Presse et scène au XIXe siècle

La querelle politique des Enfants d’Édouard dans la presse de 1833

Table des matières

MAURIZIO MELAI

Dans le panorama théâtral de la première moitié du XIXe siècle, il est facile de repérer des pièces qui doivent leur succès moins à leur valeur littéraire qu’aux allusions politiques qu’elles renferment. Ou qu’elles ne renferment pas : la passion politique exaspérée, cela est bien connu, pousse parfois le public et les organes de presse à voir l’allusion là où l’auteur n’a pas forcément voulu la mettre. Les journaux, en particulier, sont souvent responsables de lectures politisées et instrumentales des pièces, lectures viciées par une partialité et un manque d’objectivité flagrants. Il existe toutefois, parmi les pièces lues tendancieusement par la presse au XIXe siècle, un cas aussi intéressant que méconnu, dont nous entendons nous occuper : il s’agit de la tragédie de Casimir Delavigne intitulée Les Enfants d’Édouard, créée au Théâtre-Français le 18 mai 1833 et portée en triomphe par l’opposition légitimiste et par ses organes de presse1.

Image1

Paul Delaroche, Édouard V, roi mineur d’Angleterre, et Richard, duc d’York, son frère puîné (1483), dit Les Enfants d’Édouard, acquis au Salon de 1831. Huile sur toile. 1, 81 X 2, 15 m. Musée du Louvre, Département des Peintures, INV. 3834 (image tirée du site www.louvre.fr)

Casimir Delavigne est probablement le plus illustre de ces derniers auteurs tragiques français qui doivent leur succès à l’élaboration d’un code dramaturgique intermédiaire entre celui de la tragédie classique et celui du drame romantique2. Avec Les Enfants d’Édouard, pièce qui naît de la réécriture et de l’adaptation aux règles classiques du Richard III, Delavigne entend justement réaliser une conciliation parfaite entre la tradition tragique française et l’esthétique théâtrale des pays du Nord, proposant une sorte de médiation entre Racine et Shakespeare. S’il ose, d’un côté, violer les unités de temps et de lieu et remplacer partiellement le récit traditionnel par l’action et le tableau spectaculaire3, il accomplit, de l’autre, une opération scrupuleuse de réduction et de moralisation du chef-d’œuvre shakespearien. Du vaste tableau historique brossé par le dramaturge anglais, qui suit à travers toutes ses étapes sanglantes la conquête et la perte du pouvoir royal de la part de Glocester, Delavigne ne tire qu’un seul épisode, celui de l’assassinat des héritiers légitimes du trône d’Angleterre. Les vingt-deux vers où Shakespeare, au moyen du récit de Sir James Tyrrel, évoque l’événement en question4 suffisent au poète français pour construire une tragédie en trois actes : l’action shakespearienne est réduite à une simplicité extrême et purifiée de tout fait violent qui enfreigne les bienséances morales5.

La querelle idéologique que la pièce déclenche est probablement l’un des épisodes les plus emblématiques de l’interférence, via la presse, du politique et du théâtral au XIXe siècle. Les dangers qui pouvaient dériver d’une lecture anti-orléaniste des Enfants d’Édouard avaient d’ailleurs retenu l’attention des organes de police ; à tel point que le ministère de l’intérieur, le jour même de la première, avait décidé de faire suspendre la pièce. La représentation ne put être autorisée, avec le retranchement de quelques vers dérangeants, que grâce à l’intervention de Louis-Philippe en personne, ami intime de Delavigne, qui rassura le ministre Thiers sur l’innocuité de l’ouvrage. Germain Delavigne, frère et biographe de Casimir, raconte que dans la nuit qui suivit la première, qui rencontra un succès éclatant, le roi envoya un billet au poète pour lui faire part de sa satisfaction et lui présenter ses félicitations6. La sympathie bien notoire de Delavigne envers la Révolution de Juillet et son lien avec la famille d’Orléans n’empêchent pas les milieux réactionnaires d’effectuer une lecture légitimiste de la pièce, de voir dans Glocester-Richard III un double de l’imposteur Louis-Philippe et dans les princes persécutés l’emblème de la légitimité opprimée. L’auteur semble être complètement étranger à ces intentions allusives ; Germain Delavigne atteste la bonne foi de son frère en reproduisant une lettre que celui-ci dut écrire pour détromper un admirateur légitimiste qui s’était mépris sur la signification politique des Enfants d’Édouard. Voici la partie essentielle de cette lettre :

Je suis heureux que mon ouvrage ait pu vous intéresser un moment ; mais, permettez-moi de vous le dire, nous ne sommes pas plus d’accord sur le présent que sur le passé. Je pense, et le public a été de mon avis, qu’il n’y a aucun rapprochement possible entre l’usurpation incontestable que je flétris dans ma tragédie et une révolution, à laquelle je m’honore d’avoir pris part, qui a été faite par l’immense majorité des Français, au nom des lois et dans un sentiment de défense légitime. Le contrat une fois rompu par celui qui avait juré de le faire respecter, le peuple n’a pas usurpé les droits du monarque, mais il est rentré dans les siens. Souverain après la victoire, il a conféré un pouvoir devenu sa conquête au prince dont le caractère connu lui offrait le plus de garanties. Elle repose sur des bases durables : la dignité, la liberté, et la volonté de tous.

Je vous devais, monsieur, cette profession de foi pour ne pas vous laisser dans l’erreur sur mes sentiments et mes principes7.

Les opinions et les propos réels de Casimir Delavigne, toutefois, ne sont jamais vraiment pris en compte dans le débat idéologique qui suit la représentation des Enfants d’Édouard. Quant à la dimension littéraire de l’ouvrage, il n’en est que très rarement question. Soustraite aux intentions et aux velléités artistiques de l’auteur, la pièce cesse substantiellement d’être considérée en tant qu’événement théâtral pour devenir le prétexte d’une querelle politique entre factions opposées. Il est intéressant de remarquer que l’événement dramaturgique n’est, dans cette occasion, que le détonateur d’une polémique médiatique qui va bien au-delà des problématiques abordées par la pièce.

De Marino Faliero aux Enfants d’Édouard : deux querelles de nature politique

Les protagonistes de la polémique née autour des Enfants d’Édouard sont ces organes de presse politisés qui, s’empressant à rechercher dans les ouvrages dramatiques une réplique ou un mot qui les rattachent à telle ou telle autre idéologie, proposent souvent des lectures partiales et tendancieuses des pièces. Le journal qui déclenche la querelle est, dans ce cas, la Gazette de France, feuille légitimiste dirigée par Antoine Eugène Genoude. La Gazette, d’ailleurs, avait l’habitude de ramener le dramatique au politique et d’utiliser la critique théâtrale comme un instrument de combat idéologique : en 1829, par exemple, elle avait conduit une dure campagne contre le Marino Faliero, où Delavigne mettait en scène une révolte anti-nobiliaire, accusant de laxisme et de complicité séditieuse le ministre qui avait laissé jouer une pièce si dangereuse pour l’ordre social. C’est ainsi que le journal de Genoude, dans un article du 2 juin 1829, s’en prenait au Marino Faliero et aux institutions qui en avaient permis la représentation :

Qui faut-il accuser, si les théâtres ont été mis à la disposition de la faction révolutionnaire, si chaque jour l’ordre social y est menacé d’une subversion totale ? Déjà on y a établi une école de massacres, et hier tous les genres d’aristocratie y ont été livrés à la brutale frénésie d’un parterre d’ouvriers. Des trépignements de joie ont accueilli l’image d’une conjuration ayant pour but l’égorgement de tous les nobles, sans en excepter un seul ; un ramas d’assassins et de brigands ont fait retentir la scène d’épouvantables cris de vengeance, et dans la salle on y a répondu par un tonnerre d’applaudissements.

[…] C’est la civilisation lettrée, c’est l’administration, c’est le gouvernement, qui veut réveiller dans les basses classes ces passions envieuses qui ne s’arrêtent jamais dans leur essor.

L’immoralité des personnages mis en scène par Delavigne, tels que Faliero et Israël Bertuccio, et les conséquences néfastes de leur exemple sur le corps social étaient dénoncées de la sorte :  

Tels sont les personnages qui figurent sur le premier plan ; derrière eux apparaît un peuple entier poussant des rugissements de tigre. Tous ces éléments de corruption, de cruauté et de bassesse si hideux dans leur nudité ont un langage qui pour mieux séduire et exciter la multitude se revêt de formes brillantes. Voilà ce qu’a produit sous un régime de licence, un talent qui dans des temps mieux réglés honorait les lettres françaises par les plus estimables productions.

Le journal entendait finalement démasquer le mobile politique de l’auteur, en dévoilant le propos foncièrement subversif de son ouvrage :

Et si l’on veut bien remarquer que ce sont ces déclamations, ces outrages, ces calomnies, ces cris de vengeance contre les nobles qui ont soutenu la pièce ; que rien ne porte le spectateur à s’intéresser à aucun de ces personnages ; que l’action se soutient à peine pendant deux actes on acquerra la conviction que c’est moins un ouvrage dramatique qu’un véhicule politique pour diriger les masses populaires dans le sens de la révolution.

C’est là le secret du triomphe de M. Delavigne, c’est là ce qui lui a valu une couronne. 

Le 3 juin, dans un article intitulé La Gazette de France et Marino Faliero, le Figaro ridiculisait l’alarmisme et les velléités censoriales de la feuille légitimiste en écrivant :

Fidèle aux doctrines du parti dont elle est l’organe, la Gazette de France provoque la peur contre le drame de M. Casimir Delavigne ; elle adresse d’amères railleries à la censure qui n’a pas compris tous les crimes qu’il renferme, et qui, par ce coupable aveuglement, s’est rendue complice d’un attentat révolutionnaire. À son dire, il y a entre le poète, les journalistes et la pusillanime faiblesse du ministère, un pacte d’extermination contre notre patriciat constitutionnel, pacte qui se trahit par des déclamations hautement violentes d’une part et sourdement autorisées de l’autre […].

Pour rassurer la Gazette, continuait sarcastiquement le journaliste du Figaro, il faudrait

[…] que l’histoire soit exilée de la méditation, arrachée du théâtre, mise au secret, verrouillée, cadenassée et gardée jusqu’au jour où elle sera condamnée au feu, comme scandaleuse, révolutionnaire, et nuisant par les choses qu’elle dit sur le passé à celles qu’on serait tenté de faire pour l’avenir […].

Les feuilletonistes de la Gazette étaient ensuite définis comme les

[…] amis du ministère déplorable sous lequel, dans les beaux jours de la censure, pas une réclamation ne pouvait arriver jusqu’au trône ; sous lequel le théâtre était nul comme la presse muette, la Charte méconnue, la France tombée de son rang, l’Académie et la magistrature insultées ; sous lequel enfin la muse de l’histoire se voyait dérober les mémoires de Cambacérès.

L’article du Figaro se terminait sur un appel ironique adressé au gouvernement de la Restauration et aux institutions que la Gazette avait accusées de laxisme :

Et vous, qui tenez en main les destinées de la patrie, méditez mûrement les arrière-pensées de la Gazette ; apprenez qu’il n’y a de salut pour les royaumes que dans le silence, le mensonge, la dégradation, et hâtez-vous d’échanger nos libertés insolentes et tracassières contre la douce quiétude de l’absolutisme portugais.

La querelle née autour du Marino Faliero est d’autant plus intéressante qu’elle soulève les questions capitales de la censure dramatique, de la possibilité et de la liberté de représenter l’histoire au théâtre, des enjeux socio-politiques de la tragédie et de son potentiel allusif dérangeant. Ce débat est révélateur, en outre, du rôle « méta-polémique » joué par la presse dramatique : si le théâtre est déjà, à lui seul, une véritable tribune politique, la critique journalistique, miroir déformant et amplificateur des voix de cette tribune, se profile comme un instrument polémique de second degré qui, tout en émanant directement de l’événement théâtral, finit souvent par s’en dégager et par constituer un espace de débat autonome et parallèle à celui du théâtre. C’est ce qui se vérifie aussi après la première des Enfants d’Édouard en 1833.

La querelle journalistique des Enfants d’Édouard

La feuille qui déclenche cette nouvelle querelle est encore une fois la Gazette de France, qui dans ce cas, cependant, a intérêt à voir dans Delavigne non pas un dangereux révolutionnaire mais un vengeur de la légitimité opprimée et vaincue. Devenue un organe d’opposition après 1830, la Gazette se range désormais du côté de la contestation sociale et politique, non plus du côté de l’ordre comme à l’époque du Marino Faliero. Elle ne s’exprime donc plus en faveur d’un régime strict de censure et contre une utilisation subversivement allusive de l’histoire et du théâtre. Bien au contraire, repérant une série d’analogies entre les événements tragiques du XVe siècle anglais mis en scène dans Les Enfants d’Édouard et la tragédie qui s’est consommée en France avec la Révolution de 1830, la feuille de Genoude trouve la nouvelle pièce de Delavigne « digne de beaucoup de remarques sous le rapport littéraire et politique ».C’est l’article qu’elle publie dans le numéro du 20 mai 1833 qui marque le début de la polémique journalistique autour des Enfants d’Édouard. Montrant l’actualité foncière de l’intrigue de la pièce de Delavigne, la Gazette formule une véritable invective, à peine voilée, contre Louis-Philippe et les temps modernes :   

Au 19e siècle, les bons parents ne tuent pas par le poignard. Ils calomnient, ils emprisonnent, ils exilent ; cela revient au même quant au fond ; mais les formes d’une civilisation hypocrite et lâche sont observées.

Par cette différence dans les moyens, on croit échapper à la similitude des résultats. De ce qu’on a procédé autrement que Cromwell ou Napoléon, on espère, on se flatte que l’usurpation aura des conséquences dissemblables. Vain espoir ! car ce que le drame de M. C. Delavigne ne dit pas et ne laisse pas voir, l’histoire et les contemporains le disent et le verront.

Le fait que l’auteur d’une telle peinture de l’usurpation soit Delavigne, ce poète libéral qui avait appuyé et exalté la Révolution de Juillet, est pour la Gazette une raison supplémentaire de satisfaction. Interprétant l’ouvrage comme le gage d’une conversion à la cause légitimiste de la part du dramaturge, le journal anti-orléaniste conclut son article en s’exclamant : « Et c’est l’auteur de la Parisienne qui présente ce tableau !… O justice divine !!! » Ces affirmations provoquent la réaction de l’un des principaux organes de presse libéraux de l’époque, le Constitutionnel, qui le 21 mai accuse la Gazette de vouloir trouver dans la pièce de Delavigne « les allusions les plus absurdes et les plus odieuses ». Afin de montrer l’absurdité des propos éversifs attribués aux Enfants d’Édouard, Le Constitutionnel oppose à la « mauvaise foi si révoltante » du journal de Genoude l’avis équilibré d’une autre feuille légitimiste de premier plan, La Quotidienne. Dans le numéro du 20 mai, celle-ci a consacré à la tragédie de Delavigne un article très intéressant, dont Le Constitutionnel, bien heureux de se faire un allié dans le camp adversaire et de pouvoir ainsi isoler la Gazette, cite la phrase suivante : « Quelle que soit la vivacité de nos affections et l’intensité de nos répugnances, nous ne pousserons pas l’exagération de l’esprit de parti jusqu’à chercher des allusions dans le personnage de Richard III. » Extrayant cette phrase de son contexte, toutefois, Le Constitutionnel prête le flanc à l’attaque de la Gazette qui, le 22 mai, cite la suite de l’article de La Quotidienne. Cette dernière, après avoir mis de côté l’hypothèse d’une lecture allusive des Enfants d’Édouard, souligne effectivement la hardiesse politique de la pièce, allant ainsi dans le sens de la Gazette. Le passage que la feuille de Genoude choisit de tirer de l’article de La Quotidienne est le suivant :

Nous conviendrons seulement qu’une seule chose nous a frappés, c’est l’effet imposant qu’a produit sur le public de la Comédie-Française, le spectacle de la légitimité reposant sur la tête d’un jeune enfant, et n’ayant à opposer que son droit aux attaques victorieuses de la perfidie, de la trahison et de la force brutale. Aussi le choix d’un pareil sujet, à l’époque où nous vivons, nous a paru d’une audace sans exemple et d’une indépendance qui va jusqu’à la témérité […]8.

Après avoir clarifié la position de La Quotidienne, la Gazette retourne les accusations de partialité et de mauvaise foi contre Le Constitutionnel, tout en renchérissant sur l’interprétation politique et idéologique de la tragédie de Delavigne. C’est avec ces affirmations envenimées que la Gazette  prend sa revanche sur le journal libéral :

Eh bien! Êtes-vous suffisamment pris ici en flagrant délit, et est-ce la Gazette de France dont la mauvaise foi est révoltante ? Ah ! il n’y a que nous qui ayons trouvé des rapprochements entre l’histoire ancienne et l’histoire moderne, entre l’histoire d’Angleterre et l’histoire de France, entre le duc de Glocester et un autre duc, entre le 15e et le 19e siècles, dans l’ouvrage du bibliothécaire du Palais-Royal ?

Et puis, vous nous la donnez bonne ! comment, il n’y a que nous qui ayons trouvé des allusions odieuses et absurdes dans la pièce de M. C. Delavigne ? mais vous savez aussi bien que nous que la représentation de ce drame a été défendue jusqu’à 5 heures du soir le jour même où il devait être joué. Vous devez savoir mieux que nous que des coupures et des retranchements ont été prescrits, et quels ont été ces retranchements et ces coupures. [...] Qui donc a ordonné ces coupures et ces retranchements ? Qui donc avait défendu la représentation ? Ce n’est pas nous, sans doute ? C’est donc vous et les vôtres. Et pourquoi cette défense et ces mutilations, sinon à cause des rapprochements si naturels, si évidents, si poignants, et des allusions que vous avez la loyauté de nous reprocher, et que vous déclarez absurdes et odieuses ? C’est vous qui les avez faites et avant tout le monde.

[...] Vous avez eu raison de voir dans la pièce ce qui y était, ce qui y est resté, ce qui y sera toujours. Vous avez eu raison de la vouloir défendre, dans l’intérêt de votre parti ; mais vous avez été obligé, malgré vos dents, de la laisser jouer. Puis, maintenant, vous voulez faire contre fortune bon cœur. Vos tâchez de nier ou de dénaturer l’esprit de ce drame pour atténuer l’effet qui produit la situation d’un oncle et d’un régent, usurpateur des droits d’un enfant par tous les moyens de l’ambition, de la ruse et de l’ingratitude envers ses parents et ses amis, malgré les vœux et les intérêts de la nation, misérablement sacrifiée à des sentiments égoïstes. Maintenant qu’on montre publiquement cette situation sur le théâtre et que vous êtes forcés de subir toutes les conséquences de ce tableau si dramatique et si touchant, vous essayez de détourner l’attention et de donner le change à l’opinion publique ? Vous vous moquez ; c’est nous, à présent, qui vous disons : Il est trop tard. Vous êtes attaché au pilori de la scène. 

Nous pouvons remarquer que la querelle entre la Gazette et Le Constitutionnel, née à propos des Enfants d’Édouard, s’est déplacée vers un article qu’une troisième feuille, en l’occurrence La Quotidienne, a publié sur la pièce de Delavigne. L’objet de la polémique, dans le débat des 21 et 22 mai, est moins l’interprétation de la tragédie en question que la lecture que La Quotidienne en donne. Chacun des deux organes de presse opposés cherche à rattacher à ses propres convictions l’opinion exprimée par ce troisième journal, qui finit par être érigé, en quelque sorte, en arbitre de la controverse. L’article de La Quotidienne devient par conséquent, aussi bien que la pièce elle-même, l’objet des lectures partielles et partiales d’une presse politisée, prête à instrumentaliser non seulement l’événement théâtral mais aussi les réactions journalistiques qui en découlent. Par ce biais, le journalisme perd, au moins provisoirement, sa fonction de critique théâtrale pour devenir méta-journalisme, réflexion autoréférentielle et recherche d’une auto-légitimation dont dépend la légitimation du parti politique qu’il soutient. Soldats d’une bataille idéologique, les journalistes visent à faire de leur bonne foi et de leur capacité interprétative les gages du droit effectif de la faction dont ils sont les représentants.

Édouard V, ou la réécriture des Enfants d’Édouard par la Gazette de France

Persuadée d’avoir démasqué la mauvaise foi du Constitutionnel et d’avoir légitimé sa propre position, la Gazette peut fermer la parenthèse méta-journalistique et retourner à l’événement théâtral. Forte de l’avantage pris grâce à l’article du 22 mai, la feuille légitimiste ne revient sur la pièce de Delavigne que pour en proposer une sorte de réécriture, ou plutôt pour déchiffrer le code constitué par la projection historique et métaphorique mise en place par l’auteur et pour dévoiler l’essence politique réelle – ou prétendue telle – de sa tragédie. La volonté de la Gazette de réécrire à sa manière Les Enfants d’Édouard est évidente dès le titre de l’article qu’elle publie le 23 mai : « Édouard V, drame en trois actes et en vers, de M. Casimir Delavigne ». Selon le journal de Genoude, c’est Édouard V que la pièce aurait dû s’intituler, parce que l’intérêt de l’action se fonde sur ce personnage, l’aîné des fils d’Édouard IV et l’héritier légitime de la couronne anglaise. Édouard V est donc le seul titre plausible et logique de la pièce, titre que d’ailleurs – soutient le feuilletoniste de la Gazette – Delavigne aurait sûrement donné à l’ouvrage s’il n’avait pas craint la susceptibilité du pouvoir et des organes de censure. Le journal explique de la sorte les raisons qui ont poussé l'auteur à ne pas choisir ce titre dangereux :

On comprend bien que l’auteur, dans sa position, ait jugé qu’il y avait déjà assez de hardiesse dans la situation qu’il allait jeter sur la scène du Palais Royal. Il n’a pas voulu augmenter la nature des difficultés qu’il pourrait rencontrer. Il a préféré donner à la pièce un titre bizarre, selon nos mœurs, plutôt que de commencer, dès l’affiche, à frapper l’esprit par le nom et surtout le chiffre du roi enfant et victime de l’ambition de son parent sur lequel il allait appeler l’intérêt.

Le « roi enfant », dont l’Édouard V de la pièce ne serait que le double et auquel la Gazette fait allusion, est Henri d’Artois, duc de Bordeaux, petit-fils de Charles X et dernier représentant de la branche aînée des Bourbons. Après l’abdication de son grand-père – et celle du dauphin Louis, roi pendant une vingtaine de minutes sous le nom de Louis XIX – cet « enfant du miracle », né en 1820 sept mois après l’assassinat de son père le duc de Berry, est rebaptisé « Henri V » par les légitimistes, qui le considèrent comme le seul détenteur véritable de la couronne française. Les droits du jeune Henri V, toujours selon les légitimistes, sont usurpés par ce « parent » – Louis-Philippe d’Orléans, cousin de Charles X – qui aurait dû les préserver et qui se profile comme le digne émule du Glocester mis en scène par Delavigne. L’usurpation du trône, selon la Gazette, est donc un événement extrêmement actuel :

C’est ce qu’a fait le duc de Glocester, parent et régent d’Édouard V, en 1483 ; c’est ce que nous avons vu se renouveler au milieu de nous avec des circonstances d’une similitude étrange et que le drame de M. C. Delavigne remet en lumière.

La feuille légitimiste en arrive à rendre tout à fait explicite le parallélisme entre l’Édouard V du XVe siècle et le Henri V du XIXe :

Ce noble enfant que le drame nouveau présente sous un aspect si intéressant, fut dépossédé de la couronne au profit de son oncle, à qui le roi précédent avait conféré la régence du royaume, par les mêmes moyens et presque dans les mêmes termes que M. le duc de Bordeaux lorsque Charles X, abdiquant en sa faveur, chargea M. le duc d’Orléans, lieutenant général du royaume, de le proclamer sous le nom de Henri V.

Après avoir explicité le réseau d'allusions autour duquel se construit la pièce, le journal continue à la réécrire en indiquant ce qu’elle aurait dû montrer pour être politiquement plus éloquente et efficace. Le feuilletoniste regrette que la scène shakespearienne où Glocester déclare hypocritement accepter la couronne contre sa volonté ait été coupée. Cette scène se serait prêtée parfaitement, en effet, au jeu allusif anti-orléaniste : « M. le duc d’Orléans n’a-t-il pas été aussi, comme violenté par l’élection qu’on a faite de lui, à l’exclusion de l’héritier légitime du trône […] ? », se demande la Gazette. Dans la deuxième partie de l'article, la feuille légitimiste s’en prend à un autre organe de presse libéral, le Journal des débats, qui, le 22 mai, critiquait le caractère de la reine Élisabeth conçu par Delavigne, le considérant un personnage trop faible et passif, qui n’agit pas assez pour sauver ses enfants. La Gazette, trouvant ce jugement esthétique incohérent par rapport aux idées politiques des Débats, attaque :

Quoi ! lorsque les grandes colonnes de cette feuille n’ont cessé de reprocher à Mme la duchesse de Berri d’avoir cherché à rassembler les partisans d’Henri V, et de venir secouer, selon la phrase banale des journaux ministériels, les brandons de la guerre civile dans la Vendée, les petites colonnes de la même feuille s’évertuent à prouver qu’une mère, qu’une reine doit agir pour son fils au lieu de trembler et de pleurer ! Admirable reproche ! Qu’est-ce que Élisabeth, comme Mme la duchesse de Berri, aurait pu faire en face des précautions et des partisans de l’usurpation ?

Comme nous pouvons le remarquer, dans ce cas le journal légitimiste identifie complètement le personnage d’Élisabeth avec la duchesse de Berry, opérant une fusion totale entre le plan esthétique, que les Débats mettaient en cause en critiquant la construction des caractères, et le plan historico-politique, auquel la Gazette ramène tout choix dramaturgique de l’auteur. L’erreur des Débats, selon la feuille anti-orléaniste, consiste à séparer les deux plans et à lire la tragédie de Delavigne  en tant que simple ouvrage théâtral, alors qu’il faut la considérer comme un pamphlet politique et comme une transposition de l’histoire française récente. Le feuilletoniste de la Gazette termine son article sur la notation suivante :

Puis, qu’il nous soit permis de remarquer l’étrange chose et le singulier renversement de toutes les situations depuis la révolution de 1830. C’est M. C. Delavigne qui fait Édouard V et qui montre les effets et les moyens de l’usurpation ! Et c’est la Gazette de France qui défend contre le Journal des débats et le Constitutionnel le légitime succès que vient d’obtenir l’auteur des Comédiens. C’est que nous soutenons et que nous soutiendrons toujours tout ce qui sera légitime sur le trône comme sur le théâtre.

Dans cette remarque conclusive, il est amusant d'observer que la Gazette désigne 1830 comme le moteur d’une série de déviations et d’inversions idéologiques dont elle a probablement elle-même, avec ses interprétations aventureuses, toute la responsabilité.

 Casimir Delavigne, « le chantre de la Parisienne, devenu poète de la légitimité »

Le 24 mai, la Gazette continue à polémiquer contre les Débats, qui avaient cité, parmi les défauts esthétiques de la pièce de Delavigne, le manque de cette passion tragique fondamentale qu’est l’amour. La feuille légitimiste fait glisser encore une fois la question vers le plan politique, comparant les raisons historiques qui sont à la base de la représentation des Enfants d’Édouard à celles qui ont déterminé la mise en scène d’Athalie après la mort de Louis XIV. Associant idéologiquement la tragédie de Delavigne et celle de Racine, pièces dont la nature profondément politique rend nécessaire l’absence de toute intrigue amoureuse, le journal de Genoude arrive à la fois à justifier les choix dramaturgiques de l’auteur moderne et à en faire le nouveau chantre de la légitimité outragée. Il écrit :

Athalie n’avait pas été jouée au théâtre sous Louis XIV. C’est le duc d’Orléans, régent, qui en 1716 donna l’ordre de la représenter, et comme on l’avait accusé d’aspirer à la couronne au détriment de Louis XV, il crut pouvoir répondre à ces attaques en ordonnant cette représentation. De ce jour date tout l’éclat de cette pièce destinée à porter dans tous les temps l’horreur de l’usurpation et l’amour de la légitimité.

Édouard V est évidemment une pièce conçue et représentée dans le même but.

La Gazette, toutefois, ne se limite pas à louer « le chantre de La Parisienne, devenu poète de la légitimité » ; elle croit même voir dans la prétendue conversion légitimiste de Delavigne le symptôme d’un  basculement de l’opinion publique et d’une évolution sociale globale. C’est ainsi qu’elle justifie le succès des Enfants d’Édouard :

Mais qu’est-ce que cela prouve ? C’est que M. Casimir Delavigne, avec sa tragédie, constate le changement de popularité qui s’est fait depuis trois ans. Il fait la gloire là où elle est, et cet indice, tout à fait nouveau, signale assez les progrès de nos opinions. Ceci fera voir au Palais Royal qu’il est dangereux aux pouvoirs nouveaux de s’attacher des poètes qui songent encore à faire des vers ; car la poésie peut aussi devenir le signe de leur décadence.

Le même jour, Le Constitutionnel décide de répondre à la Gazette, rallumant ainsi la polémique à distance sur la pièce de Delavigne. La feuille libérale cite L’Écho de Rouen, qui rend compte de la satisfaction exprimée par Louis-Philippe à l’auteur des Enfants d’Édouard et qui annonce la présence du roi en personne au Théâtre-Français lors de la cinquième représentation de la tragédie. Le Constitutionnel s’appuie sur cette nouvelle pour blanchir l’ouvrage en question de toute accusation tendancieuse et pour stigmatiser la mauvaise foi des journaux et des ministres (Thiers exclu) qui ont attribué à l’auteur des intentions politiquement incorrectes. À ce propos, il déclare :

Il est certain que tous les ministres, un seul excepté, avaient imaginé que la pièce de M. Casimir Delavigne pouvait offrir de fâcheuses allusions, et qu’il y aurait quelque danger à la représenter. Dans cette circonstance, comme toujours, ils avaient été dominés par de mesquines préoccupations, par des préventions et des défiances indignes des organes d’un roi constitutionnel ; mais le manuscrit fut soumis à Louis-Philippe, qui ne partagea nullement les craintes de ses ministres, et augura mieux du bon sens public. L’événement a justifié son opinion, car les spectateurs n’ont pas un seul instant aperçu dans la pièce les allusions que de petits esprits croyaient y voir, et c’est même en vain que depuis trois jours la Gazette de France s’efforce de les montrer au public. Le public s’obstine à être de l’avis du Roi contre les ministres et la Gazette.

Cette dernière, qui ne peut évidemment pas s’abstenir de répliquer le jour suivant, reprend son avantage en citant le Courrier des théâtres, qui écrit : « Les Enfants d’Édouard n’ont pas reçu hier la royale visite qu’ils attendaient. » Le roi ne participe pas non plus aux représentations suivantes de la pièce, ce qui ne manque pas de susciter les réactions sarcastiques de la presse anti-orléaniste. Le 28 mai, regrettant que Louis-Philippe ne se soit pas encore montré au théâtre, la Gazette affirme :

[...] tout le monde aurait été curieux de voir la contenance du roi des Français pendant la représentation d’un ouvrage sorti de la plume d’un de ses anciens serviteurs et qui rappelle les principales situations de Mérope et d’Athalie dont le répertoire du Théâtre-Français est privé depuis trois ans9.

Le Courrier des théâtres, après avoir scrupuleusement enregistré, dans tous les numéros qui paraissent entre le 25 mai et le 13 juin 1833, les absences régulières de Louis-Philippe attendu au Théâtre-Français, finit par annoncer ironiquement, le 14 juin, qu’une parodie des Enfants d’Édouard va sortir et que le roi voudra probablement y assister. Quant à la Gazette, après avoir continué à rapprocher, dans les numéros du 26 et du 28 mai, la tragédie de Delavigne des chefs-d’œuvre traditionnels de la légitimité, à savoir Athalie et Mérope, elle revient une dernière fois sur la pièce le 1er juin, pour l’associer, cette fois, à deux autres ouvrages sortis en 1833, l’Histoire de la Régence de Lemontey et La Conspiration de Cellamare de Vatout. Reprenant une idée qu’elle a déjà exprimée le 24 mai, la Gazette interprète la publication presque contemporaine des trois ouvrages, qu’elle voit également imprégnés d’esprit légitimiste, comme le témoignage inquiet d’une France prête à se révolter contre l’imposteur couronné et à se rallier au monarque légitime dépouillé de ses droits.

L’acte conclusif de la querelle des Enfants d’Édouard est probablement l’article publié par le Journal des théâtres le 22 juin 1833, qui résume la polémique suscitée par la pièce tout en essayant de séparer nettement les domaines de la politique et de la littérature. Entendant ramener l’ouvrage de Delavigne à sa dimension littéraire et en finir avec une querelle idéologique qui a assez duré, le journal s’exprime de la sorte :  

Des craintes et des affections politiques se sont groupées autour de la pièce nouvelle. On en a fait une arme d’opposition ; mais M. Delavigne a fait un travail d’art, et non une affaire de parti. Il serait bientôt temps d’abandonner à la tribune, à la polémique des journaux, et aux bruyantes conversations des lieux publics, les débats et les préoccupations politiques. Quand on se dispute partout et sur tout, ne pourrait-on pas au moins laisser vierges les questions littéraires ?

Arrière donc les rapprochements, les parallèles soi-disant historiques ! Les passions du forum n’ont rien à voir dans les jeux de la scène. Je ne veux avoir à faire qu’avec M. Delavigne, poète.

Les arguments du Journal des théâtres n’ont sûrement pas beaucoup d’influence sur les feuilles qui ont alimenté la querelle politique ; néanmoins, après cet article – qui coïncide à peu près avec la fin de la mode de la pièce – la polémique s’apaise progressivement jusqu’à s’éteindre.

Dressant un bilan de cette querelle de 1833, nous pouvons observer qu’elle met en évidence,   plus encore que le potentiel idéologique dont la tragédie peut encore volontairement ou involontairement se charger au début de la monarchie de Juillet, le travail de manipulation qu’une presse politisée accomplit sur la production théâtrale de l’époque. Vue par cette presse, la littérature n’a plus rien de littéraire ; elle devient le baromètre d’une opinion publique que l’on cherche à secouer et à influencer, l’indice déréglé des passions politiques et des ferments d’une société encore instable, la matière fluide et malléable, outil de propagande, que l’on façonne et que l’on instrumentalise à son gré. Cet observateur de la scène tragique qu’est le feuilletoniste dramatique devient, à son tour, un metteur en scène de second degré, un auteur de palimpsestes théâtraux dont les acteurs sont les protagonistes de la vie politique française et dont le sujet est l’histoire contemporaine. La réécriture que la Gazette opère sur Les Enfants d’Édouard, prenant comme acteurs Henri V, Louis-Philippe et la duchesse de Berry, est un exemple emblématique de ce procédé de réinterprétation politique et de réélaboration instrumentale de la production tragique. Théâtre de second degré, le feuilleton dramatique se profile, dans un cas tel que celui de la Gazette qui compose son Édouard V, non seulement comme le miroir déformant d’un premier degré littéraire perverti mais aussi, à l’instar de tout produit théâtral, comme un espace où la mimésis et la fiction se croisent et s’entremêlent.

(Université de Pise – Université Paris-Sorbonne)

Notes

1  Il est possible de lire le texte des Enfants d’Édouard dans Casimir Delavigne, Œuvres complètes,Paris, Firmin Didot, 1877-81, t. II, pp. 286-401.

2  Les seuls travaux sur Delavigne qui ont été publiés récemment sont les deux articles de Patrick Berthier, « Casimir Delavigne et ses parodistes : ou de Louis XI à Louis Bronze (1832) », Revue d’histoire du théâtre, Paris, Publications de la Société d’Histoire du Théâtre, n°178-179, 1993, pp. 61-72 et « Théâtre néo-classique ou théâtre juste-milieu ? Situation de Casimir Delavigne », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, n° 50, mai 1998, pp. 159-175, l’article de Pierre Laforgue, « Marino Faliero de Casimir Delavigne, ou Carnaval et tragédie », dans Tragédies tardives. Actes du Colloque de Besançon des 17 et 18 décembre 1998,dir. Pierre Frantz et François Jacob, Paris, Champion, 2002, pp. 179-187, et l’article de Sylviane Robardey-Eppstein, « Regards sur l’œuvre dramatique de Casimir Delavigne tout au long du XIXe siècle », dans Le Miel et le fiel. La critique théâtrale en France au XIXe siècle, dir. Mariane Bury et Hélène Laplace-Claverie, Paris, PUPS, 2008, pp. 147-158.   

3  À ce propos, il est intéressant d’observer que la scène finale de la pièce, qui capture l’instant précédant le meurtre des deux enfants, est inspirée d’un tableau que Paul Delaroche a présenté au Salon de 1831.

4  Les vingt-deux vers en question se trouvent, chez Shakespeare, dans la troisième scène de l’acte IV.

5  Grâce à cette épuration du texte shakespearien, la pièce de Delavigne est accueillie avec un enthousiasme particulier par la presse classique, qui interprète le succès des Enfants d’Édouard comme l’indice d’un retour à un goût sage et modéré après les excès du drame romantique. Sur cet aspect de la réception des Enfants d’Édouard, voir Patrick Berthier, La Presse littéraire et dramatique au début de la Monarchie de Juillet (1830-1836), Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du septentrion, 2001, v. I, pp. 452-457.

6 Voici ce que le roi écrit dans son billet : « J’apprends avec un grand plaisir, mon cher Casimir, le succès de votre pièce, et je ne veux pas me coucher sans vous avoir fait mon compliment. Vous savez combien j’ai toujours joui de tous ceux que vous avez obtenus ; mais je jouis doublement de celui-ci, et je vous en félicite de tout mon cœur. Il vous vaudra une bonne nuit et à moi aussi. » Nous avons tiré cette citation de Germain Delavigne, Notice sur Casimir Delavigne, dans Casimir Delavigne, Œuvres complètes, op. cit., t. IV. 2, p. 24.

7 Ibid., p. 25.

8 La Quotidienne, d’ailleurs, continue son article en rendant compte de l’embarras où la pièce a jeté les organes du pouvoir : « Aussi l’apparition du drame de M. Casimir Delavigne a fait naître de graves inquiétudes ; le pouvoir a été effrayé de l’œuvre du poète, et plusieurs fois le cœur lui a failli, au moment d’accorder l’autorisation de laisser jouer la pièce ; la représentation en était encore douteuse hier à cinq heures du soir, et il a fallu toutes les garanties offertes par l’auteur de La Parisienne, pour faire reculer l’autorité devant une défense qui pouvait être regardée comme une sanglante injure. »

9 Sous la Monarchie de Juillet, Athalie est effectivement absente du répertoire du Théâtre-Français entre 1831 et 1837. Quant à Mérope, elle ne figure pas à l’affiche dans les années 1833-1834 et ensuite entre 1836 et 1841. En 1833, donc, lorsque Delavigne met en scène ses Enfants d’Édouard, ni la pièce de Racine ni celle de Voltaire ne sont jouées au Théâtre-Français. Voir Alexandre Joannidès, La Comédie-Française de 1680 à 1900. Dictionnaire général des pièces et des auteurs, Genève, Slatkine Reprints, 1970 (Réimpression de l’édition de Paris, 1901).

Pour citer ce document

Maurizio Melai, « La querelle politique des Enfants d’Édouard dans la presse de 1833 », Presse et scène au XIXe siècle, sous la direction de Olivier Bara et Marie-Ève Thérenty Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/presse-et-scene-au-xixe-siecle/la-querelle-politique-des-enfants-dedouard-dans-la-presse-de-1833