de ces congrès, étudie de façon plus générale les enceintes et procède aux comparaisons qui intègrent l’enceinte du Mans comme une référence.
Il apparaît donc clairement, à lire les publications savantes, que l’enceinte (en comparaison avec la presse quotidienne locale) est perçue comme un objet d’étude historique et archéologique, et ce dès 1831 : dès cette année Arcisse de Caumont consacre un article « Murailles antiques du Mans »35 qu’il décrit précisément en s’appuyant sur les travaux du Manceau Ch.-J. Richelet comme un témoin important et exemplaire du passé de la cité : important, parce que la « vie » de l’enceinte se poursuit après l’Antiquité – et cela se repère dans certains articles, en particulier concernant les fortifications médiévales du Mans face aux invasions normandes ou anglaises ; exemplaire, parce qu’elle se pare aux yeux des érudits d’une importance dans l’histoire de l’archéologie gallo-romaine. Elle s’impose comme une référence dans le monde savant.
Même si peu d’articles sont écrits dans la perspective d’attirer l’attention sur la préservation du monument, il ne fait pas de doute que la valeur historique du monument est particulièrement reconnue au moment des grands travaux d’aménagement urbain de la fin du XIXe siècle, à l’échelle locale comme à l’échelle nationale.
Une conscience patrimoniale discrète ? le discours sur l’enceinte romaine du Mans
Au-delà de l’intérêt pour l’enceinte romaine que montre l’analyse quantitative des articles recensés, il convient de s’intéresser maintenant au discours et au regard porté sur l’objet dans la deuxième moitié du XIXe siècle que révèle la presse, et de tenter d’en analyser la portée.
L’intérêt de la presse pour les fouilles de G. Chaplain-Duparc en 1872 : la construction de l’identité locale
Quatre articles, d’avril à juillet 1872, sont publiés dans La Sarthe uniquement au sujet des fouilles menées par Gatien Chaplain-Duparc, archéologue amateur qui, à l’occasion des grands travaux urbains, explore l’enceinte romaine36.
Fig. 5 : extrait de La Sarthe du 17 mai 1872.
Il faut rappeler ici que, dans le contexte des grands travaux d’urbanisation du Mans, on procède au démantèlement d’une portion de l’enceinte pour y percer un tunnel reliant la rive droite à la place des Jacobins. L’inscription d’une portion de l’enceinte sur la liste des Monuments Historiques en 186237 n’empêche pas cette démolition, ce qui peut s’expliquer par la formulation et la limitation de la protection : le site du tunnel n’est pas intégré aux sites protégés.
Fig. 6 : Extrait de l’inscription sur la liste des Monuments Historiques 1862, p. 124, www.mediatheque-patrimoine.culture.gouv.fr.
Cette absence de précision, et même le fait que ne sont retenues que deux parties de l’enceinte et non l’ensemble, témoignent d’une appréhension restreinte de l’enceinte comme monument, ce qui freine de toute évidence l’appropriation par les habitants et explique également que la destruction avec de la dynamite pour le percement en 1874 n’entraîne aucune réaction d’indignation dans l’article, au ton neutre et factuel, recensé dans L’Union de la Sarthe le 28 octobre. Au contraire, les travaux permettent des fouilles libres à l’initiative d’un archéologue amateur dont les résultats sont valorisés parce qu’ils révèlent le passé lointain du Mans.
L’intérêt pour les recherches de Gatien Chaplain-Duparc est lié en effet à une découverte considérée comme une avancée sur la connaissance du Mans « gaulois » : des murs dits « cyclopéens » sont interprétés comme étant les vestiges d’une citadelle gauloise bien antérieure à la construction de l’enceinte romaine tardive ; on croit avoir trouvé les preuves du passé « antéhistorique » du Mans, pour reprendre le terme employé au XIXe siècle et dans les deux articles de La Sarthe, avant que l’utilisation du mot « préhistoire » ne s’impose38.
Fig. 7 : Photographie de murs « cyclopéens » mis au jour lors des fouilles de G. Chaplain-Duparc. Musée de la Reine Bérengère.
Il faut préciser ici que la période correspond à l’élaboration et au développement de l’archéologie celtique d’une part, mise à l’honneur sous le Second Empire (on fouille Alésia, Gergovie, et Napoléon III écrit une Histoire de Jules César) ; préhistorique d’autre part : on débat sur des « dates anté-historiques », on cherche à accepter un passé lointain, un homme « antédiluvien »39. La naissance de la préhistoire comme science ne se fait pas sans difficulté ni confusion, et l’époque est propice à l’effervescence, ce qui peut expliquer la couverture médiatique dont bénéficient les fouilles de G. Chaplain-Duparc 40.
L’hypothèse d’un « murus gallicus » – contestée dès le 16 juillet à travers la publication dans La Sarthe de la lettre d’un lecteur qui minimise l’importance des découvertes – ne fera pas long feu. Elle a été invalidée41.
Sous la plume des chroniqueurs apparaissent la conviction et la défense de l’importance de l’enceinte pour la ville du Mans. Le 17 mai 1872, il est question de « nombreuses découvertes curieuses et importantes pour l’histoire et pour la science archéologique. ». L’enceinte est même mise au rang des enceintes les mieux conservées ; l’auteur envisage d’ailleurs un point de vue pittoresque sur le monument dégagé des masures qui l’encombrent et le dissimulent à la vue :
De tout temps, les cités, non moins que les familles et les individus ont été fières de l’ancienneté de leurs origines ; or, on reconnaîtrait que, sous ce rapport, peu de villes sont mieux dotées que la ville du Mans, […] En effet, si, par la pensée, on fait disparaître les masures malsaines et les ruelles comprises entre l’enceinte gallo-romaine et celle du bord de la Sarthe dite de Philippe-Auguste, - […] si donc, de ce terrain aplani et converti en square, on contemplait la ville, on verrait l’enceinte gallo-romaine se développer sur plus de 400 mètres de longueur entre les pans de Goron et la ruelle de Saint-Benoît, avec l’appareil antique très-bien conservé sur plus de 5 mètres de hauteur et flanqué de tours de la même époque, le tout recouvert de constructions plus récentes et de toutes les dates. Est-il beaucoup de cités en France qui soient à même de se parer d’une semblable ceinture42 ?
Le discours du journaliste signant « G.C. », où point la fierté des découvertes et se dessine l’éloge de l’érudit qui y contribue, s’inscrit clairement dans la construction d’une identité locale43. L’essor des sociétés savantes au XIXe siècle prouve également l’intérêt que suscitent l’histoire locale et l’histoire des monuments historiques44. Il ne faut pas négliger l’apport des bulletins des deux sociétés savantes sarthoises qui ont une audience certaine45. Ce propos du journaliste contraste avec le silence qui règne pendant les travaux qui conduisent à la démolition d’une portion de rempart. Certes, les préoccupations portent principalement sur le chantier urbain majeur que constitue le percement du tunnel, et l’on a pu noter l’absence totale d’intérêt pour l’enceinte dans les comptes rendus des délibérations du conseil municipal. Le monument n’est pas totalement absent du discours tenu et surtout les fouilles de 1872 sont mentionnées, dans un article46 qui reconnaît une importance historique majeure aux découvertes et à l’enceinte elle-même.
Cette posture nous a interpellés : on sent dans l’article un engouement, une certaine fierté même, qu’au Mans des fouilles mettent au jour des découvertes inédites qui permettent d’en apprendre plus sur le passé « gaulois ». Cet intérêt révèle que les fouilles peuvent favoriser une prise de conscience de la valeur du monument par la population. Or, cette découverte a une audience locale, appuyée par la commission archéologique de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe47 qui lui apporte une aide financière, laquelle s’ajoute à une subvention de la Commission des Monuments historiques (1000 francs). Ces fouilles ont également une audience nationale : l’inspecteur des monuments historiques Émile Boeswillwald se rend au Mans, ce qui est relayé par La Sarthe, le 23 mai48. Nous pensons que la perspective de la découverte des vestiges d’une enceinte gauloise est la cause de cet intérêt visible pour ces fouilles, visite évoquée dans les procès-verbaux de la commission des monuments historiques49. Le XIXe siècle renouvelle les études de la civilisation gauloise, s’intéresse à elle et ne se limite plus à l’étude du passé gallo-romain. Dans un moment où débute une recherche d’identité provinciale à l’image de l’identité nationale, les « petites patries50 », l’importance accordée à « nos ancêtres les Gaulois » s’accroît fortement, ainsi que nous l’avons dit, ce qui témoigne d’une certaine vision de l’histoire au dernier quart du XIXe siècle51.
Un essai de polémique lancé en ville : la réaction de Freeman
En sus de la mise en évidence de l’existence d’un patrimoine intéressant, dans lequel les Manceaux peuvent chercher une identité locale en retrouvant leur passé lointain, le rôle de la presse s’affirme également dans l’écho à la défense du patrimoine. L’intervention d’E. Freeman en 1876 en témoigne.
Le 2 juillet 1876, paraît dans l’Union de la Sarthe, la traduction du texte d’un érudit anglais spécialiste de Guillaume le Conquérant, Edward Freeman. Ce dernier, dans le cadre de ses recherches, vient au Mans à plusieurs reprises. Lorsqu’il revoit les abords de l’enceinte après le percement du tunnel, il donne son avis, après avoir évoqué son état de conservation quelques années auparavant :
Des murs romains, dont la construction, comme celle de la plupart de ceux de la Gaule et de la Bretagne, paraît ne pas remonter au-delà du troisième siècle, il reste encore de grandes parties ; et même, il n’y a pas encore bien longtemps, la façade du mur donnant sur la rivière, avec sa noble rangée de bastions arrondis, était presque absolument parfaite. De l’autre côté, vers la ville moderne, les murs étaient moins bien conservés ; pourtant on pouvait encore, même de ce côté, en reconnaître une grande partie.
Le propos est virulent : non seulement Freeman propose une idée qui aurait évité la démolition et permis de concilier la nécessité du Tunnel avec celle de la préservation de l’enceinte, mais il attaque les décideurs politiques en les accusant de « vandalisme », traduction conforme au vocabulaire courant dans les milieux savants indignés par les destructions :
Le dommage causé par les derniers conquérants [les Allemands] disparaît rapidement, mais celui qu’est en train de se causer la ville elle-même, par les mains mercenaires de ses propres enfants, est à jamais irréparable. La cité Cénomane, la superbe ligne de ses remparts romains et les nobles travaux des temps plus modernes que ces remparts protègent, auraient dû émouvoir le cœur des plus cruels destructeurs : chacun du moins le pensait ; s’il était utile de faire disparaître les mesquines constructions qui avoisinaient le mur romain, on aurait pu laisser le puissant rempart dans toute sa majesté, mais il n’existe aucune idée de conservation chez ceux qui ont le sort de l’ancienne cité entre leurs mains ; ils n’ont pour but que la destruction. […]
Quoiqu’il en soit, les faits que le touriste peut constater de ses propres yeux ne laissent aucun doute. Les derniers murs des constructions situées le long de la rivière ont été abattus et on n’en a laissé que quelques fragments comme ornements d’une espèce de jardin ; puis, chose pire encore ! les anciens murs ont été percés et la vieille cité elle-même fendue en deux. Par un immense travail qui rappelle celui de Trajan perçant le Quirinal, la cité a été coupée en deux parties avec un gouffre béant au milieu. Le vieux mur romain est donc effondré et la meilleure partie des maisons du XIIe siècle impitoyablement balayée52.
L’excuse invoquée pour cette dévastation brutale est la construction d’une espèce de rue ou de route qui conduira directement de la ville moderne à la rivière. – Si on avait pu persuader à ces sauvages d’aller rendre visite à Devizes53, ils auraient appris que les exigences du passé et du présent pouvaient être conciliées. Ils y auraient vu qu’au moyen d’un simple tunnel le chemin passe sous le vieux rempart sans y faire le moindre mal. Un tunnel aurait donc pu de la même manière relier la ville moderne avec la Sarthe sans causer le plus petit dommage, soit aux murs romains, soit aux maisons de style roman. Mais il y a des gens pour lesquels la dévastation est un plaisir.
Cette réaction n’est pas isolée : l’abbé Charles écrit un petit texte commentant lui aussi sans concession l’action des édiles de la ville dans la Revue historique et archéologique du Maine54. Le Bulletin Monumental intervient également dans le débat : dans une chronique intitulée « La ville du Mans jugée par le nouvel historien de Guillaume le Conquérant55 », le texte publié par l’Union de la Sarthe y est reproduit, mais surtout introduit par une petite note qui manifeste une prise de position favorable aux accusations de Freeman : « On remarquera surtout le passage où l’historien anglais flagelle, comme ils le méritent, les destructeurs des belles murailles gallo-romaines qui faisaient l’orgueil de la vieille cité du Mans ». La Sarthe publie le même texte in extenso dans sa livraison du 4 juillet.
La presse montre alors son rôle militant, d’opposition même56. Nous n’avons pas pu mesurer toutefois l’impact sur la population de cette réaction qui demeure apparemment assez confidentielle. Néanmoins nous pouvons voir là une tentative sous forme de diatribe de susciter une prise de conscience sur l’intérêt de conserver l’enceinte romaine qui se présente, aux yeux des érudits, comme un monument-type avec lequel s’identifier. La presse quotidienne locale devient un relais important de la connaissance et de la défense de l’enceinte, au-delà des cercles restreints des érudits puisqu’en mettant en avant le monument, elle peut sensibiliser les lecteurs susceptibles de s’approprier leur patrimoine, en plaçant l’enceinte dans des enjeux politiques (l’aménagement urbain) et patrimoniaux (le goût marqué pour les monuments historiques et l’archéologie).
L’intérêt suite à un effondrement
Puisque l’enceinte est présente dans le discours de la presse, qui en montre l’importance ou participe à la polémique lancée par E. Freeman, il n’est peut-être pas étonnant qu’elle dispose ensuite d’une couverture plus importante sur un laps de temps court (quatre ans), quand elle est victime d’un éboulement à la fin des années 1880 : les articles qui concernent l’effondrement de 1887 et ses conséquences sont au nombre de 17 (soit près de 71 % des articles mentionnant directement l’enceinte). Que montre ce nouvel intérêt ?
Tout d’abord il est à noter que les articles publiés dans les deux quotidiens sont essentiellement de l’ordre des faits divers : un effondrement s’est produit le 17 avril. Les deux journaux locaux informent en donnant des précisions, l’adresse, les circonstances. Le fait est que cet incident s’est produit dans une zone de l’enceinte habitée : en effet, le mur sert de substructure à la rue de la Verrerie dont les immeubles surplombent la rue de la Porte-Sainte-Anne. Des suites judiciaires sont relatées en 1891 dans la rubrique « Tribunal civil du Mans » puisque des plaintes ont conduit les propriétaires des lieux éboulés à réclamer une indemnisation que la ville du Mans refusait d’assurer, sous prétexte de ne pas en être elle-même propriétaire. Dès le 30 juin 1888, le tribunal civil tranche la question en faveur des demandeurs. Le Mans va donc devoir payer et la ville est perçue comme propriétaire – cette question demeure par la suite très longtemps épineuse, la municipalité refusant d’assumer les conséquences financières que cela implique.
Mais l’intérêt ne se limite pas aux questions de sécurité publique et de responsabilité financière ; deux articles mentionnent un état de dégradation constant et antérieur dans ce secteur, où d’autres menaces restent présentes. Tout d’abord dans L’Union de la Sarthe du 18-19 avril :
Par une singulière coïncidence, l’État venait de classer cette muraille gallo-romaine parmi les monuments historiques, et l’historien remarquable de cette curieuse enceinte vient, lui aussi, de s’affaisser pour toujours57.
Si ces intéressants vestiges de notre cité venaient à disparaître, nos regrets seraient atténués par le travail de M. l’abbé Charles, paru dans la Revue archéologique du Maine. Le texte est accompagné de gravures qui permettent à peu près de reconstituer toute cette muraille.
C’est peut-être à l’endroit le plus pittoresque, en tous cas c’est à celui le plus en vue que l’éboulement s’est produit. Il y a urgence à ce que l’administration s’occupe d’arrêter d’autres mouvements de terre. Il suffirait d’une forte pluie pour en provoquer de nouveaux et de pires.
On le rencontre également dans La Sarthe 19 avril : « Depuis longtemps déjà, la solidité du mur inspirait des craintes ; l’hiver de 1880-1881 l’ayant gravement détérioré ; la ville avait été avisée de cet état de choses, mais elle ne veut pas se reconnaître des droits de propriétaire pour n’avoir pas à pourvoir aux réparations. »
Fig. 8 : L'effondrement de l'enceinte en 1887 : cour école Saint Benoît, Médiathèque Louis Aragon, Le Mans.
Si La Sarthe énonce les faits et marque l’urgence des réparations, l’Union de la Sarthe déplore davantage la perte, en rappelant d’ailleurs le nouveau classement de la muraille dans le cadre de la loi du 30 mars 188758, édictée peu de temps auparavant, qui réglemente de façon enfin précise la protection et l’entretien des monuments historiques. Ces faits se produisent finalement dans une curieuse coïncidence chronologique : après la parution de la monographie de l’abbé Charles59 qui présentait la richesse du site en 1881 – année où il s’avère, comme le rappelle La Sarthe, qu’une menace avait été détectée – et quelques semaines après la nouvelle loi des monuments historiques qui donne un cadre plus drastique et la nouvelle liste des classements où l’on voit un changement de formulation :
Fig. 9 : Inscriptions sur la liste des Monuments Historiques, Loi 1887 – photo de C. Savariau dans L’Union de la Sarthe, 2 avril 1887.
La formulation du classement n’est plus la même : « restes de l’enceinte romaine ». Une formulation très générale (ce qui pose par la suite des problèmes liés à la question de la propriété de l’enceinte) mais davantage englobante que la précédente permet même de considérer une portion plus ample des murs. L’Union de la Sarthe du 2 avril informe sur le classement et donne la liste des monuments de la région en fonction de leur époque. L’article s’achève sur cette mention.
En vertu de la loi du 30 mars 1887, un immeuble classé ne pourra être détruit intégralement ou en partie, ni être l’objet… de modification quelconque sans le consentement de l’État ; on ne verra donc plus une municipalité « orner » stupidement la plus belle de ses tours gallo-romaines d’une simple gouttière en fonte, comme le fit il y a quelques années la ville du Mans.
On relèvera ici le ton virulent à l’égard de l’action municipale sur l’enceinte, qui va devoir changer de perspective sur le monument et ne plus intervenir comme elle l’entend, en y apportant les modifications qu’elle choisit sans en référer. De plus, le même journal notait concernant l’effondrement : « l’État venait de classer cette muraille gallo-romaine parmi les monuments historiques », ce qui laisse entendre que l’inscription sur la liste de 1862 n’avait pas la même force de protection : à présent, il semble nécessaire d’agir car le monument se dégrade et l’effondrement semble prendre la dimension d’un avertissement relançant un intérêt et un autre regard sur l’enceinte.
L’article de L’Union de la Sarthe déjà cité pose également les questions que l’éboulement suscite :
Une question se pose : qui paiera les… pots cassés ? Est-ce la ville, sont-ce les propriétaires, qui seront obligés de faire les réparations ? Comment se feront ces réparations ? D’après la loi du 29 mars 1887, les monuments historiques ne peuvent être ni démolis ni réparés sans autorisation ministérielle : l’État interviendra-t-il dans la réfection de la muraille écroulée ?
L’incurie de la municipalité dans l’entretien de l’enceinte est dénoncée par tous les journaux : il y avait des signes et l’on n’a rien fait.
On trouve plus tard ces mêmes accusations dans L’Avenir, fondé en 1885, qui présente un long article (6 mars 1891), et introduit le sujet en adoptant un discours élogieux sur l’enceinte.
Le mur de ville est une richesse archéologique. Il n’existe pas au monde un débris mieux conservé des anciennes fortifications romaines, pas même en Italie. Quatre villes en France ont eu ces murs rouges, ainsi qu’en fait foi ce vieux dicton :
Bourges, Autun, Le Mans avec Limouges
Furent jadis les quatre villes rouges.
Cet ancien rempart qui devrait être un sujet d’orgueil pour la Ville est devenu pour elle un sujet de honte, parce que le quartier où il est situé est un foyer d’infection ; de tracas, parce que la Ville est obligée de se demander combien de millions va lui coûter cette encombrante propriété.
Le rapport établi entre cette négligence et l’atteinte portée à un monument désormais reconnu nationalement manifeste l’existence, à l’extrême fin du XIXe siècle, d’une conscience patrimoniale à l’égard de l’enceinte : la presse est désormais un relais essentiel de l’appropriation et l’identification de la population au monument. L’enceinte romaine n’est pas seulement un lieu de résidence ou de travail, c’est un objet patrimonial et on le dit aux lecteurs. L’image même de la ville est en jeu, puisque le rôle de la municipalité dans cette affaire la dévalorise, ce qui révèle un enjeu également politique, qui ne peut que déterminer l’appréciation du citoyen sur la ville dans laquelle il vit.
Cette enquête sur le discours concernant l’enceinte romaine du Mans dans la presse au cours de la seconde moitié du XIXe siècle met en perspective plusieurs problématiques propres au XIXe siècle et au statut de l’objet « enceinte » comme monument historique. Le XIXe siècle est le siècle de la Révolution industrielle, de la naissance d’un nouvel urbanisme basé sur l’hygiénisme qui semble difficilement compatible avec l’existence des enceintes urbaines, qu’elles soient antiques ou non. La naissance de la commission des Monuments historiques, qui a pour but de protéger et recenser le patrimoine national, stimule toutefois les recherches et l’attention accordée à ces édifices mis à mal par le développement urbain. L’essor de la presse quotidienne locale, qui favorise la naissance d’une identité locale au sein de la population, accompagne cet intérêt grandissant pour les monuments ; l’archéologie, qui devient une science et alimente essentiellement des revues savantes férues de sciences, y trouve progressivement sa place, parce qu’elle peut soutenir un propos valorisant pour les habitants.
De fait, l’intérêt porté par la presse à l’enceinte romaine du Mans est marqué par une évolution : dans ces années 1870-1880 où le monument est mis à mal par le percement d’un tunnel routier, et souffre de l’incurie des autorités, la presse locale relaie un message valorisant, voire élogieux, qui dit la fierté de posséder un patrimoine reconnu par la communauté savante. La presse, par son discours souvent politique et polémique, traduit une progressive appropriation d’un patrimoine, lequel est effectivement inscrit de façon plus complète comme Monument Historique en 1887. L’étude du discours de la presse au XIXe siècle sur l’enceinte romaine du Mans témoigne donc, à l’échelle d’une ville en plein développement urbain, d’une conscience patrimoniale en construction.
Notes
1 La date jusqu’ici admise situait la construction de l’enceinte vers 285, sur la base d’éléments stratigraphiques et d’analyses de lots de briques (Guilleux Joseph, L'enceinte romaine du Mans, Le Mans, 2000, p. 257), mais les nouvelles analyses réalisées dans le cadre d’un Projet Collectif de Recherches en cours invitent à remonter cette date au premier quart du IVe siècle.
2 Sur cette problématique spécifique, voir Gilles Blieck, Philippe Contamine, Christian Corvisier et. al. (dir.), La forteresse à l'épreuve du temps : destruction, dissolution, dénaturation, XIe-XXe siècle : actes du 129e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, coll. « Archéologie et histoire de l'art », 2004. Le cas de Dax en est un des exemples les plus significatifs (C. Corvisier « Un cas d’école : la démolition de l’enceinte gallo-romaine de Dax au XIXe siècle », ibid., p. 281-298). À Paris également, la destruction de l’enceinte récente construite sous la Monarchie de Juillet se retrouve dans des débats qui mettent en jeu des questions nationalistes et une gestion rationnelle de l’espace, un urbanisme pour améliorer la qualité de vie : voir Marie Charvet, Les fortifications de Paris : de l'hygiénisme à l'urbanisme, 1880-1919, Rennes, Presses Universitaires de Rennes 2005.
3 Voir Françoise Choay, L’allégorie du patrimoine, Paris, Seuil, 1992, p. 130 sq.
4 « Le Mans, suivant en cela l'exemple donné par tant d'autres villes, est à l’heure qu'il est en proie à une fièvre d’embellissement. À vrai dire, ce n'est pas de trop. Elle aligne des rues, se taille des artères. » écrit A. Chevassus dans L’Union de la Sarthe daté du 28 juin 1872. Son article « Trois heures au Mans » recense une liste de curiosités à voir au Mans lors d’une étape rapide : deux églises sont mentionnées – la cathédrale et l’église de la Couture, mais aussi des mails, en particulier l’un des centres névralgiques, celui des Jacobins, qui associe plaisir des parcs et utilitaire des marchés.
5 Bulletin Monumental, volume 23, 1857, p. 526. Il charge Georges Bouet de dessiner de belles parties dans cette perspective, pour éviter leur perte.
6 Bulletin Monumental, volume 26,1860, p. 455.
7 Voir notamment Christophe Charle, Le siècle de la presse (1830-1939), Paris, Seuil, 2004 ; Gilles Feyel, La presse en France des origines à 1944 : histoire politique et matérielle, Paris, Ellipses, 1999 ; Dominique Kalifa, Philippe Régnier Philippe, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), La civilisation du journal : histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde éditions, 2011.
8 Le travail de recherche, en particulier des articles des journaux locaux, a bénéficié du dépouillement fait par Bastian Roullier en 2018 dans le cadre d’un stage de Master 2 au CReAAH-Le Mans, qui a recensé et classé un nombre conséquent d’articles ; nous avons complété son recensement sur les créneaux chronologiques déterminés pour cet article.
9 D’après un article particulièrement intéressant, « Trois heures au Mans »(voir annexe), écrit par Adolphe Chevassus auteur poète dramaturge jurassien né en 1825 et mort à Paris en 1890, et publié dans l’Union de la Sarthe le 28 juin 1872, sont cités : « Lit-on beaucoup au Mans ? On serait tenté de le croire en voyant le nombre de journaux de nuances diverses qui s’y impriment : la Sarthe, l'Union de la Sarthe, le Journal du Mans, l'Écho régional, la Feuille du village, organe républicain avancé, d'autres encore peut-être, et tous quotidiens. »
10 Ce journal, qui devient quotidien en 1888, est apparu en 1812 et a successivement porté les noms de : Journal politique et littéraire du département de la Sarthe, jusqu’en 1819, puis : L'Écho de la Sarthe, jusqu’en 1832, L'Ami des lois : journal de la Sarthe et de la Mayenne, jusqu’en 1841) en 1887, il devient : Le Nouvelliste de la Sarthe : journal quotidien du soir.
11 Cette volonté de classer l’information dans des rubriques thématiques apparaît à l’instigation d’Émile de Girardin, dans le journal La Presse fondé en 1836. Cela permet d’introduire la publicité, donc d’abaisser le coût, mais aussi de donner des points de repère aux lecteurs qui peuvent aller lire directement le type d’information qui les intéresse. Voir les explications données par Hippolyte de Villemessant, directeur du Figaro, conscient de l’importance de donner ces points de repère aux lecteurs. On pourra trouver ce texte dans Vincent Lethier, « Formes et fonctions du rubriquage d’un quotidien régional du XIXe siècle : Le Petit Comtois (1883-1903) », Semen n° 25, 2008, paragraphe 6.
12 Les annonces concernant la vie culturelle locale sont généralement publiées dans des « gazettes », qui peinent à trouver leur rythme au Mans : c’est le cas de la Revue-Programme, qui naît en 1863.
13 Jean-Pierre Chaline, Sociabilité et érudition : les sociétés savantes en France, XIXe-XXe siècles, Paris, édition du CTHS, 1998, p. 24-25. On pourra aussi se reporter à l’ouvrage de Soraya Boudia, Anne Rasmussen, Sébastien Soubiran, Patrimoine et communautés savantes, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009.
14 Chaline, ouv. cit., p. 163. Chaline en revanche n’évoque pas la Société Historique et Archéologique du Maine dans son ouvrage.
15 Voir http://histoire-maine.fr/index.php/sham/nos-buts.
16 « Cité des Cénomans. Nouvelles explorations sur les remparts du Mans », in Bulletin de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe, 1859, p. 89-122.
17 Abbé Charles, « L’enceinte gallo-romaine du Mans, dessinée par M. G. Bouet et décrite par M. l’Abbé Charles », Revue de la Société historique et archéologique du Maine, étude répartie en trois parties : volume IX, p.107-145, et p. 249-267 ; volume X, p. 325-362.
18 Voir Arlette Auduc, Quand les monuments construisaient la Nation. Le service des monuments historiques de 1830 à 1940, Comité d’histoire du Ministère de la culture, Travaux et documents no25, La documentation française, Paris, 2008.
19 Pour mesurer le rôle d’Arcisse de Caumont dans cette union des sociétés savantes, voir Vincent Juhel, Arcisse de Caumont (1801-1873), érudit normand et fondateur de l'archéologie française. Actes du colloque international organisé à Caen du 14 au 16/06/2001, Caen, Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, t. xl, 2004.
20 Voir http://www.sf-archeologie.net/Historique.html.
21 En ce qui concerne la création de la Commission des Monuments Historiques et ses buts, on pourra voir Arlette Auduc, Quand les monuments construisaient la Nation, ouv. cit.
22 Voir l’« Avertissement » dans le Bulletin Monumental, volume 1, p. V-VII.
23 Bulletin Monumental, volume 1, p. 34, 1834. Le règlement se trouve en entier de la page 33 à la page 38.
24 Voir l’article de Christian Corvisier, « Un cas d’école : la démolition de l’enceinte gallo-romaine de Dax au XIXe siècle », dans Gilles Blieck, Philippe Contamine, Christian Corvisier et. al. (dir.), La forteresse à l'épreuve du temps, ouv. cit., p. 281-298.
25 Un recensement complet sera fait dans le cadre de notre thèse.
26 Dès 1849, la municipalité avait pris la décision de creuser une galerie d’essai dans l’éperon rocheux de la cité Plantagenêt ; percée dès 1850, la galerie fut fermée en 1858 car devenue trop dangereuse. Le projet d’un tunnel ne fut pas pour autant abandonné et le conseil municipal en vota la concrétisation en 1866.
27 Le projet a vu le jour en 1851, mais la décision concernant le tracé définitif n’a été prise qu’en 1858, et les travaux, retardés par la guerre franco-prussienne, ont commencé en 1872, pour une inauguration en 1877.
28 Voir Kalifa, Régnier, Thérenty et Vaillant (dir.), La civilisation du journal, op. cit., p. 10.
29 Olivier Grenouilleau, Nos petites patries. Identités régionales et État central en France des origines à nos jours, Paris, Gallimard, 2019, p. 115-145.
30 La quasi-totalité des numéros du Bulletin de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe est numérisée, excepté le volume I de l’année 1835 et le volume XXXVI en 1878. Une grande partie des volumes réunissent les articles de deux années. Pour ce qui est de la Revue historique et archéologique du Maine, tous les tomes sont accessibles sur Gallica (deux tomes par année la plupart du temps). Enfin le Bulletin Monumental est intégralement accessible, excepté celui de l’année 1899, manquant.
31 Arcisse de Caumont se rend au Mans en 1857 : A. de Caumont, « Rapport verbal sur une excursion archéologique faite en mars 1857 au Mans, en Touraine et en Poitou, et sur d’autres excursions faites la même année », Bulletin Monumental, n°23, 1857, p. 513-531.
32 Abbé Voisin, « La Cité des Cénomans. Nouvelles explorations sur les remparts du Mans », in Bulletin de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe, 1859, p. 89-122.
33 En trois parties : volume IX, p.107-145, p. 249-267 ; volume X, p. 325-362.
34 Les rapports de session sont transcrits dans le Bulletin Monumental de 1837, p. 271-363.
35 A. de Caumont, Cours d’antiquités monumentales : histoire de l'art dans l'Ouest de la France, depuis les temps les plus reculés jusqu'au XVIIe siècle, Tome deuxième consacré à l’ère gallo-romaine, p.356-357. Dans un volume annexe appelé Atlas, A. de Caumont fournit plusieurs planches dans l’atlas consacré à l’Antiquité : tours du mur d’enceinte (planche XX) et le plan de Richelet (planche XXXII).
36 Gatien Chaplain-Duparc (né au Mans en 1819 et mort en 1888) est un archéologue amateur, explorateur de surcroît, qui finance sur ses fonds les fouilles près de l’enceinte du Mans. Il a aussi essentiellement fouillé des sites préhistoriques, notamment des grottes dans les Pyrénées, en Bretagne et en Mayenne et a constitué une importante collection d’objets, dont certains sont conservés dans les musées du Mans. Voir Antoine Le Boulaire, Serge Cassen, « Le mobilier campaniforme morbihannais de la collection Chaplain-Duparc (1819-1888) : Belz, Erdeven, Plouharnel ».
37 L’enceinte a été inscrite sur la liste des Monuments Historiques de 1862, à l’initiative de Charles Lenormant, qui attire l’attention de la Commission des Monuments historiques le 29 janvier 1855. On relèvera que ne sont mentionnés comme éléments inscrits donc protégés qu’une « poterne du Mans » et une « Tour de l’enceinte romaine du Mans » (sans savoir de laquelle il s’agit). En 1875, le nouvel arrêté ne précisera pas davantage.
38 Voir le 17 avril 1872 : « […] il pouvait exister des ouvrages remontant à la période des temps anté-historiques » et le 11 juin 1872 : « […] apparaît sous la pioche un autre monument d’origine purement gauloise, c’est-à-dire appartenant aux temps anté-historiques, et qui nous révèle l’existence d’agglomérations d’hommes, nos ancêtres sans doute, sur le point que nous habitons, à des époques qui se perdent dans la nuit des temps. », articles tous deux signés G.C.
39 Sur ces aspects, voir les travaux d’Ève Gran-Aymerich, dans Naissance de l'archéologie moderne : 1798-1945, Paris, CNRS 1998, ou encore dans l’article « Archéologie et préhistoire : les effets d’une révolution » in Éric Perrin-Saminadayar, Rêver l'archéologie au XIXe siècle : de la science à l'imaginaire, Centre Jean Palerme Saint-Étienne, 2001, p.17-46.
40 La confusion est encore largement observable entre l’époque « gauloise », antérieure aux Romains, et l’époque « antéhistorique », précédant l’âge de fer. Voir Nathalie Richard, Inventer la Préhistoire : les débuts de l'archéologie préhistorique en France, Paris, Vuibert, 2008.
41 Remise en cause dès 1903 par François Liger, l’existence d’une agglomération gauloise à l’emplacement de l’actuel « Vieux-Mans » - Cité Plantagenêt n’est toujours pas établie : le classement de cet ensemble en secteur sauvegardé en 1966 a limité les aménagements et donc les occasions d'opérations archéologiques. Le petit livret publié par l’INRAP et la municipalité du Mans Le Mans du Ier au IVe siècle de notre ère dévoilé par l’archéologie (rapport de fouilles), penche pour l’hypothèse qu’un oppidum gaulois pré-romain n’a pas été construit (p. 10). Voir également l’article de Pierre Chevet et Martin Pithon. « Angers/Iuliomagus, cité des Andécaves, et Le Mans/Vindinum, cité des Cénomans : deux capitales, deux modes de déploiement urbain », in Michel Reddé, William Van Andringa (dir.) 2015, La naissance des capitales de cités en Gaule chevelue, Paris, CNRS Éditions (coll. Gallia, 72-1), 2015. Y sont évoquées les découvertes récentes attestant au Mans d’une occupation au Ier siècle avant notre ère (p. 102 sq). On peut se reporter aussi à l’article de Hugo Meunier « Le Mans : étude chrono-chorématique (Ier siècle av. J.-C. - XVIIIe siècle) », in Élisabeth Lorans, Xavier Rodier (dir.) : Archéologie de l’espace urbain, Tours/Paris, Presses universitaires François-Rabelais/Comité des travaux historiques et scientifiques, 2013, p. 341-352
42 Extrait du journal La Sarthe du 11 juin 1872.
43 Les relations entre patrimoine et identités, locales et nationales, au XIXe siècle, ont été mises en évidence depuis longtemps : outre les travaux cités supra, d’E. Gran-Aymerich et N. Richard, on se reportera à l’article fondateur d’André Chastel, « La notion de patrimoine » dans Pierre Nora, Les lieux de mémoire, t.2. La nation, Paris, 1988, ainsi qu’au volume des Entretiens de la Fondation du patrimoine paru en 1998 : Patrimoine et Passions identitaires, Paris, sous la direction de Jacques Le Goff (spécialement l’introduction, p. 9-13).
44 L’ouvrage collectif de Soraya Boudia, Anne Rasmussen, Sébastien Soubiran, Patrimoine et communautés savantes, ouv. cit., se propose d’explorer les problématiques essentielles sur le lien entre le patrimoine et l’existence de ces cercles d’érudits.
45 Nous avons déjà évoqué supra le nombre non négligeable d’adhérents.
46 Dans Bulletin de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe, 1871-72, vol. XXI, p. 730 et 736-737.
47 Voir le Bulletin de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe, 1871-72, vol. XXII, p. 736-737.
48 Dans La Sarthe, 23 mai 1872.
49 On pourra consulter le procès-verbal daté du 3 août sur le site de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine.
50 Grenouilleau, Nos petites patries identités régionales et état central en France des origines à nos jours, ouv. cit.
51 On peut penser à la « vogue » des ouvrages concernant la Gaule et les Gaulois comme celui de Adrien Blanchet, Les enceintes romaines de la Gaule. Étude sur l'origine d'un grand nombre de villes françaises, Paris, E. Leroux, 1907 ou Camille Jullian, Histoire de la Gaule, Paris, Hachette, 1908-1921.
52 Robert Charles cite une bonne partie de ce passage dans son exposé sur l’enceinte dans le Bulletin de la Société Historique et archéologique du Maine en 1881, p. 110.
53 L’exemple de Devizes, une ville dans le comté du Wiltshire dans le sud-ouest de l’Angleterre, est parlant : en effet, en 1862 y fut aménagé un tunnel qui passait sous le Château pour le passage de la ligne ferroviaire qui reliait cette ville à Londres.
54 Dans Revue historique et archéologique du Maine, 1876, vol. I, p. 448.
55 Dans Bulletin Monumental, 1876, vol. 42, p. 630-636.
56 Kalifa, Régnier, Thérenty et Vaillant (dir), La civilisation du journal, ouv. cit., en particulier la deuxième partie: « Le mouvement de la presse au XIXe siècle », et concernant la presse militante, voir p. 289-310.
57 Référence au décès de l’Abbé Charles (12 avril) dont les obsèques sont l’objet d’un grand article dans L’Union de la Sarthe du 17 avril 1887.
58 Auduc, Quand les monuments construisaient la Nation, ouv. cit.
59 On pourra relever aussi la coïncidence avec le décès de l’abbé Charles survenu quelques jours avant l’incident.