Presse et scène au XIXe siècle

Les Effrontés d’Émile Augier ou la presse du second Empire à la scène

Table des matières

JEAN-CLAUDE YON

Au sein des pièces qui mettent en scène la presse et les journalistes,Les Effrontés (1861) est un cas particulier car il s’agit d’un ouvrage écrit par un auteur considéré au XIXe siècle comme un maître de la scène, Émile Augier. À ce titre, cette comédie en 5 actes a eu un énorme retentissement lors de sa création en 1861 (ill.1).

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Ill. 1. Le Journal amusant consacre plusieurs pages de son numéro du 1er juin 1861 à la pièce, Les Effrontés

Les Effrontés, en outre, est longtemps resté au répertoire de la Comédie-Française, de sorte que les figures de journalistes que la pièce propose sont sans doute celles qui ont le plus marqué les spectateurs français du XIXe siècle. On peut d’autant plus l’affirmer que le répertoire théâtral du temps n’a pas beaucoup mis de journalistes sur scène. Le journaliste n’est pas vraiment devenu un type théâtral au XIXe siècle – au contraire de ce qui s’est passé avec bien d’autres professions. Bien sûr, des pièces mettent en scène des journalistes, voire prennent la presse comme sujet, mais on constate qu’il s’agit malgré tout d’un thème relativement peu traité, en tout cas beaucoup moins que la puissance de la presse aurait pu le faire supposer. Par ailleurs, ce déficit sur le plan quantitatif n’est pas compensé qualitativement : il n’y a pas de grande pièce sur le journalisme1 et rien d’équivalent à Die Journalisten de Gustav Freytag (comédie en 4 actes, créée en 1852 à Breslau et devenue un classique des scènes germaniques) ni à Fink und Fliederbusch d’Arthur Schnitzler (comédie en 3 actes créée à Vienne en 1917). Il est difficile de comprendre les causes de cette lacune, relative, dans le répertoire français. On peut cependant avancer deux éléments. D’une part, les revues théâtrales2 ont eu tendance à monopoliser le sujet en lui appliquant un traitement allégorique et satirique3. Les liens qui unissent gens de presse et gens de théâtre, d’autre part, ont de toute évidence conduit les auteurs dramatiques à adoucir leur plume. Il faut se souvenir que, comme l’a montré Marc Martin4, la vénalité de la presse touche en priorité le journalisme financier et le journalisme théâtral, lesquels sont beaucoup plus liés qu’on ne pourrait le croire a priori. La marge de manœuvre des auteurs est réduite et la nécessité de ménager la presse s’impose à eux s’ils veulent faire carrière.

Dans ce contexte général de mansuétude des auteurs dramatiques à l’égard des journaux – une mansuétude qui peut aller jusqu’à la complaisance –, Augier a écrit une des rares pièces qui osent attaquer la presse. À vrai dire, son attaque est assez ambiguë et prudente et elle est représentée à une date où la presse n’avait guère le moyen de se défendre. La presse du second Empire5 a subi en effet de profonds bouleversements et, du fait de la législation très sévère en vigueur de 1852 à 1868, elle s’est transformée de plus en plus en entreprise commerciale, le journalisme politique étant pratiquement impossible. Malgré ce contexte particulier, l’étude des Effrontés et des réactions que la comédie a suscitées peut aider à comprendre pourquoi la presse n’a pas été plus souvent choisie comme sujet par les auteurs dramatiques du XIXe siècle. Rappelons que l’ouvrage a été créé le 10 janvier 1861 à la Comédie-Française. Le critique du Monde dramatique se montrait bon prophète quand il voyait dans Les Effrontés « un grand succès d’observation, d’esprit et de morale, c’est-à-dire de bonne comédie6 » car la pièce a été très bien accueillie par le public7. Elle est jouée 90 fois dans l’année, ce qui est beaucoup sur un théâtre de répertoire. Seize autres représentations ont lieu en 1862. On note des reprises en 1883 (42 représentations.), 1888, 1893 (43 représentations), 1897 et 1898. Lors de la reprise de 1893, la Revue d’Art dramatique (revue qui milite pourtant pour un renouvellement théâtral) écrit :

C’est à peine par quelques menus détails que la pièce d’Augier nous ramène quarante ans en arrière ; dans ses traits saillants, dans son étude des mœurs du siècle, elle est d’hier, elle est d’aujourd’hui. Des effrontés sans scrupules tiennent encore le haut du pavé et s’imposent aux honnêtes gens ; l’encens fume toujours sur les autels du dieu Argent, la foule inonde encore à flots pressés les portiques de ses temples et s’incline devant ses grands prêtres sans trop leur demander compte de leurs ténébreuses spéculations ni de leurs intrigues. L’œuvre saine et vaillante du maître regretté a donc obtenu un vif succès8.

La pièce est encore jouée en 1920, pour le centenaire de la naissance d’Augier. Son succès est également attesté par le fait qu’elle a donné lieu à une suite, Le Fils de Giboyer, créée en décembre 1862 à la Comédie-Française. On retrouve dans cette nouvelle comédie les figures du marquis d’Auberive et du « journaliste-bohême » Giboyer mais l’ouvrage parle peu de la presse et il est surtout consacré au cléricalisme. La dénonciation féroce du pouvoir clérical à laquelle se livre Augier a d’ailleurs déclenché un très grand scandale9.

La satire de la presse dans Les Effrontés

Comme semble indiquer le pluriel du titre, la comédie d’Augier ne prend pas la presse comme seul sujet. C’est même une pièce assez foisonnante, voire confuse. Cette confusion, du reste, a peut-être été voulue par l’auteur, désireux de relativiser par la multiplicité des attaques la portée de chacune d’entre elles. C’est ce qu’a bien vu un critique d’une petite revue, Le Papillon :

Comme entente dramatique, le plus grave reproche que l’on puisse adresser à l’auteur, c’est d’avoir dispersé l’intérêt entre trois ou quatre actions, enchevêtrées les unes dans les autres, sans qu’on sache à laquelle s’intéresser davantage. L’une de ces comédies pourrait s’appeler L’Honneur et l’Argent ; mais M. Ponsard y trouverait peut-être à redire ; nous intitulerions la seconde Une chaîne si M. Scribe n’avait pas écrit là-dessus une de ses meilleures pièces ; la troisième enfin s’appellerait assez bien Les Journalistes. C’est à coup sûr la plus nouvelle des trois, et M. Emile Augier y a déployé une âpreté, une énergie et, disons-le franchement, une malveillance aussi inattendue qu’elle est injuste10.

La satire de la presse est donc englobée dans une satire plus générale de la société et en particulier des milieux financiers. Dans la pièce d’Augier, un journal n’est rien d’autre qu’un investissement auquel ont recours des spéculateurs, au détriment du respect de certaines valeurs. En mettant en scène une telle évolution, l’écrivain ne fait que décrire le changement que connaît la presse au moment où il rédige sa pièce. On verra plus loin que cette simple description est jugée comme polémique par certains critiques. Afin de mieux comprendre la façon dont Augier s’est attaqué à la presse, il convient de dire quelques mots de l’action des Effrontés. La comédie débute dans le salon d’un banquier véreux, Charrier. La fille de Charrier, Clémence, est amoureuse du journaliste Sergine, sans savoir que celui-ci vit avec la marquise d’Auberive, l’épouse séparée du marquis d’Auberive. Le marquis symbolise l’effronterie légitimiste (incarné par Samson, c’est un personnage très réussi qui a grandement contribué au succès de la pièce). Le plus effronté de tous, toutefois, est le « faiseur d’affaires » Vernouillet, personnage trouble qui a eu des démêlés avec la justice. Pour retrouver sa puissance, Vernouillet achète un journal, La Conscience publique, et l’utilise afin de faire chanter ses connaissances, en particulier Charrier dont il veut épouser la fille. La pièce étant censée se passer vers 1845, Vernouillet promet à Charrier la pairie contre la main de Clémence. Le 3e acte a pour cadre un « magnifique cabinet de travail chez Vernouillet » qui fait office de salle de rédaction de La Conscience publique. C’est dans cet acte que le public fait connaissance avec le secrétaire de rédaction du journal, Anatole Giboyer. Celui-ci, « bohème-journaliste » magistralement incarné par Got, est la principale figure de la pièce. Homme à tout faire, plume mercenaire, Giboyer rédige, par exemple, la chronique mondaine sous le nom de « comtesse de Florville ». Ce 3e acte est celui qui a produit le plus d’effet, dès le premier soir : « Quand le rideau s’est levé sur le troisième acte, et que le public s’est vu transporté dans un bureau de journal, en face du profil fantastique de M. Got, vêtu en bohème de la grande presse, alors un sorte de flamme électrique a couru de toutes parts11. » Au dénouement, cependant, la morale est sauve : Vernouillet voit toutes ses combinaisons déjouées et Clémence Charrier épouse Sergine. Augier n’est pas allé jusqu’à montrer l’effronterie triomphante.

La comédie présente donc trois figures de journalistes : Vernouillet, Sergine et Giboyer. Très habilement, Augier a conçu un personnage de journaliste modèle, à savoir Sergine (qui est d’ailleurs le seul à être nommé « journaliste » dans la table des personnages12). À son propos, Henri de Pène écrit dans la Revue européenne :

Les journalistes n’ont pas à se plaindre de M. Augier. Il a tracé d’eux, sous le nom de Sergine, un portrait tout à fait flatteur, et, disons-le entre nous, fort idéalisé, attendu que ce prosateur est tout simplement un mortel doué par toutes les fées au berceau, qui plus tard, sans jamais se démentir, a fait honneur à ses marraines en développant les perfections dont elles avaient déposé en lui le germe. […] C’est de pied en cap l’homme du devoir, des sentiments nobles et des paroles élevées. C’est le lévite du temple dont Vernouillet est le marchand. Il a une tirade superbe contre ceux qui ont fait de la presse, à tort et à travers, métier et marchandise et il s’étonne, non sans raison, que le premier venu, sans examen préalable de sa capacité et de sa moralité, sans produire même un certificat de bonne vie et de mœurs honnêtes, soit admis à acheter la propriété d’un journal comme celle d’un innocent fonds de terre13.

Sergine – qui d’ailleurs est plutôt un homme du monde qu’un journaliste –  n’est là que pour faire accepter Vernouillet et Giboyer. « Je ne mets pas ma plume au service d’un journal, je mets un journal au service de mes idées », proclame-t-il fièrement (I, 7), comme s’il incarnait à lui seul la presse d’opinion qui, en 1861, est bien mal en point. Mais Sergine est bien trop fade pour faire aimer le journalisme. Ce personnage conventionnel n’est qu’une figure de second plan, tout juste bon à permettre la bonne marche de l’action et à faire croire qu’Augier n’est pas hostile aux journalistes.

Vernouillet est déjà un personnage plus intéressant (ill. 2).

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Vernouillet l’intriguant, Journal amusant, 1er juin 1861

Il incarne le type du financier véreux qui achète un journal pour l’exploiter comme une affaire. Ainsi qu’il le dit sans ambages au marquis d’Auberive, il veut « décupler » la finance et la presse « l’un par l’autre », (I, 6). Il réaffirme ses ambitions au début de l’acte III, en se confiant à Giboyer, son factotum : « La presse est un merveilleux instrument dont on ne soupçonne pas encore toute la puissance. Jusqu’ici, il n’y a eu que des racleurs de journal : place à Paganini ! » (III, 1). Le parallèle avec le virtuose est intéressant car il fait du patron de presse un individu hors normes que ses capacités exceptionnelles placent au-dessus du commun des mortels. La première initiative de Vernouillet est audacieuse : il renonce à la subvention (120 000 francs, ce qui est une très grosse somme) que versait le gouvernement à La Conscience publique. Le marquis d’Auberive a bien compris les motivations de ce coup d’éclat :

C’était, en apparence, un problème insoluble qu’un journal à la fois indépendant et vénal ; vous l’avez résolu du premier coup ; vous avez vu avec le coup d’œil de l’aigle qu’il s’agissait tout simplement de retourner la spéculation, et de vendre au public votre influence sur le gouvernement, au lieu de vendre au gouvernement votre influence sur le public (III, 3).

En effet, suite à cette manœuvre habile, le, gouvernement est plein d’égards à l’encontre de Vernouillet. Celui-ci multiplie les procédés douteux : cours de la Bourse truqués, fausses nouvelles, critiques de complaisance, question du libre échange vendue à une société de maîtres de forges, échos diffamatoires pour favoriser ses affaires privées, etc. Vernouillet n’hésite pas à faire éreinter par Giboyer une danseuse de l’Opéra sur laquelle il a des vues et on comprend que ces attaques ne cesseront que lorsque « la petite Noémie » aura accepté de devenir sa maîtresse. Avec Vernouillet, Augier nous présente donc un patron de presse escroc, un maître-chanteur qui fait de la presse un vulgaire outil pour réussir en affaires. Comme l’écrit Gustave Vapereau, Vernouillet est « malgré le pluriel du titre, le seul effronté de la pièce14 ». Il est le pivot de l’ouvrage auquel il donne son unité. Cette position centrale dit assez ce que pense Augier des journalistes…

Le propos semble devenir encore plus corrosif quand on aborde le troisième personnage de journaliste, Anatole Giboyer (ill.3).

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Ill. 3. Le brave Giboyer, Journal amusant, 1er juin 1861

En apparence, il s’agit d’un personnage encore plus vil car c’est un déclassé sans scrupule, prêt à vendre sa plume à n’importe qui – une sorte de mercenaire. Toutefois, ce nouveau Figaro est malgré tout une figure sympathique. « Une franche canaille et pourtant le personnage le plus sympathique de la pièce », commente Marcelin15. Afin de l’humaniser, Augier a bien pris soin de lui faire raconter son parcours :

Fils d’un portier, admis par protection au collège, ou plutôt vendu par son père à des maîtres de pension qui firent de son intelligence une vivante réclame, il a fait de brillantes études, remporté toutes les couronnes, traversé triomphalement tous les concours ; aujourd’hui il flotte entre l’abjection et la misère, se vengeant de la société où il n’a pas su se faire sa place par des sarcasmes amers et des satires malheureusement trop justifiées16.

Pour survivre, Giboyer a dû passer par tous les métiers, même les moins avouables. Socialiste (d’où quelques tirades assez osées sur la scène de la Comédie-Française), il est prêt à toutes les infamies même s’il garde une certaine délicatesse de cœur (ce qui apparaîtra de façon encore plus nette dans Le Fils de Giboyer). « Il y a donc dans ce rôle un mélange de laisser-aller bohème, d’ardente conviction, de sentiments nobles et d’actions grossières », remarque Francisque Sarcey17. L’apparence du personnage renvoie à son appartenance à la bohème, dont la barbe et la pipe sont les principaux attributs. Lors de la reprise de 1883, Got écrit dans son journal :

On vient de reprendre Les Effrontés. J’avais avec soin gardé dans mon armoire les habits râpés et la pipe qui avaient eu tant de succès en 1860 [sic]. Je descendais donc bien tranquille à la répétition générale. Mais les reporters d’à présent fument le londrès et ont une rose à leur complet, quand ce n’est pas la croix d’honneur. Et il a fallu tout changer. Je n’étais plus à la mode. Les modes vont vite18 ! 

Avec Giboyer, Augier fait preuve d’une grande perspicacité car cette figure d’intellectuel déclassé correspond à une réalité de la seconde moitié du XIXe siècle19. En tout cas, l’alliance de Vernouillet et Giboyer montre bien, selon la formule d’Henri Gaillard, « la richesse effrontée servie par la misère corruptrice et corrompue20 ». Entre les mains de tels personnages, la presse ne peut que devenir une puissance particulièrement néfaste et dangereuse.

Les réactions face à la pièce

La comédie d’Augier a été très mal accueillie par la presse. On a d’abord fait querelle à l’auteur de la période où il avait situé sa pièce, à savoir « vers 1845 », soit la fin de la monarchie de Juillet. Or, la presse mise en scène dans la comédie n’est-elle pas celle de 1861 ? Émile Montégut, dans la Revue des deux mondes, dit partager les craintes de l’écrivain face à « l’invasion dans la presse des hommes de finance » mais il lui reproche de faire de cette invasion « un mal général qui aurait existé de tout temps » :

M. Augier sait bien qu’il n’en est rien et que le fait qu’il signale est tout récent. De quel droit alors vient-il attribuer à la presse d’un régime tombé un état de choses qu’elle n’a pas créé et qu’elle n’a jamais connu ? Pendant toute la durée du régime sous lequel il a plu à M. Augier, on ne sait pour quel motif, de placer la scène de sa comédie, la presse n’a jamais cessé d’être ce qu’elle doit toujours être : la représentation des diverses opinions qui partagent la société21.

Montégut le dit à demi-mots : les dérives de la presse dénoncées dans Les Effrontés sont la conséquence de la législation sur la presse adoptée sous le second Empire qui a rendu très difficile la presse d’opinion et permis le développement d’une presse de divertissement au service des intérêts économiques. Cependant, si le critique fait grief à Augier d’avoir agi avec hypocrisie, un semblable reproche peut lui être adressé à son tour car Montégut connaît pertinemment le « motif » qui a conduit à déplacer chronologiquement l’action de la pièce. Ce décalage n’avait d’autre but que d’empêcher l’interdiction de l’ouvrage par la censure dramatique. Cette dernière, en effet, n’aurait jamais toléré une telle satire si elle avait été située sous le règne de Napoléon III. Augier devait forcément donner l’impression qu’il ne parlait pas de l’actualité pour que sa comédie soit autorisée.

Bien des critiques reprochent également aux Effrontés ses invraisemblances, à l’instar de Gustave Vapereau :

Il y a aussi des invraisemblances dans l’action. Par exemple, l’achat d’un journal ne transforme pas, du jour au lendemain, un fripon honni de tout le monde en un tyran redouté de la plus haute société parisienne. Un commérage de gazette ne circule pas si vite dans une grande ville et ne tue pas du premier coup. Un ministre n’invite pas à dîner, avec des paroles de sympathie pompeuse, un homme taré, parce qu’il lui renvoie, par rouerie politique, la subvention d’un journal dont il est devenu acquéreur. Et cette ovation militaire d’un jeune étourdi, qui ne songe qu’à s’amuser et à faire des dettes, elle produit l’effet, dès le début de la pièce, d’une de ces plaisanteries filiales destinées à délier la bourse des pères, en donnant une fausse alarme à leur tendresse. On ne s’attend guère à la voir devenir si sérieuse et si utile au dénouement22.

Ces invraisemblances sont bien réelles mais, là encore, la critique est quelque peu biaisée car si Augier a forcé le trait, il n’a fait qu’agir en auteur comique. Le théâtre est une loupe grossissante et, dès lors que l’intrigue est bien menée, les invraisemblances sont à peine perçues par les spectateurs. Au reste, Augier lui-même constate : « J’ai imaginé des types qui sont l’exagération de la vérité, […] mais cette exagération même est exigée par l’optique du théâtre, et je n’ai eu qu’un tort, c’est d’avoir vu moi-même ces types par un verre peut-être trop grossissant23. » Plus sérieuses sont les attaques récurrentes qui visent le personnage de Giboyer, jugé indigne de représenter les journalistes. Jules Janin est particulièrement virulent dans son feuilleton du Journal des débats du 21 janvier 1861 :

Ce Don César de Bazan du journal, ce feuilliste impossible, la joie et le divertissement du susdit 3e acte, est un gueux nommé Giboyet [sic]. Il est vêtu comme un pleutre, il a l’esprit d’un coquin, il écrit comme un faussaire. Il a, nous dit-il, mais je ne le crois pas, remporté toutes les palmes innocentes et la couronne du prix d’honneur. À ce drôle, une aimable couronne ! Une palme sur ce front difforme ! […] Il touche à la biographie immonde, et vous lui feriez dire au prix d’un petit écu que le chevalier Bayard est un drôle et Jeanne d’Arc une drôlesse. Et de ces [crapuleries] cet homme se vante, et de cette plume où la boue et le fiel sont mêlés il éclabousse à plaisir la robe blanche et l’habit noir. Ah ! La triste image ! […] Mettez Vernouillet et Giboyet [sic] au milieu d’un journal quel qu’il soit, soudain, à la même heure et le même jour, ce ne sont pas seulement les écrivains qui donneront leur démission dans cette œuvre de ténèbres et de honte, mais les plieuses et les porteurs du journal24.

De même, Biéville écrit dans son feuilleton du Siècle : « Il est invraisemblable […] qu’un grand journal, quel qu’il soit, ait pour secrétaire de sa rédaction un personnage d’aussi mauvais ton et d’aussi mauvaise tenue25 ». Certains – critiques ou spectateurs – ne tolèrent Giboyer que grâce au talent de Got. « Ah ! Got, voilà celui qui seul rend possible cet impossible et invraisemblable fruit sec du journalisme, bon à tout, et qui, par le fait, n’est bon à rien, si ce n’est à dégoûter du journalisme même », écrit ainsi Louise Colet26.

Pourtant, même s’il concentre en lui tellement de traits qu’il en devient forcément caricatural, Giboyer existe bel et bien dans la presse du second Empire. Jean Rousseau a l’honnêteté de le reconnaître dans les colonnes du Figaro, tout en pointant avec justesse une certaine imprécision :

La comédie est confuse à cet endroit. Certes, il est vivant, le Giboyer, quoi qu’en dise la fausse pudeur du feuilleton ; il ne faudrait pas sonder longtemps les bas-fonds de la presse pour en trouver dix spécimens, plus ou moins ressemblants et réussis. Mais où prenons-nous celui-ci ? Sous quelle latitude ? La Conscience publique est-elle un grand journal ou un journal borgne, comme l’appelle M. de Saint-Victor [dans son feuilleton de La Presse] ? C’est une feuille importante, à en juger par ce ministère qui la courtise. C’est un misérable chiffon, si l’on s’en rapporte à ce maître Jacques de Giboyer, qui fait tous les articles, qui endosse tous les rôles, qui porte la casaque du rédacteur de la Bourse au dessus des jupons de la chroniqueuse de modes. Le Giboyer est vrai ou faux selon le milieu où il respire. M. Augier a oublié de préciser la situation27.

Rousseau a très bien vu que, pour se protéger et ne pas donner l’impression d’attaquer tel ou tel journal en particulier, Augier a été obligé de mélanger plusieurs types de presse. La Conscience publique, en effet, est impossible à situer dans le paysage de la presse du temps car cette publication renvoie à des types de journaux différents. Giboyer est aussi accusé de parler argot mais ce dernier reproche est avant tout lié au fait que la pièce a été créée à la Comédie-Française où une langue relevée est de rigueur. Quand la direction des théâtres du ministère d’État, en avril 1858, avait constaté sur scène « l’usage des locutions vulgaires et brutales et de certains termes grossiers empruntés à l’argot », une lettre-circulaire de rappel à l’ordre avait été envoyée à seize directeurs de théâtres mais, significativement ni la Comédie-Française ni l’Odéon n’étaient destinataires de ce courrier puisque ce problème n’était pas censé les concerner28. Les reproches adressés à Giboyer anticipent ceux faits quatre ans plus tard, avec encore plus de vigueur, à l’Henriette Maréchal des frères Goncourt29. En tout cas, comme l’écrit Vapereau, « ce type de Giboyer a sans doute le plus contribué à exciter contre Les Effrontés les colères du journalisme30 ».

Giboyer est sans doute le seul personnage de journaliste du répertoire dramatique du XIXe siècle à être devenu un type. Sa force rend encore plus inconsistante la figure de Sergine, comme le relève Biéville dans son feuilleton du Siècle déjà cité :

Le danger, dans une comédie de cette espèce, c’est de venir en aide aux ennemis de la presse en général ; c’est en montrant les détestables abus de la presse vénale, de faire méconnaître les bienfaits inestimables de la presse intègre ; c’est en frappant les journalistes indignes, d’atteindre les journalistes honnêtes qui, Dieu merci, sont de beaucoup les plus nombreux ou les plus influents ; c’est, en un mot, en flétrissant un Fréron, de diffamer un Carrel. Ce danger, l’auteur de la comédie des Effrontés, M. Émile Augier, l’a senti. Si le plus vil coquin de sa pièce est un soi-disant journaliste, le personnage le plus loyal et le plus généreux est aussi un journaliste. Malheureusement, le rôle du premier a beaucoup plus d’importance et de développement que celui du second.

Le raisonnement de Biéville n’est pas faux et il permet de comprendre pourquoi la pièce n’a pas été interdite par la censure, même si celle-ci a été très effrayée par l’ouvrage. Il est très probable que l’affaire est remontée jusqu’à l’empereur et que c’est lui qui a personnellement accordé l’autorisation. En attaquant la presse dans son ensemble, Les Effrontés jette l’opprobre sur la presse d’opposition et fait ainsi le jeu du pouvoir impérial. Le contexte politique a son importance : la pièce est créée au moment où Napoléon III s’engage dans un processus de libéralisation du régime dont le décret du 24 novembre 1860 – qui autorise notamment les journaux à publier les débats des deux chambres – a été la première étape. En autorisant la pièce, l’empereur fait d’une pierre deux coups : il se donne une image de souverain libéral tout en faisant jouer une pièce qui, en montrant les journalistes de façon peu flatteuse, peut contribuer à saper leur influence. En quelque sorte, Napoléon III « joue » la liberté du théâtre contre celle de la presse. Si rien ne prouve qu’il ait commandé la pièce à Augier, ce dernier a bénéficié de toute sa bienveillance. Quelques jours avant la première, Augier est venu aux Tuileries lire les principales scènes des Effrontés31 et, le 10 janvier, le couple impérial est présent à la Comédie-Française ; c’est lui qui donne le signal des applaudissements.

On le voit, la presse est un sujet tellement « tabou » au théâtre au XIXe siècle qu’il faut l’appui du pouvoir pour se permettre de l’attaquer… Pour revenir à Sergine, dans un passage qu’Augier a supprimé par la suite, ce modèle de journalisme intègre proposait la création d’un conseil de l’ordre des journalistes pour écarter de la profession les Giboyer et les Vernouillet. Les critiques qui rendent compte des Effrontés se refusent en tout cas à voir en Giboyer un vrai journaliste, en Vernouillet un vrai patron de presse et dans les bureaux de La Conscience publique une vraie rédaction de journal. Paul de Saint-Victor, dans La Presse, s’indigne : « Mais clouer le journalisme au pilori de cette honteuse exception, mais personnifier la grande presse politique dans l’immonde rédaction de La Conscience publique, mais prêter à ce chiffon souillé l’importance et la largeur d’un drapeau, là est l’injustice et le paradoxe32. » Pour Saint-Victor, « au troisième acte, toute vérité se retire de la comédie de M. Augier ». Fiorentino a la même réaction dans son feuilleton du Constitutionnel : « De deux choses l’une : ou M. Émile Augier n’a jamais mis les pieds dans un bureau de journal, ou il se moque des étrangers auxquels il ne craint pas de donner une idée aussi fausse et aussi triste de la presse de son pays33. » L’unanimité de la presse à dénoncer le troisième acte de la comédie est révélatrice de l’incapacité de la presse parisienne à supporter les attaques. Peu importe finalement le degré de fidélité d’Augier par rapport à la réalité : la violence des réactions montre qu’il ne s’agit pas de rectifier un portrait plus ou moins tracé mais bien de s’opposer à tout ce qui pourrait remettre en cause la noblesse des combats menés par la presse.

Ainsi, pour conclure, il nous semble qu’il faut insister sur les difficultés que révèle Les Effrontés quant au fait de prendre la presse comme sujet de pièce au XIXe siècle. Ces difficultés tiennent surtout à l’attitude des journalistes qui manifestent une forte réticence à admettre l’idée qu’ils puissent être ridiculisés, ou du moins moqués, sur scène. Bien rare est la position de Jean Rousseau qui, dans l’article du Figaro déjà cité, admet : « Je ne vois pas pourquoi, à dire vrai, il serait défendu de toucher aux journalistes. N’ont-ils pas, s’ils se trouvent lésés, becs et ongles pour se défendre ? Étrange prétention, chez les hommes de discussion, que celle de ne point souffrir qu’on les discute ! Qu’adviendrait-il de la comédie si toutes les corporations élevaient les mêmes exigences, si le notaire devenait sacré et l’épicier, inviolable34 ? » Émile Montégut exprime une opinion similaire dans la Revue des deux mondes : « Il serait assez singulier qu’on ne pût se permettre contre les journalistes ce qu’on se permet contre toutes les autres classes et contre toutes les autres professions de la société35. » Cependant, si certains journalistes sont assez lucides pour faire ce constat, certains de leurs confrères, au contraire, assimilent les attaques du théâtre envers la presse à une trahison. Citons encore une fois Paul de Saint-Victor dans La Presse :

Le journalisme, comme l’art dramatique, n’est-il pas une branche de la famille littéraire ? La plume ne devrait-elle pas respecter la plume, comme l’épée salue l’épée qui défend le même drapeau et qui sert dans la même armée ? Quel spectacle que celui des hommes de lettres s’injuriant du livre au théâtre, du roman à la comédie, et se jetant, devant le public, leurs encriers à la tête !

Cette réaction est très intéressante car elle s’appuie sur une prétendue solidarité entre tous les gens de lettres. Du coup, on pourrait supposer qu’il a fallu attendre que le journalisme se constitue en profession autonome, à la fin du XIXe siècle36, pour que les auteurs dramatiques puissent s’attaquer plus ouvertement à la presse. Quand on examine le répertoire théâtral de la Belle Époque, on observe néanmoins que la presse demeure un sujet peu traité37. Seul un auteur hors normes comme Octave Mirbeau s’est permis de donner, avec l’Isidore Lechat des Affaires sont les affaires (1903), un pendant au Vernouillet des Effrontés. Mais il faut bien constater que Mirbeau lui-même n’a pas donné de successeur à Giboyer…

(CHCSC, Université de Versailles Saint-Quentin)

Notes

1  L’École des journalistes (1839) de Mme de Girardin, si elle est souvent citée, ne saurait accéder à ce statut. Certes, la pièce a effrayé les censeurs qui l’ont interdite (« ce n’est pas en déversant des injures sur toute une classe de personnes qu’il convient de combattre le mal que l’on veut corriger ») mais la satire y est assez grossière (voir Odile Krakovitch, Hugo censuré, la liberté au théâtre au XIXe siècle, Paris, Calmann Lévy, 1985, p. 135). Sur la question de la presse sur scène, voir la contribution de Giovanna Bellati au présent volume.

2  Voir la contribution de Romain Piana au présent volume.

3  La forme de la revue s’impose d’ailleurs lors des très rares tentatives de rapprochement entre théâtre et presse, tel le « journal-vaudeville » La Foire aux idées (4 numéros en 1849). Sur ce répertoire, voir Jean-Claude Yon, « La rhétorique révolutionnaire en accusation : le répertoire politique au théâtre sous la seconde République » dans Annie Duprat (dir.), Révolutions et mythes identitaires. Mots, violences, mémoire, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2009, p. 113-131.

4  Voir notamment Marc Martin, Trois siècles de publicité en France, Paris, Odile Jacob, 1992.

5  Sur la presse du second Empire, on se reportera, pour une première approche, à Jean-Claude Yon, Le Second Empire, politique, société, culture, Paris, Armand Colin, coll. U, 2004, p. 200-204. Pour une étude plus détaillée, le remarquable ouvrage de Roger Bellet (Presse et journalisme sous le second Empire, Paris, Armand Colin, coll. Kiosque, 1967) n’a pas été renouvelé. Afin de replacer Les Effrontés dans son contexte théâtral, on peut consulter : Jean-Claude Yon (dir.), Les Spectacles sous le second Empire, Paris, Armand Colin, 2010.

6  W. Barry, « Premières représentations », Le Monde dramatique, 17 janvier 1861.

7  Les 30 premières représentations produisent une recette de 146 361 francs, soit une recette moyenne de 4 848 francs par soirée, ce qui est beaucoup. Voir Georges d’Heylli, Journal intime de la Comédie-Française (1852-1871), Paris, E. Dentu, 1879, p. 311.

8  « Critique dramatique », Revue d’art dramatique, 1894, p. 115.

9  Sur Le Fils de Giboyer et sur le scandale qui a accompagné cette pièce, l’auteur de cette ligne prépare un article, ainsi qu’une réédition de la pièce.

10  « Revue dramatique », Le Papillon, 25 janvier 1861, non signé.

11  « Critique littéraire », Le Nouvel Organe, 31 janvier 1861, signé « Clitandre ».

12  Vernouillet est présenté dans la table comme « faiseurs d’affaires » et Giboyer comme « bohème ».

13  Henri de Pène, « Théâtres et salons », Revue européenne, 1861, p. 390-381.

14  Gustave Vapereau, L’Année littéraire et dramatique, 4e année [1861], Paris, L. Hachette et Cie, 1862, p. 136.

15  Cette phrase est une des légendes de la série de dessins consacrée par Marcelin aux Effrontés dans le Journal amusant du 1er juin 1861.

16  Gustave Vapereau, op. cit., p. 136.

17  Cette remarque est tirée d’un article du 15 décembre 1862 à propos du Fils de Giboyer et repris dans Quarante ans de théâtre, Paris, Bibliothèque des Annales, 1901, tome V, p. 54.

18  Journal de Edmond Got […], Paris, Librairie Plon, 1910, tome 2, p. 229. Got devait initialement jouer un autre personnage mais il choisit de jouer Giboyer. Il commente ainsi ce choix, à l’issue de la première : « Vision très nette de ma part, puisque c’est moi qui tire en fin de compte le plus gros pétard dans ce feu d’artifice » (ibidem, p. 15).

19  Voir Christophe Charle, Les Intellectuels en Europe au XIXe siècle. Essai d’histoire comparée, Paris, Le Seuil, 2ème édition augmentée, 2001.

20  Henry Gaillard de Champris, Émile Augier et la comédie sociale, Genève, Slatkine Reprunt, 1973 [1ère édition : 1910], p. 264. On peut aussi consulter Pierre Danger, Émile Augier ou le théâtre de l’ambiguïté. Éléments pour une archéologie morale de la bourgeoisie sous le second Empire,Paris, L’Harmattan, 1998.

21  Émile Montégut, « Revue dramatique », Revue des deux mondes, 1861, p. 765.

22  Gustave Vapereau, op. cit., p. 140. La dernière partie de la citation fait référence au personnage d’Henri, le fils de Charrier.

23  Texte d’Augier cité par Georges d’Heylli, op. cit., p. 316.

24  Jules Janin, « La semaine dramatique », Journal des débats, 21 janvier 1861.

25  E.-D. de Biéville, « Revue des théâtres », Le Siècle, 15 janvier 1861.

26  Lettre privée de Louise Colet citée par Georges d’Heylli, op. cit., p. 313.

27  Jean Rousseau, « Théâtres », Le Figaro, 20 janvier 1861. Nous retrouvons ici le positionnement décalé en matière théâtrale du Figaro sous le second Empire. Voir notre article « Le Figaro des débuts (1854-1866) et le théâtre : un positionnement de combat », dans Claire Blandin (dir.), Le Figaro. Histoire d’un journal, Paris, Nouveau monde éditions, 2010, p. 129-143.

28  Archives nationales, F21 1330, lettre-circulaire du 24 avril 1858, signée Achille Fould. On notera, parmi les seize théâtres destinataires (à côté du Lazary et des Folies-Nouvelles !), le Vaudeville et le Gymnase que leur répertoire littéraire – surtout pour le second – ne protège donc pas.

29  Sur cet ouvrage, voir notre article : « Henriette Maréchal, histoire d’une chute », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, n°13, 2006, p. 37-54.

30  Gustave Vapereau, op. cit., p. 137.

31  Le fait est attesté dans un article du Tintamarre, 13 janvier 1861.

32  Paul de Saint-Victor, « Théâtres », La Presse, 13 janvier 1861.

33  P.-A. Fiorentino, « Théâtres », Le Constitutionnel, 14 janvier 1861.

34  Rousseau ne choisit pas au hasard ces deux professions, souvent montrées sur scène de façon satirique.

35  Si l’on nous permet une rapide allusion à l’actualité de 2011, il apparaît, au vu des polémiques entourant la médiatisation de « l’affaire Strauss-Kahn », que certains journalistes ont autant de mal que sous le second Empire à remettre en cause leurs pratiques et que le « devoir d’informer » souvent invoqué est une excuse parfois commode…

36  Voir Christian Delporte, Les Journalistes en France, 1880-1950. Naissance et construction d’une profession, Paris, Le Seuil, 1999.

37  On peut certes citer Le Passe-Partout de Georges Thurner, créé en 1908 au Gymnase, satire de la presse populaire assez réussie et qui donna lieu à une polémique avec Adolphe Brisson. En revanche, Les Deux canards, de Tristan Bernard et Alfred Athis, créé au Palais-Royal en 1913, est avant tout une pièce comique où la presse n’est qu’un cadre.

Pour citer ce document

Jean-Claude Yon, «Les Effrontés d’Émile Augier ou la presse du second Empire à la scène », Presse et scène au XIXe siècle , sous la direction de Olivier Bara et Marie-Ève Thérenty Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/presse-et-scene-au-xixe-siecle/les-effrontes-demile-augier-ou-la-presse-du-second-empire-la-scene