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Circulation et viralité de l’information de la Grèce vers la France au tournant du XXe siècle: le cas de l’homme de presse français d’origine grecque, A.-Z. Stéphanopoli (1839-1913)

Table des matières

LOÏC MARCOU

Le but de cet article1 est d’étudier la circulation et la viralité de l’information de la Grèce vers la France au tournant du XXe siècle, à travers une étude de cas portant sur un journaliste méconnu, mais ayant joué un rôle clé au sein de la presse francophone de Grèce2 : le Français d’origine grecque Antonios-Zannettakis Stéphanopoli (Cargèse, 1839 ‒ Athènes, 1913, fig. 1).

Portrait photo de Stéphanopoli

Fig. 1 : A.-Z. Stéphanopoli (source : Wikimedia commons)

Rédacteur puis rédacteur en chef de divers journaux francophones athéniens, éditeur d’un journal d’expression française ayant connu la plus grande longévité en Grèce ‒ Le Messager d’Athènes (1875-1961, fig. 2) ‒, correspondant de plusieurs feuilles francophones d’Europe centrale et de Méditerranée orientale et, surtout, d’innombrables revues et journaux parisiens, A.-Z. Stéphanopoli fut, en outre, représentant de l’agence Havas en Grèce avant de fonder, au tournant du XXe siècle, la toute première agence de presse hellénique. Pionnier de la presse francophone de Grèce tout en bénéficiant des avancées de ses prédécesseurs3, A.-Z. Stéphanopoli se retrouva ainsi au centre d’un vaste réseau qui fit de lui un médiateur incontournable dans l’espace public franco-grec, de 1863 ‒ date à laquelle il s’établit en Grèce après avoir quitté sa Corse natale puis effectué des études en Toscane ‒ et 1913 ‒ année de sa mort à Athènes.

Exemple du Une du Messager d'Athènes

Fig. 2 : Une du Messager d’Athènes (Source : Bibliothèque du Parlement hellénique)

Sur la base d’un dépouillement des archives de la famille Stéphanopoli (Archives historiques du musée Bénaki4), des archives de la succursale athénienne de l’agence Havas (Archives nationales de France5), ainsi que de la consultation des nombreuses dépêches et correspondances publiées ‒ de manière anonyme, sous pseudonymes et, plus rarement, sous son nom propre ‒ par A.-Z. Stéphanopoli dans la presse française, notre article s’efforcera de repérer les divers canaux de circulation de l’information de la Grèce ‒ pays de la « périphérie » ‒ vers la France ‒ pays du « centre » de la République européenne des lettres médiatiques ‒, de la seconde moitié du XIXe au début du XXe siècle.

Après un bref rappel sur les grandes phases de la carrière journalistique d’A.-Z. Stéphanopoli, notre article mettra en exergue les principaux circuits d’informations par voie de presse de la Grèce vers la France au tournant du XXsiècle, à l’origine de la viralité ou contagion informationnelle entre les deux pays6. Pour montrer l’interconnexion croissante des journaux, produit de la révolution médiatique s’opérant au XIXe siècle7, nous mettrons l’accent sur deux rubriques journalistiques importantes à l’ère du « monde à la une8 » : la correspondance et la dépêche télégraphique9. L’objectif sera, in fine, d’évaluer le rôle d’un homme de presse dans le flux informationnel de la Grèce vers la France, à une époque marquée par la mondialisation de l’information, grâce à une presse tirant parti des derniers progrès techniques (développement du réseau télégraphique grec; progrès de la navigation maritime à vapeur entre la Grèce et la France) et de l’essor des agences de presse européennes (Havas, Reuters, Agence d’Athènes, etc.). Il s’agira, au terme de cet article, de jauger la mission de propagandiste d’A.-Z. Stéphanopoli au service des revendications politico-diplomatiques grecques à un tournant de l’histoire du royaume hellénique (flux et reflux du philhellénisme européen, notamment français10; essor du projet irrédentiste grec dans le cadre de la « Grande Idée11 »), à une époque caractérisée par l’expansion sans précédent de réseaux d’information interconnectés.

Une carrière journalistique au service des aspirations du royaume de Grèce

Si la genèse de la presse grecque d’expression française remonte à la guerre d’Indépendance (1821-1830) et si son émergence est liée à la volonté d’informer ‒ dans une langue plus universellement connue que le grec ‒ l’opinion occidentale des derniers développements de la révolution grecque ‒ que ce soit avant ou après l’intervention de ses trois puissances protectrices (France, Grande-Bretagne, Russie12) ‒, cette presse de langue française connaît un bel essor, en Grèce, tout au long du XIXe siècle.

Établi à Athènes en 1863 avec l’intention d’y jouer un rôle de médiateur de premier plan entre la Grèce et la France, le Corse d’origine grecque A.-Z. Stéphanopoli fait tout autant figure d’héritier que de pionnier dans un milieu journalistique athénien en plein bouillonnement13. D’abord rédacteur politique puis rédacteur en chef de plusieurs journaux athéniens d’expression française ‒ L’Indépendance hellénique (1866-1874), La Grèce (1862-1884), le Courrier d’Athènes/Ταχυδρόμος Ἀθηνῶν14 (1871-1876) ‒, A.-Z. Stéphanopoli finit par fonder en 1875 son propre organe de presse : Le Messager d’Athènes (1875-1961). Paru initialement à un rythme hebdomadaire, avant de devenir un bihebdomadaire en 1912, puis un quotidien en 1915, ce journal athénien de langue française, destiné à promouvoir les intérêts grecs en Europe, devient vite une feuille de référence15. Au-delà de son lectorat européen ‒ surtout français, notamment parisien ‒, c’est l’existence à Athènes d’une élite politico-intellectuelle francophone, plus ou moins adepte d’un rapprochement politique avec la France et placée sous son influence culturelle16, qui explique, semble-t-il, la longévité inégalée de cette feuille.

Durant sa carrière médiatique, A.-Z. Stéphanopoli ne se contenta pas d’exercer le métier d’éditeur de presse tout en continuant à travailler comme rédacteur et/ou rédacteur en chef et à publier maints articles, que ce soit en français, dans Le Messager d’Athènes, ou en grec, dans les grandes revues athéniennes Pandora (1849-1872) et Imerologion Skokou (1885-1918). Dès le mitan des années 1870, il fut aussi le correspondant attitré et stipendié de diverses feuilles francophones d’Europe centrale : La Gazette des étrangers (Vienne), qui devint ensuite Le Danube ‒ dirigé par un certain Gustave Mazzini ‒, et Le Messager d’Orient (Vienne), de l’éditeur d’origine polonaise Bronisław Wołowski – qui chercha, en vain, à créer un journal francophone défendant les intérêts grecs à Athènes. A.-Z. Stéphanopoli mit en outre sa plume au service de plusieurs feuilles francophones de Méditerranée orientale, dont La Turquie (Constantinople), journal semi-officiel du gouvernement ottoman, édité par le Roumain Nicolae Bordeano ‒ par ailleurs directeur de l’agence télégraphique homonyme17 ‒, et L’Égypte (Alexandrie), éphémère périodique dirigé par un Français nommé Laffon18. L’objectif avoué d’A.-Z. Stéphanopoli, en écrivant pour le compte de ces feuilles étrangères, était de se faire le porte-voix des aspirations irrédentistes du royaume de Grèce dans des villes comme Constantinople, Alexandrie et Vienne ‒ foyers traditionnels ou plus récents d’importantes populations grecques.

Scan de quelques colonnes de la République Française.

Fig. 3 : Lettre de Grèce publiée dans La République française du 29 janvier 1873 (Source : Retronews)

Pourtant, force est de constater qu’A.-Z. Stéphanopoli publia l’essentiel de ses correspondances dans la presse française. À la demande de Léon Gambetta ‒ dont il fit sans doute la connaissance par l’intermédiaire de Jules Ferry, ministre plénipotentiaire de France à Athènes entre mai et août 187219, qui lui rendit plusieurs fois hommage par voie de presse20 ‒, A.-Z. Stéphanopoli tint une correspondance régulière dans le journal La République française (1871-1924). Intitulée « Lettres de Grèce », cette correspondance suivie constitua la principale source d’informations de l’homme politique français21, en particulier sur les revendications territoriales du royaume de Grèce en vue du congrès de Berlin (1878) ‒ qui devait redessiner les frontières de l’État grec en lui rattachant la Thessalie (1881). Outre ses nombreux articles politico-diplomatiques adressés à La République française (fig. 3), A.-Z. Stéphanopoli envoya d’innombrables correspondances à caractère économique ou socioculturel à maints journaux parisiens : L’Opinion nationale (1859-1914), quotidien d’orientation bonapartiste puis républicaine d’Adolphe Georges Guéroult; Le Globe (1871-1938), journal politico-économique d’Adolphe Coste; L’Estafette (1876-1914), organe officiel d’Hippolyte de Villemessant puis celui, officieux, de Jules Ferry; Le Voltaire (1878-1930), « Figaro des Républicains » dirigé par le chroniqueur Aurélien Scholl puis par le publiciste Jules Laffitte, qui devait ensuite racheter Le Siècle; le quotidien populaire Le Journal (1892-1944) de Fernand Xau, dans lequel A.-Z. Stéphanopoli signa deux « Lettres d’Athènes » en 1892, soit l’année même de fondation du Journal22; la feuille protestante Le Signal (1879-1914) d’Eugène Réveillaud, dans les colonnes de laquelle le publiciste athénien signa trois correspondances en 189623 (fig. 4 et 5). A.-Z. Stéphanopoli fut, de surcroît, le correspondant régulier du quotidien de référence Le Temps (1861-1942), d’Auguste Nefftzer puis d’Adrien Hébrard, pour le compte duquel il couvrit, parmi maints événements notables de la fin du XIXe siècle, l’inauguration du canal de Corinthe (août 1893), la banqueroute de l’État grec (décembre 1893), les premières olympiades modernes (avril 1896) et la guerre gréco-turque « malencontreuse » (avril-mai 189724).

Première partie d'une correspondance de Stéphanopoli publiée dans le Signal

Fig. 4 : Lettre d’Athènes publiée dans Le Signal en 1896 (Source : Retronews)

Suite de la fig. 4

Fig. 5 : Lettre d’Athènes publiée dans Le Signal en 1896 (suite et fin. Source : Retronews)

A.-Z. Stéphanopoli ne se contenta pas de tenir une chronique de l’actualité grecque en publiant ses « Lettres de Grèce », ses « Lettres d’Athènes » ou ses « Chroniques d’Athènes » dans de nombreux journaux parisiens; il signa aussi des articles plus étoffés dans des revues parisiennes spécialisées, qui lui donnèrent toute latitude pour développer sa pensée, notamment sur des sujets à caractère politico-diplomatique qu’il affectionnait tout particulièrement. Ainsi, de la Nouvelle Revue Internationale Européenne (1883-1908) du Baron Stock (pseudonyme de Marie Rattazzi), dans laquelle l’homme de presse athénien signa cinq « Lettres de Grèce » en 1895, saluées par la rédaction pour « la remarquable lucidité avec laquelle elles […] furent écrites »; ainsi, de La Nouvelle Revue (1879-1899) de Juliette Adam25, dans laquelle le publiciste signa en 1896 un article de fond, reprenant l’une de ses publications parues la même année à Athènes sous forme de brochure, dans laquelle il s’employait à contrecarrer les effets dévastateurs du pamphlet La Grèce contemporaine (1854) d’Edmond About26 pour montrer que, malgré sa récente faillite, l’État grec était sur la voie du progrès et que la Grèce était une nation avec laquelle il fallait compter dans le règlement de la question d’Orient.

Parfois difficiles à identifier, car écrites le plus souvent sous le couvert de l’anonymat et/ou sous divers pseudonymes ‒ selon une pratique courante visant à préserver l’indépendance de la rédaction27 ‒, mais attestées par nombre de documents issus des archives d’A.-Z. Stéphanopoli (accréditations, factures, coupures de presse, etc.) ‒, ces correspondances publiées à intervalles réguliers dans la presse parisienne constituent une mine d’informations sur l’actualité politico-économique et socioculturelle de la Grèce du roi Georges Ier (1863-1913). Elles attestent plus généralement que le publiciste athénien ne cessa de se faire le héraut des aspirations des Grecs « libres » et « irrédimés » ‒ alors qu’il ne se départit jamais de sa nationalité française pour prendre la citoyenneté hellénique et qu’il refusa même à plusieurs reprises le poste de ministre des Affaires étrangères du royaume de Grèce28.

Soucieux d’être le principal pourvoyeur d’informations depuis Athènes vers Paris, tout en exerçant des fonctions officielles auprès de la Troisième République ‒ notamment celle de président de la Chambre française de commerce d’Athènes-Pirée (1887-1893)29 ‒, A.-Z. Stéphanopoli devint aussi « agencier », c’est-à-dire un journaliste chargé de collecter, traiter et diffuser des nouvelles pour des agences de presse européennes, alors en plein essor30. Après avoir été de 1883 à 1889 le représentant athénien de l’agence Havas31, il fonda en juin 1891 sa propre agence de presse, l’Agence du Midi32, « avatar » de l’Agence télégraphique Stéphanopoli, créée à Athènes en décembre 187633. Après maintes tractations avec le gouvernement grec, l’Agence du Midi devint ensuite l’Agence hellénique (1892), puis l’Agence nationale (1896), et enfin l’Agence d’Athènes34 (1905), avant de devenir l’Agence athénienne de nouvelles ‒ laquelle existe encore de nos jours. Succédant au journaliste d’origine franco-anglaise Ioannis Parren, époux de Callirhoé Parren (1861-1940), pionnière de la presse féminine de Grèce, A.-Z. Stéphanopoli en assuma la direction de janvier 191035, jusqu’à sa mort, en février 1913. Placé à la tête d’une agence de presse nationale, le directeur du Messager d’Athènes contrôlait désormais quasi entièrement le flux d’informations envoyées par voie de presse depuis la Grèce vers la France. Aussi joua-t-il un rôle d’intermédiaire incontournable dans l’espace public franco-grec et même européen : en vertu du contrat qui le liait avec Havas, A.-Z. Stéphanopoli pouvait en effet envoyer directement depuis la Grèce des dépêches aux agences alliées ‒ notamment au Telegraphen-Korrespondenz Bureau, à Vienne, ou à la Telegrafia privata - Agenzia Stefani, à Rome ‒ sans l’autorisation préalable de l’agence parisienne.

Scan du Messager d'Athènes concernant les Jeux Olympiques.

Fig. 6 : Les Jeux Olympiques, supplément du Messager d’Athènes, 27 janvier/8 février 1896 (Source : Bibliothèque du Parlement hellénique) 

A.-Z. Stéphanopoli paracheva sa carrière d’homme de presse en créant, en 1896, le supplément Les Jeux olympiques (fig. 6) et en fondant, en 1911, la Correspondance de l’Agence d’Athènes, feuille bihebdomadaire destinée à compléter le service télégraphique de l’agence de presse grecque qu’il avait créée de toutes pièces. Il organisa de surcroît la corporation des publicistes du royaume de Grèce en prenant la tête, en décembre 1888, de la première association professionnelle de journalistes grecs ‒ ancêtre du syndicat des journalistes de la presse quotidienne athénienne (1914). Enfin, il prit soin, au crépuscule de sa vie, de confier les rênes du Messager d’Athènes à sa fille, Jeanne, qui occupait déjà la fonction de rédactrice, depuis mars 1902, et de rédactrice en chef, depuis janvier 1911. Au terme d’une carrière journalistique bien remplie, au cours de laquelle il avait été successivement ‒ et parfois simultanément ‒ rédacteur (en chef), éditeur de presse, correspondant et agencier, A.-Z. Stéphanopoli avait réussi à faire du Messager d’Athènes, le journal qu’il avait fondé, une source d’informations fiables36 et, ce faisant, une référence incontournable dans l’espace public franco-grec. Sa mort, le 21 février 1913, fut d’ailleurs relayée par la presse parisienne qui lui rendit un hommage appuyé37 (fig. 7).

Copie de la nécrologie de Stéphanopoli du 23 février 1913

Fig. 7 : Nécrologie d’A.-Z. Stéphanopoli parue dans Le Temps, le 23 février 1913 (Source : Retronews) 

La circulation de l’information de la Grèce vers la France au tournant du XXe siècle

Dans les dernières décennies du XIXe et les premières du XXe siècle, un éditeur de presse établi à l’étranger disposait de plusieurs « leviers » pour faire connaître un pays à l’opinion française : l’envoi de son journal à des confrères français ‒ généralement en échange de leur propre feuille, pour éviter les frais de souscription ‒, et ce, afin d’assurer un maximum de publicité à son périodique, en espérant que celui-ci serait cité dans des revues de la presse internationale; le recours à la correspondance, qui connaissait un engouement depuis le début du XIXe siècle, avec l’apparition de la figure du correspondant particulier, établi de plus ou moins longue date à l’étranger ‒ par opposition au correspondant spécial, dépêché sur les lieux à la suite d’un événement important (surtout un conflit depuis la guerre de Crimée38); et enfin, la dépêche télégraphique, en plein essor depuis l’invention du télégraphe électrique ‒ moyen de communication qui devait entraîner, par ricochet, l’émergence des grandes agences de presse européennes (Havas, Reuters, Wolff) et leur association en vue de se répartir le marché des nouvelles étrangères (1859)39. Comme nous allons le voir, l’homme de presse très dynamique que fut A.-Z. Stéphanopoli n’eut de cesse de recourir à ces trois « leviers » pour promouvoir les intérêts grecs en France ‒ tout en cherchant constamment à consolider l’influence française en Grèce, ainsi que l’atteste sa correspondance conservée dans ses archives.

A.-Z. Stéphanopoli tira d’abord parti de l’interconnexion croissante des journaux, qui dépassait déjà largement, à son époque, les frontières nationales pour configurer un marché européen ‒ voire mondial, quoique très européocentré40 ‒ de l’information. En consultant ses archives, on découvre ainsi que l’homme de presse athénien ne cessa de faire la promotion de sa feuille auprès de la classe politico-médiatique parisienne en vue de resserrer ses liens avec des hommes politiques et/ou de presse français, dans le but ultime de faire connaître les revendications du royaume de Grèce à l’opinion hexagonale. En 1875, date à laquelle Le Messager d’Athènes vit le jour, A.-Z. Stéphanopoli adressa notamment sa feuille à Edmond Magnier, le directeur et fondateur du quotidien politique et littéraire L’Événement (1872-1966) et, surtout, au député socialiste Louis Blanc, lui-même ancien journaliste, qui lui répondit : « C’est une tâche bien utile que celle de faire connaître la Grèce à l’Europe occidentale qui, j’en ai peur, la connaît peu ou la connaît mal41 ». Dans les années suivantes, A.-Z. Stéphanopoli prit encore soin de développer son réseau et de faire connaître son journal à d’autres représentants de l’élite politico-médiatique française, notamment à Louis Andrieux, député du Rhône et directeur politique du Petit Parisien, ainsi qu’à Jules Simon, ancien président du Conseil et sénateur inamovible, qui dirigeait alors Le Siècle42. La publicité constante qu’il fit de sa feuille et la pratique régulière de l’échange de journaux ‒ ainsi que l’atteste la correspondance conservée dans ses archives ‒ permirent à A.-Z. Stéphanopoli de faire d’une pierre deux coups : elles favorisèrent la « médiatisation » des aspirations irrédentistes de la Grèce auprès des élites françaises, tout en permettant au publiciste athénien de se tenir informé de tout ce qui s’écrivait à Paris sur la Grèce. Favorisée par le recours à d’autres services comme le célèbre Argus de la Presse qui, inventé en 1879 par le libraire-éditeur parisien Alfred Chérié, offrait la possibilité à l’abonné de consulter des coupures de presse sur des sujets de son choix43 ‒ à l’instar du Courrier de la Presse fondé en 1889 par Alfred Gallois ‒, cette interconnexion du Messager d’Athènes avec les grands périodiques parisiens permit à A.-Z. Stéphanopoli de contrôler une grande partie du flux d’informations de la Grèce vers la France, et vice-versa. C’est cette interrelation croissante tout au long du XIXe siècle entre Athènes ‒ capitale informationnelle périphérique ‒ et Paris ‒ principal foyer médiatique européen avec Londres ‒ qui explique qu’A.-Z. Stéphanopoli n’hésita jamais à exercer un droit de réponse dans les colonnes de son journal, dès qu’il considérait que telle assertion trouvée sous la plume d’un confrère parisien desservait les intérêts grecs. Ainsi, dans Le Messager d’Athènes du 11/23 décembre 1880, le publiciste athénien défendait vigoureusement les positions de la diplomatie hellénique, alors que les tensions s’accumulaient entre la Grèce et l’Empire ottoman à propos de la Thessalie (l’Alsace ou la Lorraine de la Grèce), en rétorquant de manière cinglante à un journaliste du Figaro qui, dans un article paru à la « une » du 11 décembre 1880, avait parié sur une débâcle grecque :

« Le Figaro raille amèrement les prétentions de la Grèce, se moque de ses préparatifs, se réjouit d’avance de la raclée ‒ le mot n’est pas de nous ‒ que vont nous administrer les Turcs. De la part d’un journal français, cela nous attriste et nous surprend. […]. Car nos Alsaces et nos Lorraines à nous, c’est l’Épire, c’est la Thessalie, c’est la Macédoine, ce sont toutes ces terres, toutes ces îles, qui ont laissé une trace lumineuse dans l’histoire de l’humanité44. »

De manière plus générale, cette interconnexion croissante ‒ ou, pour le dire autrement, cette relation réticulaire ‒ des journaux européens, qui apparaît à la lumière des nombreux périodiques français cités par le Messager d’Athènes dans sa rubrique « Extérieur » et, à l’inverse, au gré des nombreuses citations du Messager d’Athènes dans le « Bulletin étranger » de la presse française (39 occurrences en 1893; 73 en 1897; 170 en 191245, fig. 8) atteste que la civilisation du journal était définitivement entrée, au tournant du XXe siècle, dans l’ère de la circulation transnationale de l’information.

Durant sa carrière, l’homme de presse très polyvalent que fut A.-Z. Stéphanopoli recourut aussi à la pratique de la correspondance de presse pour mieux défendre les aspirations territoriales du royaume de Grèce auprès de l’opinion française. Répandue dès le début du XIXe siècle46 quoique liée, par nature, à la « matrice épistolaire » du journal ‒ rappelons que dans les temps lointains des premières gazettes, la lettre se confondait avec l’objet médiatique lui-même47 ‒, la correspondance particulière se développa tout au long du siècle, au gré de l’amélioration des services postaux internationaux (création de l’Union postale universelle en 1878) et de l’apparition de nouveaux moyens de transport (trains et bateaux à vapeur) acheminant le courrier postal dans des délais bien plus rapides que les chevaux de poste d’antan.

Pour le cas spécifique du flux informationnel de la Grèce vers la France, il convient de souligner que l’essor de la correspondance particulière n’est pas lié au développement du réseau ferré grec ‒ la première ligne de chemin de fer hellénique ne relie Athènes au Pirée qu’en 1869 ‒ et à son raccordement avec le système ferroviaire européen, en vigueur au début du XXe siècle, mais à la navigation maritime à vapeur, notamment au développement de la compagnie française des Messageries Maritimes ‒ laquelle, créée en 1851, acheminait passagers et courrier postal, en particulier depuis la Grèce (Athènes) vers la France (Marseille), dans des délais toujours plus courts48. Si l’on veut saisir les enjeux de la circulation transnationale d’informations journalistiques entre la Grèce et la France, il faut rappeler qu’une correspondance expédiée par A.-Z. Stéphanopoli depuis Athènes vers Paris pouvait mettre plus de trois semaines pour paraître dans La République française de Léon Gambetta en 187349 et moins de sept jours pour figurer dans les colonnes du même journal en 189350. Ce raccourcissement du délai d’acheminement des nouvelles ‒ plus de deux semaines en vingt ans51 ‒, ainsi que la volonté d’A.-Z. Stéphanopoli d’informer l’opinion française des aspirations irrédentistes de la Grèce et, plus généralement, de son identité politico-culturelle, expliquent que ce dernier ne cessa d’alimenter la presse parisienne de ses « Lettres de Grèce » : entre 1872 ‒ date à laquelle il commença à envoyer ses chroniques au journal de Gambetta ‒ et 1913 ‒ année de sa mort ‒, ce sont plusieurs centaines de correspondances que le publiciste athénien adressa à ses confrères parisiens…

Riches de nouvelles de toutes sortes, ces correspondances présentent l’intérêt d’offrir un contrepoint intéressant aux récits de voyage publiés par des Français attirés par les charmes de la Grèce antique, mais souvent méprisants à l’égard de l’Hellade moderne52, ainsi qu’aux articles savants publiés sur la Grèce contemporaine dans la prestigieuse Revue des Deux Mondes53, sans oublier les reportages envoyés aux salles de rédaction parisiennes à l’occasion de grands événements survenus dans la Grèce du tournant du siècle ‒ comme les premiers Jeux olympiques modernes en 1896, abondamment couverts par la presse française54. De manière générale, les très nombreuses « lettres de Grèce » envoyées à Paris par A.-Z. Stéphanopoli attestent que le correspondant de presse n’est plus « un simple adjuvant de la rédaction d’un journal, recruté au gré des circonstances, mais un acteur essentiel de la diffusion des actualités venues de l’étranger qui occupaient une place croissante dans les colonnes des journaux, mais aussi dans l’horizon d’attente des lecteurs55 ».

Si certaines de ces correspondances portent la signature de leur auteur, la plupart sont anonymes ou écrites sous divers pseudonymes (Aristote, Athénien, Demophile, Timon, Ajax, etc.); elles sont malgré tout identifiables, car elles portent la marque du style du journaliste athénien et/ou diffusent les mêmes informations que celles publiées auparavant dans Le Messager d’Athènes. Ainsi, les festivités du 14 juillet 1880 à Athènes sont évoquées par un certain Demophile, dans sa « Chronique d’Athènes » parue dans Le Voltaire le 29 juillet 1880 (fig. 9), après avoir été décrites dans les mêmes termes par le journal athénien dans le numéro du 3/15 juillet56 (fig. 10). C’est cette « omniprésence diffuse » du publiciste athénien dans la presse parisienne qui fit dire à Charles Maurras, qui le rencontra à l’occasion des Jeux olympiques de 1896, qu’A.-Z. Stéphanopoli, ce « correspondant politique, littéraire et scientifique de plusieurs grandes feuilles françaises » était un « aimable homme » capable de montrer « les aspects [de l’]Athènes ancienne et nouvelle avec le zèle du patriotisme, de la piété et de l’amour57 ».

Sur le plan qualitatif, les correspondances d’A.-Z. Stéphanopoli ressortissent surtout au genre de la chronique politico-diplomatique : le plus souvent, le publiciste athénien évoque la situation politique prévalant en Grèce depuis sa dernière lettre, pour souligner l’intérêt d’un rapprochement diplomatique avec la France, « fille aînée de la Grèce par le courage, le génie et les arts58 ». Mais ses « Lettres d’Athènes » couvrent également un large éventail de sujets, en vertu de la labilité de la correspondance, qui est loin d’être un genre journalistique totalement fixé au tournant du XXe siècle et répondant peu, à ce titre, à des protocoles d’exactitude factuelle59. Aussi les lettres d’A.-Z. Stéphanopoli peuvent-elles se doter d’une dimension échotière ou mondaine lorsqu’elles évoquent les affaires royales de Grèce, se charger d’une dimension littéraire lorsqu’elles retracent la naissance de la littérature néo-hellénique ‒ et ses liens de dépendance étroits avec les lettres françaises ‒, d’une dimension sociale lorsqu’elles renvoient à la lutte contre le fléau du brigandage ‒ réfutant les propos d’E. About qui avait affirmé dans La Grèce contemporaine (1854) que la Grèce était infestée de bandits ‒, voire ethnologique lorsque le publiciste athénien souligne la perpétuation des coutumes grecques, de l’Antiquité à nos jours ‒ pour mettre l’accent, avec l’historien grec Constantin Paparrigopoulos, sur la continuité plurimillénaire de la civilisation hellénique.

Copie d'un article du Messager d'Athènes paru dans Le Siècle le 12 juin 1912

Fig. 8 : Le Messager d’Athènes cité dans le journal Le Siècle en 1912 (Source : Retronews

Le caractère hybride des correspondances d’A.-Z. Stéphanopoli transparaît à la lumière des intertitres de cette « Chronique d’Athènes », parue dans le quotidien parisien Le Voltaire le 16 juillet 1881, qui « recycle » des articles parus auparavant dans Le Messager d’Athènes60 (fig. 11 et 12)  : le roi et la reine de Grèce ‒ et leurs relations avec une population aux aspirations démocratiques; l’arbitrage ‒ de la France envers la Grèce à propos du rattachement de la Thessalie, conformément aux dispositions du traité de Berlin (1878); l’armée grecque ‒ et la valeur des soldats grecs formés à l’européenne; le mot grec comme synonyme de tricheur au jeu… Dans la dernière partie de cette chronique emblématique de sa production journalistique, A.-Z. Stéphanopoli glose sur l’une des acceptions du mot « grec » d’après la première édition du Dictionnaire de l’Académie française (1694), pour noter que le sens assez rare d’« habile » a encore dégénéré, au grand dam des Hellènes, pour désigner, depuis le milieu du XVIIIe siècle, toute personne usant de moyens malhonnêtes pour tricher au jeu… Comme on le voit, A.-Z. Stéphanopoli aborde tous types de sujets dans ses correspondances, même si la situation politico-diplomatique de la Grèce et l’agrandissement des frontières du pays restent ses objets de préoccupation constants. Montrer, à grand renfort de lettres adressées aux journaux parisiens, que la Grèce moderne n’était pas ce pays où « le passé fera[it] toujours tort au présent61 », mais un État-nation sur la voie de la modernité, et dont les frontières devaient être élargies pour constituer un avant-poste de la civilisation occidentale en Méditerranée orientale, tel fut, durant sa carrière journalistique, l’objectif avoué d’A.-Z. Stéphanopoli.

Copie d'un article du Voltaire sur les festivités du 14 juillet à Athènes

Fig. 9 : Le 14 juillet 1880 à Athènes dans Le Voltaire (Source : Retronews

Pour soutenir les aspirations irrédentistes du royaume de Grèce, le publiciste athénien, qui fut, on l’a vu, le directeur de la succursale grecque de l’agence Havas avant de fonder sa propre agence de presse au tournant du XXe siècle, eut aussi recours à la pratique de la dépêche qui incarnait, aux yeux de ses contemporains, « une communication rapide et affranchie des contraintes spatiales62 ». Cette nouvelle rubrique du journal était rendue possible par l’apparition du télégraphique électrique en Grèce. Dès 1859, soit l’année où les trois grandes agences de presse européennes (Havas, Reuters, Wolff) formaient un cartel pour se répartir le marché européen de l’information, deux lignes télégraphiques terrestres (Athènes-Patras et Athènes-Le Pirée) voyaient le jour dans le pays, ainsi qu’une ligne télégraphique sous-marine (Le Pirée-Syros). Rapidement prolongée vers l’île de Chios pour se ramifier ensuite vers Smyrne et Constantinople, d’un côté, et Alexandrie, de l’autre, cette ligne télégraphique était la première à relier la Grèce à l’étranger (Empire ottoman)63. Pour ce qui est de la liaison télégraphique entre la Grèce et la France, il fallut attendre les années 1870 pour que les deux pays soient enfin reliés, ce qui poussa A.-Z. Stéphanopoli à fonder un embryon d’agence télégraphique, subventionnée par l’État grec, dès décembre 1876.

Festivités du 14 juillet décrites dans le Messager d'Athènes

Fig. 10 : Le 14 juillet 1880 à Athènes paru dans le Messager d’Athènes (Source : Bibliothèque du Parlement hellénique) 

Beaucoup plus complexe que ne le laissent penser sa brièveté et sa platitude descriptives, la dépêche permit au publiciste athénien de faire passer maints messages implicites à l’opinion française ‒ tant il est vrai que cette forme de communication, « sobre et dédaigneuse des vains ornements », pouvait être « parfois voilée comme les oracles64 ». En revanche, certaines dépêches d’A.-Z. Stéphanopoli pouvaient être explicites, voire adopter un style volontiers exhortatif. Ainsi, dans une dépêche envoyée au Temps le 23 octobre 1888, l’homme de presse athénien écrivait en sa qualité de président de la Chambre française de commerce d’Athènes-Pirée :

« La chambre française de commerce à Athènes a adressé au ministre de France un rapport dans lequel elle demande, dans l’intérêt de la France, que la convention commerciale franco-grecque soit votée. Le Messager d’Athènes recommande vivement l’adoption de cette convention, ainsi que celle de la convention relative aux fouilles de Delphes, comme nécessaires au maintien de l’influence française65 (fig. 13). »

Où l’on voit que la dépêche était un moyen, pour A.-Z. Stéphanopoli, de resserrer les liens entre la Grèce et la France et de conseiller habilement le gouvernement de la IIIe République…

Copie d'une page du Voltaire

Fig. 11 : « Le mot grec comme synonyme de tricheur au jeu », correspondance parue dans Le Voltaire (Source : Bibliothèque du Parlement hellénique) 

Durant sa carrière d’agencier, A.-Z. Stéphanopoli se servit constamment de cette nouvelle communication journalistique qui se jouait des contraintes spatio-temporelles et participait d’un « maillage du monde » en favorisant la vitesse de transmission des nouvelles d’un pays ‒ voire d’un continent ‒ à l’autre. C’est ce primat de la vitesse, corollaire de la course à l’exclusivité entre journaux et (grandes) agences, qui poussait un représentant de Havas à lui écrire le 4 mai 1888 :

« La rapidité dans les informations télégraphiques devenant de plus en plus une des conditions essentielles d’un bon service et, d’autre part, les journaux de tous les pays suivant avec un très grand intérêt les faits divers importants qui se produisent à l’étranger et en étant rapidement informés par leurs correspondants spéciaux, nous venons vous prier de bien vouloir signaler aux agences dont la liste [suit] les faits divers très importants, les nouvelles internationales graves, les nouvelles particulières concernant exclusivement l’un des pays de notre liste66. »

Copie d'une page du Messager d'Athènes qui présente le même article que celui dans l'image précédente

Fig. 12 : « Le mot grec comme synonyme de tricheur au jeu », article paru dans Le Messager d’Athènes 

Tout au long de sa carrière, A.-Z. Stéphanopoli respecta scrupuleusement cette consigne. Aussi privilégia-t-il la dépêche à la correspondance de presse dès que la vitesse de transmission d’une information ‒ quelques minutes via le télégraphe électrique ‒ primait sur une analyse de fond de l’actualité. C’est ce que montre cette dépêche reproduite dans Le Temps le 7 juin 1885, dans laquelle le publiciste athénien s’employait à désamorcer une éventuelle crise diplomatique entre la Grèce et la France à propos d’une antiquité volée par un domestique grec travaillant à l’École française d’Athènes :

« Une dépêche d’Athènes, adressée à l’agence Havas, dément que M. de Moüy, ministre [ambassadeur] de France, ait envoyé une note pour réclamer des antiquités découvertes dans les fouilles de Béotie et saisies chez un domestique de l’École française. Les rapports entre l’école, la légation [ambassade] de France et le gouvernement [grec] n’ont jamais été meilleurs67. »

Dépêche qui présente l'opinion du Messager d'Athènes, parue le 23 octobre 1888 dans Le Temps

Fig. 13 : Dépêche d’A.-Z. Stéphanopoli dans Le Temps du 23 octobre 1888 (Source : Retronews)

De même, lorsqu’il s’agit d’annoncer des événements aussi importants que le projet de loi adopté par le gouvernement grec, relatif aux fouilles de Delphes envisagées par l’École française d’Athènes68, ou la victoire du Grec Spyros Louÿs au premier marathon des Jeux olympiques modernes69, A.-Z. Stéphanopoli recourut au format court de la dépêche, quitte à revenir plus longuement sur l’un ou l’autre de ces événements dans ses correspondances ultérieures. Malgré sa diligence, le publiciste athénien ne fut pas toujours le premier à informer l’opinion française des derniers développements de l’actualité grecque. C’est ce que montre cette lettre envoyée par Henri Houssaye, alors bras droit d’Édouard Lebey à la tête de l’agence Havas70, à son homologue de l’Agence hellénique, le 7 août 1893, à propos de l’ouverture du canal de Corinthe :

« Cher Monsieur, nous regrettons que vous nous ayez télégraphié si tardivement les détails de l’inauguration du canal de Corinthe. Cette inauguration ayant eu lieu hier matin à 11 h, nous pensons que vous auriez pu déposer votre dépêche bien avant 2 h 30 du matin. Cela nous a valu d’être devancés par la concurrence, et à Paris et à Rome, qui nous ont télégraphié à plusieurs reprises pour nous demander les causes de ce retard71. »

Malgré ces déboires ponctuels, on peut dire qu’A.-Z. Stéphanopoli joua un rôle majeur dans la circulation de l’information par voie de presse depuis la Grèce vers la France, ce qui lui valut d’être considéré comme un artisan de « l’union cordiale entre la Grèce et la France72 ». Aussi était-il présenté, peu après sa disparition, comme « un bon Français et un bon Hellène à la fois73 ».

De la circulation à la viralité de l’information, de la Grèce vers la France, à l’aube du XXe siècle

Comme on l’a vu, la mondialisation médiatique très européocentrée, qui connaissait une phase de développement accéléré au XIXe siècle, engendra l’expansion de réseaux d’information interconnectés, inédits dans leur capacité à relier les lecteurs, notamment grecs et français, par le biais de la correspondance ou de la dépêche télégraphique ‒ pour ne donner que ces deux exemples de communication journalistique moderne. Une fois parvenue en France, une information envoyée depuis la Grèce par A.-Z. Stéphanopoli ne tardait guère, de surcroît, à se diffuser d’un journal français à l’autre. Pour prendre la mesure de cette « viralité informationnelle » entre les deux pays, il convient de rappeler que les journalistes européens avaient déjà largement intégré des pratiques de « copier-coller » et que certaines microformes journalistiques (nouvelles, petits faits divers, déclarations de personnalités publiques, etc.) migraient d’une feuille à l’autre, sans que cette intertextualité pose de problème aux lecteurs des journaux74.

Donnons quelques exemples de cette « contagion informationnelle » de la Grèce vers la France au tournant du XXe siècle. Le 1er octobre 1887, l’archéologue français Gustave Fougères faisait parvenir, à la demande d’A.-Z. Stéphanopoli, une note sur les fouilles archéologiques qu’il venait d’effectuer à Mantinée (Arcadie) pour le compte de l’École française d’Athènes; au cours desdites fouilles, il avait notamment découvert un bas-relief représentant une joute musicale entre le dieu Apollon et le satyre Marsyas. A.-Z. Stéphanopoli faisait aussitôt paraître cette nouvelle importante dans Le Messager d’Athènes, puis la transmettait aux journaux français, vraisemblablement par le biais d’une correspondance ‒ à moins que les quotidiens parisiens n’eussent puisé l’information dans la feuille athénienne pour alimenter leur revue de la presse internationale. Facilement reproductible en raison de son caractère factuel, la nouvelle était ensuite diffusée telle quelle dans plusieurs quotidiens de la capitale : Le Temps, L’Univers, La Justice, Le Rappel75. La publication « virale » de cette nouvelle à caractère archéologique est symptomatique de l’ère de la vitesse dans laquelle est entrée la civilisation du journal : rappelons que l’Institut archéologique allemand d’Athènes (créé en 1872) et l’École française d’Athènes (fondée en 1846) se livraient alors à une âpre concurrence pour mettre au jour les trésors archéologiques de la Grèce ancienne et que les journaux français relayaient à l’envi cette rivalité scientifique sur fond de revanche française après la défaite contre la Prusse (1870)…

Autre exemple éloquent : le 4 novembre 1892, Le Temps publiait des « Lettres d’Athènes » écrites le 29 octobre par A.-Z. Stéphanopoli. Dans sa correspondance, le journaliste athénien décrivait les festivités organisées dans la capitale du royaume hellénique à l’occasion des noces d’argent du couple royal grec, avant de conclure sa chronique par la mention d’une missive envoyée par le président français Sadi Carnot au roi Georges Ier de Grèce76. Aussitôt, la nouvelle était reproduite presque mot pour mot dans plusieurs journaux parisiens (Le Journal, L’Économiste européen77) et provinciaux. Sans doute à court de matière informative, le quotidien catholique lavallois La Mayenne prenait même soin d’indiquer qu’il tirait l’information du Journal de Fernand Xau78

Dernier exemple de cette viralité informationnelle de la Grèce vers la France : en 1907, en pleine « querelle de la langue79 », A.-Z. Stéphanopoli, qui était un farouche défenseur du grec savant, s’en prenait aux partisans du grec démotique, notamment au plus connu d’entre eux, Jean Psichari, le gendre de Renan, qui enseignait à l’École spéciale des langues orientales vivantes (Paris). Né à Constantinople, dans le quartier grec de Galata, Psichari était accusé par l’éditeur du Messager d’Athènes d’écrire un « affreux patois », et non un grec châtié, puisant à pleine plume dans la langue des anciens écrivains80. L’expression « patois de Galata » devint aussitôt « virale » en France : après avoir donné lieu à un droit de réponse cinglant du titulaire de la chaire de grec moderne à Paris81, elle se retrouva très vite dans les colonnes de nombreux journaux parisiens et provinciaux82!

Née sous la plume du publiciste athénien, cette expression ne fut pas la seule à se répandre comme une traînée d’encre de la Grèce vers la France; en 1912, la fille d’A.-Z. Stéphanopoli, qui s’apprêtait à prendre les rênes du Messager d’Athènes, réussit, elle aussi, à imposer une expression d’origine grecque à la presse française : celle de « diadoques » ‒ pour désigner, non les successeurs d’Alexandre le Grand, mais les princes héritiers du royaume de Grèce. L’expression fit aussitôt florès et se retrouva dans nombre de journaux parisiens et provinciaux, comme le montre cet extrait de La République française :

« Il n’est pas sans intérêt de spécifier que c’est à une femme de lettres, Mme Stéphanopoli, directrice à Athènes d’un journal rédigé en français, que l’on doit la résurrection du mot : diadoque, qui veut dire : héritier, successeur. Mme Stéphanopoli mène depuis plusieurs années, à Athènes, une campagne très active pour le retour aux expressions usitées dans l’ancienne Grèce. Selon elle, la langue grecque est assez riche pour n’avoir pas besoin d’emprunter aux autres nations des termes dont elle possède l’équivalent83. »

Que les Stéphanopoli père et fille aient réussi à imposer des expressions françaises d’origine grecque à l’opinion parisienne, voilà qui témoigne de l’importance du phénomène de la viralité informationnelle, de la Grèce vers la France, à l’aube du XXe siècle.

Éléments de conclusion

Au terme de cette étude de cas portant sur l’homme de presse français d’origine grecque A.-Z. Stéphanopoli, il est possible de tirer quelques conclusions sur la circulation transnationale de l’information, de la Grèce vers la France, au tournant du XXsiècle ‒ laquelle, on l’a vu, prend parfois l’allure d’une contagion informationnelle entre les deux pays.

Pour le récepteur de ces flux d’informations, on peut dire que la « révolution médiatique » qui s’opère tout au long du XIXe siècle induit un nouveau mode de consommation de l’imprimé périodique. Alors qu’en Occident, le journal quotidien modifiait en profondeur la vie politique, sociale et même familiale, le lecteur de la presse gagnait la possibilité d’être relié à toute l’Europe en découvrant de nouvelles issues de ses confins. En lisant les informations diffusées depuis la Grèce par A.-Z. Stéphanopoli, le lecteur de journaux français découvrait ainsi un pays considéré traditionnellement comme le berceau de la civilisation européenne, mais à l’origine du fameux « mirage grec84 » ‒ entendons par là, le décalage entre une Grèce rêvée, tenant lieu de patrie mentale, et une Grèce réelle, objet de toutes les déceptions, comme l’avait souligné avec force Edmond About dans son pamphlet La Grèce contemporaine (1854).

Pour l’émetteur de ces flux d’informations, on peut dire que la civilisation du journal, qui basculait dans une nouvelle ère grâce à l’interconnexion croissante des journaux, joua un rôle majeur dans la « médiatisation » des aspirations nationales. C’était d’autant plus vrai pour un petit État-nation d’Europe du Sud-Est, dont les frontières s’élargissaient au gré du rattachement de contrées peuplées de Grecs irrédimés ‒ du temps d’A.-Z. Stéphanopoli, l’Épire, la Macédoine et la Crète (1913). À une époque où le « principe des nationalités » s’apprêtait à se transformer en « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », on peut dire qu’A.-Z. Stéphanopoli comprit très vite que la circulation transnationale de l’information pouvait être utilisée à des fins de propagande pour servir les intérêts nationaux grecs. Aussi le but de toute sa vie fut-il de « faire connaître la petite Grèce à la grande France85 », afin que la fille aînée de la Grèce puisse venir au secours de sa mère intellectuelle et servir au mieux ses aspirations nationales ‒ et, au sens large, son identité culturelle.

Notes

1 Le présent article est issu de recherches que nous menons sur l’homme de presse A.-Z. Stéphanopoli dans le cadre d’un programme sur les médiateurs culturels entre Grèce, France et autres pays européens de 1830 à 1974 (École française d’Athènes/Fondation Nationale de la Recherche Scientifique grecque; directrice du projet : Ourania Polycandrioti). Ces recherches donneront lieu à la parution d’une monographie.

2 Sur la presse francophone grecque, voir Despina Provata : « La presse francophone grecque. Revendications nationales et ouverture vers l’Europe », dans Jean-Yves Empereur et Marie-Delphine Martellière (dir.), Presses allophones de Méditerranée, Alexandrie : Centre d’Études alexandrines – Paris : De Boccard, 2017, p. 281-296. Voir aussi, de la même auteure, « La presse francophone grecque de la première moitié du XXe siècle », Cahiers balkaniques [En ligne], 47 | 2020.

3 Loukia Droulia et Gioula Koutsopanagou (dir.), Εγκυκλοπαίδεια του Ελληνικού Τύπου 1784-1974 [Encyclopédie de la presse hellénique, ci-après EPH), Athènes : Fondation Nationale de la Recherche Scientifique (EIE/FNRS), Institut de Recherches Néo-helléniques, 2008, t. 4, p. 135-136.

4 Archives Stéphanopoli (Archives historiques du musée Bénaki, no 200).

5 Havas et agence d’Athènes 1876-1921 (Archives nationales de France, fonds de l’agence Havas, branche information, partie 1, 5ar/72, 5ar/73 et 5ar/74).

6 Sur le concept de « viralité », nous renvoyons aux travaux du collectif universitaire Roy Pinker, notamment à Fake news et viralité avant internet : les lapins du Père-Lachaise et autres légendes médiatiques, Paris : CNRS Éditions, 2020.

7 Delphine Diaz et Renaud Meltz (dir.), Mondialisation de l’information : la révolution médiatique du XIXe siècle, Monde(s), no 16, Presses Universitaires de Rennes, novembre 2019.

8 Marie-Ève Thérenty et Sylvain Venayre (dir.), Le monde à la une. Une histoire de la presse par ses rubriques, Paris : Anamosa, 2021.

9 Sur la correspondance et la dépêche télégraphique, voir les articles de Guillaume Pinson et Lisa Bolz, dans Thérenty et Venayre (dir.), op. cit., p. 42-48 et p. 104-110.

10 Sophie Basch, Le Mirage grec. La Grèce moderne devant l’opinion française depuis la création de l’École d’Athènes jusqu’à la guerre civile grecque : 1846-1946, Paris : Hatier; Athènes : Kauffmann, 1995.

11 Sur la « Grande Idée » (« Megali Idea »), projet irrédentiste consistant à réunir tous les Grecs dans un même État-nation ‒ s’étendant, dans sa version ultime, sur cinq mers et deux continents, avec Constantinople pour capitale ‒, voir notamment Marc Terrades, Le Drame de l’hellénisme : Ion Dragoumis (1878-1920) et la question nationale en Grèce au début du XXe siècle, Paris : L’Harmattan, « Études grecques », 2005.

12 Sur l’intervention de la France, la Grande-Bretagne et la Russie lors de la bataille navale de Navarin (20 octobre 1827), voir notamment Anne Couderc, « L’Europe et la Grèce, 1821-1830. Le Concert européen face à l’émergence d’un État-nation », Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, no 42, 2015/2, p. 47-74.

13 Pour une biographie d’A.-Z. Stéphanopoli, voir notre notice sur le site Anavathmis : https://mediators.anavathmis.eu/record/?id=39. Pour une étude générale sur le journalisme grec au tournant du XXe siècle, voir Nikos Bakounakis, Δημοσιογράφος ή ρεπόρτερ. Η αφήγηση στις ελληνικές εφημερίδες, 19ος-20ός αιώνας [Journaliste ou reporter. Le récit dans les journaux grecs, XIXe - XXe siècles], Athènes : Polis, 2014.

14 EPH, t. 4, p. 135, p. 413-414 et p. 422-423. Sur les journaux bilingues grecs, voir Despina Provata, « Le grec et le français à la Une », Rives méditerranéennes, 63 | 2022, p. 43-59.

15 Sur ce journal, voir Kostas Mayer, Ιστορία του ελληνικού τύπου, 1790-1900 [Histoire de la presse grecque, 1790-1900], t. 1, Athènes : A. Dimopoulos, 1957, p. 158-160 ; Vasso Mentzou, « Ο ξενόγλωσσος ελληνικός τύπος » [« La presse allophone grecque »], dans Loukia Droulia (dir.), Ο ελληνικός τύπος από το 1784 έως σήμερα. Ιστορικές και θεωρητικές προσεγγίσεις [La Presse grecque de 1784 à nos jours. Approches historiques et théoriques], Athènes : EIE/FNRS, 2005, p. 104-106; Joëlle Dalègre, « Le Messager d’Athènes ou la défense de l’hellénisme », Cahiers balkaniques [En ligne], 47 | 2020. Voir enfin EPE, t. 4, p. 431-432.

16 Provata, art. cit., 2017.

17 Antonis Skamnakis, Πολιτική και ΜΜΕ στη σύγχρονη Ελλάδα (1821-1940) [Politique et médias en Grèce moderne (1821-1940)], Thessalonique, Zygos, [2018] 2020, p. 172.

18 Archives Stéphanopoli (doc. 501).

19 Basch, op. cit., p. 198-204.

20 Le Temps, 22 janvier 1888, p. 2; L’Estafette, 27 mai 1888, p. 1; Le Temps, 9 novembre 1889, p. 2.

21 Les correspondances d’A.-Z. Stéphanopoli dans La République française s’étalent sur une durée de trente ans, du 28 août 1872 au 14 décembre 1902. Elles s’élèvent à plusieurs centaines de « Lettres de Grèce »; elles sont en cours de dépouillement par nos soins. À l’heure où nous écrivons ces lignes, nous pensons que, bien qu’anonymes, elles furent toutes écrites de la main d’A.-Z. Stéphanopoli.

22 Le Journal, « Lettre d’Athènes », 5 et 12 novembre 1892.

23 Le Signal, « Lettre d’Athènes », 12 janvier, 26 février et 21 mars 1896, p. 2-3. On trouve aussi une « Lettre d’Athènes » signée « Steph. » dans Le Signal du 22 décembre 1895, p. 2-3.

24 Le Temps, « Lettres de Grèce », 2 janvier 1894, p. 2; « Lettres de Grèce », 17 mars 1896, p. 2; « Lettres de Grèce », 3 juin 1897, p. 1-2.

25 A.-Z. Stéphanopoli, « En Grèce », La Nouvelle Revue, 1er novembre 1896, p. 84-97. Cet article de fond parut simultanément en Grèce dans une brochure intitulée Le Facteur grec dans le problème oriental (Athènes : Anestis Constantinidis, 1896).

26 Sur le mishellénisme propagé en France par l’ouvrage d’E. About, voir Basch, op. cit., p. 79-128.

27 Michael B. Palmer, Des petits journaux aux grandes agences. Naissance du journalisme moderne, Paris : Aubier, 1983, p. 66-67.

28 EPH, t. 4, p. 135-136.

29 La République française, 8 février 1887, p. 1.

30 Palmer, op. cit.

31 Havas et agence d’Athènes (5ar/72, doc. 404; 5ar/73, doc. 129).

32 Archives Stéphanopoli (doc. 467 et 473).

33 Skamnakis, op. cit., p. 173-175.

34 Ibid.

35 Havas et agence d’Athènes (5ar/74, doc. 316).

36 La légation (ambassade) de France en Grèce prit ainsi le soin de recueillir tous les numéros du Messager d’Athènes. Quant à Olivier d’Ormesson, ministre (ambassadeur) de France à Athènes de 1897 à 1903, il demanda à A.-Z. Stéphanopoli de lui faire parvenir en février 1903 tous ses articles sur l’Épire pour en faire un recueil destiné au Quai d’Orsay (archives Stéphanopoli, doc. 625 et 672).

37 Le Gaulois, 23 février 1913, p. 2; L’Action française, 23 février 1913, p. 2; L’Univers, 24 février 1913, p. 2; Le Figaro, 23 février 1913, p. 3; Comoedia, 23 février 1913, p. 3; Le Temps, 23 février 1913, p. 4.

38 Diaz et Meltz (dir.), op. cit., p. 22.

39 Ibid., p. 25.

40 Ibid., p. 12.

41 Archives Stéphanopoli (lettre de Louis Blanc à A.-Z. Stéphanopoli en date du 24 juillet 1875, doc. 446).

42 Archives Stéphanopoli (lettre de Louis Andrieux à A.-Z. Stéphanopoli en date du 6 décembre 1876, doc. 453; lettre de Jules Simon à A.-Z. Stéphanopoli en date du 20 juin 1879, doc 486).

43 Boris Dänzer-Kantof et Sophie Nanot, De Mata Hari à Internet. Le roman vrai de l’Argus de la Presse, Paris : Hervas, 2000. Les archives Stéphanopoli attestent que l’homme de presse athénien se fit envoyer par l’Argus et le Courrier de la Presse toutes sortes de coupures sur la Grèce pour exercer un éventuel droit de réponse.

44 Le Messager d’Athènes, 11/23 décembre 1880, p. 3. Notons que la date de publication du Messager d’Athènes est indiquée à la fois en vieux style (calendrier julien) et en nouveau style (calendrier grégorien) jusqu’en 1924, date à laquelle le calendrier grégorien remplace définitivement le calendrier julien en Grèce.

45 Source : BNF (Retronews).

46 Diaz et Meltz (dir.), op. cit., p. 19.

47 Pinson, dans Thérenty et Venayre (dir.), art. cit., p. 106.

48 Sur ce point, voir Marie-Françoise Berneron-Couvenhes, Les Messageries Maritimes : l’essor d’une grande compagnie de navigation française, 1851-1894, Paris : PUPS, 2007.

49 La République française, « Lettres de Grèce », 29 janvier 1873, p. 2. (Cette lettre de Grèce est datée du 6 janvier 1873, ce qui indique qu’elle a mis vingt-trois jours pour paraître dans le journal de Gambetta.)

50 La République française, « Lettres de Grèce », 8 mars 1893, p. 2. Datée du 2 mars 1893, cette correspondance met donc six jours à figurer dans les colonnes de l’organe de Gambetta.

51 En avril 1896, les Lettres des Jeux olympiques envoyées par Charles Maurras à La Gazette de France mettent un peu plus d’une semaine à paraître dans le journal de Gustave Janicot. Ainsi, la lettre décrivant l’épreuve reine du marathon (10 avril 1896) est publiée dans le quotidien parisien le 19 avril, soit neuf jours après l’événement. Quant aux correspondances les plus rapides d’A.-Z. Stéphanopoli, elles mettent environ une semaine à paraître dans la presse française, après avoir sans doute été transportées sur l’un des paquebots-poste affrétés par la Compagnie des Messageries Maritimes (Le Pirée-Marseille) puis en train, par le Paris-Lyon-Marseille (PLM), de Marseille à Paris.

52 Basch, op. cit.

53 Directeur de l’École française d’Athènes de 1867 à 1875, l’helléniste Émile-Louis Burnouf (1821-1907) publia ainsi plusieurs articles sur la Grèce contemporaine dans la Revue des Deux Mondes. Sur l’image de la Grèce dans ce périodique, voir notamment Ourania Polycandrioti, « Greek identities and French politics in the Revue des Deux Mondes (1846–1900) », dans Georgia Gotsi et Despina Provata (dir.), Languages, Identities and Cultural Transfers. Modern Greeks in the European Press (1850–1900), Amsterdam : Amsterdam University Press, 2022, p. 65–82.

54 À titre d’exemple, Raoul Fabens couvrit les Jeux d’Athènes pour La Nouvelle Revue de Juliette Adam; Gustave Larroumet fut envoyé en Grèce par le journal Le Temps et publia ses articles dans le recueil Vers Athènes et Jérusalem, journal de voyage en Grèce et en Syrie, Paris : Hachette, 1898.

55 Diaz et Meltz (dir.), op. cit., p. 23.

56 Le Messager d’Athènes, 3/15 juillet 1880, p. 3-4.

57 Charles Maurras, Anthinéa, Paris : Flammarion et Champion, [1901] 1912, p. 107.

58 François-René de Chateaubriand, Note sur la Grèce (1825), dans Œuvres complètes, Paris : Pourrat frères éditeurs, 1836, p. LXII.

59 Pinson, dans Thérenty et Venayre (dir.), op. cit., p. 107.

60 L’article « Du mot grec comme synonyme de tricheur au jeu » paraît dans Le Messager d’Athènes en date du 15/27 octobre 1877 (p. 4-5), ce qui laisse supposer qu’A.-Z. Stéphanopoli « recycle » ses articles dans la presse française, parfois plusieurs années après les avoir publiés en Grèce.

61 Edmond About, La Grèce contemporaine, Paris : Hachette [1854] 1863, p. 7.

62 Lisa Boltz, dans Thérenty et Venayre (dir.), op. cit., p. 44.

63 Skamnakis, op. cit., p. 172-175.

64 Ibid., p. 47.

65 Le Temps, 23 octobre 1888, p. 2.

66 Agence Havas et Athènes (5ar/73, doc. 72).

67 Le Temps, 7 juin 1885, p. 2.

68 Le Temps, 11 mars 1891, p. 6.

69 Le Temps, 20 avril 1896, p. 2.

70 Sur ce point, voir Pierre Frédérix, Un siècle de chasse aux nouvelles : de l’Agence d’information Havas à l’Agence France-Presse (1835-1957), Paris : Flammarion, 1959.

71 Havas et agence d’Athènes (5ar/73, doc. 450).

72 Comœdia, 23 février 1913, p. 3.

73 Le Gaulois, 23 février 1913, p. 2.

74 Guillaume Pinson et Julien Schuh, « Les nouvelles “virales” de la presse du XIXe siècle » (https://www.retronews.fr/edito/les-nouvelles-virales-de-la-presse-du-xixeme-siecle)

75 Le Temps, 13 octobre 1887, p. 2; L’Univers, 14 octobre 1887, p. 3; La Justice, 14 octobre 1887, p. 3; Le Rappel, 14 octobre 1887, p. 2.

76 Le Temps, 4 novembre 1892, p. 2.

77 Le Journal, 5 novembre 1892, p. 3; L’Économiste européen, 6 novembre 1892, p. 25.

78 La Mayenne, 8 novembre 1892, p. 1.

79 La « querelle de la langue » désigne la situation de diglossie où a vécu la Grèce, entre la naissance de l’État grec moderne (1830) et la chute de la dictature des colonels (1974). Entre ces deux dates, deux langues sont utilisées concurremment en Grèce : le grec savant et le grec démotique. C’est le grec démotique (vernaculaire) qui finit par s’imposer, en 1974, comme langue officielle du pays.

80 Le Messager d’Athènes, 13 mai et 8 juin 1907.

81 Le Courrier européen, 12 juillet 1907, p. 4.

82 Journal des débats politiques et littéraires, 24 juillet 1907, p. 2; Mercure de France, 15 août 1907, p. 162; La République française, 26 novembre 1907, p. 1; Le Signal, 27 novembre 1907, p. 1; La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, 27 novembre 1907, p. 1; L’Estafette, 28 novembre 1907, p. 1; La Justice, 28 novembre 1907, p. 1; Le Voltaire, 28 novembre 1907, p. 1; Le Petit Caporal, 28 novembre 1907, p. 1.

83 La République française, 25 novembre 1912, p. 1. Le mot « diadoque » apparaît, dans son sens « restauré » par Jeanne Stéphanopoli, dans maints journaux français : Le Petit Marseillais, 17 novembre 1912, p. 1; Le Gaulois, 21 novembre 1912, p. 1; Le Petit Moniteur universel, 25 novembre 1912, p. 2; Le Petit Caporal, 25 novembre 1912, p. 2.

84 Basch, op. cit.

85 L’expression est du journaliste français Jean Leune (1889-1944) à propos du rôle médiatique joué par A.-Z. Stéphanopoli (archives Stéphanopoli, dossier 10, doc. 13).

Pour citer ce document

Loïc Marcou, « Circulation et viralité de l’information de la Grèce vers la France au tournant du XXe siècle: le cas de l’homme de presse français d’origine grecque, A.-Z. Stéphanopoli (1839-1913) », Presses anciennes et modernes à l'ère du numérique, actes du congrès Médias 19 - Numapresse (Paris, 30 mai-3 juin 2022), sous la direction de Guillaume Pinson et Marie-Eve Thérenty Médias 19 [En ligne], Dossier publié en 2024, Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/publications/presses-anciennes-et-modernes-lere-du-numerique/circulation-et-viralite-de-linformation-de-la-grece-vers-la-france-au-tournant-du-xxe-siecle-le-cas-de-lhomme-de-presse-francais-dorigine-grecque-z-stephanopoli-1839-1913