Presse et scène au XIXe siècle

Images médiatiques du metteur en scène (1830-1900)

Table des matières

ALICE FOLCO

À la lumière des colloques et travaux récents ayant entrepris de réévaluer l’historiographie de la mise en scène, notamment en remettant en cause, ou simplement en perspective, le rôle d’André Antoine dans ce qu’il n’est plus tout à fait approprié de nommer « la naissance » de la mise en scène moderne1, il semble désormais préférable de parler d’une reconnaissance de la mise en scène en tant qu’art au xixe siècle – formule, certes, peu élégante, mais qui a le mérite d’éviter la mythification des origines que sous-entendent les métaphores de « naissance », d’« invention » ou d’« avènement ». La presse joue, à l’évidence, un rôle fondamental dans cette reconnaissance progressive d’une pratique assez nouvelle pour que l’on voie apparaître, autour de 1800, un vocabulaire nouveau pour la désigner. Pour réfléchir à la perception d’une figure dont l’image a beaucoup évolué tout au long du xixe siècle, nous avons ainsi choisi de dépouiller un certain nombre de périodiques, spécialisés ou non, en nous focalisant sur les apparitions du terme « metteur en scène »2. Sur un plan purement quantitatif, force est de constater que, au moment même où l’essor des genres spectaculaires et l’importance grandissante prise par la mise en scène sont indéniablement relayés par la presse, celui qui, à nos yeux contemporains, en est le principal agent ne semble pas acquérir de véritable visibilité en tant que tel avant les années 1870. On le sait pourtant, si le nom « metteur en scène » est recensé pour la première fois par le dictionnaire Larousse en 1874, l’emploi en est attesté depuis le tout début du xixe siècle au moins : Roxane Martin, qui estime que la véritable « professionnalisation du métier de metteur en scène »s’amorce à la fin des années 1820, avec la législation qui accompagne la création des comités de mise en scène dans les théâtres subventionnés, a ainsi relevé une occurrence dès 1806, dans Le Mercure de France3. Dans le cadre de cette étude, nous réfléchirons à l’inflexion des usages médiatiques du terme au cours du siècle, en articulant notre propos autour de deux grandes périodes : entre 1830 et 1870, dans notre corpus, la modeste figure du metteur en scène ne semble pas susciter un grand intérêt, tandis qu’entre 1870 et 1900, elle acquiert une progressive (et mesurée) existence médiatique.

L’émergence discrète des « modestes fonctions de metteur en scène » (fin des années 1820 – début des années 1870)

Avant 1870, malgré l’essor et le succès des formes spectaculaires, malgré toutes les réflexions engendrées par cette nouvelle pratique qu’est la « mise en scène », malgré la vogue des typifications pittoresques, le metteur en scène ne semble pas susciter d’intérêt particulier. Le mot devient courant dans « cet abominable argot dramatique4 », qui agace tant Jules Janin, mais sans être d’un usage fréquent dans la presse généraliste, où le nom est très souvent, de plus, utilisé non dans son sens littéral, mais pour désigner, métaphoriquement, un politicien. De surcroît, sur l’ensemble de cette période, il ne semble y avoir que très peu d’anecdotes dont le metteur en scène serait explicitement le protagoniste principal, comme on en trouvera plus fréquemment à la fin du siècle, et nous n’avons pu recenser, dans notre corpus, que deux articles longs où l’on trouve une évocation détaillée de son rôle. Mais, même dans ces deux cas, le statut du propos est à lui seul un bon indice du peu de dignité de la fonction, car le metteur en scène, avec ses « modestes fonctions5 », n’a les honneurs ni du titre, ni d’une section prestigieuse, puisqu’il est cantonné aux « Mœurs dramatiques » : l’article intitulé « Mise en scène », que Le Monde dramatique publie en 1835, est ainsi associé à une série qui évoque aussi bien « Les premières répétitions » que « Les filles d’opéra » ou la « Physiologie des claqueurs » ; tandis que les paragraphes consacrés par Jules Janin, en 1845, à « La répétition générale », sont repoussés à la fin du feuilleton du Journal des débats, là aussi sous l’intitulé « Mœurs dramatiques6. »

Même au titre de la « couleur locale » et du traitement pittoresque de la vie théâtrale, le metteur en scène ne semble donc intéresser les journalistes qu’incidemment. Cette relative absence est imputable, avant tout, au fait que les feuilletons se concentrent essentiellement sur le résumé analytique de l’intrigue et ne prétendent pas analyser les aspects purement scéniques7, mais s’explique aussi par la manière dont on se représente les fonctions dévolues au metteur en scène pendant cette période : régisseur chargé de placer les acteurs, puis les meubles, il est surtout ressenti comme un concurrent de l’auteur, et c’est à ce titre qu’il suscite l’intérêt des journalistes.

Un machiniste qui prend la place de l’auteur dramatique

Autour de 1830, c’est essentiellement dans les articles consacrés aux genres populaires et spectaculaires que le metteur en scène est mentionné : on souligne ses talents d’arrangement et de composition des tableaux, mais ce qui attire déjà l’attention des critiques est surtout le fait qu’il puisse devenir un substitut de l’auteur. Dans le Journal des débats, en 1830, Janin exprime, par exemple, son mépris pour Les Polonais, mimodrame d’Auguste Le Poitevin de L’Egreville, au Cirque Olympique, avec cette éloquente expression dépréciative : « l’auteur ou le metteur en scène, c’est tout un8 ». Comme il le formule deux ans plus tard, à propos du mimodrame du même auteur, République, Empire, les Cent Jours, le spectaculaire a la prétention de remplacer le littéraire, ainsi qu’il le fait dire au Cirque Olympique lui-même :

Je sais bien qu’il m’est impossible d’avoir un drame supportable ; je sais bien qu’il m’est impossible d’avoir un acteur supportable ; je sais bien que pour tout ce qui est art purement et simplement, il ne faut pas que j’y pense, de plus grands théâtres que moi n’y pensent plus déjà ; cependant, j’aurai un drame, parce que je veux un drame ; j’aurai un drame, sinon à force d’esprit, du moins à force d’or. J’aurai un poëte à rien, j’aurai des décorateurs très chers. La main-d’œuvre chez moi remplacera le génie, le machiniste sera mon poëte, les chevaux seront mes acteurs9.

Sans émettre forcément le même jugement de valeur que Janin, la plupart des articles évoquent la capacité du metteur en scène à compenser les défauts de certains ouvrages dramatiques. Comme l’énonce l’article du Monde dramatique, « un des devoirs du metteur en scène est aussi de masquer les défauts de l’ouvrage10 », y compris par les moyens les plus artificiels : un article du Figaro de 1827 raconte ainsi qu’un metteur en scène ingénieux alla jusqu’à inventer la claque pour sauver Desmarets de Saint Sorlin des foudres du cardinal de Richelieu11. La plupart des articles utilisent des formulations qui sous-entendent que les qualités du metteur en scène se manifestent surtout au moment où celles de l’auteur font défaut, comme Le Figaro en fait le constat, à propos du mélodrame Guillaume Tell créé en 1828 au Théâtre de la Gaîté :

MM. Benjamin et Guilbert de Pixerécourt n’ont peut-être pas tiré assez heureusement parti des situations dramatiques groupées avec tant d’art par le poète allemand mais, hâtons-nous de le dire, le décorateur et le metteur en scène ont fait preuve d’assez de talent pour assurer à ce nouveau Guillaume Tell une longue suite de représentations fructueuses pour le théâtre12.  

De la même manière, c’est en soulignant que le mimodrame Le Siège de Saragosse [Antony Béraud, Cirque Olympique] n’est « qu’un canevas sur lequel le metteur en scène a richement brodé », que le journal peut faire, toujours en 1828, l’éloge de Franconi, dont les « tableaux sont pleins de vie et de vérité13 ».

Car l’éloge de cette figure nouvelle semble devoir s’inscrire dans un cadre limité, comme l’exprime assez éloquemment une précision qui accompagne la critique d’un autre mimodrame : en mars 1829, La Semaine, regrette que Les Têtes rouges, l’adaptation des Brigands de Schiller, au Cirque Olympique, par Lepoitevin Saint-Alme et Valery, « n’[ait] fourni à l’habile metteur en scène, M. Adolphe Franconi, que peu d’occasions d’exercer le talent qui le distingue dans cette partie, si importante au Cirque14 ». La mise en scène est, sans aucun doute, importante au Cirque : tout l’enjeu du xixe siècle sera de savoir s’il faut se réjouir ou s’inquiéter du fait que cette fonction nouvelle apparue dans les genres à grand spectacle se développe dans tous les théâtres. Pour toute une frange de la critique, il est évident que l’apparition de metteurs en scène dans des genres considérés comme purement littéraires est vécue comme le symptôme de la décadence de l’art dramatique et de la dévalorisation du statut de l’auteur. Même dans La Presse, Théophile Gautier, qui adopte une position nuancée vis-à-vis de la mise en scène, qui n’hésite pas à reprocher à la Comédie-Française son conservatisme en la matière, ou qui félicite, par exemple, Victor Séjour, auteur de drames qui « n’a pas craint de devoir quelque chose au décorateur et au metteur en scène15 », relève, en 1837, un bouleversement des hiérarchies dans un monde où les « succès au théâtre deviennent de plus en plus des succès d’acteurs » :

L’auteur reprend la position qu’il avait au seizième siècle et qu’il a encore dans les troupes lyriques d’Italie ; ce n’est plus que le poète, il signor poeta, quelque chose qui est au-dessous du régisseur ou du metteur en scène, et qu’on prendra bientôt aux gages. Shakespeare s’abaisse insensiblement à la position de Ragotin16.

Quels que puissent être les mérites du metteur en scène, se pose donc surtout la question de sa légitimité, qui est un des lieux communs du discours médiatique du xixe siècle, au point que l’on pourrait multiplier à l’infini les citations sur ce point. Une analyse de La Haine, de Victorien Sardou, parue dans le Journal des débats en 1874, permet, par exemple, de mesurer à quel point le sentiment de déclin de l’art dramatique causé par la concurrence de la mise en scène a pu se renouveler et pour ainsi dire se « réinventer » à chaque génération17:

[…] on remarque depuis quelque temps dans tous les théâtres, même dans les plus littéraires, une tendance funeste à exagérer le rôle du metteur en scène. C’est lui qui devient peu à peu le véritable, ou du moins le principal auteur des pièces nouvelles. On marche ainsi tout doucement vers la ruine de l’art dramatique, et l’on y marche par un sentier engageant et fleuri18.

Un régisseur chargé de « grouper les personnages »

Peu d’articles, en revanche, prennent le temps de revenir en détail sur les activités du metteur en scène. L’article documentaire que Le Monde dramatique publie, en 1835, dans la rubrique « Intérieur des théâtres », constitue donc une exception précieuse pour l’historien : intitulé « Mise en scène », il permet de faire un point détaillé sur le sens extrêmement restreint que le terme « metteur en scène » avait dans les années 1830.

Le journaliste a beau expliquer, en guise de préambule, que « la mise en scène est la partie la plus difficile de la représentation. Le public ne peut pas se rendre compte des difficultés qu’il a fallu surmonter pour mettre une pièce en scène. C’est un métier, c’est un art que cela, et c’est un art très-difficile19 », la fonction du metteur en scène consiste néanmoins, selon l’article, principalement à « grouper les personnages20 », c’est-à-dire à s’occuper de la position des acteurs sur le plateau lors des répétitions. Dans la comédie et le vaudeville :

Le premier soin d’un metteur en scène est de ne pas fatiguer l’œil du spectateur par un tableau monotone. Ainsi, si comme il arrive souvent les deux mêmes personnages ont plusieurs scènes à deux, il faut varier leurs positions. Tantôt c’est l’homme à droite et la femme à gauche, tantôt l’homme à gauche et la femme à droite, tantôt c’est une scène assise, tantôt une scène où un seul est debout21.

Il ne s’agit donc que de « grouper les personnages22 », de régler entrées et sorties, apartés, et surtout les « passes » ou « passades » (c’est-à-dire les moments où les acteurs échangent leurs places en cours de scène) :

[…] comment motiver gracieusement qu’un acteur qui est à gauche passe à droite pour parler au troisième interlocuteur, ou pour se trouver près de tel ou tel meuble, près de telle porte ? quelquefois l’auteur est obligé d’ajouter du dialogue pour rendre la passe naturelle, car, comme je l’ai dit, la mise en scène est le complément de l’œuvre dramatique23.

Dans la mise en scène de mélodrame ou d’opéra, les choses deviennent plus difficiles – plus « dangereuses » nous dit-on, puisque en plus de s’être « assuré des décors », de « surveiller la diction des acteurs », de faire rajouter ou couper des mesures pour que la musique, « analogue à la position, dure juste le temps que met l’acteur à entrer ou sortir24 », il faut diriger « principalement les figurans [sic] » :

c’est, du reste, la partie défectueuse dont le public s’aperçoit le plus facilement […] ; et cependant, que de peine s’est donnée le metteur en scène pour grouper ses figurans [sic] selon la position du drame, c’est que chacun a sa place, chacun sait sur quelle planche du théâtre il doit poser les pieds, quelle doit être sa pose, quel doit être son cri25

On sent bien, à la lecture de cet article (comme des feuilletons en général d’ailleurs) que pour de nombreux observateurs, l’activité de mise en scène, au sens strict, se réduit à la question des positions des comédiens en début de scène26. Et on comprend que, si le metteur en scène est perçu seulement comme une sorte de régisseur-machiniste en charge des corps et des objets (la diction et l’interprétation étant gérées par d’autres) – autrement dit, dans les genres non spectaculaires, comme un assistant chargé de régler in fine des mouvements épisodiques et limités –, les feuilletonistes n’en aient pas parlé, ou au mieux, se soient longtemps contentés de dire qu’il a été très applaudi…

Un ensemblier aux pouvoirs de plus en plus étendus

Au fil du temps et de l’implication croissante des metteurs en scène dans tous les genres dramatiques, les critiques ne peuvent que constater l’ascension de celui qui n’était au départ qu’un modeste régisseur subalterne. En 1845, lorsque Janin consacre une longue chronique à l’évocation de tous les personnages qui interviennent au cours d’une répétition générale, voici en quels termes ironiques il brosse le portrait du metteur en scène :

Quand le directeur a parlé, arrive le metteur en scène, personnage important, et peut-être le premier dans la hiérarchie ; rien ne se fait sans celui-là, ôtez-le du théâtre, pas une comédie n’est possible, à plus forte raison s’il s’agit d’un gros drame. On a beau dire que les petits esprits sont minutieux, la minutie est justement le génie du metteur en scène. C’est lui qui décide des entrées et des sorties, c’est lui qui assigne à chaque comédien la feuille du parquet qui lui revient ; sans son avis, pas un de ces comédiens si ardens [sic] à la réplique ne saurait même s’entregloser. Il dispose les conspirations ; il arrange les émeutes ; il est le maître des cérémonies de toute fête un peu compliquée ; il voit la pièce entière dans la chambre obscure de son cerveau ; il ne sait pas toujours ce qui s’y fait, ce qui s’y dit, mais il voit l’image de l’action, la pose des personnages, le fauteuil, la table, le guéridon, le cordon de sonnette. Que de pièces, grâce à cet homme habile, ont réussi en détail, qui sont tombées en gros par la faute des comédiens ou de l’auteur ! – tout ce qui n’est pas du ressort de l’habilleur appartient en chef et sans partage au metteur en scène27.

Tant de « minutie » et d’« habileté » pour régler des détails superflus et insignifiants (dans les deux acceptions du terme), combinés au fait que le metteur en scène soit capable de voir le texte mais pas forcément de le comprendre, ne peuvent que désoler le feuilletoniste qui, plus loin, ne manque pas de dépeindre l’arrogance de celui qui ne devrait pas être mieux considéré qu’un habilleur :

Sur un mot de lui, les anges quittent le ciel, les démons quittent l’enfer ; un mot de lui et le monde va finir, et sur les ruines du monde, il donnerait encore un bon conseil au dernier homme, autant vaut dire au dernier comédien de l’univers! Puissance absolue, puissance incroyable, puissance publique et privée à la fois. Architecte, peintre, poète, musicien, il est tout cela ; il donne ses plans à l’architecte, il dicte ses airs au musicien, il corrige ses vers au poète, il indique ses paysages au peintre, il taille ses habits au tailleur28

Et de fait, tous les théâtres consacrent un budget de plus en plus important à ce qui était au départ l’apanage des genres issus du Boulevard29, si bien que le metteur en scène voit progressivement s’élargir son champ d’action : alors qu’il n’était qu’un préposé à la mise en place des acteurs, la décoration devient progressivement de son ressort, notamment parce que la vague réaliste a conduit à meubler de plus en plus les plateaux, et donc à accroître considérablement les possibilités de jeu et les combinatoires des « positions ». Dans une « Déclamation sur le mobilier » écrite en novembre 1855, Janin s’agace de « cette étrange nouveauté qui pique en ce moment tous les théâtres, de l’Opéra à la Porte-Saint Martin, du Gymnase au Théâtre-Français ; même l’Ambigu-Comique en est piqué : on y voyait hier un large canapé jaune et quatre fauteuils, quatre vrais fauteuils » :

Au Théâtre-Français, dans la Joconde, il y a de quoi meubler quatre appartemens [sic] de demoiselles, sur les hauteurs de la barrière Blanche : un salon des Gobelins, un salon ovale, une salle de bains de mer toute meublée, tous meublés en soie, en velours, en dorures, en glaces biseautées, on se croirait dans la boutique de Monbro. […] Quel infernal mobilier, quelle dépense inutile ! À quoi bon tant de fantaisies ? Allons-nous au théâtre pour contempler des canapés et des pendules ? et n’êtes-vous pas las enfin de toutes ces expositions ? C’était déjà beaucoup trop du luxe des décors et de l’exactitude des costumes sans que l’on y ajoutât la piperie et le bric à brac30.

Trop de luxe pour les décors ou la mise en scène : le reproche court tout au long du xixe siècle, et il s’adresse bien évidemment aux directeurs qui gèrent les budgets des théâtres plus qu’à ceux qui sont spécifiquement chargés de régler les jeux de scène au cours des répétitions. Ainsi, entre 1840 et 1870, le terme « metteur en scène », s’il désigne toujours le régisseur qui s’occupe de régler les déplacements sur le plateau, voit son sens dériver vers une acception plus large à mesure que le siècle avance : en 1870, « metteur en scène » et « directeur » semblent, dans la langue journalistique non spécialisée, presque devenus synonymes.

Les débuts de la reconnaissance (1870-1900)

Si dans les années 1830, la presse s’était fait l’écho d’un changement qui avait affecté d’abord les scènes de théâtre, on peut se demander si, en 1870, ce ne sont pas aussi les changements connus par la presse qui vont contribuer à bouleverser les mœurs et la langue théâtrale : en parallèle avec les modifications des conditions de production induits par la libéralisation des théâtres de 1864, on assiste au déclin des « lundistes » et à la multiplication des « soiristes », et les journaux consacrent moins d’attention aux œuvres pour s’intéresser plus aux personnes qui les fabriquent31. Les metteurs en scènes, mécaniquement, acquièrent une importance médiatique plus grande : l’entrée dans le dictionnaire en 1874 consacre le nom commun, tandis que les journaux prennent l’habitude de les désigner par leurs noms propres. Dans notre corpus, cette notoriété nouvelle s’accompagne d’un changement très net dans les pratiques adjectivales : avant 1870, il semble qu’un metteur en scène ne savait être qu’« habile » (ou, éventuellement mais plus rarement : « minutieux »), au point que l’expression « habile metteur en scène » était quasiment lexicalisée. Or, le compliment est ambivalent, qui renvoie à un savoir-faire artisanal, à un peu de ruse aussi – et la ruse ce n’est pas le génie ou le talent. À la fin du siècle, le terme garde de sa connotation péjorative (« M. de Bismarck n’est pas un philosophe. C’est un acteur violent des tragédies qu’il règle avec la froideur automatique d’un metteur en scène32 », peut-on lire, par exemple, dans La Presse en 1877), mais on va voir se multiplier des adjectifs clairement laudatifs, qui sont le signe d’une évidente revalorisation. On peut citer deux exemples choisis aussi dans La Presse, toujours dans les années 1870 : « M. Perrin, dont la direction est si remarquable sous tous les rapports, a déployé, à cette occasion, son talent exceptionnel de metteur en scène33 », ou encore : Monsieur Perrin aurait pu « employer les merveilleuses qualités de metteur en scène qu’on lui connaît34 ».

Et si les années 1870 marquent la reconnaissance médiatique des personnes et plus seulement de la fonction, au cours des deux dernières décennies du xixe siècle, le metteur en scène devient un véritable sujet pour la presse, spécialisée ou non. On trouve tout d’abord des commentaires beaucoup plus détaillés et plus variés sur son activité. Par exemple, en 1883 : « M. Coquelin a mis la pièce sur pied, et les artistes du Vaudeville sont absolument enchantés de leur metteur en scène. Rien n’est laissé au hasard : jeu des artistes, inflexions, idée générale du rôle, ensemble35 ». On voit surtout se multiplier des entretiens qui évoquent le sujet, des articles théoriques ou historiques, des anecdotes sur les metteurs en scène les plus connus du xixe siècle. On commence, par exemple, à mettre en avant, rétrospectivement, une figure comme celle de Lemoine-Montigny, le directeur du Gymnase sous le second Empirequi avait joué un grand rôle dans l’évolution de la mise en scène, notamment chez Dumas fils ou chez Sand36. Dans Le Temps, Francisque Sarcey explique, dans un article de 1880 intitulé « Théorie de la mise en scène », que ce dernier est le responsable de la dérive « réaliste » qui accable les théâtres :

C’est M. Montigny, je crois, à qui revient l’honneur (si c’est un honneur), de cette innovation, qui, excellente en son principe, a eu, poussée à l’extrême des conséquences désastreuses. C’est lui qui a imagine le système de l’encombrement.

Il s’est avisé de meubler la scène qui représente un salon comme si elle était un salon même, copié sur la réalité. […] Cette nouvelle façon d’entendre le décor moderne a forcé naturellement les acteurs à des évolutions plus variées, à un jeu plus pittoresque37

Quand Janin évoquait en 1855 ce fameux « système de l’encombrement », il n’en rendait personne responsable nommément…

Comme il serait impossible de faire l’exégèse d’un matériau si important dans le cadre restreint de cette étude, on signalera simplement deux images du metteur en scène qui dominent dans la presse de cette fin de siècle : celle du directeur dispendieux, et celle, plus minoritaire, de l’artiste commençant à être reconnu pour la direction d’acteur.

L’image dominante : un directeur dispendieux

Il serait impossible de citer toutes les récriminations contre les directeurs prodigues, ni toutes les anecdotes qui montrent à quels compromis dramaturgiques les metteurs en scène rusés parviennent pour tenir leur budget. En 1873, Le Figaro raconte qu’« aux beaux soirs du Théâtre Historique et du Châtelet », sous le second Empire, rien n’arrêtait les « coûteuses fantaisies de metteur en scène » d’Hostein, qui dirige désormais la Renaissance : un jour, il demanda à Gautier de lui faire un drame. Celui-ci répondit qu’il avait une vague idée de pièce qui se passerait en Espagne, et voici le dialogue qui nous est rapporté :

Quelques jours après, Gautier rencontre Hostein, et celui-ci de l’accoster par ces mots :

– Enchanté de vous voir, j’allais vous écrire, votre mise en scène est prête, les costumes sont dessinés, Thierry fait les décors et Varnay écrit de la musique espagnole pour le ballet du troisième acte de votre drame.

– Quel drame ?

– Mais votre drame espagnol.

– Comment mon drame ; mais il n’y en a pas un seul mot d’écrit.

– C’est la moindre des choses, il est mis en scène, c’est le principal. Demain nous répétons. Portez-moi le manuscrit quand vous pourrez38

Le metteur en scène a beau être plus reconnu, on voit que la querelle amorcée dès la période romantique sur la concurrence entre le littéraire et le spectaculaire est toujours bien présente à la fin du xixe siècle. Comme le résume Louis Becq de Fouquières en 1884, dans un des tout premiers ouvrages théoriques consacrés expressément à la mise en scène, L’Art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale, la mise en scène est un agrément que l’on doit ajouter au texte avec parcimonie :

Dans la représentation d’une œuvre dramatique, tout ce qu’au-delà d’une certaine limite un directeur ajoute, pour le plaisir des yeux ou pour celui de l’oreille, détruit l’intégrité d’un plaisir qui n’aurait dû être destiné qu’à l’esprit. Le spectateur, dont les magnificences de la mise en scène captivent les yeux, n’est plus dans un état de conscience susceptible de goûter, soit la beauté littéraire de l’œuvre représentée, soit la profondeur et la vérité psychologique des passions qu’elle met en jeu. L’attention est détournée de son objet principal, et, dans ce cas, le plaisir que nous goûtons, véritable plaisir des sens, est inférieur à celui qui nous aurions dû ressentir. On peut donc affirmer, sans crainte de se tromper, que l’abus et l’excès de la mise en scène tendent à la décadence de l’art dramatique39.

De manière tout à fait éloquente, la locution « mise en scène » est, dans les feuilletons comme chez Becq, très souvent utilisée dans des constructions syntaxiques qui révèlent qu’elle est considérée comme un ingrédient extérieur que l’on peut ajouter au spectacle en quantité variable (et non comme un processus consubstantiel à la création, et présidant à la réalisation du spectacle, comme on l’entendrait aujourd’hui40). Une formule récurrente relève – souvent pour le dénoncer – « le luxe de mise en scène », et l’on peut même lire, dans un article que Le Figaro consacre au Hamlet du Théâtre-Français en 1886, que le « péché mignon » du « regretté Perrin » était de se livrer à des « orgies de mise en scène41 ». Dans la majeure partie des articles, la mise en scène continue ainsi à être moins une question technique ou artistique que quantitative, et pour un journaliste, « épuiser le sujet42 », pour reprendre une formule d’Auguste Vitu, revient souvent à faire les comptes du nombre des tableaux ou du prix des costumes.

Une image plus marginale : un artiste capable de diriger les acteurs

À côté de cette image dominante de directeur dépensier et exclusivement obnubilé par les effets visuels, un certain nombre d’articles commencent à mettre en valeur la sensibilité littéraire des metteurs en scène, une qualité qui leur permet d’être des intercesseurs de l’auteur auprès des comédiens, et qui, dans notre corpus en tout cas, n’est que très rarement soulignée avant la fin du siècle43. Sarcey lui-même fait l’éloge des hommes chargés de diriger les acteurs, avant d’annoncer, prophétique, en 1885, que « la race des grands metteurs en scène disparaît » :

Sachez-le : sans régisseur, pas d’acteur. L’acteur (sauf exceptions, cela est entendu toujours) est une machine dont le ressort est le régisseur. Le régisseur, c’est l’âme d’un théâtre. Il va sans dire que le directeur fait souvent office de régisseur, je prends le mot de régisseur dans sa plus large acception, il désigne le metteur en scène, quel que soit son titre officiel44.

On voit aussi apparaître plus nettement, à la fin des 1880, des points de vue défendant l’idée que « le metteur en scène  moderne [est] véritablement un artiste », comme l’explique Daudet dans un entretien donné au Journal des débats en 1887. Et l’écrivain d’ajouter cette précision significative :

les gestes, les jeux de physionomie, les mouvements des personnages, les circonstances dans lesquelles ils parlent, la lumière qui les éclaire au moment où ils prononcent ces paroles, sont autant de conditions qui impriment une valeur spéciale aux mots qui sont dits45.

Même si la mise en scène reste souvent considérée comme un art secondaire, de plus en plus de discours indiquent qu’elle vient moins concurrencer le fait littéraire que le servir avec profit et pertinence. Albert Lambert, dans la série « Sur les planches : la mise en scène » qu’il donne à La Revue d’art dramatique en 1892, revient, par exemple, à plusieurs reprises sur le fait que les qualités nécessaires au metteur en scène idéal sont si nombreuses qu’il serait impossible de les trouver chez un seul homme. Et s’il insiste essentiellement sur les questions de mise en place des comédiens et des décors, il est intéressant de noter qu’il tente de se démarquer de l’approche purement quantitative :

La mise en scène est encore de « l’interprétation ». Certains effets de mouvement, de places, d’attitudes remplacent de longs dialogues parfois et éclairent d’un seul trait le public sur des situations qu’il serait long et souvent impossible d’expliquer. 

Il faut une œuvre bien solide pour résister à l’absence de « mise en scène ». Pourtant, il est à constater que les œuvres vraiment puissantes au théâtre sont sobres de mouvements, de changements de places et de complications décoratives. Mais qu’importe : la beauté de la mise en scène n’est ni dans son éclat, ni dans sa variété, elle est dans sa justesse et son opportunité46

En ce qui concerne la direction d’acteurs, le point de vue aussi est intéressant, qui suggère que le metteur en scène a un point de vue, une « pensée » :

Certainement, il n’est pas obligé de dire, de jouer, d’exprimer absolument juste les rôles qu’il indique. Il n’est pas nécessaire, qu’il soit ni acteur, ni auteur. Il vaut mieux même qu’il n’exerce plus comme interprète. Un très bon acteur qui met en scène, inspire involontairement sa manière aux artistes qu’il fait agir. Il joue tous les rôles avec son tempérament d’exécutant ; il en résulte une monotonie, une uniformité d’accent, de gestes, dangereux. Non, le metteur en scène doit connaître seulement la façon de fixer scéniquement sa pensée dans l’esprit des acteurs, leur inspirer une idée puissante de l’effet à obtenir47.

Progressivement, les revues spécialisées et celles proches des avant-gardes ne vont plus être les seules à mettre l’accent sur les qualités interprétatives du metteur en scène, et sur la direction d’acteur. En 1896, une série de sept articles, intitulée « Mise en scène », que publie le Journal des débats, défend ainsi l’idée qu’on ne doit pas chercher « la cause principale de la décadence de l’art dramatique » dans le « perfectionnement de la mise en scène », mais dans le manque d’inspiration de créateurs qui se sont reposés sur les effets spectaculaires pour faire venir le public :

À côté de l’art dramatique proprement dit, un autre art est né, qui semble bien le produit de notre civilisation moderne, et dont le rapide et brillant développement ne pourrait s’expliquer sans les découvertes de la science, sans le progrès de l’archéologie et de l’ethnologie, sans la tournure critique de notre esprit, sollicité plutôt par la micrographie scientifique et historique que par les larges synthèses du caractère humain. Cet art nouveau de la mise en scène, pour inférieur qu’il soit, nous offre pourtant, en échange des véritables joies que nous perdons, d’assez larges compensations48

Et le journaliste de comparer la mise en scène à une « aimable hôtesse » chez qui l’on a passé un harmonieux séjour, et qui, grâce à sa « volonté supérieure et attentive, « invisible et présente », a présidé à ce bon accord et réglé cette harmonie »49… La série se termine par la recommandation faite au Théâtre-Français de nommer un « collaborateur artistique », en remplacement de l’interprète habituellement chargé « d’indiquer des jeux de scène, des attitudes, des intonations à ses camarades50 ». En 1901, quand Lucien Guitry sera nommé à ce poste, les journaux se feront largement l’écho de la polémique suscitée : « Nous, qui n’avons pas besoin de metteur en scène, nous allons payer de nos deniers un metteur en scène !…  C’est écœurant51 ! », fait-on dire aux sociétaires dans un article de La Presse

Au début du xxe siècle, « le souci de la mise en scène [s’est] emparé du public52 », et il semble normal d’inviter les acteurs de la plus haute institution dramatique française à accepter les services d’un metteur en scène : on est loin des propos affirmant, au début des années 1830, que la mise en scène était nécessaire… au Cirque. Une anecdote rapportée dans La Revue d’art dramatique, en 1892, nous paraît reproduire, de manière emblématique, ce renversement des préjugés : Albert Lambert raconte combien il fut déçu la première fois qu’il assista à une répétition, et fait le portrait à charge d’un metteur en scène de province. Alors qu’il s’attendait à voir les acteurs improviser et créer librement, il découvre qu’ils obéissent à « un homme qui n’avait rien d’un acteur », un « sous-off »53 autoritaire et désagréable, chargé de récupérer les amendes lorsque les comédiens ont du retard54. Mais ce « croquemitaine de la scène », « le moniteur des figurants, le pion des subalternes du théâtre55 », commence à donner des indications de mouvement pour aider un acteur en difficulté à paraître plus naturel : « J’étais abasourdi. Quoi, des choses si simples ! Et les acteurs ne les avaient pas devinées ? Il fallait qu’on leur indiquât tout cela56 ? ». Peu à peu, la finesse des indications psychologiques, les « dialogues étudiés mot à mot », font apparaître « tout l’Art compliqué, attachant, multiple » de ce lecteur, « remplaçant du public »57, qu’est le metteur en scène…  

D’une certaine manière, il fallait que les fonctions dévolues aux metteurs en scène s’accroissent pour que ces derniers puissent accéder à une relative reconnaissance médiatique :  tout au long du xixe siècle, leur rôle est connu et identifié, mais pas assez valorisant pour être mise en avant, à cause de son côté technique, à cause de la nature de la critique théâtrale, et, doit-on ajouter, parce que metteur en scène est une fonction que l’on occupe temporairement, en plus d’autres fonctions plus prestigieuses, comme directeur, acteur ou auteur. Dès 1835, l’article du Monde Dramatique mettait déjà l’accent sur la difficulté à identifier la personne à qui revient l’autorité en matière de mise en scène :

Du reste, chacun est appelé à donner son avis sur la mise en scène : un auteur consciencieux suit avec exactitude toutes ses répétitions et donne ses idées au metteur en scène qui les écoute autant que possible ; les acteurs font modifier si cela les gêne. Il résulte de tout cela que rarement la mise en scène d’un ouvrage est faible ou défectueuse. […]

Ordinairement la mise en scène regarde les régisseurs, mais presque tous les théâtres de vaudevilles et la Comédie Française ont des régisseurs pour surveiller les répétitions et les représentations, et les directeurs eux-mêmes font la mise en scène58.

Et le journaliste de blâmer « hautement les théâtres qui n’ont pas de metteurs en scène spéciaux. Ils économisent des appointemens [sic] que l’argent du public centuplerait59. » Si, après 1870, la fonction de metteur en scène gagne en prestige et en visibilité, il faudra attendre le début du xxe siècle pour voir ces « metteurs en scène spéciaux » commencer à se revendiquer comme artistes, et à être véritablement reconnus en tant que tels dans la presse60. Du coup, on verra, médiatiquement, le cumul des fonctions prendre une valeur inverse : au xxe siècle, les grands metteurs en scène peuvent être aussi des grands acteurs, aussi des directeurs de salles.

(Université Stendhal Grenoble III)

Notes

1  On peut notamment se référer aux ouvrages suivants : Franco Perrelli, La seconda creazione. Fondamenti della regia teatrale, Torino, Utet, 2005. Isabelle Moindrot (dir.), Le Spectaculaire dans les arts de la scène du romantisme à la Belle Époque, Paris, CNRS Éditions, « Arts du spectacle », 2006. Jean-Pierre Sarrazac et Marco Consolini (dir.), Avènement de la mise en scène/Crise du drame : continuités-discontinuités, Bari, Edizioni di Pagina, 2010. Mara Fazio et Pierre Frantz (dir.), La Fabrique du théâtre. Avant la mise en scène (1650-1880), Paris, Editions Desjonquères, « L’esprit des lettres », 2010. Roxane Martin et Marina Nordera (dir.), Les Arts de la scène à l’épreuve de l’histoire. Les objets et les méthodes de l’historiographie des spectacles produits sur la scène française (1635-1906), Paris, Honoré Champion, 2011.

2  Un recensement exhaustif et systématique des occurrences du terme dans la presse spécialisée comme généraliste étant naturellement impossible à l’échelle du siècle entier, cette étude entend établir un premier repérage de constantes, en préliminaire à des recherches plus amples, et en se fondant sur une exploration des sources numérisées disponibles. Comme les revues spécialisées n’ont souvent qu’une durée de vie limitée, nous avons tenté un relevé systématique dans deux quotidiens permettant une forme de traversée continue du siècle :le Journal des débats politiques et littéraires (1814-1944) et La Presse (1836-1952). L’inventaire a aussi été mené dans les périodiques suivants, classés ici par ordre chronologique de création, et que l’on pourra retrouver sur Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque Nationale de France : Le Journal des spectacles (1794-1795); Le Journal des arts, de littérature et de commerce (1800-1815 environ) ; Le Camp-volant : journal des spectacles de tous les pays (1818-1820) ; La Lorgnette, journal des spectacles (1824-1826) ; La Semaine, journal hebdomadaire (sciences, arts, littérature, tribunaux, spectacles, industrie, annonces, etc.) (1828-1830); La Revue de Paris (1829-1845) ; Le Monde dramatique (1835-1841); La France théâtrale. Journal des intérêts artistiques et littéraires (1843-1847) ; La Causerie, journal des cafés et des spectacles (1859-1862) ; La Revue d’art dramatique (1886-1909). De manière moins systématique, Le Figaroet Le Temps ont aussi été consultés.

3  Roxane Martin, « L’apparition des termes “mise en scène” et “metteur en scène” dans le vocabulaire dramatique français », dans Mara Fazio et Pierre Frantz (dir.), La Fabrique du théâtre. Avant la mise en scène (1650-1880), op. cit., p. 25-26.

4  Jules Janin, Histoire de la littérature dramatique, Paris, Michel Lévy frères, tome 6, 1858, p. 287. Au sujet d’Alexandre Dumas au Théâtre Historique : « Il est tout… Il est tout... le machiniste et le décorateur! ? Il est le metteur en scène (encore un mot de cet abominable argot dramatique), il est le souffleur, il est le comédien, en ce sens que le premier comédien qui se présente à lui, par sa volonté, par ses conseils il en fait, soudain, un comédien supportable, et bientôt un comédien de génie ! ».

5  L’expression est tirée du deuxième numéro de La Presse, où l’on peut lire, à propos de l’opéra Les Puritains, de Bellini, joué à Royaumont en 1836 : « M. de Porges, qui avait sollicité lesmodestes fonctions de metteur en scène, et M. Lecocq, qui a dirigé les chœurs avec un zèle soutenu, sont pour leur bonne part dans le grand succès lyrique dont Royaumont vient de retentir. », La Presse, 2 juillet 1836, n°2, p. 3.

6  On peut noter que les paragraphes consacrés au metteur en scène seront republiés dans La France Théâtrale, Journal des intérêts artistiques et littéraires, le 25 octobre 1846, sous le titre « le metteur en scène » cette fois.

7  À ce sujet, voir notamment : Olivier Bara, « Éléments pour une poétique du feuilleton théâtral », et Guy Ducrey, « Comment échapper au résumé », dans Mariane Bury et Hélène Laplace-Claverie (dir.),Le Miel et le Fiel. La critique théâtrale en France au XIXe siècle, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2008, p. 21-42.

8  Jules Janin, Journal des débats politiques et littéraires, 26 décembre 1831, p. 2.

9  Jules Janin, Journal des débats, 15 octobre 1832, p. 3.

10  Le Monde dramatique, 1835, tome 2, première livraison, p. 210.

11  L’article « Origine des claqueurs » raconte que Desmarets de Saint Sorlin « avait garanti au ministre le succès de Mirame sur sa tête », que les deux premières furent catastrophiques, et que le metteur en scène, « ce nouvel Atlas », devant l’affolement des acteurs, eut l’idée de déguiser des balayeurs et décrotteurs en marquis qui firent aller la pièce « aux nues », Le Figaro, 31 mars 1828.

12  Le Figaro, 4 mai 1828, p. 3.

13  Le Figaro, 21 octobre 1828, p. 3.

14  La Semaine journal hebdomadaire (sciences, arts, littérature, tribunaux, spectacles, industrie, annonces, etc.) (1828-1830), 15 mars 1829, p. 3.

15  Théophile Gautier, La Presse, 27 août 1849, p. 1.

16  Théophile Gautier, La Presse, 18 septembre 1837, p. 2.

17  Sur ce point, voir notamment l’ouvrage de Guy Ducrey, Tout pour les yeux, Littérature et spectacle autour de 1900, Paris, PUPS, coll. « Theatrum mundi », 2010.

18  Clément Caraguel, Journal des débats, 7 décembre 1874, p. 1.

19 Id.

20 Id.

21 Id.

22  Le Monde dramatique, 1835, tome 2, p. 209.

23 Id., p. 210.

24 Id., p. 211-212.

25  Id., p. 212.

26  C’est aussi le sentiment que le lecteur moderne peut avoir quand il est confronté à la brièveté des pages consacrées aux déplacements des acteurs dans les livrets de mise en scène publiés dans la première moitié du siècle. En réalité, il y a un décalage entre cette image plutôt statique et figée du jeu, et la mobilité réelle des comédiens sur le plateau : voir ici même l’article de Sylvie Robardey, et notamment la mention, dans La Gazette des théâtres, en 1834, du fait que les comédiens parisiens se conforment moins qu’autrefois aux positions préétablies.

27  Jules Janin, Journal des débats, 27 octobre 1845, p. 2.

28  Id., p. 3.

29  Voir, par exemple, les indications de Roxane Martin sur le salaire de Pixerécourt dans son article « La féerie “mise en scène” sous le Consulat, ou les premiers pas de Sénéis », Boulevard du crime : le temps des spectacles oculaires, Olivier Bara (dir.), Orages, Littérature et culture 1760-1830,  n° 4,  mars 2004.

30  Jules Janin, Journal des débats, 26 novembre 1855, p. 3.

31  Voir sur ce sujet, « La diversification du discours critique après le second empire : la rubrique de « soirée », », où Romain Piana explique que « en s’interdisant le résumé, apanage de la critique en titre, ladite chronique se libère du joug de la fiction pour se consacrer plus spécifiquement à la « performance ». » […] « En parallèle avec le résumé analytique que fournit le feuilletoniste, le soiriste égrène les fragments plus ou moins décousus d’une partition spectaculaire », Le Miel et le Fiel. La critique théâtrale en France au XIXe siècle, op. cit., p.50 et sq.

32  La Presse, 2 novembre 1877, p. 1.

33  La Presse, 12 février 1873, p. 4, au sujet de la reprise de Marion Delorme au Théâtre-Français.

34  La Presse, 16 novembre 1874, p. 2.

35  La Presse, 21 novembre 1883, p. 3, à propos des répétitions des Rois en exil de Daudet.

36  Sur le rôle de Lemoine-Montigny, voir Jean-Claude Yon (dir.), Les Spectacles sous le Second Empire, Paris, Armand Colin, 2011, Roberto Alonge, « Le charme irrésistible du brutal militarisme allemand », dans Jean-Pierre Sarrazac et Marco Consolini (dir.), Avènement de la mise en scène/Crise du drame : continuités-discontinuités, op. cit., p. 3-14, ainsi que Franco Perrelli, La Secunda Creazione. Fondamenti della regia teatrale, Torino, UTET Libreria, 2005.

37  Francisque Sarcey, Le Temps, 30 août 1880, p. 1.

38  Article signé « Un monsieur de l’orchestre », Le Figaro, 14 mars 1873, p. 3.

39  Louis Becq de Fouquières, L’Art de la mise en scène, essai d’esthétique théâtrale (1884), Marseille, Entre/vues, 1998, p. 43.

40 Voir à ce sujet : Bénédicte Boisson, Alice Folco et Ariane Martinez, La Mise en scène théâtrale de 1800 à nos jours, Paris, PUF, coll. « Licence », 2010.

41  « La Soirée théâtrale », signée par « Un monsieur de l’orchestre », Le Figaro, 29 septembre 1886, p. 6.

42  Auguste Vitu, « Premières représentations », Le Figaro, critique d’Hamlet au Théâtre-Français, 29 septembre 1886, p. 6.

43  En 1835, Le Monde dramatique, dans son éloge de M. Varez, metteur en scène « irréprochable », précise qu’il « se donne la peine d’expliquer aux figurants la pièce toute entière, de la leur faire comprendre, afin qu’ils rendent bien la situation », mais l’article dans son ensemble ne développe pas ce point (Le Monde dramatique, 1835, tome 2, p. 215). Dans son article de 1846 sur la répétition générale, Janin indique, quant à lui, que c’était le directeur, ou un acteur, et non le metteur en scène qui s’occupe de faire des observations aux comédiens sur leur manière de dire leur texte.

44  Francisque Sarcey, Le Temps, 10 août 1885, p. 2.

45  Entretien portant sur l’entrée de Numa Roumestan à l’Odéon, Journal des débats, 14 février 1887, p. 3.

46  Albert Lambert, « Sur les planches, Études de mise en scène », La Revue d’art dramatique, tome 28, oct.-déc. 1892, p. 67.

47  Id., p. 207.

48  Article signé H. Fierens-Gevaert, Journal des débats, 10 juillet 1896, p. 3.

49  Id.

50  H. Fierens-Gevaert, « La maison de Molière », Journal des débats, 5 août 1896, p. 3.

51  Fernand Hauver, « La bataille continue », La Presse, 8 décembre 1901, p. 2.

52  H. Fierens-Gevaert, « La maison de Molière », Journal des débats, 5 août 1896, p. 3. La citation exacte est : « À l’époque où le souci de la mise en scène ne s’était pas encore emparé du public, l’action large et puissante du comédien tenait lieu de tout, suffisait à occuper la scène ».

53  « Sur les planches, Études de mise en scène », art. cité, p. 14.

54  Cette métaphore militaire pour évoquer le metteur en scène est déjà employée par George Sand dans son roman de comédiens de 1869, Pierre qui roule, à propos de la mise en scène à l’Odéon au milieu du siècle. George Sand, Pierre qui roule, suivi du Beau Laurence, éd. critique d’Olivier Bara, Orléans, Paradigme, 2007.

55  « Sur les planches, Études de mise en scène », art. cité, p. 16

56 Id., p. 18.

57 Id., p. 22.

58  Le Monde dramatique, 1835, tome 2, p. 210.

59  Id.

60  Sur ce point, voir par exemple, Marco Consolini, « D’Antoine à Durec : amateurisme révolutionnaire et professionnalisme impuissant », in Avènement de la mise en scène/Crise du drame : continuités-discontinuités, op. cit., p. 221-236.

Pour citer ce document

Alice Folco, « Images médiatiques du metteur en scène (1830-1900)», Presse et scène au XIXe siècle, sous la direction de Olivier Bara et Marie-Ève Thérenty Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/presse-et-scene-au-xixe-siecle/images-mediatiques-du-metteur-en-scene-1830-1900