Le théâtre d’Alexandre Dumas dans le « Courrier de Paris » de L’Illustration (1843-1848)
Table des matières
MARIE-LAURE AURENCHE
Un nouveau magazine apparaît dans le paysage de la presse parisienne avec L’Illustration, le 9 mars 1843. Créé sur le modèle de l’Illustrated London News lancé en Angleterre l’année précédente, ce recueil hebdomadaire se propose de livrer le compte rendu des événements de la semaine, en accordant la priorité aux images, comme l’annonce son titre, L’Illustration, et comme le promet le rédacteur en chef dans l’article liminaire.
En ce qui concerne plus particulièrement le théâtre, alors que l’Illustrated London News conserve son caractère d’encyclopédie (en traitant des différents genres dramatiques, des acteurs et des représentations les plus célèbres), L’Illustration choisit une orientation plus proche des journaux quotidiens, en promettant une revue hebdomadaire des spectacles :
Ici notre affaire, au lieu d’analyser simplement les pièces, est de les peindre. Costumes des acteurs, groupes et décorations dans les scènes principales, ballets, danseuses, tout ce qui appartient à cet art où la jouisssance des yeux tient une si grande place ; Français, Opéras, Cirque-Olympique, petits théâtres, tout et de toutes parts viendra se réfléchir dans nos comptes rendus, et nous tâcherons de les illustrer si bien, que les théâtres, s’il se peut, soient forcés de nous faire reproche de nous mettre en concurrence avec eux, en donnant d’après eux à nos lecteurs de vrais spectacles dans un fauteuil1.
Dans chaque livraison, après l’éditorial politique « Histoire de la semaine », une rubrique, le « Courrier de Paris » adressé à deux jeunes provinciales par un certain Philippe Busoni, bien introduit dans les milieux parisiens2, rend compte de la vie mondaine (bals, cérémonies publiques, et plus particulièrement spectacles dramatiques ou lyriques) sans jamais rien dire de ce qui se passe en province, indigne d’être comparée à la capitale3. Une seconde rubrique, hebdomadaire elle aussi, la « Chronique musicale », revue des faits remarquables de la vie musicale, est signée par Georges Bousquet4 qui, à la différence de Philippe Busoni, est un professionnel, compositeur et chef d’orchestre. Des comptes rendus des représentations de la semaine qui ont retenu l’attention du journal, toujours accompagnés de gravures, peuvent être insérés dans ces deux rubriques ou figurer sous le titre « Théâtre ».
Pour que cette étude soit significative, il a fallu la limiter dans le temps aux premières années de L’Illustration (1843-1848) et dans l’espace dramatique aux pièces de Dumas jouées à Paris pendant cette période : autant d’« événements » de la saison théâtrale, dus à la notoriété de l’auteur du Comte de Monte-Cristo, que le journal de l’actualité parisienne ne peut manquer de commenter5. Dans les rubriques « Courrier de Paris » et « Théâtre », les articles traitant d’Alexandre Dumas et de son théâtre s’écartent souvent du compte rendu classique pour prendre la forme d’une chronique parisienne, d’un tableau illustré ou d’un article sur l’architecture et cette diversité fait de L’Illustration un témoin incontournable de la vie théâtrale.
Les représentations des pièces de Dumas de 1843 à 1847
Dès sa création (9 mars 1843), L’Illustration a publié des articles sur le théâtre d’Alexandre Dumas (voir tableau de synthèse en annexe). Depuis mars 1843 jusqu’à la fondation du Théâtre-Historique en février 1847, Dumas a créé sur les scènes parisiennes trois comédies au Théâtre des Variétés, Le Mariage au Tambour (9 mars 1843), Le Garde-Forestier ( 15 mars 1845) et Un conte de fées (29 avril 1845), deux autres au Théâtre-Français, Les Demoiselles de Saint-Cyr (25 juillet 1843) et La Fille du Régent (1e avril 1846), et une dernière au théâtre de l’Odéon, Le Laird de Dumbicky (30 décembre 1843). Deux drames ont été joués, l’un Louise Bernard, à la Porte Saint-Martin et l’autre à l’Ambigu-Comique, Les Mousquetaires (27 octobre 1845).
Alexandre Dumas : Un auteur dramatique à la mode
Pour susciter l’attention du lecteur, Philippe Busoni6, le critique dramatique de L’Illustration, adopte un style vivant, voire familier ou piquant dans la tradition de la chronique parisienne. L’article sur Les Demoiselles de Saint-Cyr commence de manière abrupte : « Il faut oublier Madame de Maintenon, la chaste règle de Saint-Cyr et l’austérité des derniers temps de la cour de Louis XIV : tout cela n’a rien à voir ici7. » Pour passer d’une pièce à l’autre, Busoni use de transitions inattendues ; après avoir parlé de la tragédie, Jeanne de Flandres, représentée au Théâtre-Français, il annonce : « cependant au même moment, les Quatre Mousquetaires poursuivaient à l’autre bout de la ville [au théâtre de l’Ambigu-Comique] le cours de leurs exercices et d’une représentation infiniment trop prolongée [5 heures]8. » Enfin, il use et abuse de la métaphore ; qu’elle soit militaire : ainsi, entre les trois drames donnés à l’Odéon le 30 décembre 1843, il choisit de commencer par les gros bataillons de Dumas (« C’est donc Le Laird de Dumbicky à qui reviennent les honneurs du pas9 ») ;qu’elle soit culinaire : « Après ces hors-d’œuvre, il est temps d’en venir à notre menu dramatique10 » ; voire aquatique : «le théâtre a lâché toutes ses écluses dans cette huitaine ; nous allons glisser à la hâte sur ces cascades d’alexandrins et de couplets11. »
Lorsqu’il analyse les intrigues de Dumas, particulièrement compliquées, Busoni fait appel au style de la causerie. Dans Le Mariage au Tambour12, qui traite des amours d’une marquise (déguisée en vivandière) et d’un duc (déguisé en sergent-major) pendant la Révolution, le rédacteur joue sur les pronoms : en parlant à la première personne, au singulier : « Que dis-je ? » ou « J’ai l’honneur de vous faire part du mariage …» ; ou au pluriel : « Nous n’avons plus affaire à un héros, mais à une héroïne » ; « Nous avons affaire à un singulier régiment ; peut-être allons-nous apprendre bientôt… ». Il use de l’interrogation oratoire : « Pourquoi ne découvririons-nous pas … » ; « Que fait Lambert ? » ; « Que fait Catherine ? ». Il interpelle le lecteur, soit pour évoquer l’auteur de la pièce : « Ajoutez qu’il n’a pas la plus petite prétention aux beaux vers » ; soit pour le mettre en garde contre l’héroïne : « Mais méfiez-vous de Mademoiselle Catherine ». Enfin, pour justifier le dénouement, il se met à la place de Catherine redevenue marquise : « Comment refuser un colonel ? » ; «Comment ne pas pardonner à un duc ? » ;ou de Lambert qui a retrouvé sa noblesse : « Car nous sommes devenu colonel depuis le mariage au tambour ». Comme le rédacteur du « Courrier de Paris » s’adresse sans prétention, ni esprit de sérieux, aux lecteurs qui ne peuvent assister aux spectacles parisiens ou aux spectateurs qui comparent leurs impressions à celles du journaliste, le ton de sa chronique est plus proche de la causerie de salon que de la critique dramatique dite sérieuse. C’est la tendance répandue sous la Monarchie de Juillet avec Jules Janin au Journal des débats, Théophile Gautier et Nerval à La Presse.13
La première question que se pose le chroniqueur de L’Illustration à propos des comédies est celle de la vis comica de Dumas. Busoni, appréciant l’effet obtenu par l’auteur du Mariage au tambour, affirme : « Son ambition tend à faire rire, et ça et là, cette ambition est satisfaite14 », mais ne porte pas de jugement critique sur la représentation, le jeu des acteurs ou la mise en scène, il se contente de répondre à la curiosité de ses lecteurs en révélant l’identité de l’auteur de la pièce : comme la marquise se cache derrière une vivandière, et le duc derrière un sergent-major, l’auteur, sous le pseudonyme de Devilliers, n’est autre que M. Alexandre Dumas, par ailleurs marquis de la Pailletterie.
Ayant assisté le 25 juillet 1843 à la « première » des Demoiselles de Saint-Cyr, Busoni analyse la réaction de la salle : « Les trois premiers actes ont excité la curiosité, les deux derniers l’ont attiédi, et peu à peu le rire qui avait éclaté assez franchement au début, s’est converti en une espèce de résignation silencieuse qui ressemblait plutôt à un excès de patience qu’à un excès de plaisir15. » On sait qu’en dépit de cet accueil mitigé, la pièce a connu par la suite un très grand succès16. La comédie jouée à l’Odéon le 30 décembre 1843, Le Laird de Dumbicky, a suscité les sifflets du public et Busoni prend plaisir à rapporter l’événement : « Le pauvre Laird vient d’éprouver tant de malheurs ! le parterre s’est montré pour lui si rude et si implacable ! » Et, après avoir analysé la pièce (un jeune Écossais pris dans les intrigues de la cour d’Angleterre « devient le pivot d’une intrigue honteuse qui se débat entre Nelly, la maîtresse en titre du roi Charles II, et le duc de Buckingham, son favori »), Busoni revient sur cet échec :
La soirée a été orageuse. Les sifflets, les sanglantes apostrophes du parterre ont servi d’escorte au drame malencontreux, pendant les deux derniers actes surtout. Au dénouement, la tempête mugissait avec un effroyable courroux. Cette sévérité n’était que de la justice. Non seulement le drame méritait peu d’indulgence du côté de l’invention, mais le ton de mauvais lieu qui s’y trahit, mais un dialogue plein de crudités et d’indécence ne pouvaient qu’aggraver les torts de l’auteur17.
Dans Le Laird de Dumbicky, Busoni reproche à Dumas d’avoir manqué de respect aux convenances (rendez-vous suspects, portes ouvertes, chambres à coucher, escalades, substitutions de personnes, toutes les vieilles brutalités du drame d’alcôve) et dépassé les limites permises : « On n’a pas besoin pour cela d’être un grand homme, mais tout simplement un homme honnête et suffisamment élevé. Voilà bien des chutes, monsieur Dumas ; prenez garde18 ! » Busoni apparaît donc comme un chroniqueur de la vie mondaine qui se contente de rapporter les bruits qui courent sur les auteurs, les impressions exprimées par le public pendant les représentations ; et s’il se montre scandalisé par les outrances du Laird de Dumbicky, c’est la réaction d’un simple spectateur, non pas l’analyse d’un critique dramatique professionnel.
Dans ce registre de la chronique mondaine, Busoni ne manque pas de classer les différents dramaturges ou de faire état des rivalités et des polémiques. Busoni met ainsi souvent Scribe au-dessus de Dumas. Dans un article consacré à Un conte de fées, joué en avril 1845, Busoni glisse ainsi un jugement sur la comédie de Jeanne et Jeannette19 : « Bravo, M. Scribe ! voici un coup de maître, une de ces belles passes d’armes si ordinaires à vos jeunes années, et le [Théâtre du] Gymnase, que vous venez de doter de Jeanne et de Jeannette, deux charmantes sœurs en vaudeville, vous doit toute sa reconnaissance et tous ses remerciements20. » Un an plus tard, la comparaison est reprise entre Scribe, auteur d’une Geneviève encore représentée au Gymnase (qui met en scène une passion toute simple, trois personnages, une chambrette et deux chaises) et Dumas, auteur d’Une fille du Régent jouée à la Comédie-Française : ce dernier, d’après Busoni, évoque l’histoire pour la travestir, dénature les personnages célèbres, complique l’intrigue, appelle le décorateur le machiniste : « Bref, il remue ciel et terre et se casse le nez au bout de ces belles surprises21. »
Le chroniqueur de L’Illustration, toujours à l’affût de l’actualité parisienne, ne manque pas de revenir sur la querelle littéraire survenue entre Alexandre Dumas et Jules Janin après la première représentation des Demoiselles de Saint-Cyr, le 25 juillet 1843. Le succès mitigé de la pièce a suscité dès le 27 juillet de la part du critique du Journal des débats, des commentaires très acerbes aussi bien sur la pièce que sur son auteur ; Alexandre Dumas a répondu avec beaucoup d’ironie dans La Presse, le 30 juillet dans un article commençant par un « cher monsieur Janin ». Dans la « Chronique de la quinzaine », datée du 31 juillet, le critique de la Revue des deux Mondes reconnaît que les Demoiselles de Saint-Cyr « ont eu à essuyer un rude feu, le double feu de la passion et de l’étourderie » et tente de calmer Jules Janin : « Au lieu de faire de la critique éclairée et consciencieuse, on déraisonne bravement ; au lieu d’entrer dans la question, on marche bruyamment à côté ». Et, après avoir souligné que « le succès des Demoiselles de Saint-Cyr a été complet », il recommande à M. Dumas « le soin et la patience » et de prendre son temps. Aussi dans le feuilleton du Journal des débats, le 7 août suivant, Janin revient-il à de meilleurs sentiments : « Moi, je lui pardonne » ! L’affaire a pris de telles proportions que des extraits du Journal des débats et de La Presse, sont publiés à Paris sous le titre Le critique Jules Janin et le dramaturge Alexandre Dumas à propos des Demoiselles de Saint-Cyr. De cette affaire qui a ému le Tout-Paris littéraire, le chroniqueur de L’Illustration fait le bilan dans la dernière livraison de l’année 1843, non pas sur le mode sérieux de la critique dramatique, mais avec l’ironie d’un journaliste, pour annoncer que les deux hommes, au lieu de s’affronter à l’épée ou au pistolet, se sont réconciliés. Et Busoni de jouer sur les mots : « Ce qui convient à M. Janin, c’est d’abattre autant qu’il pourra de bons feuilletons, et non des poitrines d’hommes ; et M. Alexandre Dumas a bien mieux à faire que de tirer des mouches à trente-cinq pas ; qu’il mette au monde de beaux drames et d’excellentes comédies, pour faire bien vite oublier les Demoiselles de Saint-Cyr et tout ce bruit inutile, irréfléchi, malheureux, qui leur a servi de cortège »22.
Mais Busoni n’en oublie pas Dumas pour autant. Dans le « Courrier de Paris », du 10 février 1844, il fait état d’un autre événement de la vie littéraire : les élections à l’Académie française. Comme trois fauteuils se trouvent vacants, par suite de la mort de Casimir Delavigne, de Charles Nodier et de Vincent Campenon, Victor Hugo (élu en 1841 au fauteuil de Népomucène Lemercier) encourage son ami Alexandre Dumas à se porter candidat. Après s’être moqué de tous les Immortels qui avaient juré de ne pas en être, Busoni plaisante sur les chances de Dumas : « L’Académie paraît s’effaroucher de certaines excentricités privées qui lui semblent plus difficiles à pardonner que les plus gros péchés littéraires23. » Il raconte que les deux amis s’en vont faire visite à M. Scribe qui, ayant son candidat attitré, M. Vatout, éconduit aussitôt Hugo et Dumas. Sainte-Beuve sera élu au fauteuil de Casimir Delavigne, Prosper Mérimée au fauteuil de Charles Nodier et Saint-Marc Girardin au fauteuil de Campenon le 14 mars 1844. Quant à Dumas, il n’entrera jamais à l’Académie : en 1867, une photo avec sa maîtresse sur les genoux crée un scandale qui lui ferme définitivement les portes de l’Académie24.
On constate donc que L’Illustration n’est pas une revue littéraire, mais un magazine qui relate les « potins » de l’actualité parisienne et que la popularité de l’auteur de La Tour de Nesles en fait une cible facile pour ses rédacteurs et un sujet apprécié de ses lecteurs.
Le « spectacle dans un fauteuil »
Fidèle aux promesses de l’article liminaire, L’Illustration ne se contente pas de recourir à la plume de ses rédacteurs pour rendre compte de l’actualité dramatique, mais demande au crayon de ses dessinateurs de reproduire scènes, décors et costumes25.
Dans l’article consacré au Mariage au Tambour, le rédacteur décrit la scène figurant sur la gravure : « Le mariage se fait à la républicaine, en plein vent, sous un vieux chêne, soldats et vivandières servant de témoins, Catherine à côté de Lambert, et le tambour du régiment monté sur un tertre de gazon, abrité sous le vieux chêne, exécute un roulement à triple carillon, en matière de bénédiction nuptiale26. » Certes, la gravure représente l’heureux dénouement de la pièce, en figurant un mariage républicain sans cloches ni curé : voilà de quoi donner à rire ou à réfléchir !
La gravure illustrant Les Demoiselles de Saint-Cyr, représente le moment le plus critique de la comédie, à la fin de l’acte I (voir ill. 1) :
Ill. 1. L’Illustration, 25 mars 1843, t. 1, p. 55.
Saint-Hérem et Charlotte de Meiran se disposent à fuir du couvent, escortés de mademoiselle Louise Mauclair et de Duboulloy ; déjà ils se croient libres, quand tout à coup la fenêtre s’ouvre : un exempt paraît une torche à la main, suivi de ses gens, et s’écrie : « Au nom du roi, je vous arrête ! » Qui est surpris ? C’est Saint-Héron, lequel se croyait en bonne fortune et ira coucher à la Bastille ; c’est Duboulloy qui comptait se marier gaiement, et sent venir la prison, rien qu’au fumet. Quant à mademoiselle de Meiran, elle cache son visage dans ses mains, comme il convient à une tendre et pudique colombe prise au piège ; Louise Mauclair est plus brave, et se contente de faire semblant d’avoir peur27.
Le dessinateur a réalisé un véritable instantané de la scène : tous les personnages sont en mouvement : le représentant du roi domine la situation, les deux aristocrates refusent de le voir, alors que les deux domestiques font face à l’adversité. C’est le tableau qui illustre le plus parfaitement le sujet de la comédie et qui restera fixé dans le souvenir des lecteurs.
Enfin pour évoquer La Fille du Régent une gravure reproduit le clair de lune qui sert de cadre au rendez-vous galant, sous le titre La belle décoration du 1er acte (décor de Philastre, assistant du peintre Cicéri). La signature qui figure dans la légende apporte la preuve que Dumas considérait les décorateurs de théâtre comme de véritables artistes28.
Non content de reproduire les mises en scène, le journal montre également les costumes revêtus par les acteurs du Théâtre-Français. Dans Les Demoiselles de Saint-Cyr, on voit « Regnier (Duboulloy) et Firmin (vicomte de Saint-Hérem) en costume de noces ; Mlle Plessis (Charlotte de Meiran) et Mlle Anaïs (Louise Mauclair) vêtues pour le bal masqué, où elles mystifient leurs infidèles29 » ; dans La Fille du Régent, comédie représentée le 1er avril 1846 au Théâtre-Français, les gravures, qui ont été exécutées lors des répétitions (voir ill. 2), sont insérées avant le texte de l’article, publié la semaine suivante par « un de nos collaborateurs30 ».
Ill. 2. L’Illustration, 4 avril 1846, t. 7, p. 68
On peut admirer « les costumes des principaux personnages : M. Geoffroy (le régent) n’a pas un rôle qui convienne à son talent ; M. Brindeau (Gaston de Chanlay) a fort mal représenté un gentilhomme, madame Melingue (la fille du régent) s’est fait applaudir dans quelques scènes dramatiques ; mais les honneurs de la soirée ont été pour M. Regnier qui a rempli, avec sa verve habituelle, les quatre rôles du cardinal Dubois31. » Ces gravures ont un double intérêt : elles font connaître les acteurs du Théâtre-Français, tels Régnier, Saint-Hérem, Geoffroy, Brindeau, mademoiselle Plessis, mademoiselle Anaïs, madame Melingue, etc. ; d’autre part, elles en fixent le souvenir dans leur costume de scène des Demoiselles de Saint-Cyr et de La Fille du Régent, comme le font les photographies des acteurs de cinéma dans les films d’aujourd’hui.
Les articles de Busoni reflètent les jugements portés sur les comédies de Dumas par la bourgeoisie parisienne. Sur le drame adapté pour la scène à partir du roman Les Trois Mousquetaires etjoué à l’Ambigu-Comique le 27 octobre 1845 sous le titre Les Mousquetaires32, le compte rendu de Busoni se réduit au commentaire des trois tableaux reproduits dans L’Illustration, « les plus ornés et décorés de toute la pièce » (le mot est souligné dans le texte) : le premier tableau du 2e acte où l’on voit « le camp du roi Charles et de ses partisans ; les mousquetaires croisant l’épée et se poussant des bottes inoffensives, tandis que Mordaunt casse la tête à son oncle d’un coup de pistolet » ; le deuxième tableau du 4e acte : les Mousquetaires et Mordaunt dans la petite maison ; et surtout « le dernier et suprême tableau » du 5e acte qui a suscité l’admiration de Busoni (voir ill. 3) : « Comme cette mer respire, comme cet horizon fuit ! Admirez le vert sombre de ces flots et le pâle éclat de leurs cimes, et cette lune mélancolique, cheminant dans des flocons de brume, et maintenant, que ce vaisseau saute et disparaisse dans les airs et que nos mousquetaires conduisent leur frêle barque à bon port ». Ce drame-historique en treize tableaux annonce les spectacles dramatiques bientôt représentés sur une nouvelle scène parisienne, le Théâtre-Historique construit à cet effet par Dumas.
Ill. 3. L’Illustration, 8 novembre 1845, t. 6, p. 147.
Les drames joués au Théâtre-Historique (1847-1848)
Dans son nouveau théâtre du boulevard du Temple, Dumas fait jouer en moins d’une année, cinq drames traduits de Schiller et de Shakespeare ou adaptés de ses romans, constitués chacun de plus d’une dizaine de tableaux33 : La Reine Margot (20 février 1847), Intrigue et amour (11 juin 1847), Le Chevalier de Maison-Rouge (3 août 1847), Hamlet, prince de Danemark ( 15 décembre 1847) et Monte-Cristo ( 2 et 3 février 1848).
Alexandre Dumas : un metteur en scène controversé
Aux drames de Dumas mis en scène au Théâtre-Historique de février 1847 à février 1848, L’Illustration accorde une place réduite, qui contraste avec celle qui est consacrée à la construction et à l’aménagement du bâtiment34 : les chroniqueurs attitrés de L’Illustration bouderaient-ils M. Dumas qui n’a pas fait appel à eux pour assurer la publicité de son théâtre ? Ou d’autres sujets méritent-ils alors plus d’intérêt (le Théâtre national de l’Opéra, par exemple) ? Dans le « Courrier de Paris », La Reine Margot est évoquée, entre autres sujets d’actualité, avant les bals du faubourg Saint-Honoré35 ; puis, au lieu de commenter la représentation d’Hamlet, Busoni développe un rapprochement avec Shakespeare et Eschyle parce que Hamlet et Les Atrides ont été joués la même soirée, se réservant de nommer leurs auteurs, Alexandre Dumas et un certain Arthur Ponroy, à la fin de son article36. Mieux encore, après s’être plaint de devoir « chercher à l’aventure des faits, des nouvelles et des événements absents dans cette pacifique semaine », Busoni de s’écrier à la date du 12 février 1848 : « Est-ce qu’elle n’a pas eu sa surprise bruyante : Monte-Cristo37 ! »
N’étant pas un professionnel du théâtre (ni auteur, ni acteur, ni même directeur de théâtre), le chroniqueur du « Courrier de Paris » n’est pas en mesure d’apprécier la nouveauté que représente l’adaptation des romans de Dumas à la scène du Théâtre-historique. Aussi s’étonne-t-il de voir Dumas assumer la fonction de metteur en scène — attitude pourtant assez répandue à l’époque de la part d’un auteur. Depuis le 20 janvier, l’auteur de la Reine Margot est à Paris pour suivre les répétitions de la pièce, qui sera représentée le 20 février : « Le décorateur était à ses ordres ; il avait l’ustensilier sous la main, il pouvait disposer du costumier. Avec l’aide de ces trois personnes, La Reine Margot, roman, était baptisée drame38. » Et Busoni ajoute avec esprit :« On lui donnait la bénédiction à coups de ciseaux39. » Il reproche aux décorations d’être « très belles, trop belles peut-être » et d’accoutumer le public « à ne plus chercher au théâtre que le plaisir des yeux, et les auteurs à subordonner leur art à celui du décorateur et du machiniste40. » Il faut dire que les drames de Dumas comportant une dizaine de tableaux, nécessitent une telle machinerie et un si grand nombre de techniciens, qu’ils peuvent entraîner comme pour la représentation de Amour et Intrigue « une dizaine d’entractes interminables41. »
Sur les drames historiques représentés au Théâtre-Historique, Busoni livre là encore les réactions diverses, voire contradictoires des spectateurs. Lors de la « première » de La Reine Margot, ce qui a le plus marqué le public, à ses yeux, c’est la durée de la représentation : de 18h à 3h du matin. Busoni s’amuse du comportement des spectateurs : « Le spectacle ayant commencé le samedi à la chute du jour, ceux qui s’étaient supprimé le dîner, comme inopportun, n’attendirent pas jusqu’au dimanche ; la faim fit sortir plus d’un lion de sa loge, et Deffieux tint ses fourneaux allumés toute la nuit42. » Le critique de L’Illustration s’en tient là et ne porte aucun jugement de valeur sur les audaces des mises en scènes de Dumas.
Cependant, pour les critiques inconditionnels de Dumas, tels Matharel de Fiennes ou Gautier, l’auditoire est resté « frémissant, palpitant, applaudissant à tout rompre43 ». En revanche, six mois plus tard, lors de la représentation du Chevalier de Maison-Rouge, Busoni partage le plaisir des spectateurs : « On écoute, on sourit, on s’indigne quelquefois, on s’émeut presque toujours, et l’on finit par arriver jusqu’au bout de ce long drame un peu à tâtons et au hasard et très fatigué de son plaisir44. » Il déclare : « Qui pourrait contester le talent des auteurs, M. Dumas et Maquet, le zèle et l’intelligence des comédiens, la magnificence des décorations, le luxe de la mise en scène et l’habileté dirigeante qui a organisé, arrangé, combiné, toutes ces merveilles du mélodrame pour la plus grande beauté du spectacle et la satisfaction du spectateur45 ? » Busoni s’accorde là avec les critiques du National46 et de La Presse47 pour reconnaître l’accueil favorable fait à la pièce de Dumas.
Finalement, aux adaptations que Dumas réalise avec ses romans de La Reine Margot48, du Chevalier de Maison–Rouge49 et de Monte-Cristo50, le chroniqueur de L’Illustration reproche leur trop grande fidélité à l’œuvre littéraire : « pour peu que vous ayez lu La Reine Margot en feuilleton, vous connaissez toutes les aventures que le mélodrame à son tour va couvrir de son nom51 » ; en même temps, il condamne leur rédaction souvent bâclée : toujours à propos de La Reine Margot, il écrit : « Tel est ce drame en raccourci. Jamais M. Dumas n’avait usé plus résolûment de son droit d’improvisateur. Il l’aura écrit sans doute comme son roman, à la hâte et tout d’une haleine, sans grand souci du fond et de la forme52. »
S’il reconnaît la beauté du spectacle de Monte-Cristo : « Jamais yeux de spectateur n’eurent plus d’occupation, et on ne saurait faire un emploi plus habile de la toile peinte et du trompe-l’œil53 », Busoni s’interroge cependant sur l’avenir du théâtre de Dumas : ces « sortes de pièces » qui connaissent le plus grand succès ne feront-elles pas disparaître « le peu d’art et de goût qui nous reste » ? S’appuyant sur le feuilleton du Journal des Débats, daté du 7 février54, le chroniqueur de L’Illustration s’inquiète dans son « Courrier » du 12 février : « nous perdrions le peu qui nous reste des habitudes consciencieuses de l’écrivain et du poète dramatique ». En fait, ce sont hélas, les événements politiques de 1848 qui se chargeront de mettre fin à la révolution dramatique opérée par Dumas dans son Théâtre-Historique.
Les illustrations des drames historiques
Alors que L’Illustration avait reproduit en 1843 les costumes des acteurs du Théâtre-Français, aucun dessin ne reproduit, en 1847, ceux des acteurs du Théâtre-Historique. Après la représentation de La Reine Margot, Busoni reconnaît à la troupe un seul mérite, celui d’avoir « l’entrain et la bonne volonté de la jeunesse » et se contente d’énumérer les rôles joués par les acteurs : madame Perrier, pour la reine Margot ; Rouvière, pour Charles IX ; Mélingue, pour Henri IV, mais il ne cite pas Mlle Person55 ! À la première d’Hamlet, Busoni a été sensible à la beauté des costumes « copiés sur les tableaux de Lehmann et les croquis de Delacroix », ils ont « du style et de la précision », dit-il, mais il ne les a pas fait reproduire pour autant. Parmi les acteurs, il ne retient que Rouvière qui « exagère ce qu’il y a de fantasque dans le caractère d’Hamlet, et qui en dissimule un peu trop le côté rêveur ; mais son jeu a de la distinction dans les passages décisifs, et l’acteur conserve bien au rôle son allure britannique56. » Cette fois encore, il ne dit pas un mot de Mlle Person (dans le rôle d’Ophélie), dont Gautier chante le talent57 ! Comme la jeune actrice est la maîtresse de Dumas, ce silence n’est certainement pas dû au hasard.
Quant à la reproduction des mises en scènes, on constate qu’aucun des 9 tableaux d’Intrigue et Amour, ni aucun des 12 tableaux du Chevalier de Maison-Rouge ne sont reproduits dans L’Illustration. Comment supporter « que tous ces tableaux trop lentement machinés infligent au spectateur le supplice d’un va-et-vient perpétuel d’une dizaine d’entractes interminables » ? s’exclame Busoni.
Pour chacun des autres drames, les illustrations reproduisent les scènes où l’intensité dramatique est la plus forte58. Dans La Reine Margot, c’est la mort espérée ou redoutée du Béarnais qui est représentée dans le troisième tableau du 1er acte : « Au bruit de l’explosion [plutôt que de décharger son arquebuse dans la poitrine du Béarnais, le roi a tué un parpaillot du haut d’une fenêtre du Louvre], la reine-mère accourt, pensant le crime accompli : Marguerite accourt aussi pour le prévenir, s’il en est encore temps. C’est le tableau le plus animé de cet acte languissant et longuet ; les deux rois, les deux reines, agités de passions contraires et sanglantes, forment un spectacle d’une énergie dramatique et d’un coloris chaud que le dessin devait tenter de reproduire59. » Dans Hamlet, « la présente vignette reproduit un des principaux passages de la pièce au troisième acte : c’est celui où les comédiens jouent devant la reine Gertrude et Claudius la scène du meurtre du roi son époux60. » De Monte-Cristo enfin, le journal reproduit le dernier tableau de la première soirée (voir ill. 4) : « Vous voilà transportés dans le cachot de l’abbé Faria, et vous assistez à sa mort61. »
Ill. 4. L’Illustration, 12 février 1848, t. 10, p. 373.
C’est donc le spectacle de la mort en direct que retient L’Illustration, le considérant comme caractéristique des drames de Dumas et susceptible d’impressionner le plus fortement ses lecteurs.
Du Théâtre-Historique au château de Monte-Cristo (1847)
Grâce au soutien d’un fils de Louis-Philippe, le duc de Montpensier, Dumas a obtenu le « privilège » lui permettant d’ouvrir un nouveau théâtre à Paris qu’il voulait appeler « Théâtre-Européen », pour y jouer aussi bien Shakespeare et Schiller que ses propres drames.
Alexandre Dumas : un bâtisseur atteint de la folie des grandeurs
Dans son souci de rendre compte de l’actualité dramatique concernant Alexandre Dumas, L’Illustration ne se contente pas de passer en revue toutes ses pièces jouées sur les scènes parisiennes, mais offre à ses lecteurs un véritable feuilleton sur la construction du Théâtre-Historique62 et du château de Monte-Cristodans les dernières années de la monarchie de Juillet.
Trois longs articles de L’Illustration63, accompagnés d’une trentaine de gravures, décrivent la construction et l’aménagement intérieur du nouveau théâtre de Dumas. Ce n’est pas Philippe Busoni — dont la plume ne ménage guère l’auteur des Mousquetaires, mais Frédéric Matharel de Fiennes, critique dramatique au Siècle, et assurément proche de Dumas, qui est l’auteur de ces articles publicitaires « I. Théâtre Montpensier », « II. Théâtre Montpensier » et « III. Théâtre-Historique », reproduits d’ailleurs en librairie à la même date64. Pour L’Illustration, journal de l’actualité artistique, c’est l’occasion de réunir l’art dramatique avec l’architecture et la peinture décorative65 (voir ill. 5).
Ill. 5. « Le théâtre Montpensier », L’Illustration, 30 janvier 1847
Le premier article rappelle la collaboration de Dumas et Hostein, second administrateur de l’Ambigu-Comique, née lors de la représentation des Mousquetaires et avec le soutien du duc de Montpensier (d’où le premier nom du théâtre) ; il présente les difficultés rencontrées par les architectes contraints de mettre l’entrée du théâtre sur l’axe transversal à cause de l’étroitesse de la façade. La description de cette façade du théâtre est accompagnée de cinq illustrations : une gravure du Fronton (avec Le Génie de l’art moderne) ; une autre des Cariatides (La Tragédie et La Comédie, par le sculpteur Klagmann66) ; des gravures représentent les couples du Cid et Chimène, de Hamlet et Ophélie. Le deuxième article décrit l’intérieur du théâtre : décoration de l’hémicycle confiée à M. Guichard67 ; décoration du plafond confiée aux peintres décorateurs Séchan, Diéterle et Despléchin68. Le troisième article intitulé « Théâtre-Historique » décrit la forme elliptique de la salle (dont un plan et une coupe longitudinale figurent dans le deuxième article), la disposition de la salle pour les deux types de spectateurs ; la décoration des avant-scènes et le rideau d’avant-scène « une merveilleuse draperie rouge, brodée d’or ». Enfin l’article annonce la représentation de La Reine Margot et donne le tableau des administrateurs et artistes de la troupe.
Grâce aux nombreuses gravures et à la description détaillée du rédacteur, les lecteurs de L’Illustration peuvent suivre pas à pas la réalisation du nouveau théâtre, œuvre publicitaire aussi bien pour Dumas que pour les artistes et pour la monarchie.
Avant même de lancer le projet du Théâtre-Historique, Dumas avait décidé dès le mois de mai 1844 de s’installer à la campagne pour y écrire la seconde partie des Trois Mousquetaires. Du petit pavillon Henri IV loué à Saint-Germain-en-Laye au « rêve de pierre » réalisé sur le côteau de Marly-le-Roi et inauguré le 27 juillet 1847, L’Illustration livre un récit complet des différents épisodes de l’entreprise69. Sans jamais nommer Dumas par son nom, mais comme pour montrer que l’œuvre architecturale est aux dimensions de l’œuvre littéraire, le rédacteur fait successivement référence à « l’auteur de Henri III », puis à celui des Impressions de voyage, ou de Mademoiselle de Belle-Isle, etc. jusqu’à La Tour de Nesles ou Balsamo. L’article montre que de même que Dumas participe à la mise en scène de ses drames, de même, lorsqu’il vient voir les progrès de la construction, il s’implique : « le poète se faisait maçon ; c’était un dessin nouveau qu’il conseillait, une allée qu’il indiquait, un détour qu’il faisait prendre aux sources ». Enfin, le rédacteur de L’Illustration constate que ce château a dépassé, comme les romans, les intentions initiales de son concepteur :
Quand Alexandre Dumas commence un roman, il croit souvent que ce roman n’aura que six ou sept volumes ; puis les incidents se présentent, les détails s’accroissent, et le roman arrive à un développement de douze ou quinze volumes. Il en fut ainsi de la maison de Port-Marly, vrai roman en pierre, conçu un jour d’ennui et exécuté en trois ans70.
Et pour le prouver, deux illustrations en pleine page donnent une idée de l’Habitation de M. Alexandre Dumas (voir ill. 6) : sur les deux gravures, se superposent des vues d’ensemble du château Renaissance prévu pour y recevoir ses amis ainsi que du Castel gothique qui doit lui servir de cabinet de travail et des gros plans montrant la végétation luxuriante du parc, l’exotisme des domestiques (hindous, africains ou arabes) et des animaux (perroquets, vautour et singes). Les images sont à la mesure ou plutôt à la démesure du propriétaire des lieux.
Ill. 6. L’Illustration, 26 février 1848, t. 10, p. 409.
Comme la Révolution de 1848 entraîne la ruine d’Alexandre Dumas et que le second Empire le contraint à l’exil, L’Illustration met fin aux articles qui témoignaient de sa grandeur, sans rien écrire sur sa chute…
Entre les feuilles quotidiennes et les revues spécialisées, L’Illustration occupe une place à part : en présentant au grand public le panorama des spectacles parisiens, son « Courrier de Paris » et sa rubrique « Théâtre » suivent l’actualité dramatique, au même titre que les feuilletons des journaux ou des articles des revues littéraires. Rédigés « à chaud », dans la fièvre du moment, ils témoignent de l’accueil fait aux pièces d’Alexandre Dumas qui suscitent alors des controverses passionnées et de l’intérêt porté à un auteur aussi populaire que l’auteur de La Reine Margot. De plus, les gravures qui accompagnent les articles apportent la preuve que les rédacteurs ont été fidèles à la ligne rédactionnelle définie en 1843 et que le magazine a ouvert la voie à la presse périodique illustrée. Au lecteur d’aujourd’hui, L’Illustration offre un témoignage précieux, voire incontournable sur la vie théâtrale de l’époque.
(Membre associée – Université Lyon 2 – LIRE – UMR 5611)
Annexe
Répertoire théâtral d’Alexandre Dumas (mars 1843-février 1848) d’après Le Rocambole, n° 36, Dumas et le théâtre
Notes
1 L’Illustration, « Notre but », 9 mars 1843, p. 1.
2 Philippe Busoni (1804-1883), originaire de Saintes, est un ami d’Alfred de Vigny. À la date de la fondation de L’Illustration en 1843, il a déjà touché à tous les genres littéraires : il est l’auteur d’une comédie en un acte et en vers, Racine, en collaboration avec Brizeux, jouée en 1828 à la Comédie-Française ; il a collaboré à L’Artiste en publiant des articles sur Michel-Ange (1833) et Poussin (1834) ; il a rassemblé les Chefs-d'oeuvre poétiques des dames françaises depuis le treizième siècle jusqu'au dix-neuvième siècle, chez Paulin, en 1841. C’est vraisemblablement à l’occasion de cette publication qu’il est entré en relation avec ce dernier, futur rédacteur en chef de L’Illustration.
3 Dans La Presse, le feuilleton du jeudi rédigé par Delphine de Girardin sous le pseudonyme de vicomte de Launay, paraît déjà sous le titre « Courrier de Paris » (voir Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant, 1836, L’an I de la presse médiatique, Nouveau Monde éditions, 2001, p. 77). Dans L’Illustration, le premier Courrier de Paris paraît le 18 mars 1843.
4 Après des études musicales au Conservatoire de Paris, Georges Bousquet (1818-1854), grand prix de Rome en 1838, est devenu chef d’orchestre à l’Opéra en 1847, puis au Théâtre-Italien en 1849-1851. Il est critique musical au Commerce, à la Gazette musicale de Paris et à L’Illustration.
5 Voir le tableau du répertoire théâtral de Dumas donné en annexe (dans le texte de l’article figure entre parenthèses la date de la première représentation).
6 Il fait partie des rédacteurs dont Edouard Charton, premier rédacteur en chef du journal, ne supportait pas le style mondain et superficiel (voir Marie-Laure Aurenche, Edouard Charton et l’invention du Magasin pittoresque (1833-1870), Champion, 2002, chap. sur L’Illustration, p. 326-327.
7 L’Illustration, 29 juillet 1843, t. 1, p. 347.
8 L’Illustration, 8 novembre 1845, t. 6, p. 147.
9 L’Illustration, 6 janvier 1844, t. 2, p. 293-294.
10 L’Illustration, 24 avril 1847, t. 9, p. 115.
11 L’Illustration, 5 juin 1847, t. 9, p. 211.
12 L’Illustration, 25 mars 1843, t. 1, p. 55.
13 Voir dans La Civilisation du journal, Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Eve Thérenty et Alain Vaillant (dir.), nouveau monde éditions, 2012, le chapitre « Les spectacles » par Olivier Bara, p. 1070-1072.
14 Ibidem.
15 L’Illustration, 29 juillet 1843, t. 1, p. 347.
16 Voir infra, la querelle des feuilletons.
17 L’Illustration, 6 janvier 1844, t. 2, p. 293-294.
18 Théophile Gautier, Histoire de l’art dramatique en France depuis vingt-cinq ans, t. 3, Paris, Hetzel, 1858, p. 148-151 : « L’auguste vérité nous oblige à dire que Le Laird de Dumbicky a été vigoureusement sifflé à partir du 3e acte. Cela ne doit pas faire grand peine à M. Dumas qui, demain, aura cinq autres actes tout prêts, s’il n’en a pas dix ».
19 Sur la carrière de Scribe, voir Jean-Claude Yon, Eugène Scribe : la fortune et la liberté, Saint-Genouph, A.-G. Nizet, 2000.
20 Après la représentation de Jeanne et Jeanneton, L’Illustration, 10 mai 1845, t. 5, p. 163.
21 Ibid.
22 L’Illustration, 25 décembre, 1843, t. 2, p. 202.
23 L’Illustration, 10 février 1844, t. 2, p. 370-371.
24 Son fils sera élu, avec le soutien de Victor Hugo en 1875.
25 Les dessins reproduisant les comédies jouées entre 1843 et 1846 ne sont pas signés.
26 L’Illustration, 25 mars 1843, t. 1, p. 55.
27 L’Illustration, t. 1, 29 juillet 1843, p. 347.
28 Pierre-Charles Cicéri (1782-1868) peintre et décorateur de théâtre a connu un succès retentissant avec les décors des grands opéras romantiques (La Muette de Portici, Robert le diable) et des drames romantiques (Henri III et sa cour, Othello et Hernani).
29 L’article se termine sur une adresse aux lecteurs et un clin d’œil à Mlle Plessis : « Sur quoi, chers lecteurs, je prie Dieu qu’il vous ait en sa sainte et digne garde, et envoie sur votre route beaucoup de jolies rencontres aussi jolies que la jolie mademoiselle Plessis ».
30 L’Illustration, 4 avril 1846, t. 7, p. 68.
31 Ibidem.
32 Les Trois Mousquetaires, roman écrit par Dumas en collaboration avec Auguste Maquet et initialement publié en feuilleton dans le journal Le Siècle de mars à juillet 1844, a été édité en volume dès 1844 aux éditions Baudry et réédité en 1846 chez J. B. Fellens et L. P. Dufour avec des illustrations de Vivant Beaucé. Le drame des Mousquetaires a déjà été joué à Saint-Germain à l’automne précédent : voir Théophile Gautier, Histoire de l’art dramatique, op. cit., t. 4, p. 134.
33 Voir le tableau du répertoire théâtral de Dumas donné en annexe (dans le texte de l’article, figure entre parenthèses la date de la première représentation).
34 Voir infra.
35 L’Illustration, 27 février 1847, t. 8, p. 403.
36 L’Illustration, 25 décembre 1847, t. 10, p. 268.
37 L’Illustration, 12 février 1848, t. 10, p. 375.
38 Journal des débats, 1er octobre 1849, sur une répétition de La Guerre des femmes (cité dans Le Rocambole, n° 36, 2006, « Alexandre Dumas et le Théâtre-Historique », par Marie-Pierre Rootering, p. 84 : « il est tout à la fois le machiniste, le décorateur, le souffleur, le peuple, le critique, la foule des comparses, l’orchestre, le blâme, la louange ; il fait la pluie et le beau temps, il est la nuit, le jour, il est l’alouette, il est le rossignol ».)
39 L’Illustration, 27 février 1847, t. 8, p. 403.
40 Ibid.
41 L’Illustration, 19 juin 1847, t. 9, p. 243. Cependant à la fin du spectacle de Monte-Cristo, Busoni reconnaît qu’« on ne saurait faire un emploi plus habile de la toile peinte et du trompe l’œil », L’Illustration, 12 février 1848, t. 10, p. 374.
42 L’Illustration, 27 février 1847, t. 8, p. 403.
43 Th. Gautier, Histoire de l’art dramatique, t. 5, p. 41-48 (reproduisant le feuilleton de La Presse, 22 février 1847).
44 L’Illustration, 14 août 1847, t. 9, p. 372.
45 L’Illustration, 14 août 1847, t. 9, p. 371-372.
46 D’après Albert Aubert, Le National, 9 août 1847, on assiste à « une sorte de défilé dramatique. Dans ce genre, tout est donné à l’action et au spectacle ; ce sont comme des feuilles arrachées d’un livre et reliées ensuite à la grâce de Dieu » ; mais le critique reconnaît que « cette œuvre singulière a réussi pourtant ».
47 Pour T. Gautier, Histoire de l’art dramatique, t. 5, p. 128-138 : « Le succès de ce drame, où une touchante histoire d’amour circule à travers les événements les plus importants de la Révolution, a été immense, et présage au Théâtre-Historique une longue suite de représentations fructueuses ».
48 Le roman, La Reine Margot, écrit en collaboration avec Maquet, paru en feuilleton dans La Presse, puis en librairie en 1845 en 6 volumes comprend 31 chapitres pour la 1e partie ; 35 pour la 2e ; quant au drame, il se réduit à 5 actes et 13 tableaux.
49 Le roman, Geneviève ou un épisode de 93, publié par Dumas en 1846 d’abord en feuilleton dans La Démocratie pacifique, se présentait comme un manifeste politique républicain. À la scène, un an plus tard et sous son titre du Chevalier de Maison-Rouge, il présente, comme Une fille du Régent et Hamlet,un heureux dénouement.
50 Le roman, Le Comte de Monte-Cristo, publié par Dumas et Maquet en feuilleton dans le Journal des débats du 28 août au 26 novembre 1844 (1ère partie), puis du 20 juin 1845 au 15 janvier 1846 (2e partie), a paru en librairie en 1846.
51 L’Illustration, 27 février 1847, t. 8, p. 403.
52 Pour Th. Gautier, Histoire de l’art dramatique, op. cit., t. 5, p. 41-48 : « C’est un roman mis en scène, une période historique dialoguée et dramatisée » à la manière de Shakespeare.
53 L’Illustration, 12 février 1848, t. 10, p. 373.
54 Voir Jules Janin, Feuilleton du Journal des débats, 7 février 1848 : « Je vous annonce la fin définitive, la fin populaire, la fin glorieuse du drame, du mélodrame, de la tragédie, du vaudeville, de la pantomime, de la mise en scène, de la décoration, du costume » Dumas a exterminé le genre dramatique ! c’en est fait du théâtre » et T. Gautier, Histoire de l’art dramatique, t. 5, p. 218-226.
55 Sur Mlle Person, voir T. Gautier, Histoire de l’art dramatique, t. 4, p. 328-334 (après la représentation d’Hamlet à Saint-Germain-en-Laye, septembre 1845) : elle « a parfaitement rendu la scène si difficile de la folie ; elle a déployé dans ce rôle, un des plus difficiles qui soient au théâtre et que nous n’avons encore vu bien jouer que par Miss Helen Faucit, infiniment de grâce, de sensibilité et de poésie ».
56 T. Gautier, Histoire de l’art dramatique, t. 5, p. 198-205. Rouvière est dans la ligne de Shakespeare : « Cette création lui fait beaucoup d’honneur et le tire de la cohorte des acteurs de mélodrame ».
57 Ibid., p. 41-48 : « Quant à Mlle Person, qui faisait Catherine de Médicis, on ne peut lui reprocher qu’un défaut dont on se corrige tous les jours — la jeunesse ».
58 C’est Henri Valentin (1820-1855), artiste originaire des Vosges, collaborateur attitré du Magasin pittoresque et de L’Illustration qui exécute les dessins de ces gravures.
59 L’Illustration, 27 février 1847, t. 8, p. 403.
60 L’Illustration, 25 décembre 1847, t. 10, p. 268.
61 L’Illustration, 12 février 1848, t. 10, p. 373.
62 Sur l’histoire du Théâtre-Historique de Dumas, voir les Cahiers Alexandre Dumas, n° 35 et 36, 2008-2009.
63 L’Illustration, 26 décembre 1846, t. 8, p. 263-266, 23 janvier 1847, p. 327-330 et 30 janvier 1847, p. 340-342. L’auteur de l’article met ses lecteurs en garde contre les faux bruits, les descriptions exagérées et le mythe créé par la publication du Comte de Monte-Cristo, et déclare : « Les renseignements que nous donnons ont été puisés à la seule source officielle qui pût nous les fournir. Aussi nous ne disons pas un mot dont nous ne soyons sûr. »
64 L’un, sous le titre de Notice descriptive du Théâtre-Historique,destinée à l’élite de la société parisienne, est une luxueuse brochure de 30 pages, parue sans nom, ni date ; l’autre, paru chez Gallet éd., fin janvier 1847 sous le titre Théâtre-Historique, notice biographique et curieuse, est destiné « au public ordinaire des théâtres des boulevards » : elle comprend 16 pages in-8°, ornées de 32 gravures sur bois, exécutées d'après les dessins de MM. Édouard Renard et Henri Valentin.
65 Le troisième article annonce l’ouverture prochaine du théâtre avec le drame de La Reine Margot, et présente le Tableau des administrateurs et de la troupe du nouveau théâtre.
66 Jean-Baptiste Jules Klagmann (1810-1867), statuaire et sculpteur–décorateur, a réalisé de nombreuses commandes officielles pour la famille royale.
67 Joseph Guichard (1806-1880), peintre lyonnais, reçoit lui aussi, à son retour de Rome en 1835, des commandes officielles, pour la décoration de Paris.
68 Tous les trois sont des disciples du peintre décorateur Cicéri.
69 L’Illustration, 26 février 1848, « Monte-Cristo », t. 10, p. 407-411.
70 Ibidem.