Presse, prostitution, bas-fonds (1830-1930)

Le journalisme comme voie d’issue au lupanar social. Notes sur le Beauchamp du Comte de Monte-Cristo

Table des matières

MAXIME PRÉVOST

« C’est à Balzac que l’on demande une peinture de la société de la Restauration et de la monarchie de Juillet, pas à Dumas. À tort », écrivait Jean Tulard1. On sait en effet que Le Comte de Monte-Cristo, publié en feuilleton dans Le Journal des Débats d’août 1844 à janvier 1846, constitue un immense réquisitoire contre l’ensemble des institutions de la monarchie de Juillet. Si le cycle des Mousquetaires qui lui est contemporain aurait pu porter le sous-titre Archéologie du déclin méritocratique, ce roman pourrait pour sa part s’intituler Les Doléances d’un méritocrate. Il occupe une position particulière dans la production d’Alexandre Dumas en ce sens que le romancier, qui se donne pour objectif général d’ « apprendre l’histoire au peuple2 », c’est-à-dire de retracer, siècle par siècle, de la Renaissance à l’époque contemporaine de l’écriture, les principaux événements et de faire revivre les personnages marquants de l’histoire française, s’y fait, pour une rare fois, « l’historien du présent ». Or ce chroniqueur acerbe de la monarchie de Juillet crée avec le personnage secondaire de Beauchamp une intéressante figure de journaliste. Ce personnage n’est sans doute pas de ceux dont on se souvient spontanément après une seule lecture du roman; pourtant, comme nous le verrons, son éthique et sa pensée synthétisent tout le cheminement qui sera celui du protagoniste, Edmond Dantès, alias le comte de Monte-Cristo.

Je présupposerai que le personnel du Comte de Monte-Cristo n’est pas inconnu du lecteur et simplement procéder à quelques rappels, principalement en ce qui a trait à l’inscription du journaliste dans l’intrigue. Une bonne part du succès d’origine du roman, celle sur laquelle une enquête sociocritique ferait la lumière, est sans doute attribuable à un effet de reconnaissance : nous disions Alexandre Dumas, jusqu’alors connu surtout comme le peintre de la France des xvie et xviie siècles, s’y fait l’historien du présent, accusant les grandes institutions de la monarchie de Juillet d’iniquité et de corruption. Avec le personnage de Danglars, Alexandre Dumas s’attaque aux élites financières, suggérant qu’elles doivent leur ascendant à un savant alliage de spéculation et d’escroquerie. Villefort, procureur du roi à Paris, le représentant de la magistrature, donc, montre que le système judiciaire est fondé sur le mensonge et l’opportunisme, alors que Morcerf réunit toutes les tares d’une noblesse militaire accusée de lâcheté et de trahison. Quelques personnages positifs s’opposent à ce trio, personnages qui ont essentiellement en commun d’être des nostalgiques de l’Empire (Morrel père et fils, Noirtier), de sorte qu’une vision du monde résolument bonapartiste se fait jour : les hommes ne sont pas créés égaux, mais la grandeur naturelle, l’énergie vitale qui sous l’Empire avait brièvement eu l’occasion de se distinguer, est condamnée à demeurer lettre morte sous la monarchie de Juillet, étouffée par la médiocrité triomphante d’élites usurpatrices et artificielles. Pourtant, un personnage échappe à ce schéma : il s’agit du journaliste Beauchamp, homme d’honneur, de courage et de principes ayant choisi la presse comme champ d’action. On pourrait poser comme hypothèse qu’avec ce personnage secondaire, Dumas a cherché à créer une figure paradoxale s’opposant aux représentations négatives – et peut-être déjà dominantes – du journaliste dans l’ensemble du discours social.

Lors de la première sortie parisienne de Monte-Cristo, dans les Chapitres xxxix « Les Convives » et xl « Le Déjeuner », deux personnages se distinguent, par leur sérieux, des autres convives réunis par Albert de Mortcerf : Maximilien Morel et le journaliste Beauchamp. Contrairement aux « jeunes gens à la mode3 » ayant reçu une parfaite « éducation léonine » (p. 423) que sont le vicomte Albert de Mortcerf (le fils de Fernand Mondego et de Mercédès), le jeune baron de Château-Renaud et Lucien Debray, secrétaire particulier du ministre de l’Intérieur, Morrel et Beauchamp prennent très au sérieux leur vocation : militaire pour le premier, journalistique pour le second.

Maximilien Morrel, fils de l’armateur qui employait Edmond Dantès, polytechnicien puis sous-lieutenant au 4e de ligne, est devenu, au présent de l’intrigue, capitaine de spahis et officier de la Légion d’honneur grâce à sa conduite héroïque au siège de Constantine. À propos de ce personnage, l’un des rares jeunes hommes représentés de manière positive tout au long du roman, une constatation s’impose : malgré son héroïsme et sa valeur indéniables, il semble condamné à occuper une position subalterne dans la société, son avancement militaire ne se comparant en aucune façon à celui de Fernand Mondego, devenu comte de Morcerf et pair de France. Notons au passage que cet état de fait romanesque ne peut être conçu que de manière extrêmement négative par l’auteur, car Dumas restera toujours fidèle, tout au long de son œuvre, à l’idéal de l’armée comme lieu naturel de promotion sociale, fondée sur le courage et la valeur personnelle. Dans le roman de la maturité Les Blancs et les Bleus, par exemple, une ode à la république mais surtout à l’ascension de l’un de ses généraux appelé à l’avenir que l’on sait, Dumas évoque la figure de Charles Pierre François Augereau, destiné à devenir maréchal d’Empire et duc de Castiglione, qui

[…] avait réfléchi, comme Bonaparte, qu’il devait tout à la République, et que la République seule pouvait lui donner l’avenir d’ambition qu’il espérait encore. Sous un roi, il le savait, il n’eût point dépassé le grade de sergent. Fils d’un ouvrier maçon et d’une fruitière, simple soldat et maître d’armes au commencement de sa carrière, il était devenu général de division, et, à la première occasion, il pouvait, grâce à son courage, devenir général en chef comme Hoche, dont il n’avait pas l’honnêteté, ou comme Moreau, dont il n’avait pas la science4.

Dans ce même roman, on lit sujet du colonel Étienne Hulot, pour sa part appelé à devenir baron d’Empire : « Dix ans soldat sous la royauté, sans avoir pu même passer caporal, il avait, du moment que la République avait été proclamée, conquis ses grades en véritable brave qu’il était, à la pointe de son épée5 ». Pour l’auteur du Comte de Monte-Cristo, il semble que, le mérite pouvant encore se distinguer à l’armée, mais à peine, le grand ressourcement apporté par la république et l’empire étant désormais chose du passé, la presse devienne un terrain favorable à l’épanouissement des volontés fortes. L’ascension de Beauchamp semble en somme conçue pour prescrire à la jeunesse française une carrière mieux adaptée à son environnement social que celle des armes.

Beauchamp se distingue de ses camarades par le sérieux qu’il apporte à son métier de journaliste, dont le lecteur est invité à comprendre qu’il constitue chez lui une vocation, alors même que les autres jeunes gens du roman affectent se désintéresser de la presse. « Oh! Cher ami, dit Lucien [Debray, à Albert de Morcerf] avec un souverain mépris, est-ce que je lis les journaux! » (p. 428), tandis qu’Albert constitue l’exemple même du mauvais lecteur de journaux, à savoir du lecteur frivole :

Le valet sorti, Albert se jeta sur le divan, déchira l’enveloppe de deux ou trois journaux, regarda les spectacles, fit la grimace en reconnaissant que l’on jouait un opéra et non un ballet, chercha vainement dans les annonces de parfumerie un opiat pour les dents dont on lui avait parlé, et rejeta l’une après l’autre les trois feuilles les plus courues de Paris, en murmurant au milieu d’un bâillement prolongé :

« En vérité, ces journaux deviennent de plus en plus assommants. » (p. 425)

Le Sérieux que Beauchamp apporte à sa profession est mis en évidence dans les deux chapitres qui lui sont principalement consacrés. Dans le premier, le Chapitre lxxviii « On nous écrit de Janina », un fait divers éponyme, publié anonymement à l’instigation de Monte-Cristo, paraît dans L’Impartial, le quotidien où Beauchamp est « rédacteur-gérant » (p. 841). Ce fait divers, couvrant subtilement d’opprobre le comte de Morcerf, compromet l’union de son fils, Albert, avec Eugénie Danglars. L’entrefilet en question se lit ainsi :

On nous écrit de Janina :

Un fait jusqu’alors ignoré, ou tout au moins inédit, est parvenu à notre connaissance : les châteaux qui défendaient la ville ont été livrés aux Turcs par un officier français dans lequel le vizir Ali‑Tebelen avait mis toute sa confiance, et qui s’appelait Fernand. (p. 844)

Décidé à défendre l’honneur de son père, prénommé Fernand et qui selon son fils « combattait pour l’indépendance des Grecs; voilà où est la calomnie » (p. 844), Albert de Morcerf fait irruption au bureau de L’Impartial, où il trouve Beauchamp « dans un cabinet sombre et poudreux, comme sont de fondation les bureaux de journaux » (p. 847), et le somme d’apporter, dans l’édition du lendemain, une rétractation au fait divers litigieux, ou alors de lui « rendre raison » selon les règles de l’honneur. Étonné, Beauchamp, qui prend connaissance de l’entrefilet auquel il n’avait jusqu’alors porté aucune attention, et qui s’enquière auprès d’Albert de l’identité présumée de l’officier français évoqué (M. Fernand Mondego, comte de Morcerf), fera preuve, de manière instinctive, d’un sens de l’honneur doublé d’une profonde éthique journalistique. Il refuse de démentir l’article sans auparavant s’être assuré « que le fait est faux » (« la chose vaut la peine d’être éclaircie, et je l’éclaircirai », p. 849) ; il refuse aussi de se battre contre Albert le lendemain, car il doit, sans plus attendre, mener une enquête « sur le terrain », repoussant à une date ultérieure la rencontre sur cet autre terrain, celui de la bataille.

Je serai sur le terrain quand il le faudra, et, à mon avis […] l’heure n’est pas encore venue. Je sais que vous tirez très bien l’épée, je la tire passablement; je sais que vous faites trois mouches sur six, c’est ma force à peu près; je sais qu’un duel entre nous sera un duel sérieux, parce que vous êtes brave et que … je le suis aussi. Je ne veux donc pas m’exposer à vous tuer ou à être tué moi-même par vous, sans cause. […] Je consens à me couper la gorge avec vous, mais je veux trois semaines; dans trois semaines vous me retrouverez pour vous dire : « oui, le fait est faux », je l’efface; ou bien : « Oui le fait est vrai », et je sors les épées du fourreau, ou les pistolets de la boîte, à votre choix. […] Nous sommes le 29 du mois d’août, donc au 21 du mois de septembre. Jusque-là, croyez-moi, et c’est un conseil de gentilhomme que je vous donne, épargnons-nous les aboiements de deux dogues enchaînés à distance. (p. 850-851)

Dans le second chapitre donnant la vedette au journaliste-gentilhomme, le Chapitre lxxxiv simplement intitulé « Beauchamp », nous le retrouvons se faisant annoncer chez Albert de Morcerf, trois semaines après, toujours digne mais beaucoup plus triste qu’à leur dernière rencontre. De but en blanc, il annonce à Albert qu’il arrive tout juste de Janina.

« De Janina? Vous!
— Oui, moi.
— Impossible!
— Mon cher Albert, voici mon passeport; voyez les visas : Genève, Milan, Venise, Trieste, Delvino, Janina. En croirez-vous la police d’une république, d’un royaume et d’un empire? » (p. 905)

On voit que Beauchamp est une sorte d’ancêtre littéraire de Phileas Fogg6, sa connaissance exhaustive du monde de l’imprimé lui ayant imprégné l’esprit des modes de communications terrestres et maritimes par lesquels un individu peut se rendre du point A au point B, le propre du journaliste tel que le conçoit Dumas, et qui deviendra le propre du grand reporter, étant de savoir emprunter ces voies lorsque le souci de l’information l’exige.

Toujours incrédule, Albert demande faiblement à son ami : « Vous avez été à Janina? », ce à quoi Beauchamp répond :

— Albert, si vous aviez été un étranger, un inconnu, un simple lord comme cet Anglais qui est venu me demander raison il y a trois ou quatre mois, et que j’ai tué pour m’en débarrasser, vous comprenez que je ne me serais pas donné une pareille peine; mais j’ai cru que je vous devais cette marque de considération. J’ai mis huit jours à aller, huit jours à revenir, plus quatre jours de quarantaine, et quarante‑huit heures de séjour; cela fait bien mes trois semaines. Je suis arrivé cette nuit, et me voilà. (p. 905)

Ce journaliste qui est soucieux de l’exactitude de l’information rapportée (« Albert, lui dit-il, vous me comprenez maintenant, n’est-ce pas? J’ai voulu tout voir, tout juger par moi-même », p. 906) se double d’un ami exemplaire, d’un homme de cœur et d’éthique qui est aussi un duelliste redoutable. Or de son voyage, Beauchamp rapporte la preuve en bonne et due forme de la culpabilité du comte de Morcerf, sous la forme d’une « attestation de quatre habitants notables de Janina, constatant que le colonel Fernand Mondego, colonel instructeur au service du vizir Ali-Tebelen, avait livré le château de Janina moyennant deux mille bourses » (p. 906), les signatures étant légalisées par le consul.

Toujours à la disposition de son ami pour se battre sur le champ d’honneur, Beauchamp préfère cependant, une fois la vérité attestée hors de tout doute, tenter de convaincre Albert de se dissocier des actions de son père, l’honneur étant pour notre journaliste une vertu essentiellement personnelle, chaque citoyen devant être jugé à l’aune de ses propres actions et de son propre mérite. « Je suis accouru à vous, continua Beauchamp, pour vous dire : Albert, les fautes de nos pères, dans ces temps d’action et de réaction, ne peuvent atteindre les enfants. Albert, bien peu ont traversé ces révolutions au milieu desquelles nous sommes nés, sans que quelque tache de boue ou de sang ait souillé leur uniforme de soldat ou leur robe de juge. » (p. 907) « [E]t en quoi ce malheur vous touche-t-il? » ajoute-t-il au Chapitre lxxxvii « La Provocation » :

— Non! Dieu merci! Nous n’en sommes plus au temps où un injuste préjugé rendait les fils responsables des actions des pères. Repassez toute votre vie, Albert; elle date d’hier, il est vrai, mais jamais aurore d’un beau jour fut-elle plus pure que votre orient? Non, Albert, croyez-moi, vous êtes jeune, vous êtes riche, quittez la France : tout s’oublie vite dans cette grande Babylone à l’existence agitée et aux goûts changeants; vous reviendrez dans trois ou quatre ans, vous aurez épousé quelque princesse russe, et personne ne songera plus à ce qui s’est passé hier, à plus forte raison à ce qui s’est passé il y a seize ans. (p. 932-933)

Beauchamp est ainsi porteur d’un discours qui non seulement transformera Albert, lequel désormais ne se montrera plus solidaire de la destinée de son père, mais encore qui synthétise le cheminement du comte de Monte-Cristo lui‑même, celui-ci abandonnant son projet de punir Fernand Mondego et Mercédès dans leur descendance. À l’issue du roman, Albert de Mortcerf est un homme en quête de destinée personnelle qui, à l’instar de Maximilien Morel, cherchera la gloire en Algérie. Il existe bien chez Alexandre Dumas une forme de rédemption coloniale. Contrairement à Dickens, par exemple, qui voit les colonies comme un lieu où envoyer les personnages trop problématiques pour s’épanouir à Londres, Dumas les considère comme une terre d’accueil pour les forces vives de la jeunesse française, condamnés à l’étouffement dans la métropole. La campagne algérienne, tout comme le monde de la presse, échappe donc aux critiques sociales sinon tous azimuts du Comte de Monte‑Cristo.

Notons au passage que la presse de la monarchie de Juillet avait elle-même globalement été favorable à la conquête algérienne7, de sorte que, dans la représentation dumasienne, c’est tout naturellement que, la carrière militaire et la conquête coloniale mises à part, le journalisme s’impose comme la seule voie d’issue au lupanar social qu’est la société contemporaine. Tout se passe comme si Dumas, dont l’œuvre de la monarchie de Juillet ne contient par ailleurs aucun écrivain ou poète notoire, avait voulu signifier aux jeunes gens non seulement lettrés et intelligents, mais encore et surtout énergiques, consciencieux et courageux que la presse leur offrait un terrain d’action approprié. Bien sûr, cette conception du journalisme comme voie noble de promotion sociale qui se fait jour dans Le Comte de Monte-Cristo deviendra plus courante par la suite. Marc Martin note que Pierre Giffard comme Fernand Xau, deux des premiers journalistes français à célébrer la figure héroïque du grand reporter, sont tous deux d’origine provinciale, comme plusieurs de leurs confrères. « Et comme bien d’autres gens ambitieux, ils trouvent une voie de promotion sociale dans le journalisme parisien, dont les rangs s’élargissent considérablement en ces débuts de Troisième République avec l’essor de la presse8. » Au moment où Dumas publie Le Comte de Monte-Cristo, par contre, cette représentation du métier de journaliste semble procéder d’une volonté de faire contrepoids à la celle qu’offrait Balzac dans ses Illusions perdues.

Dans la pensée de Beauchamp, qui, répercutée par Albert, puis par Mercédès, deviendra en conclusion celle de Monte-Cristo, le principe d’actualité s’oppose au principe d’histoire, celui-ci devant s’effacer devant celui-là. Lors de l’échange décisif qu’il aura avec Mercédès, la veille du duel devant l’opposer au vicomte de Morcerf, Monte-Cristo renoncera – mais difficilement – à son projet d’écraser la « race maudite » de Fernand Mondego : « Il est écrit dans le Livre saint, [dit] Monte-Cristo : “Les fautes des pères retomberont sur les enfants jusqu’à la troisième et quatrième génération.” Puisque Dieu a dicté ces propres paroles à son prophète, pourquoi serai-je meilleur que Dieu? » Question à laquelle Mercédès, fidèle en cela à la pensée de Beauchamp, répond : « Parce que Dieu a le temps et l’éternité, ces deux choses qui échappent aux hommes » (p. 951). Dans la fiction dumasienne, le personnage de Beauchamp représente ainsi le triomphe du présent et l’oubli du passé. Avec ce journaliste-gentilhomme, l’historien et l’homme du passé qu’est Alexandre Dumas signale sans doute, par la voie de la fiction, que cette nouvelle ontologie qui se fait jour, cette civilisation de la presse, n’est pas entièrement négative, même s’il peut difficilement y souscrire avec enthousiasme. Le présent, désormais, emporte tout sur son passage, qui est par ailleurs de moins en moins perçu comme un passage, mais plutôt comme une norme intemporelle. Le journaliste devient ainsi non seulement l’homme du présent, mais encore celui de l’avenir, détenteur d’une éthique allant à l’encontre du culte que les romantiques – et Dumas le premier – vouent aux morts.

(Université d’Ottawa)

Notes

1  Jean Tulard, Alexandre Dumas, Presses universitaires de France, «Figures et plumes», 2008, p. 12.

2  Voir Sarah Mombert, « “Apprendre l’histoire au peuple” : Alexandre Dumas vulgarisateur », dans Michel Arrous (dir.), Alexandre Dumas, une lecture de l’histoire, Paris, Maisonneuve & Larose, 2003, p. 589-608.

3  Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, éd. de Claude Schopp, Paris, Robert Laffont, «Bouquins», 2003 [1846], p. 422. Les citations suivantes proviennent de cette édition.

4  Alexandre Dumas, Les Blancs et les Bleus, éd. de Claude Schopp, Paris, Phébus, 2006 [1867], p. 488.

5 Ibid., p. 523.

6  Sur ce personnage, voir Claude Leroy, « Emmène-moi autour du monde!... ou Comment Phileas Fogg est devenu reporter », dans Myriam Boucharenc et Joëlle Deluche (dir.), Littérature et reportage, Limoges, PULIM, «Médiatextes», 2001, p. 139-149.

7  Voir Claude Bellanger, Jacques Godechot, Pierre Guiral et Fernand Terrou (dir.), Histoire générale de la presse française, t. II : de 1815 à 1871, Paris, Presses universitaires de France, 1969, p. 138 : « “La mauvaise humeur que la conquête algérienne inspirait à l’Angleterre fut une des raisons pour lesquelles la presse française en général approuva cette conquête, en condamna les lenteurs, en exigea l’achèvement” (P. Guiral). L’opposition y trouvait également une matière à exploiter, qu’il s’agît des feuilles légitimistes, républicaines, socialistes. L’Algérie apparaissait d’ailleurs à beaucoup comme une promesse lumineuse qui flattait à la fois l’intérêt national et l’espoir de porter la civilisation européenne jusque dans “les repaires du fanatisme et de la barbarie”, comme devait dire La Démocratie pacifique ».

8  Marc Martin, Les Grands Reporters. Les débuts du journalisme moderne, Paris, Éditions Louis Audibert, 2005, p. 23.

Pour citer ce document

Maxime Prévost, «Le journalisme comme voie d’issue au lupanar social. Notes sur le Beauchamp du Comte de Monte-Cristo», Presse, prostitution, bas-fonds (1830-1930) , sous la direction de Guillaume Pinson Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/presse-prostitution-bas-fonds-1830-1930/le-journalisme-comme-voie-dissue-au-lupanar-social-notes-sur-le-beauchamp-du-comte-de-monte-cristo