Presse et scène au XIXe siècle

Tombeau de Rachel

Table des matières

MARIE-HÉLÈNE GIRARD

Si le monument élevé en 1860 à Élisa Rachel Félix, dite Rachel (1821-1858)1 n’a guère d’autre intérêt que son décor sculpté, il n’en va pas de même du tombeau, au sens littéraire et symbolique du terme, que lui élevèrent ses contemporains dans les colonnes des journaux.

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Monument de Rachel, cimetière du Père-Lachaise

Sa disparition suscita en effet une multitude d’articles, et même si Théophile Gautier, lui-même journaliste, devait regretter qu’elle eût à « se contente[r] de la prose banale du feuilleton2 », ces textes donnent à voir, nous semble-t-il, entre presse et scène un rapport d’autant plus intéressant qu’il a jusque-là assez peu retenu l’attention des spécialistes. Les premiers biographes de Rachel ont été plus préoccupés de sa vie privée que de son image médiatique ; et les recherches récentes, orientées principalement autour de la judéité ou du féminisme3, ont laissé de côté cette « starisation » avant la lettre dont Rachel fut l’objet et dont ses obsèques furent un remarquable révélateur. C’est à cet écho médiatique et à sa propagation que nous voudrions consacrer les remarques qui suivent, en procédant à une revue de presse de l’événement. Elle se limitera, pour des raisons de place et de temps, à un échantillon représentatif de périodiques parisiens, mais ils offrent à eux seuls une matière foisonnante dont nous tenterons de dégager quelques enseignements à la fois sur les diverses formes de réverbération médiatique, sur les ambivalences et les paradoxes de ce genre récent qu’était alors la notice nécrologique, et sur la contribution de la presse à la construction de l’image posthume de la comédienne.

Rachel était morte de tuberculose le 3 janvier 1858 au Cannet, près de Cannes. « La funeste nouvelle venue par l’électricité comme un coup de foudre4 » avait aussitôt semé une grande émotion à Paris, comme le constatait Fiorentino : « C’est, depuis six jours, le bruit, l’émotion de la ville, le sujet pénible de tous les entretiens, de toutes les conversations5 ». Et bien que Rachel eût apparemment souhaité des obsèques modestes, la cérémonie intime qui s’était tenue au Cannet ne fut qu’un préambule. La famille Félix entendait « répondre à l’immense notoriété du nom de l’actrice6 » en organisant des funérailles en grande pompe, d’abord annoncées pour le 8 janvier, puis reportées au lundi 11, le corps n’ayant été ramené à Paris que le 9. Les six voitures du convoi qui quittèrent le domicile de Rachel, place Royale, empruntèrent la rue du Pas-de-la-Mule, le boulevard et la place de la Bastille, puis la rue de la Roquette jusqu’au Père-Lachaise, suivies d’un impressionnant cortège. Il rassemblait outre les comédiens et l’administration du Théâtre-Français, qui fit relâche le 5 et le 11 janvier, « tous les amis de la poésie et des grands artistes7 », et Jules Janin cite pêle-mêle Vigny, Gautier, Mérimée, Dumas, Halévy, Girardin, Sainte-Beuve, Scribe, Augier, Legouvé et bien d’autres. Les cordons du poêle étaient tenus par Geffroy, Dumas père, le baron Taylor et Auguste Maquet et le deuil conduit par le père de Rachel, son frère Raphaël ainsi que l’éditeur Michel Lévy. Le cortège était escorté par une foule considérable qui avait afflué tôt le matin devant l’appartement de Rachel et était si dense que « les arbres mêmes de la place Royale étaient surchargés de curieux8. » Plusieurs dizaines de milliers d’anonymes s’étaient ensuite joints au convoi le long du parcours, si bien qu’à l’arrivée du corbillard, le carré israélite du Père-Lachaise fut littéralement envahi. La bousculade, qui manqua renverser le baron Taylor, obligea à fermer les grilles en laissant dehors la plupart des assistants. Quatre discours furent prononcés devant la tombe, par le grand rabbin Isidor, le vice-président de la Société des artistes dramatiques Battaille, Auguste Maquet de la Société des Auteurs Compositeurs, et enfin Jules Janin, qui représentait la critique. La dimension de l’événement était sans précédent, dans les annales de la vie dramatique, comme le soulignait L’Illustration :

La mort de Mlle Rachel est l’événement du jour. À l’occasion de ses funérailles, il s’est fait un bruit qui semble tenir lieu de tous les autres. Au théâtre, dans les salons, partout il a été parlé de cette perte irréparable, presque autant que dans les feuilletons9

A. de Belloy s’étonna de même de la persistance de son écho aux lendemains des obsèques : « Elle est morte voilà huit jours et il n’est bruit que de cette mort dans le monde10. »

La réverbération médiatique était en effet aussi spectaculaire que l’avait été l’enterrement. La nouvelle de cette mort n’avait pris personne par surprise,  les journaux distillant depuis plusieurs mois des bulletins de santé alarmants. Le « malheur était attendu », les « biographes se tenaient tout prêts à en profiter » et le journaliste de la Gazette de Paris se demande qu’admirer le plus « d’une pareille prévoyance, ou de la spéculation qui l’appelle un soin pieux11 »… Rares sont donc les journaux qui se contentent, comme L’Union, d’une annonce laconique ou comme L’Avant-scène de sa duplication12. La plupart font suivre la nouvelle diffusée dès le 5 janvier, d’un grand feuilleton et parfois de plusieurs, ce qui encourageait à multiplier emprunts et rediffusions. Beaucoup d’ailleurs n’attendirent pas le jour de l’enterrement pour exploiter le sujet. Ainsi la Gazette de Paris publia dès le dimanche deux articles consacrés à Rachel. Nombre de feuilles allaient aussi s’employer à entretenir la curiosité en promettant, après le compte rendu des obsèques ou la notice nécrologique, souvenirs, anecdotes, lettres ou biographie13. On voit ainsi jusqu’en février14, se déployer de la grande presse aux petits journaux, une multitude d’hommages et de reportages, qui déclinent le genre encore incertain de la notice nécrologique, dans un discours polymorphe, allant de la simple note plus ou moins factuelle, au grand article de première page en forme d’éloge funèbre, en passant par le récit de l’enterrement, la sténographie des discours15, le centon d’anecdotes, les souvenirs personnels et des variations plus ou moins informées auxquelles l’alibi biographique donnait un semblant de légitimité.

Rhétoriques de l’éloge

La plupart des grands quotidiens, comme Le Moniteur universel, le Journal des Débats, Le Siècle ou Le Pays firent coïncider, le 11 janvier, le feuilleton dramatique du lundi avec l’éloge nécrologique – quitte à différer, comme la Gazette de France, unarticle visiblement prêt dès le vendredi 8. Les journalistes s’efforcent d’accorder leur ton à la solennité de l’événement, en se tenant à l’écart de l’anecdotique et en se démarquant de « cette curiosité vulgaire qui cherche des détails insignifiants ou mesquins16 », que réprouve Gautier. De la biographie, ils ne retiennent que l’indispensable, en rectifiant éventuellement les erreurs, notamment sur les débuts de Rachel17. Mais pour l’essentiel les repères biographiques n’ont d’autre fonction que d’éclairer les triomphes de l’artiste, en vertu d’une logique où « le narrateur doit faire place à l’admirateur18. » Fiorentino du Constitutionnel invoque précisément cette déontologie en définissant son propos : il ne veut « sous aucun prétexte soulever le drap mortuaire qui couvre la dépouille, à peine refroidie, de la grande artiste19» et se dit résolu à rester « extrêmement sobre de détails intimes » ; il évoquera Rachel « simplement, sans prétention, sans phrases », au fil d’un discours qui se réclame de la seule vérité. Même déclaration de la part du journaliste de la Gazette de France, qui se refuse à imiter l’exemple des chroniqueurs qui « depuis plusieurs jours déjà, […] se sont jetés sur cette tombe non encore fermée, et se sont disputés les lambeaux de la vie, si remplie et si courte, qui vient de s’éteindre20 ». On voit par là que ce qui est encore à cette date le « petit genre de la notice nécrologique21 » est en quête, sinon d’une légitimité, du moins d’une autorité et la revendication de vérité ou de dignité est une façon de marquer la distance vis-à-vis des petits journaux beaucoup plus avides de détails biographiques. Mais à la différence de l’exercice proprement critique, la notice ne prétend pour autant qu’à une validité provisoire. Comme l’écrit Gozlan, « la critique aura son jour après les jours de deuil22 », et le journaliste de la Gazette de France rappelle qu’« on ne juge pas bien sur une tombe encore béante23. » Répondant au caractère à la fois ponctuel et spectaculaire de la disparition, la nécrologie reprend ainsi sur un mode laïc le format de l’éloge funèbre. La communauté à laquelle elle s’adresse est la foule virtuelle des lecteurs, mais la gravité dont se veut empreint l’article nécrologique n’est pas foncièrement différente de celle qui marquait l’éloquence chrétienne, dont on retrouve plus d’un motif et notamment celui, on va le voir, de la bonne mort. La tradition française se distingue par là de l’obituaire anglo-saxon, qui ne s’interdit ni la critique ni même la satire24. Rachel plaisantait d’ailleurs elle-même de cette propension à la solennité dans une lettre de 1851 : « Le fait est qu’il fait bon mourir en ce temps-ci, pour s’assurer une bonne oraison funèbre. À en croire les journaux, tous ceux qui s’en vont sont toujours dignes de Plutarque ou de Monthyon25. »

Cette rhétorique de l’éloge est particulièrement visible dans la presse israélite, qui, ignorant délibérément la vie tumultueuse de l’actrice, s’en tient au seul paradigme de l’exemplarité. L’Univers israélite fait ainsi l’éloge de son abnégation – en réponse à la rumeur de sa cupidité. Il présente son « dévouement » à sa famille26 comme le modèle d’une « vertu saintement pratiquée chez les israélites » et va même jusqu’à faire de la tragédienne une personnalité providentielle chargée de « travailler au grand œuvre civilisateur27». Les Archives israélites quant à elles saluent « la haute physionomie de cette illustre juive28 » en qui elles voient une édifiante « image de la destinée de la race29», en même temps qu’elles célèbrent sa beauté orientale chère aux artistes. Le discours nécrologique a essentiellement pour objectif d’extraire du parcours individuel une qualité héroïque, en « démêl[ant] » ce que la destinée de Rachel « a d’impérissable30 ». Mais c’est le plus souvent sur le plan proprement artistique que les journalistes fondent leur éloge. L’exemple le plus éloquent est sans doute celui de Théophile Gautier, qui, après avoir sobrement concédé à l’émotion la citation du célèbre vers de Ménandre, s’emploie à « fixer quelques traits de la physionomie générale de l’illustre tragédienne31 ». Ce portrait, qui idéalise aussi bien la figure de Rachel que son talent, l’affranchit des contingences de son siècle pour la ramener « aux temps fabuleux et mythologiques » et projeter sur elle « tous les rêves de reines, d’héroïnes et de victimes antiques ». L’admiration qu’il porte à Rachel participe du même esprit que celle vouée à Ingres ; et il est significatif qu’aux yeux de Gautier, cette noblesse imprime son sceau jusque dans la « vie privée » de l’artiste. L’hommage funèbre du Moniteur participe d’une « transposition », au sens littéraire que Gautier donnait à ce terme, en ce qu’il consiste à sculpter un portrait de Rachel et à ériger « au milieu du thymélé » la statue comme une « figure funèbre sur le tombeau de la tragédie ». Dans une veine comparable, Jules Janin, qui avait été l’un des plus fidèles thuriféraires de Rachel et qui revendiquait l’honneur de l’avoir « découverte », commence son article par une évocation de son ultime pèlerinage devant le Théâtre-Français, dans le petit matin d’un Paris désert, juste avant son départ pour l’Égypte, en invitant le lecteur à une méditation sur la fragilité de la gloire, où l’on perçoit l’ambition d’élever le discours nécrologique à la hauteur de l’oraison funèbre. Puis à l’éloge de la « fille aînée d’Homère et de Sophocle32» Janin associe la défense et illustration du genre tragique en montrant comment « la noblesse » de la tragédie a fait de Rachel une « reine » et une Muse. Possédée par un enthousiasme proprement platonicien, elle incarne à la fois la perfection de l’art dramatique et la difficulté d’accorder les vicissitudes d’une carrière avec l’impératif catégorique de l’art. Comme Gautier, Janin trouve là une occasion de militer en faveur de la dignité de l’artiste, d’une manière qui n’est pas sans rappeler les variations sur la vie et la mort des grands maîtres telles que les avaient déclinées les peintres de genre dans les premières décennies du siècle, en projetant dans le passé les aspirations des artistes contemporains à la reconnaissance sociale33. L’actualité de la notice nécrologique s’inscrit à son tour dans ce mouvement de reconnaissance de l’artiste et de son art qui traverse tout le XIXe siècle.

C’est bien ce qui s’affirme dans l’identification récurrente de Rachel avec la Tragédie, tant sous la plume des journalistes que sous le pinceau des peintres. Qu’il s’agisse de Delacroix, de Devéria, de Müller ou des illustrateurs, tous ont représenté Rachel dans des rôles tragiques, quand ils ne l’ont pas, comme Gérôme ou Amaury-Duval, transformée en allégorie de la Tragédie34 ; et l’exception que souligne Le Monde illustré en produisant un portrait de Rachel souriante, s’adosse à la multitude de « portraits commerciaux » qui tous lui mettent « la flamme au regard35 ». Elle est présentée dans les Lectures du soir comme « la dernière Muse de la tragédie 36», dans Le Constitutionnel comme « la Melpomène antique dans sa grâce austère et sa noble simplicité37», et la métaphore est reprise usque ad nauseam. Mais le parallèle n’est pas pour autant dépourvu de lien avec le débat contemporain sur l’évolution du théâtre. L’équation allait de soi pour Janin, qui devait à quelques mois de là intituler Rachel et la Tragédie le luxueux volume d’étrennes qu’il lui consacra et c’est sur cette conviction que se fondait son admiration : « Toute seule elle s’était dit qu’elle allait ranimer la tragédie au cercueil38. » Il voyait dans ses triomphes autant de démentis infligés au drame romantique et confirmait qu’en faisant revivre les auteurs patrimoniaux, comme Racine ou Corneille, Rachel avait montré la vraie voie du théâtre. Ce point de vue est partagé dans Le Constitutionnel par Fiorentino qui saisit lui aussi l’occasion de militer pour « une réaction salutaire et vivement souhaitée contre tous les excès et les folies d’une nouvelle invasion des barbares, un retour éclatant aux immortelles sources du vrai et du beau39 ». Mais lorsque Gautier constate que Rachel « emporte la tragédie française dans un pli de son linceul40 », il est probable qu’il ne juge pas aussi bénéfique ce retour en force du genre tragique. Non seulement il marque, avec lucidité, la limite de son talent de comédienne en faisant d’elle « plutôt une mime tragique qu’une tragédienne », mais il remarque qu’« elle n’a exercé aucune influence sur l’art de [son] temps ». Il laisse même percer le regret qu’elle ait « enray[é] le grand mouvement romantique qui eût peut-être doté la France d’une forme nouvelle de drame ». Il invite autrement dit ses lecteurs à dissocier l’artiste de l’admiration qu’elle a suscitée d’une « forme morte » que « seule elle avait fait revivre pendant dix-huit ans […] en la rendant antique, de surannée qu’elle était peut-être ». Cette position n’est pas isolée et le journaliste de L’Illustration constate avec le même recul que la carrière de Rachel, si brillante soit-elle, n’aura finalement été qu’un « accident sans conséquence »:

On a dit sur tous les tons : la tragédie vient de mourir en elle et avec elle, c’est là une vieille formule d’éloge qui n’avait plus servi depuis Talma. [… mais] bien plus que l’actrice, c’est la femme exceptionnelle qu’on allait voir41.

La Gazette de France émettait quant à elle l’idée qu’en éclipsant d’autres talents de comédiens, Rachel avait peut-être plus ôté aux grands classiques qu’elle ne leur avait apporté : « les étoiles ont leur éclat, mais elles brûlent autour d’elles42 ». Gozlan de son côté déplorait dans les colonnes du Pays, qu’elle se fût enfermée dans des rôles du passé en se faisant l’instrument d’une « réaction littéraire des plus tristes et des plus déplorables43 ». Ces divergences renvoient clairement à l’actualité du débat sur le devenir du drame romantique qu’avait ouvert, dès avant l’avènement du réalisme, la réaction classique des années 1840, montrant une fois encore la flexibilité du genre nécrologique, qui s’apparente là de très près au discours critique qu’il prétendait pourtant tenir à distance.

Fièvre médiatique

Les ambiguïtés du genre sont encore bien plus sensibles dans les petits journaux où le contenu de l’exercice s’avère passablement hétéroclite. Rachel avait, là aussi, avec un humour un peu macabre, anticipé le phénomène dans un billet reproduit par la Gazette de Paris : « dans huit jours, avait-elle écrit, je commencerai à être mangée par les vers et les biographes44 ». De fait les journalistes firent flèche de tout bois, sans trop s’inquiéter de l’authenticité des propos ni de la fiabilité des sources et ils se privèrent d’autant moins d’exploiter les anecdotes et de colporter les médisances que le commerce des autographes et des reliques de Rachel s’était mis à proliférer au début de 1858. La Gazette de Paris souligne la frénésie avec laquelle « à Cannes et à Paris on s’est mis à rechercher avidement ses lettres intimes et tout ce qui a pu tomber de sa plume » ;  les Archives israélites s’indignent de même du « déluge de lettres autographes45 » qui s’est abattu sur les journaux ; et la Gazette médicale confirme que « depuis sa mort, les histoires, les portraits, les objets qui lui avaient appartenu sont tombés dans le domaine public et y ont acquis une valeur commerciale élevée46. » C’est au point qu’on découpe les dernières lettres  que Rachel avait postdatées du 1er janvier 1858, paragraphe à paragraphe pour multiplier autographes et « souvenirs » posthumes47. La course aux reliques, que Sarah Félix avait elle-même lancée en distribuant aux visiteurs du Cannet des morceaux de la tunique dans laquelle Rachel avait joué Phèdre, n’était pas moins avide que la chasse aux autographes. Les collectionneurs n’avaient d’ailleurs pas attendu la mort de Rachel pour rassembler ces memorabilia, comme le prouve la collection que Jules Lecomte, le journaliste de l’Indépendance belge, exploite dès le 6 janvier dans Le Figaro. Cette aura de fétichisme, qui allait continuer à susciter divers « musées »48, attisait la curiosité des lecteurs et libérait les inhibitions des plumitifs. Faisant litière de ce qu’on appelait « les pudeurs de la trêve de Dieu », la petite presse se lança dans une course aux scoops, où la frontière entre public et privé se révélait étonnamment perméable, comme le souligne, non sans hypocrisie, la précaution de L’Illustration :

Notre tâche doit se borner ici à encadrer le portrait d’une illustration dramatique. Si Mlle Rachel a fait parler d’elle sous d’autres rapports, cela ne nous regarde pas davantage. Il faut laisser à ceux qui l’ont plus particulièrement connue le soin de persécuter ou de déshonorer sa mémoire par leurs anecdotes49.

La tribune des journaux fut ainsi ouverte à tous ceux qui de près ou de loin avaient côtoyé Rachel, aussi insignifiants fussent-ils. Tel ce « pauvre diable de petit écrivain » appelé Camille Bernier qui, dans La Lanterne magique, étire sur quatre colonnes l’insipide récit d’une visite à la comédienne, sous le prétexte que « rien n’est indifférent […] pour tous, de ce qui se rattache à la vie d’une aussi grande artiste que Mlle Rachel, même les futilités de cette vie50. » Un certain Mantel, qui se prévalait d’avoir été un temps le secrétaire de l’actrice, justifiait ses indiscrétions par une comparaison tout aussi spécieuse: « Quand le mur de la vie privée est à hauteur d’appui, chacun jette un coup d’œil par delà et c’est comme si le mur n’existait pas51 ». Et bien qu’il affiche « la résolution de ne rien concéder à la flatterie posthume ni au dénigrement52 » dans les deux feuilletons de souvenirs qu’il confie au Courrier de Paris53, il s’empresse de révéler les indélicatesses de Rachel ou les consignes qu’elle lui donnait pour répondre à ses lettres intimes – ce qui avait du même coup pour effet de jeter perfidement le doute sur certains autographes… Au motif donc « qu’on ne saurait guère apprécier le génie de cette femme extraordinaire sans toucher un peu à sa personne54 », la vie privée de l’actrice était mise en coupe réglée, afin de livrer à la curiosité des lecteurs une « Rachel intime, en déshabillé55 ». La matière des anecdotes va des commandes de traiteur aux fautes d’orthographe, en passant par les projets supposés de mariage ou les tentatives renouvelées de conversion dont elle fut l’objet et l’on revient à plaisir sur ses années d’apprentissage, ses liaisons, ses superstitions, la dureté de ses mots, ses rivalités avec Dorval ou la Ristori.

L’exemple le plus représentatif de ce journalisme précurseur des tabloïds est Le Figaro de Villemessant qui, fidèle à sa politique agressive d’anecdotes et de sensationnel, s’était tenu aux aguets depuis l’automne, si l’on en croit les Goncourt qui notent le 10 janvier 1858 dans leur Journal : « Il paraît que l’article de Lecomte […] sur Rachel était composé depuis deux mois. Villemessant disait : « Pourvu que la nouvelle arrive un mardi, juste pour le numéro56 ! » Il avait été si bien exaucé qu’il avait pu boucler dès le mercredi 6 un premier numéro spécial Rachel, assorti d’un supplément « contenant plus de 3000 lignes composées d’anecdotes, d’un autographe de l’illustre tragédienne et de cinquante lettres inédites des plus piquantes et des plus variées ». Ce « véritable tour de force57» répercuté par l’écho publicitaire de plusieurs petits journaux, avait été tiré et vendu à 15 000 exemplaires, en dépit de la précipitation qui entachait aussi bien la mise en page que l’information. Et ce n’était qu’un début puisque Villemessant allait faire durer le sujet Rachel jusqu’au début de février. La réponse de Jules Lecomte, le 14 janvier, aux critiques qu’avait suscitées l’improvisation du numéro spécial, donne la mesure du cynisme du journal en invoquant l’excuse de « la tyrannie du lecteur » et des « entraînements du journalisme ». Le même Lecomte, qui se déclarait possesseur d’« une masse de documents », ne devait pas se faire scrupule d’alimenter « la piété curieuse » des lecteurs – pas plus d’ailleurs qu’il ne s’interdisait de se répandre dans d’autres journaux comme Le Monde illustré58 ou Le National59. Il annonçait même, à paraître « très prochainement», une biographie de Rachel « comprenant tout ce qu’on doit dire de l’artiste, tout ce qu’on peut dire de la femme60 ». Mais une lettre répertoriée dans les archives de la Comédie-Française révèle que la famille Félix le menaça d’un procès pour « venger l’outrage fait à la mémoire » de la tragédienne61, ce qui explique sans doute qu’on ne trouve nulle trace de l’ouvrage. Mais cela suggère aussi que la notion d’atteinte à la vie privée des disparus commence à prendre forme en cette fin des années 1850 et que les abus dont la mémoire de Rachel fut l’objet ne sont pas étrangers à cette prise de conscience. Car Lecomte est loin d’être le seul à exploiter sans retenue la mémoire de la comédienne. Le Courrier de Paris, déjà cité, fait se succéder le 6 janvier l’annonce du décès, le 7 un parcours biographique signé de Paul d’Ivoy, le 8 « trait de générosité de Rachel » rapporté par sa sœur Sarah, le 10 un témoignage de l’embaumeur, assorti d’un feuilleton de P. Mantel qui se poursuit le 11, et le 12 une nécrologie signée A. de Belloy. Et La Lanterne magique ou Le Voleur illustré ne sont pas davantage en reste, contribuant chacun pour leur part à la cristallisation du matériau biographique autour d’un ensemble d’anecdotes et de motifs qui se répètent en boucle d’un journal à l’autre et finissent par constituer une manière de légendaire de Rachel.

Quelques thèmes reviennent avec une particulière insistance, à commencer par celui de l’« âpreté au gain62 » qui, de son vivant déjà, avait fait le bonheur des caricaturistes. On glose à plaisir sur les cadeaux qu’elle revendait, sur ceux qu’elle promettait et ne donnait jamais, aussi bien que sur le montant de sa fortune63, ses bijoux ou ses placements64. Nombre de journalistes insistent aussi, chiffres à l’appui, sur les recettes de ses spectacles dont la croissance rythme souvent le parcours biographique. Léon Gozlan est un des seuls à s’étonner de cette accusation d’avarice, quand « Mlle Rachel, écrit-il, a fait comme les autres65». La plupart des journalistes en font un trait définitoire, même s’ils ne vont pas jusqu’à y voir comme L’Illustration, un « vice de famille ou de race66 », qui met à nu un antisémitisme rampant qui suscita l’indignation des journaux israélites. L’Univers israélite s’étonne de ce qu’« on parlait seulement de la religion de Rachel quand on voulait lui reprocher ses défauts, quand à tort ou à raison, on l’accusait d’avarice, d’amour de l’or », mais jamais à propos de son génie. Les Archives israélites dénoncent de même l’insistance sur « les singularités de ce qu’on appelait son avarice ». Mais cet antisémitisme s’exprime aussi bien quand Le Siècle ou Le Voleur illustré font parler le père de Rachel comme le baron Nucingen ou quand ses voyages sont mis sur le compte de son appartenance à une « race d’humeur vagabonde67 ». Il affleure encore dans les diverses déclinaisons de l’« instinct de race » attribué à Rachel ou dans les mentions de la « tribu » qui lui tient régulièrement lieu de famille. Ces stéréotypes antisémites allaient trouver une nouvelle occasion de s’exprimer dans l’indignation que souleva en avril 1858 la vente des biens de Rachel. Les bijoux et les costumes, qu’elle avait d’abord destinés à une loterie américaine, étaient revenus en France68 au printemps 1858 pour faire l’objet, avec le contenu de son appartement, d’une retentissante vente aux enchères dont les vacations s’étalèrent sur plus de deux semaines69. Le désaccord de sa famille sur le partage de ses biens70 ne manqua pas de reporter sur la « tribu » Félix le stéréotype de l’avidité et la mise à l’encan de ses possessions fut entourée d’une réprobation à peu près générale. De fait le Catalogue des objets mobiliers dépendant de la succession de Mlle Rachel répertorie aussi bien ses bas, mouchoirs et chemises, que ses bijoux, ses livres, ses objets d’art ou les vins de sa cave, sans oublier la mythique guitare censée dater de ses débuts de chanteuse des rues. La plupart des journaux annoncèrent la vente sans commentaire. Mais de façon assez inattendue, c’est Jules Janinqui se chargea d’en donner le compte rendu dans L’Artiste. Gautier, alors directeur de la revue, avait initialement prévu de « faire sur la grande tragédienne une biographie et une déploration», en y joignant une gravure de son « admirable portrait71 » par Henri Lehmann, à qu’il l’avait réclamé dès le 4 janvier. Mais faute sans doute d’avoir reçu à temps l’eau-forte d’Henriquel Dupont72, il avait dû en différer la publication jusqu’au numéro du 18 avril, pour lequel il sollicita vraisemblablement l’article de Janin, intitulé « Les débris de Mlle Rachel73». Avec le même dégoût que les Goncourt74 devant le mercantilisme dans lequel sombrait in fine le souvenir de Rachel, Janin oppose à plaisir la trivialité de l’encan à la noblesse de la tragédienne :

Une robe de chambre : oh ! que nous voilà loin du simple appareil de Junie ! Je ne veux pas voir ces misères ! loin d’ici Me Hayaux du Tilly, le commissaire priseur ! Qu’on me, ramène à Troie, à Sparte, au camp d’Agamemnon, au poète Euripide !

Conformément à la ligne idéaliste de la revue, il dénonce dans le réalisme financier des héritiers la trahison du caractère sacré de l’art et de l’artiste ; et après avoir, devant les costumes, ressuscité Rachel dans ses plus grands rôles, il la célèbre comme une nouvelle Iphigénie, indignement sacrifiée sur l’autel des intérêts – façon de l’exonérer des mesquineries de la petite presse et, par delà l’effervescence médiatique, de la rendre à sa vocation tragique en mettant le point final au déferlement médiatique.

Enjeux de société

De l’éloge nécrologique des grands quotidiens aux complaisances de la petite presse, l’ampleur des réactions à la mort de Rachel ne reflète pas seulement la construction d’une image individuelle et des stéréotypes dans lesquels elle se fige, elle fait aussi émerger des enjeux collectifs révélateurs des tendances profondes de la société française de la seconde moitié du XIXe siècle. À commencer par la place surprenante qu’occupe la religion de Rachel dans le discours journalistique. Sa mort n’avait certes pas renouvelé le scandale de la fin de Talma mort sans sacrements ; mais sa vie pouvait difficilement passer pour un modèle de piété, elle n’avait pas reçu d’éducation religieuse et « le judaïsme […] n’avait pas de part à son nom75 », comme le déplorait L’Univers israélite, avant d’ajouter qu’elle « sentait profondément la foi israélite76» et qu’elle avait su « résist[er…] aux pièges du démon de l’apostasie ». C’était une façon de rappeler que « la conversion de Rachel était un canard périodiquement inventé par les petits journaux77 », qui n’avait pas manqué pas de ressurgir au moment de sa mort. La rumeur avait couru qu’elle s’était in extremis convertie au catholicisme, ce qu’avaient aussitôt démenti le président du culte juif de Nice78, le rabbin Isidor dans son discours au Père-Lachaise et une lettre de Sardou à Mario Uchard79, attestant qu’elle était morte dans la « religion de ses pères ». Ce qui n’empêcha nullement les journaux de revenir sur le sujet, en parcourant toute la gamme des options. La Gazette de Paris, comme le Courrier de Paris, démentaient formellement la rumeur : « En aucun temps Mlle Rachel n’a songé à abjurer le judaïsme. Il est donc de toute fausseté qu’elle se soit faite catholique à son lit de mort80». Le Pays avait dès le 6 janvier insisté sur la présence du rabbin à son lit de mort. Mais les feuilles d’obédience catholique, comme La Patrie, persistaient à entretenir l’ambiguïté et Le Siècle n’hésitait pas à annoncer la conversion, en invoquant l’influence qu’aurait exercée au cours du voyage qui la ramenait d’Égypte, l’évêque in partibus de Byblos. D’autres, plus spécieux, laissaient entendre que si Rachel ne s’était pas convertie, elle en avait eu l’intention sans en avoir le temps. Le National81 quant à lui dramatisait la constance et la ténacité des convertisseurs, tandis que Louis Veuillot, dans L’Univers religieux du 22 janvier, revenait sur le sujet pour lancer l’invective contre les juifs. Au-delà de l’enjeu personnel, le discours nécrologique fait ainsi apparaître la fracture qui, en dépit des efforts d’assimilation, oppose sournoisement catholiques et juifs dans la France du Second Empire.

Une autre constante qui émerge de cet ensemble d’articles est le nouveau pouvoir de fascination qu’exerce la mort, à la fois par les images et par les textes. Non seulement les journaux illustrés multiplient les portraits d’après les « dernières photos » de l’actrice épuisée par la maladie, mais on retouche les vues de la villa du Cannet pour substituer le départ du corbillard au fauteuil de jardin82. C’est de même pour faire « mieux ressortir l’horreur du contraste » que Le Figaro insiste sur le sourire de Rachel à sa une du 16 janvier. La Mode nouvelle promet quant à elle à ses lecteurs le témoignage d’un ami « qui arrive de Cannes et qui l’a vue morte couchée sur son lit funèbre83 » et on ne résiste pas davantage aux variations sur le thème du mort-vivant. On pouvait ainsi lire dans Le Courrier de Paris :

Il paraît positif que la dépêche télégraphique annonçant la mort de Mlle Rachel a été expédiée à Paris plusieurs heures avant que la tragédienne ne fût réellement morte. Elle était tombée dans une syncope profonde et sa mort était tellement apparente que ceux qui étaient auprès d’elle s’y sont trompés84.

Suit un récit de la méprise de « l’embaumeur », qui avait cru détecter un signe de vie. La petite presse reprend également avec insistance le motif des derniers jours de Rachel, à la plus grande satisfaction des lecteurs, car si l’on en croit les Archives israélites, Paris « a recueilli avec avidité […] les détails de ces moments suprêmes ». On a déjà cité la lettre de Sardou, reproduite dans plusieurs journaux. Le Voleur illustré inclut de même dans son « bouquet funéraire » un récit des dernières heures signé A. de B. Mais le témoignage le plus voyant est sans conteste celui d’un certain Dr Tampier, un proche de la famille Félix, qui avait été appelé au chevet de Rachel et qui alimenta sans retenue ce voyeurisme morbide, par le récit qu’il publia85 et qu’il laissa ensuite circuler dans les petits journaux. Il se donnait pour prétexte de commenter les lettres qui lui avaient été « adressées sur sa maladie » et qu’il avait fait paraître dans Le Moniteur des hôpitaux, avant d’en faire une brochure, accompagnées de ses propres préconisations en matière de traitement de la tuberculose. Les portraits posthumes de la comédienne rencontrèrent le même succès. Conformément à l’usage du XIXe siècle86, sa sœur Sarah avait fait réaliser deux photographies de Rachel sur son lit de mort, attribuées – sans doute à tort – à Charles Nègre. Bien qu’elles fussent réservées apparemment à un usage privé, des épreuves en furent rapidement mises en circulation et elles inspirèrent à Frédérique O’Connell, figure en vue du Paris artistique et mondain du Second Empire, un fusain intitulé Rachel sur son lit de mort87.

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Frédérique O’Connell, Rachel sur son lit de mort

Le dessin, parfaite illustration de la « douceur narcotique88 », fut exposé à la galerie Goupil qui le reproduisit et le diffusa en photographies, au grand dam de la famille Félix qui intenta un procès à l’artiste et obtint que photos et dessin soient retirés de la circulation. Mais le jugement eut surtout pour effet d’accroître la popularité de l’œuvre de F. O’Connell et d’attiser la convoitise médiatique. Là encore la conjonction de la célébrité et de la mort prématurée s’avérait le révélateur de l’évolution de la sensibilité collective et de la fascination que suscitaient les « belles morts », pour reprendre la formule de Philippe Ariès89.

On voit aussi se dégager des vicissitudes biographiques évoquées dans le discours nécrologique, une figure plus générale qui est celle, rémanente, de l’artiste romantique. S’il est vrai que l’identité culturelle de Rachel avait pu paraître incertaine90, sa disparition donnait à son parcours une lisibilité manifeste. À mi-chemin des aléas d’une carrière contestée et du jugement que la critique ultérieure portera sur son art, la comédienne qui passait pour avoir ressuscité la tragédie classique devenait paradoxalement l’exemple même de l’élection et de la fatalité romantiques. Cette fille de pauvre colporteur juif, née au hasard des grands chemins, grandie dans la misère et l’ignorance, devenue l’idole de Paris et la coqueluche de l’Europe, avant de se voir mourir à la fleur de l’âge et au faîte de sa gloire91, incarnait un destin sur lequel il était aisé de projeter les stéréotypes hérités du Romantisme, qui à défaut d’être encore l’une des forces vives de l’art, demeurait dans l’imaginaire collectif, et particulièrement dans l’idée qu’on se faisait de l’artiste, le paradigme dominant. Les chroniqueurs brodèrent à plaisir sur l’enfance misérable pour mieux souligner la force de la vocation et la fulgurance du génie de Rachel. Charles de Mazade insistait dans la Revue des deux mondes sur le « don spontané » qui faisait d’elle une artiste prédestinée : « Mlle Rachel ne devait rien à une tradition d’école, la nature avait tout fait pour elle92. » Le journaliste du Pays lui reconnaissait de même « l’instinct du génie93 », et Jules Janin allait magistralement orchestrer le thème en lui prêtant une « irrésistible inspiration » qui « surgissait tout d’un coup du silence et de l’abandon des vieux oracles94». Samson, qui avait été le professeur de Rachel, eut beau sortir de sa réserve95 pour opposer un démenti public à Janin96 en lui rappelant les incontournables vertus de l’enseignement dramatique, l’enfant du miracle l’emportait décidément dans l’imaginaire collectif où elle pouvait sans beaucoup de retouches apparaître comme la figure par excellence de la fatalité romantique. D’ailleurs sa mort authentifiait en quelque sorte cette lecture. Il est significatif que la plupart des journalistes la fassent succomber à la passion de son art plutôt qu’à un mal physiologique. À l’exception du Dr Tampier, peu de textes incriminent la tuberculose et c’est à peine si quelques voix s’élèvent pour dire qu’elle avait trop présumé de ses forces en partant pour l’Amérique en 1855. C’est pour avoir obéi jusqu’au bout à l’impératif d’une irrépressible vocation et continué à jouer contre la prescription des médecins – collectif imprécis et commode – qu’elle s’était éteinte avant l’heure. Busoni dans L’Illustration parle d’une « carrière que les tourments de l’imagination ont abrégée plus que ceux de la maladie97». Le Figaro la montre de même victime d’un mystérieux « spasme intérieur » et « tuée par la force écrasante de l’inspiration98 ». De façon subliminale, Rachel meurt sans doute aussi d’avoir trop bien joué ces héroïnes tragiques que sont Phèdre ou Adrienne Lecouvreur99, dont Jules Janin suggérait discrètement la contagion en terminant son éloge par les dernières paroles du maréchal de Saxe : « j’ai fait un beau rêve100 ». Ces « fiévreuses, […] dévorantes […] mortelles jouissances de l’art101 », qu’on lui prête rappellent aussi bien la malédiction pesant sur les héros d’Hoffmann que le scénario mis au point par Balzac dans Le Chef-d’œuvre inconnu en 1831, qui condamnait l’artiste romantique à succomber à sa passion de l’art autant qu’à l’obscure fatalité du destin. Et il n’y manquait pas même, dans le cas de Rachel, la conscience réflexive de ce destin, puisque L’Illustration lui prêtait le souhait d’obtenir de Ponsard, pour son improbable retour à la scène, une tragédie inspirée de « [s]es trois années de tortures physiques et morales102 ». C’est par un effet de la même logique que le même journal attribue ses caprices de diva et son « besoin insatiable de courir jusqu’au bout du monde103» à un « ennui » baudelairien, tout aussi caractéristique du second Romantisme des années 1860. Les turbulences de sa vie apparaissaient dans cette perspective comme autant de manifestations du génie inquiet qui l’habitait et comme un autre signe de cette élection romantique dont elle était, au prix de quelques simplifications, devenue une icône.

Sacre de Rachel

On peut lire enfin dans cet ensemble de témoignages autour de la mort de Rachel quelques-unes des caractéristiques du deuil public, tel qu’il s’instaure au XIXe siècle.  On voit d’une part tout ce que la starisation de la comédienne doit à une laïcisation du discours hagiographique104. Bien qu’elle eût échappé au prosélytisme chrétien, certaines évocations de son parcours ne se calquent pas moins sur le modèle des biographies édifiantes de la Légende dorée. Ainsi tous les témoins s’accordent-ils à célébrer le courage et la résignation dont elle avait fait preuve au cours de ses dernières heures, vertus qui la rapprochaient des martyrs chrétiens et donnaient à sa fin l’éloquente sérénité de la bonne mort. Le caractère exceptionnel de son talent l’apparentait de même à la thaumaturgie. C’est Jules Janin qui illustre le plus précisément le thème, en célébrant « cette enfant de tant de miracles » et en s’émerveillant de ses prouesses : « Il n’y eut jamais d’enchantement pareil à cet enchantement […] c’est une transformation merveilleuse qu’on ne verra jamais105. » On retrouve encore des invariants de l’hagiographie dans l’insistance de certains journaux à évoquer les souffrances de son corps, ou dans le motif subliminal de l’ambiguïté sexuelle régulièrement suggérée par le parallèle avec Talma – seul prédécesseur à sa hauteur – et par le mélange de grâce et de force qui lui vaut une « mâle énergie » ou une « mâle volonté ». Ces « surcharges de la légende106 » dont une presse avide de spectaculaire augmentait la biographie de Rachel, donnent la mesure de cette nouvelle médiatisation dont les funérailles furent le point d’orgue. C’est du reste sur le même terreau que prospéra le culte des reliques qu’on a vu s’amorcer dès l’annonce de la mort de Rachel et dont témoigne entre autres le retable conservé au Musée d’art et d’histoire du judaïsme, où le portrait posthume de Rachel est enchâssé comme une image pieuse107. On pourrait citer nombre d’autres manifestations de cette « mémoire métonymique108» attachée aussi bien aux autographes, quel qu’en soit le contenu, qu’aux objets ou aux mèches de cheveux. Cette composante hagiographique révèle un horizon d’attente propice à la célébration collective de la star dont Rachel est probablement l’une des premières incarnations modernes. Et Le Figaro avait beau jeu de railler le garçon de bureau qui s’était absenté pour assister aux obsèques de Rachel, au seul motif qu’il lisait « depuis huit jours […] dans les journaux que les Muses en deuil pleuraient la fille de Melpomène109» ; il ne faisait que prendre acte d’un phénomène de société que la presse était en train de rendre irréversible. Nombre d’indices confirment l’impact sans précédent de cette effervescence médiatique autour de la disparition de Rachel. Dans son numéro du 22 janvier, Le Voleur illustré, qui tire à 18 000 exemplaires, justifie sa réimpression des articles nécrologiques par le fait que « plusieurs d’entre eux sont devenus à l’heure qu’il est introuvables ». G. d’Heylli signale de même que la brochure du Dr Tampier est « devenue fort rare110». Et Delacroix, pourtant peu suspect de complaisance à l’endroit de la presse, note le 5 janvier dans son Journal111 qu’il relit le compte rendu de Phèdre par Gautier ; et début mars, il note encore : « Je lis en rentrant les lettres de Mlle Rachel112 ».

Par delà le caractère hétéroclite des motifs qui coalescent autour de cette mort, on voit ainsi s’exprimer la valeur consensuelle à la fois de l’événement et de l’image qu’il impose de Rachel. Sous un régime où la prolifération des journaux était en raison directe de leur désengagement politique, le sujet offrait évidemment un terrain idéalement neutre au regard de la censure et facile à exploiter par les feuilles de tous bords. Si Léon Gozlan croit retrouver dans le convoi le public populaire des funérailles de Béranger113, Le National, à la suite du Courrier de Paris, insiste bien davantage sur la mixité de « toutes les conditions sociales114» dans « l’immense affluence de curieux échelonnée sur son passage » ; et L’Univers israélite, comme Le Monte-Cristo et Le Voleur illustré115 qui glosent à plaisir sur cette « mer humaine », montrent autour de la tombe la foule des anonymes se mêlant à l’élite des lettres et du théâtre, dans cette manière de communitas symbolique et temporaire dont Louis Marin a montré toutes les vertus cohésives116. Cette unité, qui répondait de manière exemplaire au souhait de Napoléon III de dépolitiser la vie artistique, et l’écho qu’en répercute la presse témoignent de l’importance nouvelle du consensus culturel auquel la IIIe République, héritière en cela du Second Empire, allait donner toute sa dimension politique. L’identification de Rachel à la Tragédie – quel que fût l’avenir dont on la créditait – consacrait de surcroît le rayonnement culturel de Paris, avec lequel, en dépit de ses nombreuses tournées à l’étranger, la tragédienne semblait entretenir un lien consubstantiel. L’Illustration allait même jusqu’à lui prêter cet aveu révélateur: « Le mal dont je meurs, c’est le mal de Paris ». Le Pays extrapolait de son côté en constatant « que Paris […] a la vanité sainte des richesses intellectuelles dont il est le dépositaire. » Et les journalistes insistaient volontiers sur l’idée que la célébration solennelle des obsèques revenait de droit aux Parisiens117. S’y fait jour l’idée que l’enterrement des célébrités appartient au public et que « le spectacle de la mort est assimilé à un droit collectif 118 », comme l’a montré E. Fureix. Gozlan ne dit pas autre chose quand il écrit dans Le Pays : « L’amour-propre d’un pays se complaît dans ces apothéoses où il se croit, lui aussi, un peu dieu, puisque c’est lui qui a taillé le dieu et l’a posé sur le socle119 ».

Il est probable même que, dans le cas de Rachel, cette « vertu sociale du cadavre », pour reprendre la formule de Barrès, s’enracinait encore plus loin dans la mémoire collective. Car ces obsèques auxquelles la presse donne la dimension d’un deuil national – la formule apparaît dans le Courrier de Paris120– renvoient par leur caractère à la fois spectaculaire et consensuel à un imaginaire politique plus ancien, précisément identifié par Pitre-Chevalier lorsqu’il écrit dans les Lectures du soir : « les obsèques de Rachel ont eu l’éclat d’un convoi royal121». Le rapprochement jouait sans doute sur le souvenir de ses grands rôles et sur l’ambivalence de sa royauté tragique, mais Rachel avait de fait bénéficié, dans son appartement de la place des Vosges, du même privilège d’exposition du corps qui était sous l’Ancien Régime prérogative des souverains. De Belloy dans le Courrier de Paris soulignait du reste le caractère paradoxal de cette royauté :

Rachel a exercé la royauté la plus personnelle, la plus absolue, la plus capricieuse et la plus adulée qui se soit vue jamais, et cela au milieu de la nation la plus populaire dans le monde et la moins inclinée au respect122.

D’autres commentateurs proposèrent un parallèle plus modeste avec Jeanne d’Arc, suggéré sans doute lui aussi par le rôle qu’elle avait tenu dans la pièce d’Alexandre Soumet123, mais pareillement révélateur de cette forme de communion enracinée dans l’histoire collective, que révèlent à la fois l’événement et le discours qu’il produit. Comme le souligne l’heureuse formule de L’Illustration « chacun veut relire une légende déjà connue, et qui se trouve avoir été écrite un peu par tout le monde124. »

Rachel était-elle pour autant « passée monument125 » comme l’affirmait Léon Gozlan dans Le Pays ? Pour spectaculaires qu’aient été le consensus autour de sa mort et la consécration de son image, ils allaient s’avérer éphémères. Non seulement l’attentat d’Orsini devait le 14 janvier lui voler la vedette, mais son image même n’allait pas tarder à pâlir, en dépit des efforts de sa sœur Sarah pour entretenir la ferveur du souvenir. Du déploiement médiatique qu’on vient d’observer, ne devaient survivre que les textes qui allaient bénéficier du support durable du livre. Et si l’on excepte quelques plaquettes de circonstance126, seuls deux articles étaient promis à la réimpression, l’hommage de Jules Janin, qui, en décembre 1858, allait être intégré au luxueux volume127 illustré de photos de La Blanchère que le journaliste consacra à Rachel, et le feuilleton de Gautier, qui entra dans l’anthologie des Portraits contemporains, sans démentir pourtant la prophétie de l’auteur : Rachel, comme « toutes les pauvres belles comédiennes », devait descendre tout entière au tombeau, et trente ans plus tard Houssaye pouvait sereinement écrire : « Rachel s’appelle aujourd’hui Sarah Bernhardt128 ». Sans doute lui avait-il manqué le secours de l’enregistrement sonore pour préserver la mémoire de son jeu, car aussi expressives que soient les photos de Nadar ou de La Blanchère, elles ne pouvaient éterniser que la pose ou le geste. Trop exclusivement tributaire du précaire témoignage journalistique, le génie de Rachel allait rapidement s’effacer de la mémoire collective, en dépit des enjeux qu’on a vus s’exprimer dans les diverses variations du discours nécrologique. Gautier s’étonne plus d’une fois dans ses feuilletons de la configuration qui dessine entre presse et scène une collusion de l’éphémère, impuissante à inscrire dans une logique mémorielle le talent des comédiens. La notice nécrologique représente de ce point de vue, à l’interface de l’éloge et de la critique, une manière de point d’orgue. L’exemple particulièrement spectaculaire de Rachel montre toute l’étendue de son registre, de la solennité des grands quotidiens aux anecdotes et aux indiscrétions de la petite presse, et il inaugure à bien des égards la « starisation » telle que nous la connaissons aujourd’hui, dans sa fulgurance mais aussi dans sa fragilité. L’image de la comédienne s’en trouve tout à la fois simplifiée et consacrée par une nouvelle hagiographie laïque et consensuelle, sans doute plus révélatrice de l’« impensé affectif129 » de la France du XIXe siècle que de la nature profonde d’un talent artistique. Mais pour qu’elle devienne le gage d’une durable célébrité, il faut attendre que le discours journalistique soit relayé par l’enregistrement. La nécrologie telle que l’invente la presse du XIXe siècle reste un genre fondamentalement hybride, qui parle du monde des « vivants130 » plus qu’il ne participe de la célébration des morts.

(Yale University – CERR, Université de Picardie)

Notes

1  Cimetière du Père-Lachaise, division 7. Il fut élevé, à l’initiative de son frère Raphaël Félix, sur les plans de l’architecte Lemoine-Benoît ; les sculptures sont l’œuvre du sculpteur Chevret.

2  Théophile Gautier, « Mademoiselle Rachel », Le Moniteur universel, 11 janvier 1858. Le texte fut partiellement repris dans Portraits contemporains, Paris, Charpentier, 1874.

3  Voir le catalogue de l’exposition Rachel, une vie pour le théâtre, Paris, Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, 2004, auquel nous renvoyons également pour la bibliographie relative à Rachel.

4  Gautier, art. cit.

5  Le Constitutionnel, 11 janvier 1858.

6  Le National, 13 janvier 1858.

7  Jules Janin, Rachel et la tragédie, Paris, Amyot, 1859, p. 519.

8  Georges d’Heylli (pseudonyme d’Edmond Poinsot), Rachel d’après sa correspondance, Paris, Librairie des Bibliophiles, 1882, p. 258, n. 1.

9  L’Illustration, 16 janvier 1858, n. 777, vol. XXXI, p. 35. L’article est signé Philippe Busoni.

10  Courrier de Paris, 12 janvier 1858. 

11  Gazette de Paris, 10 janvier 1858. L’article est signé Th. Pelloquet.

12  Voir les numéros des 6, 7, 8 et 10 janvier.

13  Voir par exemple l’annonce du Monde illustré, 9 janvier 1858.

14  C’est le cas notamment des Lectures du soir, de L’Univers israélite et des Archives israélites, qui étaient mensuels.

15  Voir par exemple le discours de Jules Janin reproduit dans le Monte-Cristo du 14 janvier.

16  Le Moniteur universel, 11 janvier 1858.

17  Le Siècle, 7 janvier 1858. L’article est signé de Biéville.

18  « Causerie », La Mode nouvelle, 11 janvier 1858, p. 91. L’article est signé H. de Pène.

19  Le Constitutionnel, 11 janvier 1858.

20  Gazette de France, id.

21  Jean-Claude Bonnet, « Les Morts illustres », dans Les lieux de mémoire, dir. Pierre Nora, Paris, Gallimard, 1984-1992, t. II, vol. 3, p. 237.

22  Le Pays, 11 janvier 1858.

23 Gazette de France, 11 janvier 1858.

24  Voir Marilyn Johnson, The Dead Beat, New York, Harper Collins, 2006, Bridget Fowler, The Obituary as collective memory, New York et Londres, Routledge, 2007.

25  Lettre du 5 mars 1851, citée par d’Heylli (op. cit., p. 83). La remarque s’applique au publiciste Jean-Toussaint Merle.

26  L’Univers israélite, février 1858, 13e année, n. 6, p. 257 ; l’article est signé Prosper Lunel.

27  Ibid., p. 259.

28  Isidore Cahen, « Rachel », Archives israélites, t. XIX, février 1858, p. 63.

29  Ibid., p. 64.

30  Ibid.

31  Le Moniteur universel, art. cit. Voir également Sylvie Vielledent, « Théophile Gautier critique de Rachel », Bulletin de la Société Théophile Gautier, n° 24, 2004, p. 213-226.

32  Journal des Débats, 11 janvier 1858.

33  Voir Francis Haskell, « Les maîtres anciens dans la peinture française du XIXe siècle », De l’art et du goût jadis et naguère, Paris, Gallimard, 1987, p. 196-249.

34  Pour le catalogue de ces portraits et leur localisation, voir Judith Wechsler, « Images de Rachel », in Rachel, une vie pour le théâtre, p. 11-24.

35  Le Monde illustré, 16 janvier 1858.

36  Lectures du soir, février 1838, p. 36. L’article est signé Pitre-Chevallier.

37  Le Constitutionnel, 11 janvier 1858.

38  Journal des Débats, id.

39  Le Constitutionnel, id.

40  Le Moniteur universel, id.

41  L’Illustration, 16 janvier 1858.

42  Gazette de France, 11 janvier 1858.

43  Le Pays, 11 janvier 1858.

44  Gazette de Paris, 10 janvier 1858. L’article signé Philibert Audebrand.

45  Archives israélites, art. cit., p. 68.

46  Bibliothèque de la Comédie-Française, dossier Rachel.

47  Les Archives de la Comédie-Française conservent un de ces fragments, sur lequel le destinataire initial de la lettre a ajouté la date de la mort de Rachel.

48  Sa sœur Sarah aménagea un petit musée avenue de l’Impératrice; la villa Sardou au Cannet resta jusqu’en 1958, une sorte de mémorial de Rachel ; la création en 1913 de Rachel, tragédienne de Gustave Grillet s’accompagna d’un « musée de la pièce » au foyer de l’Odéon ; et plus récemment la loge de Rachel a fait l’objet d’une reconstitution à la Comédie-Française.

49  L’Illustration, 16 janvier 1858.

50  La Lanterne magique, n° 40, 30 janvier 1858

51  Courrier de Paris du 11 janvier 1858.

52  Ibid., 10 janvier 1858.

53  Ibid., 10 et 11 janvier 1858.

54  L’Illustration, 16 janvier 1858.

55  D’Heylli, op. cit., cf. Préface : p. IV.

56  Edmond et Jules de Goncourt, Journal, éd. R. Ricatte, Monaco, Imprimerie nationale, 1956-58, t. II, p. 194.

57  Publicité parue dans L’Avant-scène, 8 janvier 1858.

58  Voir le numéro du 16 janvier 1858.

59  Voir Le National, 9 janvier 1858.

60  Le Monde illustré, 9 janvier 1858. Aucune biographie signée Lecomte ne semble correspondre à l’annonce.

61  Peu après la mort de Rachel, une lettre de son secrétaire  avait, à ce propos, prié Charles Edmond d’assister à une réunion de la famille Félix (Vente d’autographes, Paris, hôtel Drouot, 9 décembre 1975, n. 265).

62  L’Univers israélite, p. 246-247.

63  Voir Le Pays, 11 janvier 1858.

64  Voir notamment Le National, 12 janvier 1858.

65  Le Pays, 11 janvier 1858.

66  L’Illustration, 16 janvier 1858.

67  Courrier des théâtres, p. 128.

68  Voir E. Masseras, « Le dernier chapitre de la vie de Mademoiselle Rachel », Revue de France, t. XX, novembre 1876.

69  Du 12 au 29 avril ; elle rapporta 320 266 F.

70  Voir Memoirs of Rachel, by Madame de B., Londres, Hurst and Black Publishers, 1858, t. II, p. iv.

71  Cette lettre, absente de la Correspondance générale de Théophile Gautier, a été publiée par Marie-Madeleine Aubrun in Catalogue raisonné de l’œuvre de Lehmann, Paris, Association des amis d’H. Lehmann, 1984.

72  Cette eau-forte d’après le dessin de Lehmann (1842), hors commerce, avait été très peu diffusée. Un exemplaire est conservé au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme.

73  L’Artiste, 16e livraison, 18 avril 1858, p. 253-257.

74  « Toutes les hardes de la morte, hardes de femme, hardes de reine […] toutes les reliques de ce corps, tous les costumes de cette gloire accrochés en grappes comme aux murs d’une morgue, avec un aspect d’enveloppes fantomatiques, vêtements d’un rêve immobilisé et morts au premier rayon du jour […] Voilà ce que laisse Rachel », Journal, op. cit., t. II, p. 215.

75  L’Univers israélite, art. cit., p. 246 et 248.

76 Ibid., p. 248.

77 Archives israélites, art. cit., p. 68. Voir par exemple l’annonce de sa conversion dans Le Siècle, 5 décembre 1846.

78  Dans une lettre publiée le 5 janvier 1858 dans Terre promise, revue niçoise dont Alphonse Karr était le rédacteur.

79  Lettre datée du 6 janvier 1858, publiée entre autres à la fin de l’article de L’Univers israélite.

80  Philibert Audebrand, Gazette de Paris, 10 janvier 1858.

81  Le National, 9 janvier 1858.

82  Voir la « vue de la Villa Sardou, au Cannet près de Cannes, résidence de Mlle Rachel, d’après une photographie de M. Contini » in Le Monde illustré, 14 novembre 1857 et Le Voleur illustré, n° 64, 22 janvier 1858, p. 177.

83  La Mode nouvelle, 11 janvier 1858.

84  Courrier de Paris, 10 janvier 1858 ; on trouve la même rumeur dans Le National du 12 janvier 1858.

85  Dr. Tampier, Les Dernières heures de Rachel, Paris, chez Labé, 1858 et au bureau du Moniteur des hôpitaux, 1858.

86  Voir le catalogue de l’exposition Le Dernier portrait, Paris, musée d’Orsay, 2002.

87  Musée de la Comédie-Française, où l’œuvre est répertoriée comme une aquarelle. Mais le jugement du procès mentionne un dessin au crayon et la littérature critique parle de lavis ou de fusain.

88  Article « Mort » de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.

89  L’homme devant la mort, Paris, Seuil, 1977, p. 403 sqq.

90  Voir Magy Hamache, « Les Juifs dans les arts dramatiques au XIXe siècle », Revue historique, janvier-mars 1995, n. 293, p. 119-133.

91  Voir Anne-Hélène Hoog, « ‘L’enfant du miracle’, ambivalence du discours sur les origines de Rachel et de son génie », in Rachel. Une vie pour le théâtre, p. 71-88.

92  Revue des deux mondes, 15 janvier 1858, t. I, p. 487.

93  Le Pays, 10 janvier 1858.

94  Journal des Débats, 11 janvier 1858.

95  Son différend avec la famille Félix l’ayant tenu éloigné, il n’avait pas participé officiellement aux hommages rendus à Rachel.

96  J.-I. Samson, Lettre à Monsieur Jules Janin, Paris, chez tous les libraires, 1859.

97  L’Illustration, 16 janvier 1858.

98  Le Figaro, 7 janvier 1858.

99  Elle avait créé le rôle dans Adrienne Lecouvreur de Scribe et Legouvé en 1849.

100  Journal des Débats, 11 janvier 1858.

101  A. de Belloy, Courrier de Paris, 12 janvier 1858.

102  L’Illustration, 16 janvier 1858.

103  Ibid.

104  Voir Les saints et les stars, le texte hagiographique dans la culture populaire, éd. J.-C. Schmitt, Paris, Société ethnographique, 1983.

105  Journal des Débats, 11 janvier 1858.

106  Formule de Taverny, « Les derniers jours de Rachel » ; l’article conservé dans le dossier Rachel de la bibliothèque de la Comédie-Française, avait apparemment été publié dans Le Figaro.

107  Voir Rachel, Une vie pour le théâtre, n° 133, p. 123.

108  Emmanuel Fureix, La France des larmes : deuils politiques à l'âge romantique (1814-1840), Seyssel, Champ Vallon, 2009, p. 55.

109  Le Figaro, 4 février 1858.

110  G. d’Heylli, op. cit., p. 251.

111  Delacroix, Journal, éd. A. Joubin, revue par R. Labourdette, Paris, Plon, 1980, p. 705. La datation du 3 janvier est fautive, la nouvelle de la mort de Rachel n’étant arrivée que le 5 à Paris. Gautier avait rendu compte des représentations de Phèdre dans Le Moniteur universel du 23 mars et du 9 juillet 1855.

112  Ibid., p. 710. L’allusion se rapporte vraisemblablement aux lettres publiées dans Le Figaro du 6 janvier (voir supra p. 8).

113  Le Pays, 11 janvier 1858. Prosper Lunel reprend également le parallèle dans L’Univers israélite (février 1858, p. 259).

114  Le National, 13 janvier 1858.

115  « Les feuilletonistes et Mlle Rachel », n. 64, 22 janvier 1858.

116  Louis Marin, dans De la représentation, éd. Daniel Arasse et al., Paris, Gallimard, Le Seuil, 1994, p. 46-61.

117  Voir notamment Le Siècle, 7 janvier 1858.

118  Fureix, La France des larmes, op. cit., p. 64 et p. 43.

119  Le Pays, 11 janvier 1858.

120  Courrier de Paris, 13 janvier 1858.

121  Lectures du soir, février 1858, p. 36.

122  Courrier de Paris, 12 janvier 1858.

123  Jeanne d’Arc, 1846.

124  L’Illustration, 16 janvier 1858.

125  Le Pays, 11 janvier 1858.

126  Voir outre celle du Dr Tampier déjà mentionnée, A. P. Mantel, Rachel, détails inédits, Paris, Adolphe Delahays, 1858 et la Biographie anecdotique de Mlle Rachel, Bruxelles, Librairie internationale, 1858.

127  Jules Janin, Rachel et la tragédie, op. cit. Ces photographies circulèrent aussi sous forme d’album (voir le catalogue de la Librairie du Donjon, conservé dans les archives de la Comédie-Française).

128  Arsène Houssaye, La Comédie française, Paris, L. Baschet, 1880, p. 169.

129  Fureix, La France des larmes, op. cit., p. 169.

130  J.-C. Bonnet, « Les Morts illustres », dans Les Lieux de mémoire, op. cit., t. II, vol. 3, p. 217.

Pour citer ce document

Marie-Hélène Girard, « Tombeau de Rachel », Presse et scène au XIXe siècle, sous la direction de Olivier Bara et Marie-Ève Thérenty Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/presse-et-scene-au-xixe-siecle/tombeau-de-rachel