Presse, prostitution, bas-fonds (1830-1930)

De Daumier à Steinlen : les constructions visuelles de la prostitution

Table des matières

PHILIPPE KAENEL

Une femme sans nom

Daumier et Steinlen sont deux figures centrales de la culture visuelle du XIXe siècle, tant du point de vue du volume de leur production que de l’extension technique et médiatique de leur œuvre. Le second n’a cessé de citer et de rendre hommage à son illustre prédécesseur qui fait depuis peu figure de légende républicaine1. Tous deux ont été dessinateurs, illustrateurs, graveurs, peintres, sculpteurs et surtout ont marqué l’univers de la presse illustrée. De fait, leur œuvre satirique et journalistique se voit systématiquement convoqué lorsqu’il s’agit d’imaginer l’histoire du XIXe siècle. Non seulement, Daumier et Steinlen ont rendu compte de l’évolution de la société française, essentiellement parisienne, mais encore ils ont contribué à sa construction visuelle, à la fabrication de types et de stéréotypes.

L’univers de « bas-fonds » – et en particulier le monde la prostitution – s’est radicalement transformés entre la Monarchie de Juillet et la Troisième République, tant dans sa structure que dans ses représentations. Sous la Monarchie de Juillet, le thème est peu traité, notamment dans les arts graphiques. La prostituée ne se montre pas, ne se nomme pas, à l’exemple du chapitre qui lui est consacré dans cette encyclopédie visuelle sociale que sont Les Français peints par eux-mêmes, parue dès 1840. Ainsi lit-on dans le chapitre intitulé – significativement – « La femme sans nom » du premier volume, rédigé par le journaliste Taxile Delord :

Quel nom, en effet, lui donner, à ce type si fécond et si misérable, si poétique et si abject, si moral et si repoussant ; énigme vivante que n’ont pu éclairer ni les richesses de la science, ni les dévouements de la charité, ni les efforts de l’intelligence ? Pendant bien longtemps encore cette femme, dans laquelle viennent se résumer tous les dévouements et toutes les bassesses, toutes les délicatesses de la passion et toutes les corruptions de l’âme, se dérobera à la triple investigation de la science, de la religion et de la morale ; elle demeurera toujours comme un des plus grands mystères du cœur humain et des nécessités sociales.

Le meilleur moyen de la faire connaître, cette femme, c’est de ne pas la nommer, tant est grand le dégoût qu’elle soulève alors que l’on parle seulement d’elle ; et cependant combien de motifs devraient nous conseiller l’indulgence à son égard ! combien de gens la repoussent aujourd’hui, la malheureuse, après avoir été les complices de sa chute première, et les instruments de sa dégradation progressive ! Disons donc quelques mots de la femme sans nom ; aussi bien a-t-elle une trop grande part d’influence dans la société moderne pour échapper à cette galerie, qui a la prétention de réfléchir l’époque actuelle dans son ensemble et dans tous ses détails2.

La femme en question fait l’objet de deux illustrations en pleine page par Gavarni, dont la première fonctionne comme frontispice. Placée à gauche, la gravure sur bois liminaire présente un portrait en pied qui définit son type, tandis que sur la page de droite la figure d’une tête d’homme ricanant (le souteneur ou le client) lui fait face, complétée par un décor urbain obscur, image du bas-fond, éclairé par une lanterne indiquant le numéro 14, l’entrée d’une maison close. Vêtue de manière coquette, à la mode de la Monarchie de juillet, rien ne semble singulariser l’urbanité de cette femme sinon quelques signes furtifs : les épaules dénudées et non recouvertes d’un châle, le petit pied dans une fine chaussure qui pointe en avant, les bras croisés dans une posture d’attente, et surtout le regard frontal et de coin, qui une génération plus tard produira les effets provocateurs que l’on sait dans les toiles d’Edouard Manet. Gavarni reprendra d’ailleurs le même type dans le tome second de La Grande Ville. Nouveau tableau de Paris comique, critique et philosophique, par MM. Paul de Kock, Balzac… (Paris, Marescq, 1844) et dans cette autre encyclopédie illustrée remarquable qu’est Le Diable à Paris, paru chez Hetzel en 1846.

Cette posture, ces gestes sont loin d’être univoques et propres au type de la prostituée. Isolément, ils prendraient d’autres significations. L’identification du type est surtout le fait du texte qui classe le personnage en pied suivant la mode contemporaine des physiologies3, ces petits fascicules consacrés aux types sociaux, ce genre littéraire auquel Balzac donne au même moment ses lettres de noblesse avec La Comédie humaine, elle-même fondée, on le sait, sur le modèle de la classification naturaliste selon Linné et Buffon, très en vogue sous la Monarchie de Juillet.

Une tache aveugle (de Daumier à Degas)

Le texte exerce une influence décisive sur la perception du « discours visuel » tenu par l’illustrateur. Pour reprendre l’expression de Roland Barthes, les textes associés aux images exercent soit une fonction de relai (ouvrant la signification, la complémentant), soit un pouvoir d’ancrage dont le rôle est de neutraliser la polysémie iconique :

La polysémie produit une interrogation sur le sens ; or cette interrogation apparaît toujours comme une dysfonction […]. Aussi se développent dans toute société des techniques diverses destinées à fixer la chaîne flottante des signifiés, de façon à combattre la terreur des signes incertains : le message linguistique est l’un de ces techniques […] par rapport à la liberté des signifiés de l’image, le texte a une valeur répressive, et l’on comprend que ce soit à son niveau que s’investissent surtout la morale et l’idéologie d’une société.

Les représentations de la prostituée, femme sans nom, figure insaisissable et mystérieuse et pourtant au cœur du panorama social, comme sa tache aveugle, se trouvent ainsi corsetées par le commentaire, et leur ambiguïté typologique se voit neutralisée par le récit fictionnel et exemplaire qui les cadre et les classe.

Contemporain de Gavarni, l’œuvre foisonnant de Daumier ne montre presqu’aucune prostituée au sens « propre » du terme. Si l’on excepte les grisettes, les lorettes, les femmes adultères et les métiers à risque sur ce plan (comme celui d’actrice, de danseuse, de serveuse ou de femme de chambre), une seule lithographie qui a connu plusieurs états et, apparemment, deux versions peintes, renvoie à cette iconographie. L’œuvre en question montre une vieille femme bedonnante sur un pas de porte, qui regarde le lecteur-spectateur et s’adresse à lui par l’intermédiaire de la légende. Elle est une portière dans la nouvelle mouture du journal La Caricature (1838-1843), le 26 décembre 1841, puis, six mois plus tard, elle devient une « Marcheuse » dans la série « Les Bohémiens de Paris », publiée par Le Charivari, entre le septembre 1840 et avril 1842, avant de se transformer en une garde-malade dans ce même journal. En l’absence d’épreuves annotées, il est impossible de déterminer si la légende est de l’artiste ou d’un plumitif engagé par le journal – hypothèse la plus vraisemblable. Mais l’exemple de la marcheuse, portière ou garde-malade souligne tant le rôle déterminant des légendes que la polyvalence et l’instabilité de typologies pourtant clairement établies par Alexandre Parent-Duchâtelet dans De la prostitution dans la ville de Paris […]. Ceci dès 1836. Cet ouvrage fondateur s’apparente « à la physiologie et à l’histoire naturelle de l’homme ». Dans le chapitre intitulé « Différentes classes qu’il faut établir dans la population des prostituées », l’auteur liste « les proxénètes, les marcheuses, les filles à soldats ou des barrières, les pierreuses ou femmes de terrain, les filles publiques voleuses, enfin les dames où maîtresses de maison». Le type illustré (potentiellement) par Daumier dans Le Charivari en 1842 est décrit comme suit :

On entend par marcheuses des femmes surannées qui, ne pouvant plus faire leur métier, s’établissent dans les lieux de débauche, et y favorisent encore la prostitution […]. Non seulement elles restent à la porte, mais elles ont encore pour fonction de donner le bras aux plus jeunes […]4.

Parent-Duchâtelet a non seulement enquêté sur une réalité sociale, mais encore son ouvrage a connu un succès immédiat qui a contribué à façonner la perception contemporaine de la prostitution5. Peut-être la portière de Daumier rebaptisée en « marcheuse » est-elle l’indice de la réception de cet ouvrage.

Parent-Duchâtelet constate que cette population est très hiérarchisée et que les prostituées ont un sens aigu de la distinction. L’auteur reconnaît toutefois que certains types apparaissent multiformes et plutôt insaisissables. À l’instar des proxénètes : « On peut dire que ces femmes se trouvent partout, qu’elles ne sont nulle part : elles existent sous l’appareil du luxe le plus somptueux et sous les haillons de la misère, elles prennent mille formes, et trouvent presque toujours le moyen de se dérober à l’investigation de la police6 ». D’autres comme les filles à soldats « ne diffèrent pas des ouvrières de la classe la plus subalterne avec laquelle elles se confondent facilement7 ». Seul la tendance à un embonpoint remarquable (causé par trop de bain, une nourriture trop riche, des d’exercices insuffisants...) paraît être leur point commun avec la raucité de la voix, résultant de l’abus d’alcool et des refroidissements.

Or, selon un principe dynamique analogue à celui qui fonde la philosophie sociale dans La Comédie humaine balzacienne, cette population se redistribue et évolue : « ainsi on voit de très jolies filles débuter et vieillir dans les lieux les plus infâmes ; chacun de ces lieux étant fréquentés par une classe particulière, elles y contractent des habitudes, un ton et des manières qui font que la fille destinée à l’artisan, au manœuvre ou au maçon, se trouve déplacée avec l’officier, et n’a plus ce qu’il faut pour plaire à ce dernier. Il en est de même pour celle qui a contracté l’habitude de vivre avec les classes instruites et bien élevées de la société, elle répugne de se trouver avec des gens grossiers qui ne peuvent eux-mêmes apprécier les qualités qui la distinguent8 ». Ce qui qualifie en définitive les prostituées aux yeux de Parent-Duchâtelet, c’est leur capacité d’ajustement ou, plus exactement, leur mimétisme.

Les classements et autres nomenclatures ne sont évidemment pas neutres, surtout en relation avec un phénomène comme la prostitution, pluriel, ambigu, public, mimétique, qui suscite une inquiétude psychologique, sociale et politique qui va s’amplifiant avec l’essor du marché du sexe et sa restructuration sous le Second Empire et la Troisième République. De nombreux auteurs ont souligné les effets produits par l’hausmannisation de Paris : la diminution du nombre de maisons de tolérance, la diffusion de la prostitution dans la rue, sur les boulevards (le « ruban » dans l’argot professionnel) et son déplacement dans des quartiers plus périphériques comme à Montmartre. La présence renforcée et incontournable des filles de joie dans les rue de Paris a intensifié le malaise résultant de l’indistinction entre les bourgeoises dites « honnêtes » et les autres. Grande dame ou petite dame ?, interroge le dessinateur Auguste Andrieux dans Le Charivari en 1865 ; cocotte ou femme du monde ?, se demande Tricoche dans Le Monde comique de 1875-1876 et La Vie amusante de 1878-18799… Comme le relève Hollis Clayson10, les règlements de police ont contribué à entretenir de telles confusions en exigeant que les « filles isolées » et les « filles en carte » ne portent aucune marque extérieure distinctive de leur profession afin de ne pas offenser les mœurs publiques.

Il ne saurait être question de refaire ici cette histoire et d’en retracer l’iconographie. Toutefois, pour comprendre l’œuvre graphique de Steinlen, il est nécessaire de rappeler à quel point les espaces sociaux, les thèmes et les médias se répondent. Les scandales artistiques qui se multiplient sous le Second Empire et la Troisième République résultent le plus souvent du brouillage évoqué plus haut. Scandale lorsque Manet expose au Salon de 1863 une demi-mondaine nue notoire, allongée sur un lit, qui regarde le spectateur comme un client, tandis que son chat noir se hérisse et dresse la queue (en 1880, les réactions seront encore vives face à certaines œuvres de son exposition qui se tient à la galerie du journal La Vie moderne). Scandale encore lorsqu’Henri Gervex expose au Salon une grande toile figurant un courtisane nue, voluptueusement étendue sur le lit que vient de quitter son amant, le Rolladu poème éponyme d’Afred de Musset, sur le point de se suicider.

De telles œuvres, jugées indignes de la peinture de genre et du portrait (malgré l’hommage explicite de Manet à la grande peinture, aux nudités de Titien ou Vélasquez) auraient sans doute été tolérées, en noir et blanc, dans un format réduit, et cachées dans le pli de livres illustrés. C’est en tout cas dans ses cartables que Degas conserve ses scènes de bordel : il ne les expose pas, ne les montre pas si ce n’est à quelques proches. Ce corpus privé (à la différence des œuvres de Manet ou Gervex) rompt avec les canons du nu féminin. Il est pour l’essentiel constitué de monotypes exécutés vers la fin des années 1870 : une technique singulière, à mi-chemin entre le dessin et la gravure, qui consiste à reporter sur une feuille de papier un croquis exécuté à l’encre grasse, ceci à un ou deux exemplaires. Cette pratique de la reproduction est diamétralement opposée à la gravure industrielle qui caractérise alors la presse illustrée. L’œuvre de Degas se situe toutefois dans la continuité du regard physiologique porté sur la prostitution depuis la Monarchie de Juillet. Cette portée physiognomonique et presque anthropologique est apparente dans d’autres œuvres contemporaines de l’artiste comme la Petite danseuse de 14 ans, exposée en 1881 avec les portraits de trois criminels, Paul Kirail, Émile Abadie et Michel Knobloch, croqués en Cour d’assise, et presque caricaturés11. Le critique Élie de Mont commente la sculpture de Degas en déclarant que « plus petite, on serait tenté de la renfermer dans un bocal à vin12 », tandis que son collègue Henry Trianon relève que « dans les bas-fonds des écoles de danse, il est de pauvres filles qui ressemblent à ce jeune monstre […] à quoi ces choses‑là sont-elles bonnes dans l’ordre de la statuaire? Mettez-les dans un musée de zoologie, d’anthropologie, de physiologie, à la bonne heure13 ». De toute évidence, l’artiste et son public mettent en œuvre un ensemble de préconceptions racialistes et sociales, une physiognomonie sociale qui se trouve également au cœur du projet de la Nouvelle peinture, le texte programmatique d’Edmond Duranty qui note à l’occasion de la seconde exposition impressionniste en 1876 : « Avec un dos nous voulons que se révèlent un tempérament, un âge, un état social; par une paire de mains, nous devons exprimer un magistrat ou un commerçant; par un geste, toute une suite de sentiments. La physionomie nous dira à coup sûr celui-ci est un homme rangé, sec et méticuleux, et que celui-là est l’insouciance et le désordre même14 ».

Steinlen à Montmartre

La redistribution de la prostitution dans les cafés et les cabarets parisiens qui se multiplient dans le dernier tiers du siècle a favorisé son rapprochement avec le monde artistique. C’est dans cet univers que débarque l’artiste suisse Théophile‑Alexandre Steinlen (1859-1923) durant l’hiver 1881. « Dès les premiers jours », se souvient l’artiste vingt ans plus tard, « je fus séduit par ce monde de la rue, ouvriers et trottins, blanchisseuses et miséreux, pierreuses et escarpes15 ». A Montmartre, Steinlen fait rapidement la connaissance de l'équipe du premier cabaret le Chat Noir. Dans les années qui suivent, il devient l'une des figures majeures de la presse illustrée, à travers ses contributions au Chat noir (1882‑1896), au Mirliton (1885‑1896), au Courrier français (1884‑1914), à L’Echo de Paris (1862‑1897), à La Caricature (1880‑1904), au Figaro illustré (1883‑1911), à La Revue illustrée (1885‑1912), à La Plume (1889‑1914), au Gil Blas illustré (1891‑1903), au Chambard socialiste (1893‑1895), au Rire (1894‑1908), aux Temps nouveaux (1895‑1921), à L’Image (1896‑1897), à La Feuille de Zo d’Axa (1897‑1899), au Cocorico (1898‑1902), à L’Assiette au beurre (1901‑1912) ou au Canard sauvage (1903). Dans ces divers organes, c’est par dizaines que l’on dénombre ses œuvres ayant trait au phénomène de la prostitution, souvent saisi sur le vif dans des carnets de croquis. Steinlen réalise un grand nombre d’esquisses, de dessins finis, de gravures à l’eau-forte et même de monotypes. Comme Degas, c’est dans ces techniques de diffusion limitée qu’il aborde le nu féminin érotique, grivois, de toute évidence associé aux maisons closes : une vision qui diffère radicalement des illustrations qu’il publie dans la presse au même moment.

Lorsque le journaliste Adolphe Brisson rend visite au dessinateur en 1898, il l’interroge sur la situation de la femme ouvrière. Steinlen lui tient alors un discours digne d'un roman de Zola, qui désigne avec précision les mécanismes de la déchéance sociale et morale :

Vous rendez-vous compte de la condition où sont réduites ces malheureuses? Elles naissent de parents trop pauvres pour qu’ils aient le loisir de s’occuper d’elles. Le père travaille, et, quand il a fini de travailler, il boit. La mère est accablée de tourments et de besogne. L’enfant pousse au hasard, sans surveillance, sans direction. Elle grandit dans la promiscuité des chambres trop étroites, et des maisons trop nombreuses. A huit ans elle a perdu son duvet, à douze ans toutes ses curiosités sont assouvies; à quatorze ans elle est femme et sa coquetterie s’éveille […]. La religion? Elles n’en ont plus. La morale? Elles l’ignorent. Leur bible, ce sont les feuilletons qui leur faussent le jugement, ou les contes libertins qui les dépravent… Avec ça, pas un sou à la maison. Comment voulez-vous qu’elles résistent à la tentation? 

— Vos parents, lui dis-je, souhaitaient faire de vous un pasteur. Eh mais! Il me semble que vous ne prêchez pas mal!

Il demeure un moment silencieux

— A quoi bon prêcher? Il faut agir. Le monde ne va pas ainsi qu'il devrait aller...

On comprend que l’artiste se soit montré sensible au discours militant d’un Dubut de Laforest, auteur de La Traite des Blanches, un roman déféré en justice pour outrage aux mœurs. Steinlen exécute l’affiche promouvant l’ouvrage, affiche qui sera à son tour censurée. Jean-Louis Dubut de Laforest est un juriste, avocat et rédacteur du quotidien L’Avenir de la Dordogne, avant de se consacrer à la littérature et notamment de signer des chroniques dans le Figaro sous le nom de Jean Tolbiac. Fréquentant les milieux naturalistes, il se déclare « chirurgien des mœurs » et ajoute : « Il y a en moi deux écrivains – je dirais presque un savant […] et un auteur populaire16 ». Il est d’ailleurs en relation avec les docteur Jean-Martin Charcot, Cesare Lombroso, ainsi qu’avec avec Léon-Gambetta, Raymond Poincaré (qui le défend lors de son procès et obtient un non-lieu suivi d’un acquittement) ou encore Alexandre Dumas. La Traite des Blanches : mœurs contemporaines paraît en feuilleton dans Le Journal. L’écrivain et le gérant du journal sont alors convoqués à la neuvième Chambre du parquet de la Seine17. La défense de l’auteur est d’ailleurs imprimée en avant-propos de l’édition du roman en 1900. Il s’y présente drapé de la dignité de sa profession d’origine, mais aussi sous les traits d’un enquêteur et d’un moralisateur dont l’objectif est de dénoncer le scandale. Il Ainsi déclare-t-il : 

Messieurs, je ne suis pas une peintre en miniatures, mais un peintre de fresque […] un peintre à la manière de Léandre, le dessinateur du Rire, qui inaugurait jadis au Chat noir, en illustrant – La Fronde le rappelait l’autre jour – une de mes nouvelles ; de ce Léandre dont les images sont extraordinairement caricaturales ; de ce Léandre qui a le génie du grossissement et de la déformation, dans le viol pardonné des lois anatomiques18.

Ce viol graphique « pardonné », Steinlen le pratique moins intensément que son collègue Charles Léandre (1862-1934). Dans son affiche commandée par Le Journal, le dessinateur montmartrois force sensiblement les traits dans une mise en page très étudiée, avec un sens de l’équilibre touchant aux relations entre texte et image, et un usage raisonné de la symbolique chromatique. Dans une esquisse préparatoire, Steinlen met en place les acteurs du récit en une série de postures en partie reprises dans l’affiche. Celle-ci montre le souteneur, Ovide Trimardon, main dans les poches, vêtu d’un blanc immaculé aussi provocateur qu’oxymorique, une blancheur contredite par sa cravate rouge sang. Il semble ignorer les trois femmes à sa gauche : une prostituée révoltée au centre, une autre qui offre sa poitrine au spectateur, tandis qu’au premier plan, dans un espace quelque peu distinct, une veuve vêtue de noir s’effondre sur un sofa rouge sur lequel se détache le texte en réserve. L’affiche fonctionne comme un « tableau » extrait d’une pièce de théâtre naturaliste. Cette dimension scénique est d’ailleurs inscrite dans le récit de Dubut de Laforest, lorsqu’Ernest Lampier, seize ans, dit le Beau-Nénesse, figurant au théâtre des Batignolles et qui loge chez son ami Eugène, portier au Moulin-Rouge, décide d’initier leur compagne de quatorze ans, dite La Vrille, au racolage.

Si vous voulez, les aminches, nous allons faire une répétition générale, comme pour les pièces de théâtre ? […] Alors, le figurant au théâtre des Batignolles exposa :

Moi, je jouerai le rôle du client qui se balade ; toi, Eugène, tu feras celui qui attend chez le mannezingue… Et toi, la gosse, tu vas truquer…

— C’est ça qui va être rigolo !... Eh bien, mon colon, f…-toi-z’y à te balader ; tu vas voir comme j’allume !

En d’autres termes, un portier du Moulin-Rouge et un figurant des Batignolles et leur amie montent en chambre un petit théâtre de la prostitution.

Dans le discours des contemporains, l’assimilation de la rue à un spectacle est un stéréotype journalistique et littéraire que Steinlen met en image. Or, ses œuvres graphiques fonctionnent comme de véritables plateformes interactives de représentations. Elles sont mises en circulation dans l’espace même de la rue, aux devantures des kiosks, avec les « unes » des illustrés, ou encore sous la forme des affiches apposées sur les murs, à l’entrée des lieux de spectacle, et qui font régulièrement la publicité de romans naturalistes dont la scène est la ville. En 1889, dans son ouvrage La Prostitution au point de vue de l’hygiène et de l’administration en France et à l’étranger, le docteur Louis Reuss,constatait ce rôle modélisateur (et corrupteur à ses yeux) des agents de la spectacularisation :

Grâce aux journaux mondains qui s’occupent des toilettes, des attelages, des amants, des raouts et de l’installation des filles, aux pièces de théâtre et aux romans dont beaucoup ont soutenu, avec un incontestable talent, la réhabilitation de la courtisane, il s’est fait dans les mœurs une évolution singulière, à la curiosité évidemment malsaine, qui poussait les honnêtes femmes, au début de cette évolution, vers les courtisanes, mais qui ne les empêchait de garder leur distance, a succédé peu à peu un autre sentiment. Jalouses des filles, leurs frères ou leurs fiancés, elles se sont mises à les imiter, à les copier […]19.

Le regard jeté par Steinlen sur les prostituées reproduit et renouvelle des codes iconographiques et typologiques à partir d’un point de vue singulier : celui d’un artiste qui soigne son image d’artiste bourgeois et travailleur, mais en prise sur les bas-fonds parisiens ; un homme de cabarets, très sensible aux charmes féminins mais conscient des relations de domination et de la misère résultant de la prostitution. Les représentations qu’il en donne oscillent par conséquent entre réprobation, constat et séduction. Ces positions sont résumées par son affiche pour La Traite des Blanches.

Socialiste, de sympathie anarchiste militant essentiellement au moyen de son crayon, Steinlen est sensible au fait que la prostitution est l’une des formes d’exploitation du prolétariat. Par conséquent, il n’est étonnant de trouver dans son œuvre graphique des mises en scène qui politisent cette iconographie en exploitant l’une des techniques les plus prisées de la caricature : la condensation. Par exemple, dans un dessin paru dans Le Chambard socialiste, Steinlen réunit en une même figure la prostituée, la femme du peuple et la république. Hebdomadaire de quatre pages de tendance anarcho-syndicaliste, tiré à environ 20 000 exemplaires20, de format supérieur, Le Chambard socialiste21 met en valeur les illustrations à la une, traitées en quatre couleurs – noir, rouge, bleu et brun, jaune ou gris. Steinlen, qui signe alors sous le pseudonyme de « Petit Pierre » (traduction de son patronyme germanique), y publie trente-deux dessins. La plupart de ses contributions appellent à la révolte contre une République corrompue, qui a renié l’héritage de la Révolution et de la Commune. « — Cache-toi, salope! tu nous fais honte » : telle est la légende d’un dessin titré Celle qui a mal tourné, où la personnification de la République est conspuée par des représentants du peuple pour s’être prostituée avec le capitalisme.

Deux autres œuvres font partie du numéro thématique de L’Assiette au beurre que Steinlen consacre au thème du 14 Juillet, dans l’édition du 11 juillet 1901, première année de cet hebdomadaire illustré, particulièrement corrosif et coûteux. L’artiste y développe les topoï de la corruption de la République par l’Eglise et l’Armée. Ce faisant, il reprend des schémas visuels développés dans le « grand art », de Titien à Manet, en passant par Ingres. Incidemment, Steinlen propose au public des œuvres que l’on peut, à la suite de Gustave Courbet, qualifier d’ « allégorie réelle ». Ce brouillage des catégories visuelles est exercé depuis la Révolution de Juillet 1830, tant par la presse satirique que dans la célèbre peinture d’Eugène Delacroix, la Liberté sur les barricades. On sait à quel point l’œuvre fut jugée ambigüe lors de la présentation au Salon et parfois jugée contraire aux conventions allégoriques22. EricHobsbawna le premier relevé le caractère populaire et sexualisé de cette figure23. Cette double dimension est violemment pris à parti par la critique contemporaine qui rejette « les traits et avec l'attitude d'une femme fort commune », qui voit en elle « une femme qu'il lui eût été difficile de rendre plus hideuse s'il eût voulu peindre la licence » ; « une jeune vivandière » ; « une femme de mauvaise vie » ; « une sale et déhontée femme des rues ; « une femme ignoble », « une courtisane de bas étage » ; « la plus ignoble courtisane des plus sales rues de Paris », une « fille qui a l'air d'une dévergondée », d’ « une pensionnaire de Bicêtre24 ». Cinquante ans plus tard, après l’épisode de la Commune et ses fameuses « pétroleuses » recrutées dans les rangs de la prostitution, l’identité populaire sexualisée de cette « Marianne au combat25 » et l’usage de l’allégorie réelle sont revendiqués par Steinlen qui, dans son œuvre graphique, rend hommage à diverses icônes républicaines, à Delacroix mais encore à Rude dans son relief de l’Arc de Triomphe parisien et bien sûr à Daumier.

La prostitution : un spectacle graphique

La presse illustrée et ses dérivés graphiques, de la Monarchie de Juillet à la Troisième République, de Daumier à Steinlen, entre républicanisme et socialisme, rendent ainsi compte de la nouvelle une visibilité urbaine acquise par la prostitution en l’espace de cinquante ans. Alain Corbin résume ce phénomène en parlant de « ville extravertie et de femme-spectacle26 ». En même temps, ces transformations et ces figurations sont modélisées par divers discours pseudoscientifiques, physiologiques, physiognomonique, anthropologiques, anthropométriques même, qui s’efforcent de construire des typologies sociales claires, sans doute afin de réduire l’angoisse sociale face à l’indistinction entre femmes bourgeoises « honnêtes » et filles publiques, demi‑mondaines, soumises ou insoumises, indistinction qui rend caduc un système réglementariste d’ailleurs de plus en plus contesté. La diversité des incarnations prostitutionnelles, la mobilité, l’omniprésence du phénomène produit des effets conjoints et paradoxaux : alors même que le projet d’une anthropologie visuelle prostitutionnelle semble voué à l’échec, l’affichage de la prostitution dans la rue in corpore ou par les arts graphiques consacre « le primat du visuel dans la sollicitation sexuelle27 ».

Il faut toutefois nuancer ce constat car au même moment s’élabore un type iconographique spécifique de la prostituée, nue et portant des bas, que l’on retrouve dans l’œuvre de Degas, de Forain mais aussi de Steinlen. Il caractérise des scènes de bordel qui, d’un point de vue technique et médiatique (il s’agit principalement de dessins, de pastels, de monotypes confidentiels ou de gravures à l’eau-forte en tirage limité), se situent à l’opposé des usages de la presse illustrée. Cette structure topologique (maison close vs rue), typologique (prostituée nue vs femme habillée) et médiatique (œuvre multiple vs œuvre unique ou rare) est fondée sur une série d’homologies et de polarités. Or, le type iconographique de la femme de bordel, qui se codifie dans les années 1870, n’est à mon sens pas seulement alternatif : il constitue une réaction iconique, principalement graphique, face à la dilution sociale et urbaine de la prostitution et il offre implicitement une manière de désigner et donc de forclore cette dernière des représentations de la féminité. Les légendes accompagnant les dessins publiés dans les illustrés jouent un rôle déterminant analogue. Elles reproduisent le modèle narratif et théâtral de la saynète dont l’expression la plus emblématique se trouve dans la chanson de cabaret, jouée sur scène, mise en image dans la presse, diffusée en partitions, promue par les affiches. Ces légendes remplissent très exactement la fonction idéologique d’ancrage selon Roland Barthes : une façon de « combattre la terreur des signes incertains28 ».

En d’autres termes, la presse illustrée joue un rôle central de relai au sein de la nouvelle économie prostitutionnelle et graphique qui se dessine dans le dernier tiers du XIXe siècle. L’illustration non seulement met en image les chansons, les faits divers, les fictions et les pièces de théâtre qui s’en inspirent, mais encore elle le fait en investissant la rue, les étalages des kiosks, les murs, les palissades et les devantures de salles de spectacle29. La dynamique de la séduction érotique et graphique est résumée par une pleine page du journal de cabaret Le Chat noir, en 1894 : « Voilà le plaisir, messieurs ! » déclare le périodique à ses lecteurs en montrant une femme gantées, enrubannée, marchande d’imprimés cabaretiers, dévoilant sa nudité sous une robe de tulle transparente, précédée de l’éponyme félin.

Avec ses contemporains Willette, Toulouse-Lautrec, Forain, Hermann-Paul, Léandre ou Ibels, Steinlen a contribué de manière sensible à ces échanges et à cette inflation iconographique. En 1897, le critique Hippolyte Fiérens-Gevaert s’empresse de louer « la beauté sociologique de son art ». Il le qualifie d’ailleurs de « Comédiste sincère et ingénieux » et ajoute « il n’a pas seulement rassemblé en groupes pittoresques ses modèles de prédilection; il leur a distribué à chacun un rôle dans les petits drames de sa façon. Et par la vérité expressive des physionomies, il a même réussi à nous renseigner sur la psychologie de ses personnages. Ainsi faisait Jean Steen, ce Molière de la peinture; ainsi fit Daumier, ce merveilleux notateur des ridicules modernes30 ». Dans cette nouvelle économie visuelle, la réalité tend ainsi à se transformer en un spectacle de figures qui paraissent extraites de feuilles périodiques – une promiscuité qui frappe le peintre belge Henri Evenepoel, lorsqu’il s’installe à Paris en 1892 :

J’étais au milieu d’un océan de figures qui, toujours, sollicitaient mon attention. C’est inouï ce que l’on peut s’intéresser à l’observation des physionomies. Devant moi, marchaient des «Forain» […] Puis, tout autour de moi, de temps en temps, un Willette égaré loin de Montmartre […] affalé sur un banc, les épaules tombantes, venu là pour apitoyer quelque âme charitable, un Steinlen regardait d’un air hébété sous sa tignasse échevelée, les gens qui défilaient en masse sombre […]31.

La presse illustrée devient ainsi l’interface principal au sein de cet échangisme des représentations que, Guy Debord, dans un autre contexte appellera La Société du Spectacle en 1967. Le philosophe révolutionnaire y qualifie cette société comme suit : « 4. Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images ». Voici une définition qui qualifie de manière aussi précise que synthétique les relations entre la prostitution et ses constructions visuelles.

(Université de Lausanne)

Annexes

Image1

Image2

Image3

Image4

Image5

Image6

Image7

Image8

Image9

Image10

Image11

Notes

1  Michel Melot, Daumier, l’art et la République, Paris, Les Belles Lettres/Archambaud, 2008.

2  Taxile Delord, « La femme sans nom », Les Français peints par eux-mêmes, tome 1, Paris, Curmer, 1840, p. 245-256.

3  Laurent Baridon, Martial Guédron, Corps et arts. Physiognomonie et physiologies dans les arts visuels, Paris 1999 ; Andrée Lhéritier, Les Physiologies, Paris, Bibliothèque nationale, 1958. Voir également Ségolène Le Men et Luce Abelès Les Français peints par eux-mêmes: panorama social du XIXe siècle, Paris, Réunion des musées nationaux, 1993, ainsi que le site de la Maison de Balzac à Paris :
http://www.v1.paris.fr/musees/Balzac/bibliotheque/physiologies.htm

4  Alexandre Parent-Duchâtelet, De la prostitution dans la ville de Paris au XIXe siècle, texte présenté et annoté par Alain Corbin, Paris, Seuil, 1981 [1836].

5  Alain Corbin, Les Filles de noce. Misère sexuelle et prostitution au XIXe siècle, Paris, Flammarion, 1982 [1978].

6  Alexandre Parent-Duchâtelet, De la prostitution dans la ville de Paris au XIXe siècle, texte présenté et annoté par Alain Corbin, Paris, Seuil, 1981 [1836], p. 119 sq.

7  Ibid., p. 125.

8  Ibid., p. 121.

9  Reproduits dans Hollis Clayson, Painted Love: Prostitution in French Art of the Impressionist Era, New Haven. London, Yale University Press, 1991, p. 7, et dans Charles Bernheimer, Figures of Ill repute. Representing Prostitution in Nineteenth-Century France, Cambridge, London, Harvard University Press, 1989, p. 91. Sur Degas et la prostutition, voir également : Richard Thomson, Degas. Les nus, adaptation de Christine Piot, Paris, Nathan, 1988.

10  Ibid., p. 56.

11  Douglas Druick, «Framing The Little Dancer Aged Fourteen», in Richard Kendall et al., Degas and the Little Dancer, New Haven et Londres, Yale University Press en association avec Joselyn Art Museum, 1998, p. 77-96.

12  Élie de Mont, “L'exposition du Boulevard des Capucines,” La Civilisation, 21 avril 1881, p. 1-2, cité dans Charles W. Millard, The Sculptures of Edgar Degas, Princeton, Princeton University Press, 1976, p. 121.

13  Henry Trianon, «Exposition des artistes indépendants», Le courrier du soir, 23 avril 1881, p. 2, cité dans Charles W. Millard, The Sculptures of Edgar Degas, Princeton, Princeton University Press, 1976, p. 123.

14  Edmond Duranty, La Nouvelle peinture. A propos d’un groupe d’artistes qui expose dans les galeries Durand-Ruel, Paris, L’Echoppe, 1988 [1876], p. 35.

15  Lucien Puech, «Steinlen Intime», Les Maîtres de la Caricature, Paris, Tallandier, 1902. Voir notamment Philippe Kaenel, Théophile-Alexandre Steinlen (1859-1923). L’œil de la rue, Milan, 5Continents Editions, Lausanne, Musée cantonal des beaux-arts, 2008 (avec une contribution de Catherine Lepdor).

16  Discours de M. Dubut de Laforest prononcé devant la neuvième Chambre, appendice du livre I de La Traite des Blanches, mœurs contemporaines. Sur l’auteur, René-Pierre Colin, « Jean-Louis Dubut de Laforest », Zola, renégats et alliés. La République naturaliste, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1988, p. 317 ; Charles Grivel, « pathologie sociale et tératologie littéraire. Dubut de Laforest », Relectures des « petits » naturalistes, Paris, Centre de Recherches Interdisciplinaire sur les Textes modernes de l’Université de paris X-Nanterre, Cahiers RITM, 2000, p. 303-324 ; Charles Grivel, « Dubut de Laforest : les voix de la dénonciation », Les Voix du peuple dans la littéature des XIXe et XXe siècles, textes réunis par Corinne Grenouillet et Eléonore Reverzy, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2006, p. 261-277

17  Quelques années plus tôt, d’ailleurs, Dubut de Laforest avait déjà été condamné à une amende de mille francs assortie de deux mois d’emprisonnement pour des motifs de même ordre, à propos de son récit Le Gaga, mœurs parisiennes, paru en 1885

18  Dubut de Laforest, La traite des blanches. Mœurs contemporaines, Paris, Fayard Frères, 1900, p. XX.

19  Louis Reuss, La prostitution au point de vue de l’hygiène et de l’administration en France et à l’étranger, Paris, J.-B. Baillière et fils, 1889, p. 166.

20  Voir le numéro 18 de Ridiculosa, « Les revues satiriques françaises », textes réunis par Jean-Claude Gardes Jacky Houdre et Alban Poirier Brest, Université de Bretagne occidendale, 2011 et la notice sur « Le Chambard socialiste » par Jean-Luc Jarnier.

21  Sur la presse satirique et la République, voir Bertrand Tillier, La Républicature: la caricature politique en France, 1870-1914, Paris, CNRS, 1997 ; Jacques Lethève, La caricature sous la IIIe République, Paris, Armand Colin, 1986; Philippe Roberts-Jones, La caricature du Second Empire à la Belle Époque, 1850-1900, Paris, 1963.

22  Nicos Hadjinicolaou. « « La liberté guidant le peuple » de Delacroix devant son premier public », Actes de la recherche en sciences sociales, juin 1979, p. 23-26.

23  Eric Hobsbawn, « Sexe, symbole, vêtement », Actes de la recherche en sciences sociales, septembre 1978, p. 5

24  Les citations sont extraites de Eric Hobsbawn, « Sexe, symbole, vêtement », Actes de la recherche en sciences sociales, septembre 1978, p. 2-18 : E.J. Delécluze, Journal des Débats, 7 mai 1831 ; Fabien Pillet, Moniteur Universel, 9 mai 1831 ; France Nouvelle-Nouveau Journal de Paris, 20 mai 1831 (signé Y.) ; L'Avenir, 9 juin 1831 (signé C.M.) ; Ambroise Tardieu, Salon de 1831, p. 44 ; Charles Farcy, Journal des Artistes et des Amateurs, 8 mai 1831, p. 347 ; Louis Peisse, Le National, 30 mai 1831 ; La Tribune, 17 mai 1831 (anonyme) ; « Le personnage fictif de Pentamère de Beaugency », in A. Jal, Salon de 1831.Ebauches Critiques, p. 40 ; « Le personnage fictif d'Eudoxie de Ma... », in A. Jal, op. cit., p. 186.

25  Maurice Agulhon, Marianne au combat. L'imagerie et la symbolique républicaines de 1789 à 1880, Paris, Flammarion, 1979

26  Alain Corbin, Les Filles de noce. Misère sexuelle et prostitution au XIXe siècle, Paris, Flammarion, 1982 [1978], p. 301.

27  Ibid., p. 302

28  Roland Barthes, « Rhétorique de l’image», Communications, 4, 1964, p. 44.

29  Autour de Steinlen, voir Philippe Kaenel, Théophile-Alexandre Steinlen (1859-1923). L’œil de la rue, Milan, 5Continents Editions, Lausanne, Musée cantonal des beaux-arts, 2008, ainsi que Sylvie Jouanny, L’actrice et ses doubles : figures et représentations de la femme de spectacle à la fin du XIXe siècle, Genève, Droz, 2002.

30  Hippolyte Fiérens-Gevaert, «Un maître affichiste. Steinlen», Art et Décoration 2, juillet 1897, p. 17-22.

31  Lettre de Henri Evenepoel à son père, 25 novembre 1893, dans Edouard Michel, «Gustave Moreau et Henri Evenepoel», Mercure de France, 15 janvier 1923, p. 383-410.

Pour citer ce document

Philippe Kaenel, « De Daumier à Steinlen : les constructions visuelles de la prostitution », Presse, prostitution, bas-fonds (1830-1930), sous la direction de Guillaume Pinson Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/presse-prostitution-bas-fonds-1830-1930/de-daumier-steinlen-les-constructions-visuelles-de-la-prostitution